Face à l’urgence climatique, le Secrétaire général exhorte à précipiter le passage aux énergies renouvelables
On trouvera ci-après le message vidéo du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion de la publication du troisième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, aujourd’hui:
Le jury a rendu son verdict. Et il est accablant. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est une litanie de promesses climatiques non tenues. C’est un dossier déshonorant, où sont énumérées les promesses vides qui, inéluctablement, nous mènent sur la voie d’un monde invivable.
Nous approchons à toute allure de la catastrophe climatique: des grandes villes submergées. Des vagues de chaleur sans précédent. Des tempêtes terrifiantes. Des pénuries d’eau généralisées. L’extinction d’un million d’espèces végétales et animales. Ce n’est là ni fiction, ni exagération.
Ce sont, d’après les conclusions scientifiques, les conséquences de nos politiques énergétiques actuelles.
Nous sommes sur la voie d’un réchauffement climatique excédant le double de la limite de 1,5 degré arrêtée à Paris. Certains dirigeants politiques et chefs d’entreprise disent une chose, mais en font une autre. En d’autres termes, ils mentent. Et l’issue sera catastrophique. Il y a urgence climatique.
Les climatologues sonnent l’alarme: nous sommes déjà dangereusement proches des points de basculement qui pourraient entraîner des effets en cascade irréversibles. Les pays et les entreprises les plus polluants ne se contentent pas de fermer les yeux: ils ajoutent de l’huile sur le feu.
Ils étouffent notre planète, au service de leurs intérêts particuliers et de leurs investissements historiques dans les combustibles fossiles, alors que des solutions renouvelables, moins coûteuses, offrent des emplois verts, une sécurité énergétique et une plus grande stabilité des prix.
Nous avons quitté la COP26 à Glasgow en arborant un optimisme naïf, fondé sur de nouvelles promesses et de nouveaux engagements. Mais le problème principal, à savoir l’écart énorme et croissant entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions, a été pratiquement ignoré. Pour autant, la science ne laisse planer aucun doute. Pour que la limite de 1,5 degré fixée à Paris demeure un objectif réalisable, nous devons réduire les émissions mondiales de 45% au cours de cette décennie.
Or, les actuelles promesses d’action en faveur du climat correspondraient en fait à une augmentation de 14% des émissions. La plupart des grands émetteurs ne prennent pas les mesures nécessaires pour tenir ces promesses, tout insuffisantes qu’elles soient. Les militants du climat sont parfois dépeints comme de dangereux radicaux, alors que les véritables radicaux dangereux sont les pays qui augmentent la production de combustibles fossiles.
Investir dans de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles est, moralement et économiquement, une folie. Ces actifs seront bientôt voués à l’abandon: ils feront tache dans le paysage et grèveront les portefeuilles d’investissement. Ce n’est pourtant pas une fatalité.
Le rapport d’aujourd’hui est axé sur l’atténuation – c’est-à-dire la réduction des émissions. Il présente, pour tous les secteurs, des options viables et financièrement saines permettant de maintenir la possibilité de limiter le réchauffement à 1,5 degré.
Avant tout, nous devons précipiter le passage aux énergies renouvelables. Pour ce faire, il faut déplacer les investissements et les subventions des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables, sans plus attendre. La plupart du temps, les énergies renouvelables sont déjà bien moins coûteuses. Il faut, pour les pays, cesser de financer le charbon, non seulement à l’étranger, mais aussi sur leur territoire.
Il faut, pour les coalitions en faveur du climat, composées de pays développés, de banques multilatérales de développement, d’institutions financières privées et de sociétés privées, soutenir les principales économies émergentes dans ce changement. Il faut protéger les forêts et les écosystèmes en ce qu’ils fournissent de puissantes solutions climatiques. Il faut faire des progrès rapides dans la réduction des émissions de méthane. Enfin, il faut mettre en œuvre les engagements pris à Paris et à Glasgow.
Les dirigeantes et dirigeants doivent prendre les choses en main. Toutefois, nous pouvons toutes et tous apporter notre pierre à l’édifice. Nous avons une dette envers la jeunesse, la société civile et les populations autochtones car ce sont elles qui ont tiré la sonnette d’alarme et demandé des comptes à la classe dirigeante. Nous devons nous appuyer sur leur travail pour créer un mouvement depuis la base qu’il sera impossible d’ignorer.
Si vous vivez dans une grande ville, une zone rurale ou un petit État insulaire; si vous investissez en bourse; si vous vous souciez de la justice et de l’avenir de nos enfants; je m’adresse directement à vous: exigez que les énergies renouvelables soient introduites dès maintenant, rapidement et à grande échelle. Exigez que cesse la production d’électricité à partir du charbon. Exigez que les combustibles fossiles ne soient plus subventionnés.
Le rapport d’aujourd’hui est publié en plein tumulte mondial. Les inégalités atteignent des niveaux records. Le relèvement après la pandémie de COVID-19 est scandaleusement déséquilibré. L’inflation s’accentue et la guerre en Ukraine fait exploser les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. L’augmentation de la production de combustibles fossiles ne fera qu’aggraver la situation.
Les choix que font les pays aujourd’hui se solderont par la réussite ou l’échec des efforts entrepris pour limiter le réchauffement à 1,5 degré. Le passage aux énergies renouvelables permettra de rectifier notre bouquet énergétique mondial défaillant et donnera de l’espoir aux millions de personnes qui subissent aujourd’hui les effets des changements climatiques. Les promesses et les programmes climatiques doivent devenir réalité et se concrétiser, dès maintenant. Il est temps d’arrêter de consumer notre planète et de commencer à investir dans l’abondante énergie renouvelable qui nous entoure.