Session de 2022, Forum politique de haut niveau
7e et 8e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7096

ECOSOC: le forum politique de haut niveau débat de la préservation des écosystèmes terrestres et de la vulnérabilité des petites îles en développement

La quatrième journée du forum politique de haut niveau 2022 organisé sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC) s’est concentrée aujourd’hui sur la préservation des écosystèmes terrestres, au travers de l’objectif de développement durable n°15, et sur l’état de vulnérabilité des petits États insulaires en développement (PEID), en quête de soutien à la suite de la pandémie de COVID-19.  Ces thématiques ont alimenté deux tables rondes, auxquelles ont participé des responsables onusiens, des experts et des représentants d’États Membres et de grands groupes. 

En prélude au premier débat, le Département des affaires économiques et sociales (DESA) a présenté les points saillants du rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’ODD 15, qui vise à « protéger, restaurer et promouvoir l’utilisation durable des écosystèmes terrestres, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, inverser la dégradation des terres et stopper la perte de biodiversité ».  Il en ressort que, partout, la biodiversité recule sous l’effet de la transformation des forêts en terres agricoles et que des milliers d’espèces sont menacées d’extinction.  Tout aussi préoccupant, signale le rapport, la prise en compte de cette urgence reste négligée dans les dépenses consacrées au relèvement.    

Pour remettre l’ODD 15 sur la bonne voie, des changements sociétaux s’imposent mais aussi une révision des politiques réglementaires, accompagnée d’une accélération des versements de fonds régionaux et internationaux, a estimé Mme Olga Algayerova, Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe et Coordonnatrice des commissions régionales.  Selon elle, les gouvernements doivent en outre revoir les subventions aux activités qui entraînent un recul de la biodiversité, tout en promouvant les obligations vertes et bleues.  Un « changement de paradigme » est nécessaire, a abondé M. Ralph Chami, responsable de la surveillance régionale pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie centrale au Fonds monétaire international (FMI), pour qui les gouvernements doivent impliquer les marchés par le biais de mesures d’incitation pour permettre une riposte rapide. 

En dépit des efforts consentis ces dernières années, nous ne compensons pas les pertes de biodiversité, a constaté M. Bruno Oberlé, Directeur général de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN), qui y a vu la conséquence directe de nos modes de production et de consommation, toujours plus voraces en matériaux et en surfaces pour soutenir la croissance avec des approches « anciennes ».  Soulignant l’importance du nouveau cadre mondial pour la biodiversité post-2020 en cours de négociation, il a plaidé pour que des fonds substantiels aillent du Nord vers les pays du Sud, qui sont les grands dépositaires de biodiversité.  Il a aussi appelé à une plus grande inclusivité, afin que les peuples autochtones, les communautés locales et les entreprises puissent contribuer à relever ce défi. 

Un appel repris à son compte par M. Uyunkar Domingo Peas, Chef du peuple autochtone achuar de l’Équateur et représentant de la confédération des nations autochtones de l’Amazonie équatorienne, qui a recommandé aux parties prenantes de travailler ensemble, ce qui, selon lui, suppose de faire participer les populations autochtones et de tenir compte de leurs connaissances traditionnelles en matière de biodiversité.  Ces savoirs se sont révélés essentiels pour assurer la restauration côtière des mangroves, qui sont des zones particulièrement sensibles aux changements climatiques, a témoigné Mme Ajanta Dey, Directrice de programme à la Nature Environment and Wildlife Society. 

Un quart de la population mondiale dépend des forêts pour ses besoins de subsistance et ses revenus, a fait valoir M. Zéphyrin Maniratanga, Représentant permanent du Burundi et Président de la dix-huitième session du Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF).  Mais les forêts ont aussi besoin d’être aidées, a-t-il soutenu, faisant état de la perte de plus de 100 millions d’hectares de zones forestières ces deux dernières décennies, en raison principalement de l’expansion des activités agricoles.  Il faut non seulement reboiser et restaurer les paysages forestiers, mais aussi venir en aide aux agriculteurs pour qu’ils réduisent la déforestation et éradiquer la pauvreté des populations dépendant des forêts.  C’est à ces projets que s’emploie le FNUF via son Plan stratégique sur les forêts 2017-2030. 

Inquiète de la dégradation des terres, qui affecte plus de 60% des ressources mondiales en sols, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a, quant à elle, indiqué qu’elle travaille avec des pays du monde entier pour promouvoir l’utilisation durable des écosystèmes terrestres, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, stopper et inverser la dégradation des terres et réduire la perte de biodiversité.  Ses experts utilisent notamment des techniques nucléaires et isotopiques pour évaluer la qualité des sols et étudier comment les cultures absorbent les nutriments, ainsi que la façon dont le sol se déplace.  Elle développe aussi des méthodes de suivi des agents contaminants afin d’aider les États Membres à élaborer des politiques de protection de l’environnement. 

La deuxième table ronde, organisée dans l’après-midi, a porté sur la situation particulière des PEID dans le contexte de la reprise post-COVID-19.  La discussion a notamment porté sur la possibilité d’un consensus international quant à l’établissement d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle pour donner à ces pays l’accès aux soutiens dont ils ont besoin.  La journée a aussi lancé les examens nationaux volontaires avec ceux du Togo et de l’Uruguay.

Le forum politique de haut niveau de l’ECOSOC poursuivra ses travaux demain, mardi 12 juillet, à partir de 9 heures. 

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Reconstruire en mieux après la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), tout en avançant sur la voie d’une mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (résolution 75/290 B de l’Assemblée générale)

Table ronde 1

Cette table ronde était consacrée à l’examen de l’objectif de développement durable n°15 et à ses liens avec d’autres ODD, avec une attention particulière accordée à la vie terrestre.  L’ODD 15 vise en effet à « préserver et restaurer les écosystèmes terrestres ». 

Comment refaçonner concrètement la relation homme-nature et placer le développement sur une voie plus durable?  Comment créer une dynamique d’action autour du nouveau cadre de la biodiversité pour l’après-2020, qui sera adopté en décembre prochain au Canada, lors de la deuxième partie de la quinzième Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP15), en vue de prendre les mesures nécessaires pour garantir les systèmes de survie de la planète?  C’est à ces questions qu’ont tenté de répondre les intervenants alors qu’aucun des objectifs mondiaux pour protéger la vie sur Terre et arrêter la dégradation des terres et des océans n’a été pleinement atteint.

Avant cette discussion, M. YUXI ZHANG, responsable de la Division de statistique du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté les points saillants du rapport du Secrétaire général sur l’état d’avancement des ODD, concernant spécifiquement la mise en œuvre de l’ODD 15 (E/2022/55).  Il ressort de ce rapport que les zones terrestres protégées continuent de reculer et que l’agriculture est la principale responsable du déboisement mondial.  L’Asie, l’Europe et l’Amérique ont vu leurs forêts diminuer en surface tandis que l’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne connaissent des pertes importantes de biodiversité en raison de la transformation des forêts en terres agricoles, a indiqué le responsable, avant de mettre en garde contre le risque d’extinction de milliers d’espèces dans les prochaines décennies, notamment en Asie et dans les petits États insulaires en développement (PEID).  Pour préserver la biodiversité, il importe de transformer la gestion des sols et de garantir une transition vers une agriculture durable, a-t-il préconisé, saluant le fait qu’en janvier dernier 37% des pays faisant l’objet d’une évaluation avaient réalisé ou dépassé leurs cibles nationales de biodiversité.  Au total, 58% ont progressé vers leurs objectifs mais à un rythme insuffisant.  Si la volonté de reconstruire en mieux après la pandémie est une bonne nouvelle pour l’ODD 15, la biodiversité reste négligée dans les dépenses consacrées au relèvement, a-t-il encore relevé. 

La parole a ensuite été donnée aux intervenants, en commençant par M. BRUNO OBERLE, Directeur général de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN), qui a constaté qu’en dépit des efforts consentis ces dernières années, nous ne compensons pas les pertes de biodiversité.  Il y a vu la conséquence directe de nos modes de production et de consommation, qui nous font utiliser toujours plus de matériaux et de surfaces pour soutenir la croissance avec des approches « anciennes ».  Il a appelé à lutter contre l’utilisation abusive des ressources naturelles, tout en attribuant à la nature la valeur qui est la sienne, et ce en utilisant les données pertinentes.  Soulignant l’importance du nouveau cadre pour la biodiversité en cours de négociation, il a plaidé pour un système qui assure le suivi des mesures prises et l’évaluation des résultats.  Il a également souhaité que des fonds substantiels aillent du Nord vers les pays du Sud, qui sont les grands dépositaires de biodiversité.  Enfin, il s’est prononcé pour une plus grande inclusivité, afin que les peuples autochtones, les communautés locales et les entreprises puissent contribuer à relever ce défi. 

Les peuples autochtones représentent 6% de la population mondiale mais 80% des ressources en biodiversité, a rappelé à ce propos M. UYUNKAR DOMINGO PEAS, Chef du peuple autochtone Achuar de l’Équateur et représentant de la Confédération des nations autochtones de l’Amazonie équatorienne.  Parler de transition écologique implique, selon lui, de réaliser une transition humaine « car c’est en nous que se trouve le pouvoir de réussir ce changement ».  Il a plaidé pour que les gouvernements investissent davantage dans les forêts existantes et pour que ceux qui sont engagés à protéger la nature aient des discours moins politisés.  « Les fonds promis doivent atteindre les communautés qui travaillent pour la Mère nourricière, au lieu de se perdre dans la bureaucratie. » Le Chef achuar a recommandé de travailler ensemble, ce qui suppose la participation et le respect des droits des peuples autochtones ainsi que de leurs connaissances en matière de biodiversité.  Il a signalé que sa confédération a mis en place un plan régional pour reboiser l’Amazonie équatorienne, pour le bénéfice des générations à venir. 

Mme OLGA ALGAYEROVA, Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe et Coordonnatrice des commissions régionales, a, elle aussi, évoqué des progrès « mi-figue mi-raisin » s’agissant de l’ODD 15 dans les cinq grandes régions mondiales.  Face à cette situation alarmante de perte de biodiversité, les cinq commissions régionales sont univoques: il faut des ripostes adéquates pour remettre l’ODD 15 sur la bonne voie.  Cela implique, selon elle, des changements au niveau des sociétés mais aussi une révision des politiques réglementaires, accompagnée d’une accélération des versements de fonds régionaux et internationaux.  Les gouvernements doivent en outre revoir les subventions aux activités qui entraînent un recul de la biodiversité, tout en promouvant les obligations vertes et bleues, a-t-elle estimé avant de plaider pour une meilleure règlementation des zones protégées pour assurer la fonctionnalité de la biodiversité.  Elle a, enfin, appelé à davantage de volonté politique, en complément des connaissances et des outils de coopération dont nous disposons. 

À son tour, M. RALPH CHAMI, responsable de la surveillance régionale pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie centrale au Fonds monétaire international (FMI), a plaidé pour un « changement de paradigme », afin de passer d’un point de vue extractif à une vision régénérative.  Il importe, à ses yeux, de considérer que la nature est au centre de tout et non un élément extérieur.  À cette aune, les gouvernements doivent en faire davantage, notamment vis-à-vis de marchés qui sont déjà sous pression, a-t-il souhaité.  En effet, a-t-il fait valoir, les marchés ont les moyens d’agir rapidement, surtout avec des mesures incitatives.  Pour que ce scénario émerge, il faut que les gouvernements reconnaissent la biodiversité comme une valeur et qu’ils procèdent à une évaluation écosystémique des ressources de la nature.  Une fois qu’ils seront intéressés, les marchés prendront des mesures pour protéger ces actifs naturels et feront en sorte que les détenteurs de biodiversité en tirent profit, a-t-il assuré. 

De son côté M. ZEPHYRIN MANIRATANGA, Représentant permanent du Burundi et Président de la dix-huitième session du Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF), a rappelé qu’un quart de la population mondiale dépend des forêts pour ses besoins de subsistance et ses revenus.  Mais les forêts, qui fournissent des filets de sécurité socioéconomique à des millions de personnes, ont aussi besoin de notre aide, a-t-il soutenu, faisant état de la perte de plus de 100 millions d’hectares de zones forestières ces deux dernières décennies, en raison principalement de l’expansion des activités agricoles.  Il a donc jugé essentiel d’aider les agriculteurs à réduire la déforestation.  Tout en reboisant et en restaurant les paysages forestiers, il faut éradiquer la pauvreté des populations dépendant des forêts, a-t-il plaidé.  Relevant que le FNUF est le seul organe des Nations Unies qui contribue au développement des capacités dans ce domaine, il a indiqué que son plan stratégique sur les forêts 2017-2030 vise à favoriser une gestion durable de tous les types de forêts et à stopper la déforestation.  Réussir dans cette entreprise exige que nous sortions des silos pour mener des programmes cohérents en faveur des forêts et suivre une approche holistique de la vie sur Terre, a souligné l’Ambassadeur.   

À la suite de cette première série de présentations, les délégations se sont à leur tour exprimées.  Plusieurs ont mis l’accent sur l’importance du nouveau cadre mondial pour la biodiversité, la France jugeant nécessaire de réussir ces négociations dans le cadre de la COP15 afin de mettre en œuvre une action durable pour les écosystèmes.  « C’est le dernier appel pour passer des paroles à l’action », a renchéri la Finlande, tandis que la Suisse plaidait pour des synergies à tous les niveaux pour faire cesser les pertes de biodiversité.  Pays hôte de la première partie de cette conférence des parties, la Chine a, elle, appelé tous les participants à parvenir à un consensus sur le nouveau cadre, la République tchèque appelant de ses vœux un programme ambitieux. 

La Norvège s’est félicitée que 143 pays aient déjà signé la Déclaration de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres, le Mexique mettant pour sa part en exergue les avancées de l’Accord d’Escazú, premier traité latino-américain sur l’environnement, qui reconnaît notamment le droit à un environnement sain pour tous.  Reste que, comme l’a rappelé le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, les objectifs d’Aichi adoptés en 2010 n’ont pas été atteints en 2020, malgré les efforts consentis par de nombreux pays.      

À cet égard, les Philippines se sont enorgueillies d’avoir désigné zones protégées 56% de leurs terres, créé des fonds privés pour encourager le tourisme durable, reboisé 2 millions d’hectares de forêts et promulgué une loi punissant les crimes contre la vie sauvage.  Nous sommes prêts à contribuer à la protection de 30% des sols et des océans d’ici à 2030, ont-elles affirmé, à l’instar de l’Union européenne, qui poursuit le même objectif par le biais de son Green Deal.  Le Guatemala a, quant à lui, mis en avant la création d’un ministère de l’eau, le lancement de plans départementaux d’action sur les changements climatiques et le reboisement de 256 000 hectares de forêts, alors que le Maroc évoquait les différentes stratégies nationales visant à protéger la biodiversité et à financer les efforts de réalisation de l’ODD 15.  Pour sa part, le grand groupe des autorités locales a fait valoir l’importance d’un système actualisé de représentativité intégrant les représentants de communautés locales. 

Inquiète de la dégradation des terres qui affecte plus de 60% des ressources mondiales en sols, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a indiqué qu’elle travaille avec des pays du monde entier pour promouvoir l’utilisation durable des écosystèmes terrestres, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, stopper et inverser la dégradation des terres et réduire la perte de biodiversité.  Ses experts utilisent des techniques nucléaires et isotopiques pour évaluer la qualité des sols et étudier comment les cultures absorbent les nutriments, ainsi que la façon dont le sol se déplace.  Avec l’aide de la science nucléaire, l’AIEA développe aussi des méthodes de suivi des agents contaminants afin de produire des données susceptibles d’aider les États Membres à élaborer des politiques de protection de l’environnement.

Au cours de la deuxième série d’interventions, Mme AJANTA DEY, Directrice de programme à la Nature Environment and Wildlife Society, a observé que la nature est de plus en plus exploitée et que les connaissances traditionnelles des peuples autochtones ne sont pas utilisées au niveau qui devrait être le leur.  Elle a ainsi relevé que, s’agissant de la restauration côtière des mangroves, qui sont des zones particulièrement sensibles aux changements climatiques, les savoirs autochtones sont essentiels pour déterminer les espèces à protéger et les modes de culture à privilégier.  D’une manière générale, il importe de prendre en compte le potentiel des communautés locales et de les impliquer dans les programmes, a-t-elle préconisé, avant d’appeler les États Membres à favoriser l’accès des petits agriculteurs aux marchés et aux financements.  

Des changements positifs viennent du secteur privé, a enchaîné Mme JULIE NASH, Directrice principale du programme pour l’alimentation et les forêts au sein de la société Ceres, en reconnaissant que la plupart des pays dépendent de pratiques agricoles non durables.  S’il était difficile, il y a cinq ans encore, de rassembler des investisseurs pour y réfléchir, nous avons réussi à mettre sur pied un groupe représentant 3 200 milliards d’actifs gérés, a-t-elle expliqué, assurant que les investisseurs se doivent désormais de prendre en compte les problématiques de changements climatiques et d’érosion des terres.  Selon elle, le débat ne porte plus seulement sur quelques espèces à protéger mais sur la biodiversité dans son ensemble.  Beaucoup d’entreprises veulent agir et mettre une valeur sur le capital naturel, a poursuivi la spécialiste, pour qui la croissance économique ne doit plus être liée à la dégradation des écosystèmes mais à leur protection. 

Sur un plan plus social, M. PAUL DIVAKAR NAMALA, organisateur du Forum mondial des communautés discriminées sur la base de leur travail et de leur ascendance, a attiré l’attention sur ces personnes qui restent exclues des espaces socioéconomiques et n’ont pas accès aux terres.  Le Programme 2030 n’a pas pris en considération leurs besoins particuliers, a-t-il constaté.  Pourtant, ces communautés sont essentielles pour l’ODD 15.  En Afrique, la désertification entraîne des déplacements de population, en Europe, les Roms doivent migrer faute de pouvoir s’implanter et, en Inde, les dalits travaillent des terres sans pouvoir en devenir propriétaires, a énuméré le spécialiste.  Il est donc primordial, à ses yeux, que ces communautés aient accès à la terre pour mieux participer à leur protection. 

Il est également essentiel que les jeunes soient représentés dans les processus politiques locaux et mondiaux, a jugé M. DANIEL SAMUELSSON, représentant de la jeunesse de la Suède, non sans rappeler que 1,5 milliard de personnes dans le monde ont moins de 15 ans.  Lors de la conférence Stockholm+50, a-t-il indiqué, un document du Groupe de travail pour les jeunes a été présenté pour demander l’élimination des pratiques environnementales destructrices.  Parmi les autres recommandations des jeunes figuraient aussi la pénalisation de l’écocide et la recherche de solutions contre les changements climatiques et les pertes de biodiversité par la transformation des modes de consommation et de production. 

Dans la foulée de ces déclarations, le Soudan a, justement, dit donner la priorité au développement des compétences des jeunes afin de les sensibiliser à la gestion des ressources naturelles.  Le Sénégal, le Malawi et la Türkiye ont fait état d’un vaste programme national de reforestation, tandis que le Bostwana se vantait d’avoir désormais 40% de ses terres en zones protégées.

Le Népal a souhaité que les efforts de protection et de la biodiversité soient mondiaux et que l’ODD 15 ne soit pas considéré comme indépendant des autres ODD.  L’Ukraine a souligné son attachement à cet ODD tout en admettant que la guerre déclenchée sans justification par la Russie en compromet la réalisation.  Parlant d’une agression contre le patrimoine national, la délégation a indiqué que son gouvernement documente les crimes commis contre l’environnement.  Elle a également averti que les bombardements de centrales électriques et d’entreprises chimiques mettent en péril la vie des populations et des écosystèmes environnants.  Le Bélarus s’est, lui, indigné que la Pologne ait décidé de construire un mur dans la forêt frontalière de Bialowieża, qui est une des dernières forêts primaires d’Europe et est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.  Il a donc appelé Varsovie à revenir sur ce projet qui a des répercussions négatives sur les écosystèmes, tandis que l’Azerbaïdjan disait travailler à la restauration des écosystèmes des territoires libérés, qui, d’après lui, ont subi de graves dommages environnementaux durant l’occupation arménienne. 

Citant l’édition 2022 de son rapport sur l’état des forêts dans le monde, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a salué l’action du Programme ONU-REDD qui travaille avec des pays pour permettre le reboisement de zones forestières.  Elle a aussi noté que la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes a permis de reboiser 350 millions d’hectares de forêts dégradées, tout en applaudissant les mesures visant à aider les économies locales à moins dépendre du carbone.  Pour faire progresser ces volets, nous avons besoins d’appuis politiques et d’investissements, a-t-elle ajouté, avant d’appeler les États Membres à intégrer des plans forestiers dans leurs dispositifs de relance.  La République de Corée a rappelé, de son côté, qu’elle a organisé avec la FAO le quinzième Congrès forestier mondial, lequel a débouché sur une déclaration appelant à de nouveaux partenariats pour la gestion durable des forêts.

Si la Bolivie a estimé possible la protection de la Terre, « notre Mère nourricière », grâce à la participation de tous les groupes de la société, notamment des communautés autochtones, le grand groupe des peuples autochtones a tenu à rappeler que ces « réservoirs de ressources » sur la biodiversité ne reçoivent que 1% des fonds disponibles pour le climat.  Pour mettre en œuvre l’ODD 15, il faut donc commencer par reconnaître le rôle et les droits de ces peuples, a-t-il martelé. 

Enfin, le grand groupe des travailleurs et des syndicats a jugé fondamental de dissocier la croissance économique, souvent synonyme de pratiques nocives, de gaspillage et de mauvaise gestion des déchets, et la perte de biodiversité.  De même, il convient selon lui de créer des liens entre l’ODD 15 et l’ODD 8 (promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous), tout en contribuant au bien-être économique, ce qui passe par plus d’investissements dans les transitions écologiques, la protection de l’environnement et la lutte contre la pollution plastique.    

Le modérateur de cette discussion était M. NIGEL SIZER, Directeur exécutif de l’initiative de prévention des pandémies à la source au sein de l’ONG Dalberg Catalyst

Table ronde 2

Les petits États insulaires en développement (PEID) étaient le sujet central cet après-midi, avec pour perspective de rebâtir en mieux dans les situations de vulnérabilité.  L’élaboration d’un indice de vulnérabilité multidimensionnel, en vue d’une meilleure allocation des ressources financières internationales aux PEID, a été au cœur des discussions.  Plusieurs membres du Groupe d’experts de haut niveau créé par le Président de l’Assemblée générale pour élaborer un tel indice participaient à ce dialogue. 

M. GASTON BROWNE, Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda et Coprésident du Groupe d’experts sur l’indice de vulnérabilité multidimensionnel, a campé les enjeux de cette table ronde, en rappelant que le modèle de développement linéaire, qui postule que le développement irait en s’améliorant, n’est plus valide, tant les chocs sont nombreux et puissants.  « La pandémie nous a ouvert les yeux sur les vulnérabilités du système financier international. »  Il a souligné la pertinence d’un indice de vulnérabilité multidimensionnel et la nécessité d’un consensus sur ce sujet.  Cet indice doit permettre de prendre en compte les situations de tous les pays et de distinguer entre vulnérabilité exogène et endogène.  Il doit aussi s’appuyer sur des données fiables, a déclaré M. Browne, avant d’insister sur la notion de résilience.  Il a dit qu’un rapport intérimaire sur le sujet sera bientôt rendu public, avec notamment des premiers éléments sur la composition d’un tel indice. 

La résilience est une notion « multidimensionnelle », a exprimé de son côté, M. HYGINUS ‘GENE’ LEON, Président de la Banque de développement des Caraïbes, en définissant la résilience comme la capacité d’un système à s’adapter aux chocs et à continuer de se développer.  Il n’y a pas de développement sans résilience, a-t-il dit avant de détailler les vulnérabilités des PEID dans les Caraïbes, parmi lesquelles les catastrophes.  « Tout relèvement après un choc prend du temps parce que nos pays sont parmi les moins résilients au monde. »  Il a prôné une approche globale de développement articulée autour d’un accès suffisant aux financements pour remédier à ces vulnérabilités structurelles.  Le critère du PIB par habitant ne permet pas d’évaluer la vulnérabilité des PEID, a-t-il confirmé, en plaidant lui aussi pour un critère plus équitable afin de déterminer l’accès aux financements concessionnels. 

Dans ce droit fil, Mme NATALIE COHEN, du Ministère des affaires étrangères et du commerce de l’Australie, membre du Groupe d’experts, a rappelé que si les PEID ont un PIB par habitant assez élevé, ils souffrent toutefois d’handicaps, tels que le dispersement géographique, qui ne sont pas pris en compte dans l’éligibilité aux financements concessionnels.  Elle a plaidé à son tour pour la création d’un outil prenant en compte non seulement cet indice de PIB par habitant mais aussi ces vulnérabilités, pour une meilleure allocation des ressources internationales. 

L’indice de vulnérabilité multidimensionnel, s’il a vocation à s’appliquer à tous les pays en développement, permettra de mieux prendre en compte la spécificité des PEID, qui sont confrontés à de nombreux chocs, a renchéri M. JOSE LUIS ROCHA, Ministre des affaires étrangères de Cabo Verde, membre du même Groupe d’experts.  Il a aussi rappelé l’endettement très élevé dont souffrent ces pays, ce qui sape leur résilience aux chocs.  Le critère de PIB par habitant est trop restrictif et volatile, a argué M. Rocha, en invitant « à aller au-delà du PIB par habitant ».  Il a aussi appelé à une nouvelle classification de pays suivant cet indice de vulnérabilité multidimensionnel, ce qui permettrait une meilleure interaction avec les institutions financières internationales. 

Mme LOUISE FOX, de Brookings Institute, également membre du Groupe d’experts, a indiqué que plusieurs indicateurs ont été écartés en raison de données statistiques insuffisantes.  Elle en a déduit que les capacités statistiques des PEID doivent être renforcées.  Elle a également invité à des recherches scientifiques plus fouillées sur les notions de vulnérabilité et de résilience, tant ces notions sont devenues essentielles.  Le Groupe a bien avancé dans ses travaux, a assuré Mme Fox. 

Mme TAMISHA LEE, du Réseau des femmes productrices en milieu rural de la Jamaïque, a rappelé que la pandémie a mis à nu les vulnérabilités mondiales, avant de détailler les handicaps structurels dont souffrent les PEID.  L’indice permettrait d’avoir une idée plus précise des défis des PEID et de la meilleure réponse à leur apporter, a déclaré Mme Lee. 

Enfin, Mme REBECCA FABRIZI, Envoyé spécial du Royaume-Uni pour les PEID, a souligné la pertinence de cet indice de vulnérabilité multidimensionnel, avant d’indiquer que le soutien de son pays aux PEID s’élève cette année à 40 millions de livres sterling. 

Le principe d’un indice de vulnérabilité multidimensionnel a été repris par les délégations, à commencer par Antigua-et-Barbuda qui s’est félicité que l’appel pour un tel indice ait été enfin entendu.  « Il a fallu une pandémie pour cela », a dit le délégué, en se disant impatient de lire le rapport du Groupe d’experts.  « Cet indice, qui doit être simple et fiable, doit reconnaître que les PEID sont les plus vulnérables même s’il doit s’appliquer à tous les pays. »  Même son de cloche du côté de Sainte-Lucie, qui a rappelé que les PEID sont dans la « situation peu enviable » d’être des PEID et des pays à revenu intermédiaire.  « Nous devons dissiper le mythe selon lequel nos pays n’auraient pas besoin de financements à conditions préférentielles. »  À l’instar de Samoa ou encore du Saint-Siège, la déléguée de Sainte-Lucie a appelé à aller au-delà du PIB par habitant dans l’évaluation des besoins.  « C’est inévitable », a renchéri Guyana, en précisant que ce critère n’est pas un indicateur complet. 

L’Union européenne continuera d’aider les PEID à atteindre les ODD, a assuré le délégué de cette organisation, en mentionnant notamment l’ouverture de crédits d’urgence.  Il a dit suivre avec intérêt les travaux du Groupe d’experts et formé l’espoir que « l’arc-en-ciel soit bientôt visible après la tempête que traversent les PEID ».  La déléguée du Portugal a précisé que 60% de l’aide bilatérale de son pays va aux PEID.  La France a souligné l’importance de l’action de proximité et du rôle des autorités locales pour faire face aux défis environnementaux et de développement.  « L’universalité ne doit pas être confondue avec l’uniformisation », a déclaré la déléguée française, appuyée par la déléguée du grand groupe des peuples autochtones, qui a souhaité que ces peuples participent à l’élaboration dudit indice. 

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