Soixante-dix-huitième session,
38e et 39e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4392

La Troisième Commission examine les droits des minorités et des personnes handicapées

Bénéficiant ce matin d’une traduction simultanée en langue des signes, la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a dialogué aujourd’hui avec cinq titulaires de mandat et la Présidente d’un organe conventionnel, notamment au sujet des droits des minorités et des personnes handicapées. 

Présentant son septième et dernier rapport, le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités a lancé un avertissement: « le monde est plus sombre qu’il ne l’a jamais été depuis près d’un siècle ».  Évoquant le plus grand nombre de conflits depuis la Seconde Guerre mondiale, un chiffre record de 110 millions de personnes forcées à fuir, et des discours de haine atteignant des niveaux inégalés, M. Fernand de Varennes a signalé que les minorités étaient souvent victimes de ces situations. 

À ses yeux, les risques d’atrocités, de catastrophes humanitaires et même de génocide n’ont jamais été aussi élevés dans l’histoire récente, en grande partie parce que les Nations Unies « n’ont pas été en mesure de répondre aux menaces croissantes ».  Il a appelé à remédier à l’inaction et à offrir aux minorités la même protection qu’à d’autres groupes vulnérables. 

Évoquant un récent « tsunami de crimes haineux », la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction a indiqué que l’absence de reconnaissance par l’État de certains groupes religieux ou de croyance pouvait aller jusqu’à les priver de citoyenneté.  Mme Nazila Ghanea a également mis en cause les autorités locales responsables de l’application de lois religieuses qui violent la liberté de religion ou de conviction, évoquant l’obligation ou l’interdiction du jeûne et l’imposition de tenues vestimentaires. 

Même lorsque la constitution garantit ces libertés, les discriminations exercées par les fonctionnaires peuvent les vider de leur substance, a-t-elle déploré, ajoutant que certains d’entre eux allaient même jusqu’à inciter ou à se livrer à des violences contre les minorités.  Regrettant que cette violence s’inscrive souvent dans un contexte d’impunité, elle a recommandé aux États de former les fonctionnaires et de mettre en place un coordonnateur national indépendant dédié à ces questions. 

Lors du dialogue interactif, Israël l’a appelée à briser le silence autour de l’antisémitisme, tandis que le Pakistan a souhaité savoir comment elle entendait lutter contre l’islamophobie.  Pour sa part, l’Arabie saoudite a regretté que son rapport ne fasse pas référence aux autodafés du Coran dans plusieurs États.  Rappelant que son mandat existait depuis 37 ans, la Rapporteuse spéciale a renvoyé ces délégations aux rapports précédents déjà dédiés à ces questions. 

De son côté, l’Expert indépendant chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre a dit avoir tiré de ses enquêtes menées depuis 2016 le constat que le colonialisme constitue une cause profonde de cette violence.  M. Victor Madrigal-Borloz a expliqué que de nombreux peuples n’avaient pas une approche binaire du genre avant l’épisode colonial, mais que celui-ci avait légué aux pays nouvellement indépendants des lois criminalisant la diversité des orientations sexuelles. 

Détaillant les leviers de ce processus, il a mentionné la conversion aux normes religieuses du colonisateur et la criminalisation de la non-conformité de genre ou de sexualité avec les modèles européens.  La tendance coloniale à la criminalisation a également eu un impact sur les politiques des pays qui n’ont pas été colonisés, a-t-il ajouté, citant l’exemple du Japon et de la Thaïlande, ayant adopté de telles lois au XIXe siècle comme un signe de modernité.  Il a cependant dit voir une évolution positive dans la « décolonisation » des cadres juridiques. 

Dans la matinée, le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées a appelé à intégrer ces dernières aux processus de consolidation de la paix après les conflits.  M. Gerard Quinn a estimé qu’une telle inclusion apportait du dynamisme car « les personnes handicapées savent comment transcender les frontières traditionnelles pour trouver un terrain d’entente ». 

Considérant choquant que 6% seulement des traités de paix conclus lors des 30 dernières années fassent référence au handicap, il a appelé à s’appuyer sur la résolution 2475 (2019) du Conseil de sécurité, qui fait référence au rôle des personnes handicapées dans la réconciliation, la reconstruction et l’instauration de la paix.  Alors que les États-Unis ont souhaité savoir comment les États Membres pourraient être tenus d’assurer leur participation à toutes les étapes d’un processus de paix, la Fédération de Russie s’y est opposée avant l’obtention d’un cessez-le-feu. 

En ouverture des débats, la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées s’était félicitée que 188 États aient ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, précisant qu’il n’en manquait plus que huit pour atteindre son universalisation.  Regrettant que le Comité ait 72 rapports en attente, un des arriérés les plus importants des organes conventionnels, Mme Gertrude Oforiwa Fefoame a plaidé en faveur d’un passage de 7 à 12 semaines de réunion annuelle, afin d’aligner son comité sur les pratiques des organes comparables. 

Présentant un rapport sur la nourriture, la nutrition et le droit à la santé, la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible s’est inquiétée des stratégies de marketing des produits ultratransformés qui ciblent surtout les enfants, les minorités ethniques et les personnes les plus pauvres.  Mme Tlaleng Mofokeng a appelé à un étiquetage nutritionnel obligatoire sur le devant des emballages, et à l’adoption d’une politique fiscale et alimentaire traduisant l’obligation qu’ont les États de protéger le droit à la santé. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 27 octobre, à partir de 10 heures. 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)

Déclarations liminaires des titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale et d’autres experts, suivies d’un dialogue interactif

Exposé

Mme GERTRUDE OFORIWA FEFOAME, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, a félicité l’Assemblée générale pour l’adoption de la déclaration politique du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, dans laquelle les États Membres ont réitéré leur engagement à veiller à la participation active des personnes handicapées aux efforts de développement durable.  Elle a indiqué que le Comité mène campagne auprès des États signataires de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de son Protocole facultatif pour leur ratification, précisant qu’il n’en manque que huit pour atteindre une ratification universelle du Traité.  Elle s’est félicitée que le Cameroun soit récemment devenu le cent quatre-vingt-huitième à l’avoir fait et a indiqué que 23 États signataires doivent encore ratifier le Protocole facultatif. 

Avec 43 rapports initiaux et 29 rapports périodiques en attente d’examen, le Comité a l’un des arriérés les plus importants des organes conventionnels, a regretté la Présidente, prévenant qu’avec le temps de réunion imparti et les ressources actuelles, il faudrait cinq ans à son organe pour le résorber. Évoquant les causes de cette situation, elle s’est plainte du fait que le temps de réunion plénière n’ait pas augmenté depuis 2014, lorsque la Convention ne comptait qu’environ 130 parties. Elle a appelé à passer de 7 à 12 semaines de réunion annuelle afin d’aligner ce temps sur celui alloué aux organes conventionnels relatifs aux droits humains ayant un nombre de parties comparables.  Notant que le Comité pourrait se voir accorder une troisième session, si le calendrier d’examen prévisible de huit ans était adopté par l’Assemblée générale, Mme Oforiwa Fefoame a toutefois plaidé en faveur d’une mesure transitoire à court terme pour résorber l’arriéré.  Elle a ensuite indiqué que seulement 3 rapports ont été examinés en 2021 en raison de la pandémie de COVID-19, puis 14 en 2022 et le même nombre en 2023, l’objectif pour 2024 étant d’en traiter 16, en fonction des ressources allouées par le Secrétariat.

La Présidente du Comité a par ailleurs regretté que 21 rapports initiaux soient en retard de plus de cinq ans, dont 9 de plus de 10 ans. Elle a rappelé à ce sujet que le paragraphe 2 de l’article 36 de la Convention permet d’adresser une notification aux États dont les rapports ne sont pas rendus.  Elle a également indiqué que, dans le cadre du programme de renforcement de capacités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Comité s’emploie à soutenir les États qui en expriment le besoin.  Enfin, rappelant qu’en décembre dernier, l’Assemblée générale a adopté la résolution A/RES/77/240 (2022) sur la communication facile à comprendre pour faciliter l’accessibilité des personnes en situation de handicap, elle a invité les États Membres à traduire cet engagement en un plan d’action concret, doté de ressources suffisantes, afin de renforcer la capacité des services de conférence, tant à New York qu’à Genève, à produire des versions faciles à comprendre des documents clefs.  

Dialogue interactif

Prenant en premier la parole à la suite de cet exposé, l’Union européenne a appuyé le Comité et encouragé tous les États à ratifier la Convention. Soutenant que les connaissances des personnes handicapées sont essentielles dans la création de politiques défendant leurs intérêts, elle a demandé à la Présidente du Comité comment les agences des Nations Unies pourraient améliorer la représentation des personnes handicapées dans les processus décisionnels.  El Salvador a lui aussi posé la promotion des droits de ces personnes comme la pierre angulaire de sociétés plus justes, avant de détailler les efforts déployés en ce sens au niveau national.  Il a ensuite voulu savoir comment veiller à ce que les besoins des personnes handicapées soient pris en compte dans les ripostes sanitaires ou climatiques des États.  La Malaisie s’est également enquise des mesures qui pourraient être prises pour que les personnes handicapées ne soient pas laissées de côté dans les contextes pandémiques.  Les Maldives ont insisté sur l’importance de l’emploi pour les personnes handicapées, demandant comment accroître les progrès réalisés sur ce terrain précis. L’Ukraine a signalé que 47 000 Ukrainiens handicapés ont émigré ou ont été déplacés dans leur pays en raison de la guerre d’agression de la Fédération de Russie.  Rappelant que des centres de soins ont été détruits ou endommagés et que des travailleurs médicaux sont morts en tentant d’aider leurs patients, elle a demandé des conseils pour faire face à une telle situation. 

De son côté, la Fédération de Russie a reproché au Comité de « marginaliser » la langue russe dans ses services d’interprétation et de mener des activités outrepassant son mandat.  Elle lui a par ailleurs demandé d’utiliser rationnellement le temps qui lui est imparti pour éviter les retards.  Elle a enfin regretté que le Comité soit devenu une plateforme émettant des accusations à la fois inexactes et politisées.  Le Bélarus s’est pour sa part intéressé à la partie du rapport traitant du domaine de la culture, des loisirs et des sports, déplorant l’exclusion en 2022 des athlètes russes et bélarussiens des jeux d’hiver paralympiques de Beijing.  Il a voulu connaître l’avis du Comité à ce sujet.  À sa suite, la Chine a assuré que les 85 millions de personnes handicapées qui vivent dans le pays disposent de soins et d’un accès à l’éducation, et sont encouragées à participer à la vie publique.  Elle a appuyé la Convention et tous les efforts internationaux en faveur des personnes handicapées, revenant sur les engagements chinois en ce sens.

Israël a jugé décevante la déclaration du Comité faite le 20 octobre 2023, laquelle n’a pas condamné clairement les actes criminels du Hamas du 7 octobre.  La délégation a rappelé que des personnes handicapées font partie des personnes ciblées par les terroristes.  Elle a déploré que la déclaration du Comité établisse une « équivalence morale » entre la démocratie israélienne, qui appuie le droit international, et des terroristes, qui eux n’adhèrent même pas aux principes les plus fondamentaux de l’humanité.  Le Mali a, lui, voulu connaître les mesures que préconise le Comité pour l’accompagnement des pays en développement dans leur encadrement des personnes handicapées, notamment dans des contextes de crise.  Après la Grèce, qui a fait part des efforts qu’elle déploie au niveau national, le Bangladesh a demandé à la Présidente du Comité comment les personnes handicapées peuvent accéder aux technologies numériques tout en se prémunissant de la criminalité en ligne, à laquelle elles sont particulièrement exposées.  Enfin, l’Ordre souverain de Malte a indiqué avoir lancé un programme en faveur du bien-être des personnes handicapées, qui comprend des services paramédicaux, un appui psychosocial et l’administration de médicaments. 

Répondant à ces interrogations et commentaires, la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées a tout d’abord salué les efforts de l’Union européenne destinés à prendre en compte toutes les questions qui concernent les personnes handicapées à tous les niveaux de décision.  Dans ce cadre, les données sont très importantes et leur optimisation permettra d’améliorer la mise en œuvre des processus en cours, a-t-elle estimé.  S’agissant de la satisfaction des besoins pratiques des personnes handicapées, elle a plaidé pour une approche en deux volets, avec en premier lieu une consultation des personnes concernées, puis une planification et une évaluation des mesures à leur attention.  Concernant le financement de ces mesures, elle a rappelé que le Comité encourage les contributions extrabudgétaires.

Mme Oforiwa Fefoame a ensuite pris note des remarques de la Fédération de Russie sur l’absence de service d’interprétation simultanée dans les débats du Comité, avant d’assurer que son organe travaille dans le cadre de son mandat et suit les directives des organes conventionnels des droits de l’homme. Elle a, par ailleurs, indiqué que le Comité se penche sur la question de l’exclusion de certaines athlètes aux jeux paralympiques. 

La Présidente du Comité a répondu à la Malaisie en l’invitant à inclure la composante handicap dès la phase de planification de ses programmes, en adoptant une approche basée sur les droits humains afin de considérer le handicap dans tout le cycle des projets.  Plus généralement, elle a déploré que les zones rurales soient négligées dans le traitement des questions liées au handicap.  Il faut, selon elle, considérer les situations équitablement, pour que les personnes les plus négligées soient prises en charge et participent à la planification pour orienter les processus. 

Pour ce qui est de l’Ukraine, et plus largement des zones de conflit, la Présidente du Comité a indiqué que son organe travaille avec les organisations internationales et les acteurs qui font face aux urgences humanitaires.  Si la question du handicap est régulièrement abordée du point de vue de la prévention, les défis demeurent après les conflits, a-t-elle observé, soulignant, à cet égard, l’importance de l’article 11 de la Convention sur les défis liés aux situations de risque et aux urgences humanitaires.  Le Comité se concentre sur ces situations pour améliorer la réponse, a-t-elle indiqué au Mali.  À Israël, elle a affirmé travailler sans préjugé, dans le cadre de son mandat, et veiller à ce que tous les États parviennent aux accomplissements les plus grands possibles relativement aux droits des personnes handicapées. 

Après avoir fait état des discussions entre le Comité et toutes les entités intéressées pour que des points focaux soient prévus lors du Sommet de l’avenir, Mme Oforiwa Fefoame a insisté sur l’importance du numérique pour les personnes qui, comme elle, souffrent d’un handicap visuel.  Les organes conventionnels sur les droits humains commencent à s’y intéresser, s’est-elle félicitée, souhaitant que les données collectées sur cette question soient utilisées pour permettre une plus grande inclusion des personnes handicapées.  Elle a enfin jugé inutile de fournir un exemple de meilleure pratique en particulier, faisant valoir que les situations économiques, sociales et politiques des pays sont différentes.

Exposé

M. GERARD QUINN, Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, a commencé par rappeler la promesse qu’il avait faite lors de sa prise de fonction en 2020: relier les débats sur les droits des personnes handicapées aux défis de la communauté internationale, à commencer par le fléau des conflits armés.  Il a dit s’être ainsi conformé à l’article 11 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées qui établit un lien entre les droits humains, la paix, la sécurité et le développement.  M. Quinn a également rappelé que son dernier rapport sur ce sujet, présenté à l’Assemblée générale l’année dernière, portait sur l’interaction entre les principes fondamentaux du droit humanitaire international et les droits internationaux des personnes handicapées.  Sur la base des recommandations qu’il a formulées pour aligner les principes du droit international humanitaire sur la Convention, il a, cette fois, appelé à la cessation des conflits pour intégrer à un processus de consolidation de la paix les groupes traditionnellement exclus, tels que les personnes handicapées.  Il a précisé que son rapport préconise une telle inclusion comme « un bien en soi », dans la mesure où elle permet à des voix qui ont été négligées dans le passé de se faire entendre et injecte ainsi une autre dynamique dans le processus de paix. 

Pour le Rapporteur spécial, il ne fait aucun doute que les personnes handicapées savent comment transcender les frontières traditionnelles, sectaires ou autres, pour trouver un terrain d’entente.  « Leur éthique d’inclusion est un des ciments qui peuvent faire fonctionner la paix », a-t-il souligné, assurant que tout processus les incluant et cherchant à mettre fin à leur exclusion historique « portera ses fruits dans la dynamique de paix ».  À l’inverse, a-t-il ajouté, tout processus qui ne les inclut pas court le risque de ne pas être durable.  À cet égard, M. Quinn a trouvé « choquant » que 6% seulement des traités de paix conclus au cours des 30 dernières années fassent référence au handicap, et le plus souvent uniquement d’un point de vue médical. Il s’agit là d’une énorme occasion manquée pour les personnes handicapées, mais aussi pour le processus de paix, a-t-il déploré. 

Le Rapporteur spécial a précisé que son rapport vise justement à inverser cette dynamique afin que le handicap devienne une « inflexion automatique du processus de paix », en créant un espace délibéré pour la participation des personnes handicapées au processus.  Ainsi, les personnes handicapées pourront jouer leur rôle dans la reconstruction de leur propre société, a-t-il plaidé, ajoutant que ses recommandations s’adressent à l’architecture institutionnelle des Nations Unies pour la construction de la paix et concernent tous les acteurs impliqués dans le processus.  Selon lui, le moment est venu pour la communauté internationale de réfléchir à la manière de s’appuyer sur la résolution « historique » 2475 (2019) du Conseil de sécurité, qui fait spécifiquement référence au rôle des personnes handicapées dans la réconciliation, la reconstruction et l’instauration de la paix. 

Dialogue interactif

Dans la foulée de cet exposé, la Fédération de Russie a estimé que consacrer trois rapports à la question des personnes handicapées dans les conflits ne représente aucune valeur ajoutée.  Elle s’est opposée à la recommandation d’intégration des personnes handicapées dans les processus précédant l’obtention d’un cessez-le-feu. La délégation a estimé que le Comité devrait se concentrer sur le travail « normal » de son mandat, à savoir le respect des obligations internationales prises par les États parties à la Convention.  La Géorgie s’est, pour sa part, félicitée de la récente visite de M. Quinn sur son territoire et a détaillé les mesures qu’elle a adoptées s’agissant des personnes handicapées et des conflits armés.  Elle a souligné, à cet égard, l’impact de l’occupation russe sur les personnes vulnérables, dont les personnes handicapées.  Rappelant qu’elle sera membre du Conseil de sécurité en 2024-2025, la République de Corée s’est engagée à se consacrer à la question de l’inclusion des personnes handicapées dans les processus de consolidation de la paix.  Elle a voulu connaître les recommandations du Rapporteur spécial pour les membres du Conseil de sécurité en la matière.  Israël a rappelé que deux personnes handicapées sont détenues par le Hamas depuis huit ans et a demandé comment faire pour que les otages, y compris handicapés, puissent être libérés. 

La République arabe syrienne a accusé Israël de « créer des handicaps » et de venir ensuite « se présenter comme victime ». Elle a également dénoncé le « petit groupe de pays » qui soutient l’occupation israélienne en Palestine. La République islamique d’Iran a détaillé les mesures qu’elle a adoptées pour promouvoir les droits des personnes handicapées, avant de dénoncer l’impact des mesures coercitives unilatérales sur ces personnes.  Elle s’est aussi inquiétée du sort des personnes handicapées à Gaza, face à « l’agression croissante d’Israël ».  À sa suite, la Chine a appelé à mettre en œuvre les recommandations de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et rappelé sa contribution au fonds pour la réparation dédiée aux personnes handicapées dans les conflits.  L’Algérie a, elle, demandé comment tenir compte des différents types de discrimination qui touchent les personnes handicapées, comme l’âge et le sexe. 

Les États-Unis ont ensuite rappelé qu’ils étaient coauteurs de la résolution 2475 (2019) du Conseil de sécurité sur la protection des civils, dont les personnes handicapées, en situation de conflit armé. Ils ont souhaité savoir comment les États Membres pourraient être tenus d’assurer la participation des personnes handicapées à toutes les étapes d’un processus de paix.  Après avoir rappelé que 16% des handicaps à travers le monde sont dus aux conflits, la Nouvelle-Zélande a interrogé le Rapporteur spécial sur ce qu’il considère être le plus grand obstacle à l’amélioration de la situation des personnes handicapées ces 10 prochaines années.  Le Canada s’est dit préoccupé par le manque de participation des personnes handicapées aux processus de consolidation de la paix, notamment des femmes handicapées.  Quelles leçons peut-on tirer du programme pour les femmes et la paix et la sécurité pour mieux inclure les personnes handicapées dans les processus de consolidation de la paix, s’est-il enquis.  À son tour, l’Australie a appelé à inclure les personnes handicapées dans les processus de consolidation de la paix, demandant comment réussir la mise en œuvre des recommandations en ce sens. 

L’Union européenne a mis l’accent sur les violations spécifiques que subissent les femmes et les filles atteintes de handicap et insisté sur l’importance de fournir des services de base dans les situations de conflit.  Au nom du pays du Bénélux, le Luxembourg a regretté l’absence d’inclusion des personnes handicapées dans les processus liés aux questions de paix et sécurité, s’interrogeant sur les moyens de les inclure dans le programme sur les femmes et la paix et la sécurité.  La Pologne a, elle aussi, salué l’adoption de la résolution 2475 (2019) et rappelé aux parties armées leurs obligations vis-à-vis des personnes handicapées en cas de conflit.  Elle a demandé des exemples de meilleures pratiques de pays hôtes à l’égard de réfugiés atteints de handicap.  La Hongrie a ensuite rappelé les souffrances historiques infligées aux personnes handicapées, à commencer par l’Holocauste, avant de détailler les mesures qu’elle a prises sur la base des recommandations de la Convention.  La Finlande a estimé que les personnes handicapées devraient avoir leur mot à dire sur les discriminations du passé.  Elle a aussi voulu savoir comment, concrètement, les États Membres peuvent lever les obstacles à la participation des personnes handicapées dans les processus de consolidation de la paix.  Malte a demandé comment intégrer les enfants handicapés aux programmes de consolidation de la paix, tandis que l’Irlande s’interrogeait sur la prise en compte par les États Membres de l’intersectionnalité du handicap. 

Le Myanmar a, quant à lui, expliqué que le coup d’État militaire de février 2021 et les atrocités perpétrées par la junte au pouvoir ont fait reculer le droit des personnes handicapées.  Appelant à mettre fin à la dictature militaire dans le pays, il a demandé au Rapporteur spécial ce qu’il recommande de faire au Gouvernement d’unité nationale en exil.  La Malaisie a détaillé les mesures qu’elle avait adoptées pour protéger les droits des personnes handicapées, avant de s’enquérir des initiatives de développement et de paix qui en tiennent compte.  Timor-Leste a indiqué que 38 000 personnes handicapées vivent sur son territoire, soit 4% de sa population, et a évoqué son plan d’action 2021-2030 pour promouvoir leurs droits.  Quelles mesures peuvent être prises pour un dépistage et un traitement précoce du handicap chez les enfants, a-t-il demandé.  Le Brésil et le Lesotho ont insisté sur l’importance de la participation des personnes handicapées dans les processus de décision politique selon le principe « rien sur nous sans nous ». Le Chili a salué l’approche intersectionnelle de l’inclusion des personnes handicapées dans les processus de consolidation de la paix, s’interrogeant sur les mesures à mettre en place pour y parvenir.  Enfin, le Mexique et la République dominicaine ont demandé comment s’assurer d’une participation plus effective des personnes handicapées dans les contextes post-conflit et les processus de consolidation de la paix. 

Répondant aux remarques et questions des délégations, le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées a d’abord rappelé l’importance de l’article 4 de la Convention, qui consacre le droit des personnes handicapées de participer à tous les processus qui les concernent. Aux pays s’inquiétant de la participation des femmes handicapées dans les processus de consolidation de la paix, il a également rappelé que la perspective de genre est promue par le programme pour les femmes et la paix et la sécurité.  Reconnaissant que cette intégration reste imparfaite, il a souhaité que le Fonds pour la consolidation de la paix aide à y remédier. 

M. Quinn a ensuite chaleureusement remercié la Géorgie, se félicitant d’un dialogue très franc avec cet État lors de sa visite, durant laquelle il a vainement tenté de se rendre dans les deux territoires occupés par la Fédération de Russie.  Il s’est, par ailleurs, ému des réalités soulevées par les pays en conflit, tels le Myanmar, rappelant que dans ces derniers, 16% des personnes handicapées le sont du fait des conflits.  Il s’est réjoui de l’adoption il y a quatre ans de la résolution 2475 (2019) du Conseil de sécurité, qui appelle à protéger les personnes handicapées dans les situations de conflit et à garantir leur accès à la justice, aux services de base et à une aide humanitaire sans entrave, avant d’appeler à sa pleine mise en œuvre, notamment pour les anciens combattants handicapés. 

Après avoir indiqué à la Hongrie qu’il existe, dans le monde, des sites commémorant les victimes handicapées de l’Holocauste, notamment un mémorial à Berlin, le Rapporteur spécial a répondu aux États-Unis au sujet du principe de responsabilité dans le cadre du droit international humanitaire.  Évoquant un projet de traité sur les crimes contre l’humanité actuellement examiné en Sixième Commission, il a estimé que la leçon à tirer de l’expérience des dernières années est qu’il faut inclure les groupes tels que les personnes handicapées dès le début de l’élaboration d’un texte.

Rappelant à l’Irlande qu’il a été observateur du conflit qui opposa l’Irlande du Nord à la République d’Irlande dans les années 90, M. Quinn a relevé que la question du handicap était le seul point sur lequel les deux parties étaient d’accord, ce qui avait contribué à la paix.  Enfin, en réponse à Israël, il a rappelé que tout acteur, étatique ou non, est lié par le droit international humanitaire, et qu’à ce titre, toute violence infligée aux civils constitue un crime de guerre.  Enfin, estimant que la réparation morale et la vérité sont des thèmes universels, il a établi un parallèle entre le conflit du passé en Irlande et les tensions que connaît aujourd’hui l’Amérique centrale. 

Exposé

Mme NAZILA GHANEA, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a déclaré que les événements de ce mois-ci viennent souligner l’urgence à faire respecter la liberté de religion ou de conviction sur le terrain, évoquant un « tsunami de crimes haineux ».  Elle a indiqué que la non-reconnaissance par l’État de certains groupes religieux ou de croyance peut aller jusqu’au refus pur et simple de la citoyenneté, ce qui plonge ces groupes dans la marginalisation. Elle a également mis en cause les autorités locales qui sont responsables de l’application de lois religieuses qui violent la liberté de religion ou de conviction, telles que l’obligation ou l’interdiction du jeûne, ou l’imposition de tenues vestimentaires. 

Même quand l’ordre constitutionnel garantit ces libertés, les attitudes discriminatoires des fonctionnaires peuvent faire de ce principe une lettre morte sur le terrain, a déploré la Rapporteuse spéciale.  Elle s’est également inquiétée des incitations à la violence, alertant en outre que certains fonctionnaires locaux vont jusqu’à se livrer à des violences directes contre les minorités religieuses ou de conviction.  Et cette violence s’inscrit souvent dans un contexte d’impunité, lorsque l’État lui-même ferme sciemment les yeux sur la discrimination structurelle inscrite dans les systèmes de gouvernance, quand il n’en n’est pas lui-même le fer de lance. Par ailleurs, les normes et pratiques juridiques qui s’appliquent aux personnes identifiées à une religion ou à une croyance donnée peuvent placer les femmes de cette communauté dans une situation désavantageuse en ce qui concerne le mariage, l’héritage, la garde des enfants, ou l’accès aux lieux de culte. 

La Rapporteuse spéciale a ensuite relevé que l’implication des minorités dans l’élaboration des politiques, telles que la planification urbaine, aide les autorités à comprendre les besoins des communautés religieuses ou de croyance sur le terrain.  Elle a également salué la création d’espaces pour un dialogue interconfessionnel et intra-confessionnel constructif, y compris avec des acteurs laïcs.  En outre, les personnes ayant voix au chapitre doivent dénoncer la haine et le mépris et les forces de police doivent s’abstenir de toute force de discrimination.  De même, elle a appelé à l’adoption de politiques à même de désamorcer et traiter les causes profondes de la haine et de l’intolérance.  À ce titre, elle a recommandé aux États de renforcer les capacités des fonctionnaires à tous les niveaux en matière de liberté de religion ou de conviction, et de mettre en place un point focal national doté d’un mandat indépendant pour promouvoir la liberté de religion ou de conviction.

Dialogue interactif

À la suite de cet exposé, Israël a appelé la Rapporteuse spéciale à briser le silence autour de l’antisémitisme.  Quand allez-vous condamner le crime odieux du Hamas, s’est indignée la délégation qui a souhaité élaborer une définition de base de l’antisémitisme pour combattre et condamner ses formes contemporaines.  De son côté, le Pakistan a souhaité savoir comment la Rapporteuse spéciale entend lutter contre l’islamophobie, suivi de la Fédération de Russie qui a accusé l’Ukraine de vouloir supprimer l’Église orthodoxe canonique.  L’Iraq, qui a indiqué avoir adopté une loi pour les survivants yézidis des crimes commis par Daech, s’est inquiété des répercussions des discours de haine qui attisent la discrimination, le Bangladesh se préoccupant pour sa part de l’utilisation des plateformes en ligne pour diffuser la haine contre les minorités religieuses.  Comment promouvoir leur utilisation responsable?

Après le Maroc, qui a souhaité savoir si la Rapporteuse spéciale envisage de prendre part à la conférence internationale de 2025 sur les discours de haine, les Pays-Bas ont appelé à revitaliser le Processus d’Istanbul relatif à la lutte contre l'intolérance, la discrimination et l'incitation à la haine ou à la violence fondées sur la religion ou la conviction au niveau national, le Canada souhaitant de son côté en savoir davantage sur les défis en matière de liberté de religion et de conviction.  Que faire pour que les initiatives des États visant à promouvoir la liberté de religion et de conviction soient inclusives et non discriminatoires? a demandé l’Irlande.  De son côté, la Grèce a réclamé davantage de détails sur le rôle des États pour faire de la liberté de religion ou de conviction une réalité pour tous.  Cuba s’est opposé pour sa part « aux listes de vigilance des États-Unis » sur lesquelles il a dit figurer depuis 2022. L’Indonésie a appelé les États à muscler leurs cadres juridiques en faveur de la protection des libertés des minorités. 

Que peut faire la communauté internationale pour transformer les paroles en actes, a questionné le Royaume-Uni, appuyée par l’Australie.  La Hongrie a expliqué qu’elle fournit une aide locale aux communautés persécutées pour leurs croyance avant que la Lituanie, qui s’est exprimée au nom des pays nordiques et baltiques, s’inquiète de l’utilisation de la religion par certains acteurs à des fins politiques. La liberté de religion ou de conviction n’est pas tant une affaire de ratification de traités pertinents qu’une question de mise en pratique concrète, a rappelé pour sa part la Belgique

La République démocratique populaire lao a indiqué que sa Constitution garanti le plein respect de la liberté de conscience.  Comme celle de l’Inde, a assuré la délégation, qui a réagi avec « le mépris qu’elles méritent » à certaines références contenues dans le rapport à l’encontre de son pays.  L’Arabie saoudite a regretté que le rapport ne fasse pas référence aux autodafés du Coran dans plusieurs États, tandis que la Chine s’est inquiétée du sort de la minorité musulmane aux États-Unis.  La République islamique d’Iran a dénoncé les allégations politisées faites à son encontre, déplorant en outre que dans certains pays des filles musulmanes ne sont pas autorisées dans les écoles, en raison de leur tenue vestimentaire islamique.  Clôturant les commentaires, l’Ordre souverain de Malte a indiqué avoir érigé un hôpital à Bethleem, où musulmans et chrétiens œuvrent ensemble pour sauver des vies. 

Reprenant la parole, la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction a encouragé les États à intégrer les dispositions des traités internationaux dans leur droit national, leur demandant en outre de s’abstenir de criminaliser les manifestations de ces libertés, de former leurs fonctionnaires, et de tenir compte des préjugés réels, historiques ou autres, existant dans les sociétés.  Elle les a également encouragés à créer un poste de coordonnateur national indépendant sur la liberté de religion et de conviction, chargé de fournir des recommandations à toutes les institutions de l’État.

Rappelant que le mandat existe depuis 37 ans, la Rapporteuse spéciale a renvoyé les questions concernant l’antisémitisme ou l’islamophobie aux rapports déjà publiés.  Elle a regretté que les discours de haine aillent croissant dans le monde et rappelé qu’une conférence mondiale sur la lutte contre ces discours allait être organisée en 2025. Concernant les critiques des délégations au sujet de son rapport, elle a rappelé qu’un processus d’échange avec les États était en place et les a invités à y recourir.  Elle a rappelé qu’il restait deux jours pour contribuer à son prochain rapport thématique qui sera consacré à l’apologie de la haine fondée sur des croyances religieuses et présenté à la prochaine session du Conseil des droits de l’homme en mars. 

Exposé

Mme TLALENG MOFOKENG, Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a indiqué que son rapport thématique porte sur la nourriture, la nutrition et le droit à la santé.  Après avoir alerté que 800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, elle s’est penchée sur la manière dont les inégalités en matière d’alimentation, de nutrition et leurs impacts sur la santé reflètent les asymétries de pouvoir à tous les niveaux de la société.  Elle a fait état de risques nettement plus élevés de malnutrition et de problèmes de santé connexes pour les populations autochtones, les femmes, les enfants et les nourrissons.  Elle a souligné que les cadres juridiques jouent un rôle crucial pour assurer une égalité substantielle dans l’exercice du droit à la santé.  Il faut également tenir compte des déterminants sociaux, notamment le statut socioéconomique et le racisme, qui façonnent les environnements alimentaires et déterminent la disponibilité, l’accessibilité et l’acceptabilité d’aliments diversifiés et nutritifs.  De même, elle a relevé que les stratégies de marketing des produits ultratransformés ciblent de manière disproportionnée les enfants, les minorités raciales et ethniques et les personnes issues de milieux socialement défavorisés.

Face à cette situation, la Rapporteuse spéciale a appelé à un étiquetage nutritionnel obligatoire sur le devant des emballages, et à l’adoption d’une politique fiscale et alimentaire alignée sur l’obligation des États à protéger le droit à la santé.  Elle a également attiré l’attention sur le rôle de la malnutrition dans les maladies non transmissibles, ainsi que l’impact des carences en micronutriments.  Les professionnels de la santé doivent comprendre la relation entre l’insécurité alimentaire et les mauvais résultats en matière de santé, ainsi que les difficultés rencontrées par les personnes souffrant d’insécurité alimentaire, a-t-elle estimé.  La Rapporteuse spéciale s’est également inquiétée de l’impact des changements climatiques sur le risque de maladies d’origine alimentaire et hydrique; de l’utilisation de la nourriture comme arme de guerre; et de l’occupation des terres qui empêche les communautés autochtones de produire leur propre alimentation, transformant la nourriture en marchandise. 

Dialogue interactif

À l’issue de cet exposé, les États-Unis ont insisté sur l’importance d’assurer un accès équitable à l’alimentation, tandis que l’Union européenne a voulu savoir comment améliorer les cadres juridiques afin que le droit à l’alimentation soit lié aux droits humains. 

El Salvador a vanté les mérites des cadres réglementaires mis en place au niveau national pour garantir un accès équitable à l’alimentation dès la petite enfance.  Le Chili a dit souffrir d’une augmentation des maladies non transmissibles, et avoir pris des mesures pour contrôler la publicité incitant à la consommation d’aliments malsains, comme les boissons sucrées.  L’Afrique du Sud s’est ensuite enorgueillie d’avoir été le premier pays à taxer ces boissons en Afrique, en 2018.

De son côté, Cuba a alerté que les mesures coercitives unilatérales fragilisent le droit à l’alimentation, suivi de l’Égypte qui a demandé des informations sur les répercussions du surendettement sur l’insécurité alimentaire, rappelant que le continent africain consacre davantage de fonds au remboursement de sa dette qu’aux investissements dans la santé.

Le Cameroun s’est inquiété de l’accès grandissant à des produits transformés importés et a appelé à soutenir les systèmes traditionnels d’alimentation. Le Brésil a ensuite évoqué la mise sur pied du plan « Brésil sans faim » promouvant les aliments frais, l’allaitement et les traditions culinaires.

À son tour, la République dominicaine a demandé à la Rapporteuse spéciale des informations sur les enjeux de la promotion de la santé mentale via l’alimentation.  La Fédération de Russie et le Lesotho ont assuré accorder une place essentielle à la problématique du droit à l’alimentation.  Comment garantir une approche intersectorielle pour mesurer les effets de la malnutrition sur les communautés et les personnes qui se trouvent dans des situations vulnérables, s’est enquis le Mexique, suivi du Bangladesh qui a appelé à promouvoir une coopération internationale pour aider les pays du Sud.  Préoccupée par la consommation accrue des boissons malsaines, les Maldives ont demandé à la Rapporteuse spéciale de fournir des bons exemples de politiques de santé publique pour faire face aux maladies non transmissibles. 

Le Bélarus a déploré que la Rapporteuse spéciale n’ait pas examiné l’impact des mesures coercitives unilatérales sur la production agricole, signalant que à la suite des restrictions imposées par l’Union européenne sur le transit des engrais bélarussiens, leur présence sur les marchés africains a chuté de 41% à 3%.  La République arabe syrienne a relevé, pour sa part, que Cuba est le pays souffrant le plus d’insécurité alimentaire en raison du blocus économique imposé depuis plus de 60 ans.  La délégation syrienne a ensuite voulu en savoir plus sur le problème de l’apartheid alimentaire, la Chine appelant de son côté les pays concernés à y remédier.  L’Ordre souverain de Malte a appuyé les recommandations pour la réforme du système alimentaire. 

Après ces questions, la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a signalé que la faim peut aggraver les problèmes de santé mentale, avec des impacts disproportionnés pour les personnes en situation de migration irrégulière.  Elle a, par ailleurs, mis en avant l’importance des politiques publiques pour soutenir les petits agriculteurs dans une perspective de développement durable, et a exposé les contraintes financières liées au service de la dette pour les pays en développement. 

La Rapporteuse spéciale a souligné l’importance de l’information dans le droit à la santé, notamment en matière d’étiquetage des produits, citant l’exemple d’une mission qu’elle a récemment menée au Mexique.  Abordant la question de l’apartheid alimentaire, elle a dénoncé la discrimination structurelle et systémique qui affecte les communautés les plus démunies et qui aboutit à de mauvais résultats en matière de santé. Elle a critiqué les mesures coercitives unilatérales qui ne sont pas viables en ce qui concerne le droit à la santé et aux aliments.  Elle a aussi déploré un certain déséquilibre de pouvoir entre les États et les entreprises, dont un certain nombre semble considérer que les droits humains sont optionnels, notamment lorsque certaines se saisissent des terres appartenant aux autochtones. 

Enfin, dans un monde où le racisme existe malheureusement toujours, la Rapporteuse spéciale a insisté sur la nécessité d’intégrer dans la réflexion le legs colonial.  « Nous devons prendre au sérieux l’héritage de la terre », a-t-elle exhorté, « car les aliments sont toujours plus que la nutrition qu’ils fournissent: ils sont l’expression de soi-même, de la culture, de la politique et de l’économie ». 

Exposé

M. VICTOR MADRIGAL-BORLOZ, Expert indépendant chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, dont c’était la dernière apparition à ce poste devant la Troisième Commission, a dit avoir tiré de ses enquêtes menées depuis 2016 le constat que le colonialisme constitue une cause profonde de la violence et de la discrimination.  Il a indiqué que son dernier rapport examine un aspect spécifique du tissu colonial, qui a formé des traditions culturelles, juridiques et sociales dans lesquelles le genre et la sexualité jouent un rôle fondamental.  Notant que, dans son acception large, le colonialisme désigne les processus par lesquels un État exerce un contrôle politique sur une autre nation souveraine, ou assujettit des groupes ou des entités par rapport à d’autres, il a précisé que son rapport se penche sur la façon dont la législation et les mœurs relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre ont été utilisées au cours des derniers siècles comme moyen de consolider l’entreprise coloniale. 

L’Expert indépendant a rappelé que de nombreux peuples n’avaient pas une approche binaire du genre ou n’établissaient même pas de corrélation entre l’anatomie et l’identité de genre.  Il a ainsi pris le cas des tribus situées dans l’actuel Nigéria, qui n’attribuaient pas de sexe à la naissance.  De même, a-t-il expliqué, on relevait des comportements sexuels fluides, y compris des pratiques homosexuelles et des identités transgenres, dans les communautés sénégalaises, tandis que l’ethnie Dagaaba au Ghana assignait le genre sur la base de l’énergie et que des mariages de même sexe étaient observés dans des tribus du Kenya.  Le fait que les pays correspondant aujourd’hui à ces peuples aient désormais des lois qui criminalisent la diversité de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre peut être attribué à l’héritage colonial, a argué M. Madrigal-Borloz.

En dehors du système colonial, a-t-il appuyé, la diversité de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre a existé partout dans le monde tout au long de l’histoire.  Selon lui, c’est l’oppression coloniale qui a imposé des systèmes de différenciation, de hiérarchisation et de domination pour exercer un contrôle strict sur les peuples colonisés, qui étaient prétendument en opposition avec les mœurs sexuelles des Européens.  Détaillant les leviers de ce processus, l’Expert indépendant a mentionné la conversion aux institutions religieuses du colonisateur et la criminalisation de la non-conformité de genre et de sexualité avec les modèles décidés arbitrairement par les autorités coloniales. 

M. Madrigal-Borloz a noté que, même après l’indépendance, la dynamique coloniale semble avoir exercé une influence significative sur les processus de réforme législative et politique, notamment au Brésil.  Les tendances coloniales à la criminalisation ont également eu un impact sur les politiques des pays qui n’ont pas été colonisés, a-t-il ajouté, citant l’exemple du Japon et de la Thaïlande, qui ont adapté leurs lois au cours du XIXe siècle pour refléter les systèmes occidentaux en signe de modernisation.  Les anciennes colonies britanniques ont, quant à elles, dépénalisé les relations entre personnes de même sexe bien après les pays non colonisés, a-t-il encore observé, relevant que l’Inde n’a abrogé sa disposition relative à la sodomie qu’en 2018.

L’Expert indépendant a dit voir une évolution positive dans la « décolonisation » des cadres juridiques.  En effet, si les projets coloniaux du passé sont un aspect déterminant de la façon dont les sociétés dans lesquelles nous vivons aujourd’hui ont été forgées, la défense de la criminalisation est, à ses yeux, une tentative de perpétuer le projet colonial.  À la lumière des pratiques ancestrales des peuples du Nigéria, il a donc trouvé « difficile à comprendre » qu’en juin 2016, le représentant de ce pays au Conseil des droits de l’homme se soit opposé à la création de son mandat au motif que celui-ci défiait « les cultures et les traditions de la majorité mondiale ».

Historiquement, a fait valoir M. Madrigal-Borloz, les cultures et les traditions de la « majorité mondiale » ne soutiennent pas la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Selon lui, un État souverain doit réconcilier son passé, son présent et son avenir afin de comprendre quels piliers de sa structure méritent d’être préservés et lesquels doivent être réévalués et abandonnés.  « Comprendre et traiter les processus coloniaux et leurs impacts sont une étape cruciale et urgente dans cette direction », a-t-il conclu. 

Dialogue interactif

À la suite de cet exposé, le Mexique a voulu connaître les recommandations de l’Expert indépendant en matière de réforme du cadre normatif et juridique pour prévenir la vulnérabilité des LGBTI face à des actes de violence, en tenant compte de la colonisation et de ses effets.  De manière connexe, le Luxembourg s’est interrogé sur les moyens d’aider les États à déconstruire des cadres sociaux coloniaux.  En tant qu’ancienne puissance coloniale, l’Allemagne a estimé avoir une responsabilité et devoir œuvrer pour protéger les LGBTI. Elle a souhaité savoir comment la communauté internationale peut sensibiliser davantage au lien existant entre la criminalisation de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre et la colonisation.  Dans le même ordre d’idées, l’Afrique du Sud a demandé comment inclure les personnes LGBTI dans la décolonisation de la connaissance et la promotion des systèmes autochtones. 

L’Uruguay a insisté sur le rôle protecteur de l’État, y compris en matière de violence fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. « Nous ne créons pas de nouveaux droits, nous souhaitons simplement faire respecter les droits consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’homme », a expliqué la délégation avant de demander comment les Nations Unies peuvent relever le défi de la discrimination, notamment dans des cadres ou systèmes juridiques où les personnes LGBTI ne bénéficient pas des droits découlant des instruments internationaux.  S’exprimant au nom du Groupe restreint LGBTI, l’Argentine a demandé à l’Expert indépendant de fournir des exemples de campagnes couronnées de succès en matière de sensibilisation.  Notant pour sa part qu’il s’agissait de la dernière présentation de M. Madrigal-Borloz, le Pérou lui a demandé d’exposer ses recommandations en matière de lutte contre les discriminations. 

À son tour, l’Union européenne a souhaité connaître les mesures les plus efficaces que peuvent prendre les États Membres pour lutter contre la violence, la discrimination et la stigmatisation à l’encontre des personnes LGBTI dans le monde entier.  L’Ukraine, insistant sur son appartenance à la communauté européenne en tant que pays démocratique, a expliqué qu’elle refuse toutes les discriminations contre les personnes LGBTI.  Elle a déploré, à cet égard, que l’homosexualité soit criminalisée dans ses territoires envahis par la Fédération de Russie depuis février 2022. Le Portugal s’est interrogé sur les stratégies que les États Membres peuvent adopter pour soutenir les associations qui défendent les LGBTI, et a demandé à l’Expert indépendant de partager ses éventuelles données ventilées quant aux démarches non binaires évoquées dans son rapport.  Malte a mis l’accent sur le rôle de la société civile, notamment dans les communautés religieuses où les discriminations ont le plus besoin d’être déconstruites. 

La France a demandé plus de détails à M. Madrigal-Borloz sur la façon dont on pourrait, comme il le suggère dans son rapport, décoloniser les catégorisations existantes utilisées pour définir et organiser la diversité de genre et de sexualité.  Rappelant leur « lourde histoire coloniale », les Pays-Bas ont demandé à l’Expert indépendant ses recommandations dans ce contexte, tandis que le Royaume-Uni mettait l’accent sur l’impact de la colonisation sur les peuples autochtones.  Le Chili s’est, pour sa part, interrogé sur la manière dont les nations peuvent décoloniser leurs perspectives et leur législation en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, tout en respectant le reste de l’héritage culturel colonial, sur lequel repose souvent les racines identitaires.  Le Japon a, quant à lui, demandé à l’Expert indépendant de présenter de bons exemples de partenariats internationaux dans le domaine de la lutte contre les discriminations.  Comment les États Membres peuvent-ils œuvrer à la promotion des droits des personnes LGBTI? s’est interrogée l’Irlande.  Que peut faire la communauté internationale pour accélérer les progrès vers la décriminalisation des relations sexuelles entre personnes de même sexe? ont demandé l’Islande et l’Espagne. De son côté, la Belgique a regretté que 67 pays érigent encore ce type de relations sexuelles en infraction pénale et leur a demandé de réexaminer leur position. 

Réagissant aux remarques et questions des délégations, l’Expert indépendant chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre a relevé que la plupart des pays estiment que le projet colonial a réussi à instrumentaliser l’homophobie politique.  Autrement dit, celle-ci a été utilisée par les colonisateurs pour promouvoir leurs intérêts, a-t-il dit.  M. Madrigal-Borloz a ensuite cité les travaux de plusieurs institutions des droits humains selon lesquelles la pénalisation de l’orientation sexuelle, issue de la colonisation, empêche la réalisation de toute une série de droits, dont ceux à la santé, au logement, à la culture et à l’éducation.  « Tout cela doit être déconstruit », a-t-il souligné. 

Il a ajouté qu’au cours des sept années d’existence de ce mandat, lui et son prédécesseur ont accumulé des preuves d’actes odieux de violence et de discrimination perpétrés contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les personnes de sexe différents dans le monde entier. L’Expert indépendant a déploré une criminalisation « aberrante » qui fait qu’aujourd’hui, les personnes LGBTI ou perçues comme telles continuent d’être traitées comme des criminels par leur propre État dans 64 juridictions et peuvent être condamnées à mort dans 11 d’entre elles ou encore exposées à des actes de torture.  La conclusion de ces travaux est claire, a-t-il affirmé: les actions des Nations Unies visant à éradiquer la violence et la discrimination ne seront pas complètes si elles ne tiennent pas compte de ces facteurs. 

M. Madrigal-Borloz a regretté qu’à ce jour, les autorités d’un certain nombre d’États refusent obstinément d’accepter cette évidence et négligent leur devoir d’œuvrer en faveur des droits humains de toutes les personnes vivant sous leur juridiction.  À ces États, il a fait la déclaration suivante: « J’ai conversé avec vos citoyens LGBTI pendant six ans.  Ce sont vos compatriotes, vos voisins et, dans de nombreux cas, les membres de votre famille.  Tant que vous continuerez à refuser à vos frères et sœurs LGBTI le respect dont ils ont besoin, votre légitimité à parler de droits de l’homme, de démocratie ou de dignité sera compromise. »  Appelant les États Membres à collaborer avec son successeur et à lutter pour la dignité de tous, il a conclu son intervention sous les applaudissements de l’assemblée. 

Exposé

M. FERNAND DE VARENNES, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, dont c’était la dernière intervention devant la Troisième Commission après deux mandats, a souhaité partager ses principales réalisations depuis 2017.  Il s’est félicité, en premier lieu, de la mise en place, depuis 2018, des forums régionaux pour l’Afrique et le Moyen-Orient, les Amériques, l’Asie-Pacifique et l’Europe et l’Asie centrale, venus complémenter le Forum des Nations Unies sur les minorités à Genève et le rendre plus accessible pour les minorités et plus représentatif des contextes et expertises émanant des régions.  Il a ensuite estimé qu’avec de nombreux experts et minorités par le monde, son mandat a montré la voie en matière de protection de droits humains des minorités, notamment dans le cadre d’un projet d’ébauche de traités pour les droits des minorités. 

En outre, a-t-il ajouté, un appel a été lancé durant son mandat pour protéger les minorités en leur permettant d’avoir une visibilité et une présence plus importantes au sein de l’ONU, par l’intermédiaire d’un forum permanent des minorités, d’un fonds volontaire pour faciliter leur participation et d’une année ou une décennie pour les minorités.  Si l’absence de reconnaissance des minorités au sein des instances onusiennes ont pu faire dire à certains qu’il existe une « animosité institutionnelle » à leur égard, il a su gré au Secrétaire général de s’être engagé à y remédier lors de la rencontre de haut niveau de septembre 2022. 

Revenant sur les visites accomplies durant son mandat, M. de Varennes a particulièrement cité celles effectuées en Slovénie, au Botswana, aux 

États-Unis, au Kirghizistan, au Paraguay et au Tadjikistan et qui ont été possibles grâce à la coopération des gouvernements.  S’agissant de la Slovénie, il s’est dit ému que ce pays ait modifié sa Constitution pour reconnaître deux langues des signes comme langues officielles, à la suite de recommandations faites lors d’une première visite. 

Pour ce qui est de son septième et dernier rapport thématique, qui traite de la protection des droits des minorités dans les institutions, structures et initiatives des Nations Unies, le Rapporteur spécial l’a présenté comme un « avertissement ».  Selon lui, le monde est plus sombre qu’il ne l’a jamais été depuis près d’un siècle, notamment en raison de « l’incapacité des Nations Unies à concentrer leurs efforts là où ils sont le plus nécessaires ».  Ces efforts, a-t-il dit, devraient consister à prévenir les conflits et à garantir une protection et une reconnaissance égales des droits humains des minorités marginalisées dans un monde où le nationalisme, la xénophobie et la discrimination sont en pleine expansion. Alors que les conflits violents n’ont jamais été aussi nombreux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la montée de l’exclusion, des discriminations et de l’injustice, notamment à l’encontre des minorités et des peuples autochtones, a conduit au déplacement de 110 millions de personnes, un chiffre jamais atteint dans l’histoire de l’humanité, a-t-il constaté. 

Se disant inquiet de l’essor des discours et des crimes de haine, M. de Varennes a alerté quant aux niveaux record d’antisémitisme, d’islamophobie, de sentiments anti-noirs et anti-asiatiques, de xénophobie et d’intolérance.  De surcroît, a-t-il noté, les médias sociaux, qui deviennent des plateformes pour la diffusion de propos déshumanisants, visent généralement les minorités, souvent les femmes, et normalisent la violence.  Il a également dénoncé le nationalisme extrême, alimenté par des sociétés de plus en plus polarisées, et les politiques privant les enfants du droit à l’éducation dans leur propre langue ou les séparant de leur famille au nom de l’intégration.

À ses yeux, les risques d’atrocités, de catastrophes humanitaires et même de génocide n’ont jamais été aussi élevés dans l’histoire récente en grande partie parce que les Nations Unies « n’ont pas été en mesure de répondre aux menaces croissantes ».  Appelant à remédier à l’inaction et à la négligence, et à rattraper le retard des minorités par rapport au traitement, à la protection et aux initiatives fournies à d’autres groupes vulnérables aux Nations Unies, le Rapporteur spécial a souhaité que l’accent soit mis sur les conflits internes, qui sont à l’origine de l’explosion actuelle des crises humanitaires et des mouvements massifs de population. Comme préconisé dans son rapport, il a insisté sur l’intégration des droits des minorités dans le travail du système des Nations Unies, afin de renforcer institutionnellement la protection des droits humains et de mieux contribuer à la prévention des conflits et des crises humanitaires.

Dialogue interactif

Après cette présentation, la Slovaquie s’est opposée à l’instrumentalisation politique de la question des minorités, rappelant que c’est dans un tel contexte qu’a débuté l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie.  Elle a ensuite demandé au Rapporteur spécial pourquoi, selon lui, les Nations Unies font si peu pour répondre au problème des minorités, contrairement aux discriminations que subissent d’autres groupes. L’Autriche et l’Union européenne ont demandé à M. de Varennes quelles sont les mesures les plus efficaces pour prévenir la discrimination des minorités liées aux technologies modernes.  La Suisse a voulu savoir comment mieux protéger les femmes qui souffrent de discriminations multiples et croisées.  L’Albanie a attiré l’attention sur les pressions exercées par la Serbie sur les Albanais de souche vivant sur son territoire.  Israël, constatant l’augmentation des actes antisémites dans le monde entier depuis les attaques du Hamas le 7 octobre, a demandé comment les Nations Unies peuvent agir à l’aune de cette tendance inquiétante.  L’Iraq a évoqué la décision historique prise par son gouvernement de donner aux Yézidis l’appropriation des terres à Sinjar, après qu’ils en ont été expulsés en 2014.  De son côté, la Türkiye a rejeté vigoureusement les conclusions du rapport sur les événements de 1915 avec les Arméniens, prenant appui sur les normes historiques internationales très précises pour nier qu’il s’agit là d’un « génocide ».

Prenant pour exemple leur propre pratique en matière de protection des droits des minorités, les États-Unis ont demandé comment donner un nouveau souffle aux langues des autochtones ou d’autres minorités.  Le Cameroun a ensuite demandé au Rapporteur spécial quelles tendances il a pu dégager sur le droit des minorités ethniques, culturelles et religieuses à travers le temps.  Comment le mécanisme de l’ONU sur les minorités peut-il être amélioré? a souhaité savoir l’Ordre souverain de Malte, après avoir soulevé le problème de l’apatridie, auquel sont notamment confrontés les Rohingya réfugiés au Bangladesh.  Sur la base des recommandations de votre rapport, pouvez-vous fournir des exemples de participation de la société civile à l’élaboration de stratégies nationales sur la protection des droits des minorités? s’est, pour sa part, enquis le Japon.  À sa suite, la Hongrie a regretté que la situation des minorités ethniques et linguistiques ne suscite que peu d’intérêt, y compris en Europe.  Selon elle, la communauté internationale ferme les yeux sur la privation des droits de ces personnes sous prétexte de ne pas provoquer de conflits.  À ce sujet, la Fédération de Russie a évoqué la russophobie à laquelle les minorités russophones vivant en Ukraine, en Lettonie et en Estonie sont confrontées en raison d’une politique répressive à leur encontre. 

Le Pakistan a, quant à lui, fait part de sa préoccupation relative à l’augmentation de l’islamophobie dans le monde.  Alertant d’autre part sur un « risque de génocide imminent » au Jammu-et-Cachemire, la délégation a accusé l’Inde d’y mettre en œuvre une « solution finale » et de vouloir transformer la majorité musulmane de ce territoire en minorité.  Que pensez-vous de cette situation et que peut-on faire pour que l’Inde annule sa loi discriminatoire sur la citoyenneté? a-t-elle demandé au Rapporteur spécial. Réaffirmant que le Jammu-et-Cachemire fait partie de son territoire, l’Inde s’est indignée de l’ingérence du Pakistan dans ses affaires intérieures.  S’agissant de ce pays, elle a affirmé que des centaines de femmes des communautés chrétienne, indoue et sikh y sont enlevées chaque année et que des attaques y visent fréquemment des lieux de cultes de communautés minoritaires.  La délégation a, par ailleurs, déploré les références erronées faites à son sujet dans le rapport de M. de Varennes.  La Chine s’est ensuite présentée comme un pays pluriethnique promouvant la solidarité et les progrès de tous les groupes ethniques « dans le sens toujours croissant du bonheur des communautés ». Elle a également rejeté les rumeurs et les mensonges colportés par quelques pays au sujet du Xinjiang et du Tibet, avant d’encourager le Rapporteur spécial à se pencher sur le racisme systémique visant les personnes d’ascendance africaine aux États-Unis.

En réponse aux interventions des délégations, le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités a estimé que les Nations Unies devraient s’efforcer d’intégrer bien davantage les minorités dans leur système, regrettant le retard pris ces 30 dernières années.  Il a également souhaité que l’accent soit mis en priorité sur la prévention des conflits, avant d’envisager leur règlement.  Une autre mesure proposée par le Rapporteur spécial est l’élaboration d’un nouvel instrument qui préciserait les droits humains des minorités dans des domaines clefs, comme l’apatridie.  En effet, ce n’est pas un hasard si les minorités représentent les trois quarts des apatrides du monde, a-t-il constaté, renvoyant à son rapport. 

Le Rapporteur spécial a ensuite observé que les réseaux sociaux propagent la haine contre les minorités, reconnaissant qu’il s’agit là d’un phénomène mondial « contre lequel nous n’étions pas préparés ».  Il a souhaité que le projet de traité en tienne compte.  En outre, des militants extrémistes instrumentalisent les griefs des minorités, a dénoncé M. de Varennes, préconisant des mécanismes de protection.  Selon lui, les injustices dont souffrent les minorités sont aggravées par l’absence de directives claires sur leurs droits, en matière d’éducation ou de langue par exemple, et certains acteurs profitent de ces omissions.  Parmi celles-ci, il a cité les droits des minorités religieuses, une question qui n’est pas assez traitée alors qu’elle est devenue délicate dans plusieurs régions du monde.

Avant de conclure, le Rapporteur spécial a rappelé qu’il y a 30 ans, la communauté internationale s’est retrouvée confrontée à un défi lié aux minorités.  Elle a depuis progressé en adoptant la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques. Mais ce processus reste inachevé, a-t-il souligné, estimant que davantage doit être fait pour les droits humains des minorités.  Face à l’ampleur inédite des défis actuels, M. de Varennes a clos son propos avec un proverbe: « C’est lorsque l’heure est la plus sombre qu’il faut rechercher la lumière ». 

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