Forum sur les forêts: l’impact collectif des investissements dans la gestion durable des forêts et la simplification des formats des rapports nationaux dominent le débat
Le deuxième jour de la dix-septième session des travaux du Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF) a été l’occasion d’une série d’échanges sur différentes thématiques allant des activités du Partenariat de collaboration sur les forêts en passant par l’application de la stratégie de communication et d’information du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030).
Les délégations se sont également exprimées au sujet des améliorations proposées pour l’élaboration des rapports nationaux volontaires sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030). À ce sujet, le manque de moyens a été souligné à plusieurs reprises, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) soulignant notamment qu’il faudrait trois fois plus de ressources pour arriver à réaliser les objectifs relatifs aux forêts d’ici à 2030.
Il ne suffit pas de se doter d’une feuille de route climatique, y compris sur la gestion durable des forêts, si on n’a pas les moyens de la suivre, ont constaté plusieurs délégations. Comme ont argué le Brésil et la République du Congo, les forêts étant le poumon de notre planète, c’est un devoir moral pour tous de les protéger et, par conséquent, de financer leur gestion durable. Qu’il s’agisse de financements publics, privés ou philanthropiques, l’impératif d’une coopération internationale efficace a aussi été mis en avant. Toutefois, cet esprit de coopération doit s’accompagner du respect du principe des responsabilités communes mais différenciées dans la mobilisation des fonds pour la gestion durable des forêts, ont estimé certains.
Les membres du FNUF ont par ailleurs été nombreux à soutenir la proposition du FNUF de créer un groupe consultatif informel d’experts pour accompagner les pays dans la préparation des rapports nationaux volontaires sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030), notamment en leur fournissant des conseils techniques sur la collecte et le suivi des données relatives aux indicateurs sur les forêts. En effet, le premier cycle de rapport a mis en évidence les inégalités entre pays dans leur capacité de faire rapport à cause d’un manque de données fiables et pertinentes, a relevé le secrétariat. Pour ce qui est des préparatifs de l’examen à mi-parcours en 2024 de l’efficacité de l’arrangement international sur les forêts dans la réalisation de ses objectifs, l’idée d’un groupe ad hoc d’experts a également suscité un vif intérêt, à condition, pour certains, qu’il soit à composition non limitée.
La prochaine réunion du FNUF se tiendra le vendredi 13 mai, à partir de 9 heures.
DÉBAT D’ORIENTATION SUR LA MISE EN ŒUVRE DU PLAN STRATÉGIQUE DES NATIONS UNIES SUR LES FORÊTS (2017-2030)
Activités menées à l’appui des priorités thématiques pour la période 2021-2022
Au cours de ce premier débat, prolongation des discussions entamées la veille, il s’est d’abord agi pour les délégations de donner leur avis sur la situation concernant les activités des membres du Forum, dont les nouvelles annonces et la situation concernant les contributions nationales volontaires. Sur cette question, la représentante de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a notamment mis en avant l’initiative conjointe de la FAO et du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) afin de soutenir plus de 60 pays dans leur lutte contre la déforestation. La Déclaration de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres, adoptée l’an dernier lors de la COP26, est un autre cadre majeur de gestion durable des forêts, a-t-elle salué.
L’observateur de l’Union européenne (UE) a invité le Partenariat des Nations Unies sur les forêts à renforcer ses activités, notamment en accordant une plus grande importance à la protection des forêts primaires. Le Burundi a évoqué son programme « Burundi vert », tandis qu’au Nigéria, les efforts nationaux de reforestation sont imbriqués dans le projet panafricain de « Grande Muraille verte » qui entend créer ou restaurer une zone boisée allant des côtes ouest à est de l’Afrique. Le Gabon a relevé pour sa part que ses programmes de gestion forestières sont en droite ligne des directives de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC).
La Ministre de l’économie forestière de la République du Congo a expliqué que le secteur privé est associé aux réformes gouvernementales engagées depuis 20 ans dans le domaine forestier, alors la déléguée des États-Unis a expliqué que son pays est en cours d’élaboration d’une nouvelle politique forestière. Au Kenya, le Gouvernement entend augmenter son couvert végétal de 10%. Le Mexique, où 48% des forêts sont certifiées, a prévu de dépenser 200 millions de dollars en 2022 pour la protection forestière. En Arabie saoudite, les autorités ont mis en place une « initiative verte » visant à planter davantage d’arbres pour augmenter les capacités nationales de séquestration du carbone. Dans cette optique, le pays a planté 10 millions d’arbres au cours des deux dernières années. L’Argentine a invité à faire œuvre de prudence devant des concepts nouveaux dans le domaine forestier, avant que l’Union internationale des instituts de recherches forestières ne promette de poursuivre sa contribution au Partenariat en fournissant des informations scientifiques utiles à la gestion durable des forêts.
Le débat fut ensuite orienté sur les activités du Partenariat de collaboration sur les forêts et les progrès accomplis dans la mise en œuvre de son plan de travail, ainsi que sur la situation concernant les activités des organisations et mécanismes régionaux et sous-régionaux. Sur ces thématiques, l’Union européenne (UE) a encouragé le FNUF à promouvoir davantage de dialogue entre les acteurs forestiers, y compris par des approches intersectorielles.
Abordant par la suite la situation concernant les activités des grands groupes et d’autres parties prenantes, y compris le secteur privé et les milieux philanthropiques, le grand groupe des organisations non gouvernementales (ONG) a appelé à mieux protéger les peuples autochtones qui sont intimement liés aux forêts « qu’ils ont toujours protégées ». Le grand groupe des femmes a évoqué les activités du Réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire des forêts qui milite pour que les femmes soient au centre de la restauration forestière, et qui a suscité l’émulation de ses membres qui se sont engagées à planter 10 millions d’arbres. Il est temps de mettre à jour les programmes de formation en foresterie qui sont obsolètes et ne préparent pas les jeunes aux réalités du marché de l’emploi, a plaidé le grand groupe des enfants et des jeunes. Selon lui, l’octroi de bourses d’études et l’amélioration des cursus de formation permettraient de mieux accompagner l’implication des jeunes dans le secteur forestier.
Les liens entre les objectifs et cibles mondiaux relatifs aux forêts et les objectifs de développement durable examinés par le forum politique de haut niveau pour le développement durable en 2022 furent également au menu de cette session du FNUF. Là encore, la FAO a insisté pour des systèmes de production et de consommation durables, tandis que l’UE a appelé à mettre l’accent sur l’autonomisation des femmes et des filles et l’égalité des genres dans les politiques forestières.
« Les populations qui vivent dans les forêts vivent en fait des forêts », a souligné la Vice-Première Ministre et Ministre de l’environnement et du développement durable de la République démocratique du Congo. De ce fait, a-t-elle indiqué, on ne peut pas leur demander de ne pas en tirer des sources de subsistance sans que la communauté internationale ne leur apporte des compensations qui sont, du reste, prévues par des initiatives agrées au niveau international. Pour le Brésil également, la conservation des forêts n’est pas durable si l’on ne se penche pas sur ses implications socioéconomiques et son impact sur la pauvreté des communautés. Il faut prévoir des financements pour la mise en œuvre des objectifs forestiers dans les pays en développement, a aussi plaidé l’Argentine, la Ministre du Congo-Brazzaville appelant à son tour à un meilleur partenariat. Le Japon y est déjà engagé avec ses 240 millions de dollars déboursés pour la conservation des forêts à travers le monde, s’est enorgueilli son représentant. Il faut également renforcer la collaboration public-privé, puisqu’une grande portion des propriétés forestières sont détenues par les entités privées, a souligné la Ministre d’État de l’environnement de l’Ouganda.
Le grand groupe des ONG ont ensuite déploré qu’en 2021, seuls le Ghana et l’Indonésie ont revu leur contribution au plan stratégique des Nations Unies sur les forêts.
Le dernier point débattu pour ce segment concernait l’application de la stratégie de communication et d’information du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030), y compris les activités concernant la Journée internationale des forêts de 2022. Pour l’UE, la communication du FNUF devrait davantage cibler les médias sociaux qui ont une capacité élevée de pénétration. Elle a aussi appelé à capitaliser sur d’autres plateformes internationales et des initiatives comme le réseau des communicateurs sur les forêts d’Europe établit par la FAO. Les États-Unis ont salué l’implication des réseaux sociaux pour commémorer la Journée internationale de forêts, tandis que le Kenya a dit avoir profité de la commémoration des journées internationales afin de sensibiliser le grand public sur les questions forestières. L’Arabie saoudite, la Chine comme le Ghana ont dit faire pareil. Ce dernier pays a même décidé de célébrer cette journée en juin au lieu du 21 mars afin de lui donner plus de relent. L’an dernier par exemple, le pays a planté sept millions d’arbres, et pour le 10 juin prochain, il entend passer à 20 millions grâce à l’initiative « un étudiant, un arbre » qui vise à mobiliser les jeunes en faveur de la gestion durable des forêts.
L’Australie a regretté que la stratégie de communication du FNUF ne soit pas des plus efficaces, alors que la Suisse a relevé que le site Internet du Secrétariat est désuet et peu aisé pour la navigation. La RDC et le Gabon ont appelé le FNUF et les acteurs internationaux à financer des campagnes de sensibilisation directement au niveau des pays forestiers pour gagner en efficacité.
Moyens de mise en œuvre, y compris les opérations et les ressources du Réseau mondial de facilitation du financement forestier
Si dans l’ensemble les intervenants ont salué le rôle joué par le Réseau mondial de facilitation du financement forestier pendant la pandémie, ils ont toutefois été nombreux à regretter que le financement de la gestion durable des forêts reste un défi majeur alors même que la déforestation représente toujours une grave menace. Il faut mobiliser trois fois plus de ressources pour arriver à réaliser les objectifs relatifs aux forêts d’ici à 2030, a d’ailleurs souligné la FAO, en s’appuyant sur son dernier rapport sur l’état des forêts dans le monde.
Le Gabon est venu témoigner de ses propres efforts en termes de mobilisation de ressources liées à la gestion et la préservation des forêts, tout en faisant observer qu’il fait partie des pays avec l’un des taux les plus faibles de déforestation à entrer dans de tels accords de paiement. C’est aussi ce qu’a remarqué la République du Congo, en arguant que l’Afrique reste un poumon vert pour toute l’humanité et que c’est donc un devoir moral pour tous de protéger ses forêts. Financer la gestion durable de ces forêts n’est pas un cadeau que l’on fait aux pays forestiers, a tranché sa représentante en rappelant le rôle qu’elles jouent dans la séquestration du carbone et la protection de la biodiversité. Il ne suffit pas de se doter d’une feuille de route climatique, si l’on ne peut pas la financer, a renchérit le Suriname qui compte à la fois sur l’assistance du Réseau et de la communauté internationale pour réaliser ses objectifs liés à la préservation et la reforestation.
Si la Colombie et l’Afrique du Sud, entre autres, ont appuyé l’idée que ces ressources peuvent venir d’investissements publics et privés, et que l’Union européenne a encouragé à attirer des fonds du secteur privé et du secteur philanthropique, le Brésil a estimé que le secteur privé ne doit toutefois pas se substituer aux fonds publics. L’Argentine a exigé que les initiatives de financements privés soient alignées sur d’autres objectifs multilatéraux en matière de gestion durable des forêts et climatiques et qu’elles soient assorties des critères clairs pour leur mise en œuvre. L’impératif d’une coopération internationale pour relever les défis climatiques et réaliser les objectifs de développement durable forestiers a été soulevé dans la plupart des interventions, le Brésil estimant toutefois, à l’instar de plusieurs délégations africaines, que cet esprit de coopération doit s’accompagner du respect du principe des responsabilités communes mais différenciées dans la mobilisation des fonds pour la gestion durable des forêts.
Abondant dans ce sens, le Ghana a appelé à mobiliser des fonds pour appliquer la stratégie des Nations Unies pour les forêts, estimant que le FNUF a aussi un rôle à jouer pour évaluer l’efficacité des financements de la gestion durable des forêts. Ce dernier point a également été appuyé par l’Union européenne qui a aussi recommandé de partager les meilleures pratiques sur le financement des forêts. L’importance de la transparence et la redevabilité dans le cadre des activités du Réseau pour faciliter la mobilisation des ressources a été mis en exergue par le Japon qui, à l’instar de l’UE, a émis des réserves par rapport à l’idée d’ouvrir un bureau du Réseau mondial de facilitation du financement forestier en Chine. Il est crucial qu’un bureau spécifique représente une plus-value pour le travail du Réseau, ont souligné ces deux délégations, à la suite de quoi le secrétariat du FNUF a assuré que toutes les consultations qui ont trait à ce bureau se font dans le respect des règles de l’ONU. De son côté, la Chine a salué l’appui apporté par le Réseau mondial à une douzaine de pays en développement pendant la pandémie et a annoncé vouloir contribuer à son financement.
Suivi, évaluation et établissement de rapports
Propositions d’amélioration du modèle à utiliser pour les prochains rapports nationaux volontaires sur la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030) et de l’instrument des Nations Unies sur les forêts et la réalisation des contributions nationales volontaires
Progrès accomplis dans l’élaboration de l’ensemble commun d’indicateurs forestiers mondiaux
À ce titre, les États Membres étaient saisis d’une note du FNUF qui contient une proposition d’aménagement des rapports nationaux volontaires et dans laquelle il recommande la création d’un groupe consultatif informel sur les rapports dans le but d’apporter des conseils techniques sur la collecte et le suivi des données relatives aux indicateurs sur les forêts. En effet, le premier cycle de rapport a mis en évidence les inégalités entre pays dans leur capacité de faire rapport à cause d’un manque de données fiables et pertinentes, a relevé le secrétariat.
Cette proposition a été appuyée par de nombreuses délégations, dont le Canada, le Brésil et l’Inde, qui a appelé à simplifier les rapports en les basant sur un questionnaire et renforcer les capacités techniques des États Membres en termes de collecte des données pertinentes sur les forêts. La simplification de ces rapports volontaires est bienvenue et devrait se baser sur les indicateurs clefs liées aux forêts, a renchérit la Chine.
L’UE a encouragé une phase pilote pour ce nouveau format de rapport et a demandé au secrétariat du Forum de réfléchir à la possibilité d’une plateforme de rapportage en ligne. Les États-Unis ont néanmoins demandé plus d’informations sur ce groupe et son cahier de charge alors que l’Argentine et la Colombie ont exigé un mandat ferme et une composition précise en termes de représentation géographique au sein de ce groupe. Quant à la question de la Fédération de Russie sur la différence entre la nature informelle ou formelle de ce groupe d’experts, le secrétariat a expliqué que son caractère informel accorderait plus de flexibilité à ses travaux et éviterait des incidences financières liées notamment au coût des réunions formelles.
À l’instar de l’UE, le Japon a souhaité connaître le calendrier pour le deuxième cycle d’établissement des rapports avant la dix-huitième session du Forum et a exhorté le FNUF à pousser les pays qui ne l’ont pas encore fait à soumettre leur rapport volontaire national. Le Brésil a soulevé la question de l’alignement sur le cycle d’évaluation de la FAO mettant en garde contre les doubles emplois. Le nouveau format du rapport devra également tenir compte des incidences financières pour les États Membres qui ont des capacités parfois limitées de collecte et de compilation des données, a ajouté la Malaisie.
La FAO a ensuite indiqué avoir déployé des efforts pour harmoniser les différents processus de présentation de rapports en améliorant la transparence des données sur les forêts dans le but de faire progresser les indicateurs globaux en matière des forêts.
Préparatifs de l’examen à mi-parcours en 2024 de l’efficacité de l’arrangement international sur les forêts par rapport à ses objectifs, y compris la stratégie de communication et d’information du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030)
La note E/CN.18/2022/5 du secrétariat du FNUF a constitué la base des discussions au titre de ce point.
Pour l’UE, le FNUF devrait procéder à une évaluation de sa visibilité dans le paysage forestier international, aborder de manière flexible des questions comme les incendies de forêt, et favoriser les synergies avec d’autres processus qui travaillent aussi sur les forêts, l’objectif étant d’éviter les doublons, en particulier dans l’établissement de rapports par les États Membres. L’UE a également souhaité plus de transparence dans la prise de décisions. Pour l’Argentine l’examen à mi-parcours est une excellente occasion d’évaluer les contributions de ce mécanisme aux objectifs de développement durable mais il importe toutefois de faciliter la participation des pays en développement à ce processus. La délégation a également appelé à préciser les modalités de travail du groupe ad hoc d’experts chargé de cet examen de mi-parcours qui, a-t-elle ajouté, devrait être à composition non limitée. Il doit aussi être ouvert à tous les membres du FNUF et à ses partenaires et opérer dans le cadre des ressources disponibles, a renchéri la Fédération de Russie pour qui cet examen de mi-parcours doit être l’occasion d’évaluer l’écart entre les ressources disponibles et les ressources nécessaires pour réaliser les objectifs relatifs aux forêts. Elle a également relevé que depuis 2015, il n’y a eu aucun progrès sur la création d’un fonds mondial pour les forêts. Les États-Unis ont rappelé à cet égard que le Réseau mondial pour le financement forestier apporte un concours essentiel aux pays dans ce domaine. Pour l’Australie et la Suisse il faut notamment rendre le FNUF plus visible et rehausser son profil à travers une meilleure stratégie de communication.