En cours au Siège de l'ONU

9112e séance - matin
CS/15001

Conseil de sécurité: « le dialogue et la coopération » pour une sécurité commune à l’épreuve de la menace nucléaire

La menace nucléaire s’est, ce matin, invitée au Conseil de sécurité, lors d’une séance que la Chine avait présentée au début du mois comme l’un des temps forts de sa présidence: la promotion de la sécurité commune par le dialogue et la coopération, en présence du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, et du Président de la dixième Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), M. Gustavo Zlauvinen, qui ont tous deux lancé des appels à la désescalade.

Tout juste de retour d’Ukraine, M. Guterres s’est félicité du coup d’envoi de l’Initiative céréalière de la mer Noire, coparrainée par l’ONU, et de l’accord visant à faciliter l’arrivée sans entrave sur les marchés mondiaux des aliments et des engrais en provenance de la Fédération de Russie.  Il s’agit d’un exemple concret de la façon dont le dialogue et la coopération peuvent susciter de l’espoir, y compris en plein conflit, a estimé le haut fonctionnaire, en soulignant qu’un engagement similaire est nécessaire face à la situation critique que connaît la centrale nucléaire de Zaporijia.  

Pour M. Guterres, l’ONU dispose en Ukraine des capacités logistiques et sécuritaires nécessaires pour soutenir une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur le site de cette centrale occupée par les forces russes.  Mais il a déploré de façon générale les divergences persistantes entre grandes puissances, qui continuent de faire barrage à une action concertée.  Aussi a-t-il défendu l’idée de forger à nouveau un consensus mondial en vue d’assurer la sécurité collective, tel que reflété par le document Notre Programme commun. 

Ce programme, a poursuivi le Secrétaire général, envisage des efforts conjoints pour réduire les risques découlant de la cyberguerre et des armes létales autonomes et hâter l’élimination de la menace nucléaire.  Il a donc demandé aux pays possédant l’arme nucléaire de s’engager à ne pas y recourir en premier, alors que la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération (TNP) est sur le point de se conclure cette semaine.  Tous les États parties au Traité doivent garantir à ceux qui ne sont pas dotés de l’arme nucléaire qu’ils ne l’utiliseront pas ou ne menaceront pas d’en faire usage, a plaidé le Secrétaire général.

Mais à la suite des bouleversements géopolitiques actuels, le TNP fait face à une multitude de défis, a reconnu M. Zlauvinen.  Si la priorité est la prévention, la seule façon d’éliminer complètement le risque est d’éliminer complètement les arsenaux, a-t-il résumé.  Les États parties, a-t-il affirmé, exigent une action immédiate sur des actions irréversibles et un désarmement nucléaire vérifiable.  Pour lui, la Conférence d’examen est une occasion unique d’inscrire un instrument de sécurité collective dans le cadre d’un forum de dialogue et de coopération, le TNP lui-même constituant « un terrain d’entente ».

Pour le Brésil, le désarmement n’est pas à envisager comme une « concession » des États dotés d’armes nucléaires, mais comme le résultat d’un engagement « sans équivoque » et d’une obligation contraignante en vertu de l’article VI du TNP.  Les mesures de réduction des risques ne sont pas une panacée, et encore moins un substitut au désarmement, a fait valoir le représentant.  La France a de son côté souligné l’importance de préserver le TNP dans un contexte marqué par la guerre d’« agression » russe en Ukraine, en violation des garanties de sécurité existantes, et par la persistance des crises de prolifération.  Aujourd’hui, la situation à la centrale de Zaporijia menace toute l’Europe, s’est alarmée la délégation, suivie sur ce point par l’Albanie ou le Mexique, qui a demandé une démilitarisation du site et le déploiement de la mission d’inspection de l’AIEA.  

Les États-Unis ont souhaité que la dixième Conférence d’examen du TNP reconnaisse la façon dont la guerre russe et le comportement « irresponsable » de Moscou en Ukraine fragilisent cet instrument juridique, avant d’annoncer être prêts à œuvrer avec tous les pays aux efforts de réduction et de stabilité stratégiques.  La représentante américaine a par ailleurs assuré que Washington continuerait d’appuyer l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).  

Accusant la Fédération de Russie d’avoir « déchiré » la Charte des Nations Unies, le Royaume-Uni a exigé d’elle des comptes pour sa transgression de normes universellement acceptées.  Pour la délégation britannique, le TNP reste la seule voie vers l’objectif commun de désarmement nucléaire complet et la déclaration conjointe de la Chine, des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni, et de la Fédération de Russie pour prévenir la guerre nucléaire et éviter les courses aux armements, rendue publique en début d’année, a été un signal fort de la volonté des grandes puissances de réduire les risques et de restaurer la confiance.

Si la Fédération de Russie a concédé qu’il est quasiment impossible de se satisfaire de la situation sécuritaire internationale actuelle, elle a rejeté les accusations portées par les membres occidentaux du Conseil, considérant pour sa part que Moscou avait été trompée par de fausses promesses de ne pas étendre l’OTAN à l’Est.  Elle a également fustigé ces pays et leurs alliés pour avoir aidé Kiev dans ses tentatives de « chantage » nucléaire, ignorant le bombardement de la centrale de Zaporojie par les forces armées ukrainiennes.  

Pour la Chine, c’est aux pays possédant les plus grands nombres d’ogives nucléaires de réduire de manière irréversible leurs arsenaux.  Cela permettra à d’autres États détenteurs de leur emboîter le pas, a-t-elle estimé.  Invoquant elle aussi la déclaration conjointe des cinq États dotés d’armes nucléaires ou « P5 », la délégation a rappelé que Beijing est le seul des cinq signataires à s’être engagé à ne pas utiliser d’armes nucléaires en premier ou à menacer d’en faire usage.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Promouvoir la sécurité commune par le dialogue et la coopération - S/2022/617

Déclarations liminaires

Pour M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, la voie vers la paix passe par le dialogue et la coopération.  Durant sa récente visite en Ukraine, en Türkiye et en République de Moldova, il a pu voir à l’œuvre l’Initiative céréalière de la mer Noire, de même que le résultat d’un accord visant à faciliter l’accès sans entrave aux marchés mondiaux des aliments et des engrais en provenance de la Fédération de Russie.  Des initiatives cruciales pour les populations les plus vulnérables du monde, qui comptent désespérément sur ces approvisionnements alimentaires, a déclaré le haut fonctionnaire, pour qui il s’agit d’un exemple concret de la façon dont le dialogue et la coopération peuvent générer de l’espoir, même en plein conflit.

Un engagement similaire en faveur du dialogue et de résultats est nécessaire face à la situation critique que connaît la centrale nucléaire de Zaporijia, a demandé M. Guterres, en affirmant que l’ONU dispose en Ukraine des capacités logistiques et sécuritaires nécessaires pour soutenir une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de Kiev à Zaporijia.  Ce Conseil représente un élément essentiel du processus de paix et de prévention, par le biais de résolutions visant à apaiser les conflits, à soutenir la réconciliation et à fournir une aide humanitaire et un soutien à des millions de nécessiteux, a-t-il ensuite relevé.  Le Secrétaire général a déploré que le système de sécurité collective d’aujourd’hui soit mis à l’épreuve comme jamais auparavant.  « Les divergences persistantes entre les grandes puissances du monde, y compris au Conseil, continuent de limiter notre capacité de réagir collectivement », a-t-il constaté, évoquant un déficit de confiance.  Il faut donc, selon lui, forger à nouveau un consensus mondial autour de la coopération nécessaire pour assurer la sécurité collective, tel que reflété par Notre Programme commun.

Ce programme, a-t-il expliqué, permet d’explorer la boîte à outils diplomatique que constitue la Charte des Nations Unies pour mettre fin aux conflits, en particulier les dispositions de son Chapitre VI, relatif à la négociation, à l’enquête, à la médiation, à la conciliation, à l’arbitrage et au règlement judiciaire.  Il s’agit notamment de renforcer la vigilance à l’égard des menaces futures et d’anticiper les points chauds et les conditions de longue date qui pourraient dégénérer en violences, et d’explorer le rôle des acteurs et des groupes régionaux à mesure qu’apparaissent des menaces transfrontalières à la paix et à la sécurité.  Il s’agit aussi de donner la priorité aux droits humains, à la protection sociale et à l’éducation, ainsi qu’aux programmes visant à mettre fin à la violence et à la discrimination et à accroître la participation des femmes dans la vie civique et politique.  

Il a ajouté que Notre Programme commun propose des efforts conjoints pour rassembler les pays autour de la nécessité de réduire les risques découlant de la cyberguerre et des armes létales autonomes, y compris l’accélération des efforts en vue d’éliminer la menace nucléaire, une fois pour toutes.  Et les pays dotés d’armes nucléaires doivent s’engager à ne pas utiliser ces armes en premier.  La dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui se déroule en ce moment même, doit démontrer que des progrès sont possibles.  « Je renouvelle mon appel à tous les États parties pour qu’ils fassent preuve de souplesse et de volonté de compromis dans toutes les négociations.  Ils doivent également assurer aux États qui ne possèdent pas d’armes nucléaires qu’ils n’utiliseront pas ou menaceront d’utiliser des armes nucléaires contre eux, et être transparents tout au long du processus », a plaidé le Secrétaire général.  

En cette période de risque maximal, il est donc temps de renouveler notre engagement envers la Charte des Nations Unies et sa promesse de « préserver les générations futures du fléau de la guerre », en remplaçant la division par le dialogue et la diplomatie.  Alors que nous élaborons notre Nouvel Agenda pour la paix, à nous de prouver que nous avons tiré les leçons du passé, a conclu M. Guterres.

M. GUSTAVO ZLAUVINEN, Président de la dixième Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires(TNP), tout en étant conscient que certains membres du Conseil de sécurité ne sont pas parties à cet instrument juridique, a néanmoins espéré qu’ils pourront tous apprécier sa contribution majeure à l’amélioration de l’environnement sécuritaire international.  Depuis son entrée en vigueur en 1970, le TNP s’est avéré être un rempart pour la paix et la sécurité internationales et un facilitateur essentiel des avantages de l’énergie nucléaire, a-t-il fait valoir, en ajoutant que l’engagement actuel des États parties dans les discussions en dit long sur le statut de la Conférence en tant que forum multilatéral de négociation de facto sur les aspects liés aux armes nucléaires.  À la suite des bouleversements géopolitiques qui secouent notre monde, le TNP fait face à une multitude de défis, a-t-il concédé.  Il n’en reste pas moins que ces trois dernières semaines ont prouvé que les États parties sont résolus à renforcer le régime mondial qui couvre les trois piliers du Traité - désarmement, non-prolifération et utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.

En ce qui concerne les priorités, la mise en œuvre des dispositions du Traité est au premier plan pour beaucoup, a précisé M. Zlauvinen.  En effet, garantir le respect des principaux engagements et obligations du Traité est considéré comme essentiel à son succès durable.  Il y a peu de questions plus vitales pour notre sécurité collective que la prévention de toute utilisation d’armes nucléaires, a-t-il martelé, et, comme beaucoup persistent à croire, la seule façon d’éliminer complètement ce risque est d’éliminer complètement les armes nucléaires.  Pour le Président de la Conférence, les progrès dans la mise en œuvre des trois piliers du TNP dépendent d’un accord sur plusieurs domaines clefs, à commencer par une action urgente au titre du Pilier I du Traité, le désarmement nucléaire, surtout à la lumière de la situation actuelle dans le monde.  Il faut des mesures pour inverser les tendances dangereuses, accroître la confiance et veiller à ce que les erreurs de calcul ne conduisent pas à une escalade et à une catastrophe nucléaire, a prévenu l’intervenant.  En outre, l’environnement de sécurité mondial actuel a ravivé le récit que les armes nucléaires offrent la garantie ultime de sécurité, a noté M. Zlauvinen, pour lequel c’est un argument dangereux pour la non-prolifération, surtout lorsqu’il est couplé avec d’autres défis, comme l’émergence de nouvelles technologies susceptible de réduire les obstacles à l’acquisition et la livraison d’armes nucléaires. 

En deuxième lieu, les États parties souhaitent des mesures à court terme pour réduire le risque de guerre nucléaire, ce qui a remis au premier plan les questions de renforcement des garanties de sécurité, une préoccupation de longue date des États non dotés d’armes nucléaires.  Beaucoup d’États parties ont cependant fait valoir que la réduction des risques est insuffisante, a précisé le Président.  Ils sont d’avis que les circonstances exigent une action immédiate sur des actions irréversibles et un désarmement nucléaire vérifiable, a-t-il précisé.  Cela comprendra probablement des appels à un langage fort sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires ainsi qu’à de nouveaux accords pour réduire le nombre mondial d’armes nucléaires, a-t-il anticipé.

La troisième priorité porte sur la manière de soutenir le règlement de crises de prolifération régionale, en particulier en Asie et au Moyen-Orient.  Les États parties ne sont que trop conscients du fait que ne pas répondre aux cas d’introduction d’armes nucléaires dans des conflits régionaux ne fait que fragiliser l’ensemble du régime de non-prolifération.  En quatrièmement lieu, M. Zlauvinen a parlé de la question de l’élargissement de l’accès aux avantages des utilisations pacifiques des sciences et technologies nucléaires.  Le lien entre développement et sécurité ajoute une nouvelle dimension au Traité qui reflète sa centralité dans le système international.  Alors que le rôle de la technologie nucléaire devient de plus en plus important dans des domaines allant de l’agriculture à la médecine, il faut garantir l’accès le plus large possible à ces avantages pour tous, a fait valoir le Président de la Conférence, en y voyant un catalyseur pour la réalisation des objectifs de développement durable.  Il a conclu par la question de la sûreté et de la sécurité des centrales nucléaires dans les zones de conflit.  Les événements récents ont attiré l’attention sur ces problèmes auxquels le monde a été contraint de faire face, a-t-il noté en remarquant que, pour la première fois, un tel défi s’est posé. 

À ses yeux, la Conférence d’examen est une occasion unique de renforcer un instrument de sécurité commune dans un forum de dialogue et de coopération.  Il ne faut pas rater cette occasion, a-t-il insisté, parce que « lorsque nous parlons de la nécessité de trouver un terrain d’entente, les gens oublient que le TNP est un terrain d’entente ».  Le protéger et veiller à ce qu’il puisse continuer à jouer son rôle devrait être une priorité pour tous, a insisté M. Zlauvinen, en rappelant que depuis plus de 50 ans, le TNP s’est révélé être un instrument essentiel et flexible pour la sécurité individuelle de chaque État.

Déclarations

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a estimé qu’on ne peut envisager d’abandonner, par révisionnisme ou par repli, la vision audacieuse d’un ordre mondial ouvert, coopératif et inclusif, qui est justifiée par l’ampleur des défis mondiaux.  Elle a plutôt appelé à un moment de renouveau pour le système international et plaidé pour une coopération nécessaire pour faire face aux menaces mondiales les plus urgentes.  Alors que nous devenons de plus en plus dépendants les uns des autres, a-t-elle relevé, notre première et seule véritable organisation multilatérale mondiale est toujours notre dernier meilleur espoir.  Cependant, elle ne peut pas rester figée dans le temps, a-t-elle fait remarquer.  La représentante a donc appelé à l’adapter à un monde qui compte plus de pays et un ensemble de plus en plus diversifié d’acteurs influents.  Il faut aussi l’adapter à l’équilibre des pouvoirs et au rôle accru des institutions régionales, ainsi qu’au risque croissant de tensions entre les grandes puissances, a ajouté la déléguée.

La représentante a noté que pendant longtemps, le système multilatéral a été divisé entre ce qu’on appelle les faiseurs et les receveurs des normes.  Elle a appelé à façonner un système d’établissement de normes et de prise de décisions qui soit plus inclusif, le but étant de permettre aux points de vue de tous de façonner notre avenir inextricablement lié.  Ce faisant, nous devons être pragmatiques, progressifs et axés sur les résultats, a-t-elle recommandé.  Pour elle, élargir la responsabilité signifie également habiliter systématiquement les organisations régionales pour résoudre les problèmes régionaux, ces organisations étant souvent mieux placées pour trouver des solutions durables.  « Nous avons besoin d’un leadership capable de surmonter l’approche binaire de la formation de coalitions », a-t-elle observé en conclusion.

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a réfuté d’emblée le « faux narratif » selon lequel les armes nucléaires rendraient le monde plus sûr.  Alors que la dixième Conférence d’examen du TNP entre dans sa dernière semaine, rappelons que le désarmement n’est pas une concession de la part des États dotés d’armes nucléaires, a-t-il tranché, en arguant qu’il s’agit d’un engagement sans équivoque et d’une obligation contraignante en vertu de l’article VI du TNP.  Si les mesures de réduction des risques nucléaires sont importantes et nécessaires, elles ne sont en aucun cas une panacée, et encore moins un substitut au désarmement nucléaire, a fait valoir le représentant en invitant à garder à l’esprit le fragile équilibre entre les trois piliers qui ont permis l’adoption du TNP, car il y va, selon lui, de la pertinence du Traité.  « Mieux vaut prévenir que guérir », a insisté M. Costa Filho, en encourageant la communauté internationale à recourir plus souvent à la diplomatie préventive et la médiation et à condamner le recours « abusif » à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies.

Le représentant a ensuite insisté sur l’impératif de respecter le droit international, « la langue que nous devons parler lorsque des différences surgissent entre nous ».  Il a appelé à reconnaître la force de la relation entre paix et développement économique et social, en estimant que le succès d’un nouvel Agenda pour la paix passe par la réalisation des objectifs de développement durable.  Par conséquent, M. Costa Filho a appelé à renforcer la coopération internationale et les investissements dans les capacités productives.  De plus, a-t-il relevé, il ne faut pas oublier que les pays en développement sont sous-représentés dans les décisions de paix et de sécurité.  Avant de conclure, le délégué a souligné le rôle crucial que peut jouer la Commission de consolidation de la paix.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), rappelant que le monde se trouve à un point d’inflexion historique, a dit que l’avenir se dessine politiquement et idéologiquement, plus diversifié.  Il a estimé que l’ordre international, qui fait place à la diversité idéologique, nécessite un dialogue permanent en vue d’un consensus global dans l’approche des questions antagonistes au sein du Conseil de sécurité et au-delà.  Face aux rivalités entre puissances et à d’autres défis, il a jugé « dangereusement naïf » de miser sur les rapports de force ou les postures unilatérales.  À son avis, l’efficacité de l’action internationale est difficilement garantie dans une configuration d’affrontements de blocs sur le modèle de la guerre froide.  Il a remarqué en outre que les querelles de grandes puissances sur la hiérarchie et l’idéologie et leurs intérêts stratégiques constituent un terrain fertile pour des antagonismes majeurs, avec des guerres de choix, des guerres par procuration et des guerres de prédation de ressources qui déstabilisent les États fragiles, notamment en Afrique.

Le représentant n’a pas jugé très crédible les alternatives au dialogue permanent et au multilatéralisme, dans la configuration actuelle de l’ordre international.  Plaidant pour le dialogue entre Nations et vantant ses vertus, le délégué a rappelé que la coopération suppose naturellement d’agir ensemble, de se concerter régulièrement, en temps de paix comme en temps de guerre, et d’aplanir les divergences.  Elle implique de considérer ou de prendre en compte les attentes des uns et des autres et d’atténuer les tensions, dans la perspective de rechercher le règlement pacifique des différends, a-t-il ajouté.  Il a assuré que l’essence de la volonté du Gabon est d’apporter des « solutions africaines aux problèmes africains », demandant d’être lucide sur la nécessité de trouver des solutions collectives aux crises mondiales actuelles du fait que leurs conséquences ont bien souvent un impact direct ou indirect sur la destinée de chacun des pays et menacent les valeurs partagées par tous et défendues au sein des Nations Unies.  

Mme SHERAZ GASRI (France) a souligné l’importance de préserver la centralité et la primauté du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui constitue la pierre angulaire de l’architecture internationale de non-prolifération et de la stabilité stratégique.  Notant que ce traité fait face à un contexte international inédit, marqué par l’agression russe de l’Ukraine en violation de ses garanties de sécurité et par la persistance des crises de prolifération, elle a reproché à certains États de privilégier ouvertement des postures belliqueuses, en citant notamment la Russie.  Aujourd’hui, la situation à la centrale de Zaporijia menace toute l’Europe, s’est-elle alarmée, en indiquant que la France soutient le dialogue en cours entre les parties et l’AIEA pour permettre l’envoi d’une mission d’inspection « essentielle », dans le plein respect de la souveraineté ukrainienne.  À cet égard, la déléguée a salué les efforts menés par le Secrétaire général de l’ONU, qui ont permis d’ouvrir une perspective positive.  

Constatant ensuite qu’à la guerre ouverte entre deux États s’ajoute la persistance de conflits internes et du fléau du terrorisme, la représentante a remarqué que ces crises sont intensifiées par les changements climatiques et par leurs conséquences sur la sécurité, en particulier au Sahel.  Elle a également souligné le fait que le cyberespace et l’espace extra-atmosphérique deviennent des champs de rivalité stratégique, voire de conflit armé.  Par ailleurs, la manipulation de l’information, « qui trompe nos citoyens et sape nos démocraties », est amplifiée par l’hyper-connectivité, a-t-elle remarqué.  Plusieurs États cherchent ainsi à déstabiliser les systèmes politiques et accroître leur influence quand d’autres verrouillent l’information pour éviter toute contestation, a-t-elle constaté en appelant à réfléchir aux contours d’un dialogue renouvelé pour affiner la compréhension commune de ces nouveaux champs, renforcer leur gouvernance internationale et y définir des règles de comportement responsable, en associant de manière très étroite de nouveaux acteurs, en particulier la société civile et les entreprises.  La France continuera de s’y engager pleinement pour assurer que ces espaces resteront ouverts, sûrs, stables et pacifiques, a assuré la déléguée.

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a averti que la Charte des Nations Unies pourrait connaître le même sort que la Société des Nations qui a échoué.  À moins que le dialogue ne soit engagé pour arrêter la guerre en Ukraine, la poursuite de la logique qui l’a déclenchée conduira à la ruine pour tous, a-t-il prédit.  Il s’est demandé si les puissances mondiales allaient choisir d’adopter la vision directrice de l’ONU ou alors transformer celle-ci en une arène de plus dans leur conflit en sapant sa volonté et ses moyens de protéger la paix et la sécurité internationales.  Selon lui, le reste du monde, et l’Afrique en particulier, ne doit pas attendre passivement d’être balayé au centre des tempêtes créées par cette confrontation historique.  Le monde a besoin d’une Afrique prospère, sûre et unie pour naviguer avec succès à travers les grands défis d’aujourd’hui tels que l’insécurité mondiale, la crise climatique et les pandémies, a-t-il lancé en suggérant que l’Agenda 2063 de l’Afrique soit la pierre angulaire d’un pilier d’équilibre pour la paix et la sécurité internationales.  « Nous proposons aujourd’hui à nos amis et partenaires de contribuer à cette ambition, ou, au minimum, de ne pas l’entraver », a dit le représentant en précisant que c’est dans leur intérêt fondamental.

De nombreux efforts sont nécessaires, a-t-il souligné en appelant à renouveler l’ambition d’entreprendre des réformes aux Nations Unies, en particulier celle du Conseil de sécurité.  L’ambition de donner des sièges à l’Afrique, dans la lignée du consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte, offre le plus grand espoir pour un Conseil équilibré, selon le délégué qui a également souhaité que l’ONU assume une plus grande responsabilité dans toutes les opérations de paix contre les menaces à la paix et la sécurité internationales.  En particulier, il a jugé nécessaire de fournir un financement adéquat et prévisible, notamment par des quotes-parts du budget ordinaire, aux opérations de paix mandatées par le Conseil de sécurité et dirigées par l’Union africaine.  Il a également plaidé pour un financement prévisible et durable des efforts de consolidation de la paix.  En outre, selon M. Kimani, la sécurité commune n’est pas réalisable sans développement.  Il a aussi parlé des engagements en matière d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques qui requièrent un regain d’énergie de la part des pays industrialisés pour atteindre et dépasser leurs objectifs dans ce domaine.  Enfin, le délégué a appelé le Conseil à redoubler d’efforts pour utiliser de manière prévisible et cohérente sa gamme complète d’outils pour lutter contre toutes les entités terroristes et leurs collaborateurs.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a rappelé l’importance de l’ONU pour promouvoir les droits humains, protéger les civils innocents, apporter une aide humanitaire, sauver des vies, et renforcer l’égalité souveraine des États.  Pour contrer les menaces à la sécurité et œuvrer à un monde plus juste, il ne suffit pas de citer la Charte des Nations Unies.  Encore faut-il en respecter les principes, dont la pratique exige des États Membres qu’ils rendent des comptes de façon systématique en cas de violation de la Charte.  Malheureusement, a observé la représentante, l’une des plus graves menaces pesant sur nos efforts est l’invasion de la Russie contre l’Ukraine.  

Cette invasion a des retombées sur nous, exacerbant l’insécurité alimentaire mondiale, provoquant une nouvelle crise des réfugiés et des dizaines de milliers d’Ukrainiens et de Russes, a déploré la représentante, en invoquant le respect des droits humains.  Selon elle, il faut utiliser les institutions ou les mécanismes créés par la Charte des Nations Unies et l’Assemblée générale pour faire face à ces défis pour la paix et la sécurité.  Tel est le message adressé par le Président Joseph Biden et le Secrétaire d’État Antony Blinken au début de la dixième Conférence d’examen du TNP, les États-Unis ayant l’intention de parvenir à un document final consensuel à même de préserver l’intégrité de cet instrument essentiel.  Cette conférence d’examen devra aussi reconnaître la façon dont la guerre russe et le comportement irresponsable de Moscou en Ukraine sapent les objectifs fondamentaux du TNP.  

La représentante a également estimé que la reprise de l’inspection en vertu du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques fait partie intégrante d’une coopération qui doit se poursuivre.  Les États-Unis sont prêts à négocier, dans les plus brefs délais, un cadre pour le remplacer et parvenir à de nouveaux traités de réduction stratégique des armes nucléaires avec la Russie.  Les États-Unis sont prêts à travailler avec tous les pays sur ces efforts de réduction et de stabilité stratégique et continueront d’appuyer l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), a assuré sa représentante.  Nous voulons également commencer à travailler avec les partenaires pour réentamer les négociations cette année sur le traité sur l’interdiction des matières fissiles qui ont été reportées à plusieurs reprises, a-t-elle ajouté.

Tout en reconnaissant l’importance du dialogue et de la coopération, M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a estimé qu’ils ne peuvent à eux seuls garantir la sécurité collective.  La Charte des Nations Unies est le garant de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, a-t-il précisé, en regrettant qu’aujourd’hui, personne ne conteste la menace la plus grave qui pèse sur le système de sécurité commune consacré par l’ONU.  « La Russie, membre permanent de ce Conseil, a déchiré la Charte et bafoué les règles qui sous-tendent la paix et la sécurité internationales », a dénoncé le représentant, pour qui « cela sape tout le système que nous sommes tous ici pour défendre ».  Pour assurer notre sécurité -et le système sur lequel nous comptons tous- nous devons demander des comptes aux États qui transgressent les normes universellement acceptées, a-t-il lancé, en invoquant notamment leur souveraineté et leur intégrité territoriale.  Si nous acceptons qu’un grand pays puisse simplement envahir son petit voisin, nous revenons aux jours sombres de la souffrance humaine ainsi qu’à l’instabilité et aux conflits internationaux plus larges, a mis en garde le représentant avant d’appeler « encore une fois » la Fédération de Russie à mettre fin à son invasion illégale de l’Ukraine et à en retirer ses forces.

Face à cette menace, le représentant du Royaume-Uni a appelé à tout faire pour éviter l’escalade nucléaire.  Le TNP reste une pierre angulaire de l’architecture sécuritaire mondiale, a souligné le représentant, et la seule voie vers notre objectif commun de désarmement nucléaire complet.  La déclaration faite par le P5 concernant des garanties de sécurité pour les États non dotés d’armes nucléaires au début de cette année a été un signal important de notre volonté de réduire les risques et de renforcer la confiance, a déclaré le représentant, en invitant à continuer à créer et à préserver un espace et des canaux de dialogue pour instaurer la confiance et réduire les risques d’erreur de calcul.  Il a réitéré que le Royaume-Uni reste résolument attaché aux objectifs du TNP et à la coopération avec d’autres États pour assurer sa mise en œuvre ainsi que celle d’autres traités.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a estimé que la communauté internationale doit jouer un rôle plus actif dans la prévention des crises et dans la recherche des moyens visant à faciliter les réponses précoces.  Afin de réaliser une paix durable, elle a affirmé que nous devons parler à tous les acteurs impliqués dans tout conflit.  L’inclusion pleine et significative des femmes est cruciale à cet égard, a-t-elle ajouté.  La représentante a relevé que la rivalité entre grandes puissances met la pression sur l’architecture multilatérale du désarmement.  De nouveaux systèmes d’armes sont en effet en cours de développement et déployés, et les défis de la prolifération se multiplient, a souligné la déléguée.  Pourtant, le TNP a contribué à préserver la sécurité mondiale depuis plus d’un demi-siècle, a-t-elle observé.  C’est la pierre angulaire de nos efforts pour débarrasser le monde des armes nucléaires, a-t-elle affirmé, en demandant que la communauté internationale saisisse l’occasion de la Conférence d’examen en cours pour réaffirmer son engagement envers le Traité.  Elle a également fortement préconisé l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  Les défis auxquels nous sommes confrontés exigent une réponse holistique et inclusive, a—t-elle conclu, ajoutant que nos efforts doivent être coordonnés entre les trois piliers de l’ONU: paix et sécurité, droits de l’homme et développement.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a constaté que sept décennies après l’adoption de la Charte des Nations Unies, les pays recommencent à envisager la menace et l’emploi de la force sur la scène internationale.  Pour promouvoir la sécurité commune par le dialogue et la coopération, le représentant a fait cinq recommandations, en premier le renforcement du multilatéralisme pour qu’il réponde aux besoins de tous et non aux souhaits de quelques pays puissants ou influents.  Dans les circonstances actuelles, il est nécessaire d’engager un processus consensuel pour que les États Membres renouvellent leur engagement à l’égard des buts et principes de la Charte des Nations Unies, a exigé le représentant.

Reconnaissant que les États les plus puissants peuvent avoir des préoccupations en matière sécuritaire, le délégué a dit qu’elles ne peuvent en aucun cas prévaloir sur celles d’autres États.  Il faut en outre œuvrer assidûment à la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires.  Cette exigence demande de renforcer le dialogue et la coopération afin que des succès tels que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), puissent être mis à profit.  S’agissant des confits dans certaines parties du continent africain, les armes légères et de petit calibre entre les mains de groupes terroristes et extrémistes violents ont en fait été utilisées comme armes de destruction massive, a dénoncé le représentant.  Ces menaces à la sécurité ne peuvent être laissées aux seuls acteurs régionaux et nationaux.  Le fardeau doit être réparti équitablement et des efforts et des investissements renouvelés doivent être consentis pour accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable, a-t-il déclaré.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a concédé que presque personne ne peut être satisfait de la situation internationale, faisant référence à la crise profonde de sécurité actuelle.  Presque toutes les institutions sur lesquelles elle s’appuyait se sont dégradées, le niveau de confiance entre les principaux acteurs internationaux a chuté à un niveau critique, a-t-il noté en estimant que, plus que jamais, il est important de comprendre pourquoi.  Regrettant que les pays occidentaux expliquent de tels problèmes depuis au moins 200 ans en blâmant la Russie pour tout, il a fait un bilan des faits depuis la fin des années 80, quand la communauté internationale avait de bonnes raisons d’espérer que la guerre « froide » avec course aux armements et menace d’un affrontement à grande échelle entre superpuissances étaient derrière nous.  Rappelant que cela a été possible avant tout grâce à l’URSS, puis la Russie, qui ont radicalement changé de cap en réagissant aux promesses et assurances des pays occidentaux, le représentant s’est rappelé qu’on avait dit à la Russie que l’OTAN ne tirerait aucun avantage unilatéral du changement de situation en Europe.  On avait promis à son pays un partenariat égal basé sur la confiance, la transparence et la prise en compte mutuelle des préoccupations de sécurité, qui incluait la promesse de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est, a-t-il ajouté.  

Pour le représentant, il est devenu clair que la Russie a été trompée de manière triviale et sans vergogne, et que ni les États-Unis ni leurs alliés n’ont tenu leurs promesses.  Il a regretté qu’il ne soit plus question d’un partenariat égal et que les pays occidentaux aient même profité des problèmes économiques et politiques de son pays pendant la période de transition, en déclarant que la Russie était le perdant de la guerre froide, et que le perdant « ne peut rien réclamer ».  Les membres de l’OTAN ont presque immédiatement oublié leurs promesses de ne pas accroître leur présence militaire en Europe et de ne pas déplacer les infrastructures militaires aux frontières de la Russie, a-t-il encore regretté en affirmant que depuis 30 ans, la Russie a patiemment essayé de se mettre d’accord avec l’OTAN sur les principes d’une sécurité égale et indivisible dans la zone euro-atlantique.  Cependant, en réponse à ses propositions, elle n’a reçu que « des mensonges cyniques et des tentatives de pression et de chantage », a-t-il déploré, alors que l’OTAN poursuivait son expansion constante, rapprochant son infrastructure militaire des frontières russes, notamment en déployant des systèmes de défense antimissiles et des armes offensives.  Tout cela a créé une menace réelle pour la sécurité nationale de notre pays, a soutenu le représentant en rappelant que dès 2007, à la Conférence de Munich sur la sécurité, le Président russe avait appelé l’OTAN à abandonner cette voie dangereuse de la confrontation.  Ces avertissements n’ont pas été entendus et acceptés en Occident, a constaté le délégué.

Il a rappelé que dès 2001, Washington avait annoncé son retrait unilatéral du Traité sur les systèmes antimissiles balistiques sous le prétexte farfelu qu’il était « dépassé » et ne répondait plus aux réalités modernes; que les États-Unis se sont aussi retirés unilatéralement du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire; qu’ils continuent de refuser de ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et qu’en 2020, les États-Unis se sont retirés unilatéralement du Traité « Ciel ouvert ».  Le représentant a affirmé que le démantèlement de chacun des outils de contrôle des armements mentionnés est le fruit d’actions délibérées des États-Unis.  

En décembre de l’année dernière, a-t-il poursuivi, nous avons fait une dernière tentative pour sauver le système de sécurité européen.  Il a fait référence à la série de propositions que la Russie a faite aux États-Unis et à l’OTAN sur les mesures de confiance et de sécurité dans la région euro-atlantique, notamment pour que les États-Unis concluent un accord sur des garanties de sécurité mutuellement contraignantes qui tiendrait compte des préoccupations des deux parties dans ce domaine et ramènerait les relations entre l’OTAN et la Russie à celles de 1997, lorsque l’Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et la Fédération de Russie avait été signé.  Un accord similaire a été envoyé à l’OTAN, a-t-il précisé en expliquant que ces propositions étaient fondées sur le principe de la sécurité commune et indivisible.  « C’est le principe fondamental des relations internationales civilisées », un principe consacré dans un certain nombre de documents fondamentaux de l’OSCE, « mais nos collègues américains n’ont pas voulu le confirmer », a-t-il dit.  Il a regretté que les États-Unis et les alliés aient simplement refusé d’en discuter et préféré l’escalade au règlement diplomatique, faisant ainsi éclater une crise dans l’espace européen avec des conséquences historiques.  Selon le représentant, la raison pour laquelle l’Occident a délibérément détruit le système de la sécurité européenne pendant toutes ces années est que le système des « freins et contrepoids », l’équilibre des intérêts, a cessé de répondre à leurs aspirations hégémoniques de forcer le monde entier à travailler et adopter les modes de vie des pays occidentaux.  La sécurité collective est incompatible avec la coercition et l’hégémonie, a tranché le délégué.  

S’agissant du conflit en Ukraine, il a reproché aux pays occidentaux d’avoir cyniquement fermé les yeux sur la propagation de l’idéologie néonazie, les massacres d’habitants du Donbass et les violations du droit international humanitaire par les forces armées ukrainiennes et les bataillons nationaux.  Il a affirmé que ces dernières semaines, « les patrons occidentaux de l’Ukraine » ont aidé Kiev dans ses tentatives de « chantage nucléaire », ignorant le bombardement de la centrale nucléaire de Zaporojie par les forces armées ukrainiennes.  Il a remarqué que lors de la réunion du Conseil de sécurité convoquée par la Russie la semaine dernière sur ce sujet, pas une seule délégation occidentale n’était déterminée à appeler un chat un chat et à appeler Kiev à arrêter ces actions dangereuses qui pourraient conduire à une catastrophe radioactive sur le continent européen.  Il a indiqué avoir d’ailleurs demandé une autre réunion urgente en rapport avec les provocations en cours des forces armées ukrainiennes contre cette centrale.

Évoquant ensuite « l’aventure américaine vis-à-vis de Taïwan », il l’a considérée comme une provocation soigneusement planifiée et comme une démonstration effrontée d’un manque de respect pour la souveraineté des autres pays et des obligations internationales, arguant que la région Asie-Pacifique est devenue partie intégrante d’une stratégie américaine délibérée de déstabilisation de la situation dans les régions du monde où se trouvent des États poursuivant une ligne politique indépendante.  Il a aussi accusé les pays occidentaux de politisation à la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération, les accusant de placer leurs intérêts géopolitiques visant à « punir » la Russie au-dessus des besoins collectifs pour renforcer la sécurité mondiale.  

Pour sa part, la Russie reste en principe ouverte à la coopération pour réduire les tensions, arrêter la course aux armements et minimiser les risques stratégiques, a-t-il fait savoir.  Cependant, cela nécessite que « nos collègues occidentaux s’y intéressent également et, jusqu’à présent, nous ne voyons pas un tel intérêt de leur part ».  Réduire les tensions dans le monde, surmonter les menaces et les risques dans la sphère militaro-politique n’est possible qu’en renforçant le système multipolaire fondé sur le droit international, les principes de la Charte des Nations Unies et l’égalité souveraine des États, a martelé le représentant y voyant la seule alternative réelle et efficace à l’hégémonie et au « droit du plus fort ».  Nous sommes prêts à participer activement à un travail commun pour construire un monde véritablement démocratique dans lequel les droits de toutes les nations seront garantis, ainsi que leurs intérêts en matière de sécurité et la diversité culturelle et civilisationnelle, a-t-il déclaré en estimant qu’il est important de le faire malgré l’opposition farouche des États-Unis et de leurs alliés.

Mme CÁIT MORAN (Irlande) a constaté à regret une instabilité mondiale et régionale croissante, exacerbée, cette année, par l’agression militaire « injustifiée et illégale » de la Russie contre l’Ukraine.  Aucun pays –même le plus puissant– ne peut espérer s’attaquer seul aux causes profondes des conflits et aux défis mondiaux complexes, a-t-elle rappelé.  Pour relever collectivement les défis complexes et interconnectés auxquels nous faisons face, nous devons donc avoir une réponse holistique et inclusive, axée sur les trois piliers de l’ONU - paix et sécurité, droits de l’homme et développement, a estimé la représentante.  Elle a ensuite identifié trois domaines dans lesquels des possibilités de coopération se profilent afin de soutenir la paix.  Premièrement, il faut s’éloigner de la position « par défaut » consistant à réagir après qu’une crise a éclaté et se montrer plus proactifs en matière de prévention.  Deuxièmement, a poursuivi Mme Moran, il faut reconnaître que le désarmement et le contrôle efficace des armes sont plus vitaux que jamais.  Dans ce contexte, il est de notre responsabilité collective de prioriser le désarmement nucléaire, a souligné la déléguée.  Troisièmement, il faut veiller à ce que notre approche de la paix et de la sécurité soit fondée sur les droits humains et soit inclusive, en particulier des plus vulnérables, a-t-elle encore fait valoir, affirmant que le soutien aux artisans de la paix locaux, en particulier les femmes et les jeunes, est essentiel pour trouver des solutions locales et durables aux conflits.  

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a constaté qu’au vu des défis auxquels le monde est confronté aujourd’hui, il est impossible d’y répondre au moyen de systèmes et structures de gouvernance obsolètes.  Selon elle, la sécurité commune n’est possible que lorsque les pays respectent leur souveraineté et leur intégrité territoriale.  La sécurité commune n’est également possible que lorsque tous les pays agissent ensemble contre des menaces communes telles que le terrorisme, et ne privilégient pas le « deux poids, deux mesures » tout en prêchant autre chose.  La sécurité commune est également possible uniquement si les pays respectent les accords signés avec d’autres États, sur un plan bilatéral ou multilatéral, et ne prennent pas de mesures unilatérales pour annuler ces arrangements auxquels ils étaient parties.

Pour la représentante, la réunion d’aujourd’hui est un moment opportun pour engager une discussion sur l’appel de l’Inde à un multilatéralisme réformé, au cœur duquel réside la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU.  Un organe fondé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et qui continue de refléter, 77 ans plus tard, la prémisse fondamentalement erronée selon laquelle le « butin appartient aux vainqueurs ».  Comment pouvons-nous aspirer à la sécurité commune, alors que le Grand Sud continue de se voir refuser une représentation à sa mesure dans le cadre de son processus de prise de décisions? a-t-elle demandé.  Comment expliquer le fait que les Africains n’ont pas de représentation permanente au sein du Conseil de sécurité, bien que la majorité des questions traitées par cet organe concernent leur continent? a-t-elle encore lancé.  Un Conseil de sécurité véritablement représentatif est une priorité, a-t-elle souligné.  Sinon, il y a un réel danger que l’ONU soit supplantée par d’autres regroupements plurilatéraux et multilatéraux davantage représentatifs, transparents et démocratiques, et donc plus efficaces, a-t-elle mis en garde.  Dans mon pays, qui représente aujourd’hui plus du sixième de l’humanité, nous croyons que tant que nous n’aurons pas « réformé, exécuté et transformé » les structures de gouvernance multilatérale, il y aura toujours des problèmes, a-t-elle conclu.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dit être préoccupé par les menaces à la paix et la sécurité internationales et à l’érosion des normes fondamentales établies avec la création de l’ONU.  L’invasion russe de l’Ukraine est une violation flagrante de cette obligation, a-t-il fait observer en soulignant que cette guerre de choix pose des questions urgentes pour tous: « Les règles sont-elles importantes?  La souveraineté a-t-elle un sens?  Voulons-nous un ordre international fondé sur des règles ou le chaos?  Que reste-t-il du dialogue et de la coopération face à une invasion non provoquée? »  Pour le représentant, la réponse à ces questions définira l’avenir du multilatéralisme avec l’ONU en son cœur.  Notre réponse commune déterminera si nous respectons le droit international ou si nous cédons aux grandes puissances et à leurs appétits impériaux sur leurs voisins, si nous restons les bras croisés et acceptons que la puissance dicte le droit, a-t-il analysé.  Il a prévenu que les erreurs commises dans le passé ne donnent à personne, et à aucun État, un crédit à utiliser pour faire de même.  Selon lui, ce qui se passe en Ukraine ne concerne pas seulement ce pays et ses citoyens: il concerne l’ensemble du continent européen, et tout le monde.  

Réitérant que le Traité sur la non-prolifération reste la fondation du régime de désarmement nucléaire, le délégué a déclaré que les actions de la Russie, y compris sa décision de placer ses forces de dissuasion nucléaire en état d’alerte maximale et « le cliquetis continu de la menace nucléaire » vont à l’encontre de la coopération, sapent la confiance et menacent la paix.  L’occupation et la militarisation de la centrale nucléaire de Zaporijia constituent une menace imminente, défiant toutes les garanties et protocoles de sûreté de l’AIEA, a-t-il dénoncé.  Le représentant a appelé la Russie à retirer ses forces militaires et à mettre en place un périmètre de sécurité immédiat autour de la centrale nucléaire.  Pour ce qui est de la pandémie et des changements climatiques, il a dit soutenir le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général qui met l’accent sur le renforcement des droits humains et des libertés, ainsi que sur le droit international, avec une approche globale et intégrée de la paix et de la sécurité, y compris en s’attaquant aux défis des changements climatiques.  Il faut faire mieux et faire plus en investissant dans la prévention plutôt que dans la lutte contre les symptômes, a-t-il prescrit en recommandant avant tout le dialogue et la coopération.  

Pour M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique), la dixième Conférence d’examen du TNP, qui se tient actuellement, pourrait être l’occasion d’avancer vers l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires.  Cependant, la lenteur des progrès et le manque de volonté politique, en particulier de la part des États dotés d’armes nucléaires de parvenir à des accords permettant d’atteindre cet objectif sont une source de préoccupation.  Nous avons encore le temps d’inverser cette tendance, a estimé le représentant, en rappelant l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice de 1996 sur l’article VI du TNP, qui stipulait qu’« il existe une obligation des États possédant des armes nucléaires de poursuivre de bonne foi et mener à bien les négociations en vue du désarmement nucléaire sous tous ses aspects sous un contrôle international strict et efficace ».  

Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont été les premiers à établir une zone exempte d’armes nucléaires par le biais du Traité de Tlatelolco.  C’est ce même esprit de coopération que le Mexique souhaite voir se manifester dans les pourparlers sur le Plan d’action global commun relatif au programme nucléaire iranien.  La sécurité de la péninsule coréenne est également un sujet de grande préoccupation à ses yeux, le représentant dénonçant la paralysie du Conseil sur cette question à cause d’un double veto.  Il a appelé les États qui ont la plus grande responsabilité à ne ménager aucun effort pour reprendre le chemin du dialogue et de la coopération.  Le délégué a également réitéré l’appel sans équivoque du Mexique pour mettre fin à la guerre en Ukraine, en soulignant que la population civile a payé le coût énorme de cette intervention militaire.  Il faut également mettre fin aux activités militaires autour de la centrale nucléaire de Zaporijia et parvenir à un accord qui permette la démilitarisation de la zone, afin que les inspecteurs de l’AIEA puissent y effectuer les inspections techniques qui s’imposent, a souhaité le représentant.

Avant de conclure, il a fait valoir que la paralysie du Conseil sur certaines questions mine la légitimité des mécanismes de sécurité collective et accroît le déficit de confiance –qui existe déjà dans l’opinion publique– par rapport à la pertinence et à l’efficacité du multilatéralisme.  Cette perception ne changera pas si nous ne démontrons pas par des actions concrètes que la communauté internationale, et en particulier ce Conseil, est capable de trouver des solutions à des problèmes communs, a conclu le délégué.

M. ZHANG JUN (Chine) a appelé à donner un plus grand rôle au Conseil de sécurité, rappelant que la Charte prévoyait de préserver l’humanité du fléau de la guerre, ce qui n’a pas été fait.  Il a indiqué qu’aucun pays ne peut renforcer sa sécurité au détriment de celle des autres.  La sécurité est donc indivisible, et si on ne respecte pas ce principe fondamental, alors on ne parviendra pas à la paix, a-t-il conclu.  Il a appelé à trouver le moyen de régler les différends par le dialogue, en lieu et place d’un retour à la mentalité de la guerre froide; aux jeux à somme nulle et à la logique des blocs.  Le délégué a évoqué les problèmes relatifs à l’élargissement de l’OTAN vers l’Est.  Il a rappelé que le Président chinois a lancé une initiative de paix commune, grâce à des mesures concrètes pour contribuer à préserver les générations futures de la guerre.  Partisan du principe du respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, le représentant a estimé qu’il faut également rejeter le « deux poids, deux mesures » ou revenir sur les promesses faites dans le but de préserver ses propres intérêts, a-t-il analysé.  Il a invoqué à l’appui de ses propos les échecs « des expériences de l’Afghanistan, de l’Iran et de la Syrie », de même que l’ingérence dans les affaires d’États tiers sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme.  

Pour le représentant, le régime de non-prolifération est confronté à ses plus grandes difficultés depuis son entrée en vigueur.  Dans ce contexte, les pays possédant les plus grands nombres d’ogives nucléaires doivent réduire de manière irréversible leurs arsenaux, ce qui permettra à d’autres États détenteurs de leur emboîter le pas.  En janvier dernier, cinq États dotés ont rendu publique une déclaration conjointe pour dire qu’une guerre nucléaire ne doit pas être menée, a-t-il rappelé.  La Chine a toujours plaidé pour l’élimination des armes nucléaires et s’est engagée à ne pas les utiliser en premier ou à menacer d’en faire usage.  Il s’agit du seul parmi ces cinq États à avoir pris un tel engagement, a insisté le délégué, en invitant les autres à suivre son exemple.  Enfin, il a souligné la nécessité de renforcer la confiance envers les organes onusiens et de préserver l’efficacité du Conseil de sécurité.

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