Première Commission: la guerre en Ukraine suscite des interrogations sur la validité des instruments en vigueur
« Ne nous trompons pas, la course aux armements met à mal les systèmes en vigueur », a déclaré ce matin le représentant de l’Autriche lors de la troisième journée du débat général de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale), marquée notamment par les interventions de la Fédération de Russie et de l’Ukraine, ainsi que de plusieurs pays européens. Dans un tel contexte, les conséquences de la guerre en Ukraine sur les traités de désarmement nucléaire et sur la sécurité mondiale ont été largement évoquées, suscitant de multiples inquiétudes.
Si l’invasion russe a été très largement condamnée en soi, en particulier par les pays européens qui se sont exprimés, l’Italie en a souligné les effets directs sur le travail des enceintes multilatérales, notamment celles qui traitent de non-prolifération et de désarmement. Au nom de la Coalition pour un nouvel ordre du jour, le Mexique s’est alarmé de la dimension nucléaire croissante que prennent les tensions internationales, parlant de menaces et de rhétorique nucléaire « de plus en plus stridentes ». La Grèce a vu une illustration des conséquences du conflits en Ukraine dans l’échec de la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) l’an dernier, mais aussi dans l’absence de consensus lors de la première session du Comité préparatoire à la onzième Conférence d’examen du Traité, prévue en 2026. La Suède s’est dite profondément déçue de ces échecs. Le Royaume-Uni a dénoncé la « mauvaise foi d’une poignée de pays » qui, même isolés, semblent déterminés à bloquer tout progrès significatif.
Certains intervenants sont davantage remontés dans le temps pour dénoncer, comme la Finlande, le « mépris persistant » de la Fédération de Russie pour ses obligations en matière de contrôle des armements, citant sa suspension récente de la mise en œuvre du Traité New START de désarmement et vérification stratégique conclu avec les États-Unis en 2011 et prorogé pour cinq ans en février 2021, ainsi que son retrait antérieur du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe.
L’Ukraine a condamné le « chantage nucléaire » auquel se livre la Fédération de Russie depuis le début du conflit, mettant aussi l’accent sur les attaques constantes de missiles par les Forces armées russes à proximité immédiate des centrales nucléaires ukrainiennes, et sur les questions de sureté nucléaire à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, occupée par les forces russes.
La Fédération de Russie s’est surtout inquiétée d’un risque de confrontation dans la région Asie-Pacifique, estimant que certains États dotés y multiplient les risques stratégiques. Mais, pour elle, cette situation trouve son origine dans la tentative des Occidentaux d’imposer leur volonté, et en particulier dans le refus des États-Unis de renoncer à leur domination mondiale. Le représentant russe a accusé les pays occidentaux de dévoyer l’ordre du jour international, notamment sur les questions de non-prolifération. Il a ainsi accusé les États-Unis de chercher à déployer des armes « auparavant interdites par le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire dénoncé par Washington » et a jeté le soupçon sur de « possibles nouvelles évolutions négatives autour du Traité New START ». Si la Fédération de Russie en a suspendu l’application, c’est, a-t-il affirmé, en raison de la « politique destructrice des États-Unis », qui cherche à lui infliger une « défaite stratégique ».
Dans ce cadre, le représentant russe a dit son opposition à une interdiction totale des armes nucléaires, jugée « contre-productive », et préconisé des mesures progressives et consensuelles qui respectent les intérêts de sécurité de toutes les parties. Il a jugé indispensable de diminuer le risque de conflit entre grandes puissances militaires et de renouveler l’architecture de la sécurité internationale.
À l’image du Royaume-Uni, pour qui le renforcement du contrôle des armements sur la base des instruments en vigueur est le meilleur moyen d’envisager de manière pragmatique l’établissement de normes et de règles de comportement responsable des États, plusieurs délégations ont fait des propositions. Même en l’absence d’accord, la Suède a jugé encourageantes les discussions « interactives, constructives et significatives » tenues au sein du Groupe de travail sur le renforcement de la Conférence d’examen lors de la première session du Comité préparatoire à la onzième Conférence d’examen du TNP. Sa représentante a rappelé que l’objectif de l’Initiative de Stockholm pour le désarmement nucléaire consiste justement à « réaliser des progrès concrets en matière de désarmement dans le cadre du TNP. »
D’autres pays ont rappelé leur attachement au TNP, au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ou encore au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), un ensemble qui, pour le Sri Lanka, forme « le rempart du système de traités internationaux visant à débarrasser le monde des armes nucléaires ». Le rôle des zones exemptes d’armes nucléaires a une fois de plus été rappelé, y compris pour prôner une fois encore, comme l’ont fait aujourd’hui la Tunisie, le Yémen et les Émirats arabes unis, l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient. La Tunisie a en outre souhaité la convocation d’une conférence internationale de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement, et l’Italie a appelé de ses vœux une quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le désarmement.
Les discussions du jour n’ont toutefois pas suscité l’enthousiasme général à la Première Commission. « Nous retrouver ici tous les ans, répéter les mêmes idées, cela peut s’apparenter à une thérapie de groupe qui nous rassure en donnant un sentiment erroné de stabilité », a ainsi estimé le représentant de l’Autriche, qui a invité ses collègues à « ouvrir les yeux » et « faire front ».
La Première Commission poursuivra son débat général demain, jeudi 5 octobre, à partir de 10 heures.
SUITE DU DÉBAT GÉNÉRAL SUR TOUS LES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR RELATIFS AU DÉSARMEMENT ET À LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE
Déclarations
M. EDUARDO ALCIBIADES SÁNCHEZ KIESSLICH (Mexique), au nom de la Coalition pour un nouvel ordre du jour, a estimé que la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires doit demeurer une priorité urgente de la communauté internationale. Les tensions internationales récentes, y compris dans le contexte du conflit en Ukraine, ont pris une dimension nucléaire croissante, en particulier en ce qui concerne les menaces et la rhétorique nucléaire de plus en plus stridente. Il a déploré que depuis un certain temps, les États dotés d’armes nucléaires prévoient de moderniser leurs arsenaux nucléaires, alors que les stocks d’armes nucléaires augmentent.
Le représentant s’est déclaré consterné par les échecs successifs des deux dernières Conférences d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) où les États parties au Traité n’ont pas pu adopter des mesures par consensus. Cela ne reflète pas la vague de soutien qui s’est manifestée en faveur de ce travail, a‑t‑il estimé.
La Coalition a réaffirmé que les obligations existantes en matière de désarmement nucléaire restent valables, notamment l’engagement des États dotés d’armes nucléaires de procéder à l’élimination totale de leurs arsenaux nucléaires. En conséquence, elle continuera à plaider en faveur de la mise en œuvre de mesures de désarmement nucléaire concrètes, transparentes, vérifiables et irréversibles, se renforçant mutuellement, dans le cadre du respect des obligations et des engagements découlant du TNP. Il est essentiel, dans le cadre de l’actuel cycle d’examen du Traité, de faire progresser collectivement les mesures relatives aux accords des Conférences d’examen du TNP de 1995, 2000 et 2010, en particulier les « 13 mesures » sur le désarmement nucléaire qui devraient inclure de fournir des détails sur les plans de modernisation des armes nucléaires, leurs capacités nucléaires, y compris la quantité et les questions doctrinales.
M. LEONARDO BENCINI (Italie) a appelé la Fédération de Russie à cesser « sa rhétorique et ses menaces nucléaires irresponsables », évoquant les effets directs de la situation sur le travail des enceintes multilatérales, notamment celles qui traitent de non-prolifération et de désarmement. Dans ce cadre, il a appelé de ses vœux une quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le désarmement.
Saluant l’accent mis sur le désarmement par le Secrétaire général dans son Nouvel Agenda pour la paix, le représentant a relevé que l’utilisation militaire des technologies émergentes était l’une de ses parties clefs. Relevant que cette question deviendra sans doute une priorité à l’avenir, il a apporté son soutien aux travaux du Groupe d’experts gouvernementaux sur les systèmes d’armes létaux autonomes, préconisant une approche à deux niveaux – interdire ou réglementer.
L’Italie partage l’objectif d’un monde totalement exempt d’armes nucléaires conformément à l’article VI du TNP, a assuré le représentant. Notant que la confiance et la coopération entre les États dotés étaient essentielles à cet égard, il a appelé la Russie à reconsidérer sa suspension de la mise en œuvre du Traité New START et à renoncer au déploiement d’armes nucléaires au Bélarus. Il a également rappelé l’attachement de l’Italie au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Il a appelé l’Iran à mettre pleinement en œuvre les dispositions de l’Accord de Vienne, et la République populaire démocratique de Corée à s’abstenir de toute provocation.
Le représentant a réitéré son engagement en faveur de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), condamnant toute utilisation d’armes chimiques et regrettant que la Russie et la Syrie aient bloqué l’adoption d’un document final commun à l’issue de la cinquième Conférence d’examen de la CIAC cet été. Enfin, il a partagé ses préoccupations quant aux répercussions humanitaires des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions, soutenant la mise en œuvre de la Convention sur certaines armes classiques et appelant à l’universalisation du Traité sur le commerce des armes.
Mme ANN-SOFIE NILSSON (Suède) a condamné avec la plus grande fermeté la guerre d’invasion de l’Ukraine par la Russie et réaffirmé son soutien indéfectible à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Les actions de la Russie, y compris ses menaces d’utiliser des armes nucléaires, constituent des violations flagrantes du droit international et de la Charte des Nations Unies, a dit la représentante, qui s’est dite horrifiée par le ciblage systématique des civils et des biens de caractère civil, au mépris total du droit international humanitaire.
Après avoir réaffirmé que le TNP reste la pierre angulaire du régime mondial de désarmement et de non-prolifération, la représentante a affirmé que la Suède continuera à promouvoir la pleine mise en œuvre de toutes les obligations relevant des trois piliers du TNP, y compris l’article VI. La Suède est profondément déçue par les résultats de la dixième Conférence d’examen du TNP, l’année dernière, ainsi que par ceux de la première session du Comité préparatoire à la onzième Conférence d’examen. Elle juge toutefois encourageantes les discussions interactives, constructives et significatives tenues au sein du Groupe de travail sur le renforcement de la Conférence d’examen. Réaliser des progrès concrets en matière de désarmement dans le cadre du TNP, c’est l’objectif de l’Initiative de Stockholm pour le désarmement nucléaire, a rappelé la représentante.
L’entrée en vigueur du TICE et la conclusion des négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires (FMCT) restent des tâches que la communauté internationale doit mener à bien, a fait valoir la représentante. Pour la Suède, en attendant l’entrée en vigueur du TICE, les moratoires existants sur les essais nucléaires doivent être maintenus. De même, en attendant l’entrée en vigueur d’un FMCT, la Suède appelle les États concernés, y compris la Chine, à déclarer immédiatement et à maintenir un moratoire sur ce type de production.
La représentante a par ailleurs estimé que la Syrie doit encore révéler toute l’étendue de son programme d’armes chimiques et se conformer pleinement à la Convention sur les armes chimiques. Elle a aussi rappelé le soutien de la Suède aux programmes nationaux de déminage dans plusieurs pays, y compris l’Ukraine. Elle a appelé à la vigilance face à aux armes légères et de petit calibre et appelé à l’universalisation et la pleine application du Traité sur le commerce des armes, appelant en outre à un contrôle responsable des exportations.
M. ALI CHERIF (Tunisie) a réaffirmé l’attachement de son pays à l’application et à l’universalité du TNP et du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN), ajoutant que la Tunisie reste convaincue que la convocation d’une conférence internationale de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire offrirait une occasion propice pour examiner l’état des lieux, évaluer les progrès accomplis et tracer la voie à suivre durant les prochaines années. La Tunisie rappelle aussi que tous les États ont le droit de développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et de coopérer dans ce but avec d’autres États.
Le représentant a souligné la contribution importante des zones exemptes d’armes nucléaires aux efforts de désarmement et de non-prolifération, se félicitant de la convocation, le mois prochain, à New York, de la quatrième session de la Conférence sur l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient. Selon lui, la réalisation de cet objectif serait de nature à réduire le risque de conflit dans la région, à restaurer la confiance entre États et à atténuer les tensions. Toutefois, a‑t‑il signalé, la Tunisie considère que le refus persistant d’Israël de participer aux négociations relatives à la création d’un Moyen-Orient sans armes de destruction massive représente une grave menace pour la paix et la sécurité régionales et internationales, ainsi qu’une violation des décisions et résolutions pertinentes de l’ONU.
Par ailleurs, le représentant a appuyé la mise en œuvre du Traité sur le commerce des armes, qui peut aider à régler le problème du commerce illicite des armes classiques, « sans préjudice toutefois du droit légitime des États à acquérir légalement des armes conventionnelles et des munitions pour leurs besoins d’autodéfense et de sécurité ».
Mme KHRYSTYNA HAYOVYSHYN (Ukraine) a condamné le chantage nucléaire auquel se livre la Russie depuis le début de sa « guerre d’agression à grande échelle contre l’Ukraine ». À ce jour, à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, l’armée russe continue d’empêcher illégalement les ingénieurs ukrainiens de remplir leurs activités essentielles en matière de sûreté nucléaire dans le respect des conventions internationales et des normes en vigueur de l’AIEA, a‑t‑elle notamment accusé. La représentante a ajouté que les attaques constantes de missiles par les Forces armées russes à proximité immédiate des centrales nucléaires ukrainiennes peuvent entraîner des dommages aux composants mêmes de leur réacteur.
De telles actions constituent de graves menaces pour la sûreté et la sécurité nucléaires en Ukraine et bien au-delà de ses frontières, a fait valoir la représentante, qui a exhorté la Russie à se conformer immédiatement aux résolutions de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en cessant toutes ses actions contre les installations nucléaires pacifiques en Ukraine et en restituant à ce pays le contrôle total de toutes les installations nucléaires saisies.
La représentante a par ailleurs accusé la Russie d’avoir utilisé sur le territoire ukrainien divers types d’armes classiques interdites par les conventions et traités internationaux. Entre autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité, elle a accusé Moscou d’avoir lancé des attaques de missiles contre des cibles civiles. Elle a également accusé la Russie d’utiliser activement des drones iraniens transférés en violation de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité, ajoutant que ces engins sont principalement utilisés contre les zones très peuplées et les infrastructures critiques du pays.
La représentante a déclaré que près d’un tiers du territoire de l’Ukraine est contaminé par des mines et des restes explosifs de guerre, ajoutant que le déminage humanitaire va supposer la fourniture d’une assistance technique pérenne et la mise en place d’un système d’aide aux victimes. Pour approfondir davantage ces questions urgentes, elle a invité les États Membres à participer à la Conférence internationale des donateurs sur le déminage humanitaire en Ukraine, coorganisée par le Gouvernement ukrainien et le Gouvernement croate et qui se tiendra les 11 et 12 octobre 2023 à Zagreb.
M. MARWAN ALI NOMAN AL-DOBHANY (Yémen) a estimé que le Moyen-Orient demeurait instable à cause du déséquilibre des pouvoirs et des activités nucléaires non assujetties au contrôle de l’AIEA. Notant que les pays arabes ont rejoint le TNP et sont engagés à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) au Moyen-Orient, il a condamné le refus d’Israël de signer l’accord et de soumettre ses installations nucléaires à la surveillance de l’AIEA. Il a estimé que cette situation contribuait à une course régionale aux armements.
Se félicitant du succès des trois récentes sessions de la Conférence visant à créer une ZEAN au Moyen-Orient, le représentant a appelé à une participation active des États concernés lors de la quatrième session, qui aura lieu en novembre de cette année sous la présidence de la Libye. Enfin, il a déploré le second échec consécutif de la Conférence d’examen du TNP, qui n’a pas adopté un document final commun, exprimant son espoir que la prochaine session aboutisse sur un consensus pour promouvoir l’universalité du Traité.
Évoquant la guerre au Yémen, le représentant a condamné l’activité des milices houtistes soutenues par l’Iran, fustigeant leur emploi de drones et de mines antipersonnel. Le conflit menace la région, mais aussi le monde, a‑t‑il averti, en compromettant l’approvisionnement et le commerce maritime en mer Rouge. Il a exhorté la communauté internationale à prêter main-forte à son pays dans ses opérations de déminage et à exercer une pression maximale sur les milices houtistes et l’Iran. Enfin, il a lancé un appel à l’action concernant le trafic d’armes de petit calibre et affirmé le soutien du Yémen à l’élaboration d’un cadre international de cybersécurité, ajoutant qu’il fallait aider les pays les moins avancés dans ce secteur.
M. AHMAD FAISAL MUHAMAD (Malaisie) a déploré les menaces pesant sur l'humanité du fait d’un groupe restreint d'États qui investissent dans la modernisation des arsenaux nucléaires avant de considérer comme une autre tendance déconcertante la persistance des accords de partage nucléaire, fondés sur la fausse logique de la dissuasion. Il a condamné sans équivoque toute menace nucléaire, qu'elle soit explicite ou implicite, et quelles que soient les circonstances.
Le représentant a rappelé que TNP reste la pierre angulaire du régime mondial de désarmement et de non-prolifération nucléaires, mais déploré que son intégrité soit mise à rude épreuve, notamment en raison de l'échec des neuvième et dixième Conférences d'examen du Traité. La première session du Comité préparatoire de la onzième Conférence d'examen du TNP, qui s'est tenue récemment à Vienne, a rappelé le déficit de confiance qui prévaut entre les États parties et la nécessité de redoubler d'efforts pour trouver un terrain d'entente, a‑t‑il ajouté, affirmant que, tant que les armes nucléaires existeront, le spectre de l'anéantissement nucléaire planera sur l'humanité. À cet égard, il s’est félicité de la signature du TIAN par les Bahamas et de l'adhésion du Sri Lanka, réaffirmant la pleine compatibilité du Traité avec le TNP, qu'il complète.
Au cours de la présente session, la Malaisie présentera à nouveau à la Première Commission sa résolution annuelle intitulée « Suite donnée à l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires ». Le représentant a appelé toutes les délégations à soutenir cette résolution, reconnaissant ainsi l'importance durable de l'avis de la Cour.
Le représentant a soutenu les efforts visant à universaliser la Convention d’interdiction des armes biologiques ou à toxine (CIABT). Il a expliqué que, conformément à l'article IV de la CIABT, son pays est actuellement en train d'adopter son projet de loi sur les armes biologiques, qui fera partie du cadre législatif de la Malaisie en ce qui concerne la mise en œuvre de la Convention. En outre, il a fait part de sa détermination à adhérer aux traités internationaux régissant l'utilisation et l'exploration de l'espace extra-atmosphérique. Conformément à cet engagement, la Malaisie a approuvé sa politique spatiale nationale à l'horizon 2030 et, en janvier 2022, a publié au Journal officiel une loi sur les activités spatiales, a‑t‑il précisé.
Mme OUTI HYVÄRINEN (Finlande) a dénoncé les violations des normes de désarmement et de non-prolifération, qu’elle a rendues responsables de la mise sous pression du système. Chaque transgression est dangereuse, a ajouté la représentante, parce qu’elle porte atteinte à la confiance et à la prévisibilité des comportements, condition sine qua non de l’ordre international et du multilatéralisme. À ce titre, elle a condamné la « guerre d’agression » de la Russie contre l’Ukraine et évoqué le « mépris persistant » de ses obligations en matière de contrôle des armements, citant sa suspension récente de la mise en œuvre du Traité New START et son retrait antérieur du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe.
Le TNP a bien servi la communauté internationale depuis un plus d’un demi-siècle, a estimé la représentante, pour qui la première réunion du Comité préparatoire à la onzième Conférence d’examen du Traité a mis en lumière l’engagement des États parties. Dans le même temps, a‑t‑elle souligné, ces États sont préoccupés par la lenteur du désarmement, les crises de prolifération et l’application insatisfaisante du droit à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Se réjouissant du bon démarrage du processus d’examen du Traité, elle s’est montrée confiante quant à la possibilité de parvenir à un résultat significatif lors de la Conférence d’examen de 2026. Elle a en revanche dit ses inquiétudes face au développement rapide de l’arsenal nucléaire de la Chine, qu’elle a appelée à plus de transparence et d’efforts pour réduire les risques.
La représentante a en outre dénoncé l’emploi d’armes chimiques en Syrie, une violation du droit international et, dans certaines circonstances, un crime de guerre et un crime contre l'humanité. La Finlande compte faire respecter les normes en la matière et veiller à ce que les auteurs d’attaques chimiques soient tenus pour responsables. La représentante a, enfin, fait part de sa déception concernant l’absence de consensus lors de la cinquième Conférence d’examen de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, alors que cette convention constitue un élément clef du régime international de contrôle des armements et devrait au contraire être renforcée.
M. KONSTANTIN VORONTSOV (Fédération de Russie) a estimé qu’il existait une réelle menace de confrontation dans la région Asie-Pacifique du fait d’États dotés de l’arme nucléaire qui multiplient les risques stratégiques. Pour la Russie, la situation trouve son origine dans la tentative des Occidentaux d’imposer leur volonté. Le représentant a ainsi dénoncé la volonté des États-Unis de ne pas renoncer à leur domination mondiale et a accusé les pays occidentaux de dévoyer l’ordre du jour international, notamment sur les questions de non-prolifération.
Le représentant a ainsi jugé profondément alarmante l’escalade potentielle résultant de la mise en œuvre par les États-Unis de leurs projets de déploiement d’armes « auparavant interdites par le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires dénoncé par Washington » Il a en outre jugé possibles de nouvelles évolutions négatives autour du Traité New START, que la Fédération de Russie a suspendu en raison de la « politique destructrice des États-Unis ».
Pour le représentant, Washington est clairement capable de prendre d’autres mesures déstabilisatrices sous le prétexte de chercher à infliger une « défaite stratégique » à notre pays et d’assurer la soi-disant « dissuasion nucléaire bidirectionnelle » de la Russie et de la Chine.
Dans ce cadre, l’idée d’une interdiction totale des armes nucléaires est contreproductive, a estimé le représentant, qui a préconisé des mesures progressives et consensuelles qui respectent les intérêts de sécurité de toutes les parties. Il a jugé indispensable de diminuer le risque de conflit entre grandes puissances militaires et de renouveler l’architecture de la sécurité internationale.
Selon le représentant, la politisation de l’ordre du jour de l’OIAC est à l’origine de l’absence d’accord après les deux derniers cycles d’examens de la Convention et menace de détruire le régime établi par la Convention sur les armes chimiques (CIAC).
Le représentant a en outre rappelé les « faits révélés » sur la mise en œuvre d’un programme militaire biologique en Ukraine avec le soutien du Pentagone, rappelant que les « questions justifiées » officiellement posées par son pays devant les États parties à la CIABT « doivent être réglées ». Il a vu dans cette situation une illustration de la nécessité d’adopter un protocole universel et juridiquement contraignant fournissant un mécanisme de vérification efficace pour la CIABT et a souhaité que le Groupe de travail sur le renforcement de la Convention créé par la neuvième Conférence d’examen de la CIABT puisse faciliter ce processus.
Enfin, il a affirmé que la Russie tente de réserver l’espace extra-atmosphérique à un usage pacifique. À ce titre, il a appelé le Groupe d’expert gouvernementaux sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique à élaborer un outil juridique contraignant, annonçant son intention de saisir la Première Commission d’un projet de résolution sur la non-prolifération d’armes dans l’espace. Il a également annoncé un second projet de résolution sur la sécurité internationale de l’information.
M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a estimé que le corpus de normes internationales sur le désarmement ne fonctionne pas bien, d’autant que certains Membres de l’ONU violent les règles internationales en la matière. Nous retrouver ici tous les ans, répéter les mêmes idées, cela peut s’apparenter à une thérapie de groupe qui nous rassure en donnant un sentiment erroné de stabilité, a estimé le représentant. « Ne nous trompons pas, la course aux armements met à mal les systèmes en vigueur », a‑t‑il averti, avant d’appeler à faire front et à se concentrer sur la coopération multilatérale.
C’est d’autant plus essentiel, a poursuivi le représentant, que la menace existentielle du nucléaire est présente et que le tabou de son utilisation a été mis à mal par la Fédération de Russie, un membre du Conseil de sécurité et membre dépositaire du TNP. Cette approche n’est pas tenable, a‑t‑il insisté, car le statu quo nucléaire est une menace pour l’humanité tout entière. Le représentant a rejeté toute menace nucléaire, explicite ou implicite. Nous ne savons pas si la dissuasion nucléaire fonctionne en cas de crise, mais nous savons que cela peut échouer, a‑t‑il averti.
Passant à la question de la menace constituée par les systèmes d’armes léta autonomes, le représentant s’est demandé quel est le rôle de l’humain dans leur utilisation et comment garantir le respect de l’être humain. Il a souligné que les développements de ces armes avancent bien plus rapidement que les cadres juridiques les concernant. C’est pourquoi une nouvelle résolution sur ce type d’armes sera présentée à la Première Commission.
M. MHER MARGARYAN (Arménie) s’est concentré principalement sur le récent conflit au Haut-Karabakh, affirmant que les preuves abondent du caractère prémédité et bien planifié de l’agression à grande échelle de l’Azerbaïdjan du 19 septembre dernier. Cette agression a été précédée d’un important renforcement militaire de l’Azerbaïdjan le long de la ligne de contact avec le Haut-Karabakh et à la frontière avec l’Arménie, ainsi que par une accumulation d’armes lourdes offensives, notamment de l’artillerie, des lance-roquettes, des mortiers et des véhicules aériens de combat sans équipage, a affirmé le représentant.
Après avoir ajouté que la politique de nettoyage ethnique au Haut-Karabakh, le recours à la force et les tentatives visant à déclencher un nouveau conflit à grande échelle et à déstabiliser la sécurité régionale ont été clairement condamnés par de nombreux États Membres, le représentant a rappelé les termes de la déclaration de la Conseillère spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour la prévention du génocide du 22 septembre 2023: « l’action militaire ne peut que contribuer à aggraver une situation déjà tendue et à exposer la population civile de la région à un risque de violence, y compris le risque de génocide et les atrocités criminelles qui y sont liées. Tous les efforts doivent être déployés pour prévenir la violence et maintenir la paix »
Pour le représentant, à l’aune de la réalité de l’agression de l’Azerbaïdjan, chaque membre responsable de la communauté internationale devrait réfléchir avant de conclure avec ce pays tout accord commercial portant sur des armements. L’agresseur devra être tenu responsable de ses actes et ceux qui lui permettraient de déclencher de nouvelles attaques et de commettre davantage d’atrocités criminelles devraient également être traduits en justice, a‑t‑il ajouté.
M. AIDAN LIDDLE (Royaume-Uni) a déclaré que son pays reste déterminé à défendre et à renforcer les régimes de non-prolifération des armes de destruction massive, et que « nous devons faire respecter les normes interdisant la mise au point, le stockage, le transfert et l’utilisation d’armes biologiques et chimiques, en condamnant rapidement et fermement les actions des pays qui les bafoueraient ».
« Nous devons également défendre l’impartialité et l’expertise d’organisations telles que l’AIEA et l’OIAC », a ajouté le représentant. Il s’est félicité de certains progrès obtenus durant l’année écoulée, citant, entre autres, le succès de la neuvième Réunion d’examen de la Convention sur l'interdiction des armes biologiques (CABT), en décembre dernier, les travaux du Groupe d’experts gouvernementaux sur les systèmes d’armes létaux autonomes (SALA), au sein de la Convention sur certaines armes classiques ou la première session du Comité préparatoire de la Conférence d’examen de 2026 du TNP. Ces différents processus en cours démontrent la vitalité continue de la communauté de la maîtrise des armements et du désarmement, a‑t‑il estimé. Mais ce n’est qu’en les conduisant jusqu’à leur terme et en obtenant des résultats dans le cadre de leur cycle de négociations que nous pourrons résoudre les problèmes émergents en matière de désarmement et de sécurité et les menaces et défis plus anciens, a‑t‑il ajouté.
Le représentant a ensuite dénoncé la mauvaise foi d’une poignée de pays qui, même isolés, semblent déterminés à bloquer tout progrès significatif, estimant que cela ne devrait pas entacher la détermination de la majorité. Renforcer le contrôle des armements sur la base des instruments en vigueur est le meilleur moyen d’envisager de manière pragmatique l’établissement de normes et de règles de comportement responsable des États en matière de sécurité, a‑t‑il assuré. À cet égard, le Royaume-Uni présentera un projet de résolution proposant la création d’un deuxième groupe de travail à composition non limitée sur la réduction des menaces spatiales grâce à des normes, règles et principes de comportements responsables, a annoncé le représentant. Ce nouveau groupe aura pour mandat d’affiner le concept de normes, règles et principes spécifiques de comportements responsables, et de formuler des recommandations, ce que le premier groupe n’a pas été en mesure de faire, a‑t‑il précisé. Sa démarche pourrait en outre guider la réflexion en ce qui concerne d’autres domaines technologiques nouveaux et émergents, tels que l’intelligence artificielle, a fait valoir le représentant.
M. RÓBERT CHATRNÚCH (Slovaquie) a condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie, dénonçant sa « dangereuse rhétorique nucléaire », responsable selon lui d’une escalade régionale. À ce titre, le représentant a cité le déplacement d’armes nucléaires russes sur le territoire du Bélarus. Estimant que le contexte sécuritaire mondial entravait les progrès en matière de désarmement nucléaire, il a cependant réitéré sa confiance dans le TNP, pierre angulaire du régime de non-prolifération. En matière nucléaire, il a préconisé le renforcement de la réduction des risques, mais aussi celui de la transparence et de la redevabilité des États dotés. Il a lancé un appel à la ratification et la mise en œuvre du TICE, ainsi que pour des négociations rapides d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour des armes nucléaires ou d’autres dispositifs explosifs nucléaires. Il a également fait part de ses préoccupations concernant les essais nucléaires et balistiques de la République populaire démocratique de Corée et appelé l’Iran à respecter le Programme d’action commun et à collaborer avec l’AIEA.
Réitérant son soutien de la Convention sur les armes chimiques, le représentant a préconisé le renforcement de la convention en matière de sciences et de technologies, estimant qu’il s’agissait d’une évolution nécessaire pour s’adapter au monde actuel.
Le représentant s’est prononcé contre toute course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique. Il a regretté que le rapport du groupe de travail sur la réduction des menaces spatiales ne reflète pas les débats constructifs qui s’y sont déroulés. Il a également salué les efforts du groupe de travail sur la sécurité du numérique et de son utilisation. Enfin, il a appelé à l’adoption d’initiatives internationales sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine militaire et les systèmes d’armes létaux autonomes.
Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a estimé qu’intensifier les efforts multilatéraux reste le seul moyen d’assurer la paix et sécurité internationales. Or, nous assistons à un recul des engagements en la matière, a déploré la représentante, pour qui il est impératif de réitérer l’importance de respecter les traités internationaux, dont le TNP, qui reste la pierre angulaire du régime de désarmement.
La représentante a rappelé que son pays a veillé à conclure un accord généralisé avec l’AIEA et le protocole additionnel pour l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Elle a appelé les États concernés à collaborer avec l’AIEA. Elle s’est dit préoccupé par la poursuite par l’Iran de ses programmes nucléaires, qu’elle a appelé à respecter les accords internationaux conclus à mettre un terme à toutes ses activités en contradiction avec eux.
La représentante a émis l’espoir que les discussions qui seront menées sous la présidence de la Libye cette année pourront avancer concernant la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient. En outre, elle a condamné la poursuite par la République populaire démocratique de Corée de son programme nucléaire.
La menace nucléaire reste de mise avec le développement de nouveaux programmes nucléaires, c’est pourquoi il est impératif de ratifier les instruments de désarmement, a répété la représentante, qui a aussi jugé nécessaire de faire face aux menaces cybernétiques.
M. TIÉMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a soutenu les efforts de dénucléarisation régionale à travers la création de zones exemptes d’armes nucléaires, ces zones, à l’instar de celle établie en Afrique par le Traité de Pelindaba, constituant des moyens reconnus de promotion de la non-prolifération nucléaire. Favoriser l’entrée en vigueur du TICE, instrument qui vise à endiguer la prolifération verticale et horizontale, s’avère aussi pressant, a ajouté le représentant, qui a appelé les huit États figurant à l’annexe 2 du Traité qui ne l’ont pas encore fait à le ratifier dans les meilleurs délais pour en permettre l’entrée en vigueur effective.
Après avoir demandé le renforcement de la mise en œuvre de la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité visant à empêcher l’acquisition et la possession, par des acteurs non étatiques, d’armes de destruction massive, le représentant a évoqué les armes classiques. Il a notamment souligné qu’en vertu du Programme d’action de l’ONU relatif aux armes légères, un accent particulier doit être mis sur la coopération internationale et le renforcement des capacités techniques des pays en développement, « comme le prévoit la bourse de formation spécialisée ». Il faudrait, en outre, appuyer les initiatives concrètes au niveau régional, à l’image de l’initiative Faire taire les armes en Afrique, qui a contribué positivement à réduire, dans certains pays comme la Côte d’Ivoire, la détention et le trafic des armes légères et de petit calibre, a‑t‑il ajouté. Enfin, le représentant a invité les États Membres à tenir compte des conclusions des travaux du Groupe de travail à composition non limitée pour définir un ensemble d’engagements politiques devant favoriser une meilleure gestion des munitions.
M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie) a attiré l’attention sur la nécessité de lutter de manière plus résolue sur le plan régional contre la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC), qui sont les véritables armes de destruction massive des pays en développement, en particulier dans la région à laquelle appartient son pays. Le représentant a appelé à une meilleure gestion des munitions de cette catégorie d’armes dans le cadre du Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de l’Instrument international de traçage.
Par ailleurs, le représentant a insisté sur le devoir d’assistance des États dotés d’armes nucléaires au profit des États non dotés désireux de bénéficier, aux fins de leur développement socioéconomique, des utilisations pacifiques de l’énergie atomique. C’est également sur un pied d’égalité que nos pays comptent exercer leur droit à l’exploitation pacifique des ressources spatiales, a ajouté le représentant.
M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a estimé que l’intensité de la rhétorique nucléaire a atteint des proportions alarmantes, de même que les tentatives de militarisation de tous les domaines, y compris le cyberespace et l’espace extra-atmosphérique. Ceux d’entre nous qui ont préconisé des solutions multilatérales en matière de désarmement et de non-prolifération ont été contraints d’endurer les conséquences économiques des conflits directs et les mesures de rétorsion qui en ont résulté, et qui ont jusqu’à présent été mises en œuvre par les États membres sur lesquels repose la plus grande responsabilité dans ces questions, a déploré le représentant. C’est dans ce contexte de détérioration de la sécurité internationale que deux Conférences d’examen du TNP ont eu lieu sans aboutir à un document final, a‑t‑il ajouté.
Il faut considérer les conférences d’examen des différentes conventions comme des occasions pour développer des stratégies visant à renforcer la mise en œuvre du Traité, a déclaré le représentant, qui a rappelé l’importance des principes du désarmement multilatéral. Le TNP, le TICE et le TIAN constituent le rempart du système de traités internationaux visant à débarrasser le monde des armes nucléaires, a‑t‑il plaidé. Il a rappelé que le Sri Lanka avait ratifié le TICE en juillet et adhéré au TIAN au cours de la semaine de haut niveau qui vient de s’achever.
État partie qui accorde de l’importance au régime de vérification du TICE, le Sri Lanka est heureux d’accueillir le prochain exercice intégré sur le terrain de l’inspection, en 2025, qui réunira plus de 180 experts techniques et autres participants du monde entier. Le Sri Lanka sera le premier pays d’Asie du Sud à accueillir un exercice de cette envergure et le deuxième pays d’Asie à le faire, s’est félicité le représentant. Toutefois, il s’est déclaré profondément préoccupé par le retard prolongé de l’entrée en vigueur du Traité lui-même. Ce retard peut entraver les progrès en matière de désarmement nucléaire, de non-prolifération et de promotion des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire, a‑t‑il regretté, avant d’appeler les États à reconnaître l’importance des traités relatifs aux armes nucléaires et le rôle qu’ils jouent dans le renforcement de la sécurité mondiale.
Mme GABRIELA GONZÁLEZ (Uruguay) a dit plaider pour le désarmement universel en tant que représentante d’un État non doté de l’arme nucléaire. Avec 50 foyers de conflits dans le monde, la menace nucléaire est plus présente que jamais, a‑t‑elle estimé, ajoutant que la solution réside dans le multilatéralisme et l’interdiction de l’emploi de la force comme méthode d’intimidation et de coercition. La représentante a exhorté les États figurant à l’annexe 2 du TICE qui n’ont pas encore adhéré au Traité de le faire, pour lui permettre d’entrer en vigueur. Elle a appelé les États dotés à maintenir leur moratoire sur les essais nucléaires et à s’engager davantage pour assurer un contrôle strict du possible emploi des armes nucléaires, tout en continuant de viser le désarmement.
La représentante a qualifié de « fléau » pour son pays le commerce illicite d’armes classiques par divers groupes avant de réitérer son soutien au Traité sur le commerce des armes. Elle s’est également félicitée des efforts du groupe de travail chargé d’élaborer un ensemble d’engagements politiques internationaux pour combler les failles en matière de gestion des munitions, estimant que leur production et leur élimination requièrent la mise en place d’un cadre normatif.
Dans le domaine des technologies de l’information et des communications, la représentante a préconisé une collaboration accrue entre secteurs public et privé afin de protéger les systèmes nationaux de cybersécurité. Elle a jugé nécessaire d’organiser des mesures d’assistance mutuelle en tenant compte des capacités différentes de chaque pays. Enfin, elle a soutenu la cause d’un espace extra-atmosphérique libre d’armements, estimant que la collaboration internationale était cruciale sur ce sujet.
Mme ANA PAULA ZACARIAS (Portugal) a estimé que l’architecture de désarmement et de non-prolifération nucléaires s’érode. L’ombre portée des armes nucléaires remet en question le droit international, les normes, les règles et les principes d’un ordre international fondé sur un comportement responsable, et la coopération multilatérale fondée sur la Charte des Nations Unies, a déploré la représentante. Dénonçant en outre la rhétorique de la Russie et son agression militaire contre l’Ukraine, elle a expliqué que son pays continuera à « apporter un soutien politique, diplomatique, militaire et humanitaire à l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra ».
La Fédération de Russie a été, de nouveau, le principal obstacle à un consensus sur le document final du premier Comité préparatoire de la onzième session de la Conférence d’examen du TNP de 2026, a déploré la représentante, qui s’est toutefois félicitée du contenu des discussions de fond et du document final du Président, tout en demandant instamment à tous les États qui n’ont pas encore adhéré au TNP de le faire. Dans le contexte du TNP et du Mémorandum de Budapest, la représentante s’est en outre dite profondément préoccupée par le déploiement d’armes nucléaires au Bélarus par la Russie. Elle a par ailleurs condamné les essais nucléaires et les tirs de missiles balistiques effectués par la République populaire démocratique de Corée (RPDC). En ce qui concerne le programme nucléaire de l’Iran, elle a encouragé la reprise des négociations diplomatiques en vue de la mise en œuvre de l’Accord de Vienne et a jugé essentiel que Téhéran remplisse ses obligations vis-à-vis de l’AIEA.
La représentante a estimé que les technologies émergentes brouillent les pistes lorsqu’il s’agit d’évoquer les défis auxquels nous sommes confrontés. Ainsi, les développements liés aux véhicules aériens sans pilote armés –UAV, les drones armés- n’ont pas fait l’objet de délibérations multilatérales au sein des organes de désarmement, alors qu’ils prolifèrent et sont de plus en plus souvent utilisés ou acquis. Il est impératif d’organiser des échanges multilatéraux sur les défis potentiels qu’ils posent en matière de paix et de sécurité, a estimé la représentante, assurant que le Portugal est prêt à faciliter de tels échanges dans un avenir proche.
M. RAMÓN EMILIO FLORES (Honduras) a appelé à une mise en œuvre rigoureuse des instruments internationaux de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC), le trafic illicite et l’utilisation criminelle de ces armes alimentant la violence et sapant le développement de communautés entières en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Le représentant a salué les progrès réalisés vers un contrôle accru des munitions dans le cadre du Programme d’action des Nations Unies relatif aux armes légères. Le représentant a également rappelé le droit des États non dotés d’armes nucléaires et parties au TNP de pouvoir bénéficier de l’utilisation pacifique de l’énergie atomique à des fins civiles. Il a également soutenu l’application du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), en particulier ses volets humanitaires. Enfin, il a plaidé pour la conclusion d’un instrument juridiquement contraignant de prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, « patrimoine commun de l’humain dont l’exploitation raisonnable des ressources doit profiter à tous ».
M. EVANGELOS SEKERIS (Grèce) a estimé qu’il est urgent de réformer le système multilatéral et de réaffirmer les principes et valeurs fondamentaux de la Charte des Nations Unies, notamment le règlement pacifique des différends, l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force et le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de tous les États membres. Fervent défenseur du désarmement nucléaire, le représentant a considéré le TNP comme la pierre angulaire de l’architecture du désarmement et a souligné l’importance vitale de l’entrée en vigueur du TICE et de l’adoption d’un traité sur l’arrêt de la production de matières fissiles (FMCT). Il a en outre appuyé le travail de l’AIEA pour s’assurer que la sécurité nucléaire est garantie à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia en Ukraine.
L’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Russie contre l’Ukraine, qui a été condamnée à plusieurs reprises, a gravement affecté les négociations multilatérales sur le désarmement et la non-prolifération, a encore déploré le représentant, qui en a vu l’illustration dans les résultats récents de la première session préparatoire du nouveau cycle d’examen du TNP, après l’échec de la dixième Conférence d’examen l’an dernier.
Droits de réponse
Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a réfuté les allégations occidentales, estimant qu’elle exerce son droit à la légitime défense face aux provocations militaires des États-Unis. Ces derniers et les pays satellites de l’OTAN mènent des essais militaires de grande ampleur dans notre région, a dénoncé le représentant, pour qui ces manœuvres ont pour but d’assoir l’hégémonie occidentale dans la zone Asie-Pacifique. Ces mêmes pays se sont immiscés dans l’espace et les intérêts sécuritaires de la Russie, a‑t‑il estimé, les accusant d’engranger d’importants profits en pourvoyant l’Ukraine en armes. Il a demandé que cessent ces approvisionnements en armes qui prolongent les guerres partout dans le monde. Il a également dénoncé l’alliance entre les États-Unis et le Japon, l’accusant de mettre en péril l’ordre international fondé sur la Charte des Nations Unies. Enfin, il a estimé que les résolutions du Conseil de sécurité ne fonctionnent pas parce qu’elles ont pour objectif d’amener la RPDC à renoncer à ses droits au profit des États-Unis.
Le représentant de l’Union européenne a relevé que la Russie avait déjà pris la parole à deux reprises pendant les débats, parlant trois fois plus longtemps que les autres États en usant du droit de réponse. Il a voulu rétablir la vérité face aux « mensonges » de la Russie. En premier lieu, il a réfuté les allégations de celle-ci sur la fabrication d’armes biologiques en Ukraine, estimant qu’il s’agissait d’une tentative de détourner l’attention sur les atrocités commises dans le cadre du conflit. Selon lui l’argument russe, selon lequel ce serait l’Occident qui n’a pas compris la guerre en Ukraine, tend à omettre que l’Assemblée générale a également condamné la Russie à travers plusieurs résolutions. Le désarmement et la non-prolifération sont sous pression depuis longtemps, a‑t‑il déploré, estimant que la situation s’était aggravée avec la guerre en Ukraine et la suspension par la Russie du Traité New START. La Russie, a‑t‑il averti, est seule responsable des risques de sécurité nucléaire encourus par l’Ukraine et les pays voisins. Enfin, il a vivement réagi face à aux insinuations russes sur un supposé « État nazi » en Ukraine, exigeant que cette rhétorique cesse immédiatement.
Le représentant de la Fédération de Russie a rejeté les affirmations fallacieuses de l’Union européenne, affirmant que son pays respecte scrupuleusement le règlement et le fonctionnement des débats. Il a également accusé les Occidentaux d’avoir toujours tenté d’arracher les territoires du Donbass à la Russie, allant jusqu’à provoquer un coup d’État sanglant et l’installation au pouvoir, à Kiev, d’un régime russophobe. Tous les principes des mémorandums d’accord de Budapest ont été violés par la collusion des Occidentaux et du régime nazi de Kiev, a‑t‑il asséné.
La représentante des États-Unis a réagi aux propos de son homologue russe en les qualifiant de mensonges répétés. Seule la Russie, qui occupe et menace de saboter une centrale nucléaire en Ukraine, est un danger pour la paix et la sécurité internationales, a‑t‑elle lancé, accusant en outre la Russie de tenter de détruire le système international de défense. De même, seule la Russie tient en otage l’ONU tout en continuant de tuer des enfants et des femmes en Ukraine, a‑t‑elle ajouté.
Le représentant de la République arabe syrienne a rejeté de nouveau les accusations fallacieuses de certaines délégations visant son pays. Si la cinquième Conférence d’examen de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques n’a pu tomber d’accord sur l’adoption d’un document final, la faute en revient à la proposition de ces mêmes délégations, et qui a été rejetée, d’y insérer un libellé mensonger et illégal, a affirmé le représentant. Une fois encore, il a estimé nécessaire de mettre fin à la politisation de l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et déclaré que jamais son pays n’avait employé d’armes chimiques, pour la simple raison qu’il n’en a jamais détenues.
Le représentant de la Fédération de Russie a reproché aux États-Unis d’accuser son pays de tous les maux. « Nous réagirons toujours à ces tentatives pour empêcher l’empire des mensonges de semer ses accusations fallacieuses dans cette salle, ce qui empêche les pays de travailler dans l’esprit de consensus devant prévaloir au sein des commissions de l’Assemblée », a‑t‑il déclaré. Par ailleurs, il a déploré le non-octroi de deux visas à des membres de la délégation russe.
La représentante des États-Unis s’est contentée de répondre sur ce dernier point que tout ce qui touche aux questions de visas doit être réglé par le comité pertinent.