Soixante-dix-huitième session
48e séance plénière – après-midi
AG/SHC/4398

La Troisième Commission adopte 12 projets de résolution consacrés notamment aux mesures coercitives unilatérales et au droit au développement

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a poursuivi, cet après-midi, l’adoption de ses projets de résolution, entérinant 12 textes portant sur l’autodétermination et les droits humains, entre autres.  Parmi eux 8 ont dû être mis aux voix, dont 6 à la demande des États-Unis. 

Premier d’une longue série d’oppositions frontales entre Cuba et les États-Unis, le projet de résolution dédié à l’« utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits humains et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination », présenté par la délégation cubaine, a été adopté par 126 voix pour, 52 voix contre et 6 abstentions (Kiribati, Libéria, Mexique, Palaos, Suisse, et Tonga).  À l’origine du vote, les États-Unis ont établi une distinction entre les activités déstabilisatrices des mercenaires et le rôle des compagnies militaires privées, une position reprise par le Royaume-Uni qui a estimé qu’elles « respectaient des normes très élevées ».  A contrario, le Chili a espéré que les versions futures du texte mettront davantage l’accent sur la menace que représentent les mercenaires pour les groupes vulnérables. 

Les États-Unis se sont également opposés au projet de résolution intitulé « Droits humains et mesures coercitives unilatérales », présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés et adopté par 128 voix pour, 54 voix contre et zéro abstention. La délégation américaine a critiqué un texte qui empêcherait les États de définir leurs relations internationales, soulignant en outre que les mesures coercitives étaient appropriées pour demander des comptes en cas de violations des droits humains.

À quand des mesures coercitives unilatérales en réponse aux violations des droits humains à Gaza, a ironisé Cuba, tandis que le Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a dénoncé l’impact « désastreux » de ces mesures sur la jouissance des droits humains « de plus d’un tiers de l’humanité ». 

Le projet de résolution sur le droit au développement , présenté là encore par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés, a été adopté, lui, par 131 voix pour, 26 voix contre et 25 abstentions.  Par ce texte, l’Assemblée générale noteraitque le Conseil des droits de l’homme lui a soumis « pour examen, négociation puis adoption », le projet de pacte international sur le droit au développement. 

Le texte sur la répartition géographique équitable au sein des organes conventionnels des droits humains, lui aussi présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés, a été adopté par 128 voix pour, et 52 voix contre et zéro abstention.  À l’initiative du vote, les États-Unis se sont inquiétés du fait que ce projet prévoit la tenue d’élections au sein des organes conventionnels dont les experts doivent rester indépendants.  Une préoccupation partagée par l’Espagne, au nom de l’Union européenne, ainsi que par le Canada. 

Les délégations cubaine et américaine se sont enfin opposées autour de la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, un projet présenté par Cuba et adopté par 123 voix pour, 54 voix contre et 7 abstentions (Arménie, Chile, Costa Rica, Libéria, Mexique, Pérou, et Uruguay); ainsi qu’au sujet des « Droits humains et diversité culturelle », un texte adopté par 130 voix pour, 54 voix contre et zéro abstention. 

Autre pomme de discorde, plus inattendue celle-là, les deux projets de résolution intitulés « Élargissement de la composition du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés » (A/C.3/78/L.26 et A/C.3/78/L.28), présentés par le Guatemala et l’Ukraine, ont donné là aussi lieu à des votes, demandés respectivement par la Libye et par la Fédération de Russie. 

Le premier, par lequel l’Assemblée générale déciderait de porter de 108 à 109 le nombre d’États membres du Comité exécutif du Programme du HCR a été adopté par 121 voix pour, 3 voix contre (Chine, Lesotho, Somalie) et 41 abstentions.  Le second, par lequel ce nombre passerait de 109 à 110 a été adopté par 121 voix pour, 4 voix contre (Fédération de Russie, Nicaragua, République arabe syrienne, République populaire démocratique de Corée) et 42 abstentions. 

Le Guatemala a vivement regretté qu’une mise aux voix ait été demandée pour un projet de résolution d’ordre procédural, qui n’avait jamais provoqué pareille situation depuis 1995. S’exprimant au nom du Groupe des États arabes, la Libye a souligné que les pays qui cherchent à rejoindre le Comité exécutif du Programme du HCR doivent « bien connaître la question des réfugiés ».  Or, a-t-elle fait valoir, le Guatemala a voté contre la résolution « humanitaire » concernant la situation à Gaza lors de la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale. 

De son côté, la Fédération de Russie s’est opposée à l’adoption du second texte, estimant que la demande d’élargissement faite par l’Ukraine était politisée.  S’exprimant au nom de l’Union européenne (UE), l’Espagne a estimé que le Guatemala et l’Ukraine étaient tous deux qualifiés pour rejoindre le Comité exécutif du Programme du HCR. 

La Troisième Commission a également adopté par consensus le projet de résolution dédiée au renforcement de l’action de l’ONU dans le domaine des droits humains par la promotion de la coopération internationale, ainsi qu’un texte consacré au renforcement de la coopération internationale dans le domaine des droits humains, lui aussi présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés. 

Elle a également adopté le projet de résolution dédié au droit à l’alimentation ainsi que son texte sur les droits des peuples autochtones qui traite notamment de l’élaboration d’un plan d’action mondial pour la santé des peuples autochtones. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux vendredi 10 novembre, à partir de 10 heures.

DÉCISION SUR LES PROJETS DE RÉSOLUTION

Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, questions relatives aux réfugiés, aux rapatriés et aux déplacés et questions humanitaires (A/C.3/78/L.26A/C.3/78/L.28)

En vertu du projet de résolution intitulé « Élargissement de la composition du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés » (A/C.3/78/L.26), présenté par le Guatemala et adopté par 121 voix pour, 3 voix contre (Chine, Lesotho, Somalie) et 41 abstentions, l’Assemblée générale déciderait de porter de 108 à 109 le nombre d’États membres du Comité exécutif du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le Conseil économique et social serait prié d’élire ce membre supplémentaire en 2024.

Explications de vote

Avant le vote, le Guatemala a vivement regretté qu’une mise aux voix ait été demandée pour ce projet de résolution d’ordre procédural, une première depuis 1995 pour ce texte.  Il a appelé les États Membres à voter pour le projet. 

S’exprimant après le vote au nom du Groupe des États arabes, la Libye a indiqué avoir demandé cette mise aux voix.  Elle a ensuite indiqué qu’elle s’est abstenue, car les pays qui cherchent à rejoindre le Comité exécutif du Programme du HCR doivent « bien connaître la question des réfugiés ».  Or, a-t-elle fait valoir, le Guatemala a voté contre la résolution « humanitaire » concernant la situation à Gaza lors de la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale.  Sur cette base, a ajouté la délégation, le Groupe des États arabes considère que le Guatemala n’est pas qualifié pour intégrer le Comité exécutif du Programme du HCR.

Aux termes du projet de résolution intitulé « Élargissement de la composition du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés » (A/C.3/78/L.28), présenté par l’Ukraine et adopté par 121 voix pour, 4 voix contre (Fédération de Russie, Nicaragua, République arabe syrienne, et République populaire et démocratique de Corée) et 42 abstentions, l’Assemblée générale déciderait de porter de 109 à 110 le nombre d’États membres du Comité exécutif du Programme du HCR.

Explications de vote

Avant le vote, la Fédération de Russie a dénoncé la politisation des affaires humanitaires, en particulier les travaux du HCR, ce qui, selon elle, nuit à la coopération internationale.  Elle a estimé que la demande d’élargissement faite par l’Ukraine est politisée et qu’elle ne contribuerait pas positivement aux travaux du HCR. Précisant avoir demandé le vote, elle a indiqué qu’elle s’opposerait à l’adoption de ce projet de résolution. 

S’exprimant après le vote au nom du Groupe des États arabes, la Libye a justifié l’abstention de nombreux membres du Groupe par le fait que l’Ukraine s’était abstenue lors de la résolution concernant la situation à Gaza lors de la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale.  Au nom de l’Union européenne (UE), l’Espagne a regretté que des mises aux voix aient été demandées pour ce type de résolution technique, ajoutant que le Guatemala et l’Ukraine sont tous deux qualifiés pour rejoindre le Comité exécutif du Programme du HCR. 

Droit de réponse

Exerçant son droit de réponse, le Guatemala a rejeté les affirmations de la délégation libyenne, estimant que la Troisième Commission n’est pas le lieu pour discuter de sa position lors de la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale.  Assurant que sa position a été expliquée en détails à cette occasion, il a jugé inacceptable qu’on puisse affirmer que le Guatemala ne respecte pas les droits humains. Se disant sensible à tous les aspects humanitaires de la situation dans la bande de Gaza, la délégation l’a imputée aux agissements du « groupe terroriste Hamas » et a demandé à ce dernier de libérer les otages, parmi lesquels figurent « 30 bébés ». 

En réponse au Guatemala, la Libye a affirmé que la Troisième Commission est parfaitement adaptée pour traiter de cette question qui concerne les droits humains.  Elle a rappelé que le Guatemala s’est opposé à une résolution appelant au cessez-le-feu alors que plus de 10 000 personnes, dont « 3 000 bébés » ont été tués dans la bande de Gaza.  « Dire que ce conflit de 70 ans a commencé le 7 octobre n’aidera pas à résoudre le problème et à sauver des vies », a-t-elle conclu. 

Droits des peuples autochtones (A/C.3/78/L.20/Rev.1)

Par le projet de résolution intitulé « Droits des peuples autochtones » (A/C.3/78/L.20/Rev.1), présenté par la Bolivie, également au nom de l'Équateur, adopté sans vote, l’Assemblée générale exhorterait les États Membres à mettre en œuvre la résolution 76.16 de l’Assemblée mondiale de la Santé, en date du 30 mai 2023, intitulée « La santé des peuples autochtones », et inviterait le Directeur général à tenir compte de la présente résolution lors de l’élaboration d’un plan d’action mondial pour la santé des peuples autochtones.  Elle soulignerait également qu’il importe de renforcer la participation des peuples autochtones aux processus et aux négociations sur les questions qui les concernent, notamment la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris, et le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. 

Par ailleurs, elle demanderait aux États de promouvoir et d’examiner les politiques, pratiques et programmes de financement nationaux relatifs aux médias autochtones, y compris le renforcement des capacités et la production de contenus dans les langues autochtones par des producteurs de contenus et des professionnels des médias autochtones, en particulier des femmes autochtones. 

Enfin, elle prierait son Président d’organiser une manifestation de haut niveau pour célébrer le dixième anniversaire de l’adoption du document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones. 

Déclarations et explications de position 

Avant l’adoption du texte, la Colombie, a insisté sur l’importance d’améliorer la participation des peuples autochtones aux travaux de l’ONU, et a estimé que des mesures supplémentaires pourraient être envisagées à cet égard.  La délégation a également relevé que la pandémie de COVID‑19 a eu des incidences sur la mise en œuvre de cette résolution. Le Brésil a salué l’adoption d’un texte équilibré, suivi de la République islamique d’Iran qui s’est dissociée des paragraphes 13, 14, 23 et 32 qui contiennent des termes non consensuels. 

Après l’adoption, le Sénégal s’est lui aussi dissocié du paragraphe 23, pour l’expression « multiples formes de discriminations », et de tout autre paragraphe contenant des termes controversés.  La Malaisie a rejeté l’expression « formes croisées de discrimination », de même que la Gambie et l’Indonésie qui s’est aussi dissociée du paragraphe 17 du dispositif, en insistant sur l’inclusivité. 

La Hongrie s’est dissociée de l’alinéa 11 du préambule, rappelant qu’elle n’a pas adhéré au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.  Elle a également précisé qu’au paragraphe 23 du dispositif, relatif aux données, elle interprète « genre » comme « sexe ». Le Saint-Siège s’est dissocié des références au genre et à la terminologie connexe et a appelé à veiller à ne pas catégoriser les personnes sur la base de critères artificiels. 

De son côté, la Slovaquie, au nom de la Bulgarie, la France et la Roumanie, n’a pas souscrit à la référence aux droits collectifs dans le projet de résolution.  Il en a été de même pour le Royaume-Uni qui a toutefois précisé que cette position ne porte pas préjudice au fait que des États ont accordé des droits constitutionnels aux peuples autochtones pour renforcer leur statut socioéconomique. 

Le Canada, également au nom de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, de l’Islande et de la Norvège, s’est félicité que la résolution adoptée mentionne l’incidence des changements climatiques sur les droits des peuples autochtones, ainsi que leur droit de mettre leur savoir et traditions endogènes à contribution pour lutter contre les effets du phénomène. 

Droit des peuples à l’autodétermination (A/C.3/78/L.29)

Par le projet de résolution intitulé « Utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits humains et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination » (A/C.3/78/L.29), présenté par Cuba et adopté par 126 voix pour, 52 voix contre et 6 abstentions (Kiribati, Libéria, Mexique, Palaos, Suisse, et Tonga), l’Assemblée générale demanderait à tous les États de faire preuve d’une extrême vigilance pour empêcher toute forme de recrutement, d’instruction, d’engagement ou de financement de mercenaires par des sociétés privées qui offrent, au niveau international, des services de conseil en matière militaire et de sécurité.  Elle leur demanderait d’interdire expressément à ces sociétés d’intervenir dans des conflits armés ou dans des opérations visant à déstabiliser des régimes constitutionnels. 

L’Assemblée générale condamnerait en outre toute forme d’impunité accordée aux auteurs d’activités mercenaires et à ceux qui ont utilisé, recruté, financé et instruit des mercenaires. 

Explications de vote

Avant le vote, Cuba a demandé à connaître le pays qui a demandé la mise aux voix.  Le Président de la Commission a indiqué qu’il s’agit des États-Unis.

Les États-Unis ont condamné la menace grave que font peser les groupes non étatiques sur la protection des droits humains et le maintien de l’ordre. Ils ont toutefois établi une distinction entre les activités déstabilisatrices des mercenaires et le rôle des compagnies militaires privées, précisant qu’ils soutiennent cette position de longue date.

Après le vote, l’Argentine a estimé que ce projet de résolution doit être interprété comme s’appliquant au même titre que les autres résolutions de l’Assemblée générale et de la Quatrième Commission. 

De son côté, le Royaume-Uni s’est dit préoccupé par le fait que ce projet de résolution entraîne une confusion entre les activités des mercenaires et celles des organisations militaires privées de protection.  Ces dernières respectent des normes très élevées et protègent des personnes agissant dans des environnements sensibles, a-t-il fait valoir, déplorant le rejet de propositions faites à ce sujet. Il a dit espéré qu’à l’avenir, ces propositions seront retenues.

Le Chili a indiqué avoir voté pour ce projet de résolution.  Il a cependant émis l’espoir que les versions futures mettront davantage l’accent sur l’impact des mercenaires sur les droits humains et la menace qu’ils représentent pour les groupes vulnérables. À cet égard, la délégation a appelé à une reformulation du texte afin de rallier un plus grand nombre de pays à cette cause.

Questions relatives aux droits humains, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits humains et des libertés fondamentales (A/C.3/78/L.32A/C.3/78/L.33A/C.3/78/L.35A/C.3/78/L.37A/C.3/78/L.38, A/C.3/78/L.44A/C.3/78/L.45A/C.3/78/L.46)

Aux termes du projet de résolution intitulé « Promotion d’un ordre international démocratique et équitable » (A/C.3/78/L.32), présenté par Cuba adopté par 123 voix pour, 54 voix contre et 7 abstentions (Arménie, Chile, Costa Rica, Libéria, Mexique, Pérou, et Uruguay), l’Assemblée générale réaffirmerait qu’il faut continuer d’œuvrer d’urgence à l’avènement d’un nouvel ordre économique international fondé sur l’équité, l’égalité souveraine, l’interdépendance, l’intérêt commun et la coopération de tous les États, indépendamment du système économique et social de chacun, et que chaque État a le droit inaliénable de choisir son régime politique, économique, social et culturel, sans ingérence d’aucune sorte de la part d’autres États. 

L’Assemblée générale prierait l’Expert indépendant du Conseil des droits de l’homme sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable de lui présenter, à sa soixante-dix-neuvième session, un rapport sur l’application de la présente résolution en se concentrant sur la contribution de la réforme de l’architecture financière internationale à l’édification d’un ordre international démocratique et équitable. 

Intervention

En réponse à une question de Cuba, le Secrétariat a précisé que les États-Unis avaient demandé la mise aux voix du texte.  La délégation américaine a expliqué être préoccupée par plusieurs aspects du projet avant d’annoncer son intention de voter contre le texte. 

Aux termes du projet de résolution intitulé « Renforcement de l’action de l’Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits humains par la promotion de la coopération internationale et importance de la non-sélectivité, de l’impartialité et de l’objectivité » (A/C.3/78/L.33), présenté par Cuba et adopté par consensus, l’Assemblée générale prierait le Conseil des droits de l’homme d’examiner de nouvelles propositions tendant à renforcer l’action de l’ONU dans le domaine des droits humains en favorisant la coopération internationale, notamment dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU). 

Par le projet de résolution intitulé « Le droit à l’alimentation » (A/C.3/78/L.35) présenté par Cuba, et adopté par consensus, l’Assemblée générale constaterait avec une profonde préoccupation que, selon le rapport de 2023 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture intitulé « L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde: urbanisation, transformation des systèmes agroalimentaires et accès à une alimentation saine le long du continuum rural-urbain », entre 690 millions et 783 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim en 2022 et 2,4 milliards de personnes n’ont pas eu accès toute l’année à une alimentation nutritive, sans danger pour la santé et en quantité suffisante. 

Elle prierait tous les États et les acteurs privés, ainsi que les organisations internationales, dans le cadre de leur mandat, de tenir pleinement compte de la nécessité d’œuvrer en faveur de la réalisation effective du droit à l’alimentation pour tous.

Explications de vote

Avant le vote, le Royaume-Uni a fait savoir qu’il s’emploie à garantir les droits stipulés par le Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels.  Il a indiqué avoir pris des mesures législatives et administratives de sorte à assurer l’exercice progressif de ces droits.  Toutefois, a-t-il ajouté, le Pacte international n’a pas été intégré au droit national britannique.  Il a, d’autre part, estimé que la référence faite au rapport sur le rôle de l’architecture financière internationale sur le droit à l’alimentation n’a aucune utilité. La délégation a indiqué que ces réserves ne l’ont pas empêchée d’adhérer au consensus sur ce projet de résolution. 

Après le vote, le Bélarus a constaté que, bien que le droit à l’alimentation soit fondamental, des dizaines de millions de personnes dans le monde connaissent un accès insuffisant à une alimentation adéquate.  Il a estimé, à cet égard, que les mesures coercitives unilatérales représentent une grave menace pour l’exercice du droit à l’alimentation, car elles restreignent l’accès aux denrées alimentaire et donnent lieu à des crises humanitaires qui frappent en premier lieu les plus vulnérables. Il a notamment dénoncé les sanctions imposées aux exportations d’engrais au potassium de son pays, qui ont des effets catastrophiques sur la sécurité alimentaire de régions entières.  Il a donc appelé à la levée inconditionnelle et irréversible de ces mesures. 

Le Japon a ensuite estimé que la Troisième Commission n’est pas l’instance la plus appropriée pour traiter de l’architecture financière internationale.

Les États-Unis ont, pour leur part, rappelé qu’ils sont l’un des principaux bailleurs de fond du Programme alimentaire mondiale (PAM) et qu’ils ont lancé, avec l’Union africaine et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), une initiative visant à promouvoir la production agricole et la nutrition à travers des sols sains et une agriculture résiliente.  Tout en précisant qu’ils n’ont pas voulu saper le consensus sur ce projet de résolution, ils ont regretté que le texte contienne des questions litigieuses sans rapport avec les droits humains.  Ils se sont ainsi dissociés des paragraphes 13 et 14 du dispositif et se sont dits préoccupés par le paragraphe 51 du préambule. 

Par le projet de résolution intitulé « Renforcement de la coopération internationale dans le domaine des droits humains » (A/C.3/78/L.37) présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés et adopté sans vote, l’Assemblée générale soulignerait l’importance de l’Examen périodique universel, mécanisme fondé sur la coopération et le dialogue constructif, qui vise notamment à améliorer la situation des droits humains sur le terrain et à encourager les États à s’acquitter des obligations et des engagements qu’ils ont contractés. 

Elle soulignerait le rôle de la coopération internationale dans l’appui apporté aux efforts nationaux et dans l’accroissement des capacités des États Membres en matière de droits humains, grâce, notamment, au renforcement de leur coopération avec les mécanismes relatifs aux droits humains, y compris dans le cadre de la fourniture d’une assistance technique aux États qui en font la demande et conformément aux priorités fixées par ces États. 

Explication de position

À la suite de l’adoption du texte, les États-Unis se sont dissociés de de l’alinéa 5 du préambule, jugeant erroné l’argument selon lequel le renforcement de la coopération serait essentiel pour la promotion des droits humains. Au contraire, a estimé la délégation, tout État est individuellement responsable de la protection et de la promotion des droits humains, et l’absence de coopération ne saurait excuser le non-respect de ces engagements.  Le manque de développement ne saurait non plus être invoqué pour justifier une violation des droits humains, a-t-elle ajouté.  Elle a par ailleurs souligné que la Déclaration et Programme d’action de Vienne ne créent pas d’obligation pour les États.

En vertu du projet de résolution intitulé « Promotion d’une répartition géographique équitable dans la composition des organes conventionnels des droits humains » (A/C.3/78/L.38), présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés, adopté à 128 voix pour, et 52 voix contre, zéro abstention. 

L’Assemblée générale recommanderait que, pour chaque organe conventionnel, chacun des cinq Groupes régionaux qu’elle a établis se voit allouer des sièges en proportion des États parties à l’instrument considéré qu’il représente et que des révisions périodiques du nombre de sièges alloués soient prévues. 

Interventions et explications de vote 

En réponse à une question de Cuba, le Secrétariat a précisé que les États-Unis avaient demandé la mise aux voix du texte.  La délégation américaine s’est alors inquiétée du fait que le projet de résolution prévoit la tenue d’élections au sein des organes conventionnels qui rassemblent divers experts.  L’Assemblée générale n’a pas à débattre de cette question, et il est important que les experts soient exempts de toutes interférences, a‑t‑elle estimé. 

À l’issue du vote, l’Espagne, au nom de l’Union européenne (UE), a souligné que la nomination d’experts doit se faire sur la base des dispositions établies, se disant opposée à l’idée de mettre en place des quotas par région.  Elle n’a donc pas appuyé le projet de résolution, déplorant que celui-ci ne souligne pas que l’indépendance et l’impartialité des membres des organes conventionnels sont essentiels pour assurer leur bon fonctionnement. 

Le Canada a lui aussi estimé que la désignation des membres des organes conventionnels ne relève pas du mandat de l’Assemblée générale. 

Aux termes du projet de résolution intitulé « Droits humains et diversité culturelle » (A/C.3/78/L.44), présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés et adopté par 130 voix pour, 54 voix contre et zéro abstention, l’Assemblée générale se déclarerait déterminée à prévenir et à atténuer l’homogénéisation culturelle liée à la mondialisation, en développant les échanges interculturels dans le souci de promouvoir et de protéger la diversité culturelle. 

En outre, elle prierait instamment les États de faire en sorte que leurs systèmes politiques et juridiques reflètent la pluralité des cultures existant au sein de la société et, s’il y a lieu, de réformer les institutions démocratiques afin qu’elles soient plus largement participatives et évitent la marginalisation et l’exclusion de certains secteurs de la société ainsi que la discrimination à leur égard. 

Déclaration et explications de vote

Avant le vote, Cuba a voulu savoir qui a demandé à mettre ce projet de résolution aux voix.  Le Président de la Commission a indiqué que le vote a été demandé par les États-Unis. 

Les États-Unis ont reconnu que certaines communautés ont été « défavorisées de longue date, aux États-Unis comme ailleurs ».  Ils ont toutefois dit craindre que des concepts présentés par le projet de résolution soient utilisés pour placer certains groupes au-dessus d’autres ou violer les droits humains.  Pour la délégation, la diversité culturelle ne saurait justifier des violations des droits humains.  Elle a d’autre part regretté que le concept de diversité culturelle soit présenté par le projet de résolution comme un « objectif ultime », ce qui suscite des craintes d’utilisation abusive.  Enfin, elle a indiqué ne pas être favorable à l’élaboration d’un rapport sur l’application de ce texte. 

Aux termes de son projet de résolution « Droits humains et mesures coercitives unilatérales » (A/C.3/78/L.45), présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés et adopté par 128 voix pour, 54 voix contre et zéro abstention, l’Assemblée générale exhorterait vivement les États à s’abstenir d’adopter ou d’appliquer toute mesure économique, financière ou commerciale unilatérale contraire au droit international et à la Charte qui viendrait entraver la pleine réalisation du développement économique et social durable, notamment des pays en développement. 

Elle s’élèverait fermement contre le caractère extraterritorial des mesures coercitives unilatérales et engagerait tous les États Membres à ne pas les reconnaître et à ne pas les appliquer.  Elle soulignerait également que les mesures coercitives unilatérales constituent l’une des principales entraves à la mise en œuvre de la Déclaration sur le droit au développement et du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

Déclarations et explications de vote 

Avant le vote, les États-Unis ont indiqué que le projet de résolution conteste la capacité des pays à définir leurs relations internationales.  La délégation, qui a demandé la mise aux voix du texte, a en outre souligné que les mesures coercitives sont appropriées pour demander des comptes en cas de violations des droits humains, soulignant que son gouvernement veille à limiter leurs conséquences sur les « populations innocentes ». 

Le représentant du Niger a rappelé que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a imposé un blocus général contre son pays. Ces mesures ont un impact dévastateur sur les femmes et les enfants qui se trouvent privés de leurs droits fondamentaux, a-t-il indiqué, faisant part de son appui envers le projet de résolution. 

L’impact « désastreux » des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits humains « de plus d’un tiers de l’humanité » a également préoccupé le Venezuela qui, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a demandé aux pays de s’abstenir d’appliquer toutes mesures susceptibles d’entraver la réalisation politique, économique et sociale des pays en développement ainsi que les droits humains. 

De son côté, l’Espagne, au nom de l’Union européenne (UE), a souligné que les mesures coercitives imposées par l’UE sont toujours pesées, graduelles et tiennent compte du droit international humanitaire.  Lui emboîtant le pas, le Royaume-Uni a regretté que les mesures coercitives unilatérales et les sanctions soient mises sur le même plan.

Le Chili, qui a précisé avoir appuyé le texte, a rejeté toute politisation du projet de résolution, souhaitant que les discussions sur les mesures coercitives unilatérales et les droits humains restent impartiales. L’adoption de la résolution a également été saluée par le Bélarus qui a mis en cause les contours flous des sanctions secondaires et le phénomène de juridictions extraterritoriales, avant d’appeler à la fin de ces pratiques.

À quand des mesures coercitives unilatérales en réponse aux violations des droits humains à Gaza, a ironisé Cuba, en réaction à l’intervention de la délégation américaine, avant de dénoncer le blocus imposé illégalement à son encontre par les États-Unis. 

Aux termes du projet de résolution intitulé « Le droit au développement » (A/C.3/78/L.46), présenté par Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés et adopté par 131 voix pour, 26 voix contre et 25 abstentions, l’Assemblée générale noterait que, par sa résolution 54/18 du 12 octobre 2023, le Conseil des droits de l’homme lui a soumis, pour examen, négociation puis adoption, le projet de pacte international sur le droit au développement.  Elle encouragerait les États Membres à accorder une attention particulière au droit au développement dans le cadre de l’exécution du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

Déclaration et explications de vote

Avant le vote, Cuba a voulu savoir qui a demandé à mettre ce projet de résolution aux voix.  Le Président de la Commission a indiqué que le vote a été demandé par les États-Unis. 

Les États-Unis ont rappelé qu’ils ont fourni plus d’aide au développement que les autres pays et qu’ils sont le principal bailleur de fonds pour les projets de développement.  Ils ont toutefois dit craindre que le projet de résolution place le processus de développement au-dessus des droits humains et nuise au développement au lieu de le promouvoir.  Pour la délégation, le texte met l’accent sur le développement au détriment des droits humains, mettant en péril l’équilibre de ces deux impératifs.  De plus, a-t-elle poursuivi, le droit au développement ne fait l’objet d’aucune définition internationale et n’est pas reconnu comme un droit universel dont les individus seraient titulaires.  Enfin, elle s’est déclarée préoccupée par l’absence de réelle négociation en vue de l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant qui, selon elle, ne jouit que d’un appui partiel.

Après le vote, l’Espagne, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne (UE), s’est félicitée que les États membres de l’UE représentent l’essentiel de l’aide au développement au niveau mondial.  Elle a toutefois déploré, en justification de son abstention, que la Commission n’ait pas eu l’occasion de se pencher sur tous les sujets en lien avec ce projet de résolution, laissant de côté plusieurs préoccupations non abordées.  La délégation a ainsi noté que les opinions divergent sur le fond et la forme que devrait prendre l’instrument international dont il est question. 

Bien qu’il ait voté pour le texte, le Costa Rica s’est déclaré préoccupé par le paragraphe 7 du dispositif, qui évoque le projet de pacte international sur le droit au développement soumis à l’Assemblée générale par le Conseil des droits de l’homme (CDH).  En tant que membre du CDH, il a dit s’être abstenu parce qu’il considère ce projet prématuré et peu sûr.  Il a regretté, à cet égard, que les appels à ne pas accélérer les discussions sur cet instrument juridiquement contraignant aient été ignorés. 

L’Argentine, qui a voté en faveur du texte, a estimé qu’il n’existe pas de position nationale univoque au sujet d’un instrument international juridiquement contraignant.  Citant, à son tour, le paragraphe 7 du dispositif, la délégation a expliqué qu’elle aurait souhaité que la question de cet instrument contraignant soit traitée au seul Conseil des droits de l’homme. 

Elle aussi favorable au texte, l’Arménie s’est néanmoins dissociée du paragraphe 24 du préambule, lequel fait référence au sommet du Mouvement des pays non alignés dont le document final contient un « récit biaisé » du conflit actuel au Haut-Karabakh. 

Le Royaume-Uni, qui a voté contre le projet, a dit agir pour bâtir des économies fortes et assurer le développement durable au profit de tous.  Sans contester le fait que chaque pays devrait connaître une croissance économique, il s’est dit défavorable à l’idée qu’un nouveau traité devrait guider cette approche.  Il s’est également déclaré préoccupé par les objectifs d’un tel traité alors que le droit au développement ne bénéficie pas d’une définition claire et que certains droits civils et politiques font défaut dans le libellé. 

Le Liechtenstein, qui s’exprimait aussi au nom de l’Australie, de l’Islande et de la Norvège, a dit n’a pu appuyer ce texte en raison de la référence faite à un projet d’instrument juridiquement contraignant.  Un tel traité pourrait mettre à mal le consensus sur le droit au développement et faire obstacle à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), a-t-il expliqué.  Mentionnant le paragraphe 7 du dispositif, il a estimé qu’il incombe à l’Assemblée générale d’examiner et de négocier ce projet de pacte international, lequel « pourrait faire plus de mal que de bien ». 

La Nouvelle-Zélande, qui a voté contre le projet de résolution, s’est inquiétée de l’inclusion dans ce texte de concepts flous risquant de mettre à mal l’universalité des droits humains.  Ces concepts, a poursuivi la délégation, laisse penser qu’il existe une hiérarchie dans les droits humains.  Elle a d’autre part rappelé que des traités protègent déjà les droits humains et qu’il demeure des divergences sur l’application du droit au développement. 

Le Mexique, qui s’est abstenu, s’est déclaré opposé à une approche qui conditionnerait les obligations des États en matière de droits humains et la mise en œuvre des ODD à la coopération internationale.  Il a par ailleurs regretté que, dans ce texte, la nature du droit au développement soit parfois confondue avec les droits économiques, sociaux et culturels.  Selon lui, le droit au développement a une nature différente de ces droits. 

Le Chili a justifié son abstention par le fait qu’un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement devrait d’abord obtenir un large consensus au sein de la communauté internationale quant à sa nécessité. Une condition que ne remplit pas le présent projet de pacte international, selon la délégation.  En outre, ce projet de traité ne prend pas en compte le développement progressif du droit international des droits de l’homme, laissant de côté des avancées importantes dans le domaine du genre, a-t-elle ajouté. 

Le Canada, qui s’est abstenu lui aussi, a réitéré son engagement en faveur de la concrétisation des aspirations du Programme 2030.  Notant que les droits humains ont un effet favorable sur le développement, il a estimé que les programmes de coopération en faveur du développement devraient promouvoir les droits humains. 

L’Égypte, qui a voté en faveur du projet de résolution, a estimé que le droit au développement devrait être envisagé comme un droit à la fois individuel et collectif, et ce, conformément à la Déclaration de Vienne.  Pour ces raisons, elle s’est déclarée favorable à un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement. 

Reprenant la parole, Cuba a tenu à exprimer sa profonde gratitude, à titre national et au nom du Mouvement des pays non alignés, pour l’appui apporté par les délégations au projet de résolution. 

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