Soixante-dix-huitième session,
20e et 21e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4383

Troisième Commission: débat nourri au sujet du projet de pacte international sur le droit au développement

La question du droit au développement a mobilisé, aujourd’hui, l’attention de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, dont les débats ont été dominés par l’état d’avancement d’un instrument juridiquement contraignant consacrant ce droit. 

Ouvrant le dialogue interactif combiné, le Président-Rapporteur du Groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement s’est félicité du fait que le Conseil des droits de l’homme ait soumis hier pour adoption le projet de pacte international sur le droit au développement à l’Assemblée générale. 

Plaidant pour l’adoption la plus rapide possible de ce pacte, M. Zamir Akram a estimé que cette norme doit être élevée au rang d’instrument juridique contraignant au même titre que les autres droits humains, après avoir rappelé que son groupe travaille sur ce projet depuis 2019. 

« Mon objectif a été d’assurer l’acceptation la plus large possible du projet de traité, en n’imposant pas de nouvelles obligations », a-t-il expliqué, soulignant que ce droit est unanimement reconnu dans les documents finaux de nombreuses conférences majeures, notamment la Déclaration et Programme d’action de Vienne et le Programme 2030. 

Rappelant les obstacles rencontrés depuis la Déclaration sur le droit au développement de 1986, il a toutefois fait état de différences idéologiques entre le Nord et le Sud, certains pays du Nord ne reconnaissant tout simplement pas ce droit comme un droit humain, d’autres estimant qu’il était individuel et non collectif, ou relevant des États et non du droit international.  Il a également signalé que certains pays du Nord n’avaient pas participé à l’élaboration du texte. 

Le droit au développement est central pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD), a cependant souligné le Rapporteur spécial sur le droit au développement, qui a regretté que celui-ci ne soit pas effectif pour des millions de personnes dans le monde.  Au chapitre des recommandations, M. Surya Deva s’est concentré sur le rôle indispensable des entreprises dans la réalisation du droit au développement, tout en mettant en garde contre les pratiques commerciales qui le sapent, comme l’évasion fiscale et l’exploitation des travailleurs migrants.  Il a également appelé à un changement fondamental dans le rôle et la place des entreprises dans la société, ainsi qu’à l’imposition d’obligations contraignantes en matière de droits humains, insistant en outre sur la nécessité de réformer l’architecture juridique actuelle qui, a-t-il affirmé, facilite les abus. 

Dans le même ordre d’idées, la Présidente-Rapporteuse du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement a recommandé d’ancrer l’aide au développement dans les principes normatifs du droit au développement afin de traiter les causes profondes des conflits.  Le droit au développement, a expliqué Mme Liliana Valiña, soutient un système de mesure qui inclut des indicateurs pour toutes les dimensions du développement: civile, culturelle, économique, politique, sociale et environnementale.  Appelant à la réforme du système financier international, elle a recommandé d’augmenter les prêts et de réformer l’architecture de la dette souveraine, qui ne permet pas aux pays en développement de surmonter leurs vulnérabilités financières.  Cette réforme est le fondement du processus de développement, a acquiescé le Mali. 

La question du droit au développement a largement dominé le dialogue interactif de la matinée. L’égalité entre les grands types de droits humains a été rappelée par plusieurs délégations, dont le Zimbabwe.  Elle aussi soucieuse de promouvoir le droit au développement, la Chine a appelé à l’intégrer dans l’ensemble du système de l’ONU. Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a quant à lui exhorté les mécanismes de l’ONU chargés des droits humains à faire de la mise en œuvre du droit au développement une priorité, renouvelant sa proposition de convoquer une conférence internationale de haut niveau sur le sujet. 

Autre préoccupation largement répandue, la question de l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur le droit au développement a notamment été soulevée par Cuba, le Venezuela, le Bélarus, le Zimbabwe, la République arabe syrienne, l’Iran et la Chine, le Nicaragua rappelant pour sa part que plus de 30 pays étaient concernés.  À ce propos, M. Akram a fait savoir que l’article 14 du projet demandait aux États de s’abstenir d’adopter, de maintenir ou d’appliquer de telles mesures. 

La Fédération de Russie a fait valoir que le droit au développement constituait une réponse à l’exploitation coloniale.  Un constat partagé par Cuba qui a affirmé que les pays développés ont une responsabilité historique à assumer face au degré de développement d’autres pays en raison de « siècles d’exploitation et de colonialisme contre leurs peuples et leurs ressources ». 

« C’est un appel aux États qui ont bénéficié du cours de l’histoire pour qu’ils aident d’autres pays, non par charité mais comme un engagement en faveur de la stabilité sociale », a avancé l’Afrique du Sud, interrogeant les titulaires de mandat sur la possibilité de considérer la stabilité humaine comme indicateur alternatif à la croissance économique. 

Dans l’après-midi, les délégations ont dialogué avec le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, qui a attiré l’attention sur les violations des droits humains commises dans le contexte des programmes de transition énergétique, ainsi qu’avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée qui s’est inquiétée de l’omniprésence de l’intelligence artificielle dans nos sociétés.  Le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage a également participé à la discussion en s’attardant sur le rôle ambivalent de la technologie en tant qu’instrument à la fois de facilitation et de prévention des formes contemporaines d’esclavage. 

La Troisième Commission poursuivra son examen de la situation des droits humains, lundi 16 octobre à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)

Déclarations liminaires des titulaires de mandats au titre d’une procédure spéciale et d’autres experts, suivies d’un dialogue interactif

Exposés

M. ZAMIR AKRAM, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a rappelé que le mandat du Groupe était d’examiner les progrès réalisés dans la promotion de ce droit, d’identifier les obstacles rencontrés et de formuler des recommandations.  Depuis 2019, sa priorité est de négocier un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, a-t-il indiqué, précisant que la version finale avait été proposée au Conseil des droits de l’homme lors de sa cinquante-quatrième session en septembre dernier.  Il s’est félicité que le Conseil ait suivi sa recommandation et, annexant le texte à sa résolution sur le droit au développement adopté hier, l’ait soumis à l’Assemblée générale.  Mon objectif a été d’assurer l’acceptation la plus large possible du projet de traité, en utilisant le libellé accepté dans les instruments internationaux pertinents et en n’imposant pas de nouvelles obligations, a-t-il expliqué, ajoutant que l’aspect essentiel de ce projet était sa nature purement volontaire. 

Il a par ailleurs indiqué que plusieurs États Membres avaient souhaité que ce projet soit qualifié de « pacte », tout en faisant observer que, sur le plan juridique, il n’y avait pas de différence entre un pacte et une convention.  Toutefois, l’emploi du terme « pacte » souligne qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les droits humains et que le droit au développement doit être traité sur le même pied et avec la même importance que les deux autres catégories de droits de la personne, tels que consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Président-Rapporteur a souhaité que le projet de pacte international sur le droit au développement soit adopté par l’Assemblée générale dès que possible. Il a rappelé que la Déclaration sur le droit au développement a été adoptée, en 1986, et que ce droit était unanimement reconnu dans les documents finaux de nombreuses conférences majeures, notamment la Déclaration et Programme d’action de Vienne et le Programme 2030.  Cette norme doit être élevée au rang d’instrument juridique contraignant au même titre que les autres droits humains, a-t-il insisté.  « Il est temps de passer à l’action. » 

Mme LILIANA VALIÑA, Présidente-Rapporteuse du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement, a recommandé que l’aide au développement soit ancrée dans les principes normatifs du droit au développement afin de traiter les causes profondes des conflits.  Selon elle, cela suppose plusieurs conditions, notamment la participation et la contribution des secteurs marginalisés et vulnérables de la société, la réalisation d’évaluations de l’impact sur les droits humains, une approche sexospécifique et l’absence de conditionnalité de l’aide. 

Le droit au développement, a poursuivi Mme Valiña, soutient un système de mesure qui inclut des indicateurs pour toutes les dimensions du développement: civile, culturelle, économique, politique, sociale et environnementale.  Un tel système devrait, à ses yeux, surveiller non seulement les ressources nationales, mais aussi l’aide extérieure qu’un État fournit ou reçoit, permettre aux détenteurs de droits de suivre leur propre voie de développement et laisser une marge d’adaptation locale.  Il devrait, en outre, avoir accès à des données sur les groupes qui sont actuellement les moins à même de participer à la distribution équitable des bénéfices résultant du développement et s’assurer qu’il sera utilisé pour contribuer à un environnement international favorable à la réalisation du droit au développement, a-t-elle expliqué. 

Abordant la réforme du système financier international, la Présidente-Rapporteuse a recommandé, entre autres mesures, d’augmenter les prêts, y compris les financements concessionnels des banques multilatérales et régionales de développement.  Elle a également appelé de ses vœux une réforme de l’architecture de la dette souveraine, arguant qu’en l’état, celle-ci ne permet pas aux pays en développement de surmonter leurs vulnérabilités financières.  Autre recommandation: les échanges de dettes liés à la protection de l’environnement ou toute nouvelle mesure incluant la taxation de l’économie numérique et des incitations pour que le secteur privé mobilise les investissements nécessaires. 

Pour ce qui est du principe d’équité intergénérationnelle, Mme Valiña a préconisé de concevoir des forums qui agissent comme des fiduciaires pour les générations futures et d’écouter les voix et les aspirations des jeunes, rappelant que ces derniers vivent principalement dans les pays en développement. Elle a appelé aussi à s’attaquer aux changements climatiques et à d’autres secteurs critiques qui affecteront le bien-être des générations futures, étant donné que la plupart de ces personnes naîtront dans des pays où les revenus sont actuellement faibles ou moyens. 

Enfin, en vue d’améliorer la participation des jeunes, la Présidente-Rapporteuse a recommandé de les inclure en tant que chefs de projet, y compris dans les accords de coopération internationale.  Elle a aussi plaidé pour le renforcement ou la création de nouveaux mécanismes, notamment de plateformes numériques, à tous les échelons, et pour l’octroi d’un soutien financier aux fins d’accroître les capacités de participation des jeunes, dans le cadre de processus sûrs et transparents, prévoyant des mécanismes de retour d’information adéquats.

M. SURYA DEVA, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a insisté sur l’importance cruciale du droit au développement, « central pour atteindre les ODD », regrettant qu’il ne soit pourtant pas effectif pour des millions de personnes à travers le monde.  Selon son rapport présenté au Conseil des droits de l’homme le mois dernier (A/HRC/54/27), six défis entravent la pleine réalisation de ce droit, nécessitant des stratégies ciblées pour les surmonter. 

Le Rapporteur s’est concentré sur le rôle indispensable des entreprises dans la réalisation du droit au développement -en construisant des maisons, en offrant des services bancaires, ou en créant des opportunités d’emploi, entre autres- tout en mettant en garde contre les pratiques commerciales qui le sapent, comme l’évasion fiscale ou l’exploitation des travailleurs migrants. Il a donc proposé une feuille de route pour exploiter positivement la contribution des entreprises tout en minimisant leurs impacts négatifs.  Celles-ci peuvent, a-t-il énuméré, verser un salaire décent aux travailleurs, combler le fossé numérique, payer des impôts, faire progresser l’égalité réelle entre les sexes, respecter les droits culturels des peuples autochtones et faciliter la participation des citoyens aux processus de prise de décisions. 

M. Deva a ensuite critiqué les modèles commerciaux actuels pour leur incompatibilité avec une compréhension holistique du droit au développement.  Il a appelé à un changement fondamental dans le rôle et la place des entreprises dans la société, avançant trois éléments pour ce changement: repenser le but des entreprises dans la société, changer les modèles commerciaux irresponsables et aller au-delà de l’approche consistant à « ne pas nuire ».  Les États et les organisations de la société civile ont un rôle essentiel à jouer pour soutenir cette évolution fondamentale, a-t-il ajouté.  Le Rapporteur a ainsi appelé à la création d’obligations contraignantes en matière de droits humains pour les entreprises et a insisté sur la nécessité de changer l’architecture juridique actuelle qui facilite les abus.  Enfin, il a exhorté la communauté internationale à adopter le projet de pacte sur le droit au développement le plus rapidement possible. 

Dialogue interactif

À la suite de ces présentations successives, le Brésil a rappelé que l’élimination de la pauvreté représente un élément crucial pour le développement durable, avant d’appuyer les négociations sur une convention censée protéger le droit au développement en tant que droit humain.  S’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, la Tunisie a, pour sa part, indiqué que le Conseil des droits de l’homme a adopté, hier, une résolution (A/HRC/54/L.27) par laquelle il décide de soumettre à l’Assemblée générale, « pour examen, négociation puis adoption », un projet d’instrument juridiquement contraignant, intitulé « projet de pacte international sur le droit au développement ». 

Affirmant que le droit au développement est essentiel pour parvenir aux droit économiques, sociaux, culturels et politiques, le Pakistan a demandé aux trois titulaires de mandat d’expliquer comment la réalisation du droit au développement permettra d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD).  La délégation a également souhaité que soit développée la question des instruments contraignants existants.  Même son de cloche du côté du Cameroun, qui a souhaité recueillir les impressions de M. Akram sur le processus d’élaboration du « pacte international sur le droit au développement ».  Après avoir exprimé son soutien à ce processus, la Malaisie a voulu obtenir des précisions sur la meilleure manière de rendre effectif le droit au développement.

De son côté, la Fédération de Russie a fait valoir que le droit au développement constitue une réponse au passé et à l’exploitation coloniale de certains pays, avant de s’enquérir des mesures supplémentaires que l’ONU peut prendre pour assurer la pleine application du droit au développement. Le constat dressé par la délégation russe a été partagé par l’Afrique du Sud, qui a souligné que le droit au développement repose sur le principe de responsabilité partagée.  « C’est un appel aux États qui ont bénéficié du cours de l’histoire afin qu’ils aident d’autres pays, non par charité mais comme un engagement en faveur de la stabilité sociale », a expliqué la délégation sud-africaine, qui a ensuite interrogé les titulaires de mandat sur la possibilité d’inclure la stabilité humaine dans les activités humaines en alternative à la seule mesure du produit national brut (PNB).

La Chine a appuyé, à son tour, la création d’une convention sur le droit au développement, appelant à intégrer ce droit humain dans tout le système des Nations Unies.  Elle a souhaité savoir dans quelle mesure il est possible de renforcer la position du droit au développement dans la convention et dans d’autres instruments. De plus, la délégation a exprimé son opposition résolue aux mesures coercitives unilatérales imposées aux pays en développement.  Le Zimbabwe a, lui aussi, interpellé M. Akram sur les répercussions des mesures coercitives unilatérales, avant de réaffirmer l’importance du droit au développement dans la « quête collective du développement durable ». Sur un mode plus offensif, Cuba a jugé inadmissible que le droit au développement soit « réduit au minimum par certains et méconnu par d’autres ».  Les pays développés ont une responsabilité historique dans le degré de développement d’autres pays en raison des « siècles d’exploitation et de colonialisme contre leurs peuples et leurs ressources », a martelé la délégation.  Elle a également appelé à mettre un frein aux mesures coercitives unilatérales, qui sont un « affront aux droits des peuples » et constituent un obstacle au droit au développement.  Un avis partagé par le Venezuela et le Bélarus.

Après avoir salué les progrès réalisés dans la conception d’un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, le Bangladesh a interrogé les titulaires de mandat sur les façons d’augmenter les ressources des pays en développement, insistant sur l’aide publique au développement (APD), la coopération économique et l’émission de droits de tirage spéciaux (DTS).  L’Union européenne a rappelé, à cet égard, qu’elle contribue à l’aide au développement mondiale à hauteur de 46%.  S’agissant de la responsabilité sociale des entreprises, également évoquée par le Bangladesh, elle a souligné que les entreprises ont le devoir de protéger les droits humains.  Elle a souhaité obtenir des exemples de bonnes pratiques sur ce point.  L’Égypte a, quant à elle, demandé si les entreprises biomédicales ont bien respecté leur devoir de fournir un accès aux technologies médicales, comme mentionné dans les rapports. 

L’Indonésie a ensuite insisté sur l’importance de la participation de tous et le besoin de changer les paradigmes en matière de droit au développement.  Une approche partagée par le Nicaragua, qui a défendu la nécessité de créer un nouveau modèle économique international fondé sur l’inclusion et la solidarité, l’équité, la justice sociale et l’élimination de la pauvreté.  Se disant convaincue que les entreprises peuvent apporter leur contribution à la matérialisation du droit au développement, la délégation a exhorté les pays développés à tenir leurs engagements historiques en la matière. Elle a également pointé les mesures coercitives unilatérales illicites imposées à plus de 30 pays, qui constituent l’un des principaux obstacles au développement.  Sur cette même ligne, la République islamique d’Iran a insisté sur les effets dévastateurs de ces mesures.  « Si les pays qui les imposent y étaient confrontés, ils comprendraient les impacts catastrophiques de leurs actes », a renchéri la République arabe syrienne.

Revenant sur le projet d’instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, l’Arabie saoudite a vivement souhaité que les États Membres parviennent à un consensus.  Saluant la dynamique internationale dans ce sens, elle a rappelé l’importance de son fonds pour le développement, lequel a accordé plus de 700 prêts à plus de 80 pays pour la réalisation de leurs objectifs de développement durable (ODD). À cette aune, elle a voulu savoir quels sont les meilleurs moyens d’apporter une assistance en tenant compte des priorités et programmes au développement des différents pays.  Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a quant à lui exhorté les mécanismes des Nations Unies chargés des droits de l’homme à garantir la mise en œuvre du droit au développement en tant que priorité, notamment via l’élaboration d’une convention sur le droit au développement.  Il a, d’autre part, renouvelé la proposition du Mouvement d’œuvrer à la convocation d’une conférence internationale de haut niveau parrainée par les Nations Unies sur le droit au développement. 

Prenant à son tour la parole, l’Algérie a affirmé vouloir construire une économie productive en veillant au développement durable et à la préservation de l’environnement.  À cette fin, elle a dit n’épargner aucun effort sur la voie de la réalisation des ODD avant la date butoir de 2030.  La délégation a ainsi rappelé qu’en 2020, son pays a réservé une enveloppe d’un milliard de dollars pour la mise en œuvre de projets de développement dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’accès à l’eau et aux infrastructures dans la région du Sahel.  Considérant pour sa part que la réforme de l’architecture financière est le fondement du processus de développement, le Mali a souhaité savoir comment il serait possible de faire adhérer les institutions financières internationales à cette approche. 

Reprenant la parole, le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement a indiqué que le projet de pacte en cinq parties et 39 articles était disponible sur le site Internet du HCDH.  Il a indiqué que l’article 14 demandait aux États de s’abstenir d’adopter, de maintenir ou d’appliquer des mesures coercitives unilatérales.  Il a insisté sur le principe d’adhésion volontaire, notant qu’une telle approche permet d’exercer des pressions morales tout en écartant l’idée de pointer du doigt certains États. 

Abordant les obstacles rencontrés depuis l’adoption, en 1986, de la Déclaration sur le droit au développement, le Président-Rapporteur a évoqué les différences idéologiques entre le Nord et le Sud, certains pays du Nord ne reconnaissant pas le droit au développement comme un droit humain.  D’autres estiment, en outre, que ce droit est individuel et non collectif et qu’il relève des États et non du droit international, a-t-il ajouté. Il a fait savoir que certains pays du Nord n’avaient pas participé à l’élaboration du texte, et qu’un consensus n’avait pas pu être trouvé, mais que le Groupe avait pris en compte leurs préoccupations.  Il a également souligné que le projet de pacte était basé sur un corpus de textes juridiques déjà existants et largement acceptés.  Il a demandé que le projet soit lu, estimant que cela contribuera à un soutien accru envers le pacte. 

Lui emboîtant le pas, la Présidente-Rapporteuse du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement a souligné que le droit au développement renforce la capacité des États à matérialiser leurs efforts en termes de droits humains.  C’est pourquoi le Mécanisme s’efforce de contribuer au renforcement des capacités nationales.  Elle a insisté sur l’importance de travailler sur des principes fondamentaux, comme la participation libre et active de tous les acteurs, notant que le manque d’appui des communautés concernées entraîne l’échec des efforts investis par les organisations intergouvernementales.  La consultation n’est donc pas seulement bénéfique pour les communautés elles-mêmes, mais pour tous les acteurs du développement, a-t-elle souligné. 

Abordant la réforme de l’architecture financière internationale, la Présidente-Rapporteuse a estimé que les effets de la dette sur le droit au développement doivent être examinés à l’aune du contexte de chaque État.  Les institutions financières internationales peuvent apporter des bénéfices concrets et réels aux populations, a-t-elle ajouté.  Elle a également insisté sur l’importance de la participation de la société civile aux réunions du Mécanisme, notant qu’une grande partie des travaux accomplis reposent sur ses observations sur des questions telles que la justice climatique.

À son tour, le Rapporteur spécial sur le droit au développement, a d’abord encouragé les entreprises, notamment celles de réseaux sociaux, à se saisir pleinement du principe de diligence voulue et à y investir davantage de ressources, afin d’éviter, par exemple, le harcèlement de certains groupes. Dans le même contexte, il a cité le droit à l’eau parfois menacé par des entreprises qui fabriquent des boissons ou qui pratiquent l’agriculture intensive, et auxquelles le principe de diligence voulue pourrait s’appliquer. 

Sur la question de la coopération entre les États et les entreprises, il a avancé que des réglementations obligatoires en matière de droits humains sont nécessaires, mais que les entreprises peuvent aussi répondre à des incitations fiscales pour adopter de bonnes pratiques.  En ce qui concerne la santé publique spécifiquement, il a critiqué le monopole des technologies médicales par le secteur privé, et, donnant l’exemple des vaccins contre la COVID-19, a défendu « l’obligation morale » de partager ces technologies. 

Passant à l’économie des droits humains, il a affirmé que le modèle actuel suscitait trop d’inégalités, appelant à aller « au-delà du PIB ».  À la question d’identifier le meilleur moyen de fournir l’aide publique au développement, il a plaidé pour une écoute attentive des besoins spécifiques de chaque pays.  Il a en outre élargi la notion de ne laisser personne de côté aux animaux et aux plantes, soulignant ainsi une vision écosystémique du développement. 

Pour ce qui est de l’espace de participation, le Rapporteur spécial a appelé tous les gouvernements à respecter la société civile, même lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec elle.  Il a également insisté sur l’importance d’un développement participatif, où les personnes à la base sont impliquées à chaque étape de la prise de décisions, faisant une distinction claire entre « participation » et « consultation ». 

Répondant aux pays qui dénoncent l’unilatéralisme, il a estimé que les sanctions unilatérales sont une déviation du droit international, exhortant à revenir à la Charte des Nations Unies et à chercher le consensus, « ce qui aura pour effet de rendre les sanctions caduques ». 

Enfin, il a prédit que le pacte international sur le droit au développement pourrait être adopté d’ici à 2026, coïncidant avec le quarantième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement, insistant sur l’importance de la gouvernance et des compétences techniques pour mettre en œuvre ce pacte dans les politiques nationales. 

Exposé

M. DAMILOLA OLAWUYI, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a déclaré avoir exploré, dans le cadre de son rapport intitulé « Secteur extractif, transition juste et droits humains », les facteurs conduisant à des violations des droits humains dans le contexte des programmes de transition énergétique.  Il a dit avoir examiné le meilleur moyen pour les États, les entreprises, les investisseurs et les autres parties prenantes du secteur extractif de concevoir et de mettre en œuvre des programmes de transition énergétique justes, inclusifs et fondés sur les droits humains au regard des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains.

Le Président du Groupe de travail a noté que, depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, un nombre croissant de parties prenantes dans le monde ont annoncé des engagements et des plans pour mettre en œuvre des programmes de transition énergétique.  Il a toutefois exprimé la crainte que ces engagements ne viennent exacerber davantage les violations des droits humains liées aux entreprises, comme cela a déjà été vérifié dans certains pays.  Parmi les violations évoquées, M. Olawuyi a mentionné les déplacements forcés, le travail des enfants, l’esclavage moderne, la discrimination ou encore la pollution de l’environnement. 

Il a, par conséquent, recommandé aux États de saisir la transition énergétique en cours comme une opportunité pour promouvoir des lois et des politiques cohérentes et tenir les entreprises et les investisseurs pour responsables des violations des droits humains tout au long de la chaîne de valeur.  Une transition juste nécessitera également une forte coordination aux niveaux international, régional, national et local, a-t-il fait valoir, appelant les États à remplir leurs obligations extraterritoriales, car « tenter de respecter les engagements internationaux en matière de climat au niveau national ne peut justifier l’ignorance des violations des droits humains dans les États où se déroulent les activités extractives ».  Lorsqu’ils négocient de nouveaux contrats, concessions ou accords bilatéraux dans le secteur extractif ou qu’ils réforment les accords existants, les États doivent, selon lui, conserver une marge de manœuvre nationale suffisante afin de remplir leurs obligations en matière de droits de l’homme en vertu du droit international.

Après avoir passé en revue les défis actuels, ainsi que des pratiques émergentes mises en évidence dans ce contexte, le Président du Groupe de travail a évoqué un plan d’action pour garantir que tous les programmes de transition énergétique existants et futurs soient compatibles avec les normes et standards internationaux en matière de droits humains.  Saluant à cet égard l’adoption d’un cadre réglementaire clair et complet pour atteindre les objectifs de transition énergétique fondés sur les droits humains, il a incité les États à réviser les politiques fiscales actuelles liées au secteur de l’extraction afin de garantir le respect du droit au partage des bénéfices entre les communautés affectées. 

S’agissant des entreprises, M. Olawuyi leur a suggéré de veiller à ce que tous leurs programmes de transition énergétique existants et futurs soient compatibles avec les obligations internationales en matière de droits humains.  Il les a en outre invitées à aligner leurs pratiques commerciales, politiques, processus, structures de gouvernance et décisions sur les objectifs de l’Accord de Paris.  Tout en leur enjoignant d’éviter « l’écoblanchiment » et les allégations trompeuses sur les programmes de transition énergétique, le Président du Groupe de travail a demandé aux entreprises d’assurer une consultation efficace et significative avec tous les titulaires de droits concernés, notamment en garantissant le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones. 

Dialogue interactif 

Dans la foulée de cet exposé, les États-Unis ont appelé à une coopération multipartite pour créer un environnement qui minimise les effets négatifs de l’environnement sur les droits humains.  Ils ont ensuite souhaité savoir comment le Groupe de travail va assurer la participation des communautés autochtones pour favoriser un monde plus durable et plus juste. Souscrivant aux conclusions du rapport concernant le rôle des États et des entreprises dans l’accomplissement d’une transition énergétique juste, l’Union européenne a voulu connaître les principes à inclure dans le cadre réglementaire pour que la transition énergétique soit juste et efficace.  Comment tenir les entreprises responsables de leurs actions dans le contexte de transition énergétique?, a demandé la délégation européenne. 

De manière connexe, l’Irlande, après avoir exprimé son adhésion au principe de « tolérance zéro » face aux représailles, a souhaité savoir comment les États peuvent appuyer les entreprises en matière de droits humains. Elle a été rejointe en ce sens par le Pakistan et la Suisse, laquelle a demandé à M. Olawuyi si le Groupe de travail prévoit des activités spécifiques pour promouvoir le partage des bonnes pratiques mises en évidence dans le rapport.  La France a, pour sa part, rappelé qu’elle soutient activement les discussions visant à la création d’un instrument juridiquement contraignant universel sur les entreprises et les droits de l’homme. Elle a voulu en savoir plus sur la contribution que le Groupe de travail peut apporter à la poursuite d’une transition énergétique juste et au respect des droits humains dans le secteur des industries extractives. 

À la suite de la Chine, qui a appelé les sociétés transnationales opérant dans les pays en développement à respecter et protéger les droits humains, le Cameroun a regretté que le rapport de M. Olawuyi se montre « peu favorable aux pays où sont menées des activités extractives ». Il a par ailleurs demandé au Président du Groupe de travail un exemple de pays ayant adopté un programme de transition énergétique en Afrique.  De son côté, la Fédération de Russie a souhaité que cette discussion ne soit pas un prétexte pour faire obstacle au développement économique des États. Selon elle, le lien entre les questions de droits humains et d’environnement est « infondé et largement artificiel ».  Jugeant que l’objectif principal du rapport de M. Olawuyi doit être de prévenir les conséquence négatives des activités des entreprises sur les droits humains, elle s’est prononcée pour un renforcement des mécanismes internationaux existants. 

Réagissant aux remarques et questions des délégations, le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises a évoqué, en premier lieu, les actions que peuvent entreprendre les États.  Ceux-ci doivent adopter des plans nationaux et créer des cadres réglementaires clairs, qui concilient droits humains et efforts de promotion de la transition énergétique, a-t-il dit.  Cela implique aussi de réexaminer les accords et les politiques budgétaires déjà existants, pour faire en sorte qu’ils ne mettent à mal ni les efforts visant à promouvoir la transition énergétique ni les droits humains, a-t-il expliqué. M. Olawuyi a indiqué que nombre de recommandations du rapport sont adressées aux entreprises pour qu’elles inscrivent la transition énergétique dans le respect des droits humains.  À ce titre, les entreprises doivent éviter de faire de fausses affirmations sur leurs programmes et, au contraire, fournir des rapports clairs et objectifs.  Elles doivent en outre s’assurer que leurs pratiques sont conformes aux objectifs de l’Accord de Paris, a-t-il ajouté. 

S’agissant des impacts sur les peuples autochtones, le Président du Groupe de travail a appelé à associer toutes les parties prenantes pour garantir en amont une consultation éclairée sur les incidences des activités économiques sur le droit à un environnement propre.  D’une manière générale, a-t-il précisé, nous attendons des entreprises qu’elles fassent davantage pour contribuer au développement de la société, en mettant les personnes au-dessus des profits. 

Après avoir fait état de sa collaboration étroite avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement, qui, jusqu’à l’an passé, était membre du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. Olawuyi a évoqué la situation du continent africain, regrettant que seuls trois États –l’Ouganda, le Nigéria et le Kenya– aient adopté des plans nationaux sur les entreprises et les droits humains.  Il a encouragé les autres pays de la région à les imiter.  Il a enfin remercié les membres de la société civile, notamment les syndicats et les représentants des peuples autochtones, pour leurs contributions, avant d’indiquer qu’il se rendra, en 2024, en Colombie et en Tunisie. 

Exposé

M. TOMOYA OBOKATA, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, s’est concentré sur le rôle ambivalent de la technologie en tant qu’instrument à la fois de facilitation et de prévention des formes contemporaines d’esclavage.  Les réseaux sociaux, salles de forum de discussions ou autres plateformes sont fréquemment utilisés par les recruteurs et exploiteurs afin d’instaurer une confiance avec les victimes, en particulier les femmes économiquement défavorisées, les migrants et les jeunes, a expliqué le Rapporteur, qui a également évoqué les annonces d’emploi en ligne fallacieuses.   

Néanmoins, il a reconnu le potentiel de certaines technologies comme l’intelligence artificielle et la technologie de la chaîne de blocs pour lutter contre ces formes d’exploitation.  L’intelligence artificielle permet notamment d’analyser de multiples sources de données pour débusquer des situations d’exploitation au travail et des itinéraires de traite humaine, a-t-il fait valoir.  En outre, la technologie de la chaîne de blocs peut augmenter la transparence des chaînes d’approvisionnement, tandis que la télédétection par satellite offre un moyen de surveiller des zones où les inspections du travail sont difficiles à mener.  « La technologie n’est cependant pas une panacée », a prévenu le Rapporteur spécial.  Soulignant la nécessité de s’attaquer aux causes profondes comme la pauvreté et l’inégalité, il a insisté sur l’importance de la protection des données et de la réduction du fossé numérique. 

Il a appelé à une révision régulière des réponses légales aux formes contemporaines d’esclavage, en tenant compte des avancements technologiques.  Il a également plaidé pour un dialogue international sur les normes techniques et pour une collaboration multisectorielle afin de concevoir des solutions technologiques efficaces.  Enfin, il a encouragé les gouvernements ainsi que les entreprises technologiques de toutes tailles à adopter des mesures obligatoires et autres formes de diligence raisonnable en matière de droits humains dans leurs opérations commerciales. 

Dialogue interactif

Après cet exposé, le Royaume-Uni a souligné l’importance de la législation pour combattre l’exploitation en ligne, particulièrement celle des femmes et des filles, et s’est réjoui que des données statistiques et des outils comme l’intelligence artificielle puissent être utilisés pour prévenir l’esclavage moderne.  L’Australie a renchéri en mettant l’accent sur la coopération régionale et la consultation des victimes, avant de demander des exemples de gouvernements qui collaborent efficacement avec les entreprises technologiques. 

Le Japon a voulu connaître l’avis du Rapporteur sur la possible création par l’ONU d’un nouvel organisme international qui serait chargé de régir l’utilisation de l’intelligence artificielle face à des risques potentiellement catastrophiques et existentiels.  Que pourraient faire les États et les entreprises technologiques pour développer des solutions technologiques simples et conviviales, destinées à lutter contre l’esclavage moderne, s’est, de son côté, enquise l’Union européenne, en insistant sur l’accessibilité de tels outils aux enfants et aux adolescents.  Le Liechtenstein s’est concentré sur le suivi financier pour appréhender les auteurs de crime, tandis que le Chili a souligné le rôle crucial des entreprises technologiques, en complément des États, dans la prévention de l’esclavage moderne. 

La Fédération de Russie, de son côté, a soutenu une approche multidimensionnelle, notant que le problème n’est pas forcément lié à des technologies intrinsèquement « mauvaises », mais plutôt sur des utilisateurs malintentionnés.  Elle a appelé à une réglementation législative des technologies de l’information, insistant en outre sur l’importance de former les forces de l’ordre à ces défis particuliers.  La Chine a reproché aux États-Unis de ne pas avoir ratifié certaines conventions, notamment celle sur le travail des enfants, alors que 500 000 enfants sont toujours exploités, notamment aux États-Unis.  Par ailleurs, plus de 70% des personnes en détention aux États-Unis travaillent dans des prisons privées, pour de très faibles salaires, a dénoncé la délégation qui a demandé une enquête internationale sur le sujet. 

« Les États-Unis condamnent l’esclavage sous toutes ses formes. Point barre », a clarifié le représentant américain, avant de noter que des millions de personnes sont victimes de la traite humaine à des fins sexuelles ou professionnelles.  Il a insisté sur la nécessité de s’attaquer aux moteurs de la vulnérabilité, tels que la pauvreté et la discrimination et s’est demandé comment les États pouvaient mieux intégrer l’analyse des données pour traquer les nouveaux esclavagistes. 

Concernant la façon d’établir un équilibre entre risques et avantage des technologies, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences a appelé à travailler de près avec les entreprises et les experts technologiques pour identifier les risques qui pourraient aboutir à des formes contemporaines d’esclavage moderne. Il faut demander aux entreprises de mettre au point des outils pour détecter et prévenir ces pratiques, a expliqué le Rapporteur spécial qui a également conseillé de travailler avec les universitaires et la société civile.  À cet égard, il a mis en avant une initiative asiatique analysant la manière dont les technologies peuvent contribuer à la prévention, ainsi qu’un projet de l’Union européenne qui examine la façon dont la technologie peut protéger les droits des victimes des formes modernes d’esclavage 

Il a également soutenu l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’une initiative mondiale sur l’intelligence artificielle, insistant sur l’importance d’une gouvernance multipartite pour aborder la problématique de la protection des victimes, entre autres.  L’intelligence artificielle peut être utilisée pour déformer les transactions financières mais aussi protéger la vie privée et combattre les formes contemporaines d’esclavage, a noté le Rapporteur. 

Exposé

Mme ANA BRIAN NOUGRÈRES, Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée, a tout d’abord relevé l’omniprésence de l’intelligence artificielle dans nos sociétés, depuis les appareils mobiles du quotidien jusqu’aux systèmes de gestion d’entreprise les plus complexes.  Cette présence grandissante est source d’opportunités mais aussi de défis, a-t-elle expliqué, mettant notamment en garde contre la prise de décisions biaisées, non transparentes ou incorrectes.  Face à ces dangers, « conformons l’intelligence artificielle aux droits humains », a exhorté la Rapporteuse spéciale.  Et même si l’intelligence artificielle permet de collecter, stocker, analyser et traiter d’énormes quantités d’informations, la vie privée doit malgré tout demeurer un droit essentiel, a-t-elle fait valoir. 

Sur la base de son rapport, Mme Nougrères a noté que la transparence et l’explicabilité renforcent tout à la fois le respect des droits humains et la confiance dans les systèmes d’intelligence artificielle.  La transparence, a-t-elle précisé, concerne non seulement la masse de données utilisées par l’intelligence artificielle, mais aussi la manière dont les décisions basées sur celle-ci sont prises.  Quant à l’explicabilité, elle l’a explicitée en ces termes: « toutes les personnes affectées par une décision prise sur la base de l’intelligence artificielle méritent une explication claire, simple, complète, véridique et compréhensible de la motivation de cette décision ». Selon la Rapporteuse spéciale, ces deux principes exigent la clarté, l’exhaustivité, la véracité, l’impartialité et la publicité des décisions prises par l’intelligence artificielle. À l’opposé, l’opacité, la tromperie, le mensonge et l’abus de puissance informatique sont autant de symptômes d’un traitement illégal des données manquant d’éthique et de respect pour l’être humain et de sa dignité, a-t-elle ajouté. 

En termes de recommandations, la Rapporteuse spéciale a exhorté les États, à promouvoir la transparence dans les développements de l’intelligence artificielle et à incorporer dans leurs réglementations normatives des dispositions relatives à la protection des droits humains.  Les États, a-t-elle poursuivi, doivent notamment intégrer dans leurs réglementations normatives le principe d’explicabilité, afin que les personnes comprennent parfaitement comment les décisions qui les concernent ont été prises et qu’elles puissent disposer d’outils pour défendre leurs droits humains face à l’intelligence artificielle.  Un autre champ d’action proposé est celui de l’éducation et de la culture numériques pour que les citoyens comprennent mieux les concepts liés à l’intelligence artificielle et qu’ils puissent exiger le respect de leurs droits.  L’utilisation de cette dernière doit être promue comme « un outil de protection du droit à la vie privée et du respect de la vie privée », a conclu Mme Nougrères.

Dialogue interactif

À la suite de cette présentation, l’Union européenne a souhaité connaître l’outil réglementaire le plus efficace pour veiller à ce que l’intelligence artificielle et les technologies de l’avenir respectent les droits humains.  Que peuvent faire les usagers pour refuser le traitement automatisé des données personnelles, a demandé l’Autriche, tandis que le Luxembourg et le Brésil s’enquéraient des meilleures pratiques en matière de protection des données, dans le respect des droits humains.  La Malaisie a ensuite voulu savoir quelles difficultés poserait l’intégration de la transparence dans le développement de l’intelligence artificielle.  L’humanité est-elle prête à laisser l’intelligence artificielle prendre des décisions en son nom?, s’est, pour sa part, interrogée la République arabe syrienne.

De son côté, la Fédération de Russie a dénoncé les violations à grande échelle du droit à la vie privée et du secret de la correspondance commises dans plusieurs pays occidentaux, notamment la surveillance totale et l’interception des données des utilisateurs.  La délégation a également critiqué la résistance des Occidentaux en matière de transfert de technologies, dans le but de conserver leur domination mondiale et de garantir un avantage compétitif à leurs ressortissants. 

Après avoir réitéré son engagement à œuvrer avec la communauté internationale pour formuler des règles de gouvernance numérique internationale qui respectent les intérêts de toutes les parties, la Chine s’est attaquée aux États-Unis qui, selon elle, se livrent au « cybervol » dans le monde entier.  Elle a ainsi affirmé qu’en 2021, le FBI a effectué plus de 3,4 millions de recherches sur des données numériques, et ce, sans mandat.  Les agences américaines ont en outre mené 45 cyberattaques contre d’autres pays, dont la Chine, a-t-elle ajouté.  Pour leur part, les États-Unis ont souhaité savoir comment les gouvernements peuvent agir ensemble pour appuyer la liberté de la presse et protéger les journalistes des surveillances arbitraires et illégales, notamment dans le cyberespace. 

En réponse aux questions et commentaires des délégations, la Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée a souligné le consensus existant quant aux risques liés à l’intelligence artificielle.  Toutefois, a-t-elle nuancé, l’atténuation de ces risques ne devrait pas pour autant empêcher de poursuivre l’innovation. Dans la mesure où les systèmes d’intelligence artificielle représentent une aide, il importe surtout de veiller à ce que leurs effets qui ne répondent pas aux droits de l’homme soient « atténués au maximum », a-t-elle préconisé.  Pour ce qui est de garantir le respect des droits humains, Mme Nougrères a appelé à analyser les principes généraux, en l’absence de règlement en la matière, invitant notamment à se pencher sur la finalité et la proportionnalité, principes qu’elle avait déjà évoqués dans de précédents rapports. La Rapporteuse spéciale a également insisté sur la sensibilisation, en tant qu’outil complémentaire à l’éducation, afin d’introduire la notion de respect de la vie privée dans toutes les strates de la société. 

Par ailleurs, Mme Nougrères a fait le constat qu’à l’intérieur des frontières des États, en raison de l’existence de règlements particuliers, le fonctionnement des systèmes de données personnelles se fait sans grande difficulté. En revanche, le problème se pose à l’échelon international, a-t-elle ajouté, appelant les États à envisager des solutions internationales sur ce point. 

Revenant ensuite sur les deux principes énoncés dans son dernier rapport, à savoir la transparence et l’explicabilité, elle a assuré qu’ils n’entrent aucunement en contradiction avec le principe de précision.  Quant aux préoccupations exprimées par plusieurs pays au sujet du cyberespionnage, la Rapporteuse spéciale a déclaré les partager car, a-t-elle souligné, ces activités nuisent aux droits humains fondamentaux.  Enfin, en réponse à la République arabe syrienne, elle a invité les États à échanger plus largement sur ces questions avec son bureau, lequel prend en compte tous les avis. 

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