Soixante-dix-huitième session,
34e et 35e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4390

Troisième Commission: tour d’horizon des violations des droits humains au Moyen-Orient et en Somalie

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, s’est penchée aujourd’hui sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés, en République arabe syrienne ainsi qu’en République islamique d’Iran et en Somalie.  Un constat partagé en est ressorti: le recul continu des droits humains sous l’effet combiné de politiques violant les libertés, et de conflits compilés à des crises multiples. 

Ouvrant son intervention par une minute de silence en hommage aux milliers de civils tués dans les violences qui embrasent le Proche-Orient depuis le 7 octobre, Mme Navi Pillay a condamné, sans équivoque, tant les crimes commis par le Hamas –tels l’assassinat d’un millier de citoyens israéliens– que les attaques israéliennes ayant ôté la vie de milliers de civils palestiniens.  « Il y a des indications claires que des crimes internationaux ont été et sont commis » a prévenu la Présidente de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël. 

Qualifiant de crimes de guerre les tirs indiscriminés de groupes palestiniens sur des villes israéliennes, la Présidente a aussi affirmé que les autorités israéliennes avaient systématiquement omis de prendre des mesures de précaution efficaces pour éviter les pertes civiles lors des incursions et des bombardements contre Gaza entraînant la mort de milliers de personnes. 

Mais, avant même que ne débute l’actuelle flambée de violence, les opérations de maintien de l’ordre d’Israël en Cisjordanie occupée et les attaques répétées contre Gaza violaient systématiquement le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire, a rapporté la Présidente.  Pour elle, ces actions témoignent des objectifs israéliens: « nier le droit à l’autodétermination des Palestiniens en empêchant la création d’un État indépendant ». 

Les événements actuels prouvent l’échec de la communauté internationale à remédier à des décennies d’illégalité et d’impunité de la part d’Israël et à mettre fin à son « occupation éternelle », a ensuite analysé la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 qui a analysé les conditions de vie « insoutenables » endurées par des générations d’enfants palestiniens sous la présence militaire et coloniale croissante d’Israël.  L’objectif de paix et de justice ne peut être atteint qu’en garantissant l’égalité des droits et la dignité des enfants palestiniens, a souligné Mme Francesca Albanese.

Ces deux exposés ont fait apparaître une fracture entre délégations, à commencer par l’État de Palestine et d’Israël.  « Lorsque vous justifiez le terrorisme, vous l’excusez », s’est indignée la délégation israélienne après l’exposé de Mme Pillay.  Mais « abandonner le peuple palestinien maintenant c’est une trahison de l’humanité et du droit international » s’est exclamée la délégation palestinienne. 

Sur la liste des acteurs régionaux incriminés par Israël figure l’Iran, dont la situation des droits humains a été analysée par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran qui s’est alarmé des violences commises par les forces de sécurité iraniennes dans le cadre des manifestations qui ont eu lieu depuis la mort en garde à vue de Jina Mahsa Amini, voilà 13 mois.  Non moins de 537 personnes ont trouvé la mort aux mains des forces de sécurité, a rapporté M. Javaid Rehman, qui s’est ému du harcèlement et la discrimination systématiques que subissent les femmes et les filles en Iran, dans un espace civique toujours plus cadenassé.  La loi sur la promotion de la culture de chasteté et du hijab qui prévoit des peines de prison et de flagellation pour les femmes qui violent le code vestimentaire l’a notamment inquiété. 

De son côté, le Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne a alerté que le pays est en proie à « la plus grande escalade des hostilités depuis quatre ans », déplorant un mépris total pour la vie des civils alors que les parties se livrent à une « spirale de représailles ».  Il a également signalé que rien ne prouve que les mesures coercitives unilatérales sectorielles appliquée au cours de la dernière décennie ont entraîné des changements positifs de la part du Gouvernement syrien ou d’autres acteurs, regrettant que les civils en paient le prix ainsi que celui de la sur-conformité qui en découle. 

Multidimensionnelle elle aussi est la crise décrite par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan.  Pour M. Richard Bennett, la population y vit une « tempête parfaite de défis », entre les conséquences du séisme à Hérat, les décennies de guerre, la crise économique, le sous-financement de l’aide humanitaire et la détérioration de la situation des droits humains depuis la prise de pouvoir des Taliban en août 2021.  Premières visées, les femmes et les filles, toujours plus exclues de la vie publique, sont l’objet de discriminations grandissantes, notamment dans le domaine de l’éducation, ce qui appauvrit un espace civique déjà effondré. 

Bouclant ce tour d’horizon, l’Experte indépendante chargée d’examiner la situation des droits de l’homme en Somalie a indiqué qu’en dépit de progrès politiques, la situation sécuritaire demeure volatile en Somalie, secouée par des attaques suicides des Chabab qui ont fait 692 victimes en quelques mois cette année. Mais Mme Isha Dyfan, à son tour, a déploré les violations commises par les autorités dirigeantes elles-mêmes, notamment la restriction continue de l’espace civique somalien.  Elle a également dénoncé l’imposition de la peine de mort à des enfants dans le Puntland ainsi que les arrestations et détentions arbitraires de journalistes. 

La Troisième Commission poursuivra ces travaux demain, mercredi 25 octobre, à partir de 10 heures. 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)

Déclarations liminaires des titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale et d’autres experts, suivies d’un dialogue interactif

Exposé

M. JAVAID REHMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a indiqué que son rapport dépeint la sombre réalité de la situation des droits humains en Iran.  Il a d’abord déploré l’absence d’enquête indépendante sur la mort en garde à vue de Jina Mahsa Amini, 13 mois après les faits, ainsi que sur les diverses violences commises par les forces de sécurité dans le cadre des manifestations qui ont eu lieu depuis septembre 2022.  Non moins de 537 personnes ont pourtant trouvé la mort aux mains des forces de sécurité.  Il s’est également alarmé de l’extrême niveau de violence ciblant les minorités ethniques et religieuses, en particulier les Kurdes et les Baloutches, notant qu’entre septembre 2022 et mai 2023, au moins 140 manifestants kurdes ont été tués par les forces de sécurité.  En septembre 2022, les forces de sécurité ont abattu au moins 95 personnes à Zahedan, dans la province du Sistan-Baloutchistan.  La gravité des violations commises par les autorités laisse présager la commission de crimes internationaux, notamment les crimes contre l’humanité, a indiqué le Rapporteur spécial.

M. Rehman s’est également inquiété des restrictions imposées à un espace civique déjà cadenassé, regrettant la poursuite de l’emprisonnement de Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix 2023.  Il a condamné les restrictions inacceptables imposées à la liberté d’expression, y compris l’emprisonnement de défenseurs des droits humains et de journalistes, ainsi que les perturbations de l’accès à l’Internet.  Il a aussi fustigé les détentions arbitraires de ressortissants étrangers ou de personnes ayant la double nationalité, déplorant l’exécution en 2023 d’Alireza Akbari, ressortissant iranien d’origine britannique, et de Habib Chaab, ressortissant iranien d’origine suédoise.

Il s’est inquiété de l’augmentation exponentielle du nombre d’exécutions dans le pays, évoquant des chiffres « alarmants » en ce qui concerne le trafic de drogues.  Au moins 582 personnes ont été exécutées en 2022 dont 256 pour des délits liés aux stupéfiants, comparativement à au moins 572 exécutions signalées en 2023 dont 305 pour des accusations liées aux drogues.  En outre, sept personnes ont été exécutées en raison de leur participation aux manifestations nationales, a-t-il signalé, s’inquiétant de voir la peine de mort imposée pour des actes qui ne devraient pas être considérés comme criminels. Les minorités sont également la cible d’exécution, de disparitions forcées et de condamnations arbitraires.

Le Rapporteur spécial a ensuite dit être choqué par la prise pour cible, le harcèlement et la discrimination systématiques que subissent les femmes et les filles en Iran.  Il s’est notamment inquiété de la loi sur la promotion de la culture de chasteté et du hijab qui prévoit des peines de prison et de flagellation pour les femmes qui violent le code vestimentaire.  Le redéploiement de la police des mœurs est également très préoccupant.  En outre, le 31 juillet, plus de 13 000 élèves, dont une majorité de filles, auraient été victimes d’un empoisonnement présumé dans plus de 100 établissements scolaires, a-t-il signalé, avant de fustiger l’inefficacité de la réponse des autorités et leur incapacité à protéger les étudiantes.

Pour le Rapporteur spécial, les « critères islamiques » invoqués accroissent les limitations constitutionnelles et législatives existantes, entraînant une négation des principes de l’état de droit.  En outre, l’échec à s’engager dans un dialogue démocratique et l’incapacité à introduire des réformes progressives ont conduit à une méfiance considérable du public.  Il a également dit être sérieusement préoccupé par les lois et politiques qui violent le droit à la liberté de réunion et d’association pacifique, ainsi que par celles qui écartent les femmes des cercles décisionnels, jusqu’à leur dénier le droit de voter, d’être élues, ou d’accéder aux services publics. 

Dialogue interactif

Ouvrant les échanges, la République islamique d’Iran s’est élevée contre le rapport la concernant, estimant qu’il n’était ni objectif, ni impartial.  La délégation a rejeté les critiques de sa Constitution et de ses lois, y voyant une atteinte à sa souveraineté, qualifiant par ailleurs de fausses les allégations concernant la mort de Jina Mahsa Amini, ou la situation des minorités ethniques et religieuses, affirmant en outre que la peine de mort ne concernait que les crimes les plus graves. Elle a reconnu que le rapport fait état des conséquences négatives des mesures coercitives illégales sur la population, mais a regretté qu’il n’appelle pas à y mettre fin.  Le Rapporteur spécial nuit à la crédibilisé du Conseil des droits de l’homme (CDH), a affirmé la délégation iranienne, l’accusant en outre de nier les faits et de ne pas tenir compte de ses observations. Elle a également dénoncé sa proximité avec le Royaume-Uni et les pays occidentaux, qui sont du « mauvais côté de l’histoire », les accusant de violer eux-mêmes les droits humains tout en notant qu’aucun pays n’est parfait.  Elle a condamné le meurtre d’un garçon musulman de 6 ans aux États-Unis en raison de la « campagne de haine » qui y est menée. 

De nombreuses délégations sont également intervenues pour rejeter les mandats sur des pays spécifiques, et se prononcer en faveur de l’Examen périodique universel (EPU), y voyant un meilleur cadre pour évaluer le respect des droits humains dans un pays.  Ce fut notamment le cas du Venezuela, de Cuba -qui a dénoncé la politisation des droits humains– du Nicaragua, de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC), de la Chine et du Bélarus.  Ces États ont également exhorté à la levée des mesures coercitives unilatérales, de même que la Fédération de Russie qui s’est inquiétée de l’impact négatif de ces mesures, fustigeant la politique agressive des États-Unis et de leurs alliés. 

La République arabe syrienne a, de plus, rejeté l’affirmation contenue dans le rapport selon laquelle il n’y avait pas eu d’enquête concernant la mort de Jina Mahsa Amini, indiquant que le Conseil syrien des droits de l’homme lui avait consacré deux longs rapports.  De son côté, le Pakistan a regretté que la communauté internationale n’ait jamais établi un mandat spécifique contre un pays développé ou un pays abritant les intérêts économiques des États puissants, estimant que la situation au Jammu-et-Cachemire était un bon exemple de ce prisme, alors que des violations des droits humains y sont commises en toute impunité par l’Inde.  Rejetant lui aussi les résolutions spécifiques, Sri Lanka a argué du fait que la promotion et la protection des droits humains ne pouvaient progresser sans la participation du pays concerné. 

Adoptant des positions diamétralement opposées, les États-Unis ont rappelé que plus de 500 Iraniens avaient été exécutés en 2023 dénonçant en outre la torture, les violences sexuelles et les arrestations arbitraire.  Le Canada a dénoncé une situation des droits humains déplorable, suivi de l’Irlande qui s’est préoccupée de la répression violente des manifestations. La délégation a également voulu savoir si les lois inscrites au paragraphe 48 du rapport étaient appliquées.  L’Australie a dénoncé les discriminations à l’égard des femmes et des filles, suivie de l’Islande qui s’est inquiétée de l’utilisation des technologies numériques pour les surveiller et les punir, demandant à l’Iran de renoncer à toutes les mesures discriminatoires dont elles font l’objet. 

Le Royaume-Uni s’est inquiété du nombre croissant d’exécutions et a demandé à l’Iran de prononcer un moratoire sur la peine de mort et de cesser les exécutions pour des peines liées aux stupéfiants.  Il faut aussi prononcer un moratoire sur l’exécution des mineurs, a renchérit la Suisse qui a demandé des précisions sur l’application de la loi sur la culture de chasteté et le hijab qui, s’est-elle inquiétée, peut imposer des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. Comment améliorer les droits des minorités sexuelles, ethniques et religieuses en Iran, s’est enquise l’Allemagne qui, de même que la Norvège, a appelé l’Iran à ouvrir ses portes aux Rapporteur spécial. 

Les Pays-Bas ont réclamé une enquête sur la situation d’Armita Geravand. Par ailleurs, comment garantir un accès à un Internet libre en Iran alors que l’accès se restreint?  L’Union européenne s’est inquiétée de l’arrestation de 20 000 personnes en Iran et du décès de 500 personnes du fait de l’utilisation disproportionnée de la force.  Que peut-on faire pour amener le Gouvernement de l’Iran à cesser les exécutions, en particulier concernant les enfants, les usagers de stupéfiants et les manifestants?  La délégation s’est aussi inquiétée de nouvelles législations visant les femmes et les filles et a demandé plus de détails sur ces dernières au Rapporteur spécial. 

Israël a accusé, pour sa part, l’Iran de soutenir des organisations terroristes comme le Hezbollah et le Hamas et d’instrumentaliser les institutions des droits humains.  Reprenant la parole, l’Iran a dénoncé les violations des droits humains commises par le « régime israélien », notamment la colonisation. La délégation a aussi dénoncé les États-Unis, les accusant de tuer les ressortissants d’autres pays en leur déclarant des guerres économiques. 

Réagissant à ces questions et commentaires, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran a indiqué qu’il n’avait pas pu se rendre dans le pays depuis son entrée en fonction en 2018.  Regrettant les allégations selon lesquelles son rapport serait motivé politiquement, il a demandé aux autorités de s’engager avec lui sur le fond de son étude.

Concernant l’impact des sanctions, le rapport mentionne les répercussions sur le secteur de la santé et sur la situation économique, a fait remarquer le Rapporteur spécial, faisant part de son appui en faveur des dérogations humanitaires.  Cela dit, les sanctions ne peuvent pas être utilisées pour justifier la promulgation de lois et pratiques qui brutalisent les femmes et les obligent à porter leur hijab contre leur volonté, a-t-il estimé, appelant à tenir pour responsables les auteurs de la mort de Jina Mahsa Amini.  Il s’est également inquiété du sort d’Armita Geravand en « état de mort cérébrale », appelant le gouvernement à revoir la loi rendant le port du hijab obligatoire. 

Après avoir rappelé le nombre d’exécutions commises en 2023, le Rapporteur spécial a appelé l’Iran à abolir la peine de mort, y compris pour les enfants et adolescents.  De même, il a appelé à la libération sans condition de toutes les personnes détenues arbitrairement, évoquant de nouveau le cas de Narges Mohammadi.  Les journalistes ayant couvert la mort de Jina Mahsa Amini ont aussi été condamnés à de lourdes peines, s’est-il inquiété.  Après s’être félicité de la libération d’au moins six étrangers ou binationaux, il a alerté sur ce phénomène visant à obtenir d’autres gains en échange de ces libérations. 

Exposé

M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, a alerté les États Membres sur « la plus grande escalade des hostilités en Syrie depuis quatre ans ».  Il a déploré un mépris total pour la vie des civils alors que les parties se livrent à une « spirale de représailles ».  Il a indiqué que, ce mois-ci, à la suite d’une attaque contre une cérémonie de remise de diplômes à l’académie militaire de Homs, les bombardements sur la province d’Edleb ont frappé des centres médicaux, des écoles et des marchés, tuant ou blessant 200 civils en quatre jours et forçant des dizaines de milliers d’autres à fuir.  Par ailleurs, en représailles à une attaque qui a blessé deux membres des forces de sécurité turques à Ankara, le 1er octobre, la Türkiye aurait répondu par de lourds bombardements sur Hassaké, notamment sur des centrales électriques et des stations d’eau, ce qui a affecté des centaines de milliers de civils.  M. Pinheiro a également rappelé les frappes aériennes israéliennes sur les aéroports internationaux de Damas et d’Alep, le 22 octobre, les deuxièmes ce mois-ci, qui ont mis ces installations temporairement hors service et perturbé l’acheminement de l’aide humanitaire.

Dans ce contexte, le Président de la Commission d’enquête internationale indépendante a estimé que le manque de respect de longue date pour les règles fondamentales du droit international humanitaire en Syrie a « érodé l’essence même du système de protection internationale », avec des conséquences dans d’autres conflits en cours.  Renvoyant à son dernier rapport, présenté le mois dernier au Conseil des droits de l’homme, il a rappelé « la situation humanitaire désespérée et la fragmentation croissante » de la Syrie, auxquelles contribuent les attaques des armées syrienne et russe dans le nord-ouest du pays touché par le séisme de février dernier, les assassinats, les enlèvements et les détentions arbitraires qui se multiplient dans le sud et le centre, et les violences que subissent les 49 000 personnes entassées dans les camps de Hol et Roj, dans le nord-est. 

« La Syrie reste la plus grande crise de réfugiés au monde, avec plus de sept millions de Syriens ayant fui le pays et plus de six millions de personnes déplacées », a résumé M. Pinheiro, signalant que beaucoup de réfugiés ne peuvent pas rentrer car ils ne seraient pas en sécurité et ne pourraient accéder à leurs maisons.  Il a ajouté que la livre syrienne a perdu 80% de sa valeur en trois mois et que plus de 90% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.  Estimant que rien ne prouve que les mesures coercitives unilatérales sectorielles appliquée au cours de la dernière décennie ont entraîné des changements positifs de la part du Gouvernement syrien ou d’autres acteurs, il a regretté que les civils en paient le prix ainsi que celui de la sur-conformité qui en découle.  Il a appelé les États Membres à travailler pour limiter les conséquences sur la population, et demandé l’extension des exemptions humanitaires destinées à faciliter l’acheminement de l’aide. 

Malgré ce sombre tableau, M. Pinheiro s’est félicité de signes d’espoir comme les manifestations pacifiques à Soueïda, avant d’appeler toutes les parties à reconnaître les aspirations légitimes du peuple syrien et à respecter ses droits humains.  Il a également applaudi la création de l’institution dédiée aux dizaines de milliers de personnes disparues afin d’aborder de manière globale ce « traumatisme national permanent ».  Se disant encouragé de voir les témoignages des survivants amplifiés par les procédures devant la Cour internationale de Justice (CIJ), il y a vu une étape importante en vue d’ordonner à l’État syrien de mettre fin à la pratique systématique de la torture.

Après avoir rappelé que plus de 15 millions de Syriens dépendent de l’aide humanitaire, le Président de la Commission d’enquête internationale indépendante s’est inquiété de l’incertitude qui planera à nouveau le mois prochain sur la possibilité de poursuivre son acheminement transfrontalier, le consentement du Gouvernement pour deux points de passage risquant d’expirer le 13 novembre.  « Cette situation doit cesser », a-t-il affirmé, exhortant la communauté internationale à veiller à ce que l’aide transfrontalière soit fournie de manière durable, prévisible et en quantités suffisantes.  Notant en conclusion que les contacts avec le Gouvernement syrien s’intensifient, il a appelé les États Membres à placer les droits humains et les demandes légitimes du peuple syrien au cœur de leurs efforts diplomatiques.  « Lui tourner le dos, et même maintenir le statu quo, perpétuerait la misère du peuple syrien au lieu de le soulager », a-t-il dit. 

Dialogue interactif

À la suite de cet exposé, les Pays-Bas ont demandé au Président de la Commission d’enquête internationale indépendante de fournir des recommandations pour appuyer la société syrienne dans ses efforts de lutte contre les violations des droits humains.  L’Irlande a souhaité savoir comment la communauté internationale peut protéger les réfugiés syriens qui souhaitent rentrer chez eux en dépit des violations commises par le Gouvernement.  Que peut faire de plus la communauté internationale pour soutenir les droits des femmes et l’égalité des sexes en Syrie et comment garantir que les femmes défenseurs des droits humains puissent continuer à faire leur travail essentiel? s’est enquise Malte, tandis que le Luxembourg voulait connaître les recommandations de M. Pinheiro sur l’inclusion de la dimension de genre dans tous les volets de la crise syrienne.

La Suisse a ensuite demandé à M. Pinheiro de préciser ce que recommande la Commission d’enquête internationale indépendante pour empêcher une escalade supplémentaire des hostilités.  Le Royaume-Uni a souhaité connaître l’avis du Président de la Commission d’enquête s’agissant de l’incertitude qui entoure l’accès de l’aide humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie.  Après les États-Unis, qui ont jugé urgent de mettre un terme à l’impunité en Syrie, l’Australie a voulu savoir comment la communauté internationale peut obliger les responsables syriens à rendre des comptes relativement aux attaques contre les civils et infrastructures civiles.

Après avoir dénoncé l’appui apporté par le régime syrien à « l’organisation génocidaire Hamas », Israël a appelé le Président de la Commission d’enquête à détailler les répercussions de l’exportation du captagon par la Syrie, particulièrement sous l’angle des droits humains.  À sa suite, l’Allemagne s’est déclarée préoccupée par les processus de normalisation avec le régime syrien, avant de réitérer son ferme appui à la promotion d’une solution politique appuyée par l’ONU, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Le Brésil a, pour sa part, souligné la nécessité d’appuyer une solution à la crise qui soit respectueuse de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.

De leur côté, le Venezuela, le Bélarus, Cuba, l’Érythrée, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et la Chine ont tous exprimé une position de principe consistant à rejeter la création de mécanismes spécifiques à des pays au sein du Conseil des droits de l’homme, estimant qu’ils créent des espaces de confrontation et ne contribuent pas à un dialogue constructif avec les États.  Ils ont également appelé à la levée de toutes les mesures coercitives unilatérales imposées à la Syrie.  Une position également défendue par la Fédération de Russie, selon laquelle le développement socioéconomique de la Syrie est entravé par les sanctions unilatérales illégales imposées par des pays occidentaux soucieux de « régler leurs comptes avec leurs opposants politiques ».  Accusant d’autre part les États-Unis d’occuper une partie du territoire syrien, au mépris des principes de la Charte des Nations Unies, elle a estimé que ce pays porte directement atteinte à l’intégrité territoriale de la Syrie en soutenant des groupes séparatistes.  Elle a également dénoncé les frappes aériennes et les tirs de missiles auxquels se livrent des « États tiers » contre la Syrie. La Chine a, elle aussi, mis en cause les États-Unis, l’accusant d’avoir pillé « plus de 80% des ressources pétrolières syriennes », en violation des droits du peuple syrien.

En conclusion de cette série d’interventions, la République arabe syrienne a indiqué que sa participation au dialogue interactif ne constitue « ni une reconnaissance ni une volonté de dialoguer avec la Commission d’enquête ou ses rapports ».  Ces derniers relèvent d’une campagne systématique de désinformation, a jugé la délégation, qui a souhaité exposer les raisons de sa ferme opposition à la Commission d’enquête et de sa non-coopération.  Mettant successivement en cause les paragraphes 5, 15 et 29 du rapport, elle a reproché à la Commission d’enquête de s’appuyer sur des sources inexistantes ou alimentées à travers des déclarations à la presse.  En venant au paragraphe 47, consacré aux attaques perpétrées par le groupe Hay’at Tahrir el-Cham (HTS) qui n’auraient fait « aucune victime civile », la délégation s’est demandé si la Commission d’enquête entendait promouvoir cette organisation, pourtant désignée comme terroriste et inscrite comme telle sur la liste du Conseil de sécurité depuis 2014.  Accusant la Commission d’enquête de vouloir s’en prendre au Gouvernement syrien pour des motifs politiques, elle a pris à témoin les États Membres de la « prédominance » de cette tendance dans le rapport de M. Pinheiro. 

En réponse aux remarques et questions des délégations, le Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne a rappelé, en premier lieu, que les civils sont ciblés par toutes les parties en Syrie.  Selon lui, la situation syrienne s’est détériorée ces quatre dernières années et atteint aujourd’hui son niveau le plus grave.  Les souffrances de la population augmentent non seulement à cause du conflit, mais aussi parce que l’économie est détruite, laissant 90% de la population en dessous du seuil de pauvreté, a-t-il souligné. M. Pinheiro s’est ensuite déclaré préoccupé par les mesures coercitives unilatérales qui visent la Syrie, estimant qu’elles « dépassent les bornes » et frappent essentiellement les populations.  Appelant les États qui les appliquent à réfléchir à leurs incidences, il a également reconnu que certains effets négatifs sont causés par l’État syrien, eu égard à la façon dont il distribue l’aide dans le pays. 

Le Président de la Commission d’enquête est, par ailleurs, revenu sur les problèmes rencontrés par les Syriens qui, de retour dans leur pays, sont arrêtés ou torturés.  De nombreux Syriens de l’étranger veulent rentrer chez eux, mais ils sont « gagnés par la peur », a expliqué M. Pinheiro, ajoutant que ces personnes craignent aussi de ne plus rien retrouver de leurs biens et de n’avoir aucun moyen de subsistance dans un pays aujourd’hui exsangue.  La Syrie pourrait coopérer avec la communauté internationale à ce titre, a-t-il avancé, avant d’appeler le Gouvernement à collaborer également avec l’Institution indépendante chargée de la question des personnes disparues en République arabe syrienne, créée cette année par l’Assemblée générale.  « Coopérez, car l’objectif de ce mécanisme est d’aider et non de surveiller des droits humains », a-t-il lancé à l’adresse des autorités syriennes, ajoutant que les disparitions concernent toutes les communautés syriennes, qu’elles soient antigouvernementales ou loyalistes. 

Exposé

M. RICHARD BENNETT, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, a décrit une « tempête parfaite de défis » à laquelle est confrontée la population afghane, notant que les conséquences du séisme qui a frappé Hérat ont été exacerbées par des décennies de guerre, une crise économique, le sous-financement de l’aide humanitaire et la détérioration de la situation des droits humains depuis la prise de pouvoir des Taliban en août 2021.  Il a alerté que la situation des femmes et des jeunes filles s’est considérablement détériorée, expliquant qu’elles font face à un rétrécissement continu des activités économiques autorisées en dehors du foyer.  Les femmes ne sont pas non plus autorisées à se réunir dans les parcs, a-t-il ajouté, notant toutefois que les mariages forcés ont été interdits par les Taliban. 

En outre, de plus en plus de femmes et de jeunes filles n’ont pas accès à l’enseignement secondaire ni à l’université.  En plus de réduire les possibilités d’épanouissement personnel et éducatif des femmes et des filles, la suspension de l’école a annulé des décennies de progrès, affectant leurs chances d’accéder à l’indépendance financière, perpétuant les cycles de pauvreté et renforçant les rôles traditionnels des hommes et des femmes.  Notant que le droit à l’éducation est une condition préalable à la revendication de nombreux autres droits humains, il a appelé à examiner de manière approfondie le phénomène évolutif de « l’apartheid sexiste ».  En outre, les mesures visant à limiter l’éducation aux madrassas ou à l’axer principalement sur les études religieuses risquent de priver les enfants de connaissances essentielles ou de créer un terrain fertile pour les idéologies radicales, a-t-il mis en garde.

Le Rapporteur spécial s’est aussi préoccupé de la situation des femmes défenseuses des droits humains, évoquant notamment l’arrestation de Zholia Parsi, Neda Parwani, Rasoul Abdi, et Matiullah Wesa.  Ces arrestations réduisent encore plus l’espace civique déjà effondré, a-t-il déploré, notant qu’il n’existe plus dans le pays d’institutions indépendantes capables de documenter librement les violations des droits humains.  Qui plus est, une culture de l’impunité prévaut pour les cas de torture et de traitement inhumains perpétrés en prison ainsi que pour les violations des droits humains des anciens fonctionnaires du Gouvernement et du personnel militaire, et ce malgré l’amnistie générale décrétée par les Taliban. 

Préoccupé par projet du Pakistan pouvant conduire à l’expulsion massive de 1,4 million d’Afghans, il a par ailleurs exhorté au respect du principe de non-refoulement, appelant en outre à soutenir les Afghans fuyant les persécutions et achever les programmes lancés en 2021 relatifs à la réinstallation. L’Afghanistan doit demeurer une priorité de l’agenda international, a insisté le Rapporteur spécial qui a appelé à écouter et soutenir les Afghans et organisations afghanes, en particulier les femmes.  Ces dernières doivent être entendues dans les forums nationaux et internationaux, a-t-il estimé, insistant ensuite sur l’importance d’examiner l’aide internationale sous l’angle des droits humains, et de soutenir les mécanismes internationaux d’enquête et de reddition de comptes.

Dialogue interactif

Dans un premier temps, l’Afghanistan a félicité le Rapporteur spécial pour son exposé complet mais alarmant.  La délégation a indiqué que la situation des droits humains en Afghanistan est profondément préoccupante et multiforme, englobant un large éventail de défis, parmi lesquels la suppression délibérée des droits et libertés fondamentaux des femmes et des filles, y compris le droit à l’éducation et le droit à l’emploi. De plus, la crise humanitaire, due à l’absence d’une gouvernance responsable, exacerbe la vulnérabilité, l’exploitation, et les abus des femmes et des filles.  En outre, la répression exercée par les Taliban à l’encontre des journalistes et des professionnels des médias a gravement porté atteinte à la liberté de la presse, a poursuivi la délégation, faisant état de journalistes arrêtés, menacés, ou tués.  L’espace civique en Afghanistan a presque disparu, et les Taliban ont réintroduit des politiques draconiennes datant des années 90, en appliquant des châtiments corporels, notamment la lapidation, les flagellations publiques et les exécutions extrajudiciaires. 

La délégation a également fait état d’une augmentation du travail des enfants et les violences sexuelles à leur encontre, s’inquiétant en outre des persécutions endurées par les minorités, ainsi que des discriminations éprouvées par les personnes handicapées, les réfugiés, et les migrants, en particulier dans les pays voisins.  La délégation a toutefois salué la déclaration commune des Rapporteurs spéciaux du 17 octobre, concernant la prévention de l’expulsion collective et le retour forcé de 1,4 million de réfugiés afghans du Pakistan.  La délégation a jugé impératif que la communauté internationale prenne des mesures concertées pour remédier à ces violations, et pour garantir un règlement global qui conduise à la formation d’une structure politique légitime à large assise, fondée sur les aspirations des peuples et le respect des droits humains. 

À l’instar de l’Autriche, l’Irlande, l’Islande, et du Canada qui se sont émus des cas de suicides chez les femmes et les filles, la France a déclaré que les violations systématiques des droits des femmes et des filles en Afghanistan sont constitutives d’une politique de ségrégation, voire de persécution des personnes en fonction de leur sexe. Quelles sont les actions menées dans le domaine de l’éducation et quels sont leurs impacts sur les droits des filles en particulier? L’Union européenne, elle, s’est intéressé aux principales voies de responsabilisation pour les violations des droits humains documentés, tandis que le Luxembourg a évoqué le problème de la radicalisation des nouvelles générations. 

Si les Taliban veulent être reconnus comme des interlocuteurs internationaux, ils doivent obéir préalablement aux principes de la Charte des Nations Unies, ont souligné les Pays-Bas.  Après la Norvège et la Suisse, le Royaume-Uni a relevé les liens entre la dégradation des moyens de subsistance, le manque d’opportunités et la détérioration de la santé mentale des femmes et des filles, ainsi que l’augmentation des mariages d’enfants et des mariages forcés.  La question de reddition de comptes a préoccupé les États-Unis et l’Allemagne ainsi que l’Espagne, qui a indiqué avoir élaboré, avec des femmes afghanes et des juristes espagnols, une feuille de route pour obliger les Taliban à rendre des comptes pour crimes contre l’humanité et persécution fondée sur le genre devant la Cour pénale internationale (CPI). 

Comment persuader les Taliban du rôle central que jouent les femmes et les minorités pour la prospérité du pays? a demandé l’Australie, tandis que l’Albanie a insisté sur l’importance d’appuyer les organisations de la société civile œuvrant dans le pays.  Le Liechtenstein a requis, pour sa part, des informations sur la réaction des Taliban à la visite la plus récente du Rapporteur spécial, de même que le Japon qui a voulu savoir si la question de l’éducation avait été abordée.

Après la Croatie qui a déploré que les femmes soient écartées par les autorités, la République de Corée a relevé que les pratiques discriminatoires des Taliban aggravent la crise humanitaire dans son ensemble.  Des solutions politiques durables constitueraient un pas en avant pour tous les Afghans, a estimé l’Indonésie, suivie de la Malaisie et de la République dominicaine qui a demandé comment mieux coopérer avec d’autres procédures spéciales pour que l’Afghanistan devienne une priorité internationale.  En outre, comment maintenir l’engagement de l’ONU à employer des femmes afghanes, a ajouté Malte

La Fédération de Russie a déploré, pour sa part, que les crimes commis par les forces armées américaines et britanniques à l’encontre des Afghans ne feront probablement jamais l’objet d’une enquête.  Accusant les États-Unis d’avoir pillé des avoirs afghans, la Chine a demandé la levée des mesures coercitives unilatérales.  Le Pakistan, lui, a exhorté les États Membres à se concentrer sur l’aide aux Afghans, et ce, au-delà des réalités géopolitiques. 

Reprenant la parole, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan a relayé le message des femmes afghanes qui demandent à ce que les États Membres leurs parlent, appelant en outre aux États Membres d’appuyer les organisations de défense des droits humains.  Rappelant que les mesures de restriction de l’accès à l’éducation sont censément provisoires, il a appelé à continuer d’exercer des pressions pour que les Taliban rouvrent immédiatement les institutions d’éducation pour les femmes et les filles.  Au-delà de l’ouverture d’institutions d’éducation, il convient aussi de s’assurer que les programmes scolaires et universitaires permettent d’assurer l’avenir et le développement du pays, a-t-il ajouté.  Abordant la question de la redevabilité, il a évoqué les enquêtes de la Cour pénale internationale (CPI), encourageant les États à explorer leurs compétences universelles ou la saisine de la Cour internationale de Justice (CIJ).  Il s’est inquiété du rétrécissement de l’espace de la société civile, et a appelé à ne pas oublier les personnes handicapées et déplacées qui méritent aussi l’attention de la communauté internationale.  Il faut également écouter la jeunesse, a-t-il ajouté, rappelant que moitié de la population afghane a moins de 22 ans. 

Exposé

Ouvrant son intervention par une minute de silence en mémoire des civils tués dans le dernier conflit au Moyen-Orient, Mme NAVI PILLAY, Présidente de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, s’est inquiétée de l’éruption de violence, qui, depuis le 7 octobre, a coûté la vie à des milliers de civils.  Elle a condamné sans équivoque l’assassinat de plus d’un millier de citoyens israéliens, les milliers de blessés et la capture de plus de 200 otages, dont des enfants, par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens. Elle a également condamné sans équivoque les attaques israéliennes qui ont entraîné la mort de milliers de civils palestiniens, dont des centaines d’enfants.  « Il y a des indications claires que des crimes internationaux ont été et sont commis », a-t-elle prévenu, appelant à la cessation immédiate des hostilités, au respect du droit international humanitaire et à la libération immédiate de tous les otages.  Mme Pillay a indiqué que la Commission avait immédiatement commencé à recueillir des preuves, demandant au Gouvernement israélien, à l’Autorité palestinienne et à l’autorité de facto du Hamas à Gaza de soutenir cette enquête, notamment en autorisant les enquêteurs à entrer en Israël et à Gaza dès que possible. 

Évoquant le contenu de son rapport, achevé avant la dernière flambée de violence, la Présidente a constaté que les opérations de maintien de l’ordre de plus en plus militarisées d’Israël en Cisjordanie occupée et les attaques répétées contre Gaza, violent systématiquement le droit international relatif aux droits humains et le droit international humanitaire.  « Ces actions sont intrinsèquement liées aux objectifs d’Israël, qui consistent à maintenir l’occupation illégale et, en fin de compte, à nier le droit à l’autodétermination des Palestiniens en empêchant la création d’un État indépendant », a-t-elle affirmé. 

Tout en estimant que les tirs aveugles de projectiles par des groupes armés à Gaza en direction de villes israéliennes constituent un « crime de guerre », Mme Pillay a constaté que les forces de sécurité israéliennes utilisent une force « systématiquement excessive » et des moyens aveugles contre les manifestants palestiniens, tirant couramment à balles réelles contre des personnes non armées et causant des décès et des blessures permanentes. Elle a aussi constaté que les opérations de maintien de l’ordre sont traitées par Israël comme des opérations militaires pendant des hostilités, avec des règles d’engagement beaucoup plus permissives, en violation du droit international.  Rappelant à cet égard que la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh a été tuée par balle alors qu’elle s’apprêtait à faire un reportage sur une de ces opérations à Jénine en mai 2022, elle a vu dans cet homicide le résultat direct de la militarisation d’Israël et dénoncé une violation, intentionnelle ou par imprudence, du droit à la vie.  Affirmant avoir conclu que des hommes de l’unité Duvdevan de l’armée israélienne se trouvaient dans le véhicule d’où le coup de feu est parti, elle a précisé que le nom de son chef est connu de la Commission. 

La Présidente a ensuite déploré que les autorités israéliennes aient systématiquement omis de prendre des mesures de précaution efficaces pour éviter les pertes civiles lors des incursions et des bombardements contre Gaza, entraînant la mort de milliers de personnes.  Dans le même temps, elle a constaté que les groupes armés palestiniens ont tiré sans discernement des milliers de projectiles en direction des villes israéliennes, tuant là encore des civils, ce qui, selon la Commission, constitue un crime de guerre visant à terroriser la population. 

Dans ce contexte, Mme Pillay s’est déclarée encouragée par la résolution de l’Assemblée générale demandant un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) concernant l’occupation israélienne du Territoire palestinien, comme l’avait recommandé la Troisième Commission.  Elle a appelé toutes les parties à coopérer pleinement aux enquêtes, notamment celle relative à la mort de Shireen Abu Akleh.  « Par-dessus tout, le Gouvernement israélien doit mettre fin sans délai à ses 56 années d’occupation et reconnaître le droit du peuple palestinien à l’autodétermination », a-t-elle martelé en conclusion. 

Dialogue interactif

Dans la foulée de cet exposé, Israël a attiré l’attention des États Membres sur les 30 enfants retenus en otages par « une organisation qui a perpétré les pires atrocités imaginables » en brûlant des femmes, des enfants et des personne âgées, en se livrant à des viols et en filmant ses actes. Il a ensuite regretté que, depuis sa création, la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien et en Israël, se soit employée à négliger la terreur palestinienne et à délégitimer Israël et le droit qu’il a de se défendre. Ce faisant,  « vous avez envoyé un message au Hamas et à l’Iran sur le fait qu’ils ont peu à craindre sur le plan international », a poursuivi la délégation, selon laquelle « le Hamas vous a entendue ».  Ainsi, « lorsque vous justifiez le terrorisme, vous l’excusez », a-t-elle insisté, rappelant que cette attaque, « la pire de l’histoire d’Israël », a causé la mort de 1 400 personnes, dont des femmes et des enfants.  Selon elle, le Hamas et d’autres groupes terroristes planifient ce type d’actions depuis des décennies. 

À l’appui de ses dires, la délégation a rappelé que, pendant la soi-disant « grande marche du retour » du Hamas en 2018, le chef du Hamas avait promis de « détruire la frontière avec Israël » et d’ « arracher le cœur » des Israéliens.  Alors que le Hamas était très clair concernant ses objectifs, beaucoup n’ont pas écouté, a regretté la délégation, pour qui le rapport présenté par Mme Pillay et ses accusations infondées contre Israël « démontrent la corruption morale de cette commission ».  « Comment osez-vous comparer une organisation terroriste inhumaine avec les forces de défense israéliennes », s’est-elle indignée, avant d’estimer que les « péchés d’omission » relevés dans le rapport, prendraient des heures à être énumérés.  Rappelant que l’ONU a été créée après l’Holocauste nazi et repose sur la base du « plus jamais ça », elle a jugé que ce nouveau massacre de juifs impose à chacun de faire son choix.  « Vous, commissaires, avez fait le vôtre et nous avons fait le nôtre en Israël », a conclu Israël, promettant de ne pas se reposer « tant que nous n’aurons pas vaincu le Hamas ». 

L’État de Palestine s’est, pour sa part, demandé pourquoi la situation des droits humains en Palestine, zone de conflit et territoire occupé, ne pourrait pas être examinée par la Troisième Commission.  L’État d’Israël, Puissance occupante, a-t-il un statut particulier et les Palestiniens ne valent-t-il rien?  Il a indiqué que sa responsabilité, comme celle de tous les États, est de protéger ses citoyens, ce qu’il s’efforce de faire par des moyens juridiques et politiques.  Il a accusé Israël d’avoir toujours eu recours aux châtiments collectifs, en ciblant des civils, notamment des enfants, des journalistes et des humanitaires, en détruisant les maisons, en déplaçant les populations et en coupant l’eau, l’électricité et l’accès à l’aide humanitaire. 

La délégation a dénoncé la campagne criminelle de déshumanisation à laquelle se livre Israël, jugeant que ce traitement rend les actions palestiniennes légitimes.  « Nous ne sommes pas, comme ils disent, des animaux humains, nous sommes des êtres humains », a-t-elle martelé, rappelant que la population des territoires palestiniens occupés, souffre d’une injustice et d’une oppression prolongées.  Face à cette situation, elle a exhorté les États Membres à être justes, à faire respecter le droit international humanitaire et la protection des civils, à reconnaître la valeur égale des vies palestiniennes et à mettre un terme à la guerre d’Israël contre Gaza.  « Abandonner le peuple palestinien maintenant, serait une trahison de l’humanité et du droit international », a-t-elle insisté, appelant à soutenir  « la paix, pas la guerre; la justice, pas la vengeance ». 

À sa suite, le Chili a insisté sur la nécessité de mettre fin à l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, tandis que l’Afrique du Sud dénonçait un « régime de répression systématique » des Palestiniens, estimant que les événements de Gaza « nous ramènent 75 ans en arrière ».  L’Égypte a, elle, exprimé sa crainte que des crimes contre l’humanité soient commis à Gaza.  Appelant à un cessez-le-feu immédiat, Cuba a dénoncé la complicité des États-Unis, responsables selon elle de l’impunité avec laquelle Israël agit.  À ce sujet, l’Algérie a souhaité savoir s’il est envisageable qu’un tribunal spécial soit créé par une résolution du Conseil de sécurité pour juger les crimes d’Israël.  Que peuvent faire les États Membres pour qu’Israël soit ajouté dans les annexes du rapport du Secrétaire général sur les enfants touchées par les conflits, a renchéri la République islamique d’Iran.  L’Iraq a, lui, voulu connaître l’avis de la Présidente de la Commission sur les mécanismes à utiliser pour demander des comptes à la Puissance occupante pour ses crimes de guerre et ses crimes contre l’humanité, y compris la violation systématique des Conventions de Genève. 

De son côté, l’Autriche a voulu savoir comment la Commission prévoit d’enquêter sur les crimes commis par le Hamas contre les civils en Israël.  Le Royaume-Uni, l’Albanie et l’Australie ont ensuite mis en cause la probité de la Commission, à laquelle ils ont reproché de faire preuve d’impartialité.  Se présentant comme un « pays à vocation pacifique », le Guatemala a appelé les parties au conflit à dialoguer.  Il a également invité la Commission à rendre compte de la situation de façon impartiale et à respecter le droit qu’a Israël de défendre sa population face aux organisations terroristes.  La Türkiye a appelé Israël à respecter ses obligations en vertu du droit international et à protéger les libertés et les droits fondamentaux du peuple palestinien.  Le Brésil a, quant à lui, exhorté toutes parties à respecter le droit international, avant de réaffirmer son ferme appui à la solution des deux États. Il a aussi demandé la libération des otages retenus à Gaza et la création de couloirs humanitaires pour la population de ce territoire.  À sa suite, l’Irlande a souhaité savoir comment assurer la redevabilité dans ce conflit, rappelant que « même les guerres ont des règles ». Elle a par ailleurs appuyé l’appel au cessez-le-feu humanitaire lancé par le Secrétaire général de l’ONU. 

L’Union européenne a rappelé que ses États membres n’ont pas appuyé la création de la Commission à cause de son mandat trop vaste et de sa nature permanente.  L’Allemagne a condamné les actes de terreur du Hamas et exprimé sa solidarité avec Israël, tout en appelant ce dernier à respecter le droit international et le droit international humanitaire.  Elle s’est par ailleurs déclarée préoccupée par l’attention disproportionnée accordée à Israël dans les instances de l’ONU.  La Hongrie s’est, elle aussi, inquiétée du caractère partial de la Commission, ainsi que de la nature trop vaste et permanente de son mandat. La Bulgarie a exprimé la même préoccupation, demandant que le prochain rapport de la Commission intègre un paragraphe de condamnation ferme du Hamas et de son agression.  À son tour, l’Italie s’est alarmée de la nature illimitée du mandat de la Commission, l’appelant à être impartiale.  Rien ne peut justifier le terrorisme, a-t-elle fait valoir.  La République tchèque a dénoncé un mécanisme partial avec un mandat illimité et a appuyé le droit d’Israël à se défendre.  Sur cette même ligne, les États-Unis ont appuyé le droit d’Israël à la légitime défense, avant de réaffirmer leur soutien inébranlable à Israël et de rappeler les efforts déployés par le Président Biden pour garantir l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza.  La Micronésie a également dénoncé l’accent disproportionné mis sur l’État d’Israël, allant jusqu’à dénoncer l’antisémitisme et la partialité des membres de la Commission.  Plus mesuré, Nauru a dénoncé un « deux poids, deux mesures » concernant Israël, tout en condamnant les actes du Hamasd’« organisation terroriste djihadiste génocidaire ». 

La Fédération de Russie a, elle, dénoncé le « deux poids, deux mesures » de Washington qui, selon elle, coopère avec certains mécanismes et pas avec d’autres.  Elle a rejeté la responsabilité des centaines de morts à Gaza, aux pays qui se sont opposés à son récent projet de résolution au Conseil de sécurité.  La Chine a préféré appeler à la libération des otages et à l’ouverture de couloirs humanitaires à Gaza.  Elle a d’autre part réitéré son attachement à la solution des deux États.  La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a appelé à la fin du siège contre Gaza et exprimé sa solidarité envers le peuple palestinien, tandis que la Malaisie condamnait les efforts visant à discréditer la Commission et ses travaux sur « les violations du régime d’apartheid israélien ».  Le Bangladesh a condamné les actions illégales d’Israël, avant de dénoncer la culture d’impunité dont jouit cet État sous le prétexte de droit à la légitime défense.  Il a estimé que la Cour pénale internationale (CPI)  pourrait se pencher sur les violations évoquées dans le rapport, en particulier le meurtre de la journaliste Shireen Abu Akhleh.  L’Indonésie a appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la justice pour le peuple palestinien sur la base de la solution des deux États. 

Rappelant lui aussi le meurtre de Shireen Abu Alkleh, le Liban a dénoncé le bombardement israélien qui a causé la mort d’Issam Abdallah, de l’agence Reuters, et blessé cinq autres journalistes, qui étaient pourtant clairement identifiés.  Il a demandé que les auteurs soient traduits en justice.  La Jordanie a ensuite appelé à la fin immédiate des opérations militaires contre Gaza, exigeant en outre un accès humanitaire sans entrave et le non-déplacement des Palestiniens.  La Libye a demandé à ce que les principes de la Charte des Nations Unies s’appliquent aussi aux Palestiniens et a soutenu leurs droits légitimes.  La Tunisie a rappelé les 5 000 victimes des bombardements sur Gaza, dont 70% étaient des femmes et des enfants, et le million de personnes déplacées.  « Ne s’agit-il pas là de crimes de guerre, ne s’agit-il pas là de génocide? » s’est-elle interrogée, appelant à un cessez-le-feu immédiat.  Le Soudan a réclamé la levée du blocus contre Gaza, l’arrêt des hostilités et un acheminement sans condition de l’aide humanitaire.  Il a aussi réaffirmé son soutien aux droits inaliénables du peuple palestinien, dans le cadre du droit international, tout comme le Yémen, qui a condamné l’occupation brutale à laquelle se livre Israël en Cisjordanie et rejeté toute tentative de déplacer par la force les Palestiniens de Gaza.  L’Arabie saoudite a demandé à la communauté internationale de pousser Israël à cesser les hostilités et de tuer des civils. La République arabe syrienne a dénoncé l’impunité dont jouit Israël et estimé que son occupation cessera « tôt ou tard ».  Enfin, au nom du Conseil de coopération du Golfe, Oman a appelé à cesser le siège de Gaza et à garantir l’accès d’une aide humanitaire sans limitation.

La Présidente de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël a repris la parole pour rappeler que son rapport avait été rédigé bien avant le 7 octobre, date de l’attaque du Hamas contre Israël.  Dès cette attaque, nous avons publié une déclaration à la presse faisant état de notre présomption de crimes de guerre. Notre mandat nous permet d’enquêter sur ce type de situation, a-t-elle indiqué, soulignant la nécessité que les auteurs de violations du droit international humanitaire et des droits humains, « quels qu’ils soient », rendent des comptes. Après avoir entendu les réactions des délégations à son exposé, elle a estimé qu’ « une soif de justice s’est exprimée aujourd’hui ». 

Répondant à Israël, elle a déclaré avoir compris les propos indignés de son représentant, notamment sur les décapitations de bébés et les assassinats de femmes enceintes par le Hamas, avant de souligner l’impartialité de la Commission qu’elle préside et sa volonté d’une reddition des comptes. « Laissez-nous entrer en Israël, à Gaza et en Cisjordanie », a-t-elle lancé au délégué israélien, ajoutant que la Commission a « besoin de preuves fiables. »  Notre mandat est de communiquer les informations à notre disposition à des juridictions internationales, a-t-elle précisé, souhaitant que la Cour pénale internationale (CPI) soit saisie afin que des poursuites puissent être lancées.  Mme Pillay a par ailleurs confirmé que l’unité militaire israélienne responsable de la mort de la journaliste palestinienne, Shireen Abu Akleh, a été identifiée par la Commission.  Enfin, affirmant ne pas être antisémite, elle a dit vouloir être jugée à l’aune de son indépendance. 

Exposé

Mme FRANCESCA P. ALBANESE, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 a indiqué que son rapport examine la situation des enfants vivant sous l’occupation israélienne, en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza.  Avant de le présenter, elle a déclaré que les événements du 7 octobre marquent un tournant tragique dans l’histoire du Territoire palestinien occupé et d’Israël. Elle a rappelé que 1 400 Israéliens et ressortissants étrangers ont été tués à la suite d’attaques brutales menées par des forces paramilitaires palestiniennes provenant de la bande de Gaza. En réponse, les forces d’occupation israélienne ont « de nouveau » procédé à un bombardement sans discrimination de la bande de Gaza tuant 5 000 personnes.  Ces événements constituent le dernier symptôme en date de l’échec cuisant de la communauté internationale à remédier à des décennies d’illégalité et d’impunité de la part d’Israël et à mettre fin à son « occupation éternelle », a-t-elle déploré.

La Rapporteuse spéciale a ensuite expliqué que, son rapport met en lumière le système complexe de violence et les conditions de vie insoutenables endurées par des générations d’enfants palestiniens sous la présence militaire et coloniale sans cesse croissante d’Israël.  Les enfants palestiniens constituent la moitié de la population sous occupation et sont les premières victimes de ce système, vivant dans la crainte, la peur et le désespoir permanents.  Israël, a-t-elle affirmé, prive délibérément les enfants palestiniens de leurs droits humains fondamentaux, dans le cadre de ses efforts visant à entraver le développement et l’autodétermination palestiniennes.


Poursuivant, elle a indiqué qu’entre 2008 et le 6 octobre 2023, 1 434 enfants palestiniens ont été tués et 32 175 autres blessés, principalement par les forces d’occupation israéliennes, précisant que dans la seule bande de Gaza, 1 025 enfants ont été tués depuis le début du blocus illégal en 2007.  Au cours de la même période, 25 enfants israéliens ont été tués, principalement par des assaillants palestiniens, et 524 ont été blessés.  Elle a également fustigé le système de justice militaire pour mineurs d’Israël, qu’elle a qualifié d’« oxymore juridique », précisant qu’entre 500 à 700 enfants palestiniens, dont certains âgés de seulement 12 ans, sont détenus arbitrairement chaque année par les « forces d’occupation israéliennes ».  En outre, la rhétorique d’Israël qui présente les enfants palestiniens comme des « boucliers humains » ou des « terroristes » pour justifier la violence à leur encontre, est profondément déshumanisante.  Et l’environnement oppressif auquel Israël soumet les enfants palestiniens entrave leur droit à une éducation sûre et digne ainsi que leur développement physique, mental et culturel. 

La Rapporteuse spéciale a ensuite exhorté la communauté internationale, y compris la Cour pénale internationale, à mettre fin au cycle de l’impunité et à utiliser tous les outils disponibles, y compris dans le cadre de la Charte des Nations Unies, pour veiller à ce qu’Israël respecte le droit international. L’objectif de paix et de justice ne peut être atteint qu’en garantissant l’égalité des droits et la dignité des enfants palestiniens, a-t-elle souligné. 

Dialogue interactif

À l’issue de cet exposé, la délégation de l’État de Palestine a indiqué qu’un enfant est sorti des décombres à Gaza toutes les 15 minutes en raison des bombardements israéliens incessants, avant de demander un cessez-le-feu immédiat.  Les cœurs des enfants palestiniens sont emplis d’effroi. « Savez-vous combien il est difficile à faire oublier à un enfant le souvenir de l’oppression? »  Tous les enfants doivent être protégés, a-t-elle dit. 

Israël a ensuite condamné le pire massacre depuis l’Holocauste subi par son pays, avant d’accuser la Rapporteuse spéciale d’être antisémite et animée d’une haine ardente d’Israël.  Elle n’a pas présenté le tableau d’ensemble, a fustigé le délégué, en lui reprochant l’emploi de l’expression antisémite « lobby juif », ainsi que sa proximité avec Roger Waters, « un nazi ».  Il a également affirmé que la Rapporteuse spéciale s’est réjouie de la suppression du Hamas de la liste des organisations terroristes par l’Union européenne il y a quelques années.  « Est-ce qu’enlever des enfants, éventrer une femme enceinte et poignarder son bébé c’est résister? », s’est indignée la délégation en ajoutant qu’Israël ne va pas dialoguer avec une personne antisémite et haineuse. 

Le Venezuela a confirmé sa solidarité avec le peuple palestinien avant de demander à la Rapporteuse si elle pense que les conditions d’un cessez-le-feu sont réunies.  Le Japon a condamné les attaques du Hamas et précisé qu’une aide de dix millions de dollars pour Gaza a été débloquée.  L’Azerbaïdjan a rappelé la position du Mouvement des non-alignés tandis que l’Afrique du Sud a appelé à la protection de tous les enfants. 

Comment la Rapporteuse spéciale peut-elle exiger qu’Israël figure sur la liste des pays violant les droits de l’enfance? a demandé le Yémen.  Même son de cloche du côté du Bangladesh qui a dénoncé « les politiques génocidaires » d’Israël contre les Palestiniens. 

L’Iran a voulu savoir comment documenter les activités criminelles d’Israël perpétrées à l’encontre des enfants.  De son côté, l’Algérie s’est intéressée aux contours du mécanisme évoqué dans le rapport pour démanteler les colonies de peuplement. 

Quelles mesures peuvent être prises pour que les États soient tenus responsables de soutenir l’occupation de la Palestine par Israël, a demandé la Malaisie.  Et que doit faire le Conseil de sécurité pour sauvegarder la paix et la sécurité, a souhaité savoir l’Iraq.  De manière connexe, Cuba a voulu savoir ce que peut faire la communauté internationale pour mettre fin au mépris de la « Puissance occupante ». 

L’Union européenne a voulu connaître les priorités de la Rapporteuse spéciale compte tenu de l’évolution de la situation au Moyen-Orient.  Le refus d’accès dans les territoires palestiniens occupés est-il toujours d’actualité, a demandé la Jordanie, insistant sur le fait qu’Israël s’enorgueillit d’être la seule démocratie de la région. 

Le Pakistan a dénoncé les violations des droits des enfants à Gaza, avant d’appeler au respect du droit international humanitaire, une position partagée par la Mauritanie, le Koweït, la Syrie, et l’Arabie saoudite. Plus de 2 000 enfants palestiniens ont été tués.  Qu’attend la communauté internationale pour faire cesser ce bain de sang? a lancé le Liban.  De son côté, la Chine a appelé à la reprise des pourparlers de paix afin de parvenir à la solution des deux États, suivie de l’Égypte qui a rappelé que 6 000 Palestiniens ont été tués à Gaza, en exhortant Israël à respecter les droits des enfants.  La Fédération de Russie a dénoncé pour sa part les États-Unis qui bloquent le dossier de l’aide humanitaire à Gaza au Conseil de sécurité. 

Reprenant la parole, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 a affirmé que les critiques d’Israël ne se basaient pas sur les faits, déplorant les attaques diffamatoires lancées à son encontre.  Elle a souhaité pouvoir accéder aux territoires palestiniens occupés afin de rectifier d’éventuelles erreurs.  Elle a vu dans cette « heure tragique » une occasion pour la communauté internationale d’agir de manière sage et équilibrée, ajoutant que pour l’instant ce n’était clairement pas le cas. 

Poursuivant, la Rapporteuse spéciale a signalé que plus de Palestiniens ont été tués ces deux dernières semaines qu’en 2008, 2012, 2014, 2021 et 2022.  Elle a rejeté le concept de légitime défense dans ce cas car ce droit à des limites: il s’agit de repousser l’attaque et une fois l’attaque repoussée il s’arrête, pour laisser place à la justice.  Elle a dénoncé la confusion entre l’éradication de l’aile militaire du Hamas et le bombardement indiscriminé des civils, fustigeant en outre le resserrement d’un blocus déjà illégal.  Ce sont des crimes de guerre, a-t-elle dénoncé.  Elle a appelé à un cessez-le-feu immédiat, à la libération des otages et à l’entrée sans conditions de l’aide humanitaire, supervisée par l’ONU.  Elle a également demandé la création d’une force de protection des civils à Gaza et en Cisjordanie. 

Exposé

Mme ISHA DYFAN, Experte indépendante chargée d’examiner la situation des droits de l’homme en Somalie, a présenté son rapport couvrant la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, qui se concentre sur les développements politiques, sécuritaires et humanitaires dans le pays et souligne l’impact des changements climatiques sur les droits humains ainsi que les violations des droits de l’homme les plus répandues contre les civils. À cette aune, elle a indiqué qu’en dépit de progrès sur le plan politique, notamment l’avancement du processus de révision constitutionnelle et l’adoption d’un modèle électoral fondé sur le principe « une personne, une voix », la situation sécuritaire demeure volatile en Somalie.  Pendant la période à l’examen, a-t-elle indiqué, le Gouvernement fédéral a lancé une offensive militaire contre les Chabab, avec le soutien de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS) et du Commandement des forces des États-Unis en Afrique (AFRICOM).  Malgré les gains enregistrés par les forces de sécurité somaliennes pendant l’offensive, les Chabab ont continué de mener des attaques-suicides dans tout le pays, a ajouté Mme Dyfan, précisant qu’entre le 8 février et le 7 juin, 255 attaques à l’explosif ont fait 692 victimes.

L’Experte indépendante a ensuite dénoncé l’imposition de la peine de mort à des enfants dans le Puntland et exhorté les autorités fédérales et fédérées à traiter les enfants comme des victimes, à n’user de la détention qu’en tant que mesure de dernier recours et à se référer aux services de protection de la jeunesse en vue de leur réintégration.  Elle a salué l’annonce faite en août dernier par le Gouvernement fédéral d’une amnistie pour des membres des Chabab et encouragé ces derniers à accepter cette offre, à déposer les armes et à œuvrer à la réintégration des anciens combattants.  Elle a, par ailleurs, pris note de la demande du Gouvernement fédéral d’une pause de trois mois dans la seconde phase de retrait des troupes de l’ATMIS.  Selon elle, le manque de financement de l’ATMIS risque de fragiliser la situation sécuritaire et de saper les gains enregistrés. Elle a également déploré la poursuite des affrontements entre les forces de sécurité du Somaliland et des membres armés du clan Dhulbahante à Laascaanood, malgré les appels à la fin des hostilités lancés par le Gouvernement fédéral.  Elle a précisé que 87 personnes ont été tuées et 465 blessées entre le 27 décembre 2022 et le 15 juin dernier.  La situation humanitaire dans le pays demeure critique en raison de l’insécurité, de la violence armée et des catastrophes, telles que les sécheresses et les inondations, a-t-elle ajouté, signalant que 8,25 millions de personnes ont besoin d’une aide d’urgence en Somalie.

Enfin, Mme Dyfan s’est dite consternée par les restrictions continues de l’espace civique en Somalie, avec notamment des arrestations et des détentions arbitraires de journalistes, et la censure de médias. Huit journalistes seraient emprisonnés de façon arbitraire dans le pays, dont cinq à Mogadiscio, deux dans le Somaliland et un dans le Jubaland, a-t-elle indiqué. « J’exhorte les autorités somaliennes à réviser le Code pénal et à décriminaliser le journalisme », a-t-elle déclaré, avant de remercier, en conclusion, le Gouvernement fédéral de l’avoir invitée à visiter le pays en novembre prochain. 

Dialogue interactif

Après cette présentation, le Royaume-Uni s’est dit préoccupé par le risque accru de violence sexuelle liée au conflit et au niveau élevé de déplacement interne.  S’inquiétant de la situation des enfants et des femmes, il a aussi exhorté le Gouvernement fédéral somalien à œuvrer pour que les journalistes puissent travailler sans crainte de représailles.  Il a par ailleurs demandé à l’Experte indépendante ce qu’elle souhaite faire de sa visite sur place le mois prochain.  Se préoccupant elle aussi de la situation des femmes, des enfants et des journalistes, l’Union européenne a appelé le Gouvernement fédéral à faciliter la prochaine visite de l’Experte indépendante.  Elle a estimé que l’offensive en cours ne devait pas être menée au détriment de la liberté d’expression.  Alarmée par les impacts négatifs des changements climatiques sur le pays, elle a demandé comment la communauté internationale peut aider au mieux la Somalie pour mettre en œuvre les indicateurs liés aux droits humains.  La Suisse a, pour sa part, voulu en savoir plus sur la révision du droit pénal en Somalie.  Elle s’est d’autre part inquiétée du fait que les enfants continuent à subir les pires conséquences du conflit en cours, avec des attaques contre les écoles et des mariages forcés. 

Les États-Unis se sont alarmés du fait que huit millions de Somaliens, soit la moitié de la population, aient besoin d’aide humanitaire et que 2,6 millions soient déplacés dans le pays.  Ils se sont ensuite interrogés sur les efforts engagés par la Somalie pour lutter contre des taux croissants de violences fondées sur le genre.  De son côté, la Chine a indiqué qu’elle a débloqué une importante aide humanitaire ainsi qu’un appui pour lutter contre le terrorisme en Somalie. Elle a appelé la communauté internationale à reconnaître les progrès réalisés par les autorités du pays pour promouvoir les droits humains.  La Fédération de Russie a appuyé à son tour les efforts des dirigeants somaliens visant à stabiliser la situation intérieure.  Elle a notamment salué la lutte du Gouvernement fédéral contre les terroristes qui font barrage à l’aide humanitaire dans de nombreuses régions du pays. La délégation s’est toutefois inquiétée de certaines violations des droits humains, appelant le Gouvernement fédéral à y remédier. 

Répondant aux délégations, l’Experte indépendante chargée d’examiner la situation des droits de l’homme en Somalie a évoqué sa prochaine visite en Somalie, affirmant vouloir dialoguer avec le Gouvernement fédéral pour établir des priorités, notamment concernant les critères de référence et l’élaboration d’indicateurs sur les droits humains.  Elle a émis l’espoir que cette visite sera l’occasion d’intégrer la violence fondée sur le genre parmi lesdits indicateurs.  Elle a également souhaité que les discussions portent sur le renforcement de l’état de droit et la loi en préparation sur les médias.  Alors que le plan national de développement se met en place, c’est le bon moment pour placer les critères de référence dans les réflexions du Gouvernement, a-t-elle estimé.  Mme Dyfan a ajouté qu’elle a l’intention d’aborder également avec le Gouvernement la question des exécutions dans le pays.  Citant les données du rapport d’Amnesty International sur ce sujet, elle a noté une réduction du nombre d’exécutions, mais une augmentation du nombre de jugements conduisant à des exécutions.  Elle s’est cependant déclarée confiante que le Gouvernement aura la volonté de discuter de cette question.

Répondant aux États-Unis, l’Experte indépendante a souligné l’importance du cadre juridique proposé dans le projet de loi relatif aux infractions sexuelles. Précisant que ce texte sera bientôt présenté au Gouvernement fédéral, elle a dit avoir l’intention d’insister sur la nécessité d’un cadre juridique pour mieux protéger les femmes et filles à l’avenir. Pour Mme Dyfan, la Somalie est aujourd’hui à la croisée des chemins.  Ce pays, dont la population reste confrontée à la violence, aux discriminations, aux inégalités et au chômage, a besoin du soutien continu de la communauté internationale, a-t-elle insisté, estimant que la paix et la stabilité ne pourront être atteintes qu’avec l’engagement du Gouvernement somalien à placer la protection des civils, notamment des groupes marginalisés et des minorités, au cœur de son action. 

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