Soixante-dix-huitième session,
29e & 30e séances plénières - matin & après-midi
AG/12558

L’Assemblée générale, saisie du rapport de l’AIEA, débat de l’énergie nucléaire aux fins de développement et des menaces à la sécurité nucléaire

L’Assemblée générale réunie en plénière a salué, aujourd’hui, le rôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en faveur d’une énergie nucléaire plus efficace, plus sûre et avantageuse pour toute l’humanité.  Près de 50 États Membres ont pris la parole à la suite du Directeur général de l’Agence, M. Rafael Mariano Grossi, venu présenter son rapport 2022, un document de plus de 200 pages couvrant tous les domaines d’activité de l’Agence.   

Des changements climatiques -l’Agence était présente à la COP27-, à la santé en passant par l’agriculture, M. Grossi a évoqué certaines des solutions que l’énergie nucléaire peut apporter pour améliorer l’environnement et la vie quotidienne de milliards d’êtres humains.  Comme attendu, il a également abordé les questions sensibles de non-prolifération et de sûreté nucléaires, suscitant les critiques de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), de l’Iran et de la Russie.  À l’issue du débat, le projet de résolution A/78/L.7, présenté par l’Argentine et qui salue la reconduction dans ses fonctions de M. Grossi par le Conseil des gouverneurs de l’Agence jusqu’en décembre 2027, a été adopté sans vote.   

Sur le versant positif de sa présentation, le Directeur général de l’AIEA a mis en exergue plusieurs initiatives que mène l’Agence dans des pays de tous les continents du globe, dont « Atoms4NetZero », qui soutient les efforts déployés par les États Membres pour exploiter le potentiel de l’électronucléaire aux fins de développement durable et de transition énergique « verte »; « Rayons d’espoir », qui aide à combattre le cancer en facilitant l’accès de tous aux outils diagnostics et curatifs offerts par les radiotechnologies; « NUTEC Plastics », qui vise à relever le défi mondial de la pollution par le plastique; ou encore le projet d’Action intégrée contre les zoonoses (ZODIAC).   

« L’Agence, aux côtés de la FAO, aide également les États Membres à appliquer des techniques nucléaires pour durabiliser la productivité agricole, renforcer la résilience du système agricole et la sécurité alimentaire, et réduire les émissions de gaz à effet de serre en agriculture », a indiqué M. Grossi.  « Sans l’énergie nucléaire, les émissions de CO2 seraient beaucoup plus élevées », a-t-il encore relevé sur ces questions de développement durable, notant qu’un quart de l’électricité produite dans le monde l’est par des centrales nucléaires sûres, économes et non polluantes à très long terme.   

Ces programmes de coopération technique conduits avec les plus de 180 États ayant un accord de garanties généralisées avec l’Agence, ont été salués par les délégations des pays d’Amérique latine et d’Afrique, parmi lesquelles le Mexique, la Colombie, le Chili, le Costa Rica, l’Afrique du Sud, la Namibie, le Nigéria et le Burkina Faso.  Leurs représentants ont qualifié la coopération avec l’AIEA de véritable catalyseur de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) et de l’application du pilier du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) relatif à l’exercice du droit des parties aux utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire.   

Toutefois, cette unanimité s’est brisée lorsqu’il s’est agi d’aborder les programmes nucléaires de la RPDC et de l’Iran, et quand la situation dramatique en Ukraine et au Moyen-Orient s’est invitée au débat.   

M. Grossi a appelé à l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), quelques jours après la révocation de la ratification de cet instrument de la Russie et alors que la communauté internationale redoute un nouvel essai de la part de la RPDC.  Sur ce point, il a fait remarquer que l’AIEA s’efforce de surveiller d’aussi près qu’elle le peut les activités nucléaires de Pyongyang.   

Le représentant de la RPDC a réagi vivement à la tribune, fustigeant tant le rapport de l’Agence que le projet de résolution de l’Argentine, qui tous deux, a-t-il accusé, contiennent des références erronées aux activités nucléaires menées par son pays « au nom du principe de légitime défense ».  « En raison des politiques hostiles des États-Unis et de leurs alliés, nous ne modifierons pas notre statut d’État doté d’armes nucléaires », a-t-il averti.   

La République de Corée, pour qui la RPDC n’est pas et ne sera jamais un État doté en vertu du TNP, le Japon, l’Union européenne et ses États membres, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont exhorté la RPDC à abandonner son programme nucléaire et de missiles et à le démanteler sous la supervision de l’AIEA.  L’Autriche, pays hôte de l’AIEA, a salué la direction efficace de M. Grossi, cependant que le Royaume-Uni a annoncé une contribution pour 2024 de plus de 4 millions de livres sterling à l’appui de la mise en œuvre de programmes de coopération technique de l’Agence dans les pays en développement.   

« L’AIEA reste également prête à aider l’Iran à faire la démonstration du caractère exclusivement pacifique de son programme nucléaire, et elle continuera, en 2024, d’inspecter des quantités importantes de matières nucléaires dans le but d’en sécuriser le stockage et d’en éviter tout détournement ou utilisation malveillante », a déclaré M. Grossi.  L’Iran a réagi en demandant au Directeur général de l’Agence de faire preuve de davantage d’impartialité dans ses rapports et de ne pas déformer les faits, notamment en ce qui concerne le Plan d’action global commun, dont l’arrêt n’est imputable qu’au retrait des États-Unis.   

« Certains pays en développement se voient empêchés de bénéficier de l’énergie nucléaire civile pour la santé et le bien-être de leur population, pendant qu’Israël peut menacer de raser Gaza avec ses bombes atomiques illégales sans recevoir de condamnation de la communauté internationale », a par ailleurs déclaré le représentant iranien.  Il a assuré que les nombreuses vérifications des inspecteurs de l’AIEA n’avaient jamais contredit la nature pacifique du programme nucléaire iranien ni même pu suggérer que des matières nucléaires pourraient être détournées à des fins militaires.   

Les représentants de pays du Moyen-Orient, dont l’Égypte, l’Iraq, le Koweït et Oman, ont exhorté Israël, qualifié par la Syrie « d’anomalie nucléaire de la région », à adhérer au TNP, à placer ses installations nucléaires « protégés par les États-Unis » sous le contrôle de l’AIEA et de participer au cycle de conférences sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, dont la quatrième session se tiendra la semaine prochaine à New York.  Ces pays se sont de plus étonnés que l’AIEA n’ait fait aucun commentaire officiel après l’appel d’un ministre israélien à employer l’arme nucléaire pour détruire Gaza « et ses 2 millions d’habitants ».   

Sur le sujet épineux de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporizhzhia, occupée par les forces militaires russes depuis bientôt deux ans, M. Grossi a souligné que, si l’AIEA met tout en œuvre pour maintenir une présence régulière sur place, c’est pour éviter une catastrophe aux conséquences inimaginables et parce qu’elle reste convaincue que l’énergie du nucléaire est et doit rester une force du bien.  « Je l’ai dit au Conseil de sécurité: les centrales nucléaires ne doivent jamais être militarisées et être le théâtre d’un conflit », atil précisé.   

Le représentant de l’Ukraine a salué le courage des experts de l’AIEA documentant, « parfois au péril de leur vie », les agissements de l’agresseur et de l’occupant russe.  « Comment la Russie peut-elle encore siéger au Conseil des gouverneurs de l’Agence? », a-t-il aussi demandé, avant de dresser le bilan des sabotages de la Russie pour abaisser le degré de sécurité de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia.  La Russie, qui bafoue le statut de l’AIEA, doit répondre de ses actes, a-t-il martelé.   

Le représentant russe a répliqué que l’AIEA étant avant tout un mécanisme de contrôle de la mise en œuvre du TNP, elle se doit d’agir et de s’exprimer de manière strictement technique, objective et impartiale.  « Faire figurer à l’ordre du jour de ses organes des questions relevant de son statut n’est pas acceptable, les activités de l’Agence ne devant subir aucune politisation », a-t-il insisté.  Il a jugé que certaines résolutions étaient adoptées sous la pression des États-Unis et de leurs alliés du Conseil des gouverneurs, les qualifiant de tissus d’allégations antirusses infondées, notamment celles condamnant de prétendues attaques menées par les forces russes depuis la centrale nucléaire de Zaporizhzhia.  « C’est l’Ukraine qui joue avec le feu, c’est l’Ukraine qui continue, en véritable maître chanteur, d’en menacer les points les plus vulnérables et d’y entraver l’accès des experts de l’AIEA », a-t-il affirmé.   

Le Pakistan, État doté non officiellement d’armes nucléaires, a tenu à souligner l’excellence de la coopération qui le lie avec l’AIEA en matière de vérification de la sûreté de ses six centrales nucléaires, tandis que le Myanmar a demandé à l’Agence et au Conseil de sécurité d’empêcher que « la junte » au pouvoir dans son pays accède à des matières nucléaires.  Son représentant a en effet averti que, par le passé, la junte avait détourné à des fins militaires et de répression sanglante contre les civils des équipements duals.   

D’autres situations spécifiques de pays appartenant à d’autres régions, comme celles de Cuba, du Japon et du Kazakhstan, ont été évoquées.  Le représentant cubain a ainsi fait savoir qu’en raison du blocus économique imposé à son pays par les États-Unis, des manufactures américaines sous contrat avec l’AIEA ne peuvent pas lui vendre certaines technologies nucléaires civiles.  « Nos programmes conjoints de coopération technique avec l’Agence ne peuvent être correctement conduits, ce qui représente une violation de l’Article IV du TNP », a déclaré le délégué.   

Par ailleurs, après que le Directeur général de l’Agence a signalé que l’Agence poursuivra ses examens de la sûreté de l’eau traitée par Système avancé de traitement des liquides (ALPS) à la centrale japonaise de Fukushima, le Japon a déclaré que son pays continuerait à rendre publics les résultats de ces examens.  Sur cette question, la Chine a appelé l’Agence à mettre en place un système permettant d’empêcher tout dommage à la santé publique par les déversements radioactifs du Japon dans les océans.   

De son côté, le représentant du Kazakhstan, pays à l’origine de l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires en Asie centrale en 2006, a demandé que soit assurée l’égalité souveraine de tous les États représentés à l’Agence.   

Enfin, Sri Lanka a appelé les États Membres à garantir un financement véritablement pérenne à l’Agence, afin de lui permettre de mener à bien ses programmes de coopération technique en lien avec le droit de tous les pays aux utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire et la réalisation connexe des ODD.   

En fin de séance, les pays suivants ont exercé leur droit de réponse, lesquels ont porté sur les crises en Ukraine et au Moyen-Orient et sur le contentieux entre la Chine et le Japon autour de l’eau traitée par ALPS à la centrale japonaise de Fukushima: Israël, le Bélarus, la Fédération de Russie, l’Ukraine, le Japon, l’Iran, la Syrie et la Lituanie.

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