La meilleure façon de préserver les générations futures du fléau de la guerre, c’est de remplacer la division par le dialogue, estime M. Guterres
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors de la séance du Conseil de sécurité consacrée au « maintien de la paix et de la sécurité internationales: promouvoir la sécurité commune par le dialogue et la coopération », à New York, aujourd’hui:
Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir organisé une séance du Conseil de sécurité sur un sujet aussi important. Notre sécurité commune exige que nous saisissions chaque instant pour mieux comprendre les menaces et les défis auxquels nous sommes confrontés et, plus important encore, pour élaborer des ripostes unies face à ces menaces et défis.
Comme le montre clairement l’objet de la présente séance d’information, c’est par le dialogue et la coopération qu’on bâtit la voie de la paix. Je viens de rentrer d’Ukraine, de Türkiye et de République de Moldova, et j’attends avec intérêt d’en parler plus en détail mercredi. J’ai pu constater par moi-même la mise en œuvre de l’Accord sur l’exportation de céréales par la mer Noire, une initiative visant à faire circuler à nouveau les céréales et d’autres produits alimentaires essentiels via les ports ukrainiens. Parallèlement, nous avons un accord visant à faciliter l’accès sans entrave des denrées alimentaires et des engrais en provenance de la Fédération de Russie aux marchés mondiaux. Ce plan global est crucial pour les personnes et les pays les plus vulnérables du monde, qui comptent désespérément sur ces approvisionnements alimentaires. Cela montre surtout que le dialogue et la coopération peuvent être porteurs d’espoir, même en plein conflit.
Le même engagement en faveur du dialogue et des résultats doit être appliqué à la situation critique de la centrale nucléaire de Zaporijia. Je réaffirme que l’ONU possède en Ukraine les capacités logistiques et de sécurité pour appuyer une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique de Kyïv à Zaporijia. Nous continuons de chercher sans relâche la paix en Ukraine et partout dans le monde, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international.
Le Conseil de sécurité est un élément essentiel du processus de paix et de prévention, grâce à ses résolutions qui visent à apaiser les conflits, à favoriser la réconciliation et à fournir une assistance et un appui humanitaires à des millions de personnes dans le besoin. Cependant, le système de sécurité commune actuel est mis à l’épreuve comme jamais auparavant. Notre monde est déchiré par des clivages géopolitiques, des conflits et l’instabilité, des coups d’État militaires aux conflits interétatiques, en passant par les invasions et les guerres qui se prolongent année après année. Les divergences persistantes entre les grandes puissances du monde, y compris au sein du Conseil, continuent de limiter notre capacité de réagir de concert.
L’aide humanitaire a atteint ses limites. Les droits humains et l’état de droit sont attaqués. La confiance fait défaut. Bon nombre de systèmes mis en place il y a des décennies sont aujourd’hui confrontés à des défis qui étaient impensables pour nos prédécesseurs, notamment la cyberguerre, le terrorisme et les armes létales autonomes. Le risque nucléaire est à son point le plus élevé depuis des décennies.
Les outils qui nous ont préservés d’une guerre mondiale catastrophique sont plus importants que jamais, mais ils doivent être adaptés à la situation en matière de paix et de sécurité internationale, qui se dégrade rapidement aujourd’hui. Nous devons reforger un consensus mondial autour de la coopération nécessaire pour garantir la sécurité commune, notamment l’action de l’ONU. C’est également ce qui sous-tend ma proposition pour un Nouvel Agenda pour la paix, tel qu’il figure dans le rapport intitulé Notre Programme commun (A/75/982). Grâce à lui, nous examinons les outils diplomatiques contenus dans la Charte des Nations Unies, notamment les dispositions du Chapitre VI sur la négociation, l’enquête, la médiation, la conciliation, l’arbitrage et le règlement judiciaire, afin de mettre un terme aux conflits.
Nous mettons également l’accent sur la prévention et la consolidation de la paix. Il s’agit notamment de renforcer notre capacité de prévoir les menaces futures et d’anticiper les points de tension et les conditions de longue date qui pourraient déboucher sur des violences. Il s’agit aussi d’envisager des rôles nouveaux et élargis pour les acteurs et groupes régionaux, en particulier lorsque des menaces transfrontières à la paix et à la sécurité voient le jour. Il s’agit de donner la priorité aux droits humains dans les investissements politiques et financiers qui permettent de s’attaquer aux causes profondes des conflits, de la protection sociale à l’éducation en passant par les programmes visant à mettre fin à la violence et à la discrimination et à accroître la participation des femmes à la vie civique et politique. Il s’agit de conclure de nouveaux contrats sociaux qui créent et renforcent les liens de confiance entre les personnes qui vivent à l’intérieur des mêmes frontières, ainsi qu’à l’égard des gouvernements et des institutions qui les représentent, afin que toutes et tous puissent contribuer à l’édification de la paix. Il s’agit de consentir des efforts communs pour mobiliser les pays autour de la nécessité de réduire les risques découlant de la cyberguerre et des armes létales autonomes.
Et il s’agit d’accélérer les efforts visant à éliminer la menace nucléaire une fois pour toutes. La dixième Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui se réunit ce mois-ci, doit montrer que des progrès sont possibles. Je demande une fois de plus à tous les États parties de faire preuve de souplesse et d’une volonté de compromis dans toutes les négociations. Les pays possédant des armes nucléaires doivent s’engager à respecter le principe du non-recours en premier à ces armes. Ils doivent également garantir aux États qui ne possèdent pas d’armes nucléaires qu’ils n’utiliseront pas ou ne menaceront pas d’utiliser des armes nucléaires contre eux et qu’ils feront preuve de transparence tout au long du processus. Il faut cesser d’agiter le spectre de l’arme nucléaire. Il faut que tous les États s’engagent à nouveau en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires et ne ménagent aucun effort, lorsqu’ils se retrouvent à la table des négociations, pour apaiser les tensions et mettre fin une fois pour toutes à la course aux armements nucléaires.
L’avenir de l’humanité est aujourd’hui entre nos mains. En cette période de risque maximal pour notre monde, il est temps de renouveler notre engagement envers la Charte des Nations Unies et les idéaux qu’elle représente. La meilleure solution pour tenir la promesse formulée dans la Charte de préserver les générations futures du fléau de la guerre, c’est de remplacer la division par le dialogue et la diplomatie, de négocier et de trouver des compromis et de rendre des comptes à l’avenir.
Le Conseil et l’Organisation représentent les nations du monde entier et constituent le meilleur espoir de l’humanité pour bâtir un avenir meilleur et plus pacifique. Alors que nous élaborons notre Nouvel Agenda pour la paix, à nous de prouver que nous avons tiré les leçons du passé. Réitérons notre engagement envers les instruments éternels de la paix: le dialogue, la diplomatie et la confiance mutuelle.