Soixante-dix-septième session,
63e séance plénière – matin
AG/12496

L’Assemblée générale commémore l’abolition de l’esclavage et de la traite transatlantique, « un crime contre l’humanité qui n’a pas été sans auteur »

Les appels à une offre éducative transformatrice et à des politiques de réparation ont dominé, aujourd’hui, la séance commémorative consacrée par l’Assemblée générale à l’occasion de la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, « chapitre sombre et abject » de l’histoire du monde, et véritable « insulte » faite à l’humanité.

« La traite transatlantique de plus de 15 millions de femmes, d’hommes et d’enfants a été un crime contre l’humanité qui n’a pas été sans auteur », a, d’emblée rappelé le Président de l’Assemblée générale en évoquant tous les acteurs -États, banques, compagnies d’assurances- qui ont tiré profit de ce crime. 

M. Csaba Kőrösi, a parlé de l’émotion ressentie au Ghana lorsqu’il a visité les prisons où étaient détenus les esclaves avant leur déportation, avant de souligner la nécessité d’enseigner cette histoire afin d’éliminer les vestiges du racisme.  « Il faut enseigner la traite mais aussi le soulèvement de 1791 à Saint Domingue, l’histoire de Palmares au Brésil et l’apport des grandes figures, telles que Frederick Douglass et Harriet Tubman », a-t-il déclaré. 

Même son de cloche du côté du Secrétaire général, M. António Guterres, qui a rappelé que « cette injustice colossale » a duré plus de 400 ans, avant de faire le lien entre l’exploitation coloniale et les inégalités mondiales actuelles.  L’ombre de l’esclavage plane sur les peuples africains traumatisés par leur passé, a-t-il dit, en demandant une amélioration des programmes scolaires.  « Il faut raconter cette histoire pour que les fantômes ne nous hantent plus », a appuyé Mme Djamila Ribeiro. 

Cette philosophe brésilienne et lauréate du prix littéraire Jabuti a en effet indiqué que cette histoire a été mise délibérément sous le boisseau au Brésil, qui a été, comme elle l’a rappelé, le dernier pays des Amériques à avoir abolir l’esclavage.  Mme Taylor Cassidy, représentante de la jeunesse, a également signalé que l’histoire de l’esclavage a longtemps été une « note de bas de page » de l’histoire des États-Unis. 

« Je me tiens devant vous en tant que diplomate représentant fièrement mon pays mais aussi en tant que descendante d’esclave », a déclaré à son tour la représentante des États-Unis qui a fait savoir que trois générations seulement la séparent de son ancêtre esclave.  Elle a assuré de la détermination de l’Administration Biden à améliorer les conditions de vie des communautés noires et de protéger leurs droits. 

À son tour, le représentant du Brésil a fait savoir que le droit fédéral brésilien prévoit l’enseignement de l’histoire de l’esclavage, indiquant en outre qu’un mémorial a été construit à Valongo où ont débarqué plus de 900 000 esclaves africains.  Le Secrétaire général a insisté dans son discours sur l’importance de tels mémoriaux, en mentionnant l’Arche du retour érigée au Siège des Nations Unies. 

Mais ce sont bien les appels à une justice réparatrice qui ont dominé la réunion.  Mme Ribeiro en a souligné la nécessité, en rappelant que les « différents gouvernements de droite » au Brésil ont longtemps entravé une telle justice.  Les États concernés ne devraient pas avoir peur d’accepter leurs responsabilités et de prendre des mesures de réparation, a appuyé la Sierra Leone, au nom du Groupe des États d’Afrique. 

À l’instar de la Chine, le délégué des Bahamas, au nom du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes, s’est appuyé sur la Déclaration de Durban pour demander de telles mesures, en espérant que l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine, qui doit se réunir à New York fin mai, aboutira à une déclaration en ce sens. 

« Chaque fois qu’il y a eu dommage, il faut une réparation », a insisté la Barbade, au nom de la Communauté des Caraïbes, en se référant également à ladite Déclaration.  Dans ce droit fil, le délégué du Cameroun a estimé que seule la réparation permettra de « parachever la réconciliation des cœurs » et « d’exorciser le mal ».  Or les propriétaires d’esclaves ont été indemnisés lors de l’abolition de l’esclavage, mais pas les esclaves et leurs descendants qui « attendent toujours l’hirondelle qui annonce le printemps », qui est en réalité « un serpent de mer », a-t-il regretté.

Le monde entier a une dette morale envers Haïti qui a obtenu son indépendance le 1er janvier 1804 après une lutte acharnée contre les Français, a appuyé pour sa part le délégué haïtien, en louant « l’histoire glorieuse » de son pays à rebours « des clichés misérabilistes » véhiculés par les médias occidentaux à l’endroit d’Haïti. 

« Nous allons prendre des mesures concrètes pour éradiquer les discriminations raciales et éliminer le racisme », a promis le délégué du Luxembourg, au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, en appelant à lutter contre les causes profondes de ce fléau.  À l’instar des États-Unis, le délégué a exhorté tous les pays à rejoindre la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. 

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