9094e séance - matin
CS/14970

Le Conseil de sécurité examine la situation en Colombie marquée par des succès démocratiques malgré la persistance d’entraves au processus de paix

Le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, la situation en Colombie en s’appuyant sur un rapport trimestriel du Secrétaire général couvrant la tenue, les 29 mai et 19 juin, d’élections présidentielles pour la deuxième fois depuis la signature de l’Accord de paix.  Tout en soulignant l’exemple que constitue le processus de paix colombien, plusieurs délégations ont appelé à être conscients des entraves qui subsistent dont les violences persistantes dans les régions où la présence de l’État est insuffisante et les carences de la réintégration des anciens combattants.   

Saluant l’élection à la présidence de M. Gustavo Petro qui prêtera serment le 7 août après l’installation du nouveau Congrès le 20 juillet, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie a dit que l’Accord de paix a permis de consolider la démocratie colombienne qui compte désormais près de 30% de femmes parmi les députés.   

Néanmoins, M. Carlos Ruiz Massieu s’est dit conscient des obstacles qui perdurent, dont la persistance de la violence dans de nombreux départements.  Notant que la Mission a enregistré le meurtre de 331 anciens combattants depuis la signature de l'Accord en 2016, le Représentant spécial a rappelé que l'une des priorités de tout accord de paix doit être de protéger la vie de ceux qui ont déposé les armes de bonne foi.  Enfin, il a salué les avancées en matière de justice de transition en citant la conclusion des travaux de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition, les premières audiences de reconnaissance de responsabilité organisées par la Juridiction spéciale pour la paix ainsi que le travail de l’Unité de recherche des personnes portées disparues.   

« Je veux vous envoyer un message de douleur mais aussi d’espoir », a scandé, de son côté, M. Francisco José de Roux Rengifo, Président de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition qui a publié le 28 juin un rapport final qui s’appuie sur le témoignage de près de 30 000 personnes.  Rappelant que le conflit colombien a fait 450 000 morts entre 1985 et 2018, dont 80% étaient des civils, le Président de la Commission Vérité s’est notamment inscrit en faux contre l’affirmation selon laquelle la guerre a été exacerbée par le trafic de stupéfiants appelant à mieux comprendre le lien entre trafic de drogue et corruption. 

Tout en estimant que les progrès du processus de paix, notamment ceux liés à la justice de transition, sont synonymes de renaissance pour les femmes et les familles victimes du conflit, Mme Jineth Casso Piamba, jeune défenseuse autochtone des droits humains, et dirigeante communautaire de la réserve de San Lorenzo de Caldono, a déploré l’assassinat de 42 jeunes militants sociaux ces dernières années et l’enlèvement par des groupes illégaux inconnus de 82 autres jeunes âgés de 12 à 22 ans.  Dans ce contexte, elle a exhorté le Gouvernement colombien à créer des conditions propices à une vie digne grâce à l’application totale de l’Accord de paix.  

En écho à cette requête, la France a jugé insuffisantes les garanties de sécurité avant de noter que la poursuite des violences en Colombie –dont des assassinats d’ex-combattants, de défenseurs des droits humains et de dirigeants sociaux- menace l’Accord de paix.  À l’instar de la plupart de délégations, la délégation française a estimé que la fin de ces violences passe par un renforcement de la présence de l’État dans les zones historiquement négligées par l’Accord et la pleine mise en œuvre des recommandations du Secrétaire général visant à mettre fin aux recrutements, utilisations et enlèvements d’enfants par des groupes armés.  Le Royaume-Uni a de son côté encouragé l'accélération de la réforme rurale pour soutenir la transformation des régions touchées par les conflits.

Après avoir souligné que 500 000 hectares de terres ont été distribuées sur les trois millions prévus par l’Accord de paix et mentionné une croissance économique record de 10,4% en 2021, la Vice-Présidente et Ministre des affaires étrangères de la Colombie a espéré que le nouveau Gouvernement continuera de créer des emplois et d’augmenter les ressources budgétaires afin d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix et éviter toute régression.  

Regrettant que des anciens combattants continuent de se livrer au trafic de stupéfiants, Mme Marta Lucía Ramírez a également exhorté la communauté internationale à soutenir la lutte de la Colombie contre ce fléau, tout en reconnaissant que des progrès doivent être réalisés en matière de réintégration.  « Une paix pérenne passe par une vérité totale », a par ailleurs déclaré la Ministre qui a reconnu que la participation des victimes aux processus de vérité est indispensable pour garantir la dignité et la non-répétition.

À l’instar du Kenya, au nom des A3 (Kenya, Ghana et Gabon), plusieurs délégations ont par ailleurs salué l’élection à la vice-présidence de Mme Francia Márquez qui sera la première Afro-colombienne de l’histoire de la Colombie à occuper ce poste.

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53, S/2022/513)

Déclarations

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, s’est dit heureux de présenter un rapport trimestriel couvrant une période qui a vu la tenue, les 29 mai et 19 juin, d’élections présidentielles pour la deuxième fois depuis la signature, en 2016, de l’Accord de paix.  Il a précisé que M. Gustavo Petro prêtera serment le 7 août après l’installation du nouveau Congrès le 20 juillet, avant de se féliciter que Mme Francia Márquez, qui a été élue Vice-Présidente, sera la première Afro-colombienne de l’histoire du pays à occuper ce poste.  À ses yeux, la tenue de ces élections a démontré que l’Accord de paix final a permis de consolider la démocratie colombienne.  Le Représentant a indiqué avoir rencontré plusieurs des 30% de femmes qui figurent parmi les députés et qui lui ont dit leur détermination de s’assurer de la promotion des dispositions de l’Accord de paix relatifs à la parité entre les genres.  Néanmoins, des obstacles perdurent en matière de consolidation de la paix, dont la violence à l’encontre des communautés et des anciens combattants.

Il s’est notamment dit attristé par le meurtre de quatre anciens combattants au cours du dernier trimestre dont Ronald Rojas, alias Ramiro Durán, qui était devenu un chef du processus de réintégration et un défenseur de la mise en œuvre de l’Accord.  Notant que la Mission a enregistré le meurtre de 331 anciens combattants depuis la signature de l’Accord en 2016, le Représentant spécial a rappelé que l’une des priorités de tout accord de paix doit être de protéger la vie de ceux qui ont déposé les armes de bonne foi. 

Par ailleurs, il a jugé indispensable de mettre en œuvre les recommandations du forum de haut niveau des peuples ethniques.  Particulièrement préoccupé par le détournement présumé de ressources considérables issues de l’exploitation des hydrocarbures qui devaient être allouées à des projets de développement local, le Chef de la mission de l’ONU a exhorté les autorités compétentes à mener les enquêtes nécessaires sur ces actes présumés de corruption. 

Il a salué la publication du rapport final de la Commission Vérité le 28 juin, après des années de recherche et de dialogue approfondi avec quelque 27 000 personnes, ainsi que les premières audiences historiques de vérité et de reconnaissance de responsabilité organisées récemment par la Juridiction spéciale pour la paix.  Il a également évoqué le travail de l’Unité de recherche des personnes portées disparues.  Pour le Représentant spécial la nouvelle administration colombienne aura une formidable opportunité et responsabilité d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix.  « Il y a de bonnes raisons d’être optimiste pour la paix, et je crois que l’ONU et la communauté internationale doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour apporter leur soutien » a-t-il conclu. 

M. FRANCISCO JOSÉ DE ROUX RENGIFO, Président de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition, brandissant un épais exemplaire de son rapport, a déclaré que l’être humain blessé par la guerre peut bâtir la paix.  Il a indiqué que la Commission a entendu plus de 30 000 témoignages individuels, lus plus de 1 000 rapports.  Il a rappelé que plus de 10 millions de personnes ont été touchées par la guerre qui a fait plus de 450 000 victimes civiles.  La Commission a également entendu plus de 50 000 personnes détenues par la guérilla, a été présente sur le site de 4 000 massacres, marché aux côtés de plusieurs des 8 millions de déplacés.  Il a indiqué que le conflit a fait exploser le racisme en Colombie, dénonçant ensuite que la communauté internationale a fermé les yeux pendant plus de 50 ans.  Mais durant cette période, beaucoup en Colombie n’ont pas cédé à la peur en particulier les femmes qui se sont mobilisées pour faire cesser la guerre. 

La Commission a aussi cherché des réponses aux nombreuses questions sur les causes, le déroulement, les raisons et les implications de cette guerre, a poursuivi le responsable.  Une guerre n’est jamais simple et les acteurs armés agissent dans un environnement complexe entre politique, intérêts, pouvoir et argent.  Il a en outre estimé que dans le cas colombien, il faut changer le système sécuritaire, celui-ci n’étant pas suffisant pour protéger la sécurité humaine.  Il a précisé que la guerre a tué huit civils sur 10 victimes, et que la Commission veut faire de la Colombie un parangon de la réconciliation.  Il s’est inscrit en faux contre l’affirmation selon laquelle la guerre a été exacerbée par le trafic de stupéfiants et demandé que cesse la guerre contre le trafic de drogue.  C’est une erreur de combattre ce trafic par les armes, a indiqué le Président de la Commission qui a appelé à mieux comprendre le lien entre le trafic de drogue et la corruption.  « Nous sommes optimistes grâce à la jeunesse, aux femmes et aux hommes de la société civile, aux peuples autochtones et au secteur privé qui défendent les droits humains », a déclaré M. De Roux Rengifo qui a affirmé que la Colombie s’est engagée sur la voie de la réconciliation et accepte la vérité historique.  Il faut espérer que l’enseignement tiré de ce conflit nous éloignera de la guerre et nous rapprochera du respect de la dignité humaine. 

Mme JINETH CASSO PIAMBA, jeune autochtone Nasa, dirigeante communautaire de la réserve de San Lorenzo de Caldono et défenseuse des droits humains, a déclaré que l’annonce des négociations de l’Accord de paix fut un soulagement et un cri d’espoir.  Elle insuffla un sentiment de renouveau aux femmes et aux familles qui ont vécu le conflit armé, et qui aujourd’hui osent rêver d’aubes pleines de lumière et d’espoir, a dit l’intervenante qui intervenait en vidéoconférence depuis la Colombie.  Elle s’est réjouie de voir la réserve de Caldono vivre de première main la transformation consécutive à la signature de l’Accord, citant le dépôt des armes et le lien avec les anciens combattants et la société civile, au moment de la création des espaces territoriaux de réintégration.  Cette mesure très significative a permis de créer des espaces pour la reconstruction de vies, d’espaces et de lieux qui avaient été mis à mal et abandonnés à cause du conflit armé, et qui, après la signature de l’Accord, ont été revitalisés grâce aux communautés et aux personnes dans le cadre d’un processus de réintégration et de rétablissement de la confiance.  Elle a également évoqué les visites de la communauté internationale dans cette localité, la deuxième la plus touchée par le conflit armé, qui après 40 ans de stigmatisation, d’isolement et d’oubli a pu se relever et rendre visible les grandes richesses et capacités qui s’y trouvent.  

Un élément clef a été, selon elle, la planification stratégique des politiques transversales de la réforme rurale intégrale.  Elle a notamment cité le programme de développement fondé sur une approche territoriale dans le cadre duquel des actions à long terme ont été menées.  Parmi les nombreuses mesures prises dans ces régions, elle a aussi parlé de la santé sexuelle et reproductive, du renforcement de prise en charge des femmes et la garantie de logements dignes pour les femmes et leurs familles, notamment pour celles directement touchées par les conflits armés. 

Malheureusement, a-t-elle déploré, ces dernières années, 42 jeunes ont été assassinés notamment des dirigeants sociaux, et 82 jeunes âgés entre 12 et 22 ans ont été recrutés par des groupes illégaux inconnus sur nos territoires.  Ces jeunes ont été pris dans les différends territoriaux, a-t-elle précisé, soulignant que ces incidents ont semé le trouble dans les familles, et parmi les mères, épouses et sœurs qui vivent au plus près ces incidents.  Elle a ensuite appelé le Gouvernement colombien à créer des conditions propices à une vie digne grâce à l’application de l’Accord de paix.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué la détermination du peuple colombien qui a fait entendre sa voix lors des élections présidentielles tenues les 29 mai et 19 juin 2022.  Elle a pris note de la détermination du nouveau Président, M. Gustavo Petro, de mettre en œuvre les priorités de l’Accord de paix dont la nécessité de garantir la sécurité des communautés vulnérables déplacées par les violences.  Elle a salué la publication, le 28 juin, du rapport final de la Commission Vérité en assurant de la volonté du Royaume-Uni d’appuyer la mise en œuvre de ses recommandations.  En outre, elle a encouragé l’accélération de la réforme rurale pour contribuer à renforcer la confiance en faveur de la paix et l’avancement du développement rural afin de soutenir la transformation des régions touchées par les conflits.

Mme MONA JUUL (Norvège) a salué l’appel du Président élu à l’unité nationale et à la paix.  Elle a promis que les parties colombiennes les souhaitent et si le dialogue avec l’Armée de libération nationale (ELN) se concrétise, la Norvège respectera ses engagements en tant que pays garant.  Elle a pris note du rapport « impressionnant » de la Commission Vérité qui devra jouer un rôle déterminant pour panser les blessures après plus de 50 ans de conflit violent.  Elle a encouragé le nouveau Gouvernement à donner suite aux recommandations de la Commission.  Prenant note des audiences publiques de la Juridiction spéciale pour la paix, la déléguée a salué la façon avec laquelle des ex-commandants de l’ancienne FARC-EP ont assumé leurs responsabilités personnelles, demandé pardon et fourni plus de détails sur les crimes commis.  Elle a aussi félicité les anciens membres de l’armée qui ont reconnu leur responsabilité.

La représentante a rappelé que le Système intégré pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition est un instrument crucial pour créer la justice après un conflit interne et violent en plaçant les victimes au centre.  C’est le système le plus sophistiqué de ce genre au monde.  Le rapport de la Commission et la manière dont la Juridiction spéciale pour la paix s’acquitte de son mandat témoignent également de la vertu du système, a-t-elle ajouté.  Préoccupée par la situation sécuritaire pour les anciens combattants et les dirigeants locaux qui travaillent à la mise en œuvre de l’Accord de paix, la représentante a exhorté le nouveau Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour améliorer la situation.  Elle a également encouragé la nouvelle administration à accélérer la mise en œuvre des dispositions de l’Accord en ce qui concerne la réforme rurale, la participation politique, les questions ethniques et de genre. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a relevé les nombreux progrès réalisés dans le pays, notant que l’Accord final est une étape décisive dans l’histoire de la Colombie.  Les élections ont démontré qu’il était possible de se mettre d’accord, a-t-il ajouté, notant que c’est la force politique qui a appelé à mettre fin au conflit qui a remporté ce scrutin.  C’est une avancée significative, a-t-il dit.  Le représentant a cependant reconnu qu’il reste beaucoup à faire pour que le Gouvernement remplisse ses objectifs et engagements, pressant à des avancées sur d’autres fronts.  Il a notamment estimé que les participants au processus de paix ne devraient plus être qualifiés d’anciens combattants.  D’ailleurs, a-t-il ajouté, la société colombienne a montré qu’elle était prête à surmonter cette stigmatisation. 

M. DAI BING (Chine) a salué les progrès observés depuis la signature de l’Accord de paix en 2016 et les appels renouvelés à l’unité nationale.  Il a relevé que la persistance de la violence dans certaines régions de la Colombie est un obstacle au processus de paix, pour ensuite saluer la volonté du nouveau Président de poursuivre le dialogue avec l’Armée de libération nationale (ELN) et les autres groupes armés qui n’ont pas encore rejoint le processus de paix.  Il a espéré que la présence de l’État sera renforcée dans les régions les plus enclavées.  Mettant l’accent sur l’interdépendance des différents piliers de l’Accord de paix, le représentant de la Chine a estimé que la réforme rurale, la réintégration des anciens combattants et les cultures de substitution aux cultures illicites nécessitent un engagement durable du Gouvernement.  Il a appelé l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à appuyer les efforts du Gouvernement colombien avant de conclure que la Colombie demeurait aujourd’hui un exemple en matière de processus de paix post-conflit.

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a salué la tenue d’un scrutin libre qui a débouché sur l’élection d’un nouveau Président et d’une nouvelle Vice-Présidente ainsi que de 85 autres femmes.  Il a félicité les représentants des zones rurales qui vont eux aussi entrer au Parlement.  Il a pris note du démarrage des audiences de la Juridiction spéciale pour la paix, ainsi que des excuses présentées par les acteurs de la guerre.  Les recommandations du rapport de la Commission Vérité devraient aider à la réconciliation, a estimé le délégué qui a exhorté le nouveau Gouvernement et toutes les parties colombiennes à les mettre en œuvre.  Préoccupé par les disparitions forcées et l’insécurité ainsi que les assassinats des défenseurs des droits humains, le représentant a dénoncé le fait que les communautés autochtones sont particulièrement victimes des groupes armés.  Il faut créer des conditions de sécurité dans les zones longtemps négligées et mettre en œuvre toutes les dispositions de l’Accord de paix, en particulier sur le chapitre ethnique.  Le représentant a aussi souligné l’importance des perspectives pour les communautés autochtones.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a salué l’engagement du Président élu à faire progresser la mise en œuvre de l’Accord de paix, à rassembler le pays et à engager un dialogue national avec toutes les forces politiques, les groupes ethniques marginalisés, la société civile et les autres parties prenantes, en mettant l’accent sur la participation pleine, égale et significative des femmes.  Cependant, a-t-il nuancé, de nombreux défis et obstacles subsistent.  En effet, dans diverses régions du pays, les civils continuent de subir de graves exactions de la part des guérilleros de l’Armée de libération nationale (ELN), des dissidents des FARC et des groupes paramilitaires qui leur ont succédé.  Les défenseurs des droits humains, les journalistes, les dirigeants autochtones et afro-colombiens et d’autres militants communautaires font l’objet de menaces de mort et de violences omniprésentes, s’est-il inquiété.  Il a ensuite appelé l’État à établir son autorité et consolider sa présence dans les zones historiquement touchées par le conflit et à protéger les civils.

M. WADID BENAABOU (France) a jugé positif que les élections présidentielles se soient tenues de manière pacifique et sans perturbation majeure avant de noter que cette élection et l’alternance qu’elle a marquée démontrent la maturité et la solidité de la démocratie colombienne.  Il a salué l’engagement pris par le Président élu de la Colombie à mettre en œuvre l’Accord dans son intégralité et s’est félicité de la publication du rapport de la Commission Vérité, un pas essentiel sur le chemin de la réconciliation en plaçant les victimes au cœur du processus et ouvrir la voie aux premières peines réparatrices. 

Le représentant de la France a toutefois jugé que les garanties de sécurité sont insuffisantes avant de noter que la poursuite des violences en Colombie –dont des assassinats d’ex-combattants, de défenseurs des droits humaines et de dirigeants sociaux- menace l’Accord de paix.  Il a estimé que la fin de ces violences passe par un renforcement de la présence de l’État dans les zones historiquement négligées par l’Accord et la pleine mise en œuvre des recommandations du Secrétaire général visant à mettre fin aux recrutements, utilisations et enlèvements d’enfants par des groupes armés.  Il faut offrir des opportunités socioéconomiques viables aux populations qui ont souffert du conflit, a encore insisté le représentant en appelant à des progrès en matière de réforme rurale, d’accès à la terre et d’accès au logement.  Il a ensuite exhorté les autorités colombiennes à poursuivre et accélérer la mise en œuvre intégrale de l’Accord et à y dédier les ressources nécessaires pour enraciner la paix en Colombie. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a salué la tenue des élections en juin dernier et souhaité plein succès au nouveau Gouvernement.  Il a demandé à renforcer la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Le représentant a pris note du commencement des audiences de la Juridiction spéciale pour la paix et a salué l’application du principe de responsabilité.  Il faut donner la place aux jeunes dans les efforts de paix, a encouragé le délégué préoccupé par la violence persistante qui sape l’application de l’Accord de paix.  Il a demandé à appliquer les garanties de sécurité et les mesures de désarmement et de réconciliation en particulier des enfants touchés par le conflit.  Il a aussi appelé à mettre en place des actions spécifiques sur le genre. 

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a noté « avec satisfaction » les premières audiences historiques de la Juridiction spéciale pour la paix, qui témoignent, selon lui, des progrès significatifs réalisés par le système de justice transitionnelle, inscrit dans l'Accord de Paix.  Il s’est toutefois inquiété des défis qui persistent pour mettre en œuvre ledit accord, citant notamment la sécurité, les réformes agraires, les cultures de substitutions et la réintégration des anciens combattants qui, a-t-il ajouté, sont intrinsèquement lié aux réformes politiques, à la décentralisation et à l’élargissement de l’autorité de l’État.  Le représentant s’est également préoccupé des menaces, meurtres et déplacement qui portent atteinte aux initiatives de réintégration, ainsi que des différends territoriaux entre groupes armés illégaux qui se disputent également des routes de trafics illicites.  Les communautés autochtones et afro-colombiennes continuent de souffrir de la persistance de la violence, a-t-il également déploré.

« La période écoulée à l’examen relève d’une période que l’on peut qualifier d’historique », a déclaré Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) notant que le nouveau Congrès sera installé le 20 juillet et que des nouvelles étapes de justice transitionnelles permettront d’entendre de nouvelles victimes.  Elle a cité en exemple l’audience relative à l’affaire no 01, dans laquelle sept anciens commandants des FARC-EP ont reconnu leur responsabilité, fait acte de contrition et fourni des détails supplémentaires sur les crimes commis, ainsi que l’affaire no 03, qui a vu 10 anciens militaires, dont un ancien général, reconnaître leur responsabilité par écrit en 2021 et déclarer que les victimes n’appartenaient à aucun groupe armé.  Elle a noté qu’à la suite de ces audiences historiques, les premières peines restauratives pourraient être prononcées fin 2022.  Après avoir salué le travail de l’unité de recherche des personnes disparues, la représentante a jugé indispensable d’appuyer la participation des victimes à ces processus pour garantir la dignité et la non-répétition.  Elle a également appelé à des politiques publiques capables de démanteler les groupes armés illégaux.

M. MARTIN KIMANI (Kenya), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a salué le Président élu de son élection qui donnera un coup d’accélérateur à la mise en œuvre de l’Accord de paix, en particulier le chapitre ethnique.  Il a aussi salué l’élection de la Vice-Présidente en tant que première personne d’ascendance africaine à ce poste.  Le processus de paix colombien est une leçon et devrait être étudiée par des pays qui se trouvent dans une situation similaire, a estimé le délégué.  Il a souligné que la réintégration totale des anciens combattants et la réforme rurale sont fondamentales, déplorant la lenteur des progrès quant à l’accès à la terre.  Cette situation risque de saper la mise en œuvre l’Accord de paix, a-t-il prévenu.  Il a aussi touché mot de la question des anciens combattants d’origines autochtone et africaine dans le cadre de la Juridiction spéciale pour la paix qui, a-t-il ajouté, est une pierre angulaire de la guérison pour les victimes.  Le représentant a exhorté le nouveau Gouvernement à appliquer les recommandations du rapport de la Commission Vérité.  Il a dénoncé le lien entre le trafic de drogue et le conflit armé et s’est inquiété de la violence contre les anciens combattants et les peuples autochtones, la recrudescence des violences sexuelles ainsi que de l’intensification des affrontements armés entre les groupes armés.  Il a prié les parties qui ne font pas parti de l’Accord de paix à intégrer le processus de paix, et a encouragé le nouveau Gouvernement à normaliser ses relations avec les pays voisins.   

M. JOSÉ DE JESÚS CISNEROS CHÁVEZ (Mexique) a salué l'engagement du Président élu de Colombie, M. Gustavo Petro, en faveur de l'Accord de paix, ainsi que de son initiative de « paix totale », qui comprend, entre autres, la reprise des négociations avec l'ELN.  Il a estimé que malgré les défis qui subsistent, le pays est aujourd'hui plus pacifique et inclusif qu'auparavant, grâce aux efforts déployés par l’ensemble des Colombiens pour faire face aux douleurs du passé.  Il a reconnu l'engagement des anciens combattants qui continuent à œuvrer pour la paix et s’est félicité de leur intégration progressive dans des projets productifs, dans lesquels participent 74% des femmes anciennes combattantes. 

Il est désormais essentiel de prendre des mesures pour rendre la réintégration des ex-combattants durable, ce qui nécessite une volonté politique forte et un financement prévisible et stable, a-t-il estimé.  Il a jugé inacceptable que les membres des communautés autochtones et afro-colombiennes aient été jusqu'à présent pratiquement exclus de la participation politique, saluant ensuite le fait que pour la première fois, une femme afro-colombienne occupera la vice-présidence du pays.  Il a par ailleurs salué le rapport complet de la Commission Vérité et exhorté les autorités à donner suite à ses recommandations. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a salué l’engagement du Président élu à appliquer l’Accord de paix, à garantir la sécurité des ex-combattants et à renforcer les politiques concernant les femmes, ainsi que les populations autochtones et d’ascendance africaine.  Il a souligné l’importance de la continuité de la mise en œuvre de l’Accord de paix par les administrations successives en Colombie.  Le renforcement des politiques sociales dans des domaines historiquement négligés exige du temps et davantage de travail, a ajouté le délégué.  À cet égard, une transition pacifique du pouvoir est essentielle pour accélérer les progrès.  Il s’est dit confiant que la violence politique ne reviendra jamais plus au premier plan en Colombie et que la paix pourra également être instaurée avec des groupes insurgés encore actifs tels que l’Armée de libération nationale.

Mme MARTA LUCÍA RAMÍREZ, Vice-Présidente et Ministre des affaires étrangères de la Colombie, tout en reconnaissant les défis qui persistent, a déclaré que son pays est engagé sur une voie qui devrait le rapprocher d’une société juste, sûre, équitable, développée, solidaire où l’État de droit est respecté.  Elle a espéré que le nouveau Gouvernement continuera à aller de l'avant pour générer des emplois et des ressources budgétaires pour éviter le risque de tout revers.  En attendant, s’est-elle enorgueillie, la Colombie est désormais plus proche de la paix.  Le démantèlement de la plus ancienne guérilla du continent, la remise des armes et la réintégration à la vie civile de la plupart de ses membres est un succès dont les Colombiens ont raison d'être fiers.  À ce stade, aucun obstacle ne devrait être insurmontable pour continuer à avancer vers une paix véritable et complète en Colombie, a-t-elle assuré. 

Poursuivant, elle a indiqué que malgré des circonstances difficiles, l'économie colombienne a connu une des croissances les plus rapides en 2021, avec 10,7%, et qu’elle s’est classée au deuxième rang mondial en termes de croissance au cours des quatre premiers mois de cette année.  C'est aussi l'économie où le chômage a le plus diminué en mai, parmi les 38 pays membres de l'OCDE.  Elle a fait part de la détermination de son pays à surmonter le conflit et vaincre les niveaux élevés de pauvreté et de marginalisation dans les zones où se trouvent des cultures illicites.  Les réalisations dans les 16 régions prioritaires ont permis de développer et d'achever 1 400 travaux d'infrastructure et de concevoir et planifier 3 354 nouveaux projets de logement, de transport, d'énergie, et d'eau potable, pour lesquels les redevances seront allouées à partir des projets d'énergie renouvelable non conventionnelle et d'hydrogène vert.  Elle s’est aussi félicitée du fait que près d'un demi-million d'hectares de terres ont été remis à des familles d'agriculteurs, sur les trois millions mentionnés dans l'Accord.  

Au cours des trois derniers mois, a-t-elle poursuivi, des membres des forces militaires et d'anciens combattants des FARC ont participé à des audiences pour reconnaître leur responsabilité dans les crimes commis pendant le conflit et demander pardon aux victimes.  Selon elle, la Colombie doit à présent continuer d’améliorer qualitativement les conditions de réincorporation des ex-combattants, en renforçant tant le système de justice ordinaire que le système de justice transitionnelle, notamment en matière de recrutement d'enfants et de violence sexuelle dans le conflit armé.  Elle a aussi appelé au soutien de la communauté internationale pour s’attaquer au financement du trafic de drogue par le truchement des paradis fiscaux.  Ce trafic, qui était devenu, il y a plus de 30 ans, la principale raison d’être des FARC et de l’ELN en Colombie, est une source d’instabilité pour le pays, a-t-elle alerté.  Elle a ensuite appelé l’ELN à cesser les enlèvements et recrutements d’enfants.

Se tournant ensuite vers les États membres qui ont relevé une « négligence » sur certains pans du territoire, s’agissant des violences à l’encontre de civils, d’anciens combattants ou d’immigrés africains, elle a estimé de telles affirmations « injustes », car « nous ne pouvons pas être présents partout sur un très grand territoire marqué par une grande diversité géographique ».  Elle a ensuite reconnu l’importance d’améliorer la présence du Gouvernement sur le territoire et d’une véritable coopération internationale. 

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