En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-huitième session,
15e séance plénière – après-midi
AG/SHC/4379

La Troisième Commission examine l’impact du tourisme et des changements climatiques sur les peuples autochtones

Les droits des peuples autochtones étaient, cet après-midi, à l’ordre du jour de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles.  Ouvrant les débats, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a examiné l’impact du tourisme en la matière.  De leur côté, les délégations ont abordé une large palette de sujets, au premier rang desquels l’impact des changements climatiques. 

Cadrant le débat au nom du Groupe des Amis des peuples autochtones, le Mexique a affirmé qu’ils « reflètent la magnifique diversité de l’humanité », avec 5% de la population mondiale représentant plus de 5 000 cultures et plus de 4 000 langues.  Il a toutefois rappelé que le dernier locuteur d’une d’entre elles s’éteint toutes les deux semaines dans le monde, et que ces peuples étaient trois fois plus exposés à l’extrême pauvreté que la population générale. 

Rappelant l’essor de l’écotourisme et du tourisme ethnoculturel au cours des dernières décennies, M. Cali-Tzay a souligné que si certaines bonnes pratiques des États et du secteur privé peuvent être relevées, de nombreux effets négatifs persistent.  Il a évoqué l’expropriation des terres et des ressources, la militarisation des territoires, la violence envers les défenseurs des droits humains, la marchandisation, l’exploitation et la destruction de la culture, la distribution injuste des bénéfices et la violence envers les femmes, allant jusqu’à des viols commis par les touristes et trop souvent impunis. 

Le Rapporteur spécial a estimé que le développement d’un tourisme durable et fondé sur les droits humains permettrait aux peuples autochtones de s’engager dans un développement autodéterminé, de revitaliser leurs institutions et leurs cultures, ainsi que de contrer la migration des jeunes en leur offrant des opportunités d’emploi.  Il s’est félicité du fait que certains pays, comme la Bolivie en 2009, aient inscrit dans leur Constitution le principe de la gestion partagée des zones protégées par les peuples autochtones. 

Les États et le secteur privé doivent travailler de concert pour protéger les peuples autochtones de l’exploitation et leur permettre de s’ouvrir au tourisme et de profiter pleinement des opportunités qu’il offre, a estimé le Paraguay qui a indiqué que la popularité de l’écotourisme l’oblige à être plus attentifs à la sauvegarde des droits territoriaux de ces populations. 

Saluant l’assistance en langue maorie, la Nouvelle-Zélande a expliqué qu’elle favorisait une croissance durable et inclusive du secteur touristique, grâce notamment au « New Zealand Maori Tourism », un organisme indépendant qui implique les opérateurs touristiques maoris, les services gouvernementaux et les tribus. Le Népal a indiqué de son côté que les séjours chez l’habitant gérés par les communautés autochtones constituent une attraction touristique majeure ainsi qu’une source importante d’emplois et de revenus pour ces communautés. 

Après avoir rappelé que les peuples autochtones préservent 80% de la biodiversité de la planète et sont « les principaux gardiens des écosystèmes et des ressources naturelles », l’Union européenne a déploré qu’ils subissent tout à la fois l’exploitation minière illégale, l’abattage des arbres, la dégradation de l’environnement et les effets délétères des changements climatiques. À l’instar d’El Salvador qui s’exprimait au nom du Système d’intégration d'Amérique centrale (SICA), il a estimé que leurs connaissances traditionnelles des écosystèmes peuvent offrir des solutions pour protéger l’environnement et, ce faisant, lutter contre les changements climatiques, appelant à en tenir compte dans la gestion des terres et les politiques de développement.  Le Guyana a expliqué que c’est dans cet esprit que son gouvernement a transféré la propriété légale de 16,4% de la masse terrestre du pays aux peuples autochtones qui y vivent. 

Comme de nombreuses autres délégations, l’Union européenne (UE) a sonné l’alarme quant au sort des défenseurs autochtones des droits humains, affirmant que les attaques contre les défenseurs des droits fonciers, environnementaux et des peuples autochtones avaient atteint un record l’année dernière, représentant 48% du nombre total d’assassinats de défenseurs des droits humains dans le monde. 

À l’instar de l’Iran, plusieurs délégations ont souligné le « long passé de discrimination systématique » envers les peuples autochtones de certains pays, pointant notamment les États-Unis et le Canada. 

Rappelant par ailleurs qu’une décennie s’est écoulée depuis l’adoption du document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, la Colombie a jugé urgent d’obtenir des résultats concrets conduisant à une meilleure participation des peuples autochtones à l’ONU.  Comme la Nouvelle-Zélande, elle a soutenu leur appel à créer une catégorie pour leur participation au système de l’ONU, en dehors des délégations nationales, en tant que peuples et non en tant qu’organisations non gouvernementales (ONG), leur ouvrant la possibilité d’influencer les discussions en participant de manière significative aux processus de l’ONU. 

L’Inde a affirmé cependant que la notion de peuple autochtone ne s’applique pas à sa population, un avis partagé par la République-Unie de Tanzanie, selon laquelle il n’y a pas de peuple autochtone sur son territoire, mais des communautés avec des besoins spécifiques, qui sont encouragées et respectées.  Le Cameroun a relevé, pour sa part, qu’une confusion est vite établie entre groupes ethniques et peuples autochtones, estimant que le recours à l’auto-identification porte en lui « les germes de la création d’une catégorie artificielle de population ».  La déléguée a donc souhaité que ce critère soit manié avec précaution, s’agissant de pays comme le sien, et que tous les pays concernés soient consultés à ce sujet. 

La Troisième Commission se réunira demain, mardi 10 octobre, à partir de 10 heures pour entamer son examen de la promotion et de la protection des droits humains. 

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES (A/78/162) ET SUITE DONNÉE AU DOCUMENT FINAL DE LA RÉUNION PLÉNIÈRE DE HAUT NIVEAU DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, DITE CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES

Déclaration liminaire d’un titulaire de mandat au titre des procédures spéciales, suivie de dialogue interactif

Exposé

M. JOSÉ FRANCISCO CALÍ TZAY, Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, a présenté son rapport annuel (A/78/162), consacré à l’impact du tourisme sur les peuples autochtones.  Il a rappelé l’essor de l’écotourisme et du tourisme ethnoculturel au cours des dernières décennies, ainsi que la tenue, en mai 2022, d’un débat thématique de haut niveau de l’Assemblée générale sur le tourisme, qui avait souligné l’importance de réunir les acteurs du secteur afin de concevoir des modèles de tourisme durable.  Se réjouissant de certaines bonnes pratiques promues par les États et le secteur privé pour que les peuples autochtones puissent bénéficier des projets touristiques, il a toutefois souligné la persistance de nombreux effets négatifs parmi lesquels l’expropriation des terres et des ressources, la militarisation des territoires, la violence envers les défenseurs des droits humains, la marchandisation, l’exploitation et la destruction de la culture, la distribution injuste des bénéfices et la violence envers les femmes et les enfants autochtones.

Rappelant que les femmes et les filles autochtones font partie des groupes les plus marginalisés dans l’industrie du tourisme, en raison de discriminations croisées fondées sur le sexe, l’identité autochtone et le statut socioéconomique, M. Cali-Tzay a fait état d’informations selon lesquelles le tourisme favorise les violences à l’égard des femmes, notamment le viol, crime dont les auteurs sont rarement traduits en justice.  Il a ajouté que les femmes autochtones sont également susceptibles d’être victimes de violences sexuelles lorsqu’elles sont expulsées de leurs terres en raison de projets touristiques.

Le Rapporteur spécial a estimé que le développement d’un tourisme durable et fondé sur les droits humains pourrait permettre aux peuples autochtones de s’engager dans un développement autodéterminé, de revitaliser leurs institutions et leurs cultures, de contrer la migration des jeunes en leur offrant des opportunités d’emploi, et de soutenir la participation et l’esprit d’entreprise des femmes autochtones.  Ces avantages ne peuvent cependant être obtenus qu’avec la participation des peuples autochtones eux-mêmes à tout projet les concernant, a-t-il averti, insistant sur l’importance d’appliquer le cadre international des droits humains, notamment la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples autochtones et tribaux. 

À cet égard, M. Cali-Tzay a appelé les États et les entreprises à connaître et promouvoir les droits des peuples autochtones, à offrir des réparations en cas d’appropriation illicite de biens culturels et spirituels, et à consulter les populations autochtones au préalable en vue d’obtenir leur consentement libre et éclairé.  Leur exclusion du contrôle des projets a conduit à l’abandon des pratiques agricoles, à la toxicomanie et à l’alcoolisme, à la perturbation des pratiques culturelles et des structures communautaires, ainsi qu’à la pollution de l’environnement, a-t-il déploré, notant que les cas de cogestion restent rares. Au titre des mauvais exemples, le Rapporteur spécial a cité le projet Mandalika en Indonésie, financé par la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, qui a entraîné des expulsions forcées et une militarisation accrue du peuple autochtone Sasak.  Dans ce contexte, il s’est félicité du fait que certains pays, comme la Bolivie en 2009, aient inscrit dans leur Constitution le principe de la gestion partagée des zones protégées par les peuples autochtones et le gouvernement. 

Dialogue interactif

Le Danemark, s’exprimant au nom des pays nordiques, a souhaité connaître l’avis du Rapporteur spécial sur la manière de procéder pour que le tourisme bénéficie vraiment aux peuples autochtones et contribue à l’intégrité de leur culture, ainsi qu’à leur développement autonome.

Le Mexique et le Brésil ont demandé des exemples de bonnes pratiques en ce qui concerne les initiatives touristiques gérées par les peuples autochtones et d’autres modèles de tourisme respectueux des droits des peuples autochtones. Dans le même ordre d’idées, le Bangladesh s’est interrogé sur les interactions du Rapporteur spécial avec le secteur privé pour accroître la prise de conscience des entreprises.  De son côté, l’Union européenne a souhaité que des recommandations soient fournies en matière d’écotourisme et d’intégration du genre. 

En matière de participation, la Colombie a voulu savoir comment faire pour assurer une participation efficace des peuples autochtones dans les différents processus intergouvernementaux sur les changements climatiques.  Que pouvons-nous faire pour parvenir à une plus grande participation directe des peuples autochtones aux Nations Unies, s’est enquis le Guatemala, tandis que les États-Unis insistaient sur la nécessité de faire entendre la voix des jeunes autochtones, en particulier sur les questions liées à la crise climatique et de droits des personnes LGBTQI+. 

Tout en se déclarant relativement satisfaite du travail réalisé par le Rapporteur spécial, la Fédération de Russie lui a demandé de tenir compte des spécificités des États, notamment s’agissant de leurs systèmes socioéconomiques et politiques.  Elle a également appelé à veiller à une répartition équitable des revenus du tourisme dans les zones autochtones et à éviter l’appropriation abusive du patrimoine culturel des peuples autochtones par l’industrie du tourisme.

La République islamique d’Iran a, pour sa part, souhaité connaître l’avis du Rapporteur spécial sur les difficultés auxquelles les pays ayant un long passé de discrimination systématique sont confrontés, citant en particulier les États-Unis et le Canada.  La Chine a également appelé à ne pas oublier que d’anciennes puissances coloniales ont soumis les peuples autochtones à l’asservissement et à des génocides.  Dénonçant un « deux poids, deux mesures » de la Cour pénale internationale (CPI) à ce sujet, la délégation a invité le Rapporteur spécial à se pencher sur la question des peuples autochtones dans certains pays et à leur rappeler la nécessité de prendre des mesures correctives.

Insistant, elle aussi, sur l’impact de la colonisation, l’Inde a estimé que la notion de peuple autochtone ne s’applique pas à sa population.  Un avis partagé par la République-Unie de Tanzanie, selon laquelle il n’y a pas de peuples autochtones sur son territoire, mais des communautés avec des besoins spécifiques, qui sont encouragées et respectées.  Enfin, la République arabe syrienne a demandé l’avis du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones vivant dans des pays en conflit ou considérés comme peu sûrs. 

Répondant aux questions et remarques des délégations, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a, tout d’abord, tenu à féliciter les États qui soutiennent les peuples autochtones face à leur perte d’identité culturelle.  Il a jugé particulièrement importante la reconnaissance juridique du droit à la terre des peuples autochtones.  M. Cali-Tzay a par ailleurs plaidé pour que les activités touristiques dans les régions où vivent ces populations soient dirigées par les peuples autochtones eux-mêmes.  Selon lui, des mécanismes de redistribution des bénéfices issus de ce secteur doivent être mis en place en faveur des populations autochtones. 

Revenant sur le débat entourant l’existence ou non de populations autochtones dans certains pays, le Rapporteur spécial a estimé qu’il convient « d’identifier plutôt que de définir ».  À ses yeux, le critère le plus fondamental est celui de l’auto-identification par les premiers concernés.  Ce critère est d’ailleurs utilisé dans de nombreux instruments internationaux des droits humains, a-t-il fait remarquer.

Citant son rapport de l’an dernier, M. Cali-Tzay a, d’autre part, appelé à reconnaître les femmes autochtones comme étant des agents essentiels de la lutte contre les changements climatiques.  Il a, par conséquent, invité les États Membres à financer les organisations de femmes, mais aussi de jeunes et de personnes handicapées autochtones, arguant que ces groupes ont une relation particulière à la planète. 

Discussion générale

Mme HEDDA SAMSON, de l’Union européenne (UE), a tout d’abord indiqué que l’UE a collaboré étroitement avec le peuple sami, notamment lors du Forum arctique et du dialogue avec les peuples autochtones, qui se sont déroulés en 2023 à Nuuk, au Groenland, et à l’occasion du sommet des peuples samis euro-arctiques de la mer de Barents, qui s’est tenu en mars dernier.  Plus généralement, elle a constaté que les peuples autochtones du monde entier continuent d’être touchés de manière disproportionnée par la pauvreté, les changements climatiques, les discriminations et la violence, notamment sexuelle et sexiste, avant d’exprimer la solidarité de l’UE à leur égard.  Elle s’est par ailleurs félicitée de l’adoption récente de la recommandation générale no 39 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, laquelle promeut les droits des femmes et des filles autochtones qui vivent souvent dans des communautés isolées où les services publics sont difficilement accessibles. 

Après avoir rappelé que les peuples autochtones préservent 80% de la biodiversité de la planète et sont « les principaux gardiens des écosystèmes et des ressources naturelles », la représentante a déploré qu’ils subissent tout à la fois l’exploitation minière illégale, l’abattage des arbres, la dégradation de l’environnement et les effets délétères des changements climatiques.  Leurs connaissances traditionnelles des écosystèmes peuvent offrir des solutions pour protéger l’environnement et, ce faisant, lutter contre les changements climatiques, a-t-elle fait valoir, appelant à en tenir compte dans la gestion des terres et les politiques de développement.

Soulignant l’importance de continuer à réglementer les activités du secteur privé, la déléguée a estimé que l’UE a fait preuve d’un leadership mondial avec sa proposition de directive sur le devoir de précaution appliqué au développement durable des entreprises, en accord avec les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains.  Elle a ajouté que la réussite des projets dans les domaines de l’extraction ou de l’agroalimentaire exige le soutien des communautés concernées, insistant sur la nécessité d’effectuer des études d’impact social et environnemental de manière participative et inclusive.  Elle a également appelé à renforcer les normes applicables et les efforts visant à éviter, minimiser, gérer ou compenser les impacts négatifs. 

« La violence, le harcèlement, l’intimidation et les représailles à l’encontre des peuples autochtones doivent cesser », a martelé la représentante en s’alarmant du nombre de cas d’attaques contre les défenseurs autochtones des droits humains.  Selon elle, les attaques contre les défenseurs des droits fonciers, environnementaux et des peuples autochtones ont atteint un record l’année dernière, représentant 48% du nombre total d’assassinats de défenseurs des droits humains dans le monde.  Elle a enfin averti que nombre des quelque 5 000 langues autochtones dont en danger, réaffirmant l’engagement ferme de l’UE à défendre les langues et les cultures autochtones en tant qu’élément central de la diversité linguistique mondiale.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) s’est exprimée au nom du Groupe des Amis des peuples autochtones, qui, a-t-elle rappelé, rassemble 22 États des Amériques, d’Europe et du Pacifique.  Elle a regretté que 16 ans après l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les peuples autochtones soient toujours marginalisés et trois fois plus exposés à l’extrême pauvreté que la population générale.  « Les injustices résultant de générations de discrimination se traduisent par des inégalités criantes », a-t-elle résumé. Alors que les objectifs de développement durable (ODD) sont à mi-parcours, elle a appelé les États Membres à travailler avec les peuples autochtones pour s’assurer qu’ils participent activement aux efforts pour les atteindre et en bénéficient de manière égale. 

Évoquant plus spécifiquement la situation des femmes et des filles autochtones, la déléguée a salué la recommandation générale no 39 du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à leur égard et a appelé les États Membre à la mettre en œuvre.  Elle a également appelé à protéger les défenseurs autochtones des droits humains face aux violences et intimidations dont ils font l’objet. 

Pour ce qui est de la participation des représentants des peuples autochtones aux réunions des organes compétents des Nations Unies sur les questions qui les concernent, la représentante a appelé à l’élaboration d’un nouveau statut visant à la garantir, avant de rappeler que les peuples autochtones ne sont pas des organisations non gouvernementales (ONG).  Elle a également rappelé que le dixième anniversaire de l’adoption du document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones sera célébré en 2024 et a souhaité que cet événement soit l’occasion de faire le point sur sa mise en œuvre et de renouveler les engagements à poursuivre ses objectifs. 

La représentante a, par ailleurs, alerté sur le rythme auquel les langues autochtones disparaissent, y compris les langues des signes, lesquelles jouent un rôle essentiel dans le maintien de l’identité et de la vitalité des cultures autochtones.  « Toutes les deux semaines, quelque part dans le monde, une langue parlée et signée meurt avec son dernier locuteur », a-t-elle déploré, réitérant l’appel du Groupe des Amis à tous les États Membres pour qu’ils développent, en coordination avec les peuples autochtones, des plans d’action nationaux pour une mise en œuvre réussie de la Décennie internationale des langues autochtones.  Les peuples autochtones, qui représentent 5% de la population mondiale, plus de 5 000 cultures et plus de 4 000 langues, « reflètent la magnifique diversité de l’humanité », a-t-elle déclaré en conclusion.

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. BRIAN CHRISTOPHER MANLEY WALLACE (Jamaïque) s’est alarmé des effets cumulatifs de la pandémie de COVID-19, de l’accélération des changements climatiques et des inégalités croissantes au sein et entre les nations sur les communautés autochtones, estimant que ces phénomènes les poussent encore davantage à la marge.  Il a plaidé en faveur d’actions mondiales urgentes, globales et ciblées afin de remédier aux inégalités de longue date et faire du bien-être des peuples autochtones une priorité, assurant que la CARICOM s’attèle à cet objectif. 

Le représentant a ensuite souligné l’importance de concilier le développement du tourisme avec les droits et les aspirations des peuples autochtones.  En tant que moteur majeur de la croissance économique et du développement de la région des Caraïbes, le tourisme offre une multitude de possibilités, a-t-il fait valoir, souhaitant que ces bénéfices soient partagés équitablement, notamment avec les communautés autochtones. À cette fin, a-t-il dit, la CARICOM s’engage à identifier et à adopter les meilleures pratiques et initiatives qui permettront aux peuples autochtones de s’impliquer activement dans le secteur du tourisme et d’en bénéficier, tout en préservant leur patrimoine culturel. 

Le délégué s’est d’autre part félicité du thème retenu cette année pour la Journée internationale des peuples autochtones: « les jeunes autochtones, acteurs du changement pour l’autodétermination ».  Dans ce cadre, il a appelé à fournir aux jeunes autochtones les outils et les connaissances nécessaires pour leur permettre de naviguer dans le monde moderne et, partant, de combler les écarts avec le reste de la population et d’assurer la durabilité des communautés et des cultures autochtones.  Enfin, après avoir réaffirmé le soutien de la CARICOM aux initiatives visant à amplifier la voix des femmes et des filles autochtones, il a salué le dernier rapport du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, qui fournit, selon lui, les meilleures pratiques et recommandations pour atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. 

Mme CHRISTINA MARKUS LASSEN (Danemark) s’exprimant au nom du Groupe des pays nordiques, a assuré les États Membres des efforts déployés par le groupe en faveur des peuples autochtones, déplorant que ces derniers demeurent surreprésentés parmi les populations les plus pauvres.  Évoquant ensuite la transition vers une économie verte, elle a appelé à tirer les enseignements des relations que les peuples autochtones entretiennent avec la nature, ces derniers étant les gardiens de 80% de la biodiversité mondiale.  Cependant, ils sont les premières victimes des problèmes écologiques, a-t-elle déploré, citant notamment les exploitations minières illégales, la coupe de bois, la dégradation de l’environnement ainsi que les effets délétères des changements climatiques.  Elle a ensuite souligné que la participation des peuples autochtones aux instances décisionnelles, y compris à l’ONU, est d’une importance sans égale.  Leurs connaissances et pratiques peuvent contribuer à résoudre certains des défis liés aux changements climatiques, a-t-elle avancé, appelant en outre à assurer l’autonomisation des femmes et des filles autochtones.

S’exprimant au nom du Système d’intégration d’Amérique centrale (SICA), Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) s’est félicitée de la résolution 77/203 de janvier 2023, présentée par la Bolivie et l’Équateur, qui demande instamment aux gouvernements et au système des Nations Unies de mettre en œuvre les engagements pris dans le document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones. Rappelant que le SICA constitue une région multiethnique, multiculturelle et multilingue, habitée par 65 peuples autochtones, elle a affirmé que le respect de cette diversité est primordial et que les États membres du Système s’engagent à préserver les conditions permettant à toutes les expressions culturelles de s’épanouir pleinement.  Elle a toutefois reconnu que, malgré tous les progrès accomplis, les peuples autochtones sont encore confrontés à des défis, notamment en raison de l’absence récurrente de diagnostics complets de leur situation.  Ces peuples doivent jouir de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales, sans aucune discrimination, a-t-elle souligné, reconnaissant également que leurs connaissances traditionnelles peuvent favoriser le bien-être social et les moyens de subsistance durables.

La déléguée a ensuite rappelé l’importance de la Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032, qui vise à alerter sur la disparition de ces langues et la nécessité urgente de les préserver et de les revitaliser, notamment grâce à la contribution positive des technologies numériques.  Elle a aussi jugé urgent d’améliorer la capacité d’adaptation des peuples autochtones face aux changements climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes, estimant que les pratiques agricoles et forestières traditionnelles peuvent contribuer à relever ce défi ainsi que ceux de l’insécurité alimentaire, de la conservation de la biodiversité et de la lutte contre la désertification et la dégradation des sols.  Enfin, elle a appelé à mettre fin à toute forme de discrimination à leur égard et à garantir leur accès à la justice. 

Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a appelé à redoubler d’efforts pour promouvoir l’égalité, la non-discrimination, l’autodétermination et la participation pleine et effective des peuples autochtones aux questions qui les concernent.  La promotion des droits des peuples autochtones doit intégrer une approche fondée sur les droits humains, a analysé le représentant qui a appelé à entendre les voix des autochtones dans le cadre de questions qui les affectent directement.  À cet égard, elle a jugé nécessaire de définir un nouveau statut qui permette d’établir une distinction entre les autochtones et les institutions de la société civile, les institutions nationales des droits de la personne, les organisations non gouvernementales ou les communautés locales.  Il faut également renforcer la participation des organisations et institutions représentatives des peuples autochtones, en traitant les problèmes qui l’entravent, notamment l’accès à Internet, les barrières linguistiques et le manque de financement.  Ces actions constitueraient une contribution à l’ensemble du système de l’ONU, a-t-elle estimé.  La participation pleine et effective des peuples autochtones doit en outre continuer à être garantie à toutes les étapes et à tous les niveaux. 

Saluant l’assistance en langue maorie, Mme LEAH CARRELL (Nouvelle-Zélande) a affirmé que les droits des peuples autochtones constituent une priorité internationale en matière de droits humains pour son pays, où ceux des Maoris sont reconnus, protégés, et soutenus, en vertu du Traité de Waitangi et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Soutenant l’appel des peuples autochtones à créer une catégorie unique pour leur participation au système de l’ONU, elle a défendu leur droit à exister en dehors des délégations nationales, leur ouvrant la possibilité d’influencer les discussions en participant de manière significative aux processus de l’ONU. Après avoir appelé à reconnaître les formes multiples et croisées de discrimination qui ont un impact disproportionné sur les plus vulnérables, la représentante a indiqué qu’une récente révision de la loi de 2016 sur la langue maorie a débouché sur une augmentation des locuteurs du te reo maori, même si un long chemin reste à parcourir. 

Poursuivant, la déléguée a indiqué que la stratégie touristique du Gouvernement de « Nouvelle-Zélande/Aotearoa » favorisait une croissance durable et inclusive du secteur, grâce notamment au New Zealand Maori Tourism, un organisme indépendant qui implique les opérateurs touristiques maoris, les services gouvernementaux, les associations commerciales et les tribus.  Elle a par ailleurs souligné le rôle de premier plan des femmes et des filles autochtones dans l’adaptation aux changements climatiques, l’atténuation de leurs effets et les mouvements mondiaux visant à « améliorer la santé de la planète ».  Elle a appelé tous les États à travailler en collaboration avec les peuples autochtones, en s’appuyant sur leurs connaissances traditionnelles, pour faire face à l’impact des changements climatiques. 

M. ROBERT RAE (Canada) a rappelé que le Siège de l’ONU se trouve sur la terre ancestrale du peuple Lenape.  Il s’est inquiété de la marginalisation des peuples autochtones et a appelé à la reconnaissance de leurs droits, à travers la consultation, l’écoute et la coopération.  Il a expliqué que le Canada met l’accent sur la réflexion, la réconciliation et le dialogue avec les peuples autochtones pour construire un monde meilleur.  À cet égard, il a évoqué la récente mesure adoptée par son gouvernement pour leur permettre de jouir pleinement de leur droit, à travers la mise en œuvre d’un plan d’action se basant sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Il s’agit, a-t-il détaillé, d’une feuille de route pour faire avancer la réconciliation fondée sur le respect et le partenariat, en tant que fondement d’un changement transformateur. 

Mme ANGELICA SALDIVAR NAVARRETE (Philippines) a rappelé que son pays a une population autochtone de 14 millions de personnes appartenant à 110 groupes ethnolinguistiques.  Elle a indiqué que la Commission nationale des peuples autochtones, dirigée par des représentants issus de leurs rangs, vise à la réalisation de leurs droits.  Parmi les avancées réalisées au plan national, la déléguée a relevé que 260 domaines ancestraux couvrant plus de 14 millions d’hectares de terres viennent de recevoir des certificats de titre.  Ces domaines ancestraux ont été identifiés par les chefs autochtones eux-mêmes, selon le principe de l’autodétermination, en utilisant leurs procédures juridiques coutumières, a-t-elle précisé. 

La déléguée a d’autre part signalé que son gouvernement a rendu obligatoire la représentation des peuples autochtones dans tous les organes de décision du pays, à tous les niveaux, ce qui a porté 5 200 le nombre de représentants des peuples autochtones.  Elle s’est toutefois alarmée du nombre de langues autochtones menacées d’extinction, avant d’indiquer que les Philippines soutiennent l’usage des langues maternelles dans les écoles.  Enfin, la déléguée s’est dite préoccupée par les défis rencontrés par les femmes et les filles autochtones, notamment les violences perpétrées par les groupes rebelles armés.

Mme ZHANG SISI (Chine) a souligné que le développement des peuples autochtones est essentiel à la réalisation du Programme 2030, appelant à prendre pleinement en compte leurs problématiques, notamment dans le contexte du redressement post-COVID-19, pour s’assurer qu’ils jouissent du développement économique et qu’ils aient accès aux ressources dont dépend leur survie. 

Elle a dénoncé les actes cruels auxquels les peuples autochtones ont été soumis par le passé.  Dans certains pays développés, ces derniers demeurent l’objet d’une discrimination systématique, leur droit à la survie et au développement étant remis en cause, a analysé la représentante, qui a appelé les pays concernés à rendre compte de leur méfait et à indemniser les victimes.  La représentante a ensuite indiqué que la Chine avait lancé une initiative mondiale, en mars dernier, qui prévoit des mesures pour protéger et promouvoir les cultures autochtones et encourager les échanges culturels et d’apprentissage.

Mme SITI ABDIAH ABDUL RAHMAN (Malaisie) a affirmé que son pays reconnaît les droits des personnes autochtones, tels que définis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Elle a ensuite détaillé les progrès réalisés en la matière au niveau national, et ce notamment en termes d’alphabétisation des enfants autochtones. La représentante a relevé à cet égard que le fort développement de l’emploi dans le secteur privé a bénéficié aux populations autochtones.  Le Gouvernement malaisien appuie des programmes d’insertion de ces populations dans l’emploi, a-t-elle précisé.  Elle a enfin souligné que, s’agissant de la promotion des droits des peuples autochtones, la Malaisie entend partager ses meilleures pratiques et apprendre de celles des autres pays. 

Mme LEONOR ZALABATA TORRES (Colombie) a indiqué que le plan national de développement 2022-2026 comprend de nombreuses dispositions visant à répondre aux besoins des peuples autochtones.  Elle a également parlé de la nouvelle politique touristique de la Colombie intitulée « Tourisme en harmonie avec la vie », qui établit des lignes directrices pour la préservation des territoires, des ressources et des connaissances traditionnelles des peuples autochtones tout en respectant leurs plans d’utilisation des terres.  Le Gouvernement de Gustavo Petro a également intégré la perspective autochtone et la protection de la terre mère au processus de dialogue entre l’État colombien et l’Armée de libération nationale (ELN). 

Rappelant ensuite qu’une décennie s’est écoulée depuis l’adoption du document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, elle a jugé urgent d’obtenir des résultats concrets conduisant à une meilleure participation des peuples autochtones à l’ONU.  Les peuples autochtones doivent participer en tant que peuples et non en tant qu’organisations de la société civile, a-t-elle estimé.  À ce titre, elle a soutenu la création d’un nouveau statut, différent de celui des organisations de la société civile, qui puisse garantir la participation pleine, effective et significative des peuples autochtones au sein de l’ONU.

Mme ELAINE CRISTINA PEREIRA GOMES (Brésil) a égrené les politiques menées par son pays en faveur des peuples autochtones, soulignant à cet égard que, depuis janvier dernier, le Ministère des peuples autochtones est dirigé par une femme autochtone.  La représentante y a vu une étape importante dans le processus d’inclusion de ces communautés dans les politiques publiques et l’approche interculturelle du développement. Elle a également signalé le fait que, pour la première fois en 65 ans, une femme autochtone a été nommée Présidente de l’Instance nationale des peuples autochtones, organe chargé des politiques de protection des peuples autochtones dans son pays.

La représentante s’est en outre enorgueillie du cadre juridique de son pays, qui consacre le droit des peuples autochtones à avoir leur organisation sociale, leurs coutumes et leur langue, et à jouir du droit à la terre qu’ils occupent. Soulignant par ailleurs le rôle fondamental que ces peuples jouent dans la préservation de la biodiversité, elle a évoqué la création d’un « mécanisme autochtone », dans le cadre de l’Organisation du Traité de coopération amazonienne, qui vise à établir un espace de discussions sur les questions liées à la durabilité de la forêt amazonienne sous les angles scientifique et traditionnel. 

Mme FATEMEH ARAB BAFRANI (République islamique d’Iran) a noté que l’environnement se détériore moins vite dans les zones où vivent les populations autochtones qu’ailleurs.  C’est pourquoi ces peuples cherchent à être reconnus pour la gestion durable de leur territoire depuis des générations, source d’idées pour tous face aux changements climatiques, a-t-elle indiqué. 

Elle a ensuite relevé qu’au Canada ainsi que dans d’autres anciennes colonies britanniques, la situation socioéconomique des peuples autochtones ne s’est pas réellement améliorée depuis le dernier rapport, mentionnant notamment la toxicomanie et la perte de logement.  Le système de scolarisation imposé aux autochtones du Canada par le passé doit être caractérisé comme un génocide, a-t-elle ajouté.  Malgré la reconnaissance de ces crimes, le prétendu progrès de ce pays reste douteux a estimé la déléguée, qui a relevé que les Américains autochtones sont plus à même d’être tués par la police.

M. STEPAN Y. KUZMENKOV (Fédération de Russie) a indiqué que son pays fait évoluer sa législation sur les droits des minorités autochtones en se fondant sur la nécessité d’assurer à ces peuples le développement durable sur la base du renforcement socioéconomique et de la préservation de leurs valeurs culturelles.  Il s’agit, a-t-il dit, d’accroître l’adaptation des peuples autochtones aux « conditions économiques modernes ».  Dans ce cadre, les normes en matière de gestion traditionnelle des ressources naturelles, de pêche, d’élevage des rennes, de protection des lieux sacrés, d’éducation nomade et d’introduction d’Internet à des fins éducatives sont progressivement mises à jour, a-t-il précisé. 

La Fédération de Russie continue également de travailler sur l’introduction et le perfectionnement d’un cadre juridique destiné à assurer l’équilibre entre les intérêts des populations autochtones et ceux des sociétés industrielles, a poursuivi le représentant, selon lequel le deuxième forum international « Partenariat public-privé dans le domaine du développement durable des peuples autochtones », organisé le mois prochain à Moscou, sera consacré à cette question. 

Le délégué a, d’autre part, affirmé qu’une attention considérable est accordée à l’autonomisation des femmes autochtones, comme en témoigne le premier Forum des femmes du Nord, de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russe, organisé, en juin dernier, à Saint-Pétersbourg, avec la participation du Conseil du Forum eurasien des femmes.  À cette occasion, plus de 200 femmes issues des peuples autochtones de la Russie ont pu poser directement leurs questions aux législateurs et aux représentants des autorités exécutives et recevoir des réponses de première main, a-t-il relevé, y voyant un exemple d’interaction productif pour les peuples autochtones. 

Selon le délégué, l’un des problèmes les plus urgents est de garantir un accès sans entrave des représentants des peuples autochtones aux événements de l’ONU. Il s’est ainsi déclaré préoccupé par l’utilisation de visas comme « moyen de pression » sur les participants.  Au printemps de cette année, des femmes appartenant à une organisation de peuples autochtones ont ainsi été empêchées de se rendre aux États-Unis où elles prévoyaient de participer à la vingt-deuxième session de l’Instance permanente sur les droits des peuples autochtones, a-t-il dénoncé.  Il a enfin jugé inacceptable d’imposer dans les débats les « questions LGBT », qui ne sont pas inscrites dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et sont considérées par les peuples autochtones de la Russie comme une « menace directe pour leur existence », appelant plutôt à traiter des impacts des mesures coercitives unilatérales de l’Occident sur les droits des peuples autochtones. 

Mme GWEDJI DORIS WAINWEL (Cameroun) est revenue sur la définition des peuples autochtones, faisant valoir que la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) de 1989 établit deux « critères objectifs » à ce sujet: la descendance de populations ayant habité le pays ou la région en question au moment de sa conquête, et le maintien de tout ou partie de leurs institutions sociales, économiques, politiques et culturelles. Ces critères sont plus opérants que celui d’auto-identification pour traiter de la question autochtone dans des pays pluriethniques comme le Cameroun, a-t-elle argué.

Selon la représentante, une confusion est vite établie entre groupes ethniques et peuples autochtones.  Citant l’exemple du Cameroun, elle a relevé que les 250 ethnies du pays sont toutes attachées à leur territoire et traditions spécifiques, tout comme le sont les populations autochtones qui s’identifient comme telles.  La différence entre elles étant « mince », il est généralement admis que tout Camerounais est « autochtone dans sa région d’origine », a-t-elle ajouté, estimant que le recours à l’auto-identification porte en lui « les germes de la création d’une catégorie artificielle de population ».  La déléguée a donc souhaité que ce critère soit manié avec précaution, s’agissant de pays comme le sien, et que tous les pays concernés soient consultés à ce sujet. 

Mme PRATIGYA RAI (Népal) a indiqué que les principes d’inclusion et de représentation proportionnelle dans la structure de l’État, y compris pour les populations autochtones, demeure un trait marquant de la Constitution de son pays.  Afin d’accroître leur participation aux structures de l’État, des quotas de 27% ont été réservés aux autochtones dans la fonction publique.  Et le pays garantit également le droit des peuples autochtones à maintenir, contrôler, protéger et développer leur patrimoine culturel, leurs connaissances traditionnelles et leurs expressions culturelles traditionnelles.  Dans le cadre des efforts visant à donner aux enfants autochtones la possibilité d’être éduqués dans leur langue maternelle dès les premières années d’études, des manuels scolaires dans deux douzaines de langues ont été conçus, a salué le représentant, précisant qu’au total, 69 langues maternelles ont été utilisées comme moyen d’enseignement dans les écoles primaires. 

Le Népal encourage également le tourisme culturel en promouvant la culture, le patrimoine, les traditions et les festivals autochtones.  Les séjours chez l’habitant gérés par les communautés autochtones constituent une attraction touristique majeure ainsi qu’une source importante d’emplois et de revenus pour ces communautés, a-t-il indiqué. Il a ensuite souligné que les populations autochtones ont une contribution à apporter non seulement dans la protection et la préservation de la biodiversité naturelle et culturelle, mais aussi dans la mise en œuvre du Programme 2030 grâce à leur savoir traditionnel respectueux de la nature et à leur système de valeurs. 

Mme ANASTASIIA TOKARSKA (Ukraine) a déclaré que les populations autochtones avaient une grande importance dans la durabilité de l’environnement, mais qu’elles assumaient un fardeau disproportionné en raison des répercussions découlant de destructions de forêts et de l’exploitation minière, entre autres. Elle a rappelé que l’Ukraine avait, en juillet 2021, adopté une loi sur les populations autochtones leur permettant de bénéficier, entre autres, d’une éducation dans leur langue natale, de protéger leur héritage historique et d’avoir des organes autonomes.  Mais la vie des autochtones ukrainiens a beaucoup changé depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a-t-elle souligné, en rappelant que les représentants des populations autochtones étaient poursuivis comme des extrémistes et faisaient l’objet d’enquêtes, plus particulièrement en Crimée où la Russie « fait tout ce qu’elle peut pour les éliminer » s’ils ne veulent pas obéir, a-t-elle poursuivi.  Ceux qui ont trouvé refuge en Ukraine sont menacés par les attaques, comme à Hroza il y a quelques jours.  La représentante a affirmé que des représentants des peuples autochtones de la Crimée avaient été mobilisés de force dans les forces armées de la Russie pour lutter contre leur propre pays, l’Ukraine, et a cité l’exemple de plusieurs Tatars de Crimée détenus pour des raisons religieuses et politiques.  Elle a conclu son intervention en déclarant que le jour où la Russie perdra la guerre, « tous les autochtones ukrainiens seraient libérés ». 

Mme IVETTE LAMIGUEIRO CAÑEDO (Cuba) a demandé aux pays les plus riches de traduire leurs promesses en actes en faveur de leurs populations autochtones. Pauvreté et autres conséquences du colonialisme continuent de marginaliser ces peuples au XXIe siècle, a-t-elle déploré, constatant que leurs territoires sont pillés et leurs droits violés. À ses yeux, cette question est d’autant plus d’actualité que certains pays l’utilisent à des fins politiques et continuent de s’en prendre aux communautés autochtones et à ceux qui défendent leurs droits.  Des pays comme les États-Unis, au lieu d’aider ces peuples, continuent de mener des politiques de ségrégation et de marginalisation contre les populations autochtones, ce qui explique la prévalence de maladies transmissibles comme la COVID-19 chez les Américains autochtones, a dénoncé la représentante. De plus, un grand nombre de femmes autochtones de ce pays sont victimes de violences sexuelles, de disparition et d’assassinat, a-t-elle ajouté, appelant à respecter le droit des peuples autochtones à l’autodétermination et à l’autogouvernance. 

M. JONATHAN SHRIER (États-Unis) a déclaré que depuis trop longtemps, les peuples autochtones n’ont été qu’informés des décisions sur des questions les concernant au lieu d’être consultés ou associés.  Il a appuyé la pleine participation des représentants des peuples autochtones dans les instances et travaux de l’ONU.  Le représentant a ensuite indiqué que dans son pays, des pratiques passées, telles que l’expulsion des populations autochtones de leurs terres ancestrales, et l’enlèvement de leurs enfants, contribuent aujourd’hui encore à perpétuer des inégalités et des problèmes intergénérationnels au sein des communautés autochtones. 

Ce n’est que lorsque les États examineront de manière critique leurs politiques et erreurs du passé, que les choses pourront commencer à avancer, a-t-il dit.  Il a cité le lancement en 2021, d’une enquête sur la perte de vies et les conséquences résultant des écoles résidentielles contrôlées par le Gouvernement américain. Cette année, en concertation avec des communautés autochtone et à leur demande, un projet d’histoire orale a été lancé, afin que les survivants continuent de parler de leurs traditions. Enfin, les États-Unis ont mis en place la Non visible Act, dotée d’une commission composée de dirigeants tribaux, de partenaires fédéraux, de représentants des personnes assassinées et de survivants.  Elle fera des recommandations le mois prochain sur les moyens d’améliorer la coordination et les meilleures pratiques sur la manière d’appliquer les lois tribales et fédérales, a-t-il indiqué. 

M. JOSÉ EDUARDO PEREIRA SOSA (Paraguay) a souligné l’importance du multiculturalisme dans son pays et présenté les grandes lignes du plan national de son gouvernement pour les peuples autochtones 2020-2030, élaboré en concertation avec les peuples autochtones eux-mêmes, un plan qui prévoit des actions de promotion de l’art autochtone.  Il a indiqué que le secrétariat national au tourisme en assurait la coordination interinstitutionnelle, pour permettre un soutien technique et financier adéquat de la production et de la commercialisation, l’ouverture de marchés, la reforestation, la construction d’ateliers, ou encore la garantie des droits de propriété intellectuelle des autochtones.  La popularité de l’écotourisme nous oblige à être plus attentifs à la sauvegarde des droits de ces populations, a-t-il noté, s’agissant notamment de leurs droits territoriaux.  Il s’est dit conscient que les États et le secteur privé devaient travailler de concert pour protéger les peuples autochtones des cas de violence et d’exploitation et leur permettre de s’ouvrir au tourisme et de profiter pleinement des opportunités qu’il offre. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a indiqué 7,7% de la population de son pays représente 18 peuples et nationalités autochtones.  Il a indiqué que le programme national en faveur des peuples autochtones met l’accent sur les problématiques de la santé, du territoire, de la justice, de la sécurité, de la participation et démocratie communautaires, et de l’accès à la formation et la communication, entre autres.  En outre, une commission nationale pour la revitalisation des langues, des savoirs et des connaissance traditionnelles autochtones a également été créée pour revigorer les langues autochtones.  Ces mesures sont insuffisantes mais visent à surmonter la marginalisation historique des autochtones, a indiqué le représentant. Il a ensuite souligné la nécessité d’établir des règles spécifiques pour faire face aux défis particuliers des femmes et filles autochtones.

Mme ABOSEDE HAZLEWOOD (Guyana) a indiqué que les peuples autochtones de son pays jouissent des mêmes libertés et droits fondamentaux que tous les Guyanais en vertu de la Constitution.  Des droits collectifs supplémentaires sont également garantis par la loi de 2006 sur les Amérindiens, a-t-elle précisé.  Constatant que ces peuples sont plus touchés par les changements climatiques, étant donné leur relation étroite avec l’environnement, la représentante a insisté sur le rôle essentiel qu’ils doivent jouer dans la lutte contre ce défi mondial.  Elle a signalé à cet égard que son gouvernement a transféré la propriété légale de 16,4% de la masse terrestre du pays aux peuples autochtones qui y vivent. De plus, a-t-elle ajouté, dans le cadre de la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, 15% de l’ensemble des recettes provenant de la vente de crédits carbone vont directement aux villages autochtones pour financer leur développement, en plus des autres investissements réguliers du Gouvernement. 

Insistant par ailleurs sur l’importance du consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones sur les questions qui les concernent, la déléguée a fait savoir que le Ministère guyanais du tourisme collabore avec les communautés autochtones, les ONG et les organisations du secteur du tourisme pour développer le tourisme communautaire dans les communautés autochtones. Il s’agit notamment de mesurer l’aptitude des communautés à accueillir des visiteurs, de les préparer au marché international, d’élaborer des plans de développement du tourisme communautaire, d’assurer leur formation et de mener à bien le processus d’octroi de licences, a précisé la représentante.  Elle a enfin précisé qu’alors que le développement du Guyana entre dans une phase d’expansion rapide, des efforts ciblés sont déployés pour veiller à ce que les peuples autochtones ne soient pas laissés pour compte. 

Mme LINDA DEL CARMEN LUQUE NUÑEZ (Panama) a souligné l’engagement de son gouvernement en faveur du bien-être des communautés autochtones, le respect de leurs droits et la préservation de leur culture.  Le Panama compte sept groupes ethniques autochtones, répartis dans 12 territoires, où chacun d’eux respecte la dimension collective de sa culture, a fait valoir la représentante, précisant que cette communauté représente environ 13% de la population.  Elle a évoqué la stratégie de son gouvernement visant à renforcer la gouvernance autochtone traditionnelle sur chacun des territoires, avec pour objectif une autonomisation des communautés. 

Grâce à un processus de consultation, une feuille de route a été élaborée qui a abouti à des élections pacifiques et transparentes dans le plus grand territoire autochtone du pays, avec, notamment, la nomination de deux femmes aux plus hautes autorités de la région de Ngäbe Buglé.  Ce modèle de facilitation est devenu une bonne pratique et a servi d’exemple pour d’autres territoires, s’est-elle enorgueillie.  La représentante a aussi indiqué que le Plan intégral de développement des peuples autochtones du Panama sert de guide pour l’élaboration de politiques et de projets, ainsi que pour l’inclusion des priorités des peuples autochtones dans le plan stratégique du Gouvernement. 

M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie) a rappelé qu’en 2006, l’Assemblée générale avait déploré les « injustices historiques » qui ont fait suite à la colonisation et la perte des territoires et ressources des peuples autochtones.  Ces populations sont encore nombreuses à souffrir de pauvreté et d’inégalité, a-t-il rappelé, en notant qu’il fallait redoubler d’efforts pour s’assurer de leur reconnaissance juridique et de leur bien-être collectif.  Les peuples autochtones ne sont pas seulement le passé, mais également le présent et l’avenir, a-t-il affirmé.  Il a indiqué que ces peuples étaient représentés dans toutes les structures de l’État en Bolivie, notamment au niveau judicaire, permettant de régler les problèmes avec efficacité.  En matière éducative, il a fait part de la mise en œuvre par son pays d’un programme d’éducation spécialisé qui préserve et respecte le mode de vie et l’identité de ces peuples.  Il a ensuite appelé à ouvrir plus d’espaces de participation et de dialogues aux peuples autochtones, qui, a-t-il relevé, peuvent apporter des réponses importantes aux problèmes actuels par leur connaissance de la terre et de la mer, et participer ainsi aux solutions collectives. 

M. KENNETH WELLES (Micronésie)a souligné l’importance du respect des pratiques traditionnelles des peuples autochtones dans le cadre du tourisme, rappelant que cette activité est au cœur de l’économie de la Micronésie. Des lois protègent les autochtones contre les abus du tourisme, a-t-il assuré, et le pays privilégie un tourisme culturel mettant en valeur la richesse de leur patrimoine.  Appelant à un instrument international juridiquement contraignant sur les droits des populations autochtones, il a appelé l’Assemblée générale à mettre en place un mécanisme robuste et transparent en vue de leur participation effective. Et ce d’autant que cette enceinte intergouvernementale est en retard sur le sujet, en comparaison à d’autres instances internationales, a-t-il insisté. 

M. HAMISI MALEBO (République-Unie de Tanzanie) a déclaré s’opposer fermement aux fausses allégations contenues dans le rapport du Rapporteur spécial, soulignant qu’il n’y a pas de peuple autochtone spécifique en République-Unie de Tanzanie.  Il est donc déplacé de parler du pays dans ce contexte, a-t-il dit.  Il a indiqué que le Gouvernement reconnaît qu’il existe des communautés ayant des besoins spécifiques, tels que les Hadzabe mentionnés dans le rapport, avant d’appeler la communauté internationale et les militants des droits humains à se familiariser avec le système foncier tanzanien avant de véhiculer des allégations de ce genre.

Il a également dit contester toutes les allégations portant sur des expulsions de la zone de Loliondo.  Pour replacer les choses dans leur contexte, a-t-il dit, le Loliondo est une zone de chasse contrôlée.  Elle était une terre inoccupée et fut désignée par les lois coloniales allemandes entre 1885 et 1919, puis britanniques entre 1919 et 1961, comme zone de faune protégée.  Les lois tanzaniennes d’après 1961 ont confirmé ce statut jusqu’à ce jour.  Or, cette zone a été envahie par des pasteurs au fil du temps.  Tenant compte de leurs droits humains et de leurs moyens de subsistance, le Gouvernement a décidé de leur offrir 2 500 km2 de terres sur les 4 000 km2 que compte le terrain.  Les exercices de démarcation cherchaient uniquement à décourager tout nouvel empiètement sur les 1 500 km2 de terrains restants, a insisté le représentant, ajoutant qu’il n’y a donc eu aucune expulsion hors du Loliondo. 

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a estimé qu’en raison de leur relation privilégiée avec leur terre et de leurs connaissances à la fois pratiques et traditionnelles, les peuples autochtones peuvent contribuer à la lutte contre les changements climatiques, notamment en renforçant la résilience des écosystèmes.  De plus, a-t-il dit, le fait que leurs terres recèlent 80% de la biodiversité restante de la planète fait de ces peuples des gardiens irremplaçables de sa conservation, de sa restauration et de son utilisation durable.

L’Observateur a ensuite déploré l’absence de consultation et d’obtention préalable d’un consentement pour la création de zones protégées.  De fait, les populations autochtones se retrouvent exclues de l’administration et de la gestion de leurs territoires traditionnels, sans pour cela recevoir une compensation adéquate, a-t-il dénoncé, avertissant que cette situation peut exposer ces peuples à d’autres risques de violation des droits humains, comme la traite, le travail forcé et l’exploitation sexuelle.  À défaut d’une surveillance correcte, la dépossession des terres à des fins de conservation peut en outre conduire à des activités extractives illégales qui nuisent encore davantage à l’environnement, a ajouté l’Observateur. 

Parallèlement à la protection de leur culture, les peuples autochtones jouent un rôle inestimable dans la gestion de l’environnement, a-t-il insisté, partageant les inquiétudes du Saint-Siège quant aux activités touristiques non durables, qui selon lui pourraient conduire à la marchandisation, à la perte et à l’utilisation abusive de la culture autochtone, ainsi qu’à l’expropriation de leurs terres et de leurs ressources.  Il a donc plaidé pour l’ouverture d’un dialogue basé sur le plein respect des droits et des libertés des peuples autochtones. 

M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a assuré que son pays veille à promouvoir le développement économique, social et culturel des peuples autochtones et protège leurs territoires, leurs traditions et leurs langues.

De plus, a-t-il ajouté, les femmes et les hommes autochtones et d’ascendance africaine définissent leurs propres modes de récolte, de distribution et de consommation alimentaire, dans le respect de leur identité et de leur culture. Le représentant a ajouté que, conscient du fait que les cultures autochtones font parties de l’identité nationale, le Parlement nicaraguayen a adopté une loi qui déclare le « huipil », costume traditionnel ancestral des populations autochtones, comme patrimoine immatériel, artistique et culturel de la nation.  En outre, chaque 8 septembre, le Nicaragua célèbre la Journée nationale du Huipil, « symbole de la résistance contre l’hégémonie culturelle des empires espagnol, anglais et américain ». En conclusion, le délégué a réitéré l’engagement inaliénable de la « révolution sandiniste » et du Gouvernement de réconciliation et d’unité nationale à promouvoir le bien-être et le bien-vivre de tous les peuples autochtones du Nicaragua. 

M. EDER ROJAS (Pérou) a rappelé que son pays compte 55 peuples autochtones parlant quelques 48 langues.  La politique du pays promeut une citoyenneté interculturelle, et les Péruviens accordent une grande valeur à la diversité culturelle, a-t-il assuré.  Le délégué s’est félicité d’une série de progrès nationaux réalisés en faveur des autochtones, notamment la disponibilité de textes traduits dans les diverses langues des populations autochtones.  Celles-ci ont aussi bénéficié d’aides, attribuées à 564 000 personnes a-t-il ajouté.  Il a ensuite appelé à l’adoption d’une résolution sur les droits des populations autochtones, et à leur juste représentation dans les instances décisionnelles, à tous les échelons.  Le Pérou continuera de faire le nécessaire pour que les voix autochtones soient entendues, a-t-il promis.

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