Soixante-dix-huitième session,
19e séance - matin
AG/12545

Assemblée générale: la Présidente du Mécanisme résiduel annonce la conclusion de la dernière affaire héritée du TPIY et présente ses nouvelles priorités

La Présidente du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux a déclaré, ce matin, à l’Assemblée générale, que l’entité avait atteint une « phase critique » de son existence, précisant que plus aucun procès en première instance ou en appel n’est en cours relativement aux crimes principaux incorporés dans le Statut du Mécanisme. 

Mais cela ne signifie pas pour autant que nous allons fermer nos portes, a indiqué Mme Graciela Gatti Santana qui a présenté les nouvelles priorités de sa présidence axées notamment sur l’élaboration d’un cadre d’action pour mener à bien les fonctions pendant la nouvelle phase résiduelle du Mécanisme, la bonne gouvernance dans l’exécution de ses fonctions et, enfin, la poursuite de la consolidation de l’héritage des Tribunaux ad hoc et du Mécanisme. 

Au préalable, elle a précisé qu’avec le prononcé de l’arrêt, le 31 mai, dans l’affaire Jovica Stanišić et Franko Simatović, le Mécanisme a conclu sa dernière affaire relative aux crimes principaux héritée du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). 

Cette annonce a été saluée par la majorité des délégations, y compris par la Nouvelle-Zélande qui, au nom du groupe CANZ, a affirmé que ce jugement démontre que la justice et la responsabilité peuvent être obtenues grâce à un engagement durable de la communauté internationale. 

La Fédération de Russie, en revanche, a déclaré que la partialité et la non-application de normes uniformes à tous sont devenues les caractéristiques de la « justice de La Haye », fustigeant notamment la « tendance anti-serbe » du TPIY.  De son côté, l’Albanie a appelé la Serbie à exécuter les mandats d’arrêt contre Petar Jojić et Vjerica Radeta, s’inquiétant en outre de la montée des discours de haine et la négation du génocide dans les Balkans occidentaux.

S’agissant de l’affaire héritée du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) concernant Félicien Kabuga, la Présidente du Mécanisme a fait savoir que, le 7 août, la Chambre d’appel a confirmé que ce dernier n’était pas apte à être jugé et qu’il était très peu probable qu’il le redevienne. 

La décision de suspendre indéfiniment le procès du « cerveau du génocide » a « consterné » la délégation du Rwanda, y voyant une « gifle » aux victimes et aux survivants du génocide, ainsi qu’un « très dangereux précédent ».  « La justice n’a pas d’âge », a souligné le représentant, notant que des tribunaux ont condamné des criminels nazis plus âgés que l’intéressé. 

Mais, pour l’Union européenne, cette décision témoignerait au contraire que les Tribunaux ad hoc et le Mécanisme « ne sont pas des instruments de représailles, mais de justice et de responsabilité ».  Selon l’analyse de la délégation, la Chambre d’appel aurait estimé que les intérêts essentiels de la communauté internationale à poursuivre les individus accusés de violations graves du droit international humanitaire doivent être mis en balance avec les droits fondamentaux de l’accusé. 

Quant aux fugitifs restants, tout en se félicitant de l’arrestation de Fulgence Kayishema, l’un des fugitifs du génocide rwandais les plus recherchés au monde, plusieurs délégations ont appelé à poursuivre trois Rwandais encore en fuite.  La traque des fugitifs demeure une fonction clef du Mécanisme pour garantir la punition des crimes graves, a insisté le Brésil, tandis que les États-Unis ont exhorté les États Membres qui pourraient les héberger ou savoir où ils se trouvent à coopérer avec le Mécanisme résiduel et ses enquêtes.  Une position appuyée par le représentant du Rwanda, qui a dénoncé le manque de collaboration des États Membres pour les quelque 1 000 actes d’accusation envoyés par le Rwanda à 34 pays afin de poursuivre les fugitifs ou de les transférer à son pays. 

Dans son exposé devant les États Membres, la Présidente a par ailleurs signalé que le Mécanisme a également besoin de toute urgence d’une assistance supplémentaire en ce qui concerne l’exécution des peines, signalant qu’un nombre accru de personnes condamnées sont renvoyées au quartier pénitentiaire des Nations Unies à La Haye, par des États qui ne sont plus en mesure de se charger de l’exécution des peines en raison d’obstacles juridiques ou autres au sein de leurs juridictions nationales. 

L’Assemblée générale reprendra ses travaux jeudi 26 octobre, à partir de 10 heures.

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX (A/78/257)

Débat sur la question

Mme GRACIELA GATTI SANTANA, Présidente du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a annoncé que le Mécanisme résiduel a atteint une phase cruciale de son existence puisque plus aucun procès en première instance ou en appel n’est en cours relativement aux crimes principaux incorporés dans le Statut du Mécanisme.  De fait, a-t-elle précisé, avec le prononcé de l’arrêt, le 31 mai, dans l’affaire Jovica Stanišić et Franko Simatović, le Mécanisme a conclu sa dernière affaire relative aux crimes principaux héritée du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). 

L’affaire héritée du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) concernant Félicien Kabuga a aussi connu des développements décisifs, a-t-elle indiqué, précisant que le 7 août, la Chambre d’appel a confirmé que Félicien Kabuga n’était pas apte à être jugé et qu’il était très peu probable qu’il le redevienne.  En outre, la Chambre d’appel a rejeté́ la décision de la Chambre de première instance d’adopter une procédure alternative visant à dégager des conclusions, au motif qu’elle constituait une erreur de droit.

La décision rendue le 7 août par la Chambre d’appel a véritablement fait entrer le Mécanisme dans sa phase résiduelle, a fait valoir Mme Gatti Santana.  Plus aucun procès en première instance ou en appel n’étant en cours relativement aux crimes principaux, l’attention s’est, désormais, déplacée des procédures en salle d’audience vers les fonctions résiduelles à plus long terme confiées par le Conseil en 2010.  Cependant, a nuancé la Présidente, la conclusion des activités en salle d’audience ne signifie pas pour autant que « nous allons fermer nos portes », car il reste encore beaucoup de travail.

Afin de mieux refléter la réalité actuelle, elle a estimé impératif de revoir les objectifs clefs de sa propre présidence, annonçant ses nouvelles priorités. Premièrement, présenter au Conseil de sécurité un cadre d’action pour mener à bien les fonctions pendant la nouvelle phase résiduelle du Mécanisme.  Cette priorité est intrinsèquement rattachée aux activités de planification pour l’avenir du Mécanisme, a-t-elle souligné.  La deuxième priorité de la Présidente est de promouvoir une direction efficace et une bonne gouvernance dans l’exécution des fonctions qui ont été confiées au Mécanisme et des activités résiduelles.  Quant à sa troisième nouvelle priorité, elle consiste à continuer de consolider l’héritage des Tribunaux ad hoc et du Mécanisme et de travailler étroitement avec l’ensemble des principales parties intéressées.  Ainsi, le Mécanisme continuera à soutenir les juridictions nationales de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda en répondant aux demandes d’assistance, entre autres activités. 

Par ailleurs, a poursuivi Mme Gatti Santana, il sera indispensable de s’assurer que les documents judiciaires publics du Mécanisme soient aussi accessibles que possible, notamment grâce à la création de centres d’information.  Elle a rappelé qu’un tel centre avait ouvert ses portes à Sarajevo en 2018 et a affirmé avoir bon espoir qu’un deuxième verra le jour à Zagreb dans un avenir proche. 

La Présidente a ensuite jugé impérieux de coopérer davantage dans un certain nombre de domaines.  Elle est revenue, à cet égard, sur la situation des personnes acquittées ou libérées ayant été réinstallées sur le territoire de la République du Niger il y a plus de 22 mois, et qui demeurent de facto assignées à résidence à la suite de la violation par le Niger de l’accord qu’il a conclu avec l’ONU. Cette situation délicate, qui n’est pas le fait du Mécanisme, a été exacerbée par la crise politique que traverse le pays depuis peu et continue de porter atteinte aux droits des personnes réinstallées, s’est-elle inquiétée.

Évoquant ensuite l’arrestation et le transfèrement des accusés dans l’affaire d’outrage mettant en cause Petar Jojić et Vjerica Radeta, Mme Gatti Santana a indiqué que, bien que le Conseil de sécurité ait été par trois fois informé du manquement de la Serbie à son obligation de coopérer avec le Mécanisme ou le TPIY dans cette affaire, les mandats d’arrêt n’ont toujours pas été exécutés. 

Le Mécanisme a également besoin de toute urgence d’une assistance supplémentaire en ce qui concerne l’exécution des peines.  Ces dernières années, a-t-elle expliqué, nous avons recensé un nombre accru de personnes condamnées renvoyées au quartier pénitentiaire des Nations Unies, à La Haye, par des États qui ne sont plus en mesure de se charger de l’exécution des peines en raison d’obstacles juridiques ou autres au sein de leurs juridictions nationales.  En conséquence, nos responsabilités dans le domaine de l’exécution des peines deviennent, dans certains cas, des problèmes de détention à long terme, a-t-elle signalé avant d’encourager d’autres États à se manifester et à se porter volontaires en vue de soutenir le Mécanisme dans cette fonction essentielle. 

Au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), Mme CAROLYN SCHWALGER (Nouvelle-Zélande) a réaffirmé son soutien ferme aux activités du Mécanisme, rappelant que les Tribunaux pénaux ad hoc ont joué un rôle déterminant dans la lutte contre l’impunité pour certains des crimes internationaux les plus graves.  Ensemble, le Mécanisme et les Tribunaux ont façonné le développement du droit pénal international et illustré de quelle façon les institutions fondées sur des règles peuvent contribuer à assurer la responsabilisation.  La représentante a félicité le Mécanisme pour les progrès significatifs récents réalisés dans l’accomplissement de son mandat, notamment l’arrêt en appel prononcé dans l’affaire Stanišić et Simatović.  Dernière affaire relevant du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), ce jugement met un terme au travail mené par ce Tribunal, ce qui démontre, a affirmé la représentante, que la justice et la responsabilité peuvent être obtenues grâce à un engagement durable de la communauté internationale. 

S’agissant du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), la représentante a partagé la déception des victimes face à la décision en appel de suspendre indéfiniment la procédure engagée contre Félicien Kabuga.  Néanmoins, l’augmentation du nombre de demandes d’assistance reçues par le Bureau du Procureur souligne, selon elle, l’importance du soutien fourni aux autorités nationales.  La déléguée a salué la contribution du Service des dossiers judiciaires et des services d’appui et de protection des témoins, lesquels ont assuré la sécurité de quelque 3 200 témoins.  Elle s’est également félicitée de l’arrestation, cette année, de Fulgence Kayishema.  « Cette arrestation nous rappelle nos obligations individuelles et collectives d’améliorer la coopération avec le Mécanisme », a-t-elle ajouté.  Enfin, elle a exprimé son appui à la planification « méticuleuse » du Mécanisme pour la prochaine phase de son existence, conformément aux stratégies d’achèvement. 

Au nom des États baltes, Mme SANITA PAVĻUTA-DESLANDES (Lettonie) a souligné le rôle crucial du Mécanisme dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, soulignant que son efficacité dépend de la coopération des États.  Elle a ainsi appelé ces derniers à respecter leurs obligations internationales et à coopérer pleinement, notamment dans l’arrestation des fugitifs.  La déléguée a loué le travail du Mécanisme dans la préservation des héritages des Tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, et l’a félicité pour les progrès significatifs accomplis au cours de la dernière année, notamment en ce qui concerne le jugement en appel dans l’affaire Stanišić et Simatović

Elle a relevé l’importance accordée par le Mécanisme résiduel au soutien et à la protection des témoins, regrettant toutefois les cas où des accusés ont tenté d’interférer avec les témoins.  Enfin, la représentante a fermement soutenu la création d’un tribunal international spécial pour poursuivre le crime d’agression contre l’Ukraine, réitérant ainsi le soutien inébranlable des États baltes à la justice pénale internationale en général et au Mécanisme en particulier. 

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, s’est félicitée de la conclusion de toutes les procédures liées aux crimes les plus graves portées devant le TPIY.  De fait, avec le prononcé le 31 mai 2023 de l’arrêt d’appel dans l’affaire Stanišić et Simatović, une seule affaire de crimes majeurs reste inscrite au rôle du Mécanisme, à savoir l’affaire Kabuga non apte à être jugé, conformément à la décision du 7 août 2023 de la Chambre d’appel.  La représentante a reconnu que cette décision devait être décevante pour les victimes et les survivants des crimes dont M. Kabuga est accusé.  Pourtant, la Chambre d’appel a estimé que les intérêts essentiels de la communauté internationale à poursuivre les individus accusés de violations graves du droit international humanitaire doivent être mis en balance avec les droits fondamentaux de l’accusé.  Cette décision témoigne que les Tribunaux ad hoc et le Mécanisme ne sont pas des instruments de représailles, mais de justice et de responsabilité, a-t-elle fait valoir. 

S’agissant des fugitifs restants, elle a félicité tous les États qui ont joué un rôle crucial dans l’arrestation de Fulgence Kayishema, l’un des fugitifs du génocide rwandais les plus recherchés au monde.  C’est une autre affirmation que la justice a le bras long et que, peu importe le temps que cela prend, les auteurs des crimes les plus graves doivent, en fin de compte, répondre de leurs actes.  Elle a ensuite appelé à une coopération accrue de la part des États pour garantir l’exécution de toutes les condamnations, ainsi que pour résoudre la situation des huit personnes acquittées ou libérées qui ont été relocalisées au Niger en décembre 2021. 

Mme MARIA ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a déclaré que la justice pénale internationale contemporaine n’est pas à la hauteur des idéaux fixés, s’inquiétant de l’érosion de ses rouages et sa politisation.  De fait, a étayé la représentante, le TPIY est devenu un instrument politique entre les mains des pays qui ont bombardé la Yougoslavie dans le cadre de la coalition de l’OTAN. 

Selon la représentante, le principe de l’égalité devant la loi a été bafoué par la « tendance » anti-serbe dans les activités de cette autorité, et les accusés non serbes « s’en sont sortis indemnes ». 

De même, les crimes de l’OTAN lors du bombardement de la Yougoslavie sont également restés impunis, a-t-elle déploré, affirmant que la partialité et la non-application de normes uniformes à tous sont devenues les caractéristiques de la « justice de La Haye ».  Changer le nom du TPIY en Mécanisme résiduel n’a pas changé sa nature, a-t-elle persiflé.

Dans ce contexte, la déléguée a jugé particulièrement étrange d’entendre parler de la préservation du soi-disant « héritage » des Tribunaux pénaux internationaux.  Elle a appelé à examiner de plus près ce qu’est ce « patrimoine », rappelant « l’histoire déjà oubliée » de la manière dont le TPIY a agi face aux crimes de l’OTAN en Yougoslavie, accusant en outre ce Tribunal d’avoir transformé d’anciens combattants en hommes politiquement respectables. 

M. ADAM KUYMIZAKIS (Malte) a salué les réalisations des Tribunaux pénaux et du Mécanisme résiduel pour forger une « culture contre l’impunité ».  Toutefois, la restructuration et la rationalisation ne peuvent plus attendre et toute duplication des efforts doit être évitée, a-t-il prévenu.  Il est néanmoins nécessaire, à ses yeux, de poursuivre les activités concernant l’exécution des peines, la préservation des archives, la protection des témoins et l’entraide judiciaire avec les États Membres.  Le représentant a salué le jugement en appel rendu dans l’affaire Stanišić et Simatović, dernière affaire héritée du TPIY, tout en prenant acte de la suspension indéterminée de l’affaire Félicien Kabuga.  L’accent mis par le Bureau du Procureur sur l’achèvement des procès et des appels, l’arrestation des fugitifs et l’aide aux juridictions nationales ont également rencontré l’aval de la délégation.  Qui plus est, l’arrestation de Fulgence Kayishema, en mai dernier, atteste de la détermination du Bureau. 

Le délégué a ensuite jugé crucial de rendre accessibles les archives publiques des Tribunaux ad hoc et du Mécanisme résiduel.  Face au déni « dangereux » et au révisionnisme, il a estimé que les autorités nationales doivent poursuivre leur travail de réconciliation et d’apaisement, en s’attaquant aux causes profondes des conflits et en adoptant des approches centrées sur les victimes.  Malgré l’ampleur de la tâche, le représentant a fait valoir que les actions prises par le Mécanisme résiduel permettent de renforcer la lutte contre l’impunité. 

M. VICTOR SILVEIRA BRAOIOS (Brésil) a rappelé que le Conseil avait conçu le Mécanisme comme une institution temporaire, dont les fonctions devraient diminuer au fil du temps, et a ainsi salué l’établissement, en janvier dernier, d’un panel chargé d’évaluer la durée et la nature des fonctions judiciaires du Mécanisme.  Le délégué s’est également félicité de la conclusion des procédures d’appel dans l’affaire Stanišić et Simatović le 31 mai.  Il a ensuite relevé la décision de la Chambre d’appel du 8 août de suspendre indéfiniment les procédures en raison de l’incapacité de M. Félicien Kabuga à être jugé.  Le représentant a relevé en outre que certaines fonctions résiduelles à long terme du Mécanisme, telles que la supervision de l’exécution des peines et la protection des victimes et des témoins, devront être réalisées « jusqu’à ce que le dernier condamné décède ou termine de purger sa peine ». 

Il a souligné que la traque des fugitifs demeure une fonction clef du Mécanisme pour garantir la punition des crimes graves, saluant la contribution décisive du Bureau du Procureur à l’arrestation de Fulgence Kayishema, en fuite depuis plus de 20 ans.  Il a rappelé qu’il reste toutefois encore trois fugitifs dans cette affaire.  Enfin, le représentant a souligné l’importance de la coopération internationale et du principe de complémentarité entre tribunaux internationaux et juridictions nationales pour permettre au Mécanisme de remplir son mandat. 

M. CHRISTOPHER P.  LU (États-Unis) s’est réjoui des « énormes progrès » accomplis par le Mécanisme résiduel, citant notamment la capture de Fulgence Kayishema, figure importante du génocide rwandais, qui échappait à son arrestation depuis plus de 20 ans. Il a souhaité que son arrestation apporte aux victimes un certain réconfort et dit attendre avec impatience une conclusion rapide et équitable de la procédure judiciaire entourant la demande du Mécanisme résiduel visant à le transférer sous sa garde. 

Le temps presse particulièrement dans les affaires restantes, a prévenu le délégué, en évoquant la récente décision de la Chambre d’appel déclarant Félicien Kabuga non apte à être jugé.  Craignant qu’une « justice tardive » risque de se transformer en « déni de justice », il a appelé à prendre des mesures supplémentaires, pressant à une résolution rapide des cas des trois fugitifs rwandais restants.  Il a exhorté, à cet égard, les États Membres qui pourraient les héberger ou savoir où ils se trouvent, à coopérer avec le Mécanisme résiduel et ses enquêtes. 

Pour finir, le représentant a salué l’arrêt rendu par le Mécanisme dans l’affaire Stanišić et Simatović, la dernière impliquant des crimes graves commis dans l’ex-Yougoslavie, qui vient clôturer un chapitre important de l’histoire de la justice pénale internationale.  Ce Tribunal a démontré que même les dirigeants militaires et politiques les plus haut placés peuvent être tenus pour responsables d’atrocités criminelles, a-t-il indiqué. 

M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda) a salué le travail accompli par la Présidente du Mécanisme résiduel afin de rendre justice aux victimes du génocide de 1994 contre les Tutsis.  Il a en outre félicité le Bureau du Procureur pour ses efforts inlassables qui ont permis l’arrestation de Fulgence Kayishema.  « Les fugitifs doivent savoir que la justice n’a pas de date d’expiration », a-t-il prévenu.  Le représentant s’est toutefois dit « consterné » par la décision de suspendre indéfiniment le procès de Félicien Kabuga, « cerveau du génocide », y voyant une « gifle » aux victimes et aux survivants du génocide, ainsi qu’un « très dangereux précédent ».  « La justice n’a pas d’âge », a continué le représentant, notant que des tribunaux ont condamné des criminels nazis plus âgés.

Poursuivant, le délégué s’est dit préoccupé que le système de l’ONU juge approprié d’affecter l’argent fourni par les États Membres aux anciens condamnés, dont certains vivent au Niger, alors qu’aucun fonds n’est destiné à soutenir les survivants.  Il s’est inquiété de la tendance au déni du génocide et à la glorification des anciens condamnés, en particulier ceux ayant bénéficié d’une libération anticipée.  Le représentant a également dénoncé le manque de collaboration des États Membres pour les quelque mille actes d’accusation envoyés par le Rwanda à 34 pays afin d’arrêter et de poursuivre les fugitifs ou de les transférer au Rwanda.  Pourtant, a-t-il rappelé, les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale obligent les États Membres à apporter l’assistance nécessaire au Mécanisme résiduel.  Dans ce contexte, il a jugé primordial de renforcer le droit pénal international en instituant une disposition globale concernant les libérations anticipées.  Le représentant a également appelé à combattre l’idéologie du génocide et à intensifier les efforts visant à appréhender les fugitifs recherchés par le système judiciaire rwandais. 

M. NAGANO SHUNSUKE (Japon) a réaffirmé son soutien au Mécanisme, en ce qu’il contribue de manière significative à la promotion des droits humains internationaux et à la lutte contre l’impunité.  Après avoir salué ses efforts inlassables en ex-Yougoslavie, le représentant s’est félicité de l’arrestation, cette année, de Fulgence Kayishema, recherché pour le meurtre allégué de plus de 2 000 réfugiés tutsis.  Il a loué le soutien important apporté par l’Afrique du Sud, l’Eswatini, le Mozambique et le Rwanda, et a exprimé son espoir que les trois fugitifs restants soient rapidement traduits en justice. 

Tout en comprenant que le respect d’une procédure régulière et légitime nécessite du temps, le délégué a exhorté le Mécanisme à avancer ses procédures selon un calendrier clair et raisonnable soulignant que, pour les victimes et les sociétés, la justice doit être rendue aussi rapidement que possible.  Il a également insisté sur la nécessité pour tous les États Membres de soutenir le Mécanisme en respectant leurs obligations découlant des résolutions du Conseil de sécurité. 

M. ANDRIS STASTOLI (Albanie) a salué la décision du Mécanisme du 31 mai 2023, d’élargir les condamnations de Jovica Stanišić et Franko Simatović, deux alliés de l’ancien Président Slobodan Milošević, plutôt que de les disculper.  Il s’agit d’une étape importante dans la quête de justice dans les Balkans, 30 ans après la création du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie, a affirmé le représentant. 

Il a exhorté tous les États à collaborer avec le Mécanisme, conformément à leurs obligations internationales, regrettant que certains États Membres refusent toujours de le faire.  À cet égard, le délégué a appelé la Serbie à coopérer et à exécuter les mandats d’arrêt contre Petar Jojić et Vjerica Radeta, en veillant à ce qu’ils soient traduits en justice.  Profondément préoccupé par les actes glorifiant les criminels de guerre dans l’espace public, ainsi que par la montée des discours de haine et la négation du génocide et d’autres crimes atroces dans les Balkans occidentaux, le représentant a appuyé les efforts du Mécanisme pour lutter contre le révisionnisme sous toutes ses formes. 

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne) a indiqué que quatre peines de prison prononcées par le TPIY sont appliquées sous la juridiction allemande.  Il a fait siennes les priorités du Procureur du Mécanisme résiduel, à savoir, l’achèvement rapide des procès et des appels, la localisation et l’arrestation des fugitifs du TPIR, et l’assistance aux juridictions nationales.  Le délégué a vu dans l’arrestation de Fulgence Kayishema, la preuve de la coopération inlassable entre les États en ce qui concerne l’appréhension des fugitifs toujours en liberté.  Il a exhorté tous les États Membres à coopérer pleinement avec le Mécanisme pour mettre fin à l’impunité.  Dans l’intervalle, a-t-il ajouté, nous devons protéger l’héritage des tribunaux internationaux et des mécanismes de responsabilisation, en particulier à une époque où les événements nous rappellent l’importance de la reddition de comptes pour les crimes commis pendant les conflits armés. 

M. JOSEPH MWASOTA (République-Unie de Tanzanie) a débuté son allocution en rendant hommage à la défunte juge Elizabeth Ibanda-Nahamya, saluant son dévouement à l’état de droit et à la justice pénale internationale, accueillant ensuite favorablement la nomination de la juge Lydia Mugambe pour terminer son mandat. 

Il s’est félicité de l’arrestation de Fulgence Kayishema et a encouragé les efforts visant à le traduire en justice au Rwanda, soulignant que l’administration de la justice pénale internationale ne peut être pleinement atteinte sans une coopération significative de tous les acteurs.  Dans le cas de Félicien Kabuga, dont la libération provisoire a été ordonnée, le délégué a noté que cette décision marquait une transition vers les opérations résiduelles du Mécanisme, notamment la protection des témoins et le suivi des affaires renvoyées aux juridictions nationales. Enfin, il a mentionné la récente fermeture de la prison des Nations Unies à Arusha, exprimant sa gratitude pour la formation offerte aux agents correctionnels tanzaniens. 

M. JONATHAN HOLLIS (Royaume-Uni) s’est félicité de l’arrestation de Fulgence Kayishema et de la conclusion du dernier appel concernant les crimes commis par Jovica Stanišić et Franko Simatović.  Notant que cette affaire était la dernière concernant les crimes commis dans l’ex-Yougoslavie, il a déclaré que sa conclusion marque un moment déterminant pour le Mécanisme et pour la justice internationale, y voyant une indication que l’impunité ne saurait prévaloir.  Le représentant s’est cependant inquiété de la glorification des criminels de guerre, de la négation du génocide et de la promotion de l’idéologie du génocide, fustigeant l’incapacité de la Serbie à coopérer avec le Mécanisme et à arrêter et transférer Petar Jojić et Vjerica Radeta en dépit de demandes répétées.  De plus, le manque de coopération judiciaire régionale dans les Balkans continue d’entraver la stabilité à long terme et la capacité des victimes à obtenir justice, a-t-il relevé.  Alors que le Mécanisme résiduel entre dans sa phase post-procès, le délégué a souligné que les peines doivent toujours être appliquées, les témoins protégés et les juridictions nationales, appuyées. 

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) s’est félicitée de l’arrêt d’appel dans l’affaire Stanišić et Simatović, le qualifiant de « victoire de la justice face à l’impunité », 30 ans après la création du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie. S’agissant du Rwanda, la déléguée a noté que les juges de la Chambre de première instance ont conclu que M. Kabuga, arrêté par la France, en 2020, et remis au Mécanisme, n’était pas apte à être jugé.  Mais en août dernier, a-t-elle ajouté, la Chambre d’appel a demandé la suspension de la procédure pour une durée indéterminée et le règlement rapide de la question de la détention provisoire.  Elle a espéré que le Mécanisme trouvera les moyens de répondre à la quête de justice des victimes, avant de louer l’arrestation de Fulgence Kayishema le 24 mai dernier comme un exemple de coopération internationale efficace dans la lutte contre l’impunité. 

La représentante a par ailleurs encouragé le Mécanisme à poursuivre sa transition vers une institution résiduelle, notant l’importance des tâches qui lui restent, comme l’assistance aux juridictions nationales et la protection des victimes et témoins.  Enfin, elle a salué l’adoption des principes déontologiques pour les juges pénaux internationaux à Paris, le 15 mai 2023, et a fustigé la glorification continue de criminels de guerre par certaines autorités, estimant qu’aucune réconciliation durable ne peut avoir lieu sans une reconnaissance des crimes et des responsabilités. 

Droit de réponse

Exerçant son droit de réponse et réagissant à l’intervention de l’Albanie, la Serbie a indiqué avoir puni très sévèrement les crimes commis en ex-Yougoslavie, et que d’autres enquêtes sont en cours.  La délégation s’est défendue de nier les crimes commis pendant le conflit et a réaffirmé sa volonté d’agir conformément à la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.