En cours au Siège de l'ONU

Commission de consolidation de la paix,
Réunion conjointe – matin
ECOSOC/7107-CCP/143

Le renforcement de la cohérence sur le terrain, notamment en situation de conflit, au menu de la réunion conjointe ECOSOC-Commission de consolidation de la paix

La réunion conjointe du Conseil économique et social (ECOSOC) et de la Commission de consolidation de la paix (CCP) a permis, ce matin, d’examiner les moyens d’harmoniser les actions destinées à asseoir une paix pérenne et un développement durable sur le terrain, singulièrement en situation de conflit, dans le cadre d’approches cohérentes et intégrées de l’ensemble du système onusien et des agences, fonds et programmes de l’ONU.

Cette recherche de cohérence impose d’accroître l’interopérabilité entre les institutions onusiennes et le partage des données pour créer davantage de synergies sur les piliers de développement, a recommandé la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva, en ouverture de cette réunion organisée sur le thème « Consolidation, pérennisation de la paix et développement durable: renforcer la cohérence et l’impact sur le terrain ».

Dans un contexte mondial marqué par des conflits aux multiples répercussions, en particulier sur la sécurité alimentaire, mais aussi par les effets néfastes des changements climatiques et une pandémie qui continue d’exacerber les inégalités, le système des Nations Unies peut promouvoir une meilleure reprise, une reconstruction et une stabilisation, a fait valoir Mme Stoeva, non sans souligner l’importance du financement des actions de terrain qui, à ses yeux, a le pouvoir de prévenir les conflits en réduisant les vulnérabilités sociales, économiques et environnementales.

À la suite de son intervention, les États Membres ont pu dialoguer avec des responsables du système onusien et des agences, fonds et programmes, lesquels ont détaillé la façon dont ils répondent, souvent conjointement, aux défis multidimensionnels et contribuent à la consolidation et au maintien de la paix ainsi qu’à la promotion du développement à long terme dans les contextes de conflit.  L’occasion pour M. Muhammad Abdul Muhith, Président de la CCP, de rappeler que le monde est confronté non seulement à une multitude de crises et de conflits violents, mais aussi à des multiplicateurs de crise comme les changements climatiques, qui entravent la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Il importe donc, selon lui, de rompre ce cercle vicieux si « nous voulons construire et pérenniser la paix  ».

C’est d’autant plus urgent, a averti Mme Asako Okai, Sous-Secrétaire générale et Directrice du Bureau de crise du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), que, pour la première fois depuis 32 ans, le développement humain a reculé au niveau mondial pendant deux années consécutives.   À cela s’ajoute le fait que 60% des pauvres dans le monde pourraient vivre dans des États fragiles d’ici à 2030 si des tendances telles que les changements climatiques, l’insécurité alimentaire et les inégalités persistantes entre les sexes persistent, a renchéri M. Robert Powell, Représentant spécial du Fonds monétaire international.

Tout l’enjeu est de faire en sorte que les secours à court terme puissent mieux correspondre au développement à long terme, a préconisé Mme Okai.  Pour y parvenir, la cohérence de l’action du système et des agences, fonds et programmes de l’ONU implique d’avoir des objectifs clairs en termes de consolidation de la paix et de développement, avec un cadre commun et en se basant sur le principe d’appropriation nationale, a fait valoir l’Égypte. 

Ces approches guidées par l’appropriation et les priorités nationales doivent également intégrer le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, ont insisté le Groupe des pays nordiques et l’Afrique du Sud, appuyés par M. Ib Petersen, Directeur exécutif adjoint du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).  Une position également soutenue par Mme Yoka Brandt, Présidente du Conseil d’administration du PNUD, du FNUAP et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), qui s’est félicitée des efforts déployés par les agences, fonds et programmes pour assurer l’inclusion des acteurs locaux, à commencer par les femmes.  

L’appui des agences de l’ONU et des ONG internationales aux projets et programmes liés à la consolidation de la paix a cependant été jugé « inefficace  » par Mme Julienne Lusenge, Directrice exécutive du Fonds pour les femmes congolaises, qui a déploré que près de 60% des fonds des projets de grande envergure soient alloués au fonctionnement des entités onusiennes, tandis que des ONG locales mettent en œuvre des actions avec des moyens réduits.  M. Richard Arbeiter, Président du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti, a pour sa part regretté l’absence à cette réunion conjointe de nombreux dirigeants des agences fonds et programmes. 

Au cours de cet échange interactif, les différents intervenants ont également appelé à associer les jeunes dans les actions sur le terrain, à l’instar de M. Khaled Emam, Directeur exécutif de Justice Call, une organisation active au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.  Quant au Fonds des Nations Unies pour l’enfance, représenté par sa Directrice exécutive adjointe en charge des partenariats, Mme Karin Hulshof, il a alerté sur le fait qu’en 2020, plus de 450 millions d’enfants dans le monde, soit un sur six, vivaient dans une zone de conflit, avant de présenter son nouveau plan stratégique 2022-2025 qui, par le biais d’une programmation humanitaire et de développement, vise à contribuer à la prévention des crises, à la réduction de la fragilité et à la consolidation de la paix.  

En clôture de ces échanges, le Président de la CCP a appelé à des actions transformatrices sur le terrain, notamment via l’élaboration de synergies et l’harmonisation des interventions.  Aujourd’hui, a noté M. Muhith, les discussions ont montré le rôle central du système de développement de l’ONU pour traiter les causes profondes des conflits.  À la veille du Sommet sur les ODD prévu en 2023, il a vu dans le nouveau Plan-cadre de coopération du développement durable de l’ONU un point de convergence efficace pour décloisonner et utiliser au mieux des approches coordonnées.

RÉUNION CONJOINTE SUR LE THÈME « CONSOLIDATION, PÉRENNISATION DE LA PAIX ET DÉVELOPPEMENT DURABLE: RENFORCER LA COHÉRENCE ET L’IMPACT SUR LE TERRAIN »

Déclaration liminaire

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a expliqué que cette réunion a pour but d’encourager des dialogues entre les États Membres afin de promouvoir une approche plus cohérente de la pérennisation de la paix et du développement durable.  Elle intervient, a-t-elle rappelé, à un moment où de nombreux conflits entraînent des répercussions internationales, perturbant les chaînes d’approvisionnement, et provoquant une insécurité alimentaire avec des risques de famine plus élevés, outre des déplacements forcés et ce, alors que la pandémie de COVID-19 continue d’exacerber les inégalités.

Ce sont les populations les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont les plus touchées, a déploré la Présidente.  Il ressort de l’examen volontaire des pays sortant des conflits que la sécurité alimentaire est à la base du développement durable.  De fait, a-t-elle fait valoir, dans certains pays, les sécheresses et les inondations exacerbées par les effets des changements climatiques ont provoqué une pénurie de ressources en eau.  C’est pourquoi une meilleure coopération peut jouer un rôle important, a estimé la Présidente, convaincue que le système des Nations Unies peut promouvoir une meilleure reprise, une reconstruction et une stabilisation.  C’est pourquoi elle a appelé à se centrer, entre autres, sur l’interopérabilité entre institutions onusiennes et le partage des données pour créer davantage de synergies sur les piliers de développement.

De même, il faudra garantir que les coordonnateurs résidents possèdent l’expertise nécessaire à cette fin, a préconisé Mme Stoeva, pour qui, il est également important que les partenaires de financement renforcent le financement de l’aide humanitaire.  Financement, qui a le pouvoir de prévenir les conflits en réduisant les vulnérabilités sociales, économiques et environnementales et peut également se faire en faveur de la paix et du développement durable notamment dans les pays touchés par les conflits, a fait valoir la Présidente.  Toutefois, a-t-elle averti, la mise en œuvre de ce cadre de financement dans les pays en situation postconflit exige une prise en charge délicate pour s’assurer qu’il ne sème pas la discorde.

Table ronde 1

Déplorant les crises en cascade et l’intensification des conflits, Mme ASAKO OKAI, Sous-Secrétaire générale et Directrice du Bureau de crise du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a fait observer que, pour la première fois depuis 32 ans, le développement humain a reculé au niveau mondial pendant deux années consécutives.  Plaidant pour une action intégrée en réponse à ce constat, elle a indiqué que la collaboration du PNUD avec l’architecture de consolidation de la paix et avec les agences sœurs, se renforce, notamment grâce à une programmation interinstitutions commune qui prévoit le déploiement de conseillers pour la paix et le développement du mécanisme de sécurité climatique et d’un point focal mondial pour l’état de droit.  La Sous-Secrétaire générale a regretté que les Nations Unies continuent de lutter contre les incendies au lieu de les prévenir, relevant à cet égard que les investissements dans la prévention ne représentent que 4% de l’aide mondiale.  Elle a appelé à reconnaître que l’enchaînement du triptyque humanitaire-développement-paix est un « mythe néfaste » qui, selon elle, retarde le rétablissement, favorise le cloisonnement et ne fait qu’encourager la concurrence dans un contexte de pénurie de ressources.  Comme l’indique la résolution sur le financement de la consolidation de la paix, nous devons réimaginer un modèle de financement qui encourage un engagement préventif, holistique et coordonné, a-t-elle affirmé, exhortant les États Membres, les agences de l’ONU, les institutions financières internationales, la société civile et le secteur privé à construire des coalitions plus larges pour la paix.  Mme Okai a cité en exemple le Dialogue international sur la consolidation de la paix et le renforcement de l’État, dont le PNUD assure le secrétariat. 

M ROBERT POWELL, Représentant spécial du Fonds monétaire international (FMI) auprès des Nations Unies, a rappelé que, sur fond d’inflation mondiale en 2022, la croissance en 2021 avait déjà stagné, en moyenne à 3%, et devrait chuter à seulement 1,3% cette année.  À moyen terme, les revenus par habitant des États en difficulté ne devraient pas retrouver leurs niveaux de 2019 avant 2023.  Il a expliqué que le FMI classe environ 40 pays (soit environ 20% des États membres de cette organisation) comme étant « fragiles et touchés par des conflits ».  Le Fonds a un rôle important à jouer, dans le cadre de son mandat, pour aider ces pays à renforcer leur résilience et leur gouvernance, à atteindre la stabilité macroéconomique et à promouvoir une croissance inclusive, a expliqué le représentant du FMI.  Ces États fragiles représentent près d’un milliard de personnes à travers le monde et leurs politiques macroéconomiques sont confrontées à un ensemble unique de défis, des crises sociales, politiques, économiques et sécuritaires interdépendantes qui limitent considérablement l’espace politique pour les réformes.

À cela, s’ajoutent des tendances telles que les changements climatiques, l’insécurité alimentaire et les inégalités persistantes entre les sexes, a souligné M. Powell.  Selon le FMI, si elles persistent, 60% des pauvres dans le monde pourraient vivre dans des États fragiles d’ici à 2030.  Pour sa part, le FMI intensifie son engagement auprès de ces pays.  En mars 2022, son conseil d’administration a approuvé une nouvelle stratégie renforcée qui fournit un cadre opérationnel et un ensemble d’actions prioritaires qui permettront au Fonds de mieux adapter et renforcer son soutien.  Misant sur l’avantage comparatif du FMI, la stratégie met l’accent sur le rôle des partenariats avec d’autres acteurs humanitaires, de développement, de paix et de sécurité, y compris les agences des Nations Unies, en tirant parti des complémentarités pour éviter toute duplication des efforts et de l’engagement du FMI pour catalyser un soutien accru des donateurs.  M. Powell a expliqué que d’ores et déjà, il y des progrès dans la mise en œuvre de cette stratégie.  En ce moment même, ses collègues à Washington sont en train de finaliser une nouvelle note d’orientation pour opérationnaliser cette stratégie, a annoncé M. Powell.  Parallèlement, d’importantes activités sont en cours pour déployer les premières stratégies d’engagement avec les pays qui sont un outil important pour identifier les moteurs de la fragilité et des conflits, et pour tirer parti des analyses et de l’expertise d’autres institutions afin de mieux adapter l’engagement du Fonds; de soutenir l’intégration des programmes de surveillance, de développement des capacités et de prêt du FMI; d’éclairer la conception et la conditionnalité des programmes; et de soutenir un dialogue renforcé avec les autorités nationales et les partenaires. 

Mme ÅSA REGNÉR, Directrice exécutive adjointe chargée des politiques, des programmes, de la société civile et de l’appui intergouvernemental à ONU-Femmes, a rappelé que, l’inclusion des femmes dans les processus de décision permet une meilleure répartition de l’aide humanitaire, favorise la progression de l’égalité femmes-hommes et la création d’une paix et d’un développement plus durable pour toutes et tous.  « Nous l’avons constaté: la prévention joue un rôle déterminant pour la paix », a-t-elle insisté.  Cependant, elle a constaté aujourd’hui, une perte des gains engrangés, y compris sur le plan du respect de droit des femmes.  Face au nombre de conflits qui s’accroît, la consolidation de la paix lui est apparue comme une question d’état d’esprit, de normes mais aussi de pouvoir, qui pourrait aller des hommes vers les femmes.  Mme Regnér a rappelé que, celles-ci ont l’expérience, les connaissances, le savoir-faire nécessaires en termes de consolidation de la paix.  Les femmes et leur inclusion dans les analyses et la planification constituent l’une des solutions les plus directes à mettre en œuvre, afin qu’elles ne soient pas seulement des bénéficiaires mais aussi des partenaires, a-t-elle mis en avant.  

Saluant le travail conjoint avec la Commission de consolidation de la paix et les progrès réalisés par ses partenaires, la Directrice exécutive a cependant rappelé que des défis subsistent.  Les défenseurs des droits des femmes sont de plus en plus ciblés par des attaques qui les empêchent de participer à la vie publique, a-t-elle dénoncé, appelant à investir dans la création d’un environnement sûr et propice.  En outre, le financement des organisations locales de femmes est insuffisant, a-t-elle déploré, rappelant que les dépenses militaires atteignent de leur côté un niveau sans précédent.  Enfin, Mme Regnér a estimé que le leadership des femmes doit être un élément essentiel dans le nouvel agenda pour la paix.

M. ANTÓNIO VITORINO, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a justifié l’action que mène cette organisation intergouvernementale aux côtés des États Membres, des agences de l’ONU et des institutions financières internationales à l’aune d’un chiffre: 100 millions de personnes déplacées dans le monde.  Parmi les défis rencontrés, il a distingué l’atténuation des effets des changements climatiques.  L’OIM analyse les liens de causalité entre ces derniers, les conflits et la migration, notamment en Libye, au Soudan et dans la région sahélienne, a expliqué M. Vitorino.  Il s’est félicité de l’élaboration de deux outils: l’indice de stabilité créé en 2019 et utilisé face aux déplacements dans le bassin du lac Tchad, ainsi que l’outil de suivi de la transhumance, qui vise à collecter des données sur les mouvements de transhumance saisonniers dans la région du Liptako-Gourma, frontalière avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger.  Ces efforts de consolidation de la paix, qui incluent les communautés locales, donnent la parole tant aux jeunes qu’aux femmes, a-t-il indiqué, ajoutant que l’OIM concourt aussi à l’opérationnalisation de solutions durables pour les déplacées à l’intérieur de leur propre pays, en particulier en Somalie, en Éthiopie et en Iraq.

M. RICHARD ARBEITER (Canada), Président du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti du Conseil économique et social (ECOSOC), a regretté que de nombreux dirigeants des agences, fonds et programmes n’aient pas pu assister à cette session conjointe sur l’intégration et la coordination.  Le Groupe consultatif, qui est composé de 20 États Membres, a constaté que l’approche adoptée ces dernières décennies par la communauté internationale en Haïti n’a pas fonctionné, a-t-il assené.  Selon lui, les solutions doivent être dirigées par les Haïtiens et bénéficier d’une analyse non cloisonnée et de réponses programmatiques.  M. Arbeiter a expliqué que, lors des séances d’information sur la situation économique et humanitaire et sur le système de justice, le Groupe consultatif a prévu un guichet unique pour tout le système des Nations Unies en vue de promouvoir l’apprentissage mutuel, une meilleure coordination et une approche intégrée.  Pour Haïti, a-t-il souligné, toute approche intégrée doit comprendre l’ensemble du système onusien ainsi que les institutions financières internationales en vue de financer le développement socioéconomique du pays.  Parlant des opportunités pour l’avenir, il a cité le nouveau Cadre de coopération des Nations Unies pour le développement pour la période 2023-2027.  Il a également mis en avant l’importance de tenir compte du genre, de l’inclusion et des droits humains pour la paix durable et le développement, avant d’appeler à mieux comprendre le modèle de l’appel humanitaire consolidé de l’ONU.  Enfin, il a regretté que le financement de la prévention soit bien inférieur aux besoins. 

M. KHALED EMAM, Directeur exécutif de Justice Call, une organisation dirigée par des jeunes œuvrant à l’autonomisation et la protection de la jeunesse dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, a déploré que, la participation des jeunes aux processus de paix reste limitée, en particulier dans les zones touchées par les conflits.  Il a estimé que cela est dû au rétrécissement des espaces civiques et au manque de confiance permanent dans les capacités de construction de la paix par les jeunes, ainsi qu’à l’absence d’une localisation efficace du programme relatif aux jeunes et à la paix et à la sécurité et de mécanismes de partenariat systématique entre les artisans de la paix locaux et les partenaires internationaux. 

Déplorant le manque d’efforts constructifs pour mettre en œuvre la récente résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le financement de la consolidation de la paix, l’intervenant a souhaité donner des exemples de pratiques optimales.  Il a ainsi a mentionné la création par Justice Call d’un Réseau régional des femmes sur la prévention, avec le soutien du Bureau du Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide.  Plus de 75% des organisations de jeunes femmes du réseau n’ont jamais reçu de subventions auparavant, a-t-il fait valoir.  Par ailleurs, a-t-il souligné, ce réseau régional a pris la décision de faire siéger la société civile au sein de son Conseil d’administration. 

Soulignant que la création d’opportunités doit se faire avec les artisans de la paix locaux plutôt que leur être imposée, M. Emam a appelé à inclure les jeunes gens de manière significative, dans des rôles de leadership dans le cadre des processus de paix.  En outre, il a exhorté à garantir la protection des jeunes bâtisseurs de la paix et à leur fournir un financement de qualité, jugeant difficile de voir comment la nouvelle résolution sur le financement de la consolidation de la paix a fait la différence pour les jeunes qui défendent cette cause. 

Dialogue interactif

Au cours du segment interactif, le travail des agences, fonds et programmes a été reconnu comme essentiel pour la prévention et la consolidation de la paix ainsi que pour le développement.  « Sans paix, il ne peut y avoir de développement durable », a rappelé le Portugal, tandis que beaucoup se demandaient comment garantir la correspondance entre le financement de la paix et le financement du développement.  Cette question est d’autant plus vitale que les demandes d’assistance augmentent alors que l’espace budgétaire se rétrécit, a fait remarquer la Lettonie.  Sur les ressources, Mme Okai, Sous-Secrétaire générale et Directrice du Bureau de crise du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a souligné que le financement durable du développement et l’investissement dans la consolidation de la paix vont main dans la main.  Tout l’enjeu est de faire en sorte que les secours à court terme puissent mieux correspondre au développement à long terme, a-t-elle expliqué.  La Fédération de Russie a cependant souhaité qu’une distinction claire soit faite entre les fonds alloués à l’aide au développement et ceux allant à l’aide humanitaire.

L’Égypte a résumé une idée qui est revenue plusieurs fois, à savoir que la cohérence au niveau du système des agences, fonds et programmes, implique d’avoir des objectifs clairs en termes de consolidation de la paix et de développement, avec un cadre commun et en se basant sur le principe d’appropriation nationale.  La Suède, qui s’exprimait au nom du Groupe des pays nordiques, a insisté sur la participation des femmes et des jeunes à ces processus.  Concrètement, a demandé la Lettonie, quelles sont les mesures nécessaires pour renforcer la cohérence entre le développement durable et le programme pour les femmes et la paix et la sécurité du Conseil de sécurité, en particulier pour promouvoir le rôle des femmes en tant que moteur du changement dans les sociétés fragiles?  ONU-Femmes y veille, notamment à travers les 10 mécanismes de coordination dont l’agence fait partie et en misant sur les outils analytiques existants pour inclure systématiquement la dimension de genre, a expliqué sa Directrice exécutive adjointe, Mme Regnér.

Faisant fond sur le rapport du Secrétaire général sur « Notre Programme commun », l’Afrique du Sud a donné rendez-vous au Sommet sur les objectifs de développement durable de 2023 pour conceptualiser une approche intégrée et stratégique impliquant différentes entités, mais aussi les jeunes, les femmes, les institutions financières internationales et le secteur privé, en matière de consolidation de la paix et de développement, y compris en termes de financement.  Relevant qu’une approche intégrée suppose une meilleure compréhension des causes profondes des situations de fragilité et que 30 crises sont actuellement en cours, la Croatie a insisté sur le besoin d’une plus grande coopération entre la Commission de consolidation de la paix (CCP) et l’ECOSOC à cet égard.  Une position partagée par le Japon, qui a invité l’ECOSOC à faire davantage appel à la CCP pour ses orientations sur les théâtres de conflit.  De l’avis du Pakistan, il faut aussi miser sur les liens entre l’ECOSOC et la CCP pour permettre aux financements multilatéraux d’être plus efficaces.

Réagissant aux interventions, la Directrice du Bureau de crise du PNUD a souligné que la cohérence et la coordination sont essentielles pour une approche plus intégrée au niveau systémique, en insistant sur l’importance d’une bonne analyse des risques pour pouvoir interrompre le cercle vicieux de la fragilité des pays.  Pour ce qui est de la coopération, M. Powell, Représentant spécial du FMI, a rappelé que le Fonds ne fait pas partie des équipes pays sur le terrain.  Il a donc invité ces dernières à coopérer étroitement avec les représentants résidents du FMI et de la Banque mondiale pour garantir de bonnes stratégies.  Quant à la participation du secteur privé au financement du développement et de la consolidation de la paix, M. Powell a estimé qu’elle est systématique dès lors que les « bonnes politiques » sont prises. 

Table ronde 2

Mme KARIN HULSHOF, Directrice générale adjointe chargée des partenariats du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a noté qu’en 2020, plus de 450 millions d’enfants dans le monde, soit un sur six, vivaient dans une zone de conflit.  Les conflits sont à l’origine de 80% des besoins humanitaires dans le monde, alors que les risques, les vulnérabilités et les moteurs des crises sont de plus en plus multidimensionnels et interconnectés, qu’il s’agisse des changements climatiques, des migrations ou de la pandémie de COVID-19.  Or, ce sont les enfants qui font les frais des crises prolongées, étant deux fois plus susceptibles d’être sous-alimentés, d’être privés d’accès à l’eau potable ou de mourir avant l’âge de cinq ans. 

Le nouveau Plan stratégique de l’UNICEF (2022-2025) vise donc à utiliser sa programmation humanitaire et de développement pour contribuer à la prévention des crises, à la réduction de la fragilité et à la consolidation de la paix, a expliqué Mme Hulshof.  Des communautés résilientes, équitables et inclusives sont en effet nécessaires pour garantir des résultats de développement plus durables pour les enfants, a poursuivi la Directrice générale adjointe, en ajoutant que le Plan stratégique élève pour la première fois la consolidation de la paix au rang de priorité transversale et l’intègre à ses objectifs et ses stratégies de changement. 

M. IB PETERSEN, Directeur exécutif adjoint du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), s’est dit convaincu que, la paix ne peut être atteinte tant que persiste l’inégalité entre les sexes.  À cet égard, il a précisé que le FNUAP s’emploie à assurer la sécurité des femmes et à aider les survivantes de violences fondées sur le genre à reconstruire leur vie et à trouver la paix dans leur foyer.  Après avoir salué le rôle que joue le Bureau d’appui à la consolidation de la paix en réunissant les agences, fonds et programmes sur ces problématiques, il a fait état d’actions communes en matière de genre et de jeunesse.  L’expérience montre que donner la priorité à l’inclusion et à la participation significative des femmes et des jeunes est la clef pour construire et maintenir une paix durable, a-t-il insisté, ajoutant que le FNUAP s’associe également à des organisations dirigées par des femmes et des jeunes dans son travail programmatique à tous les niveaux.  M. Petersen s’est d’autre part félicité des investissements du Fonds pour la consolidation de la paix dans l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, ainsi que dans le programme relatif aux jeunes et à la paix et à la sécurité.  Grâce au Fonds, a-t-il expliqué, le FNUAP collabore avec ONU-Femmes en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en République centrafricaine pour fournir un soutien psychosocial transformateur en matière de genre pour la paix et la résilience communautaire, mais aussi avec l’UNESCO à El Salvador pour soutenir le renforcement de la résilience et la citoyenneté participative par et pour les jeunes.  De même, dans le nord-est du Burkina Faso, le FNUAP collabore avec l’UNICEF et le PNUD pour protéger les jeunes défenseurs des droits humains, a ajouté le Directeur exécutif adjoint, pour qui seuls des efforts locaux et nationaux peuvent véritablement s’attaquer aux causes profondes sous-jacentes des conflits et contribuer à prévenir toutes les formes de violence. 

M. DAVID M. BEASLEY, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), a rappelé que, depuis le début du conflit en Ukraine, le prix des engrais, des biens alimentaires, du carburant est monté en flèche, plongeant des millions de personnes dans la faim.  Ce qui était une vague, est désormais un tsunami, a-t-il résumé.  Appelant à utiliser l’alimentation pour arriver à la paix et à la stabilité, le haut fonctionnaire a estimé que le programme de résilience communautaire du PAM au Sahel peut être utilisé pour augmenter la production alimentaire et renforcer la cohésion sociale.  En Somalie, a-t-il ajouté, le PAM aide le Gouvernement à mettre en place des filets de sécurité dans les zones rurales pour améliorer la résilience des communautés et la cohésion sociale.  Mais la vérité, c’est que nous faisons face à une crise de la faim au niveau mondial, a-t-il martelé, appelant ainsi à se montrer plus ambitieux.  Nous avons besoin de ressources et cela est urgent, a-t-il souligné en conclusion.

Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas), Présidente du Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), a insisté sur la collaboration entre les agences de l’ONU, estimant qu’aucune ne peut agir totalement seule.  Elle s’est réjouie que, des exemples encourageants se fassent jour en matière de coopération, citant en particulier celle qui lie le PNUD et le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA).  Elle s’est également félicitée des efforts déployés par les agences, fonds et programmes de l’ONU pour assurer l’inclusion des acteurs locaux, jeunes et femmes en premier chef, notamment dans le cadre d’opérations de maintien de la paix.  Ces efforts font toutefois face à des réductions de ressources pourtant essentielles, a-t-elle déploré, plaidant pour un financement des donateurs à la fois durable et souple, au regard des environnements foncièrement imprévisibles.  La paix ne pourra être durable si nous ne faisons pas mieux, tous ensemble, sur le front du financement, a soutenu Mme Brandt. 

Mme JULIENNE LUSENGE, Directrice exécutive du Fonds pour les femmes congolaises, a déploré l’appui inefficace des agences des Nations Unies et des organisations non gouvernementales internationales aux projets et programmes liés à la consolidation de la paix sur le terrain.  Ces projets sont en majorité de courte durée, ce qui ne permet d’en mesurer l’impact sur la durée, et comportent des indicateurs qui ne correspondent pas au contexte local.  Près de 60% des fonds des projets de grande envergure sont alloués au fonctionnement des agences, a constaté Mme Lusenge, tandis que des ONG locales mettent en œuvre des projets avec des moyens réduits, ce qui a pour effet non seulement de réduire leur efficacité mais aussi de créer des conflits avec la communauté concernée.  Parmi les principaux défis auxquels sont confrontées les femmes en matière de consolidation de la paix et de développement durable dans le cadre de conflits, Mme Lusenge a cité, le manque de financement durable, leur faible représentation au sein des instances décisionnelles ainsi que dans le cadre des processus de consolidation de la paix aux niveaux national et régional, de même que les normes culturelles persistantes. 

Dialogue interactif

Dans un contexte géopolitique marqué par l’incertitude et l’émergence de crises multidimensionnelles, nous devons trouver les moyens de renforcer les synergies, a estimé le Maroc, qui a vu un « potentiel énorme » dans la mise en place de partenariats entre les opérations de maintien de la paix et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin d’appuyer les pays en situation fragile ou touchés par des conflits. 

Bailleurs de fonds de premier plan des agences, fonds et programmes des Nations Unies, les États-Unis ont lancé un appel en faveur d’une meilleure coordination des initiatives de paix, tout en saluant l’effort en ce sens que représentent les objectifs de développement durable.  Une coordination renforcée doit toutefois reposer sur des critères précis, établis avec la participation de l’ensemble des parties prenantes, y compris la société civile, a précisé Mme Hulshof, de l’UNICEF

Après avoir signifié son appui au Nouvel Agenda pour la paix proposé par le Secrétaire général, la Suisse a plaidé à son tour pour un renforcement du système onusien en matière de développement, au moyen de liens efficaces entre tous les piliers des Nations Unies.  Elle s’est félicitée à ce titre de la mise en place des bureaux de coordonnateurs des Nations Unies, qui permettent une plus grande cohérence entre les différents acteurs de l’ONU sur le terrain. 

Bien que tous appuient un resserrement de la coordination entre les entités des Nations Unies, nous devons utiliser les instruments existants en matière de consolidation de la paix pour parvenir à une véritable coordination, a fait valoir le Chili, en mettant en garde contre le risque de retranchement derrière les mandats spécifiques qui leur sont confiés.  Pour y parvenir, les programmes et l’analyse conjointes, notamment avec les partenaires nationaux, constituent la clef de la cohérence, a noté la représentante du PAM.

Les conflits sont issus d’un échec du contrat social entre les différentes parties prenantes, a constaté le Malawi, en se demandant pour quelle raison le financement est accordé en priorité à la consolidation de la paix en cas de conflit plutôt qu’à la prévention de ceux-ci.  C’est en effet au niveau des communautés que nous voyons les premières ruptures qui dégénèrent ensuite en conflits, a confirmé Mme Hulshof, de l’UNICEF, pour qui la prévention est primordiale.  À cette fin, au moins 30% du financement des États Membres destiné aux agences, fonds et programmes de l’ONU ainsi qu’à la société civile doit être non affecté, afin qu’ils conservent la marge de manœuvre nécessaire à des actions coordonnées.  Plus les fonds sont préaffectés, moins les activités de prévention sont possibles, a martelé Mme Hulshof. 

Un financement, souple, pluriannuel et prévisible, permet en effet de mettre en place des programmes de qualité, sur la base d’analyses et de résultats collectifs, a renchéri la représentante du PAM, en citant l’exemple de l’Initiative de résilience dans le Sahel, lancée en 2018, qui a contribué à renforcer la cohésion sociale des communautés au moyen de la construction de puits ou de la remise en état de terres arables. 

Bien qu’essentiels, nous sommes encore loin des objectifs fixés pour le financement de la consolidation de la paix afin que les fonds, agences et programmes de l’ONU soient en mesure de réagir rapidement aux situations imprévisibles, a cependant reconnu M. Petersen, du FNUAP.  Toutefois, a-t-il noté, la consolidation de la paix peut en elle-même contribuer à prévenir l’émergence de nouveaux conflits.  À cette fin, les femmes doivent jouer un rôle de premier plan dans tous les aspects liés à la paix et la sécurité.  Il revient à ses yeux à l’ONU de donner l’exemple en assurant leur participation significative à ses équipes de médiation, de transition et dans les processus de paix. 

Déclaration de clôture

En clôture de cette réunion conjointe, M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH, Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a rappelé que le monde est confronté non seulement à une multitude de crises et de conflits violents, mais aussi à des multiplicateurs de crise comme les changements climatiques, qui entravent la réalisation des objectifs de développement durable.  Il importe de rompre ce cercle vicieux si « nous voulons construire et pérenniser la paix », a-t-il plaidé, estimant que cet objectif suppose que tout le système de l’ONU travaille collectivement et appuie les efforts des États Membres de façon coordonnée et cohérente.  À cette fin, le Président de la CCP a appelé à des actions transformatrices sur le terrain, notamment via l’élaboration de synergies et l’harmonisation des interventions.  Aujourd’hui, a-t-il dit, les discussions ont montré le rôle central du système de développement de l’ONU pour traiter les causes profondes des conflits, à commencer par la pauvreté, les inégalités et le chômage, grâce à des approches préventives.  À ses yeux, le Cadre de coopération du développement durable est un point de convergence efficace pour décloisonner et utiliser au mieux des approches coordonnées impliquant différents acteurs, en particulier dans les contextes de conflit.  Dans les pays connaissant une crise climatique, davantage d’investissements sont nécessaires pour appuyer la résilience face au climat et les mesures d’adaptation et d’atténuation, a-t-il recommandé.  M. Muhith a également souligné la nécessité d’intégrer le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, ainsi que son équivalent pour les jeunes, aux actions sur le terrain, comme cela a été mis en avant par les États Membres.  M. Muhith s’est dit d’avis que l’harmonisation des travaux du système onusien et des institutions financières régionales et internationales, peut consolider la paix et la pérenniser.  En conclusion, il a souhaité que la discussion d’aujourd’hui contribue à renforcer la collaboration entre les agences, fonds et programmes et les institutions financières internationales pour appuyer les objectifs nationaux en matière de paix. 

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