Conseil de sécurité: L’UNITAD présente les progrès réalisés dans le cadre de ses enquêtes sur les crimes de Daech
Venu présenter au Conseil de sécurité son huitième rapport semestriel, le Conseiller spécial et Chef de l’UNITAD -l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes- a décrit aujourd’hui les progrès réalisés dans le cadre de ses enquêtes sur les crimes commis par Daech au cours des six derniers mois, en privilégiant une approche centrée sur les survivants.
Après plus de deux ans de restrictions et de mesures préventives, l’UNITAD a retrouvé sa pleine capacité et, avec sa présence croissante dans le pays, elle est plus forte que jamais, s’est félicité le Conseiller spécial, M. Christian Ritscher, qui est notamment revenu sur les avancées de l’Équipe en matière de numérisation des éléments de preuve, soit plus de 4,5 millions de pages provenant des tribunaux de l’Iraq. Cette étape « cruciale » a été saluée par de nombreuses délégations, à l’instar de la France qui y voit le moyen d’éviter la perte ou la dégradation de preuves.
Parmi les autres progrès significatifs réalisés par l’UNITAD sur le terrain, M. Ritscher a cité les enquêtes menées au niveau de « Bayt Al Mal », la trésorerie centrale de Daech. L’UNITAD compte fournir au système judiciaire iraquien des rapports stratégiques supplémentaires sur le fonctionnement interne de « Bayt Al Mal », afin d’aider à mieux comprendre les activités financières de l’organisation terroriste. Il s’agit là d’un domaine prometteur pour la collecte d’éléments de preuve permettant d’en établir la structure, a jugé le représentant russe.
Un autre motif de satisfaction pour l’Équipe d’enquêteurs est l’achèvement d’un premier rapport sur le développement d’armes chimiques et biologiques par Daech en Iraq et l’emploi d’armes chimiques. Selon la Norvège, le dossier final de cette piste d’investigation critique doit également être considérée en relation avec l’architecture internationale de non-prolifération. En attendant, les États-Unis ont attiré l’attention sur le fait inquiétant que la chaîne de commandement de Daech est en cours de reconstruction, nécessitant de la part de la communauté internationale de poursuivre la lutte contre une organisation dont il est avéré qu’elle tente de mettre au point des armes chimiques. Il serait naïf, a ajouté la Russie, de croire que, disposant d’un programme d’armes chimiques en Iraq, les terroristes de Daech n’utiliseraient pas de telles ressources en dehors de ce pays, notamment en Syrie où la coalition occidentale s’affaire au renversement du Gouvernement légitime et lui impute la responsabilité de ces attaques.
Enfin, l’achèvement début mars 2022, en partenariat avec la direction médico-légale iraquienne des fouilles de trois fosses communes situées sur et autour de la jonction de Hardan à Sinjar est une action à mettre à l’actif d’UNITAD.
Toutes ces réalisations ont été rendues possibles grâce au soutien et à la coordination avec le Gouvernement iraquien et des autorités du Gouvernement, a insisté le Conseiller spécial, saluant leur soutien dans la mise en œuvre du mandat de l’UNITAD. M. Ritscher a dit avoir fait de l’établissement et du maintien d’un dialogue continu avec les autorités iraquiennes une priorité.
Il est dès lors pertinent pour l’Équipe d’enquête de garder à l’esprit que ce processus doit être dirigé et pris en main par les Iraquiens eux-mêmes, a commenté le représentant du Ghana, pour qui le rôle de l’UNITAD et son travail ne doivent pas chercher à se substituer au travail que fait le système judiciaire iraquien.
Ce point de vue a été partagé par nombre de ses homologues du Conseil, comme ceux de l’Inde ou du Brésil, et plus encore par le représentant de l’Iraq. Pour ce dernier, si le mandat de l’UNITAD se limite uniquement au recueil, à la conservation et au stockage des éléments de preuve et ne permet l’utilisation de ces preuves dans des procédures judiciaires au niveau national, il n’est alors pas suffisant. Revenant sur les quatre affaires où l’UNITAD a parachevé son travail, il a estimé que c’était l’occasion pour l’Équipe de remettre les preuves accumulées à l’Iraq pour les produire devant des procédures judiciaires nationales, afin que des poursuites puissent être engagées contre les auteurs membres de Daech, conformément aux engagements contenus dans le sixième rapport de l’UNITAD.
Tout en reconnaissant les défis exceptionnellement complexes auxquels se heurte l’Équipe, le délégué de l’Iraq a appelé à garder à l’esprit, les pressions de la part des familles et des proches pour établir les responsabilités et assurer l’obligation de reddition des comptes.
Note: Daech est le nom utilisé à l’ONU pour désigner l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), conformément à la résolution 75/291 de l’Assemblée générale.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclaration liminaire
M. CHRISTIAN RITSCHER, Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée d’amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), qui présentait son huitième rapport semestriel, s’est réjoui des grands progrès réalisés par l’Équipe d’enquêteurs au cours des six derniers mois. Après plus de deux ans de restrictions et de mesures préventives, l’UNITAD a retrouvé sa pleine capacité et, avec sa présence croissante dans le pays, elle est « plus forte que jamais », s’est-il félicité.
Au cours de la période couverte par le rapport, plus de 4,5 millions de pages de documents de preuves provenant des tribunaux de l’Iraq ont été convertis en format numérique, a fait valoir M. Ritscher. Cette opération a été réalisée en étroite collaboration avec le système judiciaire et le Gouvernement iraquiens, y compris le Gouvernement régional du Kurdistan. Une avancée qui a permis d’aider les autorités iraquiennes à utiliser pleinement et plus efficacement leurs données et leurs archives. Il s’agit d’un travail essentiel pour enclencher des procédures juridiques efficaces et équitables et préserver l’historique des crimes internationaux commis par Daech en Iraq, a insisté M. Ritscher, qui a précisé que tout ce travail était effectué dans le respect des normes juridiques internationales.
Depuis la présentation de son dernier rapport devant le Conseil, l’Équipe a réussi à faire progresser toutes ses activités, a poursuivi le Conseiller spécial, qui a cité les entretiens avec des témoins, l’analyse des preuves et la rédaction de dossiers.
À cet égard, il a passé en revue « quelques exemples » des progrès réalisés dans le cadre des enquêtes et des approches adoptées pour obtenir justice pour les victimes de Daech en Iraq, qualifiant notamment de progrès significatifs les enquêtes menées au niveau de « Bayt Al Mal », la structure financière de Daech, et son apport matériel et financier essentiel à l’organisation terroriste. L’UNITAD compte fournir au système judiciaire iraquien des rapports stratégiques supplémentaires sur le fonctionnement interne de « Bayt Al Mal », afin d’aider à mieux comprendre les activités financières de Daech. Pour M. Ritscher, ceci est particulièrement important, car pour saisir l’argent, il faut connaître l’organisation, comprendre sa structure et identifier la hiérarchie et les personnes chargées de donner les ordres, ce qui nous rapproche de l’identification des individus responsables de l’ensemble des crimes internationaux graves commis en Iraq.
S’agissant des enquêtes en cours sur la mise au point et l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par Daech, M. Ritscher a fait état de nouvelles informations. Grâce à des visites sur le terrain, à des contacts avec les communautés touchées et à la coopération avec les autorités iraquiennes, l’UNITAD a recueilli et conservé des preuves testimoniales, numériques et documentaires concernant la fabrication et l’utilisation de telles armes. Les enquêtes porteront sur le système d’approvisionnement sous-jacent de ces armes et sur les flux financiers qui y sont liés, ce qui implique de se concentrer sur l’implication d’individus spécifiques. Les conséquences de ces attaques chimiques sur les survivants et les communautés touchées se font encore sentir aujourd’hui, a-t-il déploré.
Venant ensuite aux crimes commis contre la communauté yézidie, le Conseiller spécial a indiqué que l’UNITAD continue de recueillir les informations auprès des femmes, des filles, des survivants ainsi que d’autres personnes susceptibles de fournir des indications sur leurs auteurs, y compris parmi les combattants terroristes étrangers. Quant au massacre commis contre le personnel de l’Académie de l’air de Tikrit, également connue sous le nom de camp Speicher, M. Ritscher a précisé que l’enquête a permis l’identification de ceux qui ont joué un rôle majeur en harcelant et terrorisant les populations civiles de Tikrit et d’Al-Alam. L’enquête a révélé que Daech ciblait systématiquement toutes les personnes qui ne s’alignaient pas sur son idéologie, notamment la communauté chiite, les personnes affiliées aux autorités gouvernementales, les membres de certaines tribus et ceux qui ont aidé le personnel militaire de l’Académie. M. Ritscher a confirmé au Conseil que l’enquête continue de progresser grâce, notamment, aux fouilles conduites par les autorités iraquiennes en collaboration avec l’appui technique et opérationnel de son équipe. Les crimes contre les enfants sont également considérés comme une priorité absolue, a-t-il ajouté.
Le travail se poursuit dans le cadre des six unités dédiées sur le terrain et deux unités thématiques qui font avancer les enquêtes structurelles de l’UNITAD, sur les crimes commis par le groupe terroriste contre des communautés en Iraq, qu’il s’agisse de chrétiens, sunnites, chiites, kaka’i, shabaks et des Turkmènes chiites, a fait valoir le Conseiller spécial. Insistant sur l’approche de l’UNITAD centrée sur les victimes et les survivants, il a invité les membres du Conseil à examiner le rapport qui couvre de manière très détaillée l’ensemble des progrès réalisés par l’équipe au cours de la période examinée.
M. Ritscher a salué le Gouvernement iraquien et des autorités du Gouvernement régional du Kurdistan pour leur soutien dans la mise en œuvre du mandat de l’UNITAD, soulignant avoir fait de l’établissement et du maintien d’un dialogue continu avec les autorités iraquiennes une priorité. Pour preuve, l’atelier de discussion stratégique organisé en janvier de cette année avec le Comité national de coordination, au cours duquel les deux parties ont défini conjointement des domaines prioritaires communs. La coopération de l’UNITAD avec le Ministère iraquien des affaires étrangères a progressé de manière significative au cours des six derniers mois, s’est-il félicité.
Le Conseiller spécial a précisé que l’UNITAD avait travaillé en coordination avec les ambassades iraquiennes dans différents pays pour organiser une série d’événements spéciaux visant à promouvoir la responsabilité des crimes internationaux commis par Daech. En avril dernier, l’UNITAD, l’Iraq et l’Allemagne ont renouvelé leur engagement à poursuivre les enquêtes sur les dimensions financières des principaux crimes internationaux commis par l’organisation terroriste. Des discussions sont en cours en Iraq pour adopter le cadre juridique nécessaire afin de traiter les crimes de Daech comme des crimes internationaux fondamentaux devant les tribunaux iraquiens. L’UNITAD est prête à fournir des conseils techniques et à travailler avec le Conseil des représentants iraquien, ainsi qu’avec le système judiciaire, pour aller de l’avant. M. Ritscher a dit espérer des développements positifs dans les mois à venir, appelant la communauté internationale à soutenir l’Iraq dans ces efforts.
Enfin, M. Ritscher a abordé le volet des contributions extrabudgétaires au Fonds d’affectation spéciale de l’UNITAD qui se sont avérées vitales pour les opérations de l’Équipe et la poursuite de nombreuses pistes d’enquête et de projets distincts. Il a dit compter sur les contributions volontaires des États Membres, saluant les récentes contributions du Danemark, de la France, de l’Inde et de la Slovaquie. Il a également fait part de sa reconnaissance des récents engagements de fonds supplémentaires pris par les Pays-Bas et les États-Unis. Jusqu’à présent, 15 États ont fourni des fonds extrabudgétaires à l’UNITAD, a-t-il précisé, avant d’encourager les donateurs à apporter leurs contributions sans affectation particulière, afin de soutenir les opérations générales et permettre de conserver une gestion des fonds agile, flexible et basée sur les besoins.
La contribution la plus notable obtenue dans le cadre de cette assistance est peut-être la condamnation historique, l’année dernière, du membre de Daech Taha Al-J à Francfort pour le crime de génocide, a noté M. Ritscher. De même, a-t-il rappelé, l’UNITAD a soutenu le ministère public suédois lors du procès d’une femme qui a été accusée et condamnée pour crime de guerre pour avoir enrôlé son enfant comme soldat pendant qu’elle était avec Daech. En outre, l’Équipe d’enquêteurs continue de soutenir l’équipe d’enquête conjointe créée par la Suède et la France pour juger les principaux crimes internationaux commis en 2015 par Daech contre la communauté yézidie.
Les crimes du groupe terroriste constituent certains des actes les plus horribles que nous ayons vus dans l’histoire récente, a estimé le Conseiller spécial. Les individus responsables de ces actes doivent être identifiés, jugés et condamnés pour leurs crimes au niveau national et international. Ce n’est qu’en poursuivant et en qualifiant ces actes barbares de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide que nous pourrons rendre justice aux nombreuses victimes et survivants et faire en sorte que leurs voix soient entendues, a-t-il conclu.
Déclarations
M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a réitéré l’appui de son pays aux les efforts de l’UNITAD pour soutenir les poursuites engagées au plan national contre les membres de Daech dans 15 États Membres, notamment celles en cours en Suède et en Allemagne. Le représentant a également rappelé l’appui du Royaume-Uni au travail de l’Équipe pour renforcer les capacités du système judiciaire iraquien, et il a salué l’accent mis par celle-ci sur le bien-être et la résilience des survivants issus de toutes les communautés, y compris les minorités ethniques et religieuses. Sur ce dernier point, il a souligné l’importance de veiller à ce que les victimes de violences sexuelles systématiques et liées aux conflits puissent témoigner en toute sécurité, à commencer par les femmes et les filles de la communauté yézidie. Il a vu en cela « la première étape vers la reddition de comptes pour ces crimes ».
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déclaré que la reddition de comptes pour les terroristes de Daech envoie un message fort dans le monde entier. Il s’est félicité des avancées dans les enquêtes de l’UNITAD, notamment le rapport d’évaluation portant sur le développement et l’utilisation d’armes chimiques ainsi que le financement du terrorisme. L’UNITAD doit poursuivre ses enquêtes sur les crimes commis contre les yézidis et sur les fosses communes afin que les familles des victimes puissent enterrer leurs êtres chers dans la dignité, a dit le représentant.
M. Abushahab a souligné que les éléments de preuve recueillis doivent être mis à la disposition des tribunaux iraquiens afin de servir à rendre la justice, notamment au moyen du recoupage de l’ADN. Il a en outre salué l’utilisation de technologies avancées et la numérisation des éléments de preuve, en souhaitant que de telles techniques puissent être utilisées dans d’autres contextes ailleurs dans le monde. Les Émirats arabes unis ont en outre alloué un demi-million de dollars à la reconstruction des sites sacrés et historiques détruits par Daech, notamment à Mossoul, a-t-il noté.
Mme ANNETTE ANDRÉE ONANGA (Gabon) a vu dans les progrès notoires réalisés par l’Équipe d’enquête une saine coopération entre l’UNITAD et les autorités iraquiennes et a appelé à son renforcement, afin d’aboutir à l’établissement des responsabilités des auteurs des crimes. La représentante a, de même, noté avec intérêt l’appui apporté par l’Équipe aux juges d’instruction et aux enquêteurs iraquiens dans l’élaboration de dossiers en vue de la poursuite des membres de Daech/EIIL pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.
Mme Onanga s’est également félicitée de l’approche centrée sur les survivants en accordant une attention particulière à l’intégration d’une perspective sexospécifique tout au long du processus d’enquête. Pour la représentante, l’exigence de reddition des comptes des membres de Daech/EIIL participe tant à la lutte contre le terrorisme qu’à la reconstruction de la nation et de l’État iraquiens. En conclusion, elle a estimé qu’il appartient, en premier lieu, au Gouvernement iraquien de juger les responsables de crimes commis sur son territoire. À ce titre, toutes les initiatives doivent être prises dans le respect de la pleine souveraineté de l’Iraq et de sa juridiction.
M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a jugé, compte tenu du volume de preuves recueillies par l’UNITAD, qu’« il est nécessaire de passer d’une phase d’enquête à une nouvelle phase de poursuites ». En effet, nous ne devons donc pas perdre de vue que l’objectif ultime de toutes ces enquêtes est la poursuite pénale, tant devant les tribunaux nationaux qu’internationaux, des personnes responsables de tous les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis par Daech en Iraq, a-t-il ajouté. Le représentant a réaffirmé à cet égard « l’importance du rôle que la Cour pénale internationale peut jouer ». En outre, il a souligné que la participation de bonne foi des autorités nationales est nécessaire pour que les enquêtes en cours puissent être conclues et pour que les familles des victimes puissent avoir accès à la vérité. C’est à partir de cette vérité qu’il sera possible pour tous les Iraquiens d’avancer sur la voie de la réconciliation et de la reconstruction du tissu social, a-t-il déclaré.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a estimé qu’il serait naïf de croire que, disposant d’un programme d’armes chimiques en Iraq, les terroristes de l’EIIL n’utiliseraient pas de telles ressources en dehors de ce pays, notamment en Syrie où la coalition occidentale s’affaire au renversement du Gouvernement légitime et lui impute la responsabilité de ces attaques. Le représentant a accusé trois membres permanents du Conseil de sécurité -les États-Unis, le Royaume-Uni et la France- d’avoir ainsi commis un « acte d’agression injustifiée et non provoqué » en frappant avec des missiles de croisière la ville syrienne de Douma en avril 2018.
Le représentant s’est félicité des progrès réalisés par l’UNITAD dans son enquête sur la trésorerie de l’EIIL, estimant qu’il s’agit là d’un domaine prometteur pour la collecte d’éléments de preuve permettant d’en établir la structure. Après s’est félicité des enquêtes menées sur les crimes commis contre les chrétiens, les yézidis, les turkmènes chiites et autres minorités, il a souligné que le mandat de l’Équipe d’enquêteurs est de soutenir les efforts de l’Iraq pour traduire en justice les terroristes dans le cadre de son système judiciaire national. À ce titre, les éléments de preuve doivent être communiqués en priorité aux autorités iraqiennes, comme le veut la résolution 2379 (2021) du Conseil de sécurité, a-t-il conclu.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a salué les progrès réalisés par l’UNITAD dans tous les aspects de l’enquête, comme en témoigne son huitième rapport. Il s’est félicité en particulier de l’achèvement de la compilation des dossiers initiaux et du passage à la phase de constitution de dossiers ciblés contre les auteurs identifiés comme les plus responsables des crimes commis par Daech. M. Kiboino s’est également dit encouragé par les modalités de collaboration entre l’équipe et les autorités iraquiennes, tout en espérant que le pouvoir judiciaire apportera le soutien nécessaire à cette entreprise.
Le représentant a reconnu les progrès accomplis par l’UNITAD dans l’exécution de son mandat pour soutenir les efforts nationaux visant à tenir Daech pour responsable de ses crimes en Iraq et salué les efforts déployés par le Conseiller spécial, conformément à son mandat, pour promouvoir la responsabilité mondiale des crimes commis par le groupe terroriste et rendre ainsi justice aux survivants, en dépit des importants défis en matière de sécurité, de technologie, d’aspects psychosociaux et de ressources.
Le Kenya soutient les initiatives d’enquête de l’UNITAD visant à mettre au jour les principaux facilitateurs financiers du terrorisme. Cela contribuera grandement à rendre les agents terroristes et les facilitateurs responsables de leurs crimes, a estimé M. Kiboino.
M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a notamment attiré l’attention sur le fait inquiétant que la chaîne de commandement de l’EIIL est en cours de reconstruction, nécessitant de la part de la communauté internationale de poursuivre la lutte contre une organisation dont il est avéré qu’elle tente de mettre au point des armes chimiques. Le représentant a salué la coopération active entre l’UNITAD et les institutions iraquiennes et du Kurdistan, qui laisse entrevoir le passage de la collecte de preuves des travaux de l’Équipe à la phase tant attendue des poursuites pénales de certains individus. Il a également jugé essentiel le travail de l’Équipe pour la réconciliation en Iraq et l’administration d’une justice réellement équitable. Nous devons continuer d’appuyer l’Iraq pour que les criminels de l’EIIL rendent des comptes et que leurs sympathisants partout dans le monde comprennent que cette entité n’a pas d’avenir, a encore déclaré le représentant.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a déclaré que la reddition de comptes pour les crimes commis par Daech en Iraq est une condition préalable à l’instauration de l’état de droit et à une paix durable dans le pays. Elle s’est félicitée du fait que l’UNITAD ait pu terminer son rapport initial d’évaluation de l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par Daech et ait réalisé des progrès dans d’autres enquêtes, notamment celles portant sur les crimes commis contre les chrétiens, les yézidis et d’autres minorités. Ce faisant, l’action de l’UNITAD passe des enquêtes structurelles à la préparation de mémoires en vue de poursuites contre les auteurs de ces crimes, une évolution dans laquelle la représentante a vu un « signe clair » de l’efficacité de son travail.
Mme Heimerback a salué l’approche centrée sur les victimes adoptée par l’UNITAD, qui tient aussi compte de l’âge et du sexe, notant qu’une telle approche avait permis à l’Équipe d’enquêteurs d’entrer en contact avec des victimes de violences sexuelles et sexistes « en dépit de contraintes sociales difficiles », une priorité de la Norvège. Elle a toutefois déploré que l’évaluation initiale de l’utilisation d’armes chimiques par Daech ne comporte pas davantage d’informations sur le genre. Mme Heimerback s’est félicitée, en terminant, du partenariat établi entre l’UNITAD et les autorités iraquiennes, notamment en ce qui concerne le renforcement des capacités et l’assistance technique.
Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a estimé pertinent pour l’Équipe d’enquête de garder à l’esprit que ce processus doit être dirigé et pris en main par les Iraquiens eux-mêmes. La prise en main nationale et l’appui aux activités de collecte de preuves et aux objectifs opérationnels et stratégiques de l’UNITAD conformément à son mandat revêt une importance cruciale. C’est ce qui permettra de faciliter les procédures.
Le rôle de l’UNITAD et son travail ne doivent pas chercher à se substituer au travail que fait le système judiciaire iraquien, a poursuivi la représentante. Il faut que ses efforts le complètent en fournissant l’appui institutionnel et les ressources nécessaires pour que les juges et enquêteurs iraquiens puissent s’acquitter de cette tâche, à savoir recueillir et conserver les informations afin d’alimenter ensuite les procédures judiciaires.
La représentante a encouragé les autorités politiques et judiciaires iraquiennes à continuer de coopérer avec l’Équipe d’enquêteurs, les appelant à intensifier leurs efforts pour lever certains obstacles administratifs et bureaucratiques et créer les concessions propices à l’achèvement des tâches importantes de l’UNITAD.
M. SUN ZHIQIANG (Chine) a réitéré le soutien de son pays à l’UNITAD, « qui aide le Gouvernement iraquien à collecter des preuves, ce qui permettra de lutter contre l’impunité qui autorise encore trop souvent la commission d’actes terroristes ». L’Équipe doit renforcer sa coopération avec le Gouvernement de l’Iraq afin que les preuves puissent être partagées avec d’autres gouvernements sur une base volontaire et transparente, comme le prévoient les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, a ajouté le représentant. Il a toutefois rappelé que l’Équipe était un dispositif provisoire, qu’à ce titre « elle ne doit pas devenir un organe permanent ». Il a ainsi appelé à poursuivre le développement de la stratégie de parachèvement de ses travaux qui a débuté l’an dernier.
Mme ANNE-MARIE O’SULLIVAN (Irlande) a salué l’achèvement du rapport initial d’évaluation sur le développement et l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par l’EIIL et a appelé à ce que les responsables soient traduits en justice. Elle s’est félicitée des progrès « significatifs » accomplis dans les enquêtes sur les violences sexuelles et sexistes perpétrées par l’EIIL, notamment contre la communauté LGBTQI+.
Alors que les priorités de l’UNITAD en matière d’enquête se sont orientées vers l’identification des responsables d’atrocités et la constitution de dossiers judiciaires, en collaboration avec le système judiciaire iraqien, Mme O’Sullivan a noté que la clef pour assurer la reddition de comptes est d’établir une législation permettant d’intenter des poursuites pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide au niveau national.
La représentante a en outre souligné le rôle important joué par l’Union européenne pour permettre à l’UNITAD de renforcer ses capacités en matière de numérisation et de préservation des éléments de preuve, d’expertise médico-légale, d’excavation de fosses communes et de formation des juges et des enquêteurs iraqiens. Enfin, elle a félicité les États qui ont exercé leur compétence universelle pour poursuivre les responsables des atrocités commises par des membres de l’EIIL en Iraq.
Mme PAULA AGUIAR BARBOZA (Brésil) a salué les progrès des enquêtes concernant les principaux crimes de droit international commis par Daech à l’encontre de la communauté chrétienne ainsi que d’autres groupes ethniques et religieux en Iraq. Elle s’est également félicitée des conclusions du rapport de l’Équipe, selon lesquelles l’UNITAD a entamé une nouvelle étape centrale de son action. Il va sans dire, a fait observer la représentante, que dans l’exécution de son mandat, l’UNITAD doit être impartiale et indépendante, et agir conformément à la Charte des Nations Unies et aux autres normes pertinentes du droit international.
Mme Aguiar a rappelé l’importance des règles internationales sur la répartition des compétences entre les États et a souligné la nécessité de respecter la souveraineté iraquienne dans la recherche de la responsabilité pour les crimes commis sur son territoire, y compris dans le cadre du partage des informations par l’UNITAD avec des pays tiers. Elle a également rappelé que le mandat de l’UNITAD est de soutenir les poursuites nationales et que les autorités iraquiennes doivent rester les premières destinataires des éléments de preuve recueillis par l’Équipe d’enquêteurs.
M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) s’est dit convaincu que la crédibilité de la lutte collective contre le terrorisme ne pourra être renforcée qu’en établissant la responsabilité des auteurs des actes de terreur graves et inhumains, ainsi que celle de ceux qui fomentent ces actes, les appuient et les financent. Le soutien financier de l’Inde à l’UNITAD pour ces domaines clefs renforcera encore cet objectif, a assuré le représentant. Après avoir encouragé l’UNITAD à partager les conclusions de son enquête avec le Comité 1540 du Conseil de sécurité, qui a pour mandat d’aider les pays à prévenir l’acquisition d’armes de destruction massive par des acteurs non étatiques, M. Raguttahalli s’est réjoui que les preuves recueillies et partagées par l’UNITAD avec des pays tiers aient abouti à la poursuite et à la condamnation de terroristes de Daech. « Un partage de preuves similaire avec les autorités iraquiennes devrait avoir lieu au plus tôt pour soutenir les procès et les poursuites devant les tribunaux iraquiens », a-t-il ajouté. Enfin, il a appelé à ce que l’UNITAD soit en mesure de répondre pleinement aux exigences du Gouvernement iraquien en matière de preuve, le mandat de l’Équipe devant être sans équivoque à cet égard.
Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a salué l’achèvement par l’UNITAD d’un premier rapport sur le développement et l’emploi d’armes chimiques et biologiques par Daech en Iraq, la création d’un laboratoire d’analyse de l’ADN et les progrès de l’enquête sur la trésorerie de Daech. Estimant que la collecte d’éléments de preuve est au cœur du mandat de l’UNITAD, elle a encouragé l’Équipe d’enquêteurs à poursuivre ses efforts afin d’atteindre, d’ici la fin de 2022, l’objectif de numériser la moitié des éléments de preuve.
Conformément à la résolution 2379 (2017) du Conseil de sécurité, la représentante a appelé à une « collaboration renforcée » avec le Gouvernement et les autorités judiciaires iraqiens, notamment au moyen de la formation des juges au droit pénal international et de l’élaboration de dossiers d’accusation et de poursuites contre les membres de Daech pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. « Le sort des victimes doit rester notre principale préoccupation », a poursuivi Mme Dime Labille, en saluant l’approche centrée sur les victimes et la « perspective de genre » adoptée par l’UNITAD dans ses enquêtes.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a souligné que les cellules dormantes et les groupes affiliés à l’EIIL représentent toujours une menace imminente dans différentes régions du monde, en particulier en Afrique. Plus que jamais, il nous faut renforcer et coordonner nos efforts pour gagner la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, a-t-il ajouté. Le représentant a rappelé que rendre la justice est une obligation là où l’EIIL a commis ses méfaits, en particulier en Iraq, « pour que le peuple iraquien puisse reconstruire un avenir meilleur et pacifique ». Il a estimé que les travaux de l’UNITAD permettaient de passer à présent de la collecte de preuves aux extraditions et à des procédures judiciaires. M. Hoxha a par ailleurs indiqué que l’Albanie avait rapatrié des dizaines de femmes et d’enfants des camps de détention en Syrie et en Iraq et leur avait fourni « les moyens de commencer une nouvelle vie ».
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a fait référence à la résolution 2597 (2021), qui comprend l’approbation de la demande du Gouvernement iraquien de prolonger d’une année le mandat de l’UNITAD, et a dit attendre avec impatience le déploiement de nouveaux efforts pour la poursuite des personnes impliquées, des partisans et des financiers de l’organisation terroriste Daech. Le mandat de l’UNITAD arrive à échéance le 17 septembre 2022, a rappelé le représentant qui s’est félicité du contenu du huitième rapport de l’UNITAD, dont plusieurs points importants sont à un stade avancé, grâce notamment à la participation et à la coopération du Gouvernement iraquien et l’ouverture de nouvelles voies d’enquête pour les crimes commis par l’organisation terroriste à l’encontre de tout le peuple iraquien.
À cet égard, M. Bahr Aluloom a tenu à saluer les efforts de l’Équipe d’enquêteurs et de son chef pour promouvoir la responsabilité dans le monde entier pour les crimes commis par l’organisation terroriste. Dans le même temps, les victimes en Iraq et leurs familles attendent toujours la responsabilité pénale de Daech, car, a rappelé le représentant, l’UNITAD a été créée afin de rendre justice au peuple iraquien. Le représentant a estimé que le défi le plus important pour l’Équipe durant la prochaine étape demeure la présentation de toutes les preuves, qu’elles aient été obtenues par l’Équipe ou fournies par l’Iraq et développées à l’aide de technologies innovantes, aux autorités de son pays pour être produites devant les tribunaux nationaux iraquiens. Rappelant le mandat de l’UNITAD, qui consiste en la collecte, la conservation et le stockage des preuves concernant les crimes commis par l’organisation terroriste, il a déclaré que ces preuves doivent être ensuite remises à l’Iraq, afin que le pays organise des procès équitables avec pour objectif de parachever la réalisation de la justice et de la réparation pour les victimes.
Le présent rapport stipule que l’Équipe a achevé des comptes rendus d’enquête dans quatre affaires importantes, a fait observer le représentant, qui a jugé crucial que l’UNITAD remette ces éléments de preuve aux autorités iraquiennes. De fait, a-t-il poursuivi, le sixième rapport stipule explicitement la possibilité de mener ces procès fin 2021 ou début 2022. Cela constitue pour lui une obligation à laquelle il faut contribuer en vue du respect des délais impartis. C’est pourquoi il a estimé nécessaire et important, aussi bien pour son pays que pour la communauté internationale, d’adopter des mesures rapides, efficaces et pratiques pour fournir les éléments de preuve au Gouvernement iraquien pour la conduite des procès nationaux.
Tout en reconnaissant les efforts déployés par l’UNITAD en matière de collecte, conservation et stockage des éléments de preuve, et sa coopération continue et croissante avec les autorités iraquiennes, M. Bahr Aluloom a expliqué que son gouvernement subissait une grande pression de la rue iraquienne, et des familles des victimes en particulier, qui exigent une reddition des comptes de la part des auteurs des crimes commis par l’organisation terroriste. Le Gouvernement iraquien suit avec beaucoup d’intérêt la prochaine phase d’évaluation du travail de l’Équipe et souligne la nécessité de préparer un plan stratégique, en coopération avec le Comité national de coordination iraquien, afin d’atteindre des objectifs concrets.
M. Bahr Aluloom a réitéré la volonté du Gouvernement iraquien de coopérer avec l’Équipe d’enquête internationale et de lui fournir une assistance par le biais du Comité national de coordination, dans le plein respect de la souveraineté de l’Iraq et de sa juridiction sur les crimes commis sur son territoire et contre son peuple.