La Troisième Commission appelle à la protection des droits humains dans le contexte des technologies numériques
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a continué, aujourd’hui, de se prononcer sur ses projets de résolution, adoptant 12 textes, dont un inédit sur la promotion et protection des droits humains dans le contexte des technologies numériques.
Adopté par consensus, ce projet demande à tous les États Membres de prévoir des sanctions effectives et des voies de recours pour protéger les personnes contre les violations des droits humains dans l’environnement numérique. Ce projet engage également les plateformes en ligne à veiller à ce que leurs opérations commerciales, leur collecte de données et leurs pratiques soient conformes aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.
Malgré son caractère inédit, plusieurs États ont tenu à nuancer la portée de ce texte, à l’instar de Singapour qui a regretté qu’un manque de volonté, durant les négociations, ait empêché d’ajouter certains libellés concernant le rôle de l’État en matière de lutte contre la désinformation et la mésinformation. La Jamaïque, appuyée par l’Égypte, a recommandé pour sa part de tenir compte des négociations que mène le Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles.
La thématique relative aux droits des femmes et des filles a également vu s’affronter des approches opposées. Bien que le projet qui recommande à l’Assemblée générale de célébrer le trentième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes en tenant une réunion de haut niveau en marge du débat général de sa quatre-vingtième session ait été adopté par consensus, le Canada a déploré une « résistance systématique » à l’encontre des droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles. Une position partagée par le Royaume-Uni, qui a brandi le chiffre de 4,3 milliards de personnes n’ayant pas accès aux services de santé sexuelle et reproductive.
Cette problématique a également été soulevée au cours des échanges relatifs au projet de résolution sur la « Mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant: situations de risque et situations d’urgence humanitaire ».
Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, au nom d’un groupe de pays, ont en outre plaidé en faveur de l’établissement d’un lien plus robuste entre maladies rares et handicaps, lors de l’adoption du texte « Remédier aux difficultés rencontrées par les personnes atteintes d’une maladie rare et leur famille », lequel encourage notamment les États Membres à mettre en place des programmes nationaux pérennes consacrés aux maladies non diagnostiquées, et leur demande d’enrayer le phénomène catastrophique des dépenses de santé directes pour les personnes atteintes de maladies rares et leur famille.
La Troisième Commission a également fait sien le projet de résolution intitulé « Promouvoir l’intégration sociale par l’inclusion sociale » qui encourage les États Membres à améliorer la collecte et l’utilisation d’indicateurs supplémentaires relatifs au bien-être de base et à la privation des besoins humains de base afin de saisir l’ampleur de la pauvreté multidimensionnelle.
Le projet sur « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité », engage pour sa part les États à prendre des mesures adaptées pour les protéger face aux procès-bâillons, et leur demande en outre de prendre en considération leur rôle particulier quand ils assurent la couverture des manifestations et d’assurer leur sécurité, même lorsqu’une manifestation a été déclarée illégale.
Présenté par la Zambie, au nom du Groupe des États d’Afrique, le projet de résolution sur le rapport du Conseil des droits de l’homme a été adopté, quant à lui, par 109 voix pour, 4 voix contre (Bélarus, Israël, Nicaragua, et Fédération de Russie) et 63 abstentions à l’issue de l’unique mise aux voix de cette séance. Le Nicaragua et Israël ont notamment déploré une instrumentalisation des droits humains.
La Troisième Commission a en revanche avalisé par consensus le projet sur le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
Il en a été de même pour les projets de résolution sur la « Liberté de religion ou de conviction », la « Lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence fondés sur la religion ou la conviction » et la « Promotion effective de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ». Le texte sur le « Terrorisme et les droits humains » a lui aussi été adopté sans vote.
En début de séance, la Troisième Commission a achevé l’audition des explications de position suite à l’adoption, vendredi dernier, du projet de résolution sur l’amélioration de la coordination de l’action contre la traite des personnes.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 15 novembre, à partir de 10 heures.
DÉCISION SUR LES PROJETS DE RÉSOLUTION
Prévention du crime et justice pénale
Suite et fin des explications de position sur le projet (A.C.3/78/L.12/Rev.1)
Après l’adoption par consensus, vendredi 10 novembre, du projet de résolution intitulé « Amélioration de la coordination de l’action contre la traite des personnes » (A/C.3/78/L.12/Rev.1), l’Ukraine a estimé que la crédibilité du Bélarus, auteur du texte, est sapée par ses propres actions. Ce pays prétend être un défenseur des droits humains qui lutte contre la traite des personnes alors qu’il est complice de l’agression russe et de l’occupation d’une partie du territoire ukrainien, a dénoncé la délégation, selon laquelle 4,5 millions de personnes ont été déplacées du fait de cette invasion. Selon elle, le Bélarus doit rendre des comptes pour ses actes. Le Canada, qui s’exprimait aussi au nom de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l’Islande et du Liechtenstein, a lui aussi condamné le soutien du Bélarus à l’agression russe contre l’Ukraine. Les femmes et enfants ukrainiens qui ont fui le pays sont surexposés au travail forcé et aux agressions sexuelles, a déploré la délégation canadienne, pour qui le Bélarus devrait commencer par mettre en actes ses propres résolutions en matière de lutte contre la traite.
La Lettonie a, pour sa part, déploré l’utilisation de migrants comme outil politique et a dénoncé, à ce titre, l’hypocrisie du Bélarus, qui présente son projet de résolution contre la traite des personnes tout en se livrant lui-même à de tels actes. Rappelant à cet égard que, durant des années, les autorités du Bélarus ont orchestré l’afflux de migrants pour exercer une pression sur l’Union européenne (UE), elle a déploré que les individus vulnérables soient des pions dans le jeu du Président Lukashenko. Elle a exhorté le Bélarus à se conformer à ses obligations internationales. À son tour, la Lituanie a accusé le Bélarus d’exploiter à des fins politiques des migrants de pays tiers depuis 2021. Les autorités bélarussiennes ont provoqué une crise migratoire en créant des filières de migration artificielles et en appuyant la Fédération de Russie dans son agression contre l’Ukraine, a souligné la délégation, appelant le Bélarus à cesser toute exploitation de populations innocentes. Elle a ajouté que cette situation l’a poussée à ne pas participer aux négociations autour du projet de résolution et à ne pas s’en porter coauteure.
De son côté, la Fédération de Russie a regretté que certains États aient décidé de politiser le débat afin de régler leurs comptes avec l’auteur du projet de résolution. Jugeant injuste d’incriminer le Bélarus pour la crise migratoire actuelle, elle a rappelé que l’exode en provenance de pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et ou d’Afghanistan a commencé après les interventions occidentales. Sur la même ligne, la République arabe syrienne a constaté que certains pays occidentaux se contentent d’évaluer d’autres pays, non pas à l’aune des droits humains, mais en fonction de leurs relations avec eux, puis appellent toutes les autres délégations à s’allier contre ces États. C’est là que réside l’hypocrisie, a dénoncé la délégation, selon laquelle ces pays occidentaux « attentent de nous que nous traitions leurs ennemis comme s’ils étaient les nôtres ».
Le Royaume-Uni a, quant à lui, estimé que le projet de résolution aurait pu être amélioré en reconnaissant les lois et systèmes propres aux États en matière de migration. Selon lui, les États ne sont pas tenus de prendre des mesures nationales pour accroître les filières de migration, celles-ci comportant un risque de traite, a invoqué le Royaume-Uni. Il a dit s’être rallié au consensus pour contribuer à une riposte internationale coordonnée contre l’esclavage moderne. La Hongrie s’est, elle, dissociée de l’alinéa 38 du préambule du texte au motif qu’elle n’a pas entériné le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Jugeant qu’élargir les filières de migration n’est pas la bonne manière de lutter contre la traite des personnes, elle a fait valoir que les politiques migratoires restent la prérogative des États Membres. Enfin, la République islamique d’Iran a fait valoir que les États non parties n’ont pas à rejoindre des instruments internationaux qu’ils n’ont pas ratifiés. De fait, les recommandations liées au traité mentionné dans le texte ne sont pas contraignantes pour eux, a-t-elle ajouté.
Développement social, y compris les questions relatives à la situation sociale dans le monde et aux jeunes, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille (A/C.3/78/L.9/Rev.1, A/C.3/78/L.14/Rev.1)
Aux termes du projet de résolution intitulé « Remédier aux difficultés rencontrées par les personnes atteintes d’une maladie rare et leur famille » (A/C.3/78/L.9/Rev.1), présenté par l’Espagne, également au nom du Brésil et du Qatar, et adopté par consensus, l’Assemblée générale encouragerait les États Membres à mettre en place des programmes nationaux pérennes consacrés aux maladies non diagnostiquées, afin de permettre un accès rapide et équitable à un diagnostic et à un soutien social.
Elle les encouragerait également à structurer et coordonner la diffusion des connaissances et des informations sur les maladies rares aux niveaux national et international; à amener les personnes atteintes de maladies rares à participer à la gouvernance des programmes et des réseaux internationaux relatifs aux maladies non diagnostiquées; à promouvoir un partage des données éthique et responsable au niveau international; et de faciliter la collaboration des autorités nationales chargées de superviser les cycles de production pharmaceutique et l’essai clinique des traitements destinés aux personnes atteintes de maladies rares.
De même, elle demanderait aux États d’enrayer le phénomène catastrophique des dépenses de santé directes, avec les conséquences psychosociales et économiques qu’il implique pour les personnes atteintes de maladies rares et leur famille.
Elle inviterait par ailleurs les États Membres à mieux faire connaître les problèmes et les besoins particuliers des personnes atteintes d’une maladie rare et de leur famille, afin de mieux les faire comprendre et de renforcer la solidarité à l’échelle internationale.
Explications de position
Avant l’adoption du texte, l’Égypte a insisté sur l’importance d’appuyer les systèmes de santé des pays en développement et salué le libellé appelant à renforcer leurs capacités de production locale et régionale de produits de santé.
À l’issue de l’adoption, la République dominicaine a estimé que l’adoption de ce texte est essentielle pour sensibiliser aux défis auxquels se heurtent les personnes vivant avec des maladies rares. En outre, elle s’est félicitée de l’approche holistique du texte qui insiste sur la nécessité de lutter contre les discriminations multiples.
Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, qui s’est exprimée au nom d’un groupe de pays, qui se sont ralliés au consensus, auraient souhaité que le lien entre maladies rares et handicaps soit davantage mis en évidence dans le projet de résolution.
De son côté, le Nigéria a souligné l’importance de tenir compte des maladies tropicales lesquelles causent difformités et stigmatisation, avant de se dissocier du paragraphe 21 du préambule.
Par le projet de résolution intitulé « Promouvoir l’intégration sociale par l’inclusion sociale » (A/C.3/78/L.14/Rev.1), présenté par le Pérou et adopté par consensus, l’Assemblée générale engagerait les États Membres à promouvoir une participation et un accès plus équitables aux bienfaits de la croissance économique et à incorporer les objectifs d’intégration sociale dans les politiques d’inclusion sociale.
Elle engagerait également les États Membres à envisager d’adopter et de mettre en œuvre des initiatives ou des stratégies nationales d’inclusion financière tenant compte des questions de genre, et comprenant des mesures visant à promouvoir l’accès plein et égal aux services et aux documents financiers officiels. Les États Membres seraient également exhortés à combler la fracture numérique.
Par ce texte, l’Assemblée générale encouragerait par ailleurs les États Membres à améliorer la collecte et l’utilisation de données et de statistiques de qualité, accessibles, à jour, fiables et ventilées, dont des indicateurs supplémentaires relatifs notamment au bien-être de base et à la privation des besoins humains de base, afin de saisir l’ampleur de la pauvreté multidimensionnelle.
Explications de position
Après l’adoption du texte, le Sénégal, l’Indonésie, la Malaisie et la République islamique d’Iran ont regretté l’inclusion de termes non consensuels dans le projet de résolution, notamment la formulation « formes de discrimination multiples et croisées » dans le paragraphe 27 du préambule. À ce titre, le Sénégal, qui s’en est dissocié, à l’instar de la République islamique d’Iran, a précisé que cette formulation et celle de « personnes marginalisées du fait de leur appartenance à un groupe donné » seraient comprises conformément au cadre national, à savoir comme relatives aux rapports sociaux entre hommes et femmes uniquement.
La délégation sénégalaise également appelé à éviter toute forme de « prêt-à-porter civilisationnel » qui pourrait saper la culture de la diversité et du dialogue. La Malaisie a, quant à elle, estimé que la formulation du paragraphe 27 du préambule n’était « pas en phase avec l’architecture internationale des droits humains », émettant, à l’instar de l’Indonésie, des réserves sur son utilisation.
Suite donnée aux textes issus de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale (A/C.3/78/L.65)
Par le projet de résolution intitulé « Suite donnée à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et application intégrale de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et des textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale » (A/C.3/76/L.65), adopté par consensus, l’Assemblée générale demanderait aux gouvernements et à toutes les autres parties prenantes de systématiquement tenir compte des questions de genre dans la mise en œuvre du Programme 2030.
L’Assemblée générale exhorterait, par ailleurs, les États Membres à accroître les montants qu’ils allouent au budget d’ONU-Femmes et à mobiliser des ressources financières suffisantes aux fins de la mise en œuvre intégrale, efficace et accélérée de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing. Enfin, elle noterait qu’elle a, dans sa décision 77/568 du 1er septembre 2023, décidé de tenir compte de la réalisation de l’égalité des genres et de l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles dans les chapitres pertinents du Pacte pour l’avenir.
Enfin, elle déciderait, afin de célébrer le trentième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, de tenir en marge du débat général de sa quatre-vingtième session une réunion de haut niveau d’une journée, dont les conclusions seraient présentées sous la forme d’un résumé de la présidence.
Incidence budgétaire
Explications de position
Après l’adoption du projet de résolution, l’Iraq a précisé qu’il n’appuie pas les initiatives non officielles, telles que le Forum Génération Égalité. Selon lui, les résultats de cette initiative nous éloignent des accords convenus au titre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing. Il a, d’autre part, estimé que l’approche sexospécifique du texte ne peut être interprétée que par la différence entre la femme et l’homme, toute autre explication entraînant des réserves de la part de sa délégation. À son tour, la Fédération de Russie a regretté la référence faite par le texte à l’« événement privé » que constitue le Forum Génération Égalité. Elle a aussi déploré la mise de côté d’autres initiatives consacrées à l’égalité femmes-hommes, mentionnant à ce titre le Forum eurasiatique des femmes, dont la dernière édition a rassemblé des participants de plus de 100 pays. Bien qu’elle se soit ralliée au consensus sur ce projet de résolution, malgré ses « lacunes », la délégation s’est dissociée de l’alinéa 19 du préambule.
De son côté, Djibouti a regretté que les négociations sur ce texte aient pris la forme d’un « fait accompli, basé sur la stratégie du paragraphe fermé ». Selon lui, les délégations n’ont eu d’autre choix que d’accepter ou de refuser le texte final. Insistant sur le fait qu’elle aurait préféré un processus intergouvernemental transparent et inclusif, la délégation a estimé que les promoteurs du Forum Génération Égalité remettent en cause « notre façon de travailler » à l’Assemblée générale. À son tour, la République islamique d’Iran a dénoncé des problèmes de procédure liés à l’approche des « paragraphes fermés », qui limitent la capacité des États à travailler sur le texte. Elle a ajouté qu’elle n’appuie aucune initiative qui ne serait pas négociée dans le cadre de l’Assemblée générale, notamment le Forum Génération Égalité. La délégation s’est donc dissociée de tout paragraphe y faisant référence, rejointe par le Niger, qui a estimé que la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action du Beijing relève de la responsabilité de chaque État souverain. Affirmant que le plein respect des valeurs religieuses, éthiques et culturelles devrait contribuer à la pleine jouissance par les femmes de leurs droits fondamentaux, la délégation nigérienne a estimé que le projet de résolution n’impose pas de nouvelles obligations aux États. Elle s’est, par ailleurs, dissociée des références faites à des termes non consensuels. L’Algérie a, elle aussi, regretté que le texte mentionne le Forum Génération Égalité, alors qu’il s’agit d’un processus établi en dehors des Nations Unies. Elle a enfin rappelé qu’elle interprète le concept de genre comme la seule différence entre les hommes et les femmes.
Le Mexique s’est, quant à lui, félicité du consensus atteint sur ce projet de résolution, ainsi que des efforts déployés au niveau international en faveur de l’égalité des sexes. Parmi eux, la délégation a cité le lancement en 2021 de l’Alliance mondiale pour les soins, engagement collectif du Forum Génération Égalité, qui permet à divers acteurs internationaux d’échanger des bonnes pratiques. Sur la même ligne que les États-Unis, satisfaits que soient reconnus les conséquences de la pandémie de COVID-19 et les problèmes sanitaires qui en découlent pour les femmes et les filles, le Canada a déploré une « résistance systématique » à l’encontre des droits des femmes et des filles, notamment de leurs droits sexuels et reproductifs. Une position partagée par le Royaume-Uni, qui a regretté que les droits en matière de santé sexuelle et reproductive ne soient pas mentionnés dans le projet de résolution. Pourtant, 4,3 milliards de personnes n’ont pas accès au service de santé sexuelle et reproductive, 2,5 millions de femmes subissent encore des mutilations génitales et de nombreuses autres sont exposées à des mariages forcés, a fait valoir la délégation, pour qui la mise en actes des droits des femmes est indispensable à la réalisation des objectifs de développement durable.
Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, questions relatives aux réfugiés, aux rapatriés et aux déplacés et questions humanitaires (A/C.3/78/L.59)
Par le projet de résolution intitulé « Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés » (A/C.3/78/L.59), présenté par le Danemark, au nom des pays nordiques, et adopté par consensus, l’Assemblée générale ferait sien le rapport du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur les travaux de sa soixante-quatorzième session.
Elle soulignerait par ailleurs qu’il faut conclure des arrangements concrets, solides et fonctionnels et envisager de mettre en place des mécanismes complémentaires, afin que l’exécution du Pacte mondial sur les réfugiés donne lieu à un partage des charges et des responsabilités prévisible, équitable, efficace et efficient.
Explications de position
S’exprimant après l’adoption, le Canada a souligné que les pays à revenu faible et intermédiaire ont fait preuve d’une générosité exceptionnelle en accueillant 76% des réfugiés dans le monde. Il a salué l’« engagement extraordinaire » du HCR pour s’acquitter de son mandat malgré les défis de taille auxquels il fait face. La Hongrie, rappelant qu’elle n’a pas approuvé le Pacte mondial sur les réfugiés et le Forum mondial sur les réfugiés, s’est dissociée des paragraphes 17, 18, 22, 23, 57 et 81 du dispositif. Singapour qui a indiqué ne pouvoir accueillir de réfugiés en raison de ses capacités limitées, a affirmé que les États doivent pouvoir gérer leur politique migratoire, tout en se ralliant au consensus dans un esprit de compromis. La République islamique d’Iran s’est elle aussi ralliée au consensus, mais a regretté que le texte n’insiste pas suffisamment sur la nécessité de partager les responsabilités de l’accueil en fonction des capacités des pays d’accueil et des communautés hôtes.
La Malaisie a indiqué qu’elle interpréterait le terme « genre » en fonction de ses lois et de ses valeurs, et n’intégrerait pas de notions qui ne seraient pas en phase avec l’architecture internationale des droits humains. S’exprimant au nom du Conseil de coopération du Golfe (GCC), le Sultanat d’Oman a souligné que les références aux « droits sexuels et reproductifs » et aux services associés, évoqués aux paragraphes 53 et 54 du dispositif, devaient tenir compte du contexte social et des législations nationales. S’inquiétant des mêmes termes, le Saint-Siège a émis des réserves, précisant que l’accès à l’avortement n’était selon lui pas concerné et qu’il comprenait le terme « genre » comme l’identité de sexe biologique homme ou femme. Il a aussi appelé à aider les pays hôtes, notamment dans les contextes où les réfugiés sont présents de longue date.
Rapport du Conseil des droits de l’homme (A/C.3/78/L.64)
Par le projet de résolution « Rapport du Conseil des droits de l’homme » (A/C.3/78/L.64), présenté par la Zambie, au nom du Groupe des États d’Afrique et adopté par 109 voix pour, 4 voix contre (Bélarus, Israël, Nicaragua et Fédération de Russie) et 63 abstentions, l’Assemblée générale prendrait note du rapport du Conseil des droits de l’homme, de son additif, et des recommandations qui y figurent.
Interventions et explications de vote
Avant la mise aux voix, l’Espagne, au nom de l’Union européenne, a estimé que ce texte ne tient pas compte de l’accord passé et voulant que l’Assemblée générale se prononce en plénière au sujet du rapport du CDH. Elle a annoncé qu’elle compte s’abstenir, ainsi que le Liechtenstein qui, au nom d’un groupe de pays, a soulevé les mêmes préoccupations.
Le Soudan, qui s’est retiré de la liste des pays co-auteurs, a rejeté les éléments contenus dans le rapport du CDH à son propos, et a lui aussi indiqué qu’il compte s’abstenir de voter. Le Nicaragua et Israël ont rejeté l’instrumentalisation des droits humains et ont indiqué voter contre la résolution. De son côté, l’Érythrée s’est dissociée des éléments la concernant dans le rapport du CDH et des résolutions spécifiques à des pays.
À l’issue du vote, les États-Unis ont estimé que la résolution annuelle sur le rapport du CDH n’est pas nécessaire en termes de procédure. La délégation a également déploré l’accent mis sur Israël, affirmant en outre que la présence de certains membres qui ne respectent pas les droits humains sapent la crédibilité du CDH.
Cuba a estimé au contraire qu’il incombe à la Troisième Commission de se pencher sur le rapport annuel du CDH. La délégation a toutefois précisé que son vote en faveur du projet de résolution ne constitue pas une approbation des mécanismes spécifiques aux pays.
La République islamique d’Iran a expliqué s’être abstenue, car étant opposée à toute politisation de la question des droits humains et aux mécanismes spécifiques à certains pays. La République arabe syrienne s’est abstenue pour des raisons identiques.
Application des instruments relatifs aux droits humains (A/C.3/78/L.53/Rev.1)
Aux termes du projet de résolution intitulé « Mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant: situations de risque et situations d’urgence humanitaire » (A/C.3/78/L.53/Rev.1), présenté par le Mexique, également au nom de la Nouvelle-Zélande, et adopté par consensus, l’Assemblée générale exhorterait les États à prendre toutes les mesures voulues pour mettre fin à la violence et à la discrimination envers les personnes handicapées dans les situations de risque, notamment en cas de conflit armé, d’urgence humanitaire et de catastrophe naturelle, et pour répondre à leurs besoins particuliers, tels que l’accès aux services de base, sur un pied d’égalité avec les autres.
Elle les exhorterait également à reconstruire sur des bases plus solides en tirant des leçons de la pandémie de COVID-19, notamment en améliorant la résilience des programmes destinés aux personnes handicapées pendant les urgences sanitaires.
Par ce texte, il serait demandé aux États Membres, au système des Nations Unies, à la société civile et aux autres parties concernées d’associer pleinement les personnes handicapées à toutes les étapes de la gestion des situations de risque. Ils seraient en outre encouragés à assurer la participation véritable des personnes handicapées aux processus de suivi et d’évaluation de l’aide humanitaire et à garantir l’accès à l’information, aux services et à l’assistance de toutes les personnes handicapées, notamment en mettant en place des dispositifs d’alerte rapide accessibles.
Explications de position
Après l’adoption, le Canada, s’exprimant au nom de l’Australie, de l’Islande, de la Suisse, du Liechtenstein et du Canada, s’est réjoui de l’inclusion dans le projet de résolution du libellé « formes multiples et croisées de discrimination ». Après avoir rappelé l’incidence de ces discriminations sur les personnes handicapées, notamment les femmes handicapées, il a fait valoir que la santé physique et mentale fait partie des droits humains, regrettant à cet égard que le libellé sur la santé sexuelle et procréative ne soit pas davantage mis en avant. La Nouvelle-Zélande s’est, pour sa part, félicitée des références à la santé sexuelle et procréative, ainsi que de celles à l’autonomisation des femmes et des filles handicapées. Elle aurait néanmoins souhaité l’inclusion d’une référence directe à l’action du Conseil de sécurité en faveur des personnes handicapées, notamment via la mention de la résolution 2475 (2019) sur la protection des personnes en situation de handicap pendant les conflits armés. Un souhait également exprimé par la Pologne et les États-Unis, ces derniers regrettant aussi le manque de mentions plus ambitieuses sur la santé sexuelle et procréative.
En revanche, Oman, qui s’exprimait également au nom du Conseil de coopération du Golfe, des Émirats arabes unis, de Bahreïn, de l’Arabie saoudite, du Koweït et du Qatar, a indiqué que la mention concernant la santé sexuelle et procréative sera interprétée conformément aux lois et réglementations nationales de ces États. Préférant également une approche globale de la santé à des « détails excessifs » sur la santé sexuelle et procréative, la Fédération de Russie a estimé que les dispositions sur l’intégration des droits des personnes handicapées dans les politiques et les plans d’actions nationaux de mise en œuvre des instruments internationaux relatifs à la perception du risque ne répondent pas, dans leur forme actuelle, aux principes de sécurité juridique car elles ne déterminent pas exactement de quels instruments il s’agit. De fait, elle a refusé d’être associée à des « documents élaborés en coulisse sans consultations intergouvernementales » et a souhaité que la base utilisée pour l’interprétation de ces dispositions concerne exclusivement des instruments qui contiennent des obligations en matière de ratification et d’adoption.
Pour leur part, l’Iraq, la Malaisie, l’Indonésie et le Niger ont précisé que les dispositions contenant des libellés controversés comme « formes multiples et croisées de discrimination » et toutes les références au genre seront interprétées conformément au droit interne, dans le respect du droit international des droits de l’homme. Alors que l’Indonésie estimait que de telles formulations « creusent l’écart entre les délégations sur cette résolution pourtant importante », le Niger s’est dit déçu quant à « l’approche des paragraphes fermés », demandant instamment aux délégations de réévaluer cette façon de faire et d’adopter un processus « plus transparent et participatif ».
Dans le même ordre d’idées, le Sénégal, le Nigéria et le Qatar se sont dissociés des libellés non consensuels, à savoir les « formes multiples et croisées de discrimination » et la « violence sexuelle ou fondée sur le genre », rappelant que ces formulations seront comprises à la lumière des rapports sociaux entre hommes et femmes, ainsi que des lois nationales et des valeurs culturelles. Le Sénégal a précisé que l’interprétation nationale prévaudra aussi pour les références à la santé sexuelle et procréative. De manière plus générale, la République islamique d’Iran s’est distanciée du consensus sur tous les paragraphes qui font référence à une terminologie non consensuelle.
Après l’adoption, le Koweït a exprimé des réserves concernant des éléments non compatibles avec sa législation nationale et ses valeurs et croyances religieuses. Le Mali s’est dissocié à son tour des termes non consensuels, « formes multiples et croisées de discrimination », « violence fondée sur le genre » et « services de santé sexuelle et procréative », et a indiqué que ces termes sont interprétés selon ses lois et valeurs sociales, culturelles et cultuelles. Il a ajouté que cette résolution ne saurait modifier le droit international conventionnel ou créer des obligations juridiques. Sur la même ligne, l’Algérie et la République arabe syrienne ont pris leurs distances avec les termes « santé sexuelle et procréative » et « genre » en fonction de leurs lois, tandis que le Yémen se dissociait des termes « formes multiples et croisées de discrimination » et « violence sexuelle et fondée sur le genre ». Le Saint-Siège a, lui, regretté que l’ensemble du texte n’ait pas été ouvert aux négociations et a émis des réserves concernant les termes de « santé sexuelle et procréative », de « genre » et de « formes multiples et croisées de discrimination ».
À l’inverse, la Colombie a fait valoir que l’intersectionnalité n’est pas un terme controversé et ne va pas nécessairement à l’encontre des lois et des cultures nationales. Elle a relevé que certaines personnes, notamment les personnes autochtones et handicapées ou encore les femmes handicapées stérilisées de force, ont des vulnérabilités accrues car elles présentent plusieurs facteurs de risque. Considérant qu’on ne peut pas ne pas reconnaître le caractère intersectionnel de ces discriminations et rendre ces populations invisibles, elle a regretté que la « désinformation » à ce sujet ait entraîné la remise en cause de libellés auparavant convenus pour défendre efficacement les droits humains.
Questions relatives aux droits humains, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits humains et des libertés fondamentales(A/C.3/78/L.34, A/C.3/78/L.36, A/C.3/78/L.48, A/C.3/78/L.49/Rev.1, A/C.3/78/L.54, A/C.3/78/L.56)
Par le projet de résolution intitulé « Terrorisme et droits humains » (A/C.3/78/L.34), présenté par le Mexique, et adopté par consensus, l’Assemblée générale exprimerait sa vive préoccupation devant les violations des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que du droit international des réfugiés et du droit international humanitaire, commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent qui peut conduire au terrorisme. Elle exhorterait les États à s’acquitter pleinement des obligations que leur impose le droit international dans la lutte contre le terrorisme, en ce qui concerne l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le texte exhorte également à respecter le droit de toute personne arrêtée ou détenue pour une infraction pénale d’être promptement traduite devant un juge et d’être jugée dans un délai raisonnable ou libérée; à protéger l’action de la société civile en veillant à ce que les lois et mesures antiterroristes soient conçues et appliquées dans le strict respect des droits humains; et à ne pas recourir à un profilage reposant sur des stéréotypes fondés sur des motifs ethniques, raciaux ou religieux.
Explications de position
S’exprimant après l’adoption, la Suisse, également au nom de l’Australie, du Canada, de l’Islande, du Liechtenstein, de la Nouvelle-Zélande et de la Norvège, a rappelé ses réserves persistantes sur la fusion de deux résolutions portant sur des questions liées mais très distinctes. Elle n’a pas soutenu l’approche consistant à mettre l’accent sur les violations des droits humains commises par les groupes terroristes, minimisant la responsabilité des États. Elle a de plus estimé que les reconductions techniques n’étaient pas une solution durable et encouragé les co-auteurs à négocier des textes distincts devant l’Assemblée générale.
Les États-Unis se sont inquiétés du fait que le texte ne reflète pas les mises à jour importantes adoptées dans le cadre de la révision de la huitième Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies adoptée au mois de juin dernier, risquant ainsi de devenir obsolète. Ils se sont dissociés du paragraphe 15 du dispositif, estimant que le droit international n’obligeait pas à un acheminement sans restriction d’aide humanitaire ou autre aux groupes terroristes. Ils se sont également dissociés du paragraphe 31 du dispositif, celui-ci pouvant entraver la liberté d’expression telles qu’entendue par leur Constitution.
Aux termes du projet de résolution intitulé « Promotion effective de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques », (A/C.3/78/L.36) présenté par l’Autriche et adopté par consensus, l’Assemblée générale demanderait aux États de mener des initiatives pour s’assurer que les personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques connaissent et soient en mesure d’exercer leurs droits, y compris le droit de chacun à une nationalité.
Elle demanderait aux États d’adopter et d’appliquer des mesures législatives de lutte contre la discrimination, le cas échéant, pour protéger et promouvoir les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.
L’Assemblée générale demanderait également aux États de collaborer avec les entreprises de médias sociaux pour protéger les personnes appartenant à des minorités, en prenant des mesures actives afin de lutter contre les discours de haine et d’empêcher leur propagation croissante, entre autres.
Explications de position
Avant l’adoption du projet de résolution, le Niger s’est dissocié de la référence faite à l’intersectionnalité, ainsi qu’à d’autres termes non consensuels déjà incriminés lors de précédentes déclarations.
Après l’adoption, la Türkiye a fait part de sa déception quant au maintien, au paragraphe 15 du dispositif, de références dont elle avait demandé la suppression lors des négociations. Le passage contesté renvoie au rapport du Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur les questions relatives aux minorités, « dont les allégations infondées ont pour but de noircir l’histoire turque », a expliqué la délégation, qui s’est conséquemment dissociée du paragraphe 15 du texte.
La Malaisie a dit s’être ralliée au consensus afin de marquer son attachement aux droits des minorités nationales, ethniques, religieuses ou linguistiques. Elle s’est toutefois dissociée de l’alinéa 9 du préambule, et des références aux formes multiples, aggravées, croisées ou intersectionnelles de discrimination, expliquant qu’elle interprète ces termes conformément à sa propre législation.
Aux termes du projet de résolution sur la « Liberté de religion ou de conviction » (A/C.3/78/L.48), présenté par l’Espagne au nom de l’Union européenne et adopté par consensus, l’Assemblée générale condamnerait énergiquement les atteintes à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction.
Elle constaterait avec une profonde inquiétude que le nombre de cas de discrimination, d’intolérance et de violence visant les membres de nombreuses communautés religieuses et autres dans diverses régions du monde augmentent, notamment les cas motivés par l’islamophobie, l’antisémitisme ou la christianophobie. Par conséquent, elle demanderait instamment aux États de redoubler d’efforts pour protéger et promouvoir la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction.
Par ce texte, l’Assemblée générale condamnerait énergiquement les actes de violence et de terrorisme qui continuent d’être commis contre les membres de minorités religieuses, de même que tout appel à la haine fondée sur la religion ou la conviction qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence.
Explications de position
L’adoption de ce texte n’a pas suscité de prises de parole.
Par le projet de résolution intitulé « Promotion et protection des droits humains dans le contexte des technologies numériques » (A/C.3/78/L.49/Rev.1), présenté par la République tchèque, également au nom de l’Afrique du Sud, des Maldives, du Mexique et des Pays-Bas, et adopté par consensus, l’Assemblée générale demanderait à tous les États Membres d’envisager d’élaborer, ou de maintenir, et d’appliquer une législation adaptée, qui prévoirait des sanctions effectives et des voies de recours adéquates, en vue de protéger les personnes contre les violations des droits humains et les atteintes à ces droits dans l’environnement numérique.
De même, l’Assemblée générale demanderait au secteur privé et à toutes les parties prenantes concernées de veiller à ce que le respect des droits humains soit intégré dans la conception, l’élaboration, le développement, la mise en service, l’exploitation, l’utilisation, l’évaluation et la réglementation de toutes les technologies numériques nouvelles et émergentes.
Elle engagerait les plateformes en ligne à revoir leur modèle économique et à veiller à ce que leurs processus de conception et de développement, leurs opérations commerciales, leur collecte de données et leurs pratiques en matière de traitement des données soient conformes aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.
Il serait par ailleurs demandé aux États Membres de collaborer avec les parties prenantes concernées afin de prendre des mesures pour réduire toutes les fractures numériques, et de veiller à ce que les technologies de surveillance ciblée ne soient utilisées qu’en conformité avec les principes des droits humains que sont la légalité, la nécessité et la proportionnalité.
Explications de position
S’exprimant avant l’adoption, l’Uruguay a appelé à ne laisser personne de côté afin de ne pas créer de fracture sociale en lien avec la technologie numérique. Il a également plaidé pour une collaboration accrue entre les acteurs du secteur privé et les institutions étatiques pour protéger les droits humains. Saluant un texte « équilibré », le Danemark a rappelé que le projet de résolution établit les droits des États et des acteurs privés pour protéger les droits humains dans le cyberespace. Il a cependant regretté que le libellé « liberté d’expression » n’ait pas été maintenu à l’alinéa 16 du préambule.
Après l’adoption, le Mexique a appelé à combler les « fossés numériques » qui existent entre les pays, à l’intérieur des pays et entre les hommes et les femmes, tandis que l’Autriche qualifiait ce projet de résolution inédit de « pas important » en vue de protéger les droits humains en ligne et hors ligne. Le Royaume-Uni a, pour sa part, regretté que certains aspects ne soient pas évoqués dans le texte. Il a également relevé que la lutte contre la désinformation ne relève pas du droit international et ne devrait pas servir à limiter la liberté d’expression. De leur côté, les États-Unis ont fait valoir que les références faites au principe de « proportionnalité » à l’alinéa 20 du préambule et aux paragraphes 13 et 16 du dispositif n’entraînent qu’aucune obligation à agir en vertu de ce principe. Ils ont par ailleurs dit vouloir montrer la voie en matière de régulation pour limiter les risques et les dommages qui pourraient être causés par l’intelligence artificielle. La délégation a toutefois affirmé comprendre les paragraphes 20a et 20d sur la responsabilité légale comme devant être entendus dans le cadre des législations nationales. Israël a estimé qu’il convient d’établir un « équilibre délicat et approprié » entre l’utilisation des technologies numériques et le respect des droits humains, notamment concernant le domaine de la lutte antiterroriste qui relève de considérations de sécurité nationale.
Rappelant qu’il a le taux de pénétration d’Internet le plus élevé de la planète, Singapour a regretté qu’un manque de volonté, durant les négociations, ait empêché d’ajouter certains libellés concernant le rôle de l’État en matière de lutte contre la désinformation et la mésinformation. Il a également estimé que chaque pays doit pouvoir décider par lui-même de ce qui lui convient le mieux au regard de ses lois et des circonstances qui sont les siennes. Sur la même ligne, l’Indonésie a souligné le rôle de l’État dans la défense des droits humains ainsi que l’importance du cadre juridique de chacun des États et du respect du dialogue intergouvernemental existant dans le cadre des Nations Unies.
La Jamaïque a, quant à elle, demandé de tenir compte des négociations en cours dans le cadre des Nations Unies, notamment celles que mène le Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles. Elle a estimé que ce projet de résolution ne peut servir de précédent pour des décisions prises sur des questions connexes dans d’autres enceintes des Nations Unies. Cette position a été partagée par l’Égypte, qui, tout en se félicitant de voir certaines de ses propositions retenues, a estimé que le texte aurait été plus équilibré si d’autres l’avaient aussi été.
Plaidant elle aussi pour une amélioration du texte, la République islamique d’Iran a regretté que les mesures coercitives unilatérales des États-Unis entravent ses efforts visant à combler le fossé numérique. Elle a d’autre part rappelé que les États ont la responsabilité première de la protection des droits humains, avant d’estimer que le texte adopté aujourd’hui ne modifie pas le droit international et n’impose pas d’obligation pour les États. Le Saint-Siège s’est, lui, réjoui de voir que le projet de résolution reconnaît le lien entre l’utilisation des technologies numériques et le droit à la liberté d’opinion et d’expression. Évoquant l’appel de Rome pour une déontologie en matière d’intelligence artificielle, il a appelé à des engagements qui permettent de protéger les enfants en ligne et de s’assurer que tous aient accès aux progrès numériques. Il a enfin rappelé que par « genre », il entend une différence biologique entre hommes et femmes.
Par le projet de résolution intitulé « Lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence fondés sur la religion ou la conviction » (A/C.3/78/L.54), présenté par l’Égypte au nom de l’Organisation de la coopération islamique et adopté par consensus, l’Assemblée générale se déclarerait profondément préoccupée par la persistance de graves stéréotypes malveillants, du profilage négatif et de la stigmatisation visant certaines personnes en raison de leur religion ou de leur conviction. Elle condamnerait tout appel à la haine religieuse, qu’il soit fait usage pour cela de la presse écrite, des médias audiovisuels ou électroniques ou de tout autre moyen.
L’Assemblée générale demanderait à tous les États d’encourager la création de réseaux collaboratifs visant à favoriser la compréhension mutuelle et de créer dans l’administration publique un dispositif adapté permettant de déceler et de dissiper les tensions potentielles entre membres de différentes communautés religieuses. Elle leur demanderait également de prendre des mesures de protection lorsque les lieux de culte et des sites religieux, des cimetières et des sanctuaires risquent d’être vandalisés ou détruits.
Explications de position
Après l’adoption du texte, les États-Unis ont renvoyé à leur déclaration prononcée le 3 novembre dernier. La délégation a ensuite souligné que la lutte contre la haine et l’intolérance fondées sur la religion peut se faire sans nuire à la liberté d’expression. Ces deux droits se renforcent même mutuellement, a-t-elle affirmé.
Aux termes du projet de résolution intitulé « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité » (A/C.3/78/L.56), présenté par la Grèce, également au nom de l’Argentine, de l’Autriche, du Costa Rica, de la France et de la Tunisie, et adopté par consensus, l’Assemblée générale condamnerait sans équivoque toutes les attaques, représailles et violences visant les journalistes et les professionnels des médias et le fait qu’ils soient pris pour cible dans un cadre extraterritorial, en étant notamment harcelés, surveillés ou tués, et demanderait à tous les États de s’abstenir de telles pratiques et de les faire cesser.
De même, elle condamnerait fermement l’impunité qui entoure les attaques et les violences dirigées contre les journalistes, et engagerait les États à élaborer un cadre juridique et des mesures efficaces et transparents pour protéger les journalistes et les autres professionnels des médias.
Par ce texte, elle engagerait les États à prendre des mesures adaptées pour les protéger face aux procès-bâillons, et leur demanderait de prendre en considération leur rôle particulier quand ils assurent la couverture des manifestations et d’assurer leur sécurité, même lorsqu’une manifestation a été déclarée illégale. Elle exhorterait également les États à élaborer et à appliquer des politiques, des plans d’action et des stratégies promouvant l’éducation aux médias et à l’information.
Explications de position
Après l’adoption du texte, les États-Unis se sont félicités du libellé sur les journalistes de sexe féminin, compte tenu des risques accrus auxquels elles font face. Le Nigéria a réitéré l’importance de la liberté de la presse et de la sécurité des journalistes pour le bon fonctionnement des démocraties afin de garantir le droit à l’information.
Si les autres délégations s’exprimant à ce titre se sont également ralliées au consensus, elles ont souhaité apporter des précisions sur leur interprétation de quelques points spécifiques. Le Royaume-Uni a relevé que les modalités de la résolution, y compris la surveillance, doivent être appliquées à tous les individus relevant du contrôle de l’État et faire l’objet de garde-fous supplémentaires pour les enquêtes journalistiques. Il a jugé inacceptable, à cet égard, que des États enquêtent sur des journalistes en l’absence de tels garde-fous. Le Niger a, pour sa part, souligné que le projet de résolution ne saurait modifier les engagements internationaux relatifs aux droits humains et à la liberté de presse. De même, a-t-il ajouté, cette dernière ne doit pas être instrumentalisée pour s’ingérer dans les affaires internes d’un État, particulièrement dans le fonctionnement de sa justice. Le Sénégal a réitéré que le concept de genre se réfère à la différence biologique entre l’homme et la femme et sera apprécié suivant les dispositions légales et les réalités socioculturelles en vigueur, sans préjudice des engagements internationaux.
Sur un autre plan, le Liban a regretté qu’Israël continue d’attaquer des journalistes libanais qui indiquent clairement leur appartenance à la presse. « Ces crimes envers les journalistes sont des violations du droit international et ont été signalés à l’ONU », a mis en garde la délégation, déplorant que « la communauté internationale se refuse encore à tenir les criminels responsables de leurs actes ». Ne souhaitant pas réagir aux propos du Liban, Israël est revenu sur la participation de « soi-disant journalistes » aux attentats du 7 octobre, « tels que ce journaliste indépendant filmé à l’arrière d’une moto du Hamas en possession d’une grenade ». La délégation israélienne a souligné, à ce titre, que la participation aux crimes de guerre constitue une violation de toute norme de professionnalisme et de déontologie, et doit faire l’objet d’une condamnation. Revenant sur la déclaration du Liban, « puisqu’Israël ne souhaite pas le faire », la République arabe syrienne a rappelé que Mme Golda Meir, ancienne Première Ministre d’Israël, avait fait la déclaration suivante: « Nous ne pardonnerons jamais aux Arabes de nous avoir forcés à tuer leurs enfants. » Pour la délégation syrienne, ces propos reflètent « la mentalité de la soi-disant seule démocratie du Moyen-Orient ».
Droits de réponse
Exerçant son droit de réponse, Israël a indiqué à la délégation syrienne de la citation exacte était: « La paix viendra lorsque les Arabes aimeront leurs enfants plus qu’ils nous détestent. » Il a demandé à la République arabe syrienne de replacer les propos de l’ancienne Première Ministre dans leur contexte.
En réponse à Israël, la République arabe syrienne a estimé que la citation reprise par la délégation israélienne est fausse. Selon elle, la version correcte est: « Nous pouvons pardonner aux Arabes d’avoir tués nos enfants mais nous ne pardonnerons jamais aux Arabes de nous avoir forcés à tuer leurs enfants. » Elle a ajouté que l’ancienne Première Ministre israélienne a également déclaré: « Mon rêve serait de me réveiller et qu’il n’y ait plus de Palestiniens dans le monde. »