Les exigences de la lutte contre le terrorisme examinées par les membres du Conseil de sécurité, à la lumière notamment des évolutions de Daech
Le Chef du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies a affirmé ce matin devant le Conseil de sécurité que, malgré sa défaite territoriale et les pertes subies par son leadership, Daech continue de représenter une menace pour la paix et la sécurité internationales, une menace qui n’a cessé de croître depuis le début de la pandémie de COVID-19. Le Secrétaire général adjoint Vladimir Voronkov présentait le quinzième rapport du Secrétaire général sur la menace terroriste et sur l’action menée par l’ONU pour aider les États Membres à la contrer.
Pour affiner cette lutte, le haut fonctionnaire a tout d’abord recommandé d’acquérir une meilleure compréhension et de faire un suivi continu de Daech, ce qui exige un renforcement de la coopération internationale et régionale, notamment par le partage d’informations. Une autre manière de lutter contre ce terrorisme, a-t-il ajouté, est de résoudre les conflits dans lesquels Daech et Al-Qaida prospèrent. De même, pour se débarrasser de ce fléau sur le long terme, il a appelé à s’attaquer aux vulnérabilités, griefs sociétaux et inégalités exploités par le groupe, sans oublier la protection des droits humains et le respect de l’état de droit.
Selon son compte rendu, Daech et ses affiliés continuent d’exploiter les restrictions liées à la pandémie et de se servir des espaces numériques pour intensifier le recrutement et attirer des ressources. M. Voronkov a chiffré à « entre 25 et 50 millions de dollars » les actifs que les dirigeants de Daech parviennent à mobiliser. L’an dernier, a-t-il poursuivi, le groupe a augmenté de manière significative l’utilisation de systèmes aériens sans pilote, notamment dans le nord de l’Iraq. Sur le plan territorial, il a expliqué que Daech se déploie non seulement en Iraq et en Syrie, à travers des « bureaux », mais aussi en Afghanistan, en Somalie et dans le bassin du lac Tchad, avec des cellules très actives. L’Afrique, en particulier, a suscité son inquiétude et celle des membres du Conseil, car la situation s’y est encore détériorée depuis le dernier rapport du Secrétaire général.
Un autre exposé est venu éclairer le Conseil sur le risque couru par le continent africain, celui de M. Martin Ewi, chercheur à l’Institut d’études de sécurité, pour qui l’Afrique pourrait devenir « un califat ». Il a dénombré au moins 20 pays africains ayant subi directement une activité de Daech et plus de 20 autres utilisés comme base logistique ou de collecte de fonds. À ce jour, aucune des cinq régions géopolitiques africaines n’est épargnée, a-t-il constaté. Si, comme il l’a précisé, le terrorisme en Afrique est plus ou moins une lutte pour les ressources naturelles, le fléau se propage aussi du fait de la frustration des populations, en particulier des jeunes, face aux injustices mondiales. M. Ewi a aussi fustigé la « politique de l’autruche » des dirigeants africains qui n’ont jamais actionné les mécanismes d’alerte précoce. Le chercheur a également imputé le phénomène à la pratique du « deux poids, deux mesures » de la communauté internationale. Si celle-ci a formé la Coalition internationale contre Daech en Syrie et en Iraq, elle n’a rien fait quand le terrorisme s’est propagé en Afrique, a-t-il pointé.
Ce même sentiment a été partagé par des membres du Conseil, à l’instar de la Chine qui a accusé certains pays de « fermer les yeux sur certaines organisations terroristes » ou de les « utiliser à des fins géopolitiques ». Ce qui a fait dire au Ghana qu’« il n’y a pas de bons et de mauvais terroristes », avant que le Kenya n’appelle le Conseil de sécurité à rester uni et impartial en déployant sa lutte antiterroriste, y compris au sujet des régimes de sanctions imposées aux groupes terroristes. Dans cette même lancée, l’Inde a marqué sa surprise de voir que le rapport du Secrétaire général ait choisi de ne pas tenir compte des activités de plusieurs groupes interdits dans sa région, en particulier ceux qui ont ciblé son pays à plusieurs reprises. Faisant le même constat, la Fédération de Russie a prévenu que la coopération multilatérale et bilatérale de son pays ne se poursuivra qu’avec ceux qui ont vraiment l’intention de combattre les terroristes, et en aucun cas avec ceux qui veulent « les recycler et les parrainer ».
« Le terrorisme n’existe pas dans le vide », a rappelé pour sa part le Directeur exécutif par intérim de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), qui a vu dans la série actuelle de défis mondiaux un risque d’aggravation de la menace et une complication pour les réponses antiterroristes. M. Weixiong Chen a d’ailleurs repris le constat de M. António Guterres qui voit la crise alimentaire mondiale comme un catalyseur supplémentaire à la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent. M. Voronkov a, lui aussi, réitéré les appels du Secrétaire général aux États pour qu’ils rapatrient leurs ressortissants détenus dans les prisons syriennes, notamment les ex-combattants de Daech et les membres de leur famille. Sans cela, « la radicalisation et le recrutement en milieu carcéral continueront d’alimenter les réseaux de la terreur », a prévenu le Brésil.
« C’est une crise des droits humains », a tranché la délégation des États-Unis en se disant prête à aider les États souhaitant rapatrier leurs ressortissants. Sur le plan judiciaire, la France a estimé que tous les terroristes doivent être jugés aussi près que possible du lieu où leurs crimes ont été commis, là où les preuves de leurs actes peuvent être trouvées et où les victimes pourront recevoir réparation. De son côté, le Mexique a salué le fait que le rapport du Secrétaire général aborde, pour la première fois, la question de la masculinité dans le phénomène terroriste. Pour sa part, l’Irlande a encouragé le Chef de l’ONU, qui prépare un rapport sur les moyens de renforcer les droits humains et l’égalité des sexes dans les efforts du système des Nations Unies contre le terrorisme, à promouvoir une large consultation avec les États Membres, les entités du Pacte mondial des Nations Unies et la société civile. Le système des Nations Unies a d’ailleurs été invité, par les Émirats arabes unis, à ne plus utiliser l’expression « État islamique » dans leur référence à Daech, et à empêcher l’exploitation de la religion par d’autres groupes terroristes.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME (S/2022/576)
Déclarations liminaires
M. VLADIMIR VORONKOV, Secrétaire général adjoint chargé du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies, a présenté le quinzième rapport du Secrétaire général de l’ONU sur les menaces que représente Daech pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’ONU pour aider les États Membres à contrer cette menace. Il a relevé que malgré sa défaite territoriale et les pertes subies par son leadership, Daech continue de représenter une menace pour la paix et la sécurité internationales, une menace qui n’a cessé de croître depuis le début de la pandémie de COVID-19. En effet, a-t-il noté, Daech et ses affiliés continuent d’exploiter les restrictions liées à la pandémie et de se servir des espaces numériques pour intensifier les efforts de recrutement de sympathisants et attirer des ressources. Le groupe a également augmenté de manière significative l’utilisation de systèmes aériens sans pilote au cours de l’année dernière, y compris dans le nord de l’Iraq. Daech a réussi à le faire en partie en recourant à une structure interne largement décentralisée, a-t-il précisé, évoquant des « bureaux » fonctionnant non seulement en Iraq et en Syrie, mais aussi en dehors de la zone centrale du conflit, avec des cellules parmi les plus actives en Afghanistan, en Somalie et dans le bassin du lac Tchad. Une meilleure compréhension et un suivi continu de cette structure sont indispensables pour contrer et prévenir la menace posée par Daech, a-t-il recommandé, soulignant combien est crucial à cet égard le renforcement de la coopération internationale et régionale, y compris par le biais de mécanismes de partage d’informations.
M. Voronkov a affirmé que la menace posée par Daech et ses affiliés demeure plus élevée dans les sociétés touchées par un conflit. Ainsi, la frontière entre l’Iraq et la Syrie reste très vulnérable avec, selon les estimations, jusqu’à 10 000 combattants opérant dans la région. À partir de là, le groupe a lancé en avril une campagne opérationnelle renforcée pour venger les hauts dirigeants tués dans des opérations antiterroristes. Venant à l’Afghanistan, M. Voronkov a signalé que le nombre d’attentats revendiqués ou attribués à la filiale locale de Daech a diminué. Cependant, depuis que les Taliban ont pris le contrôle du pouvoir l’an dernier, la présence du groupe s’est étendue au nord-est et à l’est du pays.
En Afrique, la situation s’est encore détériorée depuis le dernier rapport du Secrétaire général, avec l’expansion de Daech dans le centre, le sud et l’ouest du continent, a poursuivi le Secrétaire général adjoint. Il a indiqué à cet égard qu’une filiale de Daech en Ouganda a élargi sa zone d’opérations en République démocratique du Congo (RDC), tandis qu’un autre groupe affilié, après avoir été affaibli par une action militaire l’année dernière, a intensifié ses attaques à petite échelle dans la province du Cabo Delgado, au Mozambique. Cette expansion touche également des pays qui avaient jusqu’à récemment été largement épargnés par des attaques, tels que des pays riverains du golfe de Guinée, a-t-il précisé. Selon le Secrétaire général adjoint, l’impact potentiel des défis liés au climat et l’insécurité alimentaire mondiale constituent une préoccupation particulière en Afrique de l’Ouest, notamment au Sahel où ces facteurs peuvent exacerber les fragilités et alimenter davantage les conflits locaux, ce qui pourrait catalyser la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent. Bien que leur présence et leur activité soient observées principalement dans les sociétés touchées par les conflits, Daech et ses affiliés cherchent également à inspirer ou attaquer directement des zones non conflictuelles pour susciter la peur, a dit le haut fonctionnaire.
En Europe, Daech a appelé ses sympathisants à porter des attaques en exploitant l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie et au conflit en Ukraine. Malgré la persistance de la menace, les efforts conjoints des États Membres continuent d’obtenir des résultats positifs, a dit M. Voronkov. Ainsi, Daech et ses affiliés continuent de souffrir d’importantes pertes de ses dirigeants, y compris la perte du chef de Daech en février. Côté financement, alors que les dirigeants de Daech parviennent toujours à mobiliser entre 25 et 50 millions de dollars d’actifs, ce montant est beaucoup moins important que les estimations d’il y a trois ans, a encore rapporté le haut fonctionnaire.
M. Voronkov a également salué le rapatriement par le Gouvernement d’Iraq de plus de 2 500 Iraquiens bloqués dans des camps et autres installations dans le nord-est de la Syrie, ainsi que les rapatriements menés par le Tadjikistan et la France le mois dernier de respectivement 146 et 51 femmes et enfants. Il s’est néanmoins dit profondément préoccupé par le peu de progrès réalisés jusqu’à présent dans le rapatriement des combattants terroristes étrangers et les membres de leur famille. Il a rappelé que des dizaines de milliers de personnes, dont plus de 27 000 enfants d’Iraq et d’une soixantaine de pays, restent soumis à d’énormes contraintes de sécurité et des difficultés humanitaires. Il a averti que ces enfants, qui n’ont pas choisi d’être là, sont privés des droits fondamentaux et courent un risque réel de radicalisation et de recrutement. Il a jugé impératif que les États Membres réalisent les conséquences sur le long terme de l’absence de mesures pour remédier à cette situation dangereuse. Enfin, M. Voronkov a affirmé que la persistance de la menace posée par Daech ainsi l’ampleur des défis qu’elle pose soulignent l’importance des mesures non militaires pour contrer le terrorisme et faire face à ses conséquences. De même, résoudre les conflits dans lesquels Daech et Al-Qaida prospèrent est nécessaire pour créer les conditions de leur défaite. Mais si nous devons nous débarrasser de ce fléau, il faut aussi s’attaquer aux vulnérabilités, griefs sociétaux et inégalités exploités par le groupe en premier lieu, ainsi que promouvoir et protéger les droits humains et l’état de droit, a-t-il conclu.
M. WEIXIONG CHEN, Directeur exécutif par intérim de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), a rappelé que la menace posée par Daech et ses affiliés reste mondiale et toujours en évolution. Il a prévenu que, malgré ses récentes pertes au niveau du leadership, Daech continue de profiter des conditions propices à la propagation du terrorisme pour recruter ainsi que pour organiser et exécuter des attaques complexes. La stratégie de Daech, a-t-il précisé, se base sur l’exploitation des fragilités liées aux conflits, notamment en Iraq, en République arabe syrienne et sur tout le continent africain. Il s’est d’ailleurs inquiété pour la situation en Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest et du Centre et au Mozambique. « Le terrorisme n’existe pas dans le vide », a observé le Directeur en expliquant que la série actuelle de défis mondiaux risque de compliquer les réponses antiterroristes et d’aggraver la menace posée par Daech et d’autres groupes terroristes. Il a cité le Secrétaire général qui voit la crise alimentaire mondiale comme un catalyseur supplémentaire à la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent propice au terrorisme.
La DECT a continué à mettre en œuvre son mandat en soutenant les États Membres dans leur mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil, a poursuivi le Directeur en se félicitant qu’elle ait pu cette année reprendre ses visites d’évaluation sur place au nom du Comité contre le terrorisme (CCT), après deux ans de formats virtuels et hybrides. « Nous avons également continué d’analyser les questions émergentes, les tendances et les développements et avons publié plusieurs produits d’analyse et de recherche à cet égard. » Le Directeur a ainsi cité le rapport synthétisant les consultations approfondies de la DECT avec les organisations de la société civile africaine sur les tendances et les développements clefs en rapport avec Daech en Afrique, une étude sur l’interdépendance entre les cadres antiterroristes et le droit international humanitaire, un rapport conjoint avec l’International Peace Institute (IPI) sur la relation entre les masculinités et l’extrémisme violent propice au terrorisme, et plus récemment, une étude des liens entre l’exploitation, le commerce et le trafic des ressources naturelles et le financement du terrorisme. Le DECT, a-t-il ajouté, a également travaillé en étroite coordination et coopération avec le Bureau de lutte contre le terrorisme et d’autres partenaires clefs pour soutenir une série d’activités de renforcement des capacités, sur la base des recommandations du CCT.
Le Directeur a prévenu que le seul moyen de contrer une menace terroriste mondiale comme Daech est de renforcer le multilatéralisme, la coopération internationale et la solidarité mondiale. Il a prôné une approche globale, coordonnée et « pan-onusienne » pour élaborer et mettre en œuvre des mesures antiterroristes efficaces, avec des stratégies et mesures « adaptées, sensibles à l’âge et au genre et conformes aux droits humains ». La DECT, a-t-il assuré, reste déterminée à aider le Conseil, le Comité et les États Membres dans ces efforts tout en accélérant la coopération et la collaboration avec les parties prenantes. Il a conclu son intervention en annonçant la prochaine réunion spéciale du CCT sur l’utilisation des technologies émergentes à des fins terroristes et antiterroristes, qui se tiendra du 28 au 30 octobre 2022 à New Delhi et à Mumbai, en Inde.
M. MARTIN EWI, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (Institute for Security Studies - ISS), a expliqué pourquoi la menace posée par Daech en Afrique s’accroît de jour en jour et pourquoi le continent n’est pas seulement une plaque tournante mais pourrait devenir un califat. La notion de califat, a-t-il dit, était traditionnellement définie en termes de contrôle d’un territoire où les partisans trouvaient une sorte de patrie. Aujourd’hui, elle se définit de plus en plus en termes virtuels, comme l’endroit d’où les affiliés opèrent. La présence de Daech en Afrique est préoccupante. Au moins 20 pays africains ont subi directement une activité ou une autre de Daech et plus de 20 autres sont utilisés comme base logistique et base de collecte de fonds et autres ressources. L’on voit, a poursuivi le chercheur, des hubs régionaux qui deviennent des couloirs d’instabilité. Le bassin du lac Tchad est toujours la plus grande zone d’opération de Daech, le Sahel, en particulier la région du Liptako Gourma, est ingouvernable, et la Somalie reste le point chaud de la Corne de l’Afrique. Plus au sud, l’ADF reste une menace et les affiliés de Daech ont fait de certaines régions de la République démocratique du Congo (RDC) et du Mozambique des « abattoirs humains ». À ce jour, aucune des cinq régions géopolitiques africaines n’est épargnée, compte tenu du succès des filiales locales de Daech.
En Afrique, a encore expliqué le chercheur, le terrorisme est plus ou moins une lutte pour les ressources naturelles. Les groupes peuvent ainsi s’autofinancer et vendre le produit de leur exploitation illicite. Mais il ne faut pas oublier que la propagation du terrorisme est, a prévenu M. Ewi, l’illustration de la frustration des populations, en particulier des jeunes, face aux injustices mondiales. Cette propagation résulte également de la pauvreté et du chômage mais aussi de la capacité de Daech de travailler avec d’autres groupes terroristes et criminels, en particulier Al-Qaida.
Le chercheur a également imputé le phénomène aux doubles standards de la communauté internationale. Si elle a formé une Coalition internationale contre Daech en Syrie et en Iraq, cette même communauté internationale n’a rien fait quand le terrorisme s’est propagé en Afrique. M. Ewi a aussi fustigé la « politique de l’autruche » des dirigeants africains qui n’ont jamais actionné les mécanismes d’alerte précoce. Il n’a pas manqué de dénoncer, dans ce cadre, le recours aux stratégies militaristes sous-équipées et sous-financées, sans résultats concrets, à part des souffrances humaines indicibles et des violations des droits de l’homme. En dernier lieu, M. Ewi a mis en garde contre le manque de collaboration entre les services chargés des luttes contre la criminalité organisée et contre le terrorisme, alors que les liens entre ces deux phénomènes sont établis.
Que doit faire le Conseil de sécurité? Adopter une stratégie globale contre Daech, Al-Qaida mais aussi les groupes criminels, mobiliser des équipements et des fonds pour les nombreuses opérations de soutien à la paix en Afrique et marquer sa présence sur le terrain car c’est son absence qui encourage la non-application de ses résolutions et sanctions. D’ailleurs, la plupart des terroristes ne savent même pas qu’ils sont frappés de sanctions. La solution, a conclu le chercheur, se trouve aussi au niveau communautaire, là où les terroristes manipulent les gens. Il a appelé le Conseil de sécurité à travailler plus étroitement avec l’Union africaine et les communautés économiques régionales à la création d’un centre politique de lutte contre le terrorisme, et de faire de la société civile un pont entre lui et les populations africaines.
Déclarations
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a déclaré que Daech et d’autres organisations terroristes continuent de tirer parti des conflits, des lacunes en matière de gouvernance, des troubles politiques, des inégalités socioéconomiques et des griefs de toute nature pour s’attirer des partisans et trouver les ressources pour commettre des attaques terroristes. La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour faire en sorte que les populations vulnérables rejettent ces sirènes de l’extrémisme, a-t-il mis en garde. Le représentant s’est dit d’accord avec le Secrétaire général qui, dans son rapport, souligne que la tragédie humaine résultant du califat de l’État islamique signifie aussi que des dizaines de milliers de ressortissants étrangers, principalement des femmes et des enfants, se trouvent actuellement dans des camps de déplacés, où la situation est inacceptable. « Il s’agit d’une crise des droits humains. » Le représentant a dès lors plaidé en faveur du rapatriement des combattants terroristes étrangers et des membres de leurs familles, ainsi qu’en faveur de leur jugement, réinsertion et réintégration selon que de besoin comme « meilleur moyen de faire en sorte qu’ils rendront des comptes pour les crimes commis ». Il a argué que leur rapatriement empêche aussi la poursuite de la radicalisation et de l’extrémisme violent, tout comme les mouvements incontrôlés de combattants terroristes étrangers.
Aussi le délégué a-t-il exhorté les États Membres à utiliser ou à contribuer au Cadre global pour l’appui des Nations Unies au rapatriement des nationaux de pays tiers depuis la République arabe syrienne et l’Iraq, les États-Unis se tenant prêts à aider les États Membres souhaitant rapatrier leurs ressortissants. Il a ensuite exprimé son inquiétude face à l’intensification de la menace terroriste dans différentes régions d’Afrique du fait de l’État islamique et d’Al-Qaida. Il a jugé essentiel que la communauté internationale poursuive la lutte pour empêcher ces derniers et leurs affiliés de trouver refuge, notamment en Afghanistan, où les Taliban ont foulé aux pieds l’accord de Doha et les assurances selon lesquelles ils ne permettraient pas que les terroristes utilisent le territoire afghan pour menacer la sécurité d’autres pays.
M. ODD INGE KVALHEIM (Norvège) a plaidé en faveur d’efforts de lutte contre le terrorisme qui s’inscrivent dans une stratégie politique plus large, faisant remarquer que les recruteurs d’organisations terroristes continuent de prospérer à partir de l’instabilité politique, des inégalités économiques et des violations des droits humains. Il a conseillé à la communauté internationale de porter une attention particulière aux conséquences de l’environnement géopolitique sur les leviers sous-jacents à la radicalisation. Il a noté à ce propos que la guerre en Ukraine et la pandémie de COVID-19 ont des effets déstabilisateurs sur l’économie et la sécurité alimentaire mondiales, ce qui offre un terrain fertile à la propagation des discours haineux d’entités telles que l’État islamique. Enfin, il a estimé que, pour être efficaces, les efforts de lutte contre le terrorisme des États Membres doivent être guidés par une approche préventive, une approche sensible aux causes profondes des conflits et au genre et respectueuse des droits humains.
Mme SHERAZ GASRI (France) a déclaré que si la France reste déterminée à mener le combat contre Daech sur tous les fronts, cela « aux côtés de nos partenaires régionaux et internationaux, au sein de la Coalition contre Daech ou dans le cadre de la coalition internationale pour le Sahel », la réponse de la communauté internationale ne peut pas être uniquement sécuritaire. Il faut, a-t-elle dit, traiter les causes profondes de l’extrémisme et du terrorisme. En Syrie, cela passe selon elle par une solution politique crédible, viable et inclusive, conforme aux termes de la résolution 2254 (2015), et en Iraq par la stabilisation et la reconstruction. La représentante a ensuite déploré qu’en Afghanistan, les Taliban continuent d’offrir refuge et soutien aux groupes terroristes, en particulier à Al-Qaida, trahissant ainsi les engagements qu’ils ont pris devant la communauté internationale et que ce Conseil a rappelés dans la résolution 2593 (2021), il y a presque un an. Pour ce qui est de l’Afrique, elle a en particulier encouragé le Bureau de lutte contre le terrorisme à poursuivre ses efforts d’assistance pour renforcer les capacités des États, notamment dans la région des Grands Lacs.
La représentante a par ailleurs rappelé les trois priorités de l’action antiterroriste menée par la France, qui sont la lutte contre le financement du terrorisme, la lutte contre l’utilisation abusive d’Internet par lequel les groupes terroristes diffusent leur propagande et le combat contre l’impunité pour les atrocités commises par Daech. Sur le plan judiciaire, elle a plaidé pour que tous les terroristes soient jugés aussi près que possible du lieu où leurs crimes ont été commis, là où les preuves de leurs actes peuvent être trouvées et où les victimes pourront se voir accorder une réparation pour le préjudice subi. Elle a dit que la France soutient à ce titre l’action du Fonds pour les survivants de violences sexuelles, créé par le docteur Mukwege et Mme Nadia Murad.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a relevé que si les groupes terroristes ont perdu du terrain dans d’autres parties du monde, ils ont en revanche fait cause commune avec des groupes locaux en Afrique, tirant profit de l’insécurité causée par les changements climatiques, y compris le déplacement de communautés entières, les tensions religieuses ou encore l’État absent dans de vastes zones. « Leurs gains ont ainsi augmenté, leurs ambitions aussi. » Et comme leurs réseaux sont devenus plus agiles, connectés à l’échelle mondiale, avec des leaderships et des structures opérationnelles disparates, il est devenu de plus en plus difficile de contrer ces organisations terroristes, a déploré le représentant qui a donc estimé urgent de repenser la manière dont le Conseil de sécurité perçoit la menace que fait peser le terrorisme sur la paix et la sécurité internationales. Les opérations de maintien de l’ordre à elles seules ne sont plus efficaces, a-t-il mis en garde en évoquant, à titre illustratif, les situations en Somalie, dans le nord du Mozambique, au Sahel, dans le nord-est du Nigéria et dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Il a souhaité que le Conseil agisse de manière unifiée face aux organisations terroristes, sans discrimination. « Il n’y a pas de bons et de mauvais terroristes », a-t-il argué, appelant à condamner le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations.
M. Agyeman a ensuite appelé le Conseil à étendre son soutien aux efforts de partage de renseignements intrarégionaux et interrégionaux pour contrecarrer la collaboration transfrontalière des groupes terroristes. Il a aussi invité à soutenir les efforts régionaux comme l’Initiative d’Accra, et les efforts en cours pour déployer des forces anti-insurrectionnelles régionales contre les groupes extrémistes. Un tel soutien devrait être basé sur l’assistance technique permettant de renforcer les capacités nationales des pays en développement, y compris dans le domaine des technologies émergentes, a-t-il plaidé. Dans le cadre du renforcement de la lutte contre le financement du terrorisme, le délégué a appelé à de véritables partenariats avec les institutions telles que le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA). Il a dit attendre avec impatience le rapport du Secrétaire général en octobre 2022, espérant qu’il aidera à identifier les moyens par lesquels la menace peut être traitée notamment dans le golfe de Guinée. Il a enfin recommandé une approche multidimensionnelle et proactive de la prévention et de la lutte contre le terrorisme. Il a ainsi évoqué l’autonomisation des jeunes, en renforçant l’éducation à la paix et en consacrant plus d’attention et d’investissement à la résolution des causes profondes du terrorisme, en particulier la gouvernance et le déficit de développement, ainsi que l’amélioration des conditions socioéconomiques des populations.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a déploré que depuis le dernier rapport, la menace posée par Daech et ses affiliés demeure grande. Il a craint que ce groupe ne profite des fissures actuelles de l’ordre international pour s’enraciner davantage et étendre son influence partout où il pourrait trouver un terrain fertile, notamment dans les zones de conflit. Le représentant s’est dit frappé par la capacité de la mouvance à rester active et à se renouveler, y compris par son aptitude à mobiliser de considérables sommes d’argent par le biais de réseaux criminels lui permettant de recruter et d’entretenir ses sombres objectifs. La lutte contre le terrorisme international exige un ordre mondial apaisé, nourri par une solidarité internationale qui, bien qu’éprouvée, doit rester forte et pragmatique, a souhaité le délégué. Il a constaté que face à cette menace globale, les pays ne sont pas outillés de manière égale pour y faire face, d’où la nécessité de renforcer les capacités et l’assistance technique aux États les plus vulnérables.
Aujourd’hui encore, a-t-il observé, le lien entre développement et terrorisme se pose avec beaucoup d’acuité, en particulier dans les États fragiles. Il a relevé que tous ces manquements créent un environnement propice à l’émergence de réseaux terroristes. Une lutte efficace contre le terrorisme exige donc une approche holistique et un traitement approprié des défis socioéconomiques auxquels les États affectés sont confrontés, en accordant une attention toute particulière aux questions de justice sociale et à l’amélioration des conditions de vie des populations, a plaidé le représentant. Une telle approche exige selon lui une solidarité internationale renforcée. En outre, il a appelé à renforcer la lutte contre les trafics transnationaux qui financent le terrorisme. Le représentant a aussi parlé de la problématique des retours et relocalisations des combattants étrangers, qui apparaissent comme un nouveau risque terroriste et un réel sujet d’inquiétude en Afrique.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a notamment estimé préoccupante, à la lumière du rapport du Secrétaire général, la situation des combattants terroristes étrangers et des membres de leur famille détenus dans des camps en République arabe syrienne. Il a souligné que ces conditions de détention entravent les efforts de déradicalisation. C’est pourquoi, il a jugé nécessaire, pour que les stratégies de lutte contre le terrorisme soient un succès, d’améliorer les conditions de détention des ex-combattants de l’EIIL et de leurs familles, faute de quoi la radicalisation et le recrutement en milieu carcéral continueront d’alimenter les « réseaux de la terreur ». Les actions antiterroristes, a-t-il poursuivi, doivent s’attaquer conjointement aux problèmes sociaux, humanitaires et de sécurité. À cet égard, il a salué le fait que la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies fournisse aux États des orientations importantes en ce sens.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné la nécessité pour la Coalition mondiale contre Daech de maintenir la pression sur le groupe terroriste et d’assurer sa défaite durable, tout en invitant à rester conscient que la menace terroriste va au-delà de Daech. Le combat contre Al-Qaida reste une priorité mondiale, a-t-il estimé en soulignant l’importance, au moment où l’organisation entre dans un vide de leadership après la mort d’Aiman Al-Zawahiri, que la communauté internationale maintienne son élan dans ce combat. Le représentant a souligné à cet égard le potentiel de la technologie pour contribuer aux efforts de prévention et de lutte contre le terrorisme, tout en prévenant qu’elle peut être une arme à double tranchant. Concrètement, il a appelé à prendre des mesures sérieuses pour lutter contre l’acquisition de drones et de leurs composants par des groupes terroristes, notamment Daech, les Chabab et les houthistes. Il faut, a-t-il ajouté, identifier et combler les lacunes du cadre international pertinent tout en gardant à l’esprit le rôle essentiel que jouent les systèmes autonomes et télécommandés dans les efforts de lutte contre le terrorisme.
Le délégué a également dénoncé le fait que les groupes terroristes exploitent l’islam pour justifier leurs actes de violence et de haine, en prenant « des appellations islamiques autoproclamées ». « Nous ne devons pas permettre à Daech et à d’autres groupes de détourner une religion de tolérance ni donner du crédit à leurs prétentions », a-t-il dit en répétant qu’« il n’y a rien d’islamique dans le terrorisme ». Par conséquent, il a demandé aux États Membres et au système des Nations Unies de mettre fin à l’utilisation du terme « État islamique », dans leur référence à Daech, et d’empêcher l’exploitation de la religion par d’autres groupes terroristes. Le représentant a également jugé urgent que le Conseil de sécurité se concentre sur la prévention de l’émergence de la prochaine génération de terroristes et d’extrémistes en citant l’exemple du camp de Hol, où plus de 25 000 enfants sont potentiellement à risque de radicalisation. Il a espéré des efforts sincères pour donner à ces enfants l’espoir d’un avenir plus paisible et prospère. En dernier lieu, le représentant a estimé essentiel que ce Conseil utilise tous les instruments à sa disposition pour combler les lacunes et surmonter les défis émergents dans l’architecture antiterroriste actuelle, ce qui passe par l’examen de mesures pratiques contre tous les individus, groupes ou entités impliqués ou associés à des activités terroristes.
Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a déclaré que les événements récents en Afghanistan ont démontré les défis sécuritaires très réels auxquels nous sommes confrontés. Et malgré sa défaite territoriale et les récentes opérations réussies contre ses dirigeants, Daech reste une menace sérieuse en Iraq et en Syrie, son « cœur stratégique », a-t-elle dit, soulignant l’importance permanente de la Coalition internationale contre Daech. Le Royaume-Uni, a indiqué la représentante, accueille la cellule de communication de la Coalition internationale contre Daech et soutient l’UNITAD, l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes. Cette organisation terroriste est opportuniste et continuera à tirer parti des griefs préexistants et à cibler les personnes les plus susceptibles de rejoindre sa cause, a-t-elle prédit en énumérant les jeunes, les marginaux et les personnes privées de leurs droits. Elle a donc demandé des efforts pour renforcer la résilience des communautés, en partenariat avec la société civile, contre la propagande, tout en veillant à protéger et à promouvoir les droits humains, les libertés fondamentales et l’état de droit en adoptant une approche sensible à la dimension de genre.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a constaté que Daech a montré sa capacité à s’adapter et à rester résilient malgré les campagnes militaires en cours et autres stratégies visant à affaiblir les capacités opérationnelles de son noyau, de ses affiliés et de ses réseaux mondiaux. Il a déploré que Daech répande ainsi sa violence à travers le monde, en particulier sur le continent africain. Au Sahel, dans certaines parties de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale, le groupe cherche à exploiter les structures de gouvernance faibles et les conflits pour étendre les territoires sous son contrôle, menaçant ainsi la sécurité de la région, a-t-il relevé. Il a aussi parlé de la Corne de l’Afrique où le groupe terroriste des Chabab, affilié à Al-Qaida et basé en Somalie, reste dominant. De ce fait, plusieurs pays dont le Kenya ont subi ses atrocités, a témoigné le représentant en citant notamment la récente attaque perpétrée dans le sud-est de l’Éthiopie, qui montre une volonté de répandre une dangereuse idéologie au-delà des frontières.
Pour contrer la menace posée par Daech, le représentant a suggéré de multiplier les initiatives de renforcement des capacités et de collaboration pour remédier aux conditions propices à la montée du terrorisme et de l’extrémisme violent. La priorité à cet égard devrait être de renforcer les institutions de l’État, y compris sur la gestion des frontières et l’application de la loi, a-t-il suggéré. Il a ensuite préconisé l’intégration des groupes vulnérables et des victimes du terrorisme dans la lutte contre ce fléau, afin d’améliorer l’efficacité des outils de réintégration. M. Kiboino a également souligné la nécessité de renforcer les partenariats antiterroristes et la collaboration entre les bureaux régionaux de lutte contre le terrorisme. Cette coopération, selon son avis, pourrait notamment être renforcée entre les États de la région pour déployer des stratégies visant à perturber et à combattre les trafics illicites transfrontaliers et les flux financiers, qui sont exploités par des groupes terroristes pour générer des revenus. Enfin, le délégué a appelé le Conseil de sécurité à rester uni et impartial en déployant sa lutte antiterroriste, y compris les régimes de sanctions pour tous les groupes terroristes, en évitant le « deux poids, deux mesures ».
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a prévenu que la coopération multilatérale et bilatérale de son pays ne se poursuivra qu’avec ceux qui ont vraiment l’intention de combattre les terroristes, et en aucun cas avec ceux qui veulent les recycler et les parrainer. Le temps est venu, a-t-il estimé, d’éliminer les foyers du terrorisme en Syrie par le retrait des troupes d’occupation américaines. Le représentant a aussi prévenu qu’en Ukraine, des groupes terroristes s’approvisionnent en armes fournies par les pays occidentaux. Il a également conseillé de réfléchir à la question des « loups solitaires » en Europe, après ce que l’on a vu en Syrie, en Iraq, en Libye et en Afghanistan. Dans ces pays, a-t-il accusé, les États-Unis et leurs alliés ont aidé des forces d’opposition qui se sont rapidement transformées en groupes terroristes ou ont commencé à nouer des liens avec les terroristes.
Le représentant s’est ensuite attardé sur le bataillon Azov, empêché en 2015 et en 2018 de recevoir une formation financée par le budget américain. Or, après l’opération militaire spéciale en Ukraine, ce bataillon a été soudainement présenté comme « les héros de Marioupol », ce qui prouve, une nouvelle fois, que le Gouvernement américain ne perd jamais de vue ses objectifs et ses intérêts géopolitiques, même dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Pour nous, a dit le représentant, le bataillon Azov est un groupe terroriste que l’Ukraine n’a pas hésité à sauver, en bombardant la prison d’Olevnika où certains des membres du groupe étaient détenus.
S’attardant aussi sur le succès américain que serait l’élimination du chef d’Al-Qaida, Aiman Al-Zawahiri, « si elle est confirmée », le représentant a estimé que l’on peut dès lors douter de l’Administration américaine qui affirmait, il y a un an, que son armée avait quitté l’Afghanistan, après être venue à bout du terrorisme. L’on voit bien aujourd’hui que la situation humanitaire, après 20 ans de présence des États-Unis et de l’ONU, reste catastrophique et que les attaques terroristes de Daech se multiplient, a conclu le représentant.
Pour Mme CAÍT MORAN (Irlande), l’une des clefs de la lutte contre la menace terroriste consiste à s’attaquer à ses moteurs complexes, variés et spécifiques, comme l’insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, en particulier au Sahel. Il faut donc des approches globales et sociétales qui traitent des griefs contribuant à la radicalisation. En la matière, le respect des droits de l’homme et de l’état de droit sont des éléments essentiels. Or trop souvent, les mesures antiterroristes servent à réprimer les droits et les libertés, alors que l’établissement des responsabilités pour les crimes terroristes tarde à venir. La représentante a salué la Conférence de Malaga, première conférence internationale consacrée à la société civile et aux droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme. Elle a dit attendre la mise en pratique des nombreuses propositions faites, dont celles de la société civile. Elle a encouragé le Secrétaire général, qui prépare un rapport sur les moyens de renforcer les droits de l’homme et l’égalité des sexes dans les efforts du système des Nations Unies contre le terrorisme, à promouvoir une large consultation avec les États Membres, les entités du Pacte mondial des Nations Unies et la société civile. Nous voulons, a conclu la représentante, des preuves plus cohérentes et plus complètes sur la façon dont les aspects des droits de l’homme et du genre sont intégrés dans le travail de l’ONU contre le terrorisme.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a noté que la menace que représentent Daech et ses affiliés continue de s’accentuer, notamment en Afrique, en Afghanistan, en Iraq et en Syrie, où ils demeurent capables d’organiser des attaques complexes. Face au risque de radicalisation dans les prisons, les camps et les centres de détention, a-t-elle encore noté, nous devons nous inspirer les uns des autres pour échanger les pratiques optimales afin de gérer le rapatriement de ces ressortissants de manière efficace. C’est dans cet esprit que l’Allemagne et des pays des Balkans occidentaux ont abordé ce problème, l’Albanie ayant déjà rapatrié des milliers de femmes et d’enfants en provenance de Syrie et d’Iraq, a précisé la représentante. Elle a ensuite encouragé à œuvrer davantage à la prévention du terrorisme, pour empêcher Daech et ses affiliés de continuer à exploiter les conflits, les problèmes de gouvernance, les troubles politiques et les inégalités socioéconomiques pour renforcer ses rangs.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) s’est dite désagréablement surprise que le rapport du Secrétaire général ait choisi de ne pas tenir compte des activités de plusieurs groupes interdits dans sa région, en particulier ceux qui ont ciblé son pays à plusieurs reprises. Elle a espéré que les futurs rapports recueilleront les contributions de tous les États Membres, lesquels, a-t-elle insisté, doivent être traités sur un pied d’égalité. Elle a ensuite évoqué les priorités de son pays en matière de lutte contre le terrorisme, notant en particulier qu’en tant que présidente du Comité contre le terrorisme, l’Inde tiendra au mois d’octobre, à Mumbai et New Delhi, un séminaire de haut niveau sur les défis posés aux États par l’utilisation croissante d’Internet et des réseaux sociaux pour y diffuser une propagande terroriste et extrémiste violente. Après avoir souligné qu’il faut à tout prix éviter de justifier les agissements d’organisations terroristes, la représentante a estimé que la politisation accrue du Conseil de sécurité empêche l’inscription d’autres individus et organisations terroristes notoires sur les listes des sanctions. En matière de lutte collective contre le terrorisme international, le Conseil de sécurité doit parler d’une seule voix, en se basant sur les preuves incontestables dont il dispose. Enfin, la représentante a réitéré les appels de son pays à un financement adéquat du Bureau de lutte contre le terrorisme, par le budget ordinaire de l’ONU.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a rappelé que selon l’édition 2022 de l’Indice mondial du terrorisme, le nombre des victimes au Sahel a décuplé depuis 2007, la région étant devenue le nouvel épicentre de ce fléau. En 2021, l’Afrique subsaharienne a enregistré 48% du nombre total des victimes du terrorisme et ces chiffres extrêmement préoccupants mettent en lumière la nécessité urgente de prendre des mesures cohérentes fondées sur le droit international, en particulier le droit international humanitaire, pour venir à bout de ce phénomène. Le représentant a dénoncé les abus comme l’invocation de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies sur le droit de légitime défense dans la lutte contre les terroristes. Il a aussi mis en garde contre le risque que l’Afghanistan ne devienne une plateforme ou un « refuge » pour les groupes terroristes. Il a prôné une approche préventive qui mette l’accent sur la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il a aussi salué le fait que le rapport du Secrétaire général aborde, pour la première fois, la question de la masculinité dans le phénomène terroriste.
Commentant le rapport du Secrétaire général, M. ZHANG JUN (Chine) a fait quelques recommandations sur la marche à suivre et d’abord traiter des symptômes et des causes profondes du terrorisme et actionner les moyens judiciaires et politiques de manière intégrée. Il faut aussi renforcer la coopération internationale pour empêcher les organisations terroristes et lutter contre la manipulation d’Internet et le financement du terrorisme. Les pays, a poursuivi le représentant, doivent échanger leur expérience sur le lien entre terrorisme et criminalité transnationale organisée et renforcer la coopération judiciaire. Ils ne doivent pas oublier de réfléchir à des solutions pour le rapatriement rapide des combattants terroristes étrangers. De manière générale, l’éducation et l’emploi resteront déterminants pour protéger les jeunes des griffes du terrorisme et de l’extrémisme violent.
Le représentant a plaidé pour le renforcement des capacités des pays africains, en parlant des pouvoirs judiciaires et législatifs, des forces de l’ordre et des mécanismes de prévention. Face à Daech, ces pays africains doivent pouvoir ajuster leurs plans militaires et renforcer la communication et la coordination. La lutte contre le terrorisme, a ajouté le représentant, doit être débarrassée des considérations géopolitiques et idéologiques. Tous les pays sont tenus de faire respecter les sanctions que le Conseil doit imposer, sans sélectivité aucune. Fermer les yeux sur certaines organisations terroristes ou les utiliser à des fins géopolitiques nuit gravement à l’efficacité de la coopération internationale, a insisté le représentant. S’agissant de l’Afghanistan, qui vit les conséquences du retrait soudain des forces étrangères, la lutte contre Daech doit se poursuivre, dans le respect des principes de souveraineté et d’intégrité territoriale, a-t-il insisté.