9206e séance – matin     
CS/15127

Conseil de sécurité: les enquêteurs de l’ONU sur les crimes de Daech en Iraq font état de progrès dans le processus d’établissement des responsabilités

Le Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) à répondre de ses crimes (UNITAD), a informé ce matin le Conseil de sécurité de l’avancée des enquêtes que mène l’Équipe, par l’intermédiaire de ses propres groupes d’enquête à Bagdad, Dahouk et Erbil, sur les crimes internationaux commis contre les différentes communautés, en particulier chrétiennes et yézidies.

Présentant le neuvième rapport de l’UNITAD, dont le mandat a été prolongé jusqu’au 17 septembre 2023 par la résolution 2651 (2022), M. Christian Ritscher a mis l’accent sur la collecte d’éléments de preuve supplémentaires et sur sa collaboration avec les autorités iraquiennes, y compris les entités kurdes, et les autres États Membres qui participent aux enquêtes et aux poursuites engagées contre les membres de l’EIIL mêlés à des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide.

Le Conseiller spécial a expliqué que l’UNITAD a pu ainsi obtenir de nouveaux éclaircissements dans les investigations relatives aux crimes commis par l’EIIL contre la communauté chrétienne, et à la mise au point et à l’emploi d’armes chimiques et biologiques.

S’agissant des crimes contre la communauté chrétienne, s’est félicité M. Ritscher, l’Équipe a étoffé sa base d’éléments de preuve grâce notamment à la collecte et à l’examen d’éléments numériques et documentaires, ce qui a permis d’étayer plus solidement les constats préliminaires selon lesquels l’EIIL a commandité des actes constitutifs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre contre la communauté chrétienne d’Iraq (transferts forcés, persécutions, pillages, violences et esclavage sexuels, entre autres) et d’autres traitements inhumains tels que des conversions de force et la destruction délibérée de sites du patrimoine culturel et religieux. 

Le Conseiller spécial a en outre indiqué que les enquêtes supplémentaires sur la mise au point et l’emploi d’armes chimiques et biologiques, avaient également démontré que l’EIIL a fabriqué et produit des roquettes et mortiers chimiques, des munitions chimiques pour lance-roquettes, des têtes de missile chimiques et des dispositifs explosifs de circonstance.  L’EIIL a aussi procédé à la mise au point, à l’essai, à la militarisation et au déploiement d’un éventail d’agents chimiques, a-t-il affirmé.  Les enquêteurs ont œuvré à la détection d’armes chimiques et de vecteurs utilisés dans l’attaque perpétrée contre Taza Khormatu le 8 mars 2016, a précisé M. Ritscher. 

S’agissant de l’application du principe de responsabilité à l’échelle internationale, l’Équipe a répondu aux demandes d’assistance de 17 États.  Le Conseiller spécial a assuré qu’elle restait engagée dans les activités visant à l’amélioration de l’échange d’informations avec les autorités judiciaires iraquiennes, notamment sur le financement de l’EIIL.

L’Équipe, a résumé son chef, est maintenant passée à l’étape suivante du processus d’établissement des responsabilités des membres de l’EIIL ayant commis des crimes.  Elle va à présent s’attacher à la tenue de procès fondés sur des preuves et s’employer à amener l’EIIL à répondre de l’ensemble de ses actes.

« Les éléments de preuve sont là et il y a eu identification des responsables », s’est impatienté le représentant de l’Iraq, en se demandant pourquoi l’on ne passe pas d’ores et déjà aux procès.  Le défi à venir consiste à asseoir la justice et à communiquer, en temps voulu, tous les éléments de preuve en vue de leur utilisation devant les tribunaux iraquiens et afin de faciliter des procédures pénales indépendantes, a-t-il insisté, en évoquant la pression de l’opinion iraquienne à ce sujet.  Une position partagée par l’Inde ou encore le Kenya et le Gabon.

Les éléments de preuve doivent appuyer les poursuites lancées par les autorités iraquiennes, a abondé la Fédération de Russie, soulignant qu’il s’agit là d’un élément du mandat de l’UNITAD.  Son but est d’aider concrètement les autorités iraquiennes, a renchéri la Chine, estimant que « l’Équipe n’a pas vocation à devenir permanente ».

Le travail de l’UNITAD est en train de porter ses fruits, ont estimé les États-Unis, en encourageant le nouveau Gouvernement iraquien à approfondir sa coopération avec cette dernière.  La prise en compte de la situation des victimes de Daech doit rester notre principale préoccupation, a pour sa part déclaré la France. 

Dans le même esprit, le Royaume-Uni a indiqué que les connaissances et l’expérience de tous les groupes concernés par les crimes de Daech restent essentielles pour établir les responsabilités.  La Norvège et l’Irlande ont salué les progrès réalisés dans l’enquête thématique en cours sur les crimes sexuels et fondés sur le genre, ainsi que sur les crimes contre des enfants.  Enfin, les Émirats arabes unis ont mis l’accent sur l’importance de rendre justice aux familles et de leur permettre de faire leur deuil.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES (S/2022/836)

Déclarations

M. CHRISTIAN RITSCHER, Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), a présenté le neuvième rapport de l’Équipe, conformément à la résolution 2651 (2022) du Conseil de sécurité.  Il a informé sur l’avancée des enquêtes que mène l’Équipe, par l’intermédiaire de ses propres groupes d’enquête à Bagdad, Dahouk et Erbil, sur les crimes internationaux commis par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) contre les différentes communautés.

L’Équipe a travaillé en collaboration avec les autorités iraquiennes, y compris les entités kurdes, a indiqué le Conseiller spécial, soulignant en particulier la coopération fructueuse avec le système judiciaire iraquien, conformément aux termes de référence.  Ce faisant, l’Équipe est passée du stade d’enquête à celui de la formulation de stratégies dynamiques spécifiques aux cas à l’étude. 

Au titre des progrès enregistrés, M. Ritscher a fait valoir l’achèvement de l’évaluation des crimes commis contre la communauté chrétienne en Iraq.  Les éléments de preuves ont en effet permis d’établir plus solidement les constats préliminaires selon lesquels l’EIIL a commandité des actes constitutifs de crimes contre l’humanité: saisies de biens, pillages et destructions d’églises, violences et esclavage sexuels, et autres traitements inhumains tels que des conversions de force et la destruction délibérée de sites du patrimoine culturel et religieux protégés par le droit international humanitaire. 

Au sujet de la mise au point et l’emploi d’armes chimiques et biologiques, M. Ritscher a déclaré que les enquêtes supplémentaires ont démontré que l’EIIL a fabriqué et produit des roquettes et mortiers chimiques, des munitions chimiques pour lance-roquettes, des têtes de missile chimiques et des dispositifs explosifs de circonstance.  En outre, le programme de l’EIIL comprenait la mise au point, la mise à l’essai, la militarisation et le déploiement d’un éventail d’agents chimiques, ce qui avait été, d’ores et déjà, décrit dans son précédent rapport.  D’autre part, l’UNITAD a rencontré les communautés affectées et les autorités iraquiennes sur les sites de plusieurs incidents.  Concernant, plus particulièrement, l’attaque perpétrée contre Taza Khormatu le 8 mars 2016, elle s’est attachée à détecter les armes chimiques potentiellement fabriquées par l’EIIL et les vecteurs utilisés dans l’attaque.  L’Équipe a identifié, dans sa collection, une importante quantité d’éléments de preuve prélevés sur le champ de bataille.

Le Chef de l’UNITAD s’est ensuite félicité de l’enquête menée sur les destructions du patrimoine culturel en Iraq, une première selon lui en matière d’enquêtes sur des crimes internationaux.  Les éléments de preuves recueillis ont montré que les sites culturels et religieux ont été soit intentionnellement détruits, soit saisis et occupés, souvent à des fins militaires.  Il a expliqué que les motifs et les méthodes adoptés par leurs auteurs font encore l’objet d’un examen et d’une analyse, mais qu’il semblerait que des armes lourdes aient servi à détruire de nombreux sites.  Il a signalé que plusieurs responsables de l’EIIL avaient été identifiés, et qu’en collaboration avec l’UNESCO, l’enquête progresse, fournissant ainsi un panorama détaillé de cet aspect des crimes haineux de l’EIIL, qui « ciblent l’histoire et la culture de l’Iraq et de l’humanité tout entière ». 

M. Ritscher a également évoqué l’appui au renforcement des capacités des Iraquiens, notamment par une formation sur le droit humanitaire reposant sur le modèle du Tribunal de Nuremberg.  Un cours de formation pilote a aussi été dispensé à 11 juges dans le Kurdistan pour qu’ils soient à même d’enquêter et de juger les combattants de l’EIIL, conformément au droit international.  En coordination avec les partenaires iraquiens, l’UNITAD s’est mise d’accord avec l’Allemagne pour recueillir des échantillons afin d’analyser les restes des dépouilles retrouvées dans les charniers et ce, par des prélèvements d’ADN de yézidis établis en Allemagne.  Ce sont 5,5 millions de pages de preuves qui ont été numérisées et d’autres activités de numérisation sont en cours après la formation de dizaines de personnes à cet effet. 

L’UNITAD reste engagée dans les activités visant à l’amélioration de l’échange d’information, notamment avec les autorités judiciaires, en particulier sur les questions financières de l’EIIL, a poursuivi le Conseiller spécial.  Le mémorandum d’accord rédigé conjointement sera bientôt endossé par le Parlement iraquien, ce qui permettra des inscriptions sur les listes des sanctions, mais aussi de préparer des procès conformes au droit international pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.  Toutefois, a-t-il souligné, cela ne sera possible qu’après avoir répondu aux « exigences énormes » de collecte des éléments de preuves.  M. Ritscher a mis l’accent sur le renforcement des capacités juridiques iraquiennes.  En outre, 17 États Membres ont sollicité l’appui de l’UNITAD pour la poursuite des combattants de l’EIIL à l’international. 

De plus, a poursuivi le Conseiller spécial, l’Équipe s’emploie à collaborer avec plusieurs États pour que les auteurs des crimes contre les yézidis dans différents pays soient identifiés et rendent des comptes.  Le mois dernier, l’UNITAD a organisé en Égypte une réunion sur la coopération dans la recherche et les poursuites contre les combattants de l’EIIL à l’étranger.  Elle a continué, d’autre part, à apporter son concours aux fouilles des charniers constitutifs des scènes de crime de l’EIIL en Iraq, conformément à la feuille de route visant à traiter en priorité l’enquête sur les charniers en 2022, a encore expliqué M. Ritscher.

L’Équipe est arrivée à une phase particulièrement importante de ses travaux, et passera à l’étape supérieure, a-t-il annoncé, pour que les combattants rendent effectivement des comptes.  Elle aidera les autorités à enquêtes de façon plus concrète.  L’UNITAD, a conclu son Chef, demeure à la disposition de l’Iraq et de tous les autres pays dans ce dessein. 

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a estimé que le besoin de justice pour les crimes épouvantables commis par Daech n’a pas diminué quatre ans et demi après le début des travaux de l’Équipe d’enquêteurs.  Il existe, selon lui, deux domaines dans lesquels des progrès peuvent être faits au cours des mois à venir.  En premier lieu, il a cité la coopération entre le Gouvernement iraquien et l’Équipe, notamment en matière d’échange d’informations concernant les fouilles de plusieurs charniers et la collecte de preuves.  Et, en second, le représentant a insisté sur les mesures de sensibilisation auprès des communautés touchées en Iraq.  « Les connaissances et l’expérience de tous les groupes concernés restent essentielles pour établir les responsabilités.»  Il s’est en outre félicité de la collaboration entre l’Iraq, y compris le Gouvernement régional du Kurdistan, et l’Équipe d’enquêteurs, entre lesquels des niveaux de coordination étendus et profonds sont cruciaux pour le progrès.  Le représentant a redit le soutien de son gouvernement en ce qui concerne la responsabilité des atrocités commises par Daech, en Iraq et partout dans le monde.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a souligné la nécessité de rassembler les preuves de l’utilisation d’armes chimiques par Daech en Iraq.  Il a estimé que l’établissement des responsabilités est un processus lent, avant de demander un renforcement de la coopération entre l’UNITAD et les autorités iraquiennes.  Il s’est inquiété de l’expansion de Daech en Afrique et a souhaité un renforcement des capacités pour la contrer.  Le représentant albanais a ensuite demandé l’organisation de procès équitables afin que les auteurs des crimes commis en Iraq rendent des comptes.  Tous les auteurs de crimes dans le monde seront un jour amenés à rendre des comptes, a affirmé le délégué.  Enfin, le délégué a salué la formation d’un nouveau gouvernement en Iraq en espérant que ce dernier soit attaché à la recherche de la justice.

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a salué les progrès significatifs réalisés grâce à l’action de l’UNITAD sur le terrain, estimant cruciales ses réalisations en matière de numérisation des éléments de preuve pour éviter la perte ou la dégradation de preuves.  « La prise en compte de la situation des victimes de Daech doit rester notre principale préoccupation. »  La représentante a préconisé une approche centrée sur les victimes, ainsi que la prise en compte des questions liées au genre.  Saluant l’engagement continu des enquêteurs auprès de la société civile iraquienne, elle a souligné que la lutte contre l’impunité des crimes commis par Daech nécessite une coopération effective entre l’UNITAD et le Gouvernement iraquien.  Celle-ci s’opère notamment au travers de la formation des juges d’instruction iraquiens au droit pénal international, à l’élaboration de dossiers d’accusation et de poursuites contre des membres de Daech pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.  Par ailleurs, la représentante a appelé tous les États intéressés à soutenir le travail de l’UNITAD à travers une coopération accrue.  Elle a rappelé la position constante des Nations Unies de non-transmission d’éléments dans le cadre de procédures judiciaires impliquant la possibilité de condamnation à mort, où que ce soit.  Enfin, elle a mis en garde contre la menace représentée par Daech qui n’a pas disparu, appelant ainsi le Conseil de sécurité à rester mobilisé, y compris en soutenant l’action de l’UNITAD. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a rendu hommage aux travaux de l’UNITAD qui ont débouché sur l’achèvement de cinq rapports d’analyse.  Il a formé l’espoir que ces efforts étaieront ceux des autorités de l’Iraq, État souverain et premier responsable des enquêtes sur les crimes commis sur son territoire, conformément aux résolutions 2379 (2017) et 2651 (2022) du Conseil de sécurité qui énoncent, entre autres, la nécessité de partage des informations.  Il a prié l’Équipe de tenir les États informés des informations recueillies.  Dans le cadre du mandat de l’UNITAD, les membres de l’Équipe et les autorités iraquiennes doivent poursuivre leur coopération, a-t-il insisté.  Le représentant a ensuite rappelé que de nombreuses familles attendent l’exhumation des dépouilles de leurs proches à Sinjar et dans d’autres sites.  Mettant l’accent sur l’importance de rendre justice aux familles et de leur permettre de faire leur deuil, il a salué les efforts de l’Équipe visant à jeter la lumière sur les circonstances des crimes commis.  Il a également jugé fondamental de reconstruite les sites du patrimoine religieux et culturels détruits.  Enfin, après avoir appelé à la promotion de la reddition de comptes, y compris pour les crimes contre les enfants et à caractère sexuel, le délégué a souhaité que soient clarifiées les sources de financement de Daech, et notamment l’utilisation des ressources pétrolières par cette organisation.

M. LIANG HENGZHU (Chine) a dit que l’établissement des responsabilités est un élément majeur de la lutte antiterroriste, avant de saluer les progrès enregistrés par l’UNITAD à cette fin.  Le but de l’UNITAD est d’aider concrètement les autorités iraquiennes, a dit le délégué, en demandant le partage des éléments de preuve avec ces dernières.  Il a prié l’UNITAD de respecter le principe de transparence, en rappelant que ses efforts doivent recevoir l’assentiment des autorités iraquiennes.  « L’Équipe n’a pas vocation à devenir permanente », a déclaré le délégué.  Il a également demandé le rapatriement des combattantes terroristes étrangers.  Il faut éviter la politisation des efforts antiterroristes et éviter le deux poids, deux mesures dans ce domaine, a-t-il conclu.

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a rappelé que rechercher la justice et demander réparation pour les victimes des crimes internationaux odieux commis par Daech est un devoir collectif pour la justice internationale et l’humanité.  Ne pas réussir à établir une responsabilité de fond pour les atrocités commises par Daech ne ferait que saper la lutte mondiale contre le terrorisme, ainsi que les aspirations des victimes et des survivants à la justice, a poursuivi la représentante.  En ce sens, le Ghana est encouragé par les importants progrès de l’Équipe, qui transfère des éléments de preuves aux autorités iraquiennes, pour que les auteurs de crimes de Daech puissent être traduits en justice. 

Mme Oppong-Ntiri a salué la première évaluation de cas portant sur les crimes commis par Daech contre la communauté chrétienne en Iraq, ainsi que le travail plus fouillé sur la mise au point et l’utilisation d’armes chimiques et biologiques.  Elle a dit attendre avec intérêt l’évaluation de cas sur la destruction de l’héritage culturel par Daech en Iraq, ainsi que sur les crimes contre d’autres communautés à Sinjar.  Elle a également salué la coopération de l’UNITAD avec les autorités iraquiennes, notamment en ce qui concerne le renforcement des capacités destinées à l’appareil judiciaire, ainsi qu’avec d’autres États Membres.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) s’est félicitée de l’avancement des travaux de l’UNITAD, en particulier ceux visant à permettre la poursuite d’auteurs de crimes individuels.  Voyant dans ce processus une étape cruciale vers la responsabilisation, elle a aussi salué les progrès signalés dans d‘autres enquêtes, notamment sur les crimes de Daech contre la population chrétienne d’Iraq.  À cet égard, la représentante a relevé que les éléments de preuve recueillis renforcent les conclusions préliminaires selon lesquelles Daech a commis des actes constituant des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre contre ce groupe minoritaire.  Il ne doit pas y avoir d’impunité pour de tels actes, a-t-elle souligné, avant d’applaudir les progrès réalisés dans l’enquête thématique en cours de l’Équipe sur les crimes sexuels et fondés sur le genre, ainsi que sur les crimes contre des enfants.  Tout en félicitant l’Iraq pour sa coopération étroite avec l’UNITAD, la déléguée a regretté que la législation iraquienne destinée à établir une base juridique pour poursuivre les atrocités commises par Daech en tant que crimes internationaux soit toujours en suspens.  Elle a aussi déploré que le Gouvernement iraquien n’ait pas adopté de moratoire sur le recours à la peine capitale.  Une telle mesure permettrait à l’UNITAD de partager les preuves recueillies avec les autorités iraquiennes, a-t-elle fait valoir, demandant instamment que de nouveaux progrès soient réalisés dans ce domaine. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a salué l’accent mis notamment sur la destruction du patrimoine culturel et religieux commise par Daech en Iraq.  Il a rappelé que Daech disposait d’un programme d’armes chimiques complet et qu’il y a eu plusieurs cas d’utilisation d’armes chimiques en Iraq.  Daech a aussi usé d’armes chimiques en Syrie, a-t-il dit.  Le délégué a rappelé que les éléments de preuve doivent appuyer les poursuites lancées par les autorités iraquiennes.  « Il s’agit là d’un élément du mandat de l’UNITAD ».  Ces autorités doivent être les premières destinataires des éléments de preuve, a insisté le délégué, en demandant que tous les éléments existants leur soient communiqués.

Mme ANNETTE ANDRÉE ONANGA (Gabon) s’est félicitée des progrès notoires réalisés dans le cadre des enquêtes approfondies et du renforcement des capacités judiciaires des juridictions locales, y compris celles des entités kurdes.  Elle a également noté avec satisfaction l’esprit de coopération mutuelle et d’assistance entre l’UNITAD et les États Membres concernés par ces procédures d’enquête.  L’accent particulier accordé par l’Équipe sur le terrain au renforcement de la coopération concernant les crimes commis par Daech contre les communautés chrétiennes et ceux relatifs à l’utilisation présumée d’armes chimiques et biologiques sur les populations de Taza Khurmatu est une avancée considérable, a ajouté Mme Onanga.

La représentante a salué le judicieux recours aux technologies de pointe par l’Équipe, en particulier pour accélérer la numérisation des documents destinés à asseoir les preuves ainsi que le lancement du projet ZETEO en vue de faciliter la visualisation des analyses et éléments de preuve.  La poursuite du dialogue dans ce contexte étant fondamentale, le Gabon a émis le vœu que le nouveau Gouvernement de Bagdad s’engage dans l’indispensable coopération en vue de finaliser les enquêtes et le mémorandum d’accord, ce qui devrait permettre de déterminer les secteurs dans lesquels le renforcement des capacités de l’appareil judiciaire iraquien est nécessaire.  Par ailleurs, l’implication de la société civile est indispensable, en particulier pour l’assistance aux victimes de violences sexuelles, ainsi qu’aux enfants ayant subi des maltraitances lorsqu’ils ont été enrôlés comme enfants soldats.  En conclusion, Mme Onanga a voulu souligner l’impérieux besoin de créer les conditions d’une justice réparatrice pour le peuple iraquien, en particulier les communautés yézidies, dans le cadre des crimes de guerre et de génocide et des crimes contre l’humanité commis par Daech.

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a salué l’intention de l’Équipe de progresser dans la phase des procès et sa volonté de privilégier le renforcement des capacités de l’Iraq.  Parallèlement, il a réitéré son appel aux autorités iraquiennes pour qu’elles modifient la législation nationale afin d’être pleinement en mesure de juger les individus pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, dans le respect du principe d’un procès équitable.  Le représentant a également appuyé la visibilité des résultats des travaux de l’UNITAD sur le plan international, de façon à ce que les éléments de preuve et les enquêtes puissent stimuler la tenue de procès, y compris dans les systèmes nationaux d’autres pays à travers l’exercice de la juridiction universelle.  Le délégué a également salué les progrès réalisés dans les exhumations des dépouilles de victimes de Daech, en particulier la fin des travaux dans cinq charniers en juin et juillet derniers.

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a souligné l’acuité de la menace posée par Daech en Iraq et dans le monde.  Le travail de l’UNITAD est en train de porter ses fruits, a-t-il estimé, en encourageant le nouveau Gouvernement iraquien à approfondir sa coopération avec cette dernière.  Il a jugé crucial que les poursuites engagées contre des membres de Daech soient menées à terme.  Le délégué a insisté sur la gravité de la situation qui règne dans les camps de déplacés, avant d’exhorter tous les pays à rapatrier leurs ressortissants ayant commis des crimes et à les juger.  L’UNITAD est un organe d’enquête efficace, a conclu le délégué, en soulignant la nécessité de rendre justice aux victimes.

De l’avis de M. MARTIN GALLAGHER (Irlande), la première évaluation de cas axée sur les crimes commis contre la communauté chrétienne en Iraq marque une étape importante pour la lutte contre l’impunité dans le pays.  Les éléments de preuve recueillis jusqu’à présent renforcent les conclusions préliminaires de l’Équipe selon lesquelles Daech a commandité des actes constituant des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre contre la communauté chrétienne, notamment des violences sexuelles et de l’esclavage.  L’Irlande se félicite également de la première analyse de l’Équipe sur les horribles crimes commis par Daech contre la communauté LGBTQI+ ainsi que de l’attention qu’elle porte aux enquêtes sur les violences sexuelles, en coopérant avec les victimes, les survivants et la société civile.

Cela étant, la tenue de procès fondés sur des preuves nécessite l’adoption d’une législation nationale qui permette de poursuivre les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide dans le pays, a fait observer M. Gallagher, regrettant le retard pris dans la promulgation de cette législation et appelant les autorités iraquiennes à accorder la priorité à cette question, avec le soutien de l’UNITAD.  À cet égard, l’Irlande réaffirme sa position ferme selon laquelle une telle législation doit exclure l’application de la peine de mort.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a salué la coopération constructive entre l’UNITAD et les autorités iraquiennes, avant de souligner l’importance de respecter la souveraineté du pays hôte.  Les éléments de preuve collectés doivent être partagés avec les autorités locales compétentes, a-t-il fait valoir.  Il a également rappelé que l’UNITAD a été créée avant tout pour épauler l’Iraq dans le jugement des crimes commis par Daech et que la résolution 2379 (2017) avait été adoptée en vertu du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies.  Dans ce contexte, le représentant a déploré que les travaux de l’Équipe n’aient pas abouti à des résultats concrets, notamment en ce qui concerne les poursuites engagées par les autorités iraquiennes.  À ce propos, il a relevé que le partage des éléments de preuve collectés en Iraq avec des pays tiers ne doit pas l’emporter sur le rôle de l’UNITAD, qui est d’appuyer l’établissement des responsabilités en Iraq.  Il a aussi rappelé qu’un tel partage requiert l’assentiment des autorités iraquiennes.  Enfin, le délégué a souhaité une augmentation de la proportion de ressortissants iraquiens au sein du personnel de l’UNITAD.

M. GIDEON KINUTHIA NDUNG’U (Kenya) a rappelé que l’exécution efficace du mandat principal de l’UNITAD ne peut être pleinement réalisée sans la coopération du Gouvernement iraquien, saluant la collaboration avec les autorités iraquiennes à cet égard.  Prenant note des préoccupations de l’UNITAD concernant le partage de preuves avec le Gouvernement, le représentant a salué la gamme d’initiatives conçues pour faciliter le partage d’information, y compris les négociations d’un protocole d’accord, et la fourniture d’informations à un groupe restreint de juges d’instruction. 

Néanmoins, une telle pratique limite la portée du partenariat avec le Gouvernement iraquien, et sa capacité à poursuivre la justice et la responsabilité pour les crimes commis sur son territoire, a-t-il estimé.  C’est la responsabilité souveraine et première du Gouvernement iraquien de déterminer comment utiliser les preuves pour poursuivre les auteurs de ces crimes abjects, a-t-il en également affirmé.  Le délégué a donc exhorté l’UNITAD et la communauté internationale à soutenir les efforts visant à intégrer les crimes internationaux dans le système juridique iraquien, afin de fournir une base pour le partage rapide de toutes les preuves recueillies, et pour que le Gouvernement iraquien obtienne justice pour les familles des victimes sans plus attendre. 

Enfin, M. Ndung’u a demandé au Conseil de sécurité d’appliquer toutes les mesures antiterroristes de manière égale, sans aucune distinction fondée sur des considérations politiques, afin de promouvoir l’établissement des responsabilités pour les activités terroristes commises par Daech et d’autres groupes terroristes, y compris les autres combattants terroristes étrangers en Afrique et ailleurs.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a condamné les crimes odieux commis par Daech contre des civils iraquiens innocents et souligné la pertinence de l’UNITAD, notamment pour que des comptes soient rendus et que justice soit faite pour les rescapés.  Le travail de l’Équipe est important pour établir les responsabilités, a insisté la représentante.  L’Inde lui apporte un soutien financier afin qu’elle puisse renforcer ses activités et a contribué à l’élargissement de ses enquêtes sur la destruction de sites culturels et religieux de minorités en Iraq, a—t-elle indiqué.  Si la constitution de dossiers est une étape importante, il faut que les informations soient communiquées en temps voulu pour pouvoir être utilisées dans les procès en Iraq, a poursuivi Mme Kamboj, encourageant l’UNITAD à œuvrer à la réalisation de cet objectif en coopération avec le Gouvernement iraquien.  Quant au terrorisme, la déléguée a estimé que seule une approche unifiée de tolérance zéro peut permettre de le vaincre.  La crédibilité de la lutte contre le terrorisme ne peut être assurée que si les responsabilités sont établies, a-t-elle conclu. 

M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a rappelé la résolution 2651 (2022) qui a prorogé le mandat de l’UNITAD pour un an, jusqu’au 17 septembre 2023.  Il a souligné l’importance de juger les individus ayant commis des crimes contre toutes les communautés sur le territoire iraquien, ainsi que des crimes financiers et archéologiques.  Le représentant a mis en exergue la coopération de l’Équipe avec les autorités iraquiennes, les nouveaux axes d’enquête et les efforts déployés pour garantir l’application du principe de responsabilité partout dans le monde pour des crimes commis par le groupe terroriste EIIL.  Le défi à venir consiste à asseoir la justice et à communiquer, en temps voulu, tous les éléments de preuve en vue de leur utilisation devant les tribunaux iraquiens et afin de faciliter des procédures pénales indépendantes, a-t-il souligné.  Il a souhaité qu’il n’y ait pas de « fragmentation » de telles preuves.  Rappelant que le sixième rapport de l’UNITAD avait évoqué la possibilité de commencer des procès en 2021 ou au début de l’année 2022, le représentant a demandé des mesure rapides et efficaces à cet égard, renvoyant au paragraphe 4 du rapport à l’étude aujourd’hui qui indique que « l’Équipe a continué de s’employer à partager davantage d’informations avec l’Iraq conformément à son mandat ». 

Le représentant a mis en avant la pression de l’opinion iraquienne qui tient à prendre connaissance des éléments de preuves sur les crimes commis sur le territoire, et souligné que la question de la reddition de comptes est une priorité majeure pour l’Iraq.  « Les éléments de preuve sont là et il y a eu identification des responsables », a-t-il tranché, en se demandant pourquoi on ne passe pas d’ores et déjà aux procès.  Il a réitéré l’appel de son pays pour que soient communiqués les éléments de preuves, ainsi que l’engagement de l’Iraq à coopérer avec l’UNITAD, dans le plein respect de sa souveraineté.  Concernant le rapatriement des combattants étrangers, il a mis l’accent sur les efforts substantiels de son pays, et encouragé à davantage d’efforts de la part d’autres pays sur cette question.  Enfin, Il a réaffirmé la nécessité de faire comparaître des éléments de l’EILL devant les tribunaux nationaux. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.