Soixante-dix-septìeme session,
83e et 84e séances plénières – matin & après-midi
AG/12513

Loin de faire l’objet d’un consensus, le concept de la responsabilité de protéger continue de diviser les États à l’Assemblée générale

Le concept de la responsabilité de protéger, examiné cette année sous le prisme du développement durable, a de nouveau produit de profondes divergences parmi la quarantaine de délégations qui se sont succédé aujourd’hui à la tribune de l’Assemblée générale.  Les tenants de son opérationnalisation, notamment dans un monde marqué par une intensification des conflits et de graves violations des droits humains, s’opposent à ceux qui rejettent un concept « controversé », « politisé », « sélectif », notamment quant à sa définition et sa portée. 

Par ailleurs, en début d’après-midi, les États Membres ont adopté par consensus deux résolutions portant, l’une, sur la santé mentale et le soutien psychosocial, et l’autre, sur les fonctions résiduelles au sein des tribunaux cambodgiens. 

Le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la responsabilité de protéger, qui présentait le rapport 2023 du Secrétaire général intitulé « Le développement et la responsabilité de protéger: reconnaître et traiter les risques inhérents et les causes des atrocités criminelles », a rappelé ce matin que d’innombrables civils continuent d’être pris au piège dans des situations de conflit, de violence et de violations flagrantes des droits humains.  Ces situations peuvent s’apparenter à un génocide, des crimes de guerre, un nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, a mis en garde M. George Okoth-Obbo.  La responsabilité de protéger reste donc aussi impérative aujourd’hui que lorsque le monde s’est exclamé « Plus jamais ça! » lors du Sommet mondial de 2005.

De fait, le rapport, soumis tardivement en raison de consultations supplémentaires qui se sont « avérées nécessaires » pour l’établissement de sa version définitive, examine la relation entre les défis du développement durable et les risques, les causes et la dynamique des quatre atrocités criminelles couvertes par la responsabilité de protéger qui sont liées à des préoccupations essentielles en matière de développement.  Le Secrétaire général encourage les États Membres à investir dans les capacités nationales et les mécanismes de coordination pour la détection précoce, l’alerte rapide, la prévention et la réponse aux atrocités, et à développer des systèmes améliorés de collecte et d’analyse de données afin d’identifier les risques clefs qui sont ancrés dans les modèles sociaux et économiques de privation ou d’exclusion.  M. Okoth-Obbo a rappelé que la prévention est la pierre angulaire de la responsabilité de protéger.

« La prévention des atrocités doit être à la fois une priorité de développement mondial et un impératif moral et politique », a déclaré la Croatie, au nom du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, en soulignant l’importance de s’attaquer aux causes profondes de la violence.  Elle a été battue en brèche par le Venezuela qui, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a recommandé à la communauté internationale d’utiliser les instruments du multilatéralisme et de la Charte, « au lieu d’insister sur des notions controversées qui nourrissent les tensions ».

« La prévention des atrocités de masse doit rester une priorité absolue du système des Nations Unies », a pourtant martelé la France, au nom également du Mexique.  Lancée en 2015, l’initiative franco-mexicaine visant à suspendre volontairement l’usage du veto au Conseil de sécurité en cas d’atrocités de masse est aujourd’hui soutenue par 106 États.  « Il est grand temps d’élever la voix compte tenu de la période difficile que nous traversons, où le multilatéralisme et le droit international sont mis à l’épreuve », ont encore déclaré ces deux pays, résumant le sentiment des défenseurs du concept.  Préoccupée par la guerre en Ukraine, qui s’est invitée à plusieurs reprises dans ce débat, la Lettonie, au nom des pays baltes et nordiques, a ainsi exprimé son appui aux recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général portant sur la responsabilité de protéger, y compris celle de poursuivre les délibérations sur le rôle du développement dans la prévention du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. 

À l’inverse, la Fédération de Russie a jugé « absurde » le thème retenu cette année.  Elle a fustigé une tentative de redorer le blason de la responsabilité de protéger en l’associant artificiellement à des termes populaires à l’ONU.  Or c’est un concept que la délégation rejette de longue date, considérant qu’il a été développé par des groupes de réflexion occidentaux pour « redéfinir la fameuse intervention humanitaire » et « légitimer l’ingérence dans les affaires intérieures des États sous une nouvelle appellation ».  Un grief repris à leur compte par la République arabe syrienne ou la République islamique d’Iran.

L’application du principe de base de la responsabilité de protéger ne doit pas être sélective et doit concerner l’ensemble des États, comme c’est le cas pour les instruments juridiques internationaux, a nuancé l’Afrique du Sud.  Le Rwanda s’est inquiété des discours de haine qui se propagent dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et jettent les bases pour le « moins dangereuses » d’une atrocité de masse. Le Costa Rica a pour sa part regretté que le rapport à l’étude ait omis d’évaluer l’impact socioéconomique de la violence armée sur le développement.  Reconnaissant que le concept de la responsabilité de protéger est controversé, Singapour a appelé à un dialogue patient ainsi qu’à des discussions officieuses pour mieux le comprendre et instaurer la confiance entre les délégations. 

Après avoir pris note de ses incidences budgétaires, l’Assemble générale a adopté par consensus une résolution inédite sur la santé mentale et le soutien psychosocial par laquelle elle exhorte les États Membres à promouvoir un changement de paradigme en matière de santé mentale, notamment dans les domaines de la pratique clinique, des politiques, de la recherche, de l’enseignement médical et des investissements.  Elle les encourage également à œuvrer à l’intégration de la santé mentale dans les soins de santé primaires d’ici à 2030, en tant que composante essentielle de la couverture sanitaire universelle.  En faisant sien ce texte présenté par le Mexique, l’Assemblée générale exhorte en outre les États Membres à adopter des stratégies de prévention pour lutter contre la dépression et le suicide, en particulier chez les adolescents.

L’Assemblée générale a également adopté par consensus un texte présenté par l’Allemagne consacré aux fonctions résiduelles des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. 

L’Assemblée générale poursuivra son débat sur la responsabilité de protéger à une date qui sera annoncée ultérieurement. 

LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER ET LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE, DES CRIMES DE GUERRE, DU NETTOYAGE ETHNIQUE ET DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ - (A/77/910)

Déclaration liminaire

M. GEORGE OKOTH-OBBO, Conseiller spécial du Secrétaire général pour la responsabilité de protéger, qui présentait le rapport du Secrétaire général intitulé cette année « Le développement et la responsabilité de protéger: reconnaître et traiter les risques inhérents et les causes des atrocités criminelles », a rappelé que d’innombrables civils continuent d’être pris au piège dans des situations de conflit, de violence et de violations flagrantes des droits humains.  Ces situations peuvent s’apparenter à un génocide, des crimes de guerre, un nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, a mis en garde M. Okoth-Obbo.  La responsabilité de protéger reste donc aussi impérative aujourd’hui que lorsque le monde s’est exclamé « Plus jamais ça! » lors du Sommet mondial de 2005.

Rappelant que la clef de voûte de la responsabilité de protéger est la prévention, le Conseiller spécial a jugé crucial de discerner correctement les causes profondes, les risques, les déclencheurs et les multiplicateurs des crimes d’atrocité afin d’élaborer des solutions efficaces.  C’est dans cet esprit que le rapport à l’étude explore le lien entre le développement et la responsabilité de protéger.  Cependant, a noté le Conseiller spécial, l’ampleur et la profondeur de ce lien n’ont pas été éclairées de manière aussi complète et approfondie que les causes profondes d’autres typologies particulières.  Si certains des crimes les plus répréhensibles sont enracinés dans les fractures du développement, il est d’autant plus important selon lui de se concentrer sur cette question. 

S’appuyant sur les objectifs de développement durable (ODD), M. Okoth-Obbo a fait valoir que le développement peut créer les conditions d’une paix durable, d’une croissance équitable et d’une gouvernance responsable, pour cimenter les perspectives de réaliser les buts et objectifs fondamentaux de la responsabilité de protéger.  D’autre part, a-t-il estimé, le sous-développement, la pauvreté et les inégalités sociétales, l’insécurité alimentaire, le stress qui pèse sur la résilience sociale, les défaillances de la gouvernance et des institutions, la discrimination, les violations et les abus des droits humains, et les conflits peuvent être des facteurs de risque, des moteurs et des multiplicateurs de crimes d’atrocité. 

Le Conseiller spécial a invité les États à tirer parti des politiques, stratégies et programmes de développement pour procéder à l’évaluation la plus complète possible des risques d’atrocités, via l’alerte précoce, la préparation et la réponse, en vue d’éviter, de réduire ou d’atténuer de tels risques.  Il a mis l’accent sur l’importance des partenariats et de la coopération bilatérale et multilatérale en matière de développement, y compris les institutions financières internationales, les invitant à donner la priorité au lien entre la responsabilité de protéger et le développement.  Il faut que les approches du développement social et économique, de la gouvernance, des droits humains ou des conflits s’appuient sur une compréhension des risques et des facteurs d’atrocités et sur des stratégies adaptées pour y répondre en conséquence. 

Le Conseiller spécial s’est réjoui de la poursuite des délibérations à l’ONU sur le rôle du développement dans la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, ainsi que du renforcement de la contribution des départements, agences, fonds et programmes des Nations Unies à l’alerte précoce et à la prévention des atrocités de masse. Dans tous ces efforts, l’inclusion et l’action de la société civile, des communautés religieuses, des chefs traditionnels, des groupes minoritaires, y compris les populations autochtones, des femmes, des enfants et des jeunes, des médias et d’autres acteurs locaux sont pleinement reconnues et soulignées, a-t-il insisté.  Il sera également important, à son avis, d’entendre les points de vue des États sur la manière dont les idées et les questions contenues dans le rapport peuvent être exploitées dans le cadre d’agendas et d’initiatives connexes -changements climatiques, droits humains, gouvernance et responsabilité, résolution des conflits et consolidation de la paix- tant au sein des Nations Unies que dans d’autres contextes régionaux et nationaux. 

Les objectifs de développement durable sont en grande difficulté, a rappelé M. Okoth-Obbo.  Seuls 12% des objectifs mesurables sont en passe d’être atteints d’ici à 2030.  Selon lui, il faudra examiner la problématique de la responsabilité de protéger lors du prochain Sommet sur les ODD, en septembre 2023. La responsabilité de protéger devrait résonner encore plus fort en cette année qui marque le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, a-t-il conclu.

Débat sur la question

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie), au nom du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, a encouragé le Secrétaire général à inclure, dans ses rapports sur la responsabilité de protéger, des évaluations de la mise en œuvre des recommandations des rapports précédents ainsi que des analyses des tendances concernant les risques de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  Le rapport de cette année et le présent débat constituent selon lui l’occasion idoine de discuter des liens indissociables entre la prévention des atrocités et la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  De même, la coopération au développement, l’assistance technique et le renforcement des capacités permettent de s’attaquer aux causes profondes de la violence et d’atténuer les risques d’atrocités qui exacerbent les problèmes politiques, économiques et sociaux des États pour mener à un « développement inversé ».  « La prévention des atrocités doit donc être à la fois une priorité de développement mondial et un impératif moral et politique. » 

Selon le représentant, le respect des droits humains, associé à la mise en place d’institutions nationales légitimes et à une gouvernance adéquate, permettent de remédier aux échecs du développement afin de construire des sociétés plus résilientes.  Des programmes de désarmement efficaces et la lutte contre le trafic d’armes et de leurs munitions peuvent également jouer un rôle crucial dans la prévention des atrocités. Malgré ces efforts, plus de 108 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées du fait de la violence et des atrocités, un nombre record révélateur non seulement des échecs de la prévention, mais aussi de l’incapacité de créer des conditions permettant aux populations de rentrer chez elles de façon volontaire et sûre.  Dans ce contexte, le représentant a réaffirmé son plein soutien au Bureau de la prévention du génocide et de la responsabilité de protéger. Il a encouragé les deux conseillers spéciaux du Secrétaire général pour la prévention du génocide et pour la responsabilité de protéger à réaliser des progrès en matière de prévention des atrocités, en mettant en exergue les risques existants dans les crises en cours dans le monde.  Depuis 2005, a-t-il reconnu, des progrès considérables ont été réalisés dans la concrétisation de notre engagement envers la responsabilité de protéger, en créant des cadres permettant d’identifier les risques et des mécanismes d’alerte rapide, avec la participation de la société civile. 

M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne (UE), a souligné que ce rapport publié avant le Sommet sur les objectifs de développement durable (ODD) en septembre prochain montre combien il est important de réagir au risque d’atrocités.  De fait, a-t-il soutenu, il n’y a pas de paix sans développement durable ni de développement durable sans paix, et ni l’un ni l’autre ne sont possibles sans une gouvernance responsable et la pleine jouissance des droits humains.  Fervents défenseurs de l’ONU dans ce domaine, l’Union européenne et ses États membres s’attellent à l’opérationnalisation et à la mise en œuvre des principes de la responsabilité de protéger et du Programme 2030.

Alors que nous cherchons à relever les défis et à parvenir à des sociétés plus résilientes, l’opérationnalisation de ce concept suppose de s’attaquer aux causes profondes des atrocités, a poursuivi le délégué.  Il a ainsi détaillé la « trousse de prévention » de l’UE qui repose sur un système d’alerte rapide et l’analyse préalable des conflits, notamment dans le cadre de ce qu’il appelé l’« horizon scanning ». L’objectif étant, a-t-il précisé, d’améliorer « notre capacité à identifier et à traiter les signes d’alerte rapide dans le cadre de notre action extérieure ».  En outre, les dialogues bilatéraux sur les droits humains contribuent à atténuer les risques d’atrocités en abordant les questions de la démocratie et de l’état de droit, de la non-discrimination, de la prévention de la torture, de l’incitation à la haine ou encore de la désinformation.  De plus, a conclu le délégué, les missions civiles de politique, de sécurité et de défense commune de l’UE y contribuent également, en soutenant par exemple la réforme du secteur de la sécurité en Iraq et en République centrafricaine, et en surveillant la situation sur le terrain dans le Caucase du Sud.

M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela), au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a souligné le rôle premier des États dans la prévention des atrocités.  La Charte est un code de conduite basé sur des principes intemporels, a dit le délégué, en plaidant pour sa défense.  Il a déploré les menaces croissantes qui pèsent sur la Charte, telles que la promotion de « concepts controversés », dont la responsabilité de protéger.  Le délégué a estimé que la Charte est une proclamation de foi en ce que l’humanité a de meilleur.  Au lieu d’insister sur des notions controversées qui nourrissent les tensions, la communauté internationale devrait utiliser les instruments du multilatéralisme et de la Charte, a tranché le délégué.  Le temps et l’histoire nous ont montré selon lui les conséquences dévastatrices des interventions menées au nom de la notion politisée de la responsabilité de protéger.  Il a demandé la levée des sanctions et la cessation des atrocités commises en Palestine. « La responsabilité de protéger est une arme utilisée contre les nations qui ont décidé d’être souveraines », a déploré le délégué.

Mme DIARRA DIME-LABILLE (France), intervenant au nom de la France et du Mexique, a déclaré que notre priorité collective reste la concrétisation des engagements politiques sur lesquels repose la responsabilité de protéger, dans le plein respect du droit international, en particulier de la Charte des Nations Unies.  « La prévention des atrocités de masse doit rester une priorité absolue du système des Nations Unies. »  Dans cette optique, la France et le Mexique soulignent quatre points essentiels, a développé la déléguée.  Premièrement, « les atrocités de masse ne se produisent pas spontanément ». S’attaquer aux causes profondes implique une approche de la prévention fondée sur la complémentarité et le renforcement mutuel des droits de l’homme et des objectifs de développement durable. Deuxièmement, « la prévention et la réaction doivent être soutenues par un système multilatéral efficace ».  La déléguée a rappelé que l’initiative franco-mexicaine visant à suspendre volontairement et collectivement l’usage du veto au Conseil de sécurité en cas d’atrocités de masse a été lancée en 2015.  Cette initiative est aujourd’hui soutenue par 106 États, a-t-elle précisé.  « Il est grand temps d’élever la voix compte tenu de la période difficile que nous traversons, où le multilatéralisme et le droit international sont mis à l’épreuve. »  Cette approche volontaire, qui respecte strictement les prérogatives du Conseil et de ses membres, ne nécessite pas une révision de la Charte mais un engagement politique, a-t-elle assuré, avant d’appeler tous les États qui ne l’ont pas encore fait, en particulier les autres membres permanents et les membres élus du Conseil de sécurité, à se joindre à cette initiative. 

Troisièmement, a fait valoir la représentante, « l’obligation de rendre des comptes est vitale pour la prévention des atrocités et essentielle pour rendre justice aux victimes ».  Afin de renforcer les mécanismes de responsabilisation et d’échanger les meilleures pratiques, la France et le Mexique renouvellent leur appel à soutenir la Cour pénale internationale (CPI) et à coopérer avec elle, ainsi qu’avec les missions d’établissement des faits et les commissions d’enquête.  Ils réitèrent également leur soutien au processus en cours en vue d’une convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Quatrièmement, « la prévention des atrocités de masse passe par l’inhibition de la capacité à les commettre ».  Il faut donc s’attaquer aux flux illégaux et au commerce illégal d’armes légères et de leurs munitions afin d’empêcher les auteurs d’accumuler les moyens de commettre des atrocités.  Le respect des embargos sur les armes décrétés par l’ONU est crucial à cet égard. Le Mexique et la France reconnaissent les efforts déployés pour rendre opérationnel le concept de la responsabilité de protéger.  Le débat général d’aujourd’hui, a conclu la déléguée, est d’une grande importance pour approfondir notre compréhension commune des liens entre la prévention des atrocités et le développement durable.  Il souligne la nécessité de sensibiliser les stratégies de développement durable au soutien de la résilience sociale et de veiller à ce qu’elles n’exacerbent pas les risques d’atrocités.  Le message d’aujourd’hui est clair: « Il ne peut y avoir de développement durable sans paix et de paix sans développement durable. » 

M. ANDREJS PILDEGOVICS (Lettonie), au nom des pays baltes et nordiques, a exprimé son appui aux recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général portant sur la responsabilité de protéger, y compris celle de poursuivre les délibérations sur le rôle du développement dans la prévention du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.  Il a souligné à cet égard l’importance de la présence régulière du Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger à New York afin de progresser avec les États Membres et le Secrétariat de l’ONU. Alors que des conflits violents et de graves violations des droits humains continuent de sévir dans toutes les régions du monde, y compris la guerre d’agression lancée par la Fédération de Russie, nous avons la responsabilité partagée de prévenir et de répondre aux actes de génocide et aux crimes les plus graves, a-t-il insisté. 

Le représentant a appelé les deux conseillers spéciaux du Secrétaire général pour la responsabilité de protéger et pour la prévention du génocide à élaborer des recommandations pratiques sur la prévention des atrocités à l’intention des États Membres.  De plus, nous devons reconnaître le rôle des organisations régionales dans la mise en œuvre des trois piliers de la responsabilité de protéger, a-t-il ajouté, estimant que la coopération régionale peut contribuer à un système d’alerte précoce efficace, à une réponse rapide et à la stabilisation à long terme, permettant ainsi de prévenir de nouvelles atrocités.  Pour aller de l’avant, le représentant a demandé qu’une évaluation de la mise en œuvre de la responsabilité de protéger aux niveaux national, régional et mondial soit préparée pour le vingtième anniversaire du document final du sommet mondial, en 2025.

M. GERARDO PEÑALVER PORTAL (Cuba) a estimé que c’est une « erreur » de parler de la responsabilité de protéger en tant que principe car il ne s’agit pas, selon lui, d’un pilier du droit international.  Cette prétendue responsabilité n’est qu’une notion dont la portée, les règles d’application et les mécanismes d’évaluation sont bien loin d’être définis par les États Membres, a-t-il ajouté.  Le délégué a donc jugé inapproprié de parler du renforcement de l’application de la responsabilité de protéger en l’absence d’un consensus sur ce que cela implique. Il faut, a-t-il recommandé, régler les différences d’interprétation, garantir la reconnaissance et l’acceptation universelle de ce principe et assurer la légitimité des mesures proposées pour appliquer ce principe.  Enfin, il a critiqué l’utilisation de l’expression « atrocité », rappelant que de nombreuses délégations ont marqué leur désaccord vis-à-vis de ce terme, en raison d’une ambiguïté juridique, et en l’absence de consensus. 

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a déclaré que l’inclusion favorise la cohésion sociale et réduit la probabilité de conflits violents.  Lorsque les individus et les communautés se sentent valorisés, respectés et représentés, cela favorise un sentiment d’appartenance et accroît la confiance et la coopération entre les différents groupes, ce qui réduit, les sentiments de marginalisation et les griefs et renforce les capacités à gérer efficacement les conflits et à prévenir l’éclatement de la violence, a-t-elle expliqué. 

Elle a souligné que des structures de gouvernance efficaces, des systèmes juridiques transparents et des institutions solides contribuent à garantir la protection des droits humains, la responsabilité et l’application de la justice.  La centralité et le statut particulier des victimes dans la conception et la mise en œuvre des processus de justice sont cruciaux pour garantir une paix durable, a-t-elle ajouté. 

La représentante a ensuite regretté que le rapport omette d’évaluer l’impact socioéconomique de la violence armée sur le développement, y compris le rôle des munitions.  Selon elle, toute approche globale de prévention et de règlement des conflits doit comprendre des mesures visant à prévenir le commerce illicite et l’utilisation abusive des munitions, à améliorer la gestion des stocks et à garantir l’élimination efficace des excédents.

M. EVANGELOS SEKERIS (Grèce) a mis en exergue le cercle vicieux qui existe entre le sous-développement et la commission d’atrocités criminelles, contrairement au développement durable qui génère des conditions propices à la paix, à l’inclusion et à la prospérité en s’attaquant aux causes profondes de la pauvreté et des conflits.  La promotion d’institutions et de structures de gouvernance transparentes, combinée à une plus grande inclusion sociale dans les pays en développement, devrait être une priorité.  En outre, un soutien aux activités de prévention et de stabilisation des conflits est nécessaire, a argué le délégué, par le biais de mécanismes de résolution des conflits et de mesures de confiance entre les forces de sécurité locales et les communautés.  Si la prévention demeure essentielle à l’élimination des atrocités en favorisant le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, la lutte contre l’impunité l’est tout autant en cas d’échec, a-t-il noté, en rappelant le rôle décisif du Conseil de sécurité à cet égard.  À l’approche du Sommet sur les ODD, en septembre prochain, le représentant a estimé que s’attaquer aux causes profondes des atrocités criminelles pourrait contribuer à la réalisation du Programme 2030 ainsi qu’aux objectifs de Notre Programme commun et du Nouvel Agenda pour la paix. 

Mme FIONA WEBSTER (Australie) a déclaré que le sort des populations à risque n’est pas prédéterminé, et que les États disposent d’un large éventail d’outils pour réduire considérablement les facteurs de risque pouvant conduire à des atrocités, notamment en s’efforçant de parvenir à l’égalité des sexes.  Elle a également exhorté le Secrétaire général à axer ses prochains rapports sur la mise en œuvre pratique de la responsabilité de protéger et à évaluer les risques d’atrocités dans des situations nationales spécifiques.  Notant ensuite que les atrocités ne se produisent pas sans avertissement, la représentante a exhorté les États à s’attaquer à l’augmentation des cas d’hostilité et de violence envers les femmes et les filles, et à agir collectivement pour mettre fin à la criminalisation et aux abus des personnes LGBTQIA+, appelant à l’abrogation des lois qui violent leurs droits humains.

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (Iran) a indiqué que la communauté internationale est très loin d’un consensus autour de la responsabilité de protéger.  Les controverses ne concernent pas la protection des civils et la prévention des atrocités mais la définition, la portée et le champ d’application de ladite responsabilité, a précisé la représentant qui a mis en garde contre les ingérences dans les affaires intérieures des États sous couvert de responsabilité de protéger.  Selon lui, les échecs dans la prévention des atrocités s’expliquent par l’incapacité du Conseil plutôt que par l’absence d’un cadre normatif.  Enfin, il a vivement déploré que le rapport à l’examen ne traite pas des causes profondes de la commission d’atrocités, à savoir l’occupation étrangère ou les interventions étrangères militaires et non militaires. 

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a condamné le blocage du corridor de Latchine en violation du droit et d’une décision de la Cour internationale de Justice, ce qui a pour effet de couper près de 12 000 personnes du monde extérieur.  À ce jour, l’Azerbaïdjan continue d’ignorer cette décision et d’imposer un siège médiéval et barbare à la population du Haut-Karabakh, a dénoncé le représentant. Alors qu’une menace existentielle pèse sur cette population, a-t-il ajouté, l’ONU a la responsabilité d’agir et de protéger.  « La communauté internationale ne peut fermer les yeux alors qu’il y a des signes avant-coureurs évidents de génocide. »  Enfin, il a prévenu que l’impunité dont jouit l’Azerbaïdjan n’a fait que l’encourager à se livrer à de nouvelles provocations. 

M. SONG KIM (République populaire démocratique de Corée) a fait valoir que la responsabilité de protéger son peuple contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité relève entièrement de la souveraineté de chaque État, avec l’appui de la communauté internationale.  Malgré l’absence de consensus intergouvernemental sur ce concept, certains pays continuent selon lui de l’appliquer de manière sélective à des fins politiques. Le représentant s’est dit profondément préoccupé par les interventions politiques, économiques et militaires unilatérales menées par certains pays occidentaux afin de saper le système social d’autres États sous le prétexte de la responsabilité de protéger, interventions qui, a-t-il affirmé, ont mené à des conflits armés, au terrorisme et à des destructions massives au Moyen-Orient et dans certains pays africains.  Par conséquent, les crimes les plus graves au regard du droit international ne sont pas, selon lui, imputables à la capacité insuffisante d’un État à protéger son peuple, mais à une atteinte flagrante à la souveraineté d’un État souverain. 

M. NEVILLE GETZE (Namibie) a reconnu le besoin qu’il y a d’opérationnaliser et d’appliquer le concept de la responsabilité de protéger.  Soulignant les préoccupations légitimes soulevées par ce principe, il a appelé à leur règlement par le biais du dialogue.  Il a rappelé que son pays est en faveur du respect des principes du droit.  Nous maintenons qu’il ne saurait y avoir de prétexte pour une utilisation de la force contre des États, a-t-il déclaré, en appelant à la mise en place de garde-fous contre les ingérences dans les affaires intérieures de nations souveraines. Enfin, il a tenu à souligner le lien entre sécurité et changements climatiques.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rejeté le concept de la responsabilité de protéger, tel que développé par des groupes de réflexion occidentaux pour « redéfinir la fameuse intervention humanitaire » et « légitimer l’ingérence dans les affaires intérieures des États sous une nouvelle appellation ».  Lorsque ce concept a été promu de manière persistante par un groupe de pays, a-t-il élaboré, la communauté internationale a apporté d’importants ajustements pour l’expliciter, sur les critères d’utilisation, la référence au rôle du Conseil de sécurité, la nécessité de fournir une assistance et un soutien aux États.  Or les États concernés n’ont pas anticipé cette discussion ni pris en compte les critères convenus, a déploré le délégué. Ils ont appliqué ce concept comme ils l’avaient inventé pour détruire un État qui ne leur convenait pas, a-t-il poursuivi en faisant allusion à la Libye.  Il est frappant que l’objet du rapport à l’étude cette année soit le développement durable, a-t-il ajouté, un thème « absurde » selon lui.  Rappelant que le thème précédent était les enfants et la jeunesse, il y a vu une tentative de redorer le blason de la responsabilité de protéger en l’associant artificiellement à « des termes populaires à l’ONU ».  Les événements de 2011 en Libye ont pourtant montré que ladite responsabilité de protéger n’est pas un fonds de bienfaisance et que « les États qui l’appliquent ne sont pas Mère Theresa ».  Où étaient la Cour pénale internationale (CPI) et son Procureur lors des crimes militaires commis en Libye?  Le délégué a tenu à préciser que l’aide aux pays en développement ne peut être efficace que si elle est fournie à leur demande et qu’elle tient compte de leurs caractéristiques historiques, culturelles ou juridiques.  À cet égard, le zèle avec lequel les unités compétentes du Secrétariat de l’ONU s’inscrivent dans ce processus est préoccupant, a-t-il ajouté.  En conclusion, le délégué a appelé les pays en développement à rejeter à leur tour ces pratiques néocoloniales. 

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a estimé que le développement durable et inclusif représente la forme la plus productive de prévention des conflits et des atrocités dans le monde.  L’un des objectifs clefs du Programme à l’horizon 2030, a rappelé le représentant, est de renforcer la résilience face aux crises futures, notamment à travers des investissements dans des infrastructures de qualité.  Relevant l’interdépendance complexe des risques et de la vulnérabilité dans les situations de conflit, il a refusé de rester silencieux sur la poursuite de la guerre au-delà de la frontière orientale de la Pologne.  Il s’est dit gravement préoccupé par la situation en Ukraine, où l’armée russe prend pour cible les civils et les infrastructures civiles et recourt à la famine et aux blocus.  Il a évoqué avec horreur les violences sexuelles utilisées par les soldats russes comme tactique de guerre et comme outil de terreur et d’intimidation. Il a également dénoncé la situation des enfants qui ont été enlevés et déplacés de force du territoire ukrainien vers les territoires temporairement occupés, et vers le territoire de la Fédération de Russie.  Pour finir, le représentant a appelé la communauté internationale à agir pour protéger la population civile et mettre fin aux atrocités commises par la Russie en Ukraine, et pour traduire leurs auteurs en justice.

M. SINA ALAVI (Liechtenstein) a constaté que le fossé entre les engagements pris pour protéger les civils et les actions menées ne cessent de se creuser. En choisissant de mener une guerre d’agression, un membre permanent du Conseil a bafoué le principe de responsabilité de protéger, a dénoncé le délégué.  Il a déclaré que l’établissement des responsabilités pour les crimes graves commis est une composante essentielle de la responsabilité de protéger les civils.  Nous devons établir les responsabilités des atrocités commises en Ukraine, y compris du crime d’agression dont elles découlent, a tranché le délégué.  Enfin, rappelant les échecs du Conseil à prévenir les atrocités, il a appelé au renforcement du principe de responsabilité de protéger. 

M. CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a déclaré que la responsabilité de protéger est le principe international le plus efficace pour prévenir les menaces de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  Alors que nous célébrons cette année le soixante-quinzième anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le représentant a estimé que la responsabilité de protéger permet de défendre les populations contre les atrocités de masse.  Selon lui, le Programme 2030 fournit un cadre de coopération en matière de prévention des atrocités.  Nous devons également veiller à ce que les programmes d’aide au développement profitent à toutes les communautés de manière égale, et renforcent la résilience, a ajouté le représentant.  Il a salué à cet égard le travail accompli par le Bureau du Conseiller spécial pour la prévention du génocide, ainsi que la contribution des conseillers spéciaux aux travaux des organes de l’Organisation, y compris le Conseil de sécurité.

M. MOON DONG KYU (République de Corée) a souligné l’importance de renforcer le lien entre la responsabilité de protéger et le développement. « Il est absolument crucial d’empêcher que les conditions propices aux atrocités ne soient exacerbées en tenant dûment compte des risques et des facteurs d’atrocités dans les programmes de développement durable. »  Ensuite, il a recommandé de synthétiser les divers mécanismes d’alerte rapide qui existent déjà sur l’insécurité alimentaire, la discrimination, les violations des droits de l’homme et l’impunité, et d’analyser les signaux dans l’optique de la responsabilité de protéger.  En termes de participation et d’inclusion, le délégué a ajouté que la prévention des atrocités peut être réalisée grâce à la mise en œuvre de programmes par la société civile, les communautés religieuses, les chefs traditionnels, les groupes minoritaires, y compris les populations autochtones, les femmes, les enfants et les jeunes, les médias et d’autres acteurs locaux.  Comme nous l’avons dit à maintes reprises, « la souveraineté implique la responsabilité de protéger sa population », a conclu le délégué, non sans rappeler que son pays a participé au réseau de points focaux sur cette problématique. 

Mme KATHERINE ANAS AHMAD AL-HALIQUE (Jordanie) a estimé que les effets des changements climatiques attisent les conflits.  Il convient de protéger les populations vulnérables, a-t-elle dit, en demandant de prendre en compte ce défi.  Elle a également appelé à promouvoir une croissance économique inclusive, celle-ci étant selon elle de nature à diminuer les conflits.  Elle a ensuite rappelé la réponse apportée par son pays à la crise de réfugiés dans la région. Le Conseil est entravé dans sa capacité de réaction aux crises, a dit la déléguée, selon qui que le veto ne sert que des intérêts géopolitiques. 

Mme LACHEZARA STOEVA (Bulgarie) a appelé à faire passer l’opérationnalisation de la responsabilité de protéger « au niveau supérieur », tout en reconnaissant qu’elle demeure la responsabilité première des États qui doivent mettre en place des mécanismes nationaux permettant d’identifier les risques d’atrocités.  Pour ce faire, la reprise des analyses prospectives des risques d’atrocités par le Conseil de sécurité et la conduite régulière de visites sur le terrain seraient bienvenues.  La représentante s’est alarmée de l’impact sur le développement de l’augmentation du nombre de conflits armés dans le monde, notant que dans son rapport, le Secrétaire général appelle à maximiser les occasions « d’investir dans la paix par le développement ».  Le développement favorise l’éclosion de sociétés démocratiques inclusives et un leadership politique responsable et représentatif, a-t-elle noté.  À l’approche du vingtième anniversaire de notre engagement envers la responsabilité de protéger, l’interconnectivité entre ce principe, les programmes de développement et les activités de consolidation de la paix est à ses yeux clairement établie. 

Mme DEVYN LYN WALLENIUS (Canada) a indiqué que son pays continuera d’exiger le respect de la responsabilité de protéger en cas de violation du droit international humanitaire et des droits humains en Haïti, en Syrie, au Myanmar ou en Ukraine.  Le moment, a-t-elle estimé, est venu de lancer un appel à un engagement ambitieux pour la mise en œuvre de ce concept.  Un concept qu’il faut défendre sur le terrain à travers la prévention et des systèmes d’alerte rapide.  La responsabilité de protéger incombe à tous les États, a insisté la déléguée, tout en faisant remarquer qu’il ne s’agit pas d’empiéter sur les droits souverains des États nations ni de justifier une intervention militaire.  Cette responsabilité n’est pas limitée aux Membres du Conseil de sécurité, a-t-elle encore souligné en évoquant le rôle de la société.  Pour finir, elle a réitéré l’appel de son pays pour limiter le recours au veto en cas d’atrocités de masse.

M. ALINA J. LLANO (Nicaragua) a déclaré que le véritable danger découlant du concept de responsabilité de protéger consiste en sa manipulation par des « interventionnistes déguisés », qui tentent de justifier l’ingérence dans les affaires intérieures des États et le recours à la force pour changer les gouvernements légitimes.  Si le Nicaragua s’oppose fermement aux crimes de génocide et aux crimes contre l’humanité, la responsabilité de protéger continue selon son délégué de susciter de sérieux doutes pour de nombreux pays en développement en raison de son ambiguïté, qui peut être manipulée aux fins « égoïstes de l’impérialisme et du néocolonialisme ». Ceux qui défendent cette question malgré l’absence de consensus international ne promeuvent pas avec la même conviction l’urgente nécessité de s’attaquer aux causes fondamentales du sous-développement et de la pauvreté, a-t-il relevé, problèmes structurels qui mènent selon lui à des situations extrêmes.  Seul un véritable multilatéralisme, fondé sur le droit international et la Charte des Nations Unies, permettra de contrer les effets « d’autres pandémies » imposées par certaines puissances au détriment de la sécurité internationale, de la souveraineté des États et de l’autodétermination des peuples.  Le délégué a également condamné l’application de mesures interventionnistes unilatérales coercitives, qui constituent à ses yeux des obstacles à l’éradication de la pauvreté et au progrès du développement durable.

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a souligné que la prévention des crimes d’atrocité de masse au niveau national passe par des stratégies, mécanismes et structures nationaux visant à identifier les facteurs de risque et à agir en temps utile.  Elle a invité les États à prendre des mesures appropriées dans ce sens, et a indiqué que son gouvernement a mandaté une étude qui recommande le renforcement des mesures de lutte contre le racisme, identifié comme un des principaux facteurs de risque en Suisse.  Elle a espéré que l’institution suisse des droits humains, fondée en mai 2023, pourra contribuer à la sensibilisation, la prévention et identification de facteurs de risque dans ce domaine dans son pays.  Elle a ensuite invité tous les États à se joindre au réseau Action mondiale contre les atrocités de masse (GAAMAC) avant de relever que la société civile contribue de manière fondamentale à la cohésion sociale et joue un rôle dans la surveillance et l’alerte précoce de crimes d’atrocité. 

Mme SASA JURECKO (Slovénie) a fait valoir que les droits humains, la démocratie et l’état de droit sont des piliers du développement qui permettent de créer un environnement dans lequel la protection des citoyens est assurée.  Alors que le rapport du Secrétaire général reconnaît que le sous-développement chronique, l’extrême pauvreté, l’insécurité alimentaire, les inégalités et les changements climatiques présentent des risques accrus d’atrocités de masse, les États doivent selon elle appliquer le principe de responsabilité de protéger dans leurs programmes de développement nationaux, dans leurs stratégies d’aide internationale au développement ainsi que dans leur engagement avec le système multilatéral.  De même, la mise en œuvre du Programme 2030 peut contribuer aux efforts de prévention des atrocités.  Cependant, lorsque des conflits surviennent, le Conseil de sécurité porte la plus grande responsabilité et se doit d’agir en conséquence.  Elle a défendu fermement le code de conduite concernant l’utilisation du droit de veto par les membres permanents du Conseil de sécurité, ainsi que la déclaration politique sur la suspension du droit de veto dans les cas d’atrocités de masse de la France et du Mexique. 

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a rappelé que son pays est membre fondateur du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, avant de souligner que c’est à chaque État que revient la responsabilité souveraine de protéger sa propre population face au génocide, aux crimes de guerre, au nettoyage ethnique et aux crimes contre l’humanité.  Il est également essentiel que la communauté internationale soit prête à agir de rapide et décisive pour protéger les populations face à ces crimes si les autorités nationales en sont incapables.

Reconnaissant que cette question est controversée, il a appelé à un dialogue patient ainsi qu’à des discussions officieuses pour mieux comprendre cette notion et instaurer la confiance entre les délégations. 

M. ABDULRAHMAN ABDULAZIZ F. A. AL-THANI (Qatar) a appelé au renforcement du concept de responsabilité de protéger.  Il a salué la présentation d’un cadre conceptuel cohérent dans le rapport soumis à examen, avant de souligner le lien étroit entre ce concept et le développement.  Il a indiqué que le Qatar promeut une diplomatie préventive et œuvre à la prévention des conflits, avant de plaider pour l’adoption de mesures concrètes afin que la communauté internationale s’acquitte de son obligation de protection des civils et des plus vulnérables.  Enfin, il a souhaité que le droit de veto ne soit pas exercé dans les situations où des atrocités sont commises.

M. ANDREA DE BONO SANT CASSIA (Malte) s’est félicité de ce débat sur le lien entre développement durable et responsabilité de protéger.  Nous devons, a-t-il dit, nous concentrer sur la prévention, la bonne compréhension des facteurs de risque et une lutte renforcée contre toutes les formes de violence.  Les stratégies de prévention, a prévenu le représentant, ne peuvent réussir qu’avec l’implication des populations concernées.  Les conflits au Soudan ou en Ukraine montrent en effet la nécessité urgente de combler le fossé entre les obligations des États, en vertu du droit international, et la réalité des populations menacées de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité.  À cet égard, a rappelé le représentant, Malte soutient l’initiative franco-mexicaine, le Code de conduite du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (Groupe ACT) et l’initiative sur le droit de veto qui tous prônent la suspension de ce droit en cas d’atrocités de masse.  Il a aussi insisté sur l’importance du rôle que jouent la Cour pénale internationale (CPI) et les autres juridictions internationales dans la lutte contre l’impunité. 

M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume-Uni) s’est inquiété des répercussions de la crise énergétique et des changements climatiques sur les populations vulnérables dans le monde.  À la suite des conflits au Darfour et en Ukraine, nous devons rappeler notre responsabilité collective de protéger les civils en renforçant les institutions publiques, a-t-il dit.  À cet égard, il a demandé à l’ONU de prendre en compte la voix des populations vulnérables dans l’élaboration de ses programmes de développement.  De même, les conseillers spéciaux pour la prévention du génocide et pour la responsabilité de protéger doivent jouer un rôle clef pour mettre en place des outils adaptés, tels que des systèmes d’alerte précoce, à la disposition des acteurs sur le terrain.  Nous devons également miser sur une approche tenant compte des besoins spécifiques des femmes et des filles, a-t-il souligné. 

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a décrit un monde en proie à des atrocités criminelles sans précédent, évoquant la situation en Ukraine, au Soudan, en Éthiopie, au Sahel, au Yémen, au Myanmar, en Haïti et ailleurs.  La pauvreté, la discrimination, la corruption, les inégalités économiques, le manque de bonne gouvernance et l’impunité sont autant de facteurs de risque à cet égard, a-t-il déploré.  Selon lui, les États ont la responsabilité de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.  Pour mieux prévenir de telles atrocités, il faut donc engager des réformes et promouvoir la coopération entre partenaires nationaux et internationaux.

Mme ANA JIMENEZ DE LA HOZ (Espagne) a souligné le lien entre responsabilité de protéger et développement.  Rappelant qu’il existe souvent des signes avant-coureurs de la commission d’atrocités, elle a appelé au renforcement des mécanismes d’alerte précoce, notamment celui du Conseil des droits de l’homme.  La déléguée a indiqué que l’Espagne a transposé le concept de la responsabilité de protéger dans son droit interne.  Mon pays continuera de donner la priorité à la prévention des conflits, conformément à ce principe, a-t-elle conclu. 

M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan) a déclaré que près de trente années d’occupation par l’Arménie de territoires souverains de son pays montrent l’importance de prévenir les conflits, de respecter l’intégrité territoriale des États et de lutter contre l’impunité.  Il a rappelé les conséquences de l’agression contre son pays, en indiquant que plus de 200 000 Azerbaïdjanais ont été expulsés et n’ont pu regagner leurs foyers. Après la fin de la guerre en 2020, mon pays a initié un processus de bonne foi de normalisation de ses relations, a affirmé le délégué.  Il a déploré que l’Arménie refuse de retirer ce qui reste de ses forces du territoire de son pays et continue sa « propagande haineuse ».  Enfin, il a rejeté la déclaration de l’Arménie prononcée aujourd’hui et qualifié les allégations relatives au corridor de Latchine d’erronées et de provocatrices.

M. RIYAD KHADDOUR (République arabe syrienne) a déclaré que la responsabilité de protéger au sens large ne doit en aucun être comme une règle conventionnelle juridique.  Ce concept ne créé aucun nouveau droit en matière de génocide, de crimes de guerre ou de nettoyage ethnique, a-t-il affirmé, qualifiant la responsabilité de protéger de « principe général et politique » qui ne saurait éclipser les principes de la Charte des Nations Unies ou imposer de nouvelles prérogatives au Conseil de sécurité, lequel continue précisément d’œuvrer selon les principes de la Charte.  C’est l’État souverain qui assume la responsabilité de protéger contre les crimes de masse, a poursuivi le représentant, soulignant que, le plus souvent, les interventions menées au nom de la responsabilité de protéger transforment l’État faisant l’objet de l’intervention en un État failli, livré à ses divisions et dont la gestion devient impossible.  Depuis l’intervention militaire en Libye, ce concept traverse une crise de confiance, cette intervention n’ayant visé qu’au renversement d’un régime, a-t-il fait remarquer.  Il a plaidé à contrario pour une lutte accrue contre la pauvreté et l’exclusion, les sanctions prises unilatéralement contre les pays étant autant d’entraves au développement d’une culture de la paix, laquelle est appuyé par l’ensemble des États Membres.  Le représentant a encore noté que certains des États qui ont tenté d’imposer le principe de la responsabilité de protéger avaient sciemment ignoré les pratiques israéliennes vis-à-vis du Golan syrien et du territoire palestinien occupé.  Le summum de la contradiction politique et morale est qu’aujourd’hui, en raison des sanctions qui frappent mon pays, les Syriens ont difficilement accès à des services publics de base, a conclu le représentant. 

M. JONATHAN SHRIER (États-Unis) a constaté qu’en dépit des efforts de la communauté internationale, les atrocités criminelles se multiplient dans le monde.  Il faut donc poursuivre ces efforts, a plaidé le représentant.  En Ukraine, les civils paient le prix des dommages causés aux infrastructures nécessaires à la production agricole, comme ce fut le cas après la destruction du barrage de Kakhovka et l’utilisation de drones iraniens. Pareillement, l’armée du Myanmar a tué des milliers de personnes et provoqué une crise humanitaire dans le pays depuis le coup d’État, a poursuivi le représentant en dénonçant également les crimes contre les Rohingya.  Il a aussi pointé du doigt le traitement des communautés musulmanes ouïghoures en Chine et condamné les violations des droits humains au Soudan et au Darfour.  Il a rappelé la résolution 2573 (2019) du Conseil de sécurité qui condamne les actes de violence dans les zones civiles et appelle les parties à cesser ces pratiques, à protéger les infrastructures civiles, et à atténuer les dommages causés aux infrastructures civiles.  Enfin, il a informé que son gouvernement a élaboré un plan d’action qui permet d’atténuer les dommages causés aux infrastructures civiles provoqués par les États-Unis. 

M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda) s’est réjoui de ce que ce débat soit l’occasion de dénoncer les discours de haine et leur aptitude à planter les graines d’une atrocité de masse.  Le représentant a dit craindre que les trois piliers de la responsabilité de protéger ne s’affaiblissent devant nos yeux.  Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), s’est-il expliqué, l’on voit se propager, dans les écoles et les médiaux sociaux, des discours de haine et un sentiment anti-rwandais.  Les conseillers spéciaux du Secrétaire général ont eux-mêmes constaté une escalade et des incitations à discriminer, en particulier les locuteurs du kinyarwanda. Cette situation, a poursuivi le représentant, jette les bases pour le moins dangereuses d’une atrocité de masse. 

Imputant ladite situation à l’absence de gouvernance et de mesures d’application nécessaires, le représentant a estimé que, dans cette partie de la RDC, il est urgent de promouvoir l’établissement des responsabilités.  Il est temps, a-t-il martelé, que la communauté internationale réagisse.  Il a donné l’exemple d’un groupe de femmes rwandophones qui s’est fait injustement attaquer et accuser de propager le VIH.  De tels actes de stigmatisation, de déshumanisation et de persécution méritent d’être condamnés et exigent une attention immédiate.  Nous mettons en garde contre le risque d’un génocide, a dit le représentant.  La communauté internationale doit agir maintenant parce qu’un dialogue sans acte ne saurait servir ceux que nous avons promis de protéger. Il faut une approche concrète pour prévenir les atrocités criminelles de mase, a insisté le représentant.

M. NGAKO ELPHUS SEKONYANA (Afrique du Sud) a salué le rôle complémentaire joué par le Bureau pour la prévention du génocide et des atrocités massives et le mandat des conseillers spéciaux sur ces questions.  Le délégué a fait sien l’avis du Secrétaire général selon lequel bien que de nombreux États aient adopté cette norme fondamentale, d’autres actions sont nécessaires de la part de la communauté internationale pour soutenir le développement durable en tant que moyen de prévenir les atrocités criminelles.  Selon la définition du concept de la responsabilité de protéger énoncée dans le Document final du Sommet mondial de 2005, il incombe au premier chef à l’État de protéger sa population contre les atrocités criminelles et d’assurer la mise en place d’un environnement permettant d’éviter que de tels crimes soient commis, a-t-il rappelé, en mettant l’accent sur le développement durable et la lutte contre la discrimination et les inégalités.  Les systèmes de développement inclusifs et durables renforcent et protègent les droits humains, a reconnu le délégué, tout en assurant la protection des populations. La communauté internationale doit donc renforcer les outils prévus par la Charte des Nations Unies pour le règlement pacifique des différends.  Toutefois, a-t-il averti, l’application du principe de la responsabilité de protéger ne doit pas être sélective et doit concerner l’ensemble des États, comme c’est le cas pour les instruments juridiques internationaux. 

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a repris les propos du Secrétaire général selon lesquels la communauté internationale a la possibilité de prévenir les conflits et les atrocités de masse qui y sont associées, en éliminant la pauvreté, le chômage et les inégalités sociales qui nourrissent les vecteurs de la violence.  Alors que les inégalités se creusent et que la moitié des richesses de la planète continue d’être aux mains de seulement 1% de la population mondiale, nous ne pouvons pas dire que nous sommes sur la bonne voie, a tranché le représentant.  Il a donc appelé à la réforme de l’architecture financière internationale pour offrir aux pays des perspectives plus favorables à l’investissement afin de résorber le chômage et la pauvreté. 

En outre, a-t-il poursuivi, l’actualité récente fait des Nations Unies, des témoins presque passifs de conflits armés et de l’insécurité permanente.  Une telle situation achève de nous convaincre de la nécessité de la réforme du Conseil de sécurité, a dit le représentant.  Il s’agira, selon lui, d’intégrer des séances d’information sur des situations susceptibles de déboucher sur des atrocités criminelles ainsi que le Code de conduite du Groupe ACT et l’initiative franco-mexicaine sur la limitation du veto.  Tout en laissant aux États la responsabilité première de protéger, la communauté internationale devrait, a-t-il encore estimé, se donner les moyens légaux, judiciaires et militaires, y compris par l’augmentation du budget des opérations de maintien de la paix.  La prévention des conflits étant la meilleure manière de mettre en œuvre la responsabilité de protéger, les Nations Unies doivent s’appuyer sur les mécanismes d’alerte précoce aux niveaux régional, sous-régional et national ainsi que sur la société civile, en s’assurant de leur apporter l’assistance financière et technique nécessaire, a conclu le représentant. 

M. ROBERT CHATRNÚCH (Slovaquie) a réclamé au Secrétaire général une évaluation de la mise en œuvre des recommandations précédentes et des analyses spécifiques sur les pays.  Il a ensuite estimé que le Programme 2030, cadre d’une coopération mondiale pour l’édification d’un monde meilleur et plus durable, peut apporter une contribution importante aux efforts visant à prévenir les atrocités de masse.  Les prochains Sommets sur les objectifs de développement durable et de l’avenir doivent donc être perçus comme l’occasion non pas de redoubler mais de tripler d’efforts pour réaliser les objectifs convenus.  Le représentant a insisté sur l’importance des systèmes d’alerte rapide, aux niveaux national et international.  Sur le plan international, il a appelé le Conseil de sécurité à se montrer capable de prendre des mesures en cas de menace à la paix et à la sécurité. 

Dans ce cadre, il a attiré l’attention sur le Code de conduite du Groupe ACT et l’initiative franco-mexicaine.  Il a aussi insisté sur le rôle de la Cour pénale internationale (CPI) dont les 25 ans sont l’occasion idéale de démontrer l’engagement commun en faveur de la lutte contre l’impunité.  Il a également appelé à une nouvelle convention globale sur la prévention et le châtiment des crimes contre l’humanité, jugeant encourageantes les dernières discussions de la Sixième Commission chargée des questions juridiques.  Le représentant n’a pas manqué de saluer l’adoption récente de la Convention Ljubljana-Hague qui vise à renforcer la responsabilité première des États d’enquêter, de poursuivre et de punir les auteurs des crimes internationaux les plus graves.  Il a conclu en réclamant la cessation immédiate des opérations militaires de la Fédération de Russie en Ukraine et au retrait sans conditions des troupes russes de tout le territoire ukrainien

M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a regretté que, bien que le concept de responsabilité de protéger ait été présenté comme une « noble doctrine humanitaire » visant à prévenir les atrocités de masse et à protéger les populations vulnérables, il subsiste un deux poids, deux mesures et des considérations politiques dans sa justification et dans l’application de ses principes.  D’après lui, si la responsabilité de protéger doit s’appliquer, c’est bien dans les situations d’occupation étrangère ou de domination étrangère, comme en Palestine occupée ou dans le Jammu-et-Cachemire sous occupation indienne.  S’agissant de ce dernier territoire, qui fait face à des violations des droit humains « assimilables à un génocide », les voix appelant à une intervention pour protéger la population sont d’un « silence assourdissant », a déploré le représentant.  Pourtant, après avoir refusé le droit à l’autodétermination du peuple cachemiri, en violation de multiples résolutions du Conseil de sécurité, l’Inde a déployé 900 000 soldats dans ce territoire, et a eu recours à des exécutions extrajudiciaires, des enlèvements forcés, des punitions collectives et à l’incarcération des dirigeants politiques cachemiri, a-t-il dénoncé, ajoutant que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a publié deux rapports faisant état de violations massives des droits humains et proposé la création d’une commission d’enquête sur ces violations. Accusant le Gouvernement indien de persécuter systématiquement les musulmans sur le territoire indien et au Jammu-et-Cachemire occupé, « au nom d’une idéologie proche du nazisme », le représentant a invité la communauté internationale et en particulier les défenseurs de la responsabilité de protéger à analyser attentivement cette situation dévastatrice pour les droits humains.  De façon générale, il a jugé nécessaire d’adopter une approche plus nuancée et équilibrée, qui évite la sélectivité et favorise l’objectivité et l’impartialité. 

M. CARLOS AMORÍN (Uruguay) a appelé à la primauté du droit et des droits humains, avant de s’inquiéter de la régression en ce qui concerne la réalisation des objectifs de développement durable.  Il a rappelé que le monde compte près de 110 millions de personnes déplacées en raison des conflits et des atrocités commises.  Le délégué a plaidé pour un rôle accru de la Commission de consolidation de la paix.  Il s’est dit en faveur du non-exercice du droit de veto en cas d’atrocités de masse, avant de souligner également l’importance du Conseil des droits de l’homme s’agissant de l’activation des mécanismes d’alerte rapide.

La responsabilité de protéger, a déclaré M. NORBERTO MORETTI (Brésil), n’est pas consacrée dans un instrument juridiquement contraignant et elle ne reflète pas non plus le droit coutumier international.  C’est un concept politique appelé à être utilisé collectivement, au sein des Nations Unies.  Ce concept, a poursuivi le représentant, ne saurait devenir le prétexte à des mesures coercitives unilatérales ou à des actes d’ingérence ou de changement de régime.  Toute action collective doit se fonder sur des principes, des paramètres et des procédures agréés et dans ce cadre, le recours à la force doit être décidé en dernier ressort, dans le strict respect du droit international. 

Pour prévenir les crimes qui relèvent de la responsabilité de protéger, il faut, a professé le représentant, une approche globale qui renforce la cohérence entre la politique, la sécurité, le développement, les droits de l’homme et l’état de droit.  À cet égard, la Commission de consolidation de la paix peut jouer un rôle important. Le représentant a tout de même appelé la communauté internationale à éviter les concepts vagues comme celui d’« atrocités criminelles » qui n’est défini ni par le droit international ni par les résolutions et décisions multilatérales.  Les quatre crimes mentionnés dans le document de 2005 sont de toute évidence atroces mais ils le sont tout autant que les autres crimes absents du rapport du Secrétaire général.  Après s’être attardé sur le cercle vicieux des conflits armés et de l’insécurité alimentaire, le représentant a appelé à des mesures concrètes sur les trois piliers du travail de l’ONU.  Il faut, a-t-il insisté, une meilleure collaboration entre l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social (ECOSOC) et la Commission de consolidation de la paix.

M. KEMAL ONUR EKREN (Türkiye) a exhorté la communauté internationale à se montrer solidaire contre les actes de violence et de discrimination fondés sur la religion, et en particulier contre l’islamophobie.  Après avoir rappelé que son pays a joué un rôle de pionnier dans la lutte contre l’insécurité alimentaire avec l’Initiative de la mer Noire, il a encouragé les États Membres à allouer davantage de ressources à la réalisation des ODD.  Lorsque les efforts de prévention ne fonctionnent pas, les organes de l’ONU devraient intervenir, a conseillé le délégué qui a souligné le rôle du Conseil du sécurité dans les situations d’atrocités de masse.  « La responsabilité de protéger n’est pas une norme établie du droit international. »  Sa portée et sa mise en œuvre doivent être définies et affinées, a-t-il estimé, en proposant notamment de tenir compte de la lutte contre le terrorisme et des préoccupations de tous les États Membres.  Il a plaidé à cet égard pour le consensus le plus large possible au sein de la communauté internationale.  Les traités internationaux traitant du crime de génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité fournissent un cadre juridique complet et font autorité pour la prévention et la répression de ces crimes, a en outre rappelé le délégué qui a exhorté à les mettre en œuvre de manière cohérente et fidèle.

M. FABIÁN ODDONE (Argentine) s’est félicité du rapport du Secrétaire général qui établit un lien entre le développement durable et la responsabilité de protéger.  Considérant que les responsabilités en matière de développement et de protection incombent au premier chef aux États Membres, le représentant a estimé que l’engagement politique et l’appropriation nationale de la responsabilité de protéger sont importants et doivent être assortis d’une approche qui favorise la cohérence institutionnelle.  Il a ainsi souligné les recommandations sur le renforcement des capacités nationales et la mise en place de mécanismes de coordination pour la détection précoce, la prévention et la riposte aux atrocités.  Il a en outre considéré que les trois piliers du concept de responsabilité de protéger doivent être abordés sur un pied d’égalité, sans un ordre de priorité qui pourrait affaiblir ce concept et son application. 

Nous devons mettre en place, a pressé M. GIANLUCA GRECO (Italie), des mécanismes d’alerte rapide, des politiques structurelles et des stratégies globales pour créer des sociétés plus résilientes, fondées sur le respect des droits humains.  La coopération internationale dans les domaines de ces droits, du développement durable et de la paix est une partie intégrante de la politique étrangère italienne, a souligné le représentant.  La Vice-Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), l’Italie, a-t-il indiqué, s’est dûment félicitée de la Réunion spéciale, tenue au mois de janvier, sur les mesures socioéconomiques nécessaires à la prévention du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.  Nous avons particulièrement apprécié l’appel à travailler avec les communautés locales et les organisations communautaires, conformément au principe d’appropriation nationale et à une approche soucieuse de la dimension genre.

Le représentant a salué le récent lancement du « plan d’action de Napoli » visant à renforcer le rôle des femmes, au niveau des communautés, dans la lutte contre les discours de haine et la prévention des incitations à une violence pouvant conduire à des atrocités criminelles.  Ce plan est le fruit des discussions entre les cheffes de communauté qui se sont réunies à Naples au mois de juillet 2022.  Leur travail a donné lieu à une série de recommandations pour faire avancer cet agenda ambitieux et difficile.  En examinant le concept de responsabilité de protéger dans toutes ses dimensions, le but, a voulu rappeler le représentant, est de mettre fin au climat d’impunité qui fait obstacle à nos efforts individuels et collectifs de prévention.

M. JAKUB KULHÁNEK (République tchèque) a estimé que la persistance d’atrocités dans le monde vient rappeler à chacun que la mise en œuvre de ce principe doit être au premier plan des efforts internationaux.  La prévention doit donc entraîner l’adoption de politiques publiques efficaces qui contribuent à construire des sociétés plus résilientes et plus protectrices des populations vulnérables, a-t-il plaidé, avant d’appeler les États Membres à renouveler leur engagement en faveur du Programme 2030, à travailler sur le lien humanitaire-développement-paix et à renforcer la protection des droits humains à l’échelle mondiale.  Pour le représentant, différentes entités du système onusien peuvent contribuer plus efficacement à la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, à commencer par le Conseil de sécurité, qui doit utiliser tous les moyens pour réagir aux crises, protéger les civils et soutenir les processus de paix.  Réaffirmant son plein soutien à l’initiative franco-mexicaine sur la limitation du droit de veto en cas d’atrocités de masse, le délégué a aussi appuyé le mandat du Conseiller spécial sur la responsabilité de protéger ainsi que celui du Conseiller spécial pour la prévention du génocide.  En plus de l’objectif ultime d’empêcher que des atrocités criminelles ne se produisent, la communauté internationale doit selon lui établir les responsabilités pour les atrocités commises.  Dans ce cadre, a-t-il conclu, la poursuite constante de la justice par les autorités nationales, ainsi que par les juridictions internationales telles que la CPI, est essentielle pour créer une culture mondiale de responsabilité qui défende la responsabilité de protéger. 

Droits de réponse

Exerçant son droit de réponse, la représentante de l’Inde a dénoncé les propos propagandistes du Pakistan.  L’Inde est une démocratie et ses politiques ne sont pas discriminatoires.  Elle a accusé le Pakistan d’être le seul à avoir commis un génocide sans jamais s’excuser.  Les minorités religieuses et ethniques au Pakistan vivent dans la peur.  S’agissant du Jammu-et-Cachemire, c’est un territoire de l’Inde illégalement occupé par le Pakistan. 

La déléguée du Pakistan a accusé l’Inde d’avoir utilisé le terrorisme comme politique d’État à l’encontre de son voisin.  Elle a également affirmé que la menace d’un génocide plane sur le Jammu-et-Cachemire illégalement occupé par l’Inde qui réprime en outre les efforts d’autodétermination du peuple cachemirien. 

La déléguée de la Chine a réfuté les allégations malveillantes formulées par les États-Unis.  Dire qu’il y a un génocide dans la province du Xinjiang est un mensonge, a-t-elle tranché. Elle a déclaré que ce pays connaît le génocide, puisqu’il l’a perpétré contre la population amérindienne sur son territoire.  « C’est son péché originel. »  Enfin, elle a dénoncé les interventions menées par ce pays au nom de la responsabilité de protéger. 

ADOPTION DE DEUX RÉSOLUTIONS 

Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens – fonctions résiduelles (A/77/789)

Déclarations 

Mme SOPHEA EAT (Cambodge) a exprimé sa gratitude au Groupe des principaux donateurs, en particulier à l’Allemagne, pour avoir proposé et parrainé cette résolution.  Entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979, le régime des Khmers rouges a privé le peuple cambodgien de toutes les formes de droits humains.  Environ un tiers de la population cambodgienne a perdu la vie du fait d’exécutions sommaires, de la famine et des maladies, a-t-elle rappelé. Une fois la paix revenue, en 1998, le Gouvernement du Cambodge a réclamé l’appui de l’ONU pour demander des comptes aux principaux responsables des Khmers rouges pour les crimes commis au cours de la période la plus sombre de l’histoire du pays.  Les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) ont été créées en 2006 et depuis, ce tribunal hybride a condamné les trois plus hauts dirigeants des Khmers rouges pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide.  L’an dernier, le tribunal a achevé sa fonction principale en condamnant le Chef de l’État sous le régime des Khmers rouges, Khieu Samphan, à la prison à perpétuité. 

La justice ayant été rendue aux victimes, ceux qui ont survécu à l’holocauste, « y compris moi-même », peuvent aujourd’hui envisager l’avenir avec le sentiment d’avoir refermé la porte sur une période difficile, a-t-elle affirmé.  La représentante a également assuré que la réconciliation favorisée par les Chambres extraordinaires a permis au Cambodge de bâtir un avenir pacifique pour les générations futures.  Au cours des dix-sept dernières années, a-t-elle précisé, plus de 240 000 personnes ont assisté aux audiences du tribunal, tandis que d’autres ont suivi les procédures judiciaires à la télévision.  Les fonctions résiduelles des Chambres extraordinaires visent maintenant à préserver leur héritage et à faire en sorte que leurs travaux continuent d’avoir un impact positif longtemps après la fin des procédures judiciaires, a assuré la déléguée. 

M. HOANG NGUYEN NGUYEN (Viet Nam) a indiqué que les verdicts rendus par les Chambres extraordinaires ont apaisé les victimes au Cambodge et au Viet Nam. Il a également vu dans ces verdicts la confirmation de la justesse de l’autodéfense de son pays et de son union avec le « Front national cambodgien » pour mettre fin au régime génocidaire de Pol Pot.  À l’époque, cet acte a malheureusement été politisé et le Viet Nam sanctionné à tort pendant de nombreuses années.

Les crimes atroces doivent être punis, a ensuite souligné le représentant, en saluant l’appui apporté aux fonctions résiduelles des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. 

L’Assemblée générale a ensuite adopté par consensus la résolution intitulée « Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens– fonctions résiduelles » qui a été présentée par l’Allemagne.

Santé mondiale et politique étrangère (A/77/L.77)

Explications de position

Après avoir adopté par consensus la résolution intitulée « Santé mentale et soutien psychosocial », présentée par le Mexique, l’Union européenne, par la voix de la Suède, a souligné la nécessité d’adopter une démarche globale pour assurer la prévention, l’intervention précoce et des soins intégrées en matière de santé mentale. Elle a indiqué que le 7 juin dernier, la Commission européenne a présenté une stratégie intégrée sur la santé mentale. Celle-ci repose sur une approche holistique fondée sur les droits humains et reposant sur trois principes directeurs, à savoir prévention, accès à des soins de qualité et réintégration dans la société après la convalescence. 

Les États-Unis, qui s’exprimaient également au nom de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni, se sont réjouis, en tant que co-auteurs de la résolution, de ce texte, le premier du genre à traiter de la santé mentale et du soutien psychosocialIls ont relevé que bien trop souvent, les individus ayant un handicap psychosocial font face à plusieurs violations et atteintes de leurs droits humains, y compris les privations arbitraires  

Oman, qui s’exprimait au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), et le Guatemala, ont rejoint le consensus mais émis des réserves au sujet des libellés relatifs aux droits sexuels et procréatifs, précisant examiner cette question conformément à leur législation nationale respective. 

La République islamique d’Iran a s’est déclarée préoccupée par l’absence de transparence lors des consultations sur le texte.  Elle a regretté l’absence de toute référence aux mesures coercitives unilatérales qui nuisent à la jouissance des droits humains et entravent l’accès aux soins de santé, y compris de santé mentale, alors qu’un grand nombre d’États Membres demandaient l’ajout d’un tel libellé.  Elle s’est par ailleurs dissociée de l’alinéa 8 du préambule, avant d’indiquer que la mise en œuvre des dispositions de cette résolution dépendra de ses lois, règlements, politiques et priorités nationales. 

Le Venezuela s’est félicité de ce « jalon historique » en matière de santé mentale.  Il a cependant regretté que, dans le cadre des négociations, certains pays menant les échanges aient refusé de faire figurer dans la résolution les incidences négatives des mesures coercitives unilatérales sur les droits humains et les politiques de santé mentale.  Jugeant cette attitude inacceptable, qui plus est à l’approche du Sommet sur les ODD, il a averti qu’aucun document sur la santé ne contenant pas ce libellé ne pourra être considéré comme exhaustif par le Venezuela. 

L’Indonésie a émis des réserves quant aux libellés qui ne font l’objet d’un agrément clair.  Pour ce qui est des aspects techniques, elle s’est dite d’avis que la résolution devrait tenir compte des libellés de l’équipe de terminologie technique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Cela vaut pour tous les paragraphes où il est fait mention d’handicap psychosocial, a-t-elle précisé. 

L’Égypte a regretté qu’en dépit de négociations prolongées, seuls 17 paragraphes sur 55 aient pu être discutés.  Il aurait fallu poursuivre les discussions sur l’intégralité de ce texte, qui est le premier du genre sur la santé mentale, a-t-elle argué.  Elle a également déploré le fait que des amendements aient été apportés après chaque cycle de négociations, y compris sur le titre de la résolution qui ne fait plus mention du développement durable.  Pour la délégation, il est regrettable que plusieurs pays aient tenté d’affaiblir tous les aspects du texte relatif au développement durable, « en créant une concurrence artificielle entre les questions de développement et de droits humains ».  De plus, il y a eu une tentative délibérée de saper les libellés sans tenir compte des spécificités nationales, a-t-elle ajouté, affirmant ne s’être ralliée au consensus que pour faire progresser l’ODD 3. 

Le Nicaragua a regretté à son tour que la position de 28 pays demandant l’inclusion d’un libellé sur l’incidence délétère des mesures coercitives unilatérales ait été ignorée.  Étant entendu qu’il s’agit du premier texte sur la santé mentale adopté par l’Assemblée générale, il est inacceptable, selon lui, qu’on n’y ait pas inclus l’impact de mesures qui font obstacle à la couverture sanitaire universelle, alors que les pays en développement ont besoin de renforcer leurs capacités pour proposer des services de santé spécialisés à leur population.  On ne peut mettre de côté plus de 40 pays qui font face à ces mesures illégales, décidées par des pays impérialistes qui vont à l’encontre de la Charte des Nations Unies et du Programme 2030, a ajouté lé délégation. 

La Fédération de Russie s’est félicitée de l’adoption de la première résolution de l’Assemblée générale relative à la santé mentale.  Elle a cependant regretté qu’au cours des négociations, l’équilibre du texte se soit déplacé vers l’intégration des droits humains et des aspects liés au genre dans le secteur de la santé de base, laissant de côté un certain nombre de questions importantes.  Ainsi, la proposition formulée par 28 délégations en faveur de l’inclusion d’un paragraphe sur l’incidence négative des mesures coercitives unilatérales sur la santé mentale de la population mondiale n’a pas été appuyée, a-t-elle déploré, estimant en outre que l’attention voulue n’a pas été accordée à l’accès universel à des soins de santé mentale de qualité.  Cela peut rendre difficile la mise en œuvre des dispositions de la résolution au niveau mondial, son application au niveau national et son utilisation comme libellé agréé dans les processus multilatéraux, a souligné la délégation. 

La déléguée du Bélarus a déploré que le texte passe sous silence les incidences des sanctions sur l’état de santé des populations, l’accès aux médicaments étant notamment entravé.  Elle a souligné l’importance du rôle des États s’agissant de la politique sanitaire. 

La déléguée du Nigéria a soutenu l’adoption par consensus de cette résolution, tout en déplorant que les incidences des sanctions ne figurent pas dans le texte final.  Elle a également souligné que le mot genre se rapporte aux hommes et aux femmes et critiqué l’inclusion de notions controversées. 

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