République centrafricaine: au Conseil de sécurité, Mme Rugwabiza appelle à transcender le formalisme de l’accord politique en réalité perceptible
Venue présenter les derniers développements survenus, ces quatre derniers mois, en République centrafricaine, la Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), Mme Valentine Rugwabiza, a appelé à de l’action: nous n’avons plus d’autre alternative que de saisir l’opportunité naissante de transcender le formalisme politique pour en faire une réalité perceptible, qui mène à des résultats tangibles, a-t-elle dit.
Le « formalisme » auquel elle a fait référence est l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR) et « l’opportunité naissante » renvoie à l’adoption, le 29 août dernier, d’un calendrier d’activités prioritaires pour accélérer la mise en œuvre dudit Accord, à partir de la feuille de route conjointe pour la paix en République centrafricaine de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Conformément à ce calendrier, le Gouvernement s’est déjà entretenu avec les représentants des groupes armés attachés à l’Accord, en vue de leur dissolution complète, indique le rapport du Secrétaire général du 13 octobre.
Le processus politique pour la paix reste une priorité pour le Gouvernement, a confirmé la Ministre centrafricaine des affaires étrangères. Avec l’adoption du calendrier, les velléités de déstabilisation des groupes armés ont reculé, s’est-elle félicitée, pendant que la Représentante spéciale confirmait en effet le retour d’une accalmie dans plusieurs régions du pays, ce qui permet une liberté de circulation et le retour des déplacés et réfugiés dans les zones anciennement sous l’emprise des groupes armés. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est un « soutien concret » pour appuyer ce processus et permettre la tenue des élections municipales de 2023, a demandé Mme Sylvie Valérie Baipo-Temon.
L’ensemble des délégations se sont réjouies, avec ces deux intervenantes, de l’accélération « encourageante » dudit processus politique, en particulier son appropriation croissante par les autorités centrafricaines. Plusieurs ont toutefois énoncé des garde-fous à la réussite dudit processus: il ne pourra y avoir d’avancée sans le respect des droits humains et de la démocratie, dans un contexte où le pays est polarisé après le rejet du projet de révision de la Constitution et où les discours et incitations à la violence et à la haine sont en hausse, a dit la France, délégation porte-plume de la résolution sur la MINUSCA.
Les États-Unis, le Brésil et le Mexique, ainsi que le Rwanda invités à cette séance, ont convenu qu’une paix pérenne et un État stable ne sont possibles qu’à travers un dialogue inclusif, une participation de la population centrafricaine à la mise en œuvre de l’Accord de paix et le renforcement de l’état de droit. Les autorités centrafricaines ont donc été invitées à se conduire de manière responsable et à recueillir un consensus afin d’éviter les initiatives suscitant une polarisation politique, au risque d’aggraver l’instabilité.
Afin d’éviter cela, et compte tenu des « énormes progrès » réalisés par la République centrafricaine, et de la « volonté manifeste » de ses autorités de tenir un processus démocratique, la communauté internationale doit continuer d’être vigilante et d’appuyer les autorités, notamment dans le domaine du renforcement des capacités en matière de sécurité et dans la mise en œuvre du programme désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR). Il faut également accroître les investissements dans le secteur du développement, ont plaidé les A3 (Gabon, Ghana et Kenya), mais aussi l’Inde, la Chine et les Émirats arabes unis.
Le Conseil de sécurité doit, pour sa part, aller au-delà et prendre des mesures supplémentaires, en particulier la levée définitive de l’embargo sur les armes qui empiète sur la capacité du Gouvernement à assurer la sécurité sur son territoire: c’est ce que demande la République centrafricaine et que préconisent les représentants africains au Conseil de sécurité, l’Union africaine et la CIRGL, ont souligné la Chine et la Fédération de Russie.
En ce qui concerne la MINUSCA, la Représentante spéciale a fait valoir que son appui a été « décisif » sur le plan sécuritaire: elle a joué un rôle primordial pour protéger les populations civiles et pour faciliter la fourniture de l’aide humanitaire, notamment au nord-est. La Mission a aussi permis l’avancement du programme national de DDRR et coupé les routes d’approvisionnement des groupes armés, contribuant ainsi à l’accalmie constatée dans certaines parties du territoire.
Mais ce dont la Mission a besoin, aujourd’hui, c’est de la levée de l’interdiction des vols de nuit. Ces vols sont indispensables pour la sécurité et la sûreté des Casques bleus et pour la fourniture de l’aide humanitaire sur le terrain, a plaidé la Cheffe de la Mission. Pourtant, s’est défendue la Ministre des affaires étrangères centrafricaine, le Gouvernement n’impose aucune restriction de la sorte, mais il demande à être avisé au préalable afin de faire respecter sa souveraineté.
La présence en République centrafricaine des mercenaires du groupe Wagner a également été évoquée par plusieurs délégations dont la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Irlande ou encore la Norvège. Leur présence a contribué à insuffler une pratique généralisée de la violence avec la commission de crimes intolérables, ont accusé ces délégations. La Fédération de Russie a, de son côté, reconnu que les instructeurs militaires russes qui opèrent en République centrafricaine y ont été envoyés à la demande de Bangui, conformément aux normes du droit international et à la connaissance du Comité établi en vertu de la résolution 2127 (2013) pour faire un suivi des sanctions. Cette coopération apporte des résultats significatifs dans la formation des forces armées et dans la stabilisation de la situation, a affirmé la déléguée russe.
Les États-Unis ont insisté sur l’importance du maintien des mesures de sanction tant que les autorités n’auront pas réglé la question du trafic d’armes, tandis que le Royaume-Uni a encouragé le Gouvernement à s’attaquer d’urgence au problème des mines et des engins explosifs improvisés. Enfin, nombre d’intervenants ont rendu hommage aux trois Casques bleus bangladais tués, le 3 octobre, lors d’une attaque.
LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE S/2022/762
Déclarations
Mme VALENTINE RUGWABIZA, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a commencé par s’incliner devant la mémoire de tous les soldats de la paix qui ont sacrifié leur vie dans la mise en œuvre du mandat de la MINUSCA pour le retour de la paix et de la sécurité en République centrafricaine. Puis, elle a demandé au Gouvernement centrafricain de lever l’interdiction des vols de nuit, arguant que ces vols sont indispensables pour la sécurité et la sûreté des Casques bleus, des acteurs humanitaires, de tous les partenaires sur le terrain et des populations qui ont des besoins énormes sur le plan humanitaire. Cette interdiction prive en outre les pilotes du quota minimum d’heures requis pour la préservation de leur certificat, a-t-elle déploré, en signalant qu’ils l’ont en conséquence tous perdu.
Abordant les questions de fond, Mme Rugwabiza a expliqué que l’appui de la MINUSCA s’est avéré décisif sur le plan sécuritaire en République centrafricaine. La Mission a joué un rôle primordial pour protéger les populations civiles et pour faciliter la fourniture de l’aide humanitaire, notamment au Nord-Est. La Mission a également permis l’avancement du programme national de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR), permis le fonctionnement de l’administration territoriale et coupé les routes d’approvisionnement des groupes armés. Mais, a-t-elle poursuivi, il faudra plus que la posture robuste de la MINUSCA et la capacité sécuritaire du Gouvernement pour rétablir, de manière durable, la sécurité sur l’étendue du territoire centrafricain. Il faudra aussi créer les conditions nécessaires à une résolution politique de la crise centrafricaine et un renoncement par les groupes armés au recours à l’offensive armée et à la violence pour faire valoir leurs revendications.
À cet égard, la MINUSCA salue l’élaboration et le début de la mise en œuvre du chronogramme mutualisé de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine et de la feuille de route commune pour la paix en République centrafricaine de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), sous la coordination effective du Gouvernement centrafricain et des garants et facilitateurs de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, ainsi que de l’Angola et du Rwanda. À présent, a dit la Représentante spéciale, nous n’avons plus d’autres alternatives que de saisir l’opportunité naissante de transcender le formalisme pour en faire une réalité perceptible qui mène à des résultats tangibles.
Mme Rugwabiza a également déclaré que l’accalmie constatée dans certaines parties du territoire permet une liberté de circulation des populations et un retour accru des personnes déplacées et des réfugiés dans les zones récemment libérées de l’emprise des groupes armés. Cependant, les besoins humanitaires restent alarmants et appellent à la mobilisation continue des partenaires humanitaires, a-t-elle alerté, avant de demander aussi de consolider les gains sécuritaires et politiques par un engagement accru des partenaires de développement. La Représentante spéciale a appelé, à cet effet, à la remobilisation des partenaires pour soutenir la pérennité des efforts dans le cadre de la réintégration socioéconomique des ex-combattants et de l’extension de l’autorité de l’État.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a estimé que, partout où elle est déployée, la MINUSCA accompagne les Forces centrafricaines dans la lutte contre les groupes armés. Il a fait part de sa préoccupation du maintien de certaines restrictions, notamment celles imposées aux vols de nuit, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques, comme cela s’est passé le 3 octobre. Il s’est félicité de l’appropriation croissante par les autorités centrafricaines du processus de paix, citant le Secrétaire général pour qui la paix est entre les mains des Centrafricains. Toutefois, le représentant a souligné qu’il ne pourra y avoir d’avancée du processus de paix sans le respect des droits de l’homme et de la démocratie en République centrafricaine. Il s’est, à cet égard, inquiété des violations croissantes par les Forces centrafricaines des droits de l’homme et du droit international humanitaire (DIH). Elles montrent, à son avis, que l’installation des mercenaires du groupe Wagner a contribué à insuffler une pratique généralisée de la violence. Certains crimes, intolérables, commis par ces mercenaires, pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, a prévenu le représentant. Il a insisté sur le respect du DIH et des droits de l’homme, qui est une condition essentielle à la poursuite du soutien opérationnel de la MINUSCA aux Forces centrafricaines. Le Conseil de sécurité y sera attentif, a-t-il dit.
Le délégué a invité les décideurs centrafricains à s’engager dans la voie de la démocratie, du respect de l’ordre constitutionnel, de l’indépendance des institutions judiciaires et de la liberté de la presse. Il s’est dit préoccupé par l’aggravation de la polarisation du pays, causée par le projet de révision de la Constitution, ainsi que par la hausse des incitations à la violence et des discours de haine. La France proposera un projet de résolution pour la reconduction de la MINUSCA, qui a besoin du soutien unanime du Conseil de sécurité pour poursuivre son action résolue contre les groupes armés aux côtés des Forces centrafricaines et en soutien au processus de paix, a-t-il conclu.
M. ARIAN SPASSE (Albanie) a jugé encourageants les efforts du Gouvernement pour accélérer la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation, mais a estimé que le processus de paix devrait être plus inclusif et ouvert à la participation de la société civile, notamment aux femmes. Le représentant a condamné les violations des droits humains et le recrutement de combattants démobilisés, notant que cela a débouché sur des représailles contre la population et craignant que cela balaye les progrès réalisés jusqu’à présent. L’utilisation d’engins explosifs par les groupes armés est déplorable, a-t-il poursuivi, saluant la mémoire des Casques bleus qui ont perdu la vie, le 3 octobre, à l’issue d’une attaque et appelant le Gouvernement à mener des enquêtes fouillées pour traduire les coupables en justice. Le personnel de la MINUSCA doit se voir garantir la pleine liberté de mouvement et de l’approvisionnement, a-t-il aussi demandé. Enfin, le représentant a fait part de son désarroi face aux limites de l’espace démocratique et de la liberté d’expression dans le cadre du débat entourant la réforme électorale.
Mme CÁIT MORAN (Irlande) a salué le calendrier visant à accélérer la mise en œuvre de l’accord politique en République centrafricaine, encourageant toutes les parties à poursuivre leur communication. Elle a lancé un appel à tous les signataires de l’Accord pour qu’ils s’engagent pleinement, ajoutant que le nouvel élan impulsé par le Gouvernement en faveur du processus de paix est déterminant en dépit des défis. Elle a également mis l’accent sur les progrès en matière de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration, en formant le vœu que le processus se déroule conformément au programme national. Cependant, le recrutement par procuration des anciens combattants des groupes armés par les Forces de défense nationales est « extrêmement inquiétant et doit cesser », a-t-elle souligné, car ceux-ci attisent les tensions intercommunautaires et risquent d’inverser les acquis. Les actes des mercenaires, y compris du groupe Wagner en République centrafricaine, sont profondément préoccupants, a-t-il affirmé.
Après avoir souligné la nécessité d’élections libres et équitables, avec la participation des femmes dans toutes les étapes, la déléguée a déploré la situation humanitaire exacerbée par la violence et par les défis économiques. S’agissant de la détérioration de la situation relative aux droits humains, Mme Moran a observé que les groupes armés sont responsables de 44,3% des abus vérifiés, et les acteurs étatiques de 45% au cours de la période à l’examen. Elle a en outre salué les enquêtes et le début des procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par le Tribunal pénal spécial de la République centrafricaine, ajoutant que l’ouverture du procès de Mahamat Said Abdel Kani, ancien commandant de la Séléka, à la Cour pénale internationale (CPI), devrait également rappeler à toutes les parties que les crimes graves ne resteront pas impunis.
M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que la situation sécuritaire et politique en République centrafricaine s’améliore, mais que des défis persistent. Dans ce contexte, il a estimé que la communauté internationale doit aider la République centrafricaine dans divers domaines, notamment dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et en matière de renforcement des capacités, en particulier dans le domaine sécuritaire, notamment par l’entremise de la MINUSCA. Les investissements dans les activités de développement doivent être en outre revus, a encore préconisé le délégué. Mais la souveraineté de la République centrafricaine doit être respectée, a-t-il observé, en lui laissant la liberté de choisir son propre modèle de développement, et lui permettre de signer librement les accords sécuritaires bilatéraux qu’elle souhaite. À cet égard, la Chine estime que l’embargo sur les armes, qui pèse sur la République centrafricaine, empiète sur la capacité du Gouvernement à assurer la sécurité sur son territoire, a conclu le représentant.
M. JOSÉ DE JESÚS CISNEROS CHÁVEZ (Mexique) a salué les progrès enregistrés au cours des derniers mois dans l’application de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation et reconnu le travail des autorités centrafricaines en vue de fixer des priorités, le calendrier et le mécanisme de suivi relatifs à la mise en œuvre de la feuille de route conjointe de Luanda, en les encourageant à ouvrir plus d’espace à la participation des femmes. Il a également jugé encourageant le travail du Tribunal pénal spécial et de la CPI, tout en priant les autorités de rendre pleinement opérationnelle la Commission vérité, justice et réconciliation. Le délégué a par ailleurs vivement condamné les attaques contre les civils, tout en reconnaissant l’importance de l’accord obtenu en vue de la dissolution des 11 groupes armés signataires de l’accord politique. Il a invité les acteurs régionaux, qui se sont avérés clefs dans la création de cette nouvelle dynamique, à user de leur influence sur les autres groupes armés aux fins d’une démobilisation permanente. Il a attiré l’attention sur la nécessité d’offrir aux membres de ces groupes les conditions idoines pour une réinsertion pacifique et durable au sein de leurs communautés.
Le représentant a estimé « tout simplement inacceptable » que, dans un pays jouissant d’une richesse en ressources naturelles, plus de 60% de la population nécessite une assistance humanitaire. Il a misé sur la solidarité internationale et appelé les pays voisins et les organisations régionales à intensifier la lutte contre les flux d’armes illicites, se félicitant à cet égard de la campagne de marquage et de collecte des armes par la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre. Il a enfin appelé les autorités centrafricaines à se conduire de façon responsable pour que les mesures gouvernementales recueillent un consensus et redonnent espoir à la population, avant de conseiller d’éviter les initiatives suscitant une polarisation politique, ce qui ne ferait qu’aggraver l’instabilité. Dans cette optique, il a souligné que les élections locales de 2023 offraient une occasion unique pour renforcer la gouvernance et progresser vers l’inclusion politique de toutes les composantes de la société centrafricaine.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) s’est félicité de l’amélioration du dialogue entre la MINUSCA et les autorités centrafricaines, notamment pour gérer les problèmes de sécurité. Le représentant a rendu hommage à toutes les victimes de l’attaque du 3 octobre et a exhorté à poursuivre le travail pour mettre fin aux combats, notamment en accélérant le processus de dialogue républicain et en veillant à ce que le processus de paix soit inclusif, y compris avec les partis d’opposition et les femmes. Aux yeux du Brésil, il est tout aussi important de renforcer l’état de droit, notamment au vu de signalements de violations des droits humains et de recrutement d’enfants soldats. Le représentant a souhaité évoquer la contribution des organisations régionales au processus de paix et a espéré que les mécanismes de suivi, avec à leur tête le Rwanda et l’Angola, seront couronnés de succès.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis), s’est félicité du travail de la MINUSCA, de celui des pays fournisseurs de contingent et des forces de police. Il a estimé tragique d’avoir à pleurer trois Casques bleus qui ont payé le prix ultime au début de ce mois. Leur mort est d’autant plus tragique que les options d’évacuation étaient limitées en raison des restrictions imposées par les autorités de la République centrafricaine sur les procédures d’évacuation, a-t-il déploré. Si la MINUSCA avait pu les rapatrier par voie aérienne plutôt que par voie terrestre, ce qui a pris neuf jours, ils seraient sûrement parmi nous aujourd’hui, s’est-il désolé. Il a appelé le Gouvernement de la République centrafricaine à respecter l’Accord sur le statut des forces et à lever les restrictions de mouvement qui ciblent la MINUSCA.
Passant à la question des flux d’armes illicites, le délégué a souligné leurs conséquences néfastes sur la sécurité des civils. Les mesures de sanctions restent donc essentielles tant que les autorités n’auront pas réglé cette question de trafic d’armes, a-t-il argumenté. En dépit de ces difficultés, il a estimé que la position solide de la MINUSCA permet de protéger les civils, mais il a mis en garde que le volet militaire lui-même ne suffira pas à ramener la paix dans le pays. Pour le représentant, un État stable ne peut naître que d’un dialogue inclusif, d’une mise en œuvre de l’Accord de paix, de l’extension de l’autorité de l’État et de la reddition de la justice pour les victimes: ce sont les éléments qui permettront le processus de paix. Si les initiatives de la République centrafricaine semblent encourageantes, le pays ne pourra y parvenir tout seul, a-t-il déclaré. Il a souligné que certaines entités continuent de déstabiliser le pays, notamment le groupe Wagner, appuyé par des criminels, dont les forces se sont rendues coupables de violations des droits de la personne, souvent en présence des Forces armées centrafricaines. Il a déploré que ces entités réarment d’anciens groupes armés et dérobe au pays ses richesses minières. La population centrafricaine mérite mieux, a-t-il conclu.
Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a réaffirmé le besoin en renforcement des capacités, en particulier dans le domaine sécuritaire, en République centrafricaine. Elle s’est, à cet égard, félicitée de l’adoption de la nouvelle politique et du projet de stratégie de réforme du secteur de la sécurité. La déléguée a également plaidé pour la mise en œuvre complète de la feuille de route conjointe de Luanda pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine.
Mme MONA JUUL (Norvège) a entamé son allocution en disant vouloir d’abord « parler directement » du tragique décès de trois Casques bleus bangladais en citant leur nom un par un. Elle a recommandé, en consultation avec le Bangladesh, de garantir la reddition de comptes par une coordination des enquêtes de la MINUSCA et des autorités centrafricaines. Par ailleurs, elle a préconisé de réexaminer et réajuster les procédures existantes pour les évacuations, pour qu’elles soient mises en œuvre plus rapidement en cas d’attaques, si des Casques bleus sont blessés. La représentante a par ailleurs jugé encourageante la réunion de revue stratégique tenue à Bangui le 4 juin pour remobiliser le soutien régional et international en faveur du processus de paix. Elle a mis l’accent sur l’inclusion et la tenue d’élections couronnées de succès pour que personne ne se sente menacé. Elle s’est vivement préoccupée de l’intimidation et des menaces à l’encontre des femmes dans le dessein de les dissuader de participer au processus. Des éléments du groupe Wagner ont ébranlé la stabilité sécuritaire, a-t-elle ensuite dénoncé, en notant également l’augmentation des violations des droits humains ainsi que les graves exactions à l’endroit des enfants, et les atteintes au droit international. La représentante a, enfin, salué le rôle moteur de la Représentante spéciale et de la MINUSCA en les assurant du soutien de la Norvège.
Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a salué les progrès dans le domaine politique en République centrafricaine, en particulier les mesures visant à mettre en œuvre l’accord de paix et la préparation d’élections locales en janvier 2023, encourageant les autorités à poursuivre sur cette voie, avec le soutien de la MINUSCA. Par ailleurs, la représentante a souligné que la liberté de mouvement est fondamentale au travail de la MINUSCA et a dit espérer que la relation de confiance établie entre les autorités et la Représentante spéciale se poursuivrait. Elle a également encouragé le Gouvernement à s’attaquer d’urgence au problème des mines et des engins explosifs improvisés, qui constituent une grave menace pour les populations civiles et leur accès à l’aide humanitaire, ainsi que pour la sécurité des Casques bleus. À ce propos, elle a fait part de sa profonde inquiétude après l’attaque du 3 octobre à l’issue de laquelle trois Casques bleus du Bangladesh ont trouvé la mort.
La représentante a également exprimé ses préoccupations quant à la hausse du nombre de violations des droits humains en République centrafricaine, dont la violence sexuelle. Elle a craint que cela ne sape les progrès en matière de réconciliation. Les civils sont visés non seulement par des groupes armés, mais aussi par les forces nationales et le groupe de mercenaires russe Wagner, s’est inquiétée la représentante, appelant le Gouvernement à mener des enquêtes afin que tous les auteurs de ces violences soient poursuivis.
M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a salué l’évolution politique vers la stabilité en République centrafricaine ainsi que l’adoption d’un calendrier d’activités prioritaires pour mettre en œuvre l’Accord politique pour la paix et la réconciliation par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Il s’est également félicité de la création d’une commission chargée d’assurer le suivi des recommandations du dialogue républicain et de le présenter au Président. Il a enfin salué également la tenue des élections locales en 2023 ainsi que les efforts déployés en vue de l’extension de l’autorité de l’État.
Malgré les progrès accomplis, la situation sécuritaire reste instable, a reconnu le délégué. Les violations de l’Accord de paix par les groupes armés ont encore augmenté au cours des quatre derniers mois, a-t-il remarqué. Dans ce contexte, la communauté internationale doit être vigilante et assurer un soutien à la République centrafricaine de sorte que les progrès réalisés sur le plan politique ne soient pas remis en cause par les activités illégales des groupes armés, a prévenu le représentant. Le programme désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR) doit connaître de nouveaux succès, pour lesquels un soutien financier et de développement soutenu des partenaires sera nécessaire.
Le représentant s’est dit préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire en République centrafricaine, qui a été aggravée par la violence, la hausse des prix des produits de base, les pénuries de carburant, les graves inondations récentes et les communautés déplacées. Il a estimé que l’amélioration de la mise en œuvre de l’accord sur le statut des forces est une indication claire du renforcement de la coopération entre la MINUSCA et les autorités de la République centrafricaine. Le délégué a condamné fermement les attaques contre les Casques bleus et appelé la Mission ainsi que le Gouvernement centrafricain à prendre des mesures pour assurer la sécurité des soldats de la paix et traduire les coupables en justice.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a déclaré que la situation en République centrafricaine est, selon ses estimations, relativement stable et généralement sous le contrôle des Forces gouvernementales. Le pays s’emploie à établir une présence étatique, à renforcer ses structures administratives, à poursuivre la réforme du secteur de la sécurité, à mettre en œuvre un programme de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration des anciens combattants, à développer le système judiciaire et à préparer les élections locales, a énuméré la déléguée. Elle a ajouté que la mise en œuvre intégrale de l’Accord de Khartoum et de la feuille de route de Luanda constituent toujours la base pour parvenir à la stabilité, prenant note de la disponibilité des autorités centrafricaines à un dialogue inclusif.
La déléguée a également estimé que le travail de la MINUSCA est un important facteur de sécurité et de protection des civils. Mais, a-t-elle poursuivi, le plein exercice du mandat d’une mission de maintien de la paix n’est possible que si un dialogue et une compréhension mutuelle sont maintenus avec les autorités du pays de déploiement. Par ailleurs, la Fédération de Russie est d’avis qu’il faut des mesures supplémentaires en faveur de la levée définitive de l’embargo sur les armes. C’est ce que préconisent les représentants africains au Conseil de sécurité, l’Union africaine et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, a souligné la représentante, en faisant remarquer que c’est aussi la demande la République centrafricaine.
Concluant sur les commentaires des autres déclarations sur la coopération russo-centrafricaine, Mme Evstigneeva a dit que les instructeurs militaires qui opèrent dans ce pays ont été envoyés à la demande de Bangui, conformément aux normes du droit international et à la connaissance du Comité établi en vertu de la résolution 2127 (2013). Cette coopération apporte des résultats significatifs dans la formation des forces armées du pays et dans la stabilisation de la situation, a avancé la déléguée. Par ailleurs, en tant que diplomate, elle a dit comprendre les intérêts de la France en Afrique, mais ne pas comprendre « ce que cherche à faire la délégation française avec ses interventions diffamatoires ». La déléguée a déclaré que « la France oublie son passé colonial et les crimes qu’ont commis ses soldats, notamment en République centrafricaine ». Les Africains eux, sont au courant de ces faits et s’en souviennent, a-t-elle assuré. À chaque fois que la France et les autres feront ce genre de déclarations, ils ne feront que renforcer le rejet des Africains à leur égard, a-t-elle conclu.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), qui s’est exprimé au nom des A3 (Ghana, Gabon et Kenya), a déclaré que les attaques contre le personnel des Nations Unies sont constitutives de crimes de guerre, appelant les autorités centrafricaines et la MINUSCA à mener des enquêtes sur les récents incidents meurtriers et à faire comparaître leurs auteurs devant la justice. Pour le Groupe, la République centrafricaine a réalisé d’énormes progrès et la communauté internationale doit continuer à l’appuyer, a poursuivi M. Biang, en se félicitant de la réunion, le 4 juin dernier, de revue stratégique à Bangui afin de remobiliser le soutien régional et international en faveur du processus de paix et du suivi de la mutualisation de la feuille de route de l’Accord de Luanda. Un suivi qui démontre l’engagement des autorités centrafricaines à résoudre la crise politique, avec l’inclusion du plus grand nombre de toutes les composantes de la société. Il s’est félicité du rôle actif de l’Union africaine et de la CIRGL. Il s’est dit convaincu que l’option militaire ne suffira pas, et mis l’accent sur l’ouverture de l’espace civil. Il a noté les avancées positives dans les droits de l’homme notamment la Cour spéciale criminelle et des décrets portant création du comité des élections.
M. Biang a insisté sur la « volonté manifeste » des autorités centrafricaines de tenir un processus démocratique, et déclaré que l’engagement et les gains acquis contre les groupes armés sur le terrain méritent également d’être salués. Il a cependant recommandé de veiller à la mise en place de projets de développement si nécessaires à la population. La MINUSCA a indéniablement contribué à la protection des civils et à la stabilisation du pays, a-t-il remarqué, en exhortant à renforcer ses capacités opérationnelles sur le terrain, notamment dans le domaine du déminage. Toutefois, tant que l’offre de ressources naturelles rencontrera la demande des acheteurs, le sang des Africains continuera à couler, a-t-il déploré, en encourageant la République centrafricaine et ses voisins à contrer les trafics transfrontaliers par l’asséchement du financement essentiel.
Le Groupe demande à tous les groupes rebelles à rejoindre l’Accord de paix, sans conditions, et à participer au processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration. Il a salué les efforts du Conseil qui ont permis le renforcement de l’embargo sur les armes, ainsi que le lancement d’une campagne de marquage pour mieux lutter contre la prolifération des armes légères et de petit calibre. Pour le Groupe, le renouvellement du mandat de la MINUSCA devrait être pensé sous le prisme du changement de la situation en République centrafricaine, a-t-il encore préconisé. S’agissant des inondations, qui ont causé le déplacement de milliers de Centrafricains, les A3 ont appelé à une assistance humanitaire et à plus de ressources.
Mme SYLVIE VALÉRIE BAIPO-TEMON, Ministre des affaires étrangères, de la francophonie et des Centrafricains de l’étranger de la République centrafricaine, a présenté ses condoléances aux familles des Casques bleus du Bangladesh qui y ont perdu la vie récemment. Le processus politique pour la paix reste une priorité pour le Gouvernement, a assuré la Ministre. Les velléités de déstabilisation des groupes armés ont été mises à mal par l’accélération du processus politique pour la paix et la définition d’un calendrier conjoint des actions à mener sur, par exemple, la restauration de l’autorité de l’État sur tout le territoire. La mise en place du Comité de du suivi des recommandations du dialogue républicain et les efforts pour tenir les élections municipales, en 2023, demandent un soutien concret.
La Ministre a fait observer les acquis significatifs sur le plan sécuritaire, la réduction du nombre de déplacés, qui est passé de 640 000 à 500 000, et celle des campagnes de désinformation et d’incitation à la haine. Elle a invité les partenaires de la République centrafricaine à faire preuve de cohérence et à ne pas nuire à l’image de la République centrafricaine, car « la délation ne grandit pas un homme ». Par ailleurs, sur le plan économique et financier, tout est mis en œuvre pour faire face aux défis, a poursuivi la Ministre, citant l’exploitation illicite des ressources naturelles par les groupes armés.
La Ministre a toutefois relevé des incohérences dans le rapport présenté en début de séance. Elle a réfuté toutes violations de la liberté de circulation des contingents de la MINUSCA et les restrictions continues des vols de nuit, pour dire qu’il est seulement demandé d’en aviser au préalable les autorités et de respecter des procédures légitimes. Le Gouvernement centrafricain demande que sa souveraineté soit respectée, et il est donc important de faire preuve d’impartialité plutôt que d’accorder des dérogations aux uns et aux autres.
Au sujet de la mort de trois Casques bleus début octobre, elle a estimé que le crime a été causé par des mines posées par des groupes armés. « N’utilisons pas la vulnérabilité de la République centrafricaine pour lui faire un procès injuste », a dit Mme Baipo-Temon. À propos des violations, la Ministre a fait remarquer qu’il est important que la voix de la République centrafricaine soit entendue, et de sortir du schéma selon lequel certaines violations seraient acceptables et d’autres non. « Un criminel reste un criminel », a-t-elle asséné. La violence entretient la violence, c’est pourquoi il est plus que jamais urgent de lutter contre les causes de la crise centrafricaine, qui sont les groupes armés, plutôt que de chercher des boucs émissaires et de se concentrer sur les conséquences, a insisté la Ministre en conclusion.
M. CLAVER GATETE (Rwanda) a félicité le Président de la République centrafricaine de sa mise en œuvre de la feuille de route de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Il a appelé la communauté internationale à aider la République centrafricaine à pérenniser les acquis obtenus jusqu’ici. Le représentant a rappelé que son pays est le premier fournisseur de contingent en République centrafricaine, ajoutant que les interventions bilatérales peuvent compléter celles des Nations Unis. Le délégué a loué les efforts du Gouvernement centrafricain pour lutter contre la désinformation concernant la MINUSCA. « Une paix pérenne n’est possible qu’à travers une participation de la population centrafricaine », a-t-il souligné. À cet égard, il a estimé que les opérations de paix et le soutien bilatéral dégagent un espace propice pour le processus de paix et le rétablissement de l’État et des institutions démocratiques. Le désarmement, la démobilisation, le rapatriement et la réintégration sont des aspects cruciaux à cette fin, a souligné le représentant. Mais la prolifération incontrôlée des armes menace la paix et la sécurité dans le pays. À ce propos, il a applaudi la coopération entre l’autorité nationale et la MINUSCA, qui a permis de collecter 255 armes, 11 738 munitions, 12 grenades, 22 roquettes et 13 lance-roquettes.
Concernant le programme de DDRR, le représentant a estimé que c’est une entreprise au long cours qui nécessite un financement soutenu. Pour réussir, il doit être accompagné d’une réforme du secteur de la sécurité afin de transformer les institutions sécuritaires et judiciaires, de créer un environnement sûr et stable, et de permettre le développement économique. Le délégué a estimé que les autorités étatiques renforceront la confiance et la fourniture de services essentiels à la population, qui fait partie intégrante du processus de consolidation de la paix.