ECOSOC: le forum politique de haut niveau s’ouvre dans un monde appelé à reconstruire en mieux et à avancer sur la voie de la mise en œuvre du Programme 2030
Le Président du Conseil économique et social (ECOSOC) a donné aujourd’hui le coup d’envoi du forum politique de haut niveau 2022 qui a pour thème, cette année, « reconstruire en mieux après la pandémie de COVID-19, tout en avançant sur la voie d’une mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ». Après l’adoption de l’ordre du jour, le forum a entendu l’appel de M. Collen Vixen Kelapile à l’union pour mettre fin aux conflits et affronter l’insécurité alimentaire, les changements climatiques, la pauvreté rampante et les inégalités.
En dépit des graves défis de l’heure, le Président de l’ECOSOC s’est voulu « optimiste » notant que le contrôle de la pandémie de COVID-19 dans de nombreux pays donne l’occasion de reconstruire en mieux et de fixer la résilience des systèmes socioéconomiques et sanitaires. En outre, l’économie mondiale devrait croître de 3,1%, selon les dernières prévisions du Département des affaires économiques et sociales (DESA), et de nombreux pays institutionnalisent des mesures de protection sociale pour contrer la pandémie. D’autres renforcent leurs systèmes de santé et se tournent vers une économie positive pour la nature. Et l’augmentation des investissements dans la protection sociale pour tous, en particulier la protection sociale adaptée aux enfants et sensible au genre est une autre raison d’espérer, a ajouté M. Kelapile.
À son tour, la Vice-Secrétaire générale a informé que lorsque le forum de haut niveau aura achevé ses travaux, 187 pays se seront soumis à l’examen national volontaire depuis la création du processus il y a sept ans, notant que les plans de résilience et de relance post-crise détaillés dans les rapports des États Membres représentent une source d’espoir. Mais si nous sommes à mi-chemin de la réalisation des ODD, nous n’avons pas encore réalisé la moitié du travail en raison de multiples crises, a cependant averti Mme Amina J Mohammed, qui a mis l’accent sur les progrès à réaliser notamment dans le domaine des énergies renouvelables, de l’alimentation durable et de la connectivité.
La crise oblige à repenser les modes de productions et de consommation, de concevoir des villes plus respirables et innover pour le bien-être de tous. C’est l’avis de M. Nicholas Stern, professeur d’économie et de gouvernance et doyen de l’Institut de recherche sur les changements climatiques et l’environnement à la London School of Economics, qui a appelé à investir au moins 2% du produit intérieur brut (PIB) national pour espérer obtenir une économie résiliente. « Reconstruire en mieux », c’est mettre l’accent sur la coordination, a suggéré à son tour le Vice-Président de l’ECOSOC qui a insisté sur l’importance de faire entendre les voix de toutes les parties prenantes du système de l’ECOSOC. De l’équité vaccinale à l’équité financière, M. Suriya Chindawongse a aussi appelé à combler les fossés numériques et à mettre l’accent sur la parité entre les genres.
Avertissant que les risques de crises alimentaires sont réels et que le monde est aux prises avec une crise de disponibilité de denrées alimentaires la saison prochaine, le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Qu Dongyu, a notamment appelé les secteurs public et privé à soutenir les petits producteurs et protéger les moyens de subsistance des agriculteurs face aux chocs. Dans ce droit fil, l’Administratrice déléguée de la politique de développement et des partenariats du Groupe de la Banque mondiale, Mme Mari Pangestu, a fait savoir que la Banque compte allouer 30 milliards de dollars pour appuyer les foyers vulnérables et les agriculteurs et financer à hauteur de 170 milliards de dollars ces 15 prochains mois, plusieurs projets visant à aider les pays en développement à répondre à la crise alimentaire. De son côté, M. Kailash Satyarthi, lauréat du prix Nobel de la paix 2014, a appelé à contribuer 53 milliards de dollars pour financer un système de protection sociale, soit moins de 1% de ce qu’ont dépensé les pays riches pour leurs propres programmes de protection sociale.
Après le segment d’ouverture, les délégations ont poursuivi leur réflexion dans le cadre d’une réunion-débat et de trois tables rondes consacrées respectivement au thème principal du forum, au financement d’une réponse robuste à la crise, à la mobilisation de la science, la technologie et l’innovation pour une reprise axée sur les ODD, et au renforcement des capacités et des partenariats.
Le forum politique de haut niveau de l’ECOSOC se poursuivra demain, mercredi 6 juillet, à partir de 9 heures.
FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
Déclaration liminaire
M. COLLEN VIXEN KELAPILE (Botswana), Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a appelé la communauté internationale à l’union pour mettre fin aux conflits, que ce soit en Europe ou dans d’autres parties du monde, et à affronter les multiples crises, notamment l’insécurité alimentaire, les changements climatiques, la pauvreté rampante et les inégalités. Se voulant optimiste, il a noté que les graves défis qui persistent, le contrôle de la pandémie de COVID-19 a progressé dans de nombreux pays, ce qui donne l’occasion de reconstruire en mieux, de rectifier les modes de vie et de fixer la résilience des systèmes socioéconomiques et sanitaires. En dépit des nombreux défis, l’économie mondiale devrait croître de 3,1%, selon les dernières prévisions du Département des affaires économiques et social (DESA). En outre, de nombreux pays institutionnalisent des mesures de protection sociale pour contrer la pandémie. D’autres renforcent leurs systèmes de santé et se tournent vers une économie positive pour la nature.
Le Président de l’ECOSOC a relevé que des outils tels que le Mécanisme COVAX et le Centre de transfert de technologie pour les vaccins à ARNm peuvent augmenter considérablement l’immunité de la population à l’échelle mondiale, protéger les systèmes de santé, réduire le risque d’émergence de nouvelles variantes et permettre aux économies de véritablement redémarrer. L’augmentation des droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI) ou l’initiative de suspension du service de la dette du G20 et du Club de Paris sont les bienvenues. Mais nous devons aller plus loin, a exhorté le Président tout en constatant une augmentation des investissements dans la protection sociale pour tous, en particulier la protection sociale adaptée aux enfants et sensible au genre. C’est une autre raison d’espérer. Mais nous devons faire beaucoup plus, a encore insisté M. Kelapile qui a appelé à plus de volonté politique, de détermination, de courage, de confiance et de solidarité pour mettre en œuvre les solutions. Nous devons trouver des solutions qui nous propulseront vers de nouveaux sommets, dans un monde où nous pourrons tous trouver la paix et la prospérité en protégeant notre peuple et notre planète, en mobilisant des partenariats forts et inclusifs.
Discours d’ouverture
Mme AMINA MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a indiqué que lorsque le forum politique de haut niveau aura achevé ses travaux, 187 pays se seront soumis à l’examen national volontaire depuis la création du processus il y a sept ans. « Nous sommes donc arrivés à une présentation presque universelle de rapports volontaires » s’est réjouie la Vice-Secrétaire générale avant de souligner les démarches des pays qui ont décrit les graves conséquences des crises, dont la pandémie de COVID-19, sur l’accès à l’éducation, l’égalité des genres et l’économie. Elle a relevé que de nombreux pays ont vu leurs niveaux de revenus baisser, citant en particulier les difficultés des pays dépendant du tourisme, ainsi que l’impact des changements climatiques et des catastrophes naturelles sur les récoltes, la durabilité alimentaire et la situation économique des populations rurales. Malgré les difficultés, les rapports des États Membres sont aussi une source d’espoir avec des plans de résilience et de relance post-crise. Elle a particulièrement relevé des progrès dans l’aquaculture, la protection sociale, l’élargissement de l’économie verte et la lutte contre les abus et violences sexistes. Elle a aussi cité des efforts pour faciliter des transformations dans le domaine de l’énergie. « Le rôle de l’action nationale est aujourd’hui mieux compris. » Mais si nous sommes à mi-chemin de la réalisation des ODD, nous n’avons pas encore réalisé la moitié du travail en raison de multiples crises, s’est inquiété Mme Mohammed qui a mis l’accent sur les progrès à réaliser notamment dans le domaine des énergies renouvelables, de l’alimentation durable et de la connectivité.
M. NICHOLAS STERN, professeur d’économie et de gouvernance et doyen de l’Institut de recherche sur les changements climatiques et l’environnement à la London School of Economics, a estimé que le monde est à la croisée des chemins après une décennie difficile marquée par une faible croissance économique, des problèmes d’investissements et, maintenant, deux chocs liés à la pandémie de COVID-19 et à la guerre en Ukraine. À cela s’ajoute le sentiment d’urgence que nous ont transmis les membres du GIEC au travers de leurs rapports d’évaluation sur le climat, a-t-il noté, jugeant essentiel de comprendre que la lutte contre les changements climatiques impose d’avoir une croissance plus efficace. Aux yeux de l’expert, des bénéfices peuvent être tirés de cette crise car elle oblige à repenser les modes de production et de consommation, concevoir des villes plus respirables et innover pour le bien-être de tous. Pour faire de ce scenario une réalité, des investissements sont nécessaires. Mais il faut savoir à quelle échelle, dans quelles zones géographiques et dans quels secteurs, a-t-il relevé, avant de reconnaître que les pressions engendrées par la pandémie et le conflit ukrainien rendent urgent un appui et une relance des marchés émergents. Il a ainsi précisé que, selon une étude à laquelle il a contribué pour la présidence britannique du G7, il faut investir au moins 2% du PIB national pour espérer obtenir une économie résiliente. Or, les investissements ont atteint des niveaux historiquement bas et beaucoup d’infrastructures essentielles restent à construire dans les pays, s’est-il inquiété. Reconstruire en mieux suppose par conséquent de bonnes politiques, appuyées par des partenariats internationaux et des financements, afin de traiter le plus rapidement possible les problèmes d’endettement que connaissent de nombreux pays. Dans ce contexte, a souligné l’intervenant, les financements externes sont primordiaux. Et si l’aide publique au développement (APD) conserve toute son importance, il faut aussi pouvoir compter sur le secteur privé et sur les banques internationales, a-t-il dit.
M. SURIYA CHINDAWONGSE, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a mis l’accent sur le caractère crucial de la coordination dans un monde aux ressources rares et marqué par des crises multiples. Il a insisté sur l’importance de faire entendre les voix de toutes les parties prenantes du système de l’ECOSOC, des commissions techniques régionales aux groupes d’experts de l’ECOSOC. De l’équité vaccinale à l’équité financière, il a appelé à combler les fossés numériques et en mettant l’accent sur la parité entre les genres et les vulnérabilités particulières des femmes et des filles. Insistant en outre sur la durabilité et les synergies, il a appelé à accélérer la mise en œuvre des ODD en tenant compte de l’interdépendance entre les différents ODD et en dépassant les approches cloisonnées. Il a appelé à surmonter les défis liés à la pauvreté et à promouvoir la couverture sanitaire universelle ainsi qu’à utiliser l’élan de la COP26 pour le futur succès de la COP27. En outre, toutes les composantes de l’architecture de l’ECOSOC doivent travailler harmonieusement ensemble.
M. QU DONGYU, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a dit que les risques de crises alimentaires sont réels. Nous serons aux prises avec une crise de disponibilité de denrées alimentaires la saison prochaine, ce qui fait peser une menace dans les efforts pour réaliser les ODD. Il a indiqué que le Plan stratégique 2022-2031 de la FAO vise à accélérer la réalisation des ODD en passant à des systèmes agroalimentaires plus inclusifs, résilients, efficaces et durables. Il faut apporter l’argent nécessaire pour la production de céréales, de légumes et d’autres produits, mais aussi protéger le bétail grâce aux vaccins, l’alimentation et l’eau. Il a également appelé les secteurs public et privé à soutenir les petits producteurs et les foyers, insistant sur l’importance de protéger les moyens de subsistances des agriculteurs face aux chocs. Pour atténuer les retombées des conflits sur l’insécurité alimentaire, il faut également renforcer la productivité durable, ainsi que l’accès aux denrées alimentaires, aux services financiers et aux technologies numériques innovantes.
Mme MARI PANGESTU, Administratrice déléguée de la politique de développement et des partenariats du Groupe de la Banque mondiale, a constaté que les crises multiples de ces dernières années se sont conjuguées à l’inflation et à la hausse des taux d’intérêt, entraînant des revers après des avancées en matière de développement. Elle a indiqué que depuis le début de la pandémie, la Banque mondiale est venue à la rescousse des pays en développement en apportant un financement de 260 milliards de dollars. Il s’agissait d’abord de sauver des vies par des mesures de santé et d’accès équitable aux vaccins. Aujourd’hui, la Banque mondiale a un fonds de 10 milliards de dollars pour 78 pays en matière de vaccination, et des programmes d’appui à plus long terme de 14 milliards de dollars. Pour aider les pays en développement à faire face à ces crises multiples, la Banque mondiale va financer à hauteur de 170 milliards de dollars ces 15 prochains mois plusieurs projets visant notamment à répondre à la crise alimentaire. De plus, la Banque compte allouer 30 milliards de dollars pour appuyer les foyers vulnérables et les agriculteurs. L’éducation, la parité, la biodiversité, les océans y compris la lutte contre la pollution plastique figurent également parmi les priorités de la Banque mondiale.
M. KAILASH SATYARTHI, lauréat du prix Nobel de la paix 2014, a mis l’accent sur la situation alarmante des enfants dans le monde, exacerbée par la crise socioéconomique mondiale engendrée par la pandémie de COVID-19. Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, des millions d’enfants ukrainiens courent un grand danger. Mais, de par le monde, des millions d’autres enfants sont confrontés à des risques de famine en raison des conséquences catastrophiques de ce conflit et ses effets domino sur les chaînes d’approvisionnement et les prix des denrées et des carburants. Les enfants marginalisés sont ceux qui sont le plus à risque, a alerté le militant indien des droits de l’enfant et du droit à l’éducation, affirmant s’exprimer au nom des « sans voix », de ceux qui sont obligés de travailler et n’ont accès ni à l’eau potable ni à l’éducation. Pour ces enfants qui vivent dans la pauvreté abjecte et intergénérationnelle, il faut agir de toute urgence et tirer les leçons de la pandémie. Pour l’heure, c’est encore loin d’être le cas, a-t-il constaté, déplorant que seulement 0,13% des 12 000 milliards de dollars débloqués par le G7 aient été alloués aux pays à revenu faible. De même, les 650 milliards de dollars en DTS du FMI ont davantage profité aux enfants des pays riches qu’à ceux du continent africain, s’est-il indigné. Le prix Nobel 2014 a regretté à cet égard qu’un seul pays africain siège au sein du G20 et aucun au sein du G7. C’est une injustice criante, il importe de garantir l’équité pour l’Afrique et pour ses enfants, a-t-il martelé. « Si rien n’est fait, nous n’atteindrons jamais les ODD. » Selon lui, des solutions existent pourtant, comme par exemple, aider les pays pauvres à se doter d’une protection sociale. Pour cela, il suffit de 53 milliards de dollars, soit moins 1% de ce qu’ont dépensé les pays riches pour leurs propres programmes de protection sociale, a-t-il indiqué. Il a également jugé essentiel de financer l’accès à une éducation de qualité, en recrutant des enseignants professionnels et qualifiés. De même, il est vital de préserver les programmes d’alimentation à l’école, afin d’offrir des chances égales aux plus vulnérables.
Se présentant comme la plus jeune activiste de ce forum, âgée de 19 ans, Mme VALENTINA MUNOZ RABANAL, militante féministe et des droits numériques du Chili, a appelé à être vigilants car les droits des femmes ne sont jamais acquis. Après avoir rappelé que les droits des femmes sont souvent les premières victimes des crises, elle s’est néanmoins félicitée que le Chili soit devenu cette semaine le premier pays du monde à avoir présenté une nouvelle constitution rédigée par un comité paritaire qui sera présentée le 4 septembre. Elle a jugé anormal qu’un homme armé ait plus de droit qu’un utérus dans certains pays avant d’appeler à courir pour réaliser les ODD.
Le Groupe de K-pop AESPA, a déclaré qu’alors que le métavers s’accélère, il faut se poser la question de savoir si on travaille toujours avec ardeur pour créer le meilleur monde réel possible. Si notre propre réalité n’est pas durable, il sera difficile de maintenir les possibilités du monde virtuel. Sans écosystèmes durables, ni égalité des chances pour une vie de qualité, aucun monde réel pourra être reflété. AESPA continuera de se connecter avec la prochaine génération à travers la musique, et de travailler pour représenter les OOD dans la réalité, et au sein du métavers.
Reconstruire en mieux après la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), tout en avançant sur la voie d’une mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (résolution 75/290 B de l’Assemblée générale)
Réunion-débat
Modérée par M. NIKHIL SETH, Directeur exécutif de l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), cette première table ronde du forum politique de haut niveau de l’ECOSOC avait pour thème « Reconstruire en mieux et tout en avançant sur la voie d’une réalisation intégrale des objectifs de développement durable (ODD) ». Quel a été l’impact de la COVID-19 sur les ODD? Les mesures de relance font-elles progresser la mise en œuvre du Programme 2030? Comment relever les défis des pays à revenu intermédiaire et des pays en situation particulière? La discussion visait à apporter des réponses à ces questions brûlantes.
Premier intervenant à s’exprimer, M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a présenté le rapport intérimaire du Secrétaire général (E/2022/55) sur l’état d’avancement des objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030. Alors que le monde est entré dans une troisième année de pandémie, les progrès accomplis -déjà en perte de vitesse avant la crise- ont été stoppés voire inversés, a-t-il constaté, chiffres du rapport à l’appui: près de 15 millions de personnes décédées en raison de la COVID-19 fin 2021; 75 à 95 millions de personnes supplémentaires appelées à vivre dans l’extrême pauvreté en 2022 par rapport aux projections prépandémiques; 147 millions d’enfants privés d’au moins la moitié de leur enseignement en classe ces deux dernières années. Il a également évoqué les systèmes de santé débordés, les femmes frappées de manière disproportionnée par les retombées socioéconomiques et l’augmentation de 6% des émissions de CO2 en 2021, ce qui fait craindre une catastrophe si les engagements ne sont pas à la hauteur de l’urgence climatique. À cela s’ajoute le fait que le monde connaît le plus grand nombre de conflits violents depuis 1945, que 2 milliards de personnes sont déplacées et que le déclenchement de la guerre en Ukraine a fait monter en flèche les prix des denrées alimentaires, du carburant et des engrais, tout en perturbant les chaînes d’approvisionnement et le commerce mondial. « Conjugués à la crise des réfugiés, les impacts de ce conflit peuvent conduire à une crise alimentaire et porter un coup dur à la progression des ODD », a averti le haut fonctionnaire, selon lequel la guerre pourrait réduire la croissance économique mondiale de 0,9 point de pourcentage en 2022 et avoir des implications sur les flux d’aide.
Arguant que les crises sont aussi des occasions d’action et de partenariat pour transformer les systèmes économiques et sociaux conformément aux ODD, le Secrétaire général adjoint a préconisé de tirer parti de l’opportunité offerte par la reprise pour adopter un développement à faible émission de carbone. Il a d’autre part jugé urgent de s’attaquer à l’iniquité en matière de vaccins et de redoubler d’efforts pour parvenir dès que possible à une couverture vaccinale de 70% de la population dans tous les pays. Nous avons aussi besoin d’une transformation à grande échelle de la finance internationale et du mécanisme de la dette, a plaidé M. Liu, pour qui il importe de fournir aux pays la marge de manœuvre budgétaire et les liquidités adéquates, notamment en réorientant les droits de tirage spéciaux (DTS) inutilisés vers les pays dans le besoin, en procédant à un allégement effectif de la dette et en annulant les surtaxes du Fonds monétaire international (FMI) dans l’intervalle. Enfin, cette économie mondiale nécessitera un nouveau contrat social pour que chacun puisse bénéficier des biens publics mondiaux, a-t-il ajouté, avant d’appeler à des investissements accrus dans les données pour anticiper les crises, empêcher la survenue de conflits et prendre les actions nécessaires pour réaliser le Programme 2030.
Rappelant que la pandémie de COVID-19 n’est pas encore terminée, comme en atteste l’augmentation des cas dans 110 pays et la progression des décès dans trois régions, M. TEDROS ADHANOM GHEBREYESUS, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a pointé les lacunes de nos capacités de préparation et de riposte aux situations d’urgence mondiales. Pour y remédier, a-t-il avancé, l’OMS propose une nouvelle architecture mondiale de santé, basée sur une gouvernance cohérente, inclusive et responsable, des systèmes de prévention, de détection et de réponse rapides aux urgences sanitaires et un financement adéquat et efficace. Pour l’heure, le monde progresse au quart du rythme nécessaire pour atteindre les cibles des ODD liées à la santé. Nous pouvons accélérer en nous concentrant sur les interventions au plus grand impact dans les pays, a-t-il ajouté, non sans inviter au renforcement de l’action multilatérale.
Le droit à la santé sexuelle et reproductive a lui aussi fait les frais de la crise actuelle, alors même qu’il est fondamental pour le bien-être des femmes et des filles, a observé Mme NATALIA KANEM, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Pour améliorer la situation, il convient tout d’abord de disposer de données ventilées d’excellente qualité « pour que nous voyons ces personnes ». Il faut également renforcer l’accès aux contraceptifs, qui est encore insuffisant pour 200 millions de femmes et de filles dans le monde. Enfin, il importe de mettre les femmes au cœur de l’aide humanitaire et au développement, a-t-elle soutenu, relevant que 40% du soutien humanitaire du FNUAP passe par des organisations locales dirigées par des femmes.
S’exprimant au nom du Réseau des Nations Unies sur les migrations, M. ANTONIO VITORINO, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a rappelé le tribut payé par les migrants à la pandémie, de l’accès inégal aux vaccins au risque d’expulsion et aux discriminations multiples. Pourtant, a-t-il relevé, cette période de crise sanitaire a montré le rôle essentiel des migrants pour les économies et les sociétés. À son avis, bon nombre des bonnes pratiques prises à leur égard par les États devraient être conservées et intégrées dans les plans de reprises, notamment en matière de vaccination, de programmes de santé universels et d’envois de fonds. Évoquant pour sa part le sort des plus jeunes, Mme NAJAT MAALLA M’JID, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, a mis en exergue les avantages économiques qu’auraient des investissements dans la protection, le développement et le bien-être des enfants. Si tous les enfants restaient à l’école, les revenus de la main-d’œuvre nationale atteindraient 4 à 14% des PIB nationaux, a-t-elle affirmé. De plus, mettre fin à la violence contre les enfants permettrait d’économiser jusqu’à 8% du PIB en aide sociale, soins de santé, éducation et autres services.
Les asymétries entre régions du monde se sont exacerbées avec la pandémie, a analysé Mme ARMIDA SALSIAH ALISJAHBANA, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP). Le fossé s’est creusé en matière de vaccins, l’endettement limite la capacité de nombreux pays à se relever, la guerre en Ukraine vient perturber davantage les chaînes d’approvisionnement et les engagements climatiques ne sont pas à la hauteur des enjeux. Si l’on veut reconstruire en mieux, il faut des politiques « révolutionnaires », a-t-elle souligné, plaidant pour des financements prévisibles pour les pays en développement, une utilisation plus massive de DTS, la mise en place d’obligations vertes et bleues, et des échanges dette-durabilité.
La crise multidimensionnelle que nous traversons donne l’occasion de « refaçonner » le monde, a jugé Mme LINDA YUEH, professeure d’économie à l’Université d’Oxford et à la London Business School, et professeure invitée à la London School of Economics and Political Science. À ses yeux, les retours sur investissement de demain rendront la dette contractée plus durable. Ce sera particulièrement le cas si l’on investit dans le capital humain et dans la technologie numérique, a-t-elle assuré, appelant également à privilégier la transition verte et à impliquer non seulement le secteur privé mais aussi les communautés locales. Il a fallu plus d’un demi-siècle pour créer un nouveau monde fondé sur l’État providence, a-t-elle fait valoir. « Par conséquent, reconstruire en mieux prendra du temps mais le retour sur investissement sera considérable .»
Au nom d’un groupe de pays appuyant la situation des pays à revenu intermédiaire, Mme MARTA LUCIA RAMIREZ, Vice-Présidente et Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a mis l’accent sur les défis colossaux auxquels sont confrontés les pays appartenant à cette catégorie, de l’insécurité alimentaire à la dépendance économique en passant par les retombées de la pandémie, des tensions internationales et des changements climatiques, sans oublier la dette extérieure. Autant de défis qui entravent l’avancée des ODD et nécessitent le recours à un indice multidimensionnel de vulnérabilité pour décider plus équitablement de l’octroi de fonds aux pays à revenu intermédiaire. Selon elle, la plupart des pays qui ont quitté la catégorie des pays moins avancé (PMA) restent aux prises avec des vulnérabilités structurelles. Elle a donc souhaité que la cartographie promise par l’ONU sur l’aide fournie à ces pays permettre d’élaborer une riposte sur le long terme et aide à répondre à leurs besoins spécifiques. « Le Programme 2030 ne pourra être réalisé si les pays à revenu intermédiaire sont oubliés », a-t-elle affirmé.
Sur un plan plus national, Mme LI ANDERSSON, Ministre de l’éducation de la Finlande, a indiqué que son pays accroît ses efforts dans trois domaines liés aux ODD: les investissements dans l’éducation, l’appui au potentiel de l’innovation et la coopération au développement, notamment avec des partenaires africains. De son côté, M. ANAR KARIMOV, Vice-Ministre du travail et de la protection sociale de l’Azerbaïdjan, a vanté les solutions trouvées par son gouvernement pour atténuer les effets de la pandémie, fournir une protection sociale, notamment aux groupes vulnérables et aux chômeurs, protéger l’emploi et les PME, construire des hôpitaux en zones rurales et faire bénéficier de cours en ligne à 1,5 million d’élèves. Un ensemble de programmes qui ont représenté 6% du PIB national, a-t-il précisé, avant de noter que cette crise a aussi été l’occasion de développer les services sociaux et de paiements numériques dans tout le pays.
Avertissant que les ODD semblent de plus en plus hors de portée pour des pays comme le sien, M. GEORGE GYAN-BAFFOUR, Président de la Commission gouvernementale de planification et Conseiller politique principal auprès du Ministre des finances du Ghana, a souhaité que la communauté internationale se montre plus proactive et agisse plus rapidement pour répondre aux catastrophes humanitaires provoquées par la pandémie et les tensions géopolitiques. Il a ainsi estimé qu’un plan de 1,5 milliard de dollars aiderait l’Afrique à faire face aux perturbations des chaînes d’approvisionnement. Sur une note plus personnelle, M. J. JAIME MIRANDA, Coprésident du groupe indépendant de scientifiques pour le rapport mondial sur le développement durable 2023 et professeur à la faculté de médecine de l’Universidad Peruana Cayetano Heredia, au Pérou, a confié avoir perdu de nombreux membres de sa famille au cours de cette flambée pandémique, déclarant ressentir douleur et fatigue. Cette souffrance collective renforce la résilience et nous conduit à aller de l’avant, a-t-il professé, avant de former le vœu que le monde saura se reconstruire en mieux, pour le bien des générations à venir.
Après avoir alerté sur les pressions inflationnistes que doit gérer son gouvernement pour tenter de se relever et progresser dans la réalisation des ODD Mme HALA EL-SAID, Ministre de la planification et du développement économique de l’Égypte, a insisté sur la nécessité de construire des économies plus résilientes, capable de résister aux chocs, à commencer par celui des changements climatiques. À la veille de la COP27 à Charm el-Cheikh, elle a souhaité que ceux qui peuvent faire davantage en termes de capacités et d’engagements proposent des actions climatiques audacieuses. Pour Mme VERA KATALINIC JANKOVIC, Conseillère spéciale du Ministre de la santé de la Croatie pour les questions de santé publique, la pandémie oblige à réviser l’approche de santé publique en attirant l’attention sur les interactions entre les humains et les animaux, à l’origine de zoonoses comme la COVID-19. Cela nécessite de mettre en œuvre une coopération interdisciplinaire pour faire face à ces menaces et de construire des stratégies inspirées de l’approche « One Health », qui est déjà une réalité en Croatie.
Au nom de la société civile, Mme LYNROSE JANE D. GENON, membre du Conseil exécutif de Young Women + Leaders for Peace, aux Philippines, a rappelé l’importance de l’inclusion dans tous les ODD. Or, la pandémie s’est traduite dans son pays par l’exclusion des groupes marginalisés et des jeunes, avec à la clef des mariages précoces chez les filles et de nombreux enfants en décrochage scolaire. Même son de cloche de la part de Mme GABRIELA ZAVALETA VERA, Coordinatrice du plaidoyer politique pour l’ONG Mas Igualdad-Pérou, selon laquelle les communautés marginalisées ont été particulièrement touchées en raison des défaillances des infrastructures et des institutions. De nombreux LGBTI ont ainsi perdu leur emploi et sombré dans la pauvreté, ce qui les a rendus plus vulnérables à la violence. De fait, des partenariats forts avec la société civile sont essentiels si l’on veut que les plus fragiles soient pris en compte dans les plans de relance, a-t-elle affirmé.
M. AMBUJ SAGAR, membre du groupe indépendant de scientifiques pour le rapport mondial sur le développement durable 2023 et Directeur de l’École de politique publique de l’Institut indien de technologie, a estimé que les sciences, les technologies et l’innovation ont un rôle crucial à jouer dans la réalisation des ODD, à condition toutefois que leur utilisation soit systémique. Pour cela, il est indispensable d’investir dans la formation, d’adapter les solutions aux contextes locaux et de favoriser la coopération pour que les fruits du progrès bénéficient à tous. Un avis partagé par M. SETH BERKLEY, Président-Directeur général de GAVI Alliance, qui a appelé à la création de coalitions et de partenariats avec la société civile pour promouvoir les ODD et progresser sur des questions essentielles comme la vaccination contre la COVID-19 et contre les maladies routinières.
Dialogue interactif
Au cours du dialogue qui a suivi ces présentations, l’Union européenne a insisté sur la pertinence et l’universalité des ODD, qui avaient « anticipé » les leçons à tirer d’un choc comme la pandémie et demeurent le chemin à suivre pour se relever en mieux. La France a toutefois jugé que, par sa décision de « ramener la guerre en Europe », la Russie porte une grande responsabilité dans les difficultés que connaissent les pays, collectivement, pour réaliser le Programme 2030. « Il ne peut y avoir de développement durable sans paix et de paix sans développement durable », a-t-elle souligné, rejointe par la Pologne, pour qui l’invasion russe de l’Ukraine « assombrit l’avenir ».
Le Programme 2030 est le pilier de l’action future mais il convient aussi de reconnaître que la conjoncture actuelle au niveau international rend difficile l’atteinte des ODD, a fait valoir l’Algérie, avant d’appeler à davantage de coopération, en particulier dans la distribution de vaccins contre la COVID-19, une position proche de celle de la Chine, tandis que Cuba dénonçait l’unilatéralisme, le protectionnisme et les mesures coercitives comme autant de mesures entravant les capacités des pays pauvres à s’attaquer aux causes profondes du sous-développement.
De l’avis du Népal, la communauté internationale a preuve d’une certaine volonté de coopérer, par le truchement du Mécanisme COVAX ou encore de l’Initiative de suspension du service de la dette, mais ces efforts restent insuffisants. Il faudra plus de partenariats à tous les niveaux pour accélérer la réalisation des ODD, a-t-il tranché.
Cela vaut aussi pour l’action climatique, a renchéri le Bangladesh, selon lequel les donateurs et le secteur privé doivent appuyer les efforts nationaux en apportant un soutien technologique et financier.
Enfin, la Roumanie a mis en avant ses efforts en matière d’enseignement pour les plus vulnérables, une action qui a notamment permis d’identifier pendant la pandémie les élèves qui ne pouvaient accéder aux formations en ligne pour des raisons financières ou sociales.
Plusieurs autres délégations, en particulier le Danemark et Antigua-et-Barbuda, ont aussi pris part à ce dialogue mais un problème technique a rendu inaudible leur intervention.
Table ronde 1
Animé par M. HOMI KHARAS, Chercheur en économie mondiale et développement auprès du Centre pour le développement durable de l’Institut Brookings, cette table ronde consacrée aux moyens de « financer une riposte robuste à la crise et investir dans les ODD », a été l’occasion d’entendre de nombreuses suggestions pour augmenter les financements internationaux, dont les investissements privés et les mobilisations au niveau national.
« Nous avons besoin d’une aide publique dix fois supérieure à ce que nous avons connu jusqu’à présent pour surmonter la crise de la pandémie » a prévenu M. JEFFREY SACHS, Directeur du Centre du développement durable de Colombia University, en appelant les banques de développement à faire des interventions à la hauteur des enjeux. Dans une déclaration liminaire, l’économiste américain a appelé à débloquer des centaines de milliards de dollars par an pour aider les pays en développement et à revenus intermédiaires à réaliser les ODD. Alors que l’économie mondiale est confrontée à de multiples crises interdépendantes –dont la pandémie prolongée de COVID-19, la crise climatique croissante et les retombées de la guerre en Ukraine- qui mettent en péril la réalisation des ODD, M. Sachs a aussi jugé urgent de pousser les parties à négocier en Ukraine de manière à ce qu’il n’y ait ni gagnant, ni perdant, afin d’éviter une crise internationale de grande ampleur.
Par ailleurs, M. Sachs s’est inquiété que le monde connaisse les plus hauts niveaux d’inflation depuis 40 ans alors que la situation de la dette ne fait qu’empirer, la situation des marchés ne fait que s’aggraver et les emprunts se font de plus en plus onéreux pour les pays n’ayant pas de bonne note de solvabilité. Il a également appelé à préparer l’avenir en finançant la scolarisation de centaines de millions d’enfants qui ne peuvent aller à l’école car ils vivent dans des pays qui ne peuvent pas payer les enseignants ou construire des écoles.
Insistant elle aussi sur la nécessité de trouver de nouvelles sources de financement, Mme VERA SONGWE, Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, a estimé que de nouveaux droits de tirage spéciaux permettront de répondre aux besoins de tous, pas seulement des pays en développement. Sur le même ton, M. RÉMY RIOUX, Directeur de l’Agence française de développement, a mis l’accent sur l’émission d’obligations consacrées aux ODD. Tout en se félicitant d’un flux d’aide publique au développement (APD) record en 2021 avec 177 milliards de dollars, mais aussi de 1 580 milliards d’investissement étranger, et 605 milliards d’envois de fonds, Mme YONGYI MIN, de la Division des statistiques du Département des affaires économiques et sociales (DESA), s’est inquiétée du fait que l’augmentation de la dette des pays africains subsahariens menace leur relèvement postpandémie.
À cet égard, M. LINO BRIGULGIO, Professeur à l’Institut de Malte pour les petits États et États insulaires, a appelé à financer les institutions et capacités statistiques des petits États en prévenant qu’aucun d’entre eux ne pourra survivre sans une aide internationale. Si M. Sachs a appelé à débloquer des centaines de milliards de dollars pour aider les pays en développement à réaliser les ODD, Mme LEILA FOURIE, Présidente de la Bourse de Johannesburg et Coprésidente de la Global Investors for Sustainable Development Alliance, a dit la nécessité de disposer de meilleures informations sur les bons instruments à financer en matière de développement durable.
« Une crise colossale de la dette pointe son nez dans l’hémisphère sud et menace 60% des pays » a prévenu M. ULRICH VOLZ, Professeur en économie et Directeur du Centre pour les finances durables de l’Université de Londres, appelant à un nouveau cadre de gestion de la dette. S’inquiétant des mouvements de capitaux des pays en développement vers les pays développés, il a notamment attiré l’attention sur le rôle important que jouent les banques multilatérales de développement pour mobiliser des capitaux.
S’agissant de la mobilisation de fonds publics par le biais de la fiscalité, Mme PAOLA SIMONETTI, Directrice du Département de l’Égalité de la Confédération syndicale internationale, a appelé à une meilleure coordination internationale des systèmes d’imposition et à la création d’un fonds d’investissement dans la protection sociale. De son côté, Mme CHENAI MUKUMBA, représentante du Tax Justice Network Africa (MGoS), a appelé à l’adoption d’une convention des Nations Unies sur la fiscalité afin d’harmoniser les accords fiscaux plus favorables aux pays en développement. Si l’Union européenne a jugé indispensable une réforme fiscale de nature à optimiser la mobilisation des ressources nationales, le Mexique a souhaité que les pays à revenus intermédiaires ne soient pas lésés par une telle démarche.
Enfin, Mme MATILDA ERNKRANS, Ministre de la coopération aux fins du développement international de la Suède, a jugé urgent de mobiliser les gouvernements et citoyens du monde sur la triple menace qui pèse actuellement sur la planète: les changements climatiques, la pollution de l’air et la disparition de la biodiversité.
Table ronde 2
Cette table ronde, intitulée « Mobiliser et partager la science, la technologie et l’innovation pour une reprise axée sur les ODD », a été l’occasion pour les participants de discuter des principaux défis et opportunités pour mobiliser la politique de la science, de la technologie et de l’innovation (STI) et renforcer l’interface science-politique-société.
Dans un premier temps, M. KENNEDY GASTORN (République-Unie de Tanzanie), Coprésident du Forum africain sur la science, la technologie et l’innovation 2022, a présenté les recommandations du Forum STI de cette année appelant notamment à démonétiser les connaissances et renforcer la capacité de production de médicaments, de vaccins et de traitements. Il a aussi souligné l’importance d’une planification à long terme étayée par des données et exhorté à des transformations qui soutiennent des sociétés résilientes et inclusives et qui favorisent des solutions ancrées dans l’innovation.
Une plus grande solidarité et la coopération internationale sont nécessaires pour surmonter la fracture numérique et renforcer l’alphabétisation numérique, a-t-il estimé, tout en appelant à renforcer les partenariats et réfléchir à des solutions et des mécanismes qui approfondissent notre relation à la technologie.
Pour M. MARIO CIMOLI, Secrétaire exécutif par intérim de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), les STI doivent aller de pair avec les accords commerciaux et les accords d’investissement entre les pays en développement et les pays développés qui incluent des plans d’application, des transferts de technologies et les droits de propriété intellectuelle. Les déclarations de bonne volonté ne sont plus suffisantes, a-t-il estimé.
Mme QUARRAISHA ABDOOL KARIM, Directrice scientifique associée du Centre de recherche sur le sida, Afrique du Sud, et Ambassadrice spéciale pour les adolescents d’ONUSIDA, a déclaré que les résultats scientifiques n’ont de sens que si tout le monde n’y a pas accès, en particulier durant une pandémie. Pour remédier à l’accaparement des vaccins par certains pays, elle a suggéré une meilleure communication sur la disponibilité des vaccins. S’agissant de la fracture numérique, elle a demandé un financement public pour combler le retard des pays en développement.
M. LAWRENCE BANKS, Directeur général de l’International Centre for Genetic Engineering and Biotechnology (ICGEB), a déclaré que pour réaliser les ODD, il faut recourir à la biotechnologie afin d’améliorer la santé et la nutrition et rendre les populations plus résilientes. Il a aussi plaidé pour une aide à l’industrie locale dans le cadre de partenariat international, tandis que M. JIAHUA PAN, Directeur de l’Institute of Eco-civilization Studies de la Chine, a mis l’accent sur l’importance de l’efficacité énergétique pour une réponse robuste à la pandémie et pour le relèvement.
Soulignant l’importance de l’autonomie des individus et de la connectivité, M. CHRIS SHARROCK, Directeur du Bureau des Nations Unies de Microsoft, a appelé à mobiliser des ressources pour l’éducation numérique des enfants. Il n’y a pas de modèle unique mais il faut travailler avec des partenaires et élargir les efforts avec toutes les parties prenantes, a-t-il estimé.
Mme VIOLET SHIVUTSE, Shibuye Community Health Workers and Huairou Commission, Kenya, a souligné l’importance des partages d’informations sur les changements climatiques dans les langues locales, notant en outre que les organisations de femmes doivent être reconnues comme des partenaires à part entière du développement et participer à la mise en œuvre. M. CORNEL FERUTA, Vice-Ministre des affaires étrangères de Roumanie, a insisté sur l’importance de la sécurité dénonçant la guerre de la Russie en Ukraine. La science a un rôle à jouer contre la désinformation. Il faut mettre à la disposition des citoyens les outils nécessaires pour faire face aux nouvelles crises à l’avenir y compris la cybersécurité, a demandé le responsable gouvernemental. Plaidant pour des STI abordables, M. JITENDR SINGH, Ministre de la science et de la technologie de l’Inde, a indiqué que son gouvernement défend l’égalité face aux vaccins, aux médicaments et aux traitements.
Au cours du débat interactif, la Jamaïque a indiqué que son plan de développement national s’appuie sur les STI afin de répondre aux besoins sociaux et de renforcer la sécurité alimentaire et la résilience climatique de la population. La représentante des peuples autochtones a souligné l’importance des connaissances autochtones dénonçant le comportement des industries extractives sur les terres autochtones. Le monde a besoin des STI pour lutter contre la COVID-19 et appuyer un développement vert, a estimé la Chine qui a appelé à mobiliser la coopération Sud-Sud à cette fin. L’Arménie a fait savoir que son gouvernement dispose d’une stratégie de numérisation pour la période 2022-2025 qui met les STI au service de l’administration, et de la lutte contre la violence sexiste. Les États-Unis ont estimé pour leur part qu’il faut utiliser les nouveaux moyens technologiques et scientifiques pour traiter la sécurité alimentaire et la résilience énergétique.
Table ronde 3
Sur le thème « Développement des capacités et partenariats pour tirer au mieux parti des avantages de la science, de la technologie et des connaissances pour le développement durable », la troizième table ronde du forum politique de haut niveau de l’ECOSOC a été l’occasion de faire le point sur l’ODD n°17, qui s’articule autour d’une coopération et de partenariats mondiaux, ainsi que sur le développement des capacités dans le domaine des statistiques et de la technologie, entre autres des domaines de collaboration.
Atteindre les ODD représente un effort colossal pour les pays ayant un accès réduit aux capitaux, a d’emblée souligné M. RAYMOND SANER, professeur titulaire au Département d’économie de l’Université de Bâle, en Suisse, et professeur sur les sciences de l’environnement à l’Université de Lunebourg, en Allemagne. Une étude réalisée par le FMI en 2019, soit bien avant la pandémie et le conflit ukrainien, fait ainsi apparaître que les PMA doivent consacrer entre 4% et 15% de leur PIB pour espérer y parvenir, a-t-il relevé, avant de s’interroger sur la connaissance qu’ont ces États des partenariats public-privé pour financer leurs infrastructures. En fait, bon nombre d’entre eux ne connaissent pas ou peu ces types de financements mixtes. Ils ignorent également que le concept des partenariats public-privé a évolué au fil du temps, a noté l’expert. Si les investisseurs veulent toujours « en avoir pour leur argent », ils doivent désormais le faire en fonction de la valeur apportée à la société et agir dans l’intérêt des générations à venir car ce sont elles qui devront rembourser.
À sa suite, Mme WEZZIE CHIMWALA, membre des services volontaires du Malawi, s’est dite consciente de l’écart énorme existant entre des pays comme le sien et d’autres plus développés en matière de santé ou d’éducation. Au Malawi, a-t-elle témoigné, 11% des enfants, issus le plus souvent de communautés marginalisées, n’ont accès à aucune éducation. Il faut donc renforcer de toute urgence l’inclusion du système éducatif, ce qui passe par des partenariats entre parents, enseignants et groupes locaux de différents districts. Des programmes basés sur la responsabilité commune ont ainsi été lancés pour permettre aux enseignants de recevoir les formations nécessaires et pour que les parents comprennent les enjeux de l’éducation pour leurs enfants. Des initiatives semblables ont été mises sur pied avec le Ministère de la santé afin de renforcer l’accès des jeunes aux services de soins, y compris aux services de santé sexuelle et reproductive. Ces expériences s’appuient sur une approche volontaire afin de contribuer aux ODD, a-t-elle expliqué, appelant de ses vœux un vaste plan d’action rassemblant les services gouvernementaux et la société civile pour soutenir les communautés et les jeunes.
Il y a différentes façons d’être partenaires et de contribuer aux ODD, a estimé M. PATRICK WOOD URIBE, Directeur général de la société Util, fournisseuse mondiale de données sur la durabilité. Dans le secteur privé, cette contribution prend la forme d’un accès aux marchés financiers pour assurer des financements, a-t-il indiqué, précisant que sa structure vient en aide aux investisseurs en leur fournissant des informations factuelles et indépendantes sur la base de modèles. « C’est là notre contribution au Programme 2030 », a expliqué l’entrepreneur, selon lequel il importe de soutenir ce travail et de promouvoir la collaboration avec le privé au service du développement durable.
De son côté, M. ALEXANDER BUCK, Directeur exécutif de l’Union internationale des instituts de recherches forestières, a évoqué un autre écosystème, celui des forêts, qui couvrent un tiers de la surface terrestre et sont dégradées alors qu’elles contribuent à l’atténuation des changements climatiques. Leur lien avec l’ODD n°17? Les forêts sont elles aussi transsectorielles et contribuent à tous les ODD, a fait valoir ce spécialiste, dont l’organisme réunit 15 organisations internationales œuvrant sur les questions forestières. Ces dernières années, a-t-il ajouté, nous avons examiné les corrélations entre les forêts et les ODD. Il ressort de cette étude que les forêts permettent de mieux comprendre les interdépendances entre les 17 ODD, a relevé le Directeur exécutif, souhaitant en conclusion que les promoteurs du développement durable fassent un meilleur usage de l’apport de la communauté scientifique.
Cette discussion avait pour modératrice Mme JAN BEAGLE, Directrice générale de l’Organisation internationale de droit du développement (IDLO).