L’Assemblée générale adopte huit résolutions par consensus mais se divise sur les problèmes que posent les drogues de synthèse pour la santé publique et la sécurité
L’Assemblée générale a fait siennes, cet après-midi, huit résolutions, dont une, présentée par le Kazakhstan, qui proclame 2026 Année internationale des Volontaires au service du développement durable. Si ces résolutions ont toutes été adoptées par consensus, des divisions marquées se sont fait jour sur le texte traitant de l’intensification de l’action aux niveaux national, régional et international face aux problèmes que posent les drogues de synthèse pour la santé publique et la sécurité dans le monde.
Présenté par les États-Unis, ce texte a été entériné après l’adoption d’une proposition d’amendement du Mexique, demandant l’insertion au huitième alinéa du préambule d’une mention à la résolution 77/238 adoptée en décembre 2022 par l’Assemblée générale à l’issue d’un vote. Un grand nombre de délégations se sont dissociées de cet ajout, faisant valoir que la résolution 77/238, intitulée « Aborder et combattre le problème mondial de la drogue dans le cadre d’une stratégie globale, intégrée et équilibrée », était la première sur ce thème à ne pas être consensuelle. Une deuxième proposition d’amendement du Mexique consistant à insérer au premier alinéa du préambule une référence aux « marchés de détail illicites » a été rejetée.
Le consensus a en revanche prévalu pour ce qui est de la décision en vertu de laquelle l’édition 2025 de la Conférence de haut niveau des Nations Unies visant à appuyer la réalisation de l’ODD no 14: conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable se tiendra à Nice, en France, du 9 au 13 juin 2025. Présenté par la France, également au nom du Costa Rica, le texte précise que tous les coûts afférents à l’organisation de la Conférence seront financés au moyen de ressources extrabudgétaires.
Parmi les autres textes adoptés figurent deux résolutions concernant des retraits, l’un effectif, l’autre ajourné, de la catégorie des pays les moins avancés (PMA). L’Assemblée générale a ainsi salué la volonté du Bhoutan de sortir, le 13 décembre de cette année, de la catégorie des PMA. Le texte, présenté par le Bhoutan, invite cependant les partenaires de ce pays dans les domaines du développement et du commerce à apporter leur plein appui à l’exécution du treizième plan national de développement et du plan à long terme du Bhoutan s’étendant jusqu’en 2034. De manière connexe, l’Assemblée générale a décidé d’ajourner le retrait de l’Angola de cette même catégorie, qui était prévu pour février 2024. Le texte, présenté par l’Angola, prend note de la recommandation du Conseil économique et social (ECOSOC) dans ce sens en vue d’examiner plus avant des stratégies de transition.
L’Assemblée générale a par ailleurs entériné une résolution sur la promotion du dialogue, de l’entente et de la coopération entre les religions et les cultures au service de la paix. Présenté par le Pakistan, le texte engage les États Membres à promouvoir l’inclusion et l’unité et à combattre le racisme, la xénophobie, le discours de haine, la violence et la discrimination. Elle a également fait sienne une résolution présentée par les Philippines, qui appelle à des services durables, sûrs et universels d’approvisionnement en eau, d’assainissement, d’hygiène, de traitement des déchets et d’électricité dans les établissements de santé.
Enfin, après présentation par la Présidente de la Commission de vérification des pouvoirs du rapport de cet organe concernant les pouvoirs des représentants à la soixante-dix-huitième session, l’Assemblée générale a approuvé ledit rapport en adoptant une résolution figurant au paragraphe 14 de ce document. Après cette adoption la République islamique d’Iran a exprimé ses réserves quant à la partie du rapport et de la résolution pouvant être interprétée comme une reconnaissance du « régime israélien ».
La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
Explications de position au sujet de la résolution L.25 « Conférence des Nations Unies visant à appuyer la réalisation de l’objectif de développement durable no 14: conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable, organisée en 2025 »
Après l’adoption de ce texte, l’Australie, qui s’exprimait au nom du groupe CANZ (Australie, Canada et Nouvelle Zélande), ainsi que le Royaume-Uni ont regretté que le libellé du paragraphe 16 de l’annexe 2 de la résolution, qui ne contienne pas les dispositions nécessaires pour garantir la participation de la société civile à cette conférence. Ce libellé risque de bloquer la participation des partenaires légitimes de la société civile, s’est inquiété la délégation britannique qui a voulu que toutes les voix pertinentes puissent s’exprimer sur ce sujet, notamment les communautés locales, les groupes autochtones, les pêcheurs et les experts.
Explications de position au sujet de la résolution L.26 « Promotion du dialogue, de l’entente et de la coopération entre les religions et les cultures au service de la paix »
À l’issue de l’adoption, les États-Unis ont fait part de leurs réserves au sujet du paragraphe 15 du dispositif et de l’alinéa 24 du préambule.
Le représentant de l’Espagne, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne (UE), a appelé l’ONU à se montrer impartiale et à éviter de pointer une confession particulière. Choisir d’employer le terme « islamophobie » au lieu de « discrimination anti-musulmane » ou « haine anti-musulmane », place indûment l’accent sur la protection de la religion en tant que telle, sapant ainsi les principes du droit international des droits de l’homme, où l’accent est mis sur la protection des personnes, a estimé la délégation.
La Fédération de Russie s’est inquiétée de l’adoption, le 19 octobre 2023, en première lecture par le Parlement ukrainien du projet de loi n° 8371 dont l’objectif, a-t-elle affirmé, est d’interdire complètement les activités de l’Église orthodoxe ukrainienne. Si ce texte est adopté, la plus ancienne église, qui compte des millions de paroissiens, pourrait être détruite sur le territoire de l’Ukraine dès le début de l’année prochaine et remplacée artificiellement par une structure schismatique portant un nom presque identique: l’Église orthodoxe d’Ukraine, s’est alarmée la délégation qui a dénoncé les violations par l’Ukraine de ses obligations au titre de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Exerçant son droit de réponse, l’Ukraine a accusé la Fédération de Russie d’utiliser cette question importante à des fins de propagande.
Projets d’amendement L.31 et L.32
Le Mexique a présenté deux projets d’amendement à la résolution L.24 « Intensifier l’action aux niveaux national, régional et international face aux problèmes que posent les drogues de synthèse pour la santé publique et la sécurité dans le monde ». Le premier, L.31, propose d’insérer au huitième alinéa du préambule, après « drogue », le libellé « la plus récente étant la résolution 77/238 du 15 décembre 2022, intitulée « Aborder et combattre le problème mondial de la drogue dans le cadre d’une stratégie globale, intégrée et équilibrée ». Le second, L.32, propose d’insérer au premier alinéa du préambule, après « distribution », le libellé « sur les marchés de détail illicites ».
Explications de vote
Avant la mise aux voix de ces deux projets, les États-Unis ont annoncé leur intention de s’abstenir sur la proposition d’amendement L.31 au motif que la mention à la résolution 77/238 de l’Assemblée générale -texte dont ils approuvent néanmoins le libellé- n’est pas consensuelle. Pour ce qui est de la proposition d’amendement L.32, elle revient à ajouter un nouveau concept qui n’est reconnu ni par le processus de Vienne ni par la Troisième Commission, ce que nous voulons éviter, a expliqué la délégation, rappelant que le terme « marché de détail » est employé pour désigner une utilisation légitime, à des fins scientifiques et médicales, par opposition au « marché illicite ». Ce texte dépasse donc les discussions en cours à Vienne et une erreur juridique pourrait être insérée dans la résolution en cas d’adoption, a-t-elle mis en garde. S’agissant du projet de résolution L.24, la délégation s’est déclarée convaincue de sa nature consensuelle pour répondre aux menaces médicales posées par les drogues de synthèse. Elle a par ailleurs salué le consensus atteint sur la résolution L.14, tout en exprimant des réserves sur les paragraphes 2, 4 et 6. Elle a ainsi réaffirmé que les banques de développement multilatérales, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont une structure de gouvernance et des processus décisionnels indépendants de l’ONU. Il serait par conséquent inapproprié et potentiellement néfaste pour les fonctions de ces entités que l’ONU cherche à formuler des recommandations spécifiques à leur sujet, a-t-elle fait valoir.
Le Japon a, pour sa part, appuyé la résolution L.14 en se disant convaincu de la force transformatrice de la santé. Chacun doit pouvoir accéder aux services sanitaires essentiels, indépendamment des circonstances dans lesquelles il ou elle vit, a-t-il souligné. La Fédération de Russie a regretté que la délégation du Mexique ait décidé d’apporter des amendements au projet de résolution L.24. Ces propositions, si elles étaient adoptées, priveraient un document important pour la lutte contre les stupéfiants de son statut de consensus. La délégation s’est déclarée convaincue que seule une décision consensuelle forte sur les questions de lutte contre la drogue peut garantir l’unité des approches de la communauté internationale dans l’élaboration d’une réponse efficace à la criminalité liée à la drogue. À ce jour, le dernier document de ce type est la résolution omnibus 76/188 de 2021, a-t-elle affirmé.
De fait, a poursuivi la délégation, la décision d’introduire des amendements au texte vient saper cette unité. Ces amendements constituent selon elle une continuation de la « ligne de sape » de l’unité du front antidrogue, qui a commencé l’an dernier. À l’époque, cette même délégation, qui coordonnait les travaux sur la résolution 77/238, a conduit les États à un texte délibérément incohérent, déséquilibré et tout simplement inacceptable, a-t-elle conclu, non sans rappeler que près d’un tiers des États ont refusé de soutenir ce texte.
Le Bélarus a indiqué qu’il votera contre les amendements, estimant que la résolution 77/238 ne doit pas bénéficier d’un statut spécial, même s’il s’agit du texte le plus récent. Le Mexique cherche à légitimer le « fiasco » de l’adoption de la résolution 77/238 l’an dernier. De même, avec la proposition L.32, le Mexique essaie d’induire en erreur les délégations en affirmant que ce texte comprend toute la palette de la problématique liée aux stupéfiants. En fait, il réduit la portée du premier l’alinéa du préambule, a dénoncé la délégation.
L’Égypte a dit appuyer la proposition L.31 au motif que la résolution 77/238 ne bénéficie pas de consensus. Selon elle, le dépôt de cette proposition d’amendement prouve que certains États Membres cherchent à briser le consensus sur la réponse à apporter sur le problème mondial de la drogue. La délégation a d’autre part rappelé que le libellé que suggère d’introduire la proposition d’amendement L.32 n’a jamais été présentée lors des consultations officieuses. Selon elle, la définition des types de marchés devrait faire objet de discussions au sein de la Commission de stupéfiants.
La République tchèque a demandé au Secrétariat d’enregistrer son coparrainage de la L.14.
Mise aux voix des propositions d’amendement
Le projet d’amendement L.31 a été adopté par 75 voix pour, 27 voix contre et 36 abstentions.
Le projet d’amendement L.32 a été rejeté par 19 voix pour, 36 voix contre et 82 abstentions.
Explications de position sur la résolution L.14 « Des services durables, sûrs et universels d’approvisionnement en eau, d’assainissement, d’hygiène, de traitement des déchets et d’électricité dans les établissements de santé » et L.24 « Intensifier l’action aux niveaux national, régional et international face aux problèmes que posent les drogues de synthèse pour la santé publique et la sécurité dans le monde »
La Chine a estimé que la résolution L.24 pourrait être améliorée en matière de contrôle des abus des drogues et de message sur le traitement de ce fléau. Selon la délégation, la communauté internationale doit se fonder sur le principe de responsabilité partagée, en commençant son action dans le contexte national avant d’assumer ses obligations à l’échelon international. Il faut traiter les causes pour réduire la demande nationale au lieu de renvoyer la responsabilité ailleurs, a-t-elle ajouté.
Le Qatar, qui s’exprimait également au nom du Koweït, du Sultanat d’Oman, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de Bahreïn, a salué adoption de la résolution L.24. Face à ce grand problème sur le plan mondial, nous devons redoubler d’efforts avec l’ONU et ses agences, a souligné la délégation, avant de se dissocier de l’amendement adopté.
La Suisse s’est félicitée de l’inclusion d’éléments clefs liés à l’obligation de garantir la disponibilité des drogues de synthèse en tant que médicaments essentiels et d’améliorer la prévention et l’accessibilité des traitements fondés sur des données probantes pour les personnes dépendantes. Elle a toutefois regretté que le texte final ne fasse pas référence à la résolution du Conseil des droits de l’homme 52/L.22 sur la « Contribution du Conseil concernant les incidences des politiques en matière de drogues sur les droits de l’homme », adoptée en avril dernier par consensus.
S’agissant de la L.14, le Royaume-Uni a estimé que le texte ne reconnaît pas suffisant la question de la résistance antimicrobiale et le rôle de WASH dans la lutte contre cette menace. L’Australie s’est réjouie de l’adoption de la résolution L.24 mais a estimé qu’elle aurait pu être renforcée avec des termes plus fermes sur les droits humains, la santé publique et d’autres points, regrettant une « occasion manquée ».
La République islamique d’Iran a regretté que ses propositions n’aient pas été prises en compte, notamment sa demande d’inclusion de l’assistance technique aux pays en développement pour les aider à détecter et analyser les drogues de synthèse. Quant à la résolution L.14, elle a indiqué que sa mise en œuvre dépendra des lois et priorités nationales ainsi que des valeurs sociales, culturelles et religieuses du pays.
Cuba s’est opposée aux termes non consensuels, justifiant ainsi son abstention sur les deux propositions d’amendement, la Fédération de Russie s’est cependant dissociée du consensus sur l’alinéa 8 du préambule de la résolution L.24, rappelant que la résolution 77/238 ne fait pas consensus et ne peut servir de base à la coopération internationale dans la lutte contre les drogues de synthèse. L’Iraq a appuyé la résolution L.24, tout en regrettant qu’un amendement ait été apporté à son préambule.
La Colombie a déclaré avoir appuyé la résolution L.24 et les propositions d’amendement du Mexique. Selon elle, la lutte contre les drogues de synthèse ne peut continuer sans des modifications importantes liées aux droits humains et à la protection de l’environnement. Le moment est venu pour la communauté internationale de laisser de côté son attitude punitive car il faut réduire à la fois la demande et l’offre de drogues, a-t-elle ajouté.
Il ne faut à aucun prix compromettre les politiques de lutte contre la fabrication illicite et le trafic de drogues de synthèse si nous voulons nous attaquer sérieusement à la menace de la toxicomanie, a souligné Sri Lanka, selon lequel les systèmes juridiques doivent être encouragés à répondre de la manière la plus stricte au problème de la toxicomanie et à ceux qui se livrent au commerce et à la commercialisation illicites de ces drogues. Après avoir souligné que les lois contre la toxicomanie doivent être claires, équitables et prévisibles et tenir dûment compte de l’état de droit, la délégation a précisé avoir voté en faveur de cette résolution et de l’amendement à l’alinéa 1 et s’être abstenue de voter sur l’amendement à l’alinéa 8.
Après le Bélarus, qui s’est dissocié de l’alinéa 8 du préambule, l’Égypte a souligné que le consensus doit constituer la base de l’action collective dans la lutte contre les stupéfiants. C’est pour cela qu’après avoir voté contre les deux amendements, nous avons décidé de nous joindre au consensus sur la résolution adoptée, a indiqué la délégation. Le Nicaragua s’est lui aussi associé au consensus sur la L.24 tout en estimant que l’alinéa 8 du préambule ne contribue pas au consensus sur cette question importante.
Singapour s’est également dissociée de l’alinéa 8 du préambule qui, selon elle, repositionne le texte en le reliant à la résolution 77/238, la première sur cette question à n’avoir pas bénéficié d’un consensus international.
Le Canada a regretté que la mention à cette résolution ait posé problème, jugeant cette référence appropriée. La délégation a ajouté qu’elle aurait aimé davantage d’ambition sur la question des inégalités sociales et économiques.
L’Indonésie s’est déclarée déçue de l’amendement adopté, qui détourne le texte de l’esprit du consensus. Le Mexique s’est associé au consensus, tout en regrettant que certaines approches du problème mondial des drogues n’aient pas été incluses de manière explicite, notamment les efforts pour réduire la mortalité liée aux abus. Il a aussi déploré le manque d’une approche claire vis-à-vis des droits humains, saluant en revanche l’adoption de l’amendement concernant l’alinéa 8 du préambule du texte.
Au nom de l’Union européenne, l’Espagne a regretté les lacunes en matière de droits humains du texte. La délégation a souligné l’importance des mesures de réduction des risques et de l’intégration d’une perspective de genre et d’âge, en gardant à l’esprit que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par les drogues de synthèse en particulier, et qu’elles sont confrontées à des obstacles importants dans l’accès au traitement.
La République arabe syrienne a regretté qu’une délégation ait forcé la main des États Membres pour un vote qui n’était pas nécessaire. Elle a répété que la résolution 77/238 ne constitue pas une base consensuelle sur le problème des stupéfiants, et s’est donc dissociée de l’alinéa 8 du préambule de la résolution L.24 tel qu’amendé. Le Saint-Siège s’est félicité du consensus sur la résolution L.24 tout en regrettant qu’il y soit fait mention d’une résolution non consensuelle. La délégation a par ailleurs estimé que le terme genre renvoie à la différence biologique entre l’homme et la femme.