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Le Secrétaire général appelle à placer les femmes et les filles au premier plan pour faire face aux crises climatique et environnementale

On trouvera ci-après le discours qu’a prononcé, aujourd’hui, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion de l’ouverture de la session annuelle de la Commission de la condition de la femme:

J’ai l’honneur de me joindre à vous, en personne, pour l’ouverture de l’un des évènements annuels les plus énergiques et les plus dynamiques du programme de travail des Nations Unies: la session annuelle de la Commission de la condition de la femme.  Je vous souhaite la bienvenue à toutes et à tous, ici et en ligne.

Cette année, la session de la Commission de la condition de la femme aborde l’une des questions les plus pressantes de notre époque.  Les situations d’urgence sans précédent causées par la crise climatique, la pollution, la désertification et la perte de biodiversité, associées à la pandémie de COVID-19, ainsi que les répercussions des conflits nouveaux ou en cours, se sont accélérées et intensifiées, donnant lieu à des crises généralisées et interdépendantes, qui nous touchent toutes et tous.

Mais pas de manière égale.  Partout, ce sont les femmes et les filles qui font face aux plus grandes menaces et subissent les préjudices les plus graves.  Partout, les femmes et les filles passent à l’action pour lutter contre les crises climatiques et environnementales.  Et partout, les femmes et les filles continuent d’être largement exclues des lieux de prise de décisions.

Les femmes et les filles qui vivent dans les petites nations insulaires, les pays les moins avancés et les zones de conflits sont les plus touchées.  Lorsque les ressources naturelles locales comme l’eau et la nourriture sont menacées, ce sont les femmes qui souffrent le plus et qui ont le moins de moyens pour s’adapter.

Les crises environnementales et les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les sécheresses et les inondations affectent de manière disproportionnée les agricultrices – leurs alimentation, leurs revenus et leurs moyens de subsistance.  Il apparaît de plus en plus que le mariage et l’exploitation d’enfants sont liés à la crise climatique.  Les études montrent que lorsque des catastrophes climatiques frappent –ce qui est de plus en plus fréquent– les femmes et les enfants courent jusqu’à 14 fois plus de risques de mourir que les hommes.

Les changements climatiques exacerbent les conflits dans le monde entier.  Les femmes qui œuvrent à la consolidation de la paix se retrouvent souvent en première ligne, tout en s’efforçant de faire vivre leurs familles et leurs communautés, même dans des situations de crises multiples et étroitement liées.  Je suis profondément alarmé par l’augmentation de la violence et des menaces à l’encontre des femmes qui défendent les droits humains et militent pour l’environnement.

À tous ces facteurs, s’ajoute la discrimination fondée sur le genre, qui fait qu’une infime partie des propriétaires fonciers et des dirigeants sont des femmes.  Les besoins et les intérêts des femmes sont souvent négligés et mis de côté dans les politiques et les décisions concernant l’utilisation des terres, la pollution, la conservation et l’action climatique.

Un tiers des rôles décisionnels dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris sont attribués à des femmes; et 15% seulement des ministres de l’environnement sont des femmes.  Dans le monde, un tiers seulement des 192 cadres énergétiques nationaux tiennent compte de considérations de genre.  Et celles-ci sont rarement prises en compte dans le financement du climat.

C’est la preuve encore une fois que notre monde et notre culture restent dominés par les hommes.  Nous continuons de subir les effets d’un patriarcat millénaire qui excluent les femmes et les empêche d’être entendues.  Nous n’atteindrons aucun de nos objectifs sans la contribution de toutes les personnes.  C’est pourquoi tout le monde –y compris les hommes et les garçons– devrait œuvrer pour les droits des femmes et l’égalité des genres.

L’Accord de Paris est essentiel pour les droits des femmes et des filles.  Nous devons lutter contre la perte de biodiversité, la dégradation des terres et la pollution pour que femmes et hommes vivent dans la dignité, sur une planète en bonne santé.  Mais nous n’y parviendrons pas si la participation des femmes n’est pas égale à celle des hommes et si celles-ci n’ont pas le même pouvoir de décision.

Les femmes et les filles leaders sont à l’avant-garde des mouvements pour le climat et l’environnement.  Les agricultrices et les femmes autochtones font autorité en matière de gestion durable des ressources.  Les femmes responsables politiques sont essentielles pour planifier un avenir qui tienne compte des intérêts de toutes les personnes.  Les femmes économistes rejettent les mesures et modèles dépassés et centrés sur les hommes, et placent l’égalité et la durabilité au cœur de leurs travaux.  Les avocates font entendre la voix des personnes vulnérables et s’attaquent aux puissants intérêts commerciaux qui menacent leurs moyens de subsistance.  Les femmes scientifiques apportent de nouvelles perspectives à la durabilité et aux énergies renouvelables.  Les femmes et les filles qui militent pour le climat défendent les droits de toutes les personnes à un climat vivable, aujourd’hui et pour les générations futures.

Dans tous les domaines, la voix, les droits et la contribution des femmes sont incontournables si l’on veut construire les économies durables et les sociétés résilientes de demain.  Dans mon tout premier rapport sur les liens entre l’urgence climatique et l’égalité des genres, je présente des mesures concrètes visant à placer les femmes et les filles au centre de la politique climatique et environnementale.

Ces deux dernières années, les inégalités et les injustices liées au genre ont été mises en évidence et exacerbées par la pandémie de COVID-19.  Des millions de femmes ont perdu leur emploi, ce qui a des répercussions catastrophiques sur leurs droits économiques et sociaux.  Des millions d’autres ont dû faire un choix impossible: gagner un revenu ou faire un travail domestique non rémunéré mais indispensable.  Des millions de filles sont déscolarisées.  Beaucoup pourraient ne jamais reprendre le chemin de l’école.

Pour s’attaquer à ces problèmes, nous devons présenter un front uni, protéger les avancées durement acquises en matière de droits des femmes tout en investissant dans l’apprentissage tout au long de la vie, les soins de santé, les emplois décents et la protection sociale pour les femmes et les filles.  L’égalité des genres et les droits des femmes doivent être au cœur d’un contrat social renouvelé, adapté aux sociétés et aux économies d’aujourd’hui.  Nous assistons à un recul des droits des femmes; nous devons lutter contre ce recul.

Dans mon rapport intitulé « Notre Programme commun », je propose un rééquilibrage du pouvoir et des ressources fondé sur une nouvelle donne mondiale.  L’égalité des genres est une condition sine qua non.  Je propose également un Nouvel agenda pour la paix, dont l’objectif est de réduire toutes les formes de violence –y compris la violence fondée sur le genre– et de placer les femmes et les filles au cœur de la politique de sécurité.

Je remercie les groupes de femmes de la société civile pour l’importante contribution à « Notre Programme commun » et vous invite à continuer d’appuyer les propositions qu’il contient.

Parallèlement, l’ONU œuvre chaque jour pour que les femmes contribuent à l’édification et au maintien de la paix et jouent un rôle de chef de file à chaque étape.  Nous avons atteint, il y a plus d’un an, la parité au niveau des 193 hauts dirigeants des Nations Unies, secrétaires généraux adjoints et sous-secrétaires généraux.  Et nous avons aussi atteint la parité dans la direction des équipes de pays - les coordonnateurs résidents.  C’est essentiel pour rendre l’ONU plus apte à représenter tous les peuples du monde.

Mes Envoyés spéciaux ou Représentants spéciaux élaborent et soutiennent des stratégies en faveur de processus de paix plus inclusifs.  Les conseillères et conseillers pour les questions de genre de nos missions politiques spéciales encouragent la participation des femmes et veillent à ce que leurs priorités soient pleinement prises en compte dans l’ensemble de notre action politique.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les réseaux de femmes pour la médiation en Afrique, en Méditerranée et ailleurs.

Il ne s’agit pas seulement d’une question de justice.  Pour que des communautés et des sociétés pacifiques et résilientes puissent voir le jour, les femmes doivent pouvoir diriger et contribuer, à égalité avec les hommes.

Nous ne pouvons pas dissocier la fragilité de la paix dans le monde des systèmes de patriarcat et d’exclusion hérités du passé.  La guerre en Ukraine en est un autre exemple.

Les crises climatique et environnementale, combinées aux retombées économiques et sociales de la pandémie de COVID-19, sont les enjeux déterminants de notre époque.

Notre avenir dépendra des solutions que nous trouverons, collectivement.

Pour que nous puissions bâtir l’avenir durable dont nous avons besoin, les femmes et les filles doivent être au premier plan et montrer la voie.

Vos travaux au sein de cette Commission sont essentiels à cet effet.

Je vous souhaite à toutes et à tous une réunion couronnée de succès.

Je vous remercie.

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