Conseil de sécurité: appels à la création d’une convention sur les crimes contre l’humanité
Le Conseil de sécurité a tenu, aujourd’hui, un débat public sur le renforcement de la responsabilité et la justice dans le cas de graves violations du droit international, au cours duquel de nombreux appels ont été lancés en faveur de la création d’une convention sur les crimes contre l’humanité.
« L’impunité doit être reléguée au passé; la justice et la vérité doivent l’emporter au nom de notre humanité commune », a lancé en début de séance le Premier Ministre de l’Albanie, M. Edi Rama, dont le pays préside le Conseil durant le mois de juin.
Alors que les conflits armés et les atrocités de masse continuent de conduire à des souffrances dans diverses parties du monde, la Présidente de la Cours internationale de Justice (CIJ) a souligné que la CIJ ne peut promouvoir la responsabilité que dans la mesure où les États Membres lui attribuent la compétence pour le faire.
De son avis, l’adoption d’une convention sur les crimes contre l’humanité serait un moyen de promouvoir la responsabilité pour les violations de certaines des obligations les plus fondamentales définies par le droit international. La Cour se tient prête à trancher tout différend au sujet duquel elle aurait juridiction sur la base d’une telle convention, a assuré la juge Donoghue qui a rappelé que la CIJ ne peut promouvoir la responsabilité que dans la mesure où les États Membres lui attribuent la compétence pour le faire.
Cette idée a également été reprise par la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, qui a estimé que l’adoption d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité permettrait de combler une lacune importante dans le contexte international actuel.
Professeur de droit international public à l’Université d’Oxford, M. Dapo Akande a noté pour sa part qu’un tel texte garantirait que le cadre de répression des crimes contre l’humanité soit placé au même niveau que celui qui s’applique au génocide et aux crimes de guerre. Il a cependant regretté que la focalisation sur ces trois catégories de crimes ait omis le crime d’agression qui, selon lui, reste souvent sans réponse. Rappelant que le tribunal de Nuremberg a déclaré que déclencher une guerre d’agression est « le crime international suprême », il a appelé les États Membres à ratifier les amendements au Statut de la Cour pénale internationale sur le crime d’agression pour permettre à la CPI d’exercer sa compétence à propos de ce crime.
L’idée de créer un tribunal pénal spécial pour la répression du crime d’agression a notamment été appuyée par l’Ukraine qui a estimé à environ 200 à 300 le nombre de crimes de guerre commis chaque jour en Ukraine, précisant en outre que les organes nationaux d’enquête ont enregistré à ce stade 1 042 poursuites pénales concernant des crimes liés à l’invasion et ayant visé des enfants.
En tout cas, pour l’Union européenne, la responsabilité est la prémisse de la justice internationale, qui à son tour est la prémisse de la paix internationale. La délégation, comme de nombreuses autres, a insisté pour que les victimes soient placées au centre de tout système fonctionnel de justice pénale internationale et de responsabilité. Même si pour le Gabon, force est de constater que la justice pénale internationale demeure peu dissuasive, et sa portée continue d’être à « géographie variable ». La délégation a notamment dénoncé la « hardiesse » des juridictions internationales à aller chercher un chef de guerre en Afrique, ce qui contraste souvent avec leur « mollesse » lorsqu’il s’agit d’autres régions du monde.
Le Conseil de sécurité en a également pris pour son grade. Et la plupart des réquisitoires ciblaient le droit de veto qui est utilisé pour « protéger des intérêts nationaux étroits dans des situations d’atrocités de masse », ce qui n’est pas conforme à l’esprit de la Charte et donc inacceptable, a souligné la Türkiye. Plusieurs orateurs se sont d’ailleurs félicités de l’adoption de la résolution 76/262 de l’Assemblée générale permettant la convocation d’une réunion à la suite de l’exercice du droit de véto au sein du Conseil de sécurité.
D’autres États, dont les Émirats arabes unis, ont milité pour le renforcement des mécanismes internationaux de reddition de comptes, en parallèle au renforcement des capacités nationales, qui sont souvent les mieux placées selon elle pour rendre la justice. C’est ainsi que les États-Unis ont évoqué l’initiative du Président Biden pour la responsabilité en Europe, notamment cet observatoire qui va traquer et documenter les crimes russes afin de servir de base de données accessibles aux mécanismes de justice nationaux et internationaux qui traiteront de la question ukrainienne. Une question qui a focalisé les attentions, y compris celle des Îles Marshall qui parlaient au nom du Groupe des Amis de la responsabilité à la suite de l’agression contre l’Ukraine.
Cet engouement sur la question a fait dire à la Fédération de Russie que les pays occidentaux se sont soudainement souvenus de l’existence du droit international dans le contexte de l’Ukraine alors qu’ils le considéraient comme une « nuisance » dans les contextes de l’ex-Yougoslavie, de l’Iraq, de l’Afghanistan, de la Libye et de la Syrie. La délégation russe s’est ensuite élevée contre la promotion par le « collectif occidental » de l’idée consistant à remplacer le droit international classique par un « soi-disant ordre fondé sur des règles », autrement dit un nouveau « code normatif » élaboré par un groupe de pays qui entendent imposer leurs règles et à les rendre « universelles ». Au nom du Groupe des Amis de l’état de droit, l’Autriche a enfin appelé à redoubler d’efforts pour que les traités et le droit coutumier soient respectés, de même que la jurisprudence des tribunaux internationaux.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Violations graves du droit international: renforcer la justice et mieux s’acquitter de ses obligations S/2022/418/Rev.1
Déclarations liminaires
Mme JOAN E. DONOGHUE, Présidente de la Cour internationale Justice (CIJ), qui intervenait en visioconférence depuis La Haye, a d’abord rendu hommage au juge de la CIJ Antonio Augusto Cançado Trindade, décédé à Brasilia il y a quelques jours. Elle a ensuite rappelé le rôle particulier que joue la CIJ parmi les mécanismes de renforcement de la responsabilité des États. Les délibérations de la CIJ sont publiques et tenues sur la base de procédures établies, a-t-elle souligné. De plus, ses arrêts et ordonnances sont juridiquement contraignants pour les parties. À cet égard, la Juge Donoghue a relevé que durant ses 76 ans d’existence, la Cour avait eu l’occasion de se prononcer sur des aspects du cadre juridique de la responsabilité, y compris la relation entre le droit des droits de l’homme et le droit international humanitaire en temps de conflit, le caractère coutumier de certaines obligations conventionnelles et le principe de réparation pour les violations massives survenues dans un conflit armé. La CIJ a également eu l’occasion de se prononcer sur la responsabilité des États pour violation de ces dispositions fondamentales du droit international et sur les réparations qui en découlent, a-t-elle fait valoir.
Toutefois, avant d’aborder le fond de toute affaire contentieuse portée devant elle, la Cour doit cependant s’assurer qu’elle a compétence pour le faire, a rappelé la Présidente. Dans certaines affaires, la Cour dispose d’un large champ d’application pour examiner les demandes des justiciables et toute demande reconventionnelle, par exemple lorsque les deux parties ont reconnu sa compétence obligatoire en vertu de l’Article 36, paragraphe 2, de son Statut. Ce fut notamment le cas, a-t-elle indiqué, dans l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo, entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda, lors duquel la Cour a pu examiner un large éventail de violations du droit international qui auraient eu lieu dans le cadre d’hostilités impliquant les deux États. Dans d’autres affaires, cependant, les requérants ont invoqué comme fondement de la compétence de la Cour la clause compromissoire d’une convention particulière, telle que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ou la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Dans de tels cas, la compétence de la CIJ est limitée par la portée de ladite convention. De plus, la Cour peut ne pas être en mesure d’aborder l’éventail complet d’un comportement prétendument illégal qui s’est produit dans le cadre des incidents pertinents. Ainsi, la Cour a pris acte de cette limitation dans deux affaires nées de conflits de l’ex-Yougoslavie, dans lesquelles sa compétence n’était fondée que sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
De l’avis de la Présidente, la responsabilité pour les atrocités est sans aucun doute renforcée lorsque la loi applicable est claire et convenue entre les États, et lorsqu’un mécanisme est en place par lequel les différends interétatiques qui en résultent peuvent être tranchés, parallèlement à des procédures dans lesquelles des personnes sont tenues de rendre des comptes. Ce sont ces préoccupations, a-t-elle noté, qui ont motivé l’élaboration par la Commission du droit international de projets d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, actuellement examinés par l’Assemblée générale. Ces projets d’articles fournissent une base pour que les différends interétatiques soient jugés par la CIJ ou en arbitrage, promouvant ainsi l’objectif de la responsabilité de l’État en matière de crime contre l’humanité, a-t-elle soutenu.
Alors que les conflits armés et les atrocités de masse continuent de conduire à des souffrances dans diverses parties du monde, la juge Donoghue a tenu à rappeler que la CIJ ne peut promouvoir la responsabilité que dans la mesure où les États Membres lui attribuent la compétence pour le faire. L’adoption d’une convention sur les crimes contre l’humanité serait un moyen de promouvoir la responsabilité pour les violations de certaines des obligations les plus fondamentales définies par le droit international, a-t-elle plaidé. La Cour se tient prête à trancher tout différend au sujet duquel elle aurait juridiction sur la base d’une telle convention, a-t-elle conclu.
La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme MICHELLE BACHELET, a relevé que l’impunité alimente et intensifie de nombreuses crises actuellement à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. Cela enhardit les auteurs, réduit au silence les victimes et compromet les perspectives pour la paix, les droits humains et le développement, a—t-elle affirmé.
Elle a indiqué que le Conseil des droits de l’homme a intensifié sa réponse aux graves violations des droits humains susceptibles de constituer également des crimes internationaux. De ce fait, le Conseil des droits de l’homme a créé des mécanismes ayant pour mandat d’établir les faits et les circonstances des violations, afin de recueillir, consolider, conserver et analyser les informations et les preuves, tout en identifiant les responsables et en faisant des recommandations. Le travail de ces mécanismes a été utilisé par les tribunaux internationaux ainsi que par des procureurs et juges nationaux pour poursuivre les crimes internationaux, y compris en vertu des principes de la compétence universelle et extraterritoriale. La condamnation en Allemagne du colonel syrien Anouar Raslan pour avoir supervisé la torture dans un centre de détention syrien vient s’ajouter au nombre croissant de juridictions travaillant avec divers partenaires pour la responsabilisation des auteurs de crimes, a expliqué Mme Bachelet.
Deuxièmement, en collaboration avec le Bureau exécutif du Secrétaire général et l’ensemble du système des Nations Unies, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a renforcé le soutien de l’ONU aux mécanismes de justice transitionnelle, notamment les commissions vérité et les programmes de réparations. Un élément important qui ressort de ce travail est la nécessité d’adapter les initiatives de justice transitionnelle afin de répondre de manière adéquate et complète aux problèmes sous-jacents et aux causes profondes des violations, a-t-elle relevé. Elle a expliqué que pour que les réponses de la justice soient vraiment efficaces, elles doivent être centrées sur les personnes. Cela signifie promouvoir l’implication significative des victimes, en mettant l’accent sur leur accès à des voies de recours et à la réparation, y compris la réhabilitation, en accordant une attention particulière à la santé mentale et au soutien psychosocial. La Haute-Commissaire a aussi appelé à accompagner les acteurs nationaux, y compris les acteurs de la société civile, pour identifier des solutions de justice pragmatiques et adaptées au contexte.
Mme Bachelet a ensuite indiqué que son Bureau a renforcé l’accent accordé à la sensibilité au genre dans toutes les phases de la justice et du processus de responsabilisation. À cet égard, il est essentiel d’impliquer les femmes et les filles, avec d’autres victimes et bénéficiaires, de manière significative, dans les efforts de justice et de responsabilisation, en tant que leaders et agents de changement, a-t-elle plaidé.
Poursuivant, la Haute-Commissaire a appelé à renforcer le cadre normatif et institutionnel des efforts de responsabilisation et de justice sur lesquels les acteurs internationaux de la redevabilité peuvent construire leur procédure. L’adoption d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité pourrait, par exemple, combler une lacune importante dans le contexte international actuel, a-t-elle proposé. De même, les traités pertinents fournissant une base juridictionnelle pour la responsabilité, y compris le Statut de Rome de la CPI, méritent une adhésion universelle et devraient être ratifiés par tous les États. Elle a également appelé ces derniers à accepter la juridiction obligatoire de la CIJ, dans l’intérêt de toute la communauté internationale. Et dans le cas des mécanismes mandatés par l’ONU, ces organes doivent recevoir un financement adéquat et durable et des capacités techniques nécessaires pour s’acquitter de leurs mandats efficacement.
Mme Bachelet a par ailleurs souligné que le soutien du Conseil de sécurité à des efforts d’enquête impartiale, de justice et de responsabilisation est essentiel. Elle a recommandé à l’organe d’envisager d’inviter régulièrement des enquêteurs, des mécanismes de responsabilisation et des acteurs de la société civile à participer à des séances d’information. Elle a assuré que placer les victimes au centre de la responsabilité contribuera à la durabilité des efforts de responsabilisation et de justice. Cela signifie, a-t-elle indiqué, fournir l’espace pour la pleine participation des victimes et des communautés affectées, dans toute leur diversité, pour faire entendre leur voix, y compris -dans la mesure du possible- au sein du Conseil de sécurité lui-même.
M. DAPO AKANDE, professeur de droit international public à l’Université d’Oxford, a rappelé que, dans un mois, le monde célébrera le vingtième anniversaire de l’entrée en vigueur du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), premier tribunal permanent créé pour poursuivre et punir les crimes internationaux. S’il a dit reconnaître les avancées réalisées depuis lors dans ce domaine, il a jugé opportun de noter également que l’engagement à demander des comptes aux individus pour les crimes internationaux a faibli ces dernières années. Il semblerait qu’on ait mis la marche arrière, s’est-il exclamé, alors même que le besoin de justice pour satisfaire les revendications des victimes de graves atrocités n’a pas diminué. La réalité selon laquelle l’impunité augmente le risque de cycles de violence et de souffrances reste aussi vraie aujourd’hui que dans le passé, et, par conséquent, il est impératif que nous arrêtions le recul de notre engagement commun envers la responsabilité et que nous trouvions des moyens de donner effet aux idéaux auxquels nous nous sommes engagés, a exigé M. Akande.
Pour le juriste, il faut progresser sur deux fronts. Le premier consiste à développer davantage certaines des règles qui sous-tendent la prévention, les enquêtes et les sanctions de ces crimes, alors que le deuxième a trait à l’engagement à garantir que les institutions qui appliquent ces règles soient capables d’effectuer leur travail et fonctionnent mieux qu’elles ne le font actuellement.
En ce qui concerne le renforcement des normes sur lesquelles se fonde la responsabilité, M. Akande a noté que, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le droit international interdit le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime d’agression. Il existe aussi des régimes de conventions qui traitent de certains de ces crimes comme les Conventions de Genève ou la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. En revanche, et bien que les crimes contre l’humanité soient clairement interdits par le droit international coutumier, il n’existe pas de traité correspondant établissant des obligations similaires de prévention et de répression à l’égard de cette catégorie de crimes internationaux. La Commission du droit international a élaboré un projet de convention sur cette question qui exprimerait l’obligation des États de ne pas commettre de crimes contre l’humanité mais créerait également un cadre dans lequel les États peuvent coopérer pour punir et réprimer ces crimes, a souligné le professeur, en appelant les États à entamer des négociations sérieuses en vue de l’adoption d’un tel traité. Son adoption garantirait, selon lui, que le cadre de répression des crimes contre l’humanité soit placé au même niveau que celui qui s’applique au génocide et aux crimes de guerre.
Notant que l’attention a essentiellement concerné les trois crimes internationaux de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, M. Akande a regretté que cette focalisation ait omis le crime d’agression qui, malheureusement, reste souvent sans réponse. Le tribunal de Nuremberg a déclaré que « déclencher une guerre d’agression est non seulement un crime international, mais le crime international suprême, qui ne diffère des autres crimes de guerre qu’en ce qu’il contient en lui-même le mal accumulé de l’ensemble ». Dès lors, le professeur a estimé qu’afin d’améliorer le cadre normatif, les États devraient ratifier les amendements au Statut de la Cour pénale internationale sur le crime d’agression afin de permettre à la Cour d’exercer sa compétence à propos de ce crime.
Quant aux améliorations qui peuvent être apportées aux mécanismes institutionnels de responsabilisation pour les crimes internationaux, elles exigeront dans presque tous les cas des efforts à plusieurs niveaux, a estimé M. Akande. Certains crimes seront poursuivis par des tribunaux internationaux, comme la CPI. Mais la CPI ne peut poursuivre qu’un nombre limité d’affaires, idéalement celles qui emportent la responsabilité la plus lourde. En règle générale, il faudra donc aussi que les tribunaux nationaux de l’État où les crimes ont été commis, ou encore des tribunaux nationaux étrangers exerçant une compétence universelle, soient saisis. Le professeur a rappelé à cet égard que les Conventions de Genève non seulement prévoient le droit des États d’exercer leur compétence universelle face aux violations graves de ces conventions, mais imposent en fait une obligation de le faire. La situation actuelle en Ukraine montre à quel point les efforts en matière de responsabilité seront souvent, nécessairement, multiformes, a ajouté M. Akande en arguant qu’il ne s’agit pas d’un défaut du système mais bien d’une caractéristique essentielle.
M. Akande a également exhorté le Conseil de sécurité et ses membres à établir la responsabilité en veillant à ce qu’il y ait une enquête et des poursuites appropriées pour ces crimes. Le Statut de Rome fournit le véhicule idoine par lequel le Conseil peut mener des enquêtes sur des crimes internationaux en renvoyant des situations la CPI, a souligné le professeur, qui a rappelé que le Conseil avait agi ainsi en ce qui concerne le Darfour et la Libye. Il devrait prendre des mesures similaires lorsque des crimes internationaux ont été commis et que la CPI n’a pas autrement compétence, a préconisé M. Akande, même si le renvoi de situations d’atrocités à la CPI ne suffit pas puisque l’efficacité de la Cour dépend de la coopération des États pour remplir son mandat.
Le Conseil peut promouvoir la coopération des États avec la CPI de diverses manières, a poursuivi M. Akande notamment en imposant des obligations de coopération à tous les États. Le Conseil ne devrait pas interdire le financement par l’ONU des enquêtes et des poursuites de la CPI découlant de renvois à la CPI; le Conseil ne devrait pas chercher à limiter les personnes que la CPI peut poursuivre à la suite de renvois que le Conseil a faites à la Cour; et, en dernier lieu, lorsqu’il renvoie une situation à la CPI, le Conseil devrait adopter un langage explicite levant toute immunité susceptible d’entraver les poursuites de la CPI.
M. Akande a en outre évoqué certaines mesures que le Conseil pourrait prendre soit pour promouvoir la coopération des États avec la CPI, soit pour traiter les cas de non-coopération lorsque des enquêtes et des poursuites sont en cours. Par exemple, le Conseil pourrait établir un processus pour déterminer s’il convient d’imposer des sanctions ciblées aux individus recherchés par la CPI. De plus, les missions de maintien de la paix des Nations Unies opérant dans des États dont la situation relève également de la CPI devraient recevoir un mandat explicite pour coopérer avec la CPI. Le professeur a également rappelé qu’en vue d’améliorer l’exécution des mandats de responsabilité des mécanismes d’enquêtes mis en place par le Conseil de sécurité et d’autres organes des Nations Unies, notamment pour les crimes par l’État islamique d’Iraq et du Levant/Daech ou ceux commis au Myanmar, des propositions ont récemment été faites pour créer un mécanisme d’appui aux enquêtes des Nations Unies. Ce mécanisme pourrait jouer un rôle de coordination des divers mandats ayant une fonction d’enquête et il pourrait lui-même être déclenché par un organe compétent de l’ONU pour mener des enquêtes, a-t-il suggéré.
Déclarations
M. EDI RAMA, Premier Ministre de la République d’Albanie, a déclaré qu’au-delà des désaccords entre États, notamment politiques, qui font partie de la vie internationale, la communauté internationale est unie par des valeurs et des normes communes qui constituent le droit international. Des millions de vies ont été sacrifiées avant que les États acceptent leur responsabilité collective, a-t-il rappelé, en condamnant les violations grandissantes du droit international humanitaire et du droit international. « Une injustice où que ce soit est une menace pour la justice partout », a déclaré M. Rama, citant Martin Luther King.
L’absence de progrès sur ces questions sape le tissu même de la société, déstabilise les États et menace et la paix et la sécurité internationales, a insisté M. Rama, citant en exemple le conflit en Syrie qui dure depuis maintenant 11 ans et qui a peut-être favorisé l’éclosion de nouveaux conflits ailleurs dans le monde. L’agression injustifiée et illégale de la Fédération de Russie contre l’Ukraine constitue la négation même de ces valeurs communes et menace la sécurité européenne, l’économie et la sécurité alimentaire mondiale, a poursuivi le Premier Ministre en demandant que les responsables soient traduits en justice. « L’impunité doit être reléguée au passé; la justice et la vérité doivent l’emporter au nom de notre humanité commune », a-t-il conclu, en appelant les États Membres à en faire plus.
M. RAJKUMAR RANJAN SINGH, Ministre d’État aux affaires extérieures de l’Inde, a déclaré que les efforts de la communauté internationale devaient viser à aider les États Membres à garantir la justice pour les victimes par le biais d’un processus de responsabilisation fondé sur les normes de jurisprudence acceptées au niveau national. Ce processus devrait également promouvoir la réconciliation nationale et un avenir inclusif, a-t-il ajouté, notant que le Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal pour le Rwanda, ainsi que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, par exemple, ont contribué à la lutte contre l’impunité. Le ministre a ensuite souligné que son pays, qui n’est pas partie au Statut de Rome, estime que l’indépendance d’un organe judiciaire est la condition sine qua non d’une administration impartiale de la justice. En donnant au Conseil de sécurité la possibilité de charger la CPI d’enquêtes et de procédures en vertu de l’Article 16 du Statut de Rome, ce dernier « viole ce principe cardinal », a-t-il affirmé.
Ayant subi le fléau du terrorisme transfrontalier pendant des décennies au cours desquelles des milliers de civils innocents ont perdu la vie, l’Inde a toujours été à l’avant-garde des efforts mondiaux de lutte contre le terrorisme, a ensuite déclaré M. Singh. Pour lui, la communauté internationale doit rester ferme dans son opposition au terrorisme sous toutes ses formes et manifestations et doit rejeter toute tentative de fournir des justifications aux actes terroristes. Récemment, l’Inde a accordé une aide financière pour soutenir les travaux de l’équipe d’enquête des Nations Unies chargée de promouvoir la responsabilité pour les crimes commis par Daech/EIIL en Iraq, a-t-il encore signalé. Il a conclu en encourageant les États à mettre en place un processus inclusif et transparent pour établir la responsabilité des violations graves du droit international commises dans leur juridiction. L’administration de la justice ne peut être affaire d’opportunisme politique, a-t-il conclu.
M. PAUL GALLAGHER, Ministre de la justice de l’Irlande, a salué le fait que, ces trois derniers mois, la communauté internationale ait assisté à l’opérationnalisation de mécanismes visant à garantir la responsabilité pénale aux niveaux national, régional et international à l’appui de l’appel à la justice en Ukraine. Il a rappelé à cet égard que l’Irlande a été l’un des 41 États qui ont rapidement renvoyé la situation en Ukraine à la CPI. Depuis, s’est-il félicité, des parquets nationaux ont été mobilisés à travers l’Europe et une équipe de 42 enquêteurs, experts médico-légaux et personnels de soutien a été déployée par la CPI pour enquêter sur les crimes et soutenir les autorités ukrainiennes compétentes. Il s’est également dit encouragé par la création de la Commission internationale indépendante d’enquête sur l’Ukraine par le Conseil des droits de l’homme.
Le Ministre a en revanche déploré l’inaction du Conseil de sécurité. Si ce dernier a démontré ce qu’il peut faire dans le domaine de la responsabilité, notamment en renvoyant les situations au Darfour et en Libye à la CPI, il a aussi trop souvent refusé d’agir, presque toujours à cause de l’exercice du droit de veto d’un ou plusieurs des membres permanents, a-t-il regretté. C’est pourquoi, selon lui, le Conseil lui-même doit être tenu pour responsable. L’utilisation du droit de veto pour empêcher l’action du Conseil pour faire face aux atrocités criminelles ne peut être justifiée, a-t-il argué, rappelant que son pays a soutenu l’initiative adoptée par l’Assemblée générale, en vertu de laquelle tout membre permanent du Conseil recourant au veto devra rendre compte de son utilisation à tous les membres des Nations Unies.
Il a fait part de son ferme appui à la CPI dans ses efforts pour veiller à ce que les responsables des crimes les plus graves de portée internationale ne puissent pas agir avec impunité. Il a également préconisé l’élaboration d’une convention sur les crimes contre l’humanité et insisté sur la nécessité de renforcer la coopération internationale pour les crimes les plus graves, notamment par le biais du traité d’entraide judiciaire en cours de négociation. Enfin, le Ministre a exhorté tous les États Membres à accepter la juridiction de la CIJ dont il a rappelé le rôle dans la prévention des conflits.
Mme UZRA ZEYA, Sous-Secrétaire d’État à la sécurité civile, à la démocratie et aux droits de l’homme des États-Unis, a relevé que demander des comptes aux auteurs de crimes et d’atrocités, c’est également mettre en garde ceux qui auraient l’idée de suivre leur exemple. Depuis 100 jours, a-t-elle déploré, la Fédération de Russie a bombardé des maternités et tué des civils, tout en commettant des actes de torture, de viol ou de transfert forcé d’enfants vers la Russie avant de les placer de force dans des foyers d’adoption. Elle a appelé ce pays à respecter l’ordonnance du 16 mars dernier de la CIJ, qui lui demande de mettre immédiatement un terme à son « opération militaire spéciale ». Le monde observe ce que vous faites et vous demandera des comptes, a-t—elle lancé à l’endroit de la Fédération de Russie.
Mme Zeya a ensuite évoqué l’initiative du Président Biden pour la responsabilité en Europe, notamment cet observatoire qui va traquer et documenter les crimes russes afin de servir de base de données accessibles aux mécanismes de justice nationaux et internationaux qui traiteront de la question ukrainienne. Les États-Unis soutiennent une large palette d’initiatives similaires relatives aux crimes de la Fédération de Russie en Ukraine, a-t-elle assuré. Elle a relevé qu’alors qu’il y a également des atrocités commises en Syrie, en Chine, au Myanmar et ailleurs, les États-Unis viennent par exemple de débourser 1 million de dollars pour renforcer le mécanisme d’enquête dédié à ce dernier pays. En plus, les États-Unis entendent également soutenir les juridictions nationales enquêtant sur les crimes de guerre, comme ce fut le cas récemment en Allemagne dans le cadre du procès d’Anouar Raslan, cet ancien colonel de l’armée syrienne. Mme Zeya a conclu en appelant à mettre l’accent sur les victimes et les rescapés, afin que ceux ayant subi des préjudices puissent avoir des compensations.
Mme LANA NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a exigé que justice soit faite pour les victimes de crimes internationaux dans le monde, en notant que les préjudices causés par les conflits sont importants et que ces crimes déchirent le tissu social et érodent la confiance. La représentante a également souligné que, si le droit international est appliqué de façon juste, la souveraineté nationale n’est pas remise en cause. La primauté du droit national et du droit international sont les deux faces de la justice, a-t-elle martelé en appelant à se mettre collectivement d’accord sur des règles communes, qu’il faudra ensuite défendre à travers les systèmes nationaux de justice. Même si les Émirats arabes unis plaident aussi en faveur du renforcement des mécanismes internationaux de reddition de comptes, la représentante a insisté sur l’importance du renforcement des capacités nationales, qui sont souvent les mieux placées selon elle pour rendre la justice. À cet égard, elle a cité les exemples des Commissions « Vérité et réconciliation » de l’Afrique du Sud et de la Colombie. Elle a également appelé à tirer les leçons de la mission de l’UNITAD en Iraq, y voyant un modèle à suivre à l’avenir.
Le Conseil de sécurité devrait s’appuyer sur tous les outils dont il dispose, a poursuivi Mme Nusseibeh en citant notamment les mécanismes pour lutter contre les crimes sexuels qui restent, selon elle, trop souvent sous-employés. Il faudrait inscrire sur une liste les individus responsables de ces crimes par exemple, a estimé la représentante, y voyant un outil de dissuasion. S’agissant du recours aux technologies de pointe pour la collecte de preuves et le traitement des données, elle a concédé qu’il s’agit d’outils efficaces, mais a appelé à ne pas perdre de vue les victimes, mettant en garde contre le risque de créer un système à deux niveaux entre les victimes ayant accès à l’outil Internet et les autres.
Évoquant les écrits de Thucydide, M. MARTIN KIMANI (Kenya) a déploré qu’aujourd’hui encore, les puissants ont recours à la force armée, aux menaces et à la manipulation du système multilatéral pour parvenir à leurs fins. À cet égard, l’obligation de rendre compte contenue dans la Charte des Nations Unies ne peut être pleinement mise en œuvre que si le Conseil de sécurité n’est pas dominé par les intérêts de ses membres. Pour ce faire, il a plaidé pour une réforme du Conseil comprenant des pays autres que les anciennes puissances coloniales, notamment des États africains, et encadrant l’usage du droit de véto par ses membres permanents. Il a plaidé pour un monde plus égalitaire, notant que résister aux investissements dans l’adaptation aux changements climatiques ne contribue qu’à soutenir un système mondial qui s’avèrera incapable de résoudre les défis majeurs. Pour être légitime, la reddition de comptes doit s’appliquer également à tous les pays, a fait valoir le représentant, et s’accompagner de mesures favorisant le dialogue et la réconciliation.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a réitéré l’appel de son pays à tous les États, en particulier aux membres permanents du Conseil de sécurité, pour qu’ils reconnaissent l’universalité du Statut de Rome et coopèrent pleinement avec la CPI. Il est toujours utile de rappeler le rôle moteur que l’Article 24 de la Charte des Nations Unies confère au Conseil dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a-t-il ajouté, estimant à cet égard qu’il ne peut y avoir ni paix ni sécurité là où les auteurs de violations graves du droit international se sentent libres de continuer à commettre des atrocités.
Parce que, malgré leur importance, le monde ne peut compter uniquement sur les organismes internationaux pour lutter contre les crimes et autres actes contraires au droit international des droits de l’homme et au droit international humanitaire, le représentant a plaidé pour un renforcement net de l’action humanitaire. Rappelant qu’en 2022 plus de 100 millions de personnes ont été contraintes d’abandonner leur foyer et plus de 303 millions de personnes ont encore besoin d’aide humanitaire, « soit une augmentation de 10% par rapport à décembre 2021 », M. Costa Filho a souligné que les États portent toujours la responsabilité première de rendre la justice et de protéger les populations contre les effets des conflits armés. Dans cette tâche, a-t-il expliqué, en plus de poursuivre les responsables des violations et de prêter attention aux besoins des victimes, les États doivent s’attaquer aux causes profondes de la violence et consacrer des efforts soutenus à la prévention des conflits. Selon M. Costa Filho, les États doivent en outre impliquer plus avant la société civile, non seulement pour instaurer la confiance mais aussi pour rendre l’action gouvernementale plus efficace, en particulier celle concernant les groupes vulnérables.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a noté que la communauté internationale dispose de nombreux outils pour faire face aux violations graves du droit international. Mais les mécanismes de responsabilisation nationaux, régionaux et internationaux doivent être renforcés en appui d’un droit international fondé sur l’état de droit, a-t-il souligné, plaidant en premier lieu pour que tous les organes de l’ONU, et en particulier le Conseil de sécurité, agissent à cette aune. Le représentant a également souhaité que les interprétations des règles fondamentales du droit international soient évitées dès lors qu’elles n’ont pas de soutien dans la jurisprudence de la CIJ. Cette dernière doit être renforcée en tant que principal organe judiciaire de l’ONU et garant d’une reddition de comptes en cas de responsabilité internationale des États. Pour M. de la Fuente Ramírez, il est donc impératif que davantage d’États Membres acceptent la juridiction obligatoire de la CIJ, sans conditions. Il est également indispensable que le Secrétaire général de l’ONU reste un acteur clef dans la recherche du dialogue et de la médiation en cas de différend. Pour le représentant, il serait utile que l’Assemblée générale autorise à titre permanent le Secrétaire général à demander des avis consultatifs à la CIJ.
S’agissant de la responsabilité individuelle pour les crimes internationaux, l’universalité du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) doit être reconnue, a affirmé le représentant, qui a appelé à une coopération accrue entre le Conseil et la CPI. Par ailleurs, le Mexique encouragera cette année l’Assemblée générale à lancer un processus de négociation et d’adoption d’une convention visant à prévenir et punir les crimes contre l’humanité sur la base des projets d’articles adoptés par la Commission du droit international. Un tel instrument comblerait le vide juridique qui existe depuis 1945 et permettrait de renforcer, tant au niveau national qu’à l’échelon international, des systèmes de justice pénale, a fait valoir le représentant. Enfin, il a indiqué qu’avec la France, le Mexique continuera à promouvoir l’initiative conjointe appelant les membres permanents du Conseil à s’engager, sur une base volontaire, à s’abstenir de recourir au veto dans des situations d’atrocités de masse. L’initiative compte déjà 105 États signataires et la situation mondiale actuelle confirme sa pertinence, a-t-il conclu, en invitant ceux qui ne l’ont pas encore fait à s’y joindre.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a estimé que le Conseil peut faire mieux pour soutenir la responsabilité et la justice, par exemple en veillant à ce que ses actions soient dénuées des intérêts géopolitiques de ses principaux États membres. Que les violations se produisent au Mali, en Syrie, en Iraq, en Afghanistan ou en Ukraine, la réponse devrait être le même, a plaidé le représentant pour qui garantir la responsabilité est fondamental, maintenant plus que jamais, pour éviter un nouvel affaiblissement de l’ordre fondé sur des règles. Il a appelé la communauté internationale à éviter que l’impunité ne s’enracine dans le tissu du système international, en agissant afin que les auteurs de crimes internationaux et d’atrocités ne restent pas impunis.
En tant qu’État partie au Statut de Rome, le Ghana réaffirme son attachement à ses principes et au travail de la CPI, a assuré le délégué. Pour lui, la responsabilité concerne également l’établissement de la vérité. De ce fait, toutes les allégations d’atrocités doivent être soumises à une enquête indépendante, approfondie et impartiale, menée par les autorités compétentes pour établir les faits et fonder les poursuites. Il a souligné, à cet effet, l’importance de la collecte et de la préservation des preuves, ainsi que l’identification et la protection des principaux témoins. Il a enfin estimé que l’intégration de la dimension du genre et des politiques sensibles au genre dans les mécanismes de responsabilisation, aux niveaux national et international, augmentera le succès de la poursuite de telles infractions contre les femmes et les filles.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a exigé que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité aient à rendre des comptes. « Le monde ne sera jamais en paix sans justice », a affirmé le représentant qui a indiqué que son gouvernement apporte un soutien indéfectible à la CPI, notamment dans le cadre de l’enquête ouverte par la CPI sur la situation en Ukraine le 2 mars 2022. La France est également pleinement mobilisée pour apporter un appui concret aux efforts déployés par les autorités ukrainiennes dans le cadre des enquêtes qu’elles ont engagées, a-t-il ajouté, évoquant le déploiement, dès le 11 avril 2022, d’une équipe technique chargée d’apporter son expertise en matière d’identification et de recueil de preuves aux autorités ukrainiennes. Il a également rappelé l’ordonnance rendue le 16 mars 2022 par la CIJ qui ordonne notamment à la Russie de suspendre les opérations militaires commencées le 24 février 2022. La Russie est juridiquement tenue de s’y conformer, a-t-il tranché.
Le représentant a ensuite indiqué qu’il y a deux jours, le journaliste français Frédéric Leclerc-Imhoff a été tué alors qu’il couvrait une opération ukrainienne d’évacuation près de Sievierodonetsk. Il a exigé qu’une enquête transparente s’engage dans les meilleurs délais pour faire toute la lumière sur les faits. Il a par ailleurs assuré que la France continuera à promouvoir avec le Mexique l’initiative sur l’encadrement du recours au véto en cas d’atrocités de masse.
Mme MONA JUUL (Norvège) s’est félicitée de l’établissement par la communauté internationale de mécanismes de reddition de comptes afin d’assurer le respect du droit international et du droit international humanitaire. Elle a dénoncé le mépris flagrant des décisions de la CIJ, tout en appelant le Conseil de sécurité à faire en sorte qu’elles soient respectées. En outre, le Conseil et les États Membres doivent faire un plus grand usage de la CPI afin de lutter contre l’impunité, notamment en appuyant ses enquêtes et en lui remettant les personnes recherchées a fait valoir la représentante. Mme Juul a rappelé que la Norvège s’était jointe à quelque 40 autres États pour saisir la CPI de la situation en Ukraine, laquelle a ouvert une enquête sur d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par la Fédération de Russie. Mme Juul a également insisté sur l’importance de la participation pleine et égale des femmes à la paix et à la stabilité internationales afin de prévenir de nouvelles violations du droit international.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a noté que même s’il n’a pas été possible pour le Conseil de sécurité de prendre des mesures concernant l’agression infondée de la Russie contre l’Ukraine, le Royaume-Uni a joué un rôle de chef de file pour saisir la CPI, la mobilisation qui s’en est suivie ayant démontré que le monde n’est pas prêt à laisser les pires crimes de guerre impunis. Le représentant a ensuite souligné l’importance de la collecte de preuves respectant les normes établies afin que puissent être ouvertes des enquêtes, comme celles de l’UNITAD. Ces enquêtes permettront de faire la lumière sur les crimes de guerre commis en Syrie et en Iraq, ainsi qu’en Ukraine à l’avenir, a-t-il affirmé. Sur ce point, le représentant britannique a déploré que la Chine se refuse à jouer le jeu, cela « en entravant l’accès à des éléments de preuves » comme l’a signalé Mme Bachelet. Il a conclu en déclarant que la justice s’imposera toujours, conformément aux principes du système multilatéral.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a commencé par dénoncer l’« hypocrisie sans limites » des pays occidentaux, qui, selon lui, se sont soudainement souvenus de l’existence du droit international dans le contexte de l’Ukraine alors qu’ils le considéraient comme une « nuisance » dans les contextes de la Yougoslavie, de l’Iraq, de l’Afghanistan, de la Libye et de la Syrie. Pour justifier leurs agressions contre des pays souverains, les Occidentaux ont dû inventer des « concepts exotiques », des « interventions humanitaires » aux « guerres contre le terrorisme » en passant par la « prévention de coups d’État », alors qu’il s’agissait de guerres non provoquées, a-t-il affirmé, ajoutant que, dans tous ces cas, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN avaient systématiquement ignoré le droit international et la Charte des Nations Unies.
Le représentant s’est ensuite élevé contre la promotion par le « collectif occidental » de l’idée consistant à remplacer le droit international classique par un « soi-disant ordre fondé sur des règles », autrement dit un nouveau « code normatif » élaboré par un groupe de pays qui entendent imposer leurs règles et à les rendre « universelles ». Cette logique se retrouve dans la volonté exprimée par les pays occidentaux de « punir » la Russie, a-t-il noté, accusant ces mêmes pays de faire pression sur les mécanismes internationaux de justice pénale, comme l’atteste l’imposition par les États-Unis de sanctions contre l’ancienne Procureure de la CPI ou encore la « dépriorisation » des poursuites engagées contre des personnels militaires américains en Iraq et en Afghanistan. Quand la responsabilité de militaires de ces pays est engagée, « l’impunité devient soudainement complètement inutile », a observé le représentant. Sur les crimes de guerre commis en Iraq, en Afghanistan et en Syrie, comme sur les tortures pratiquées à Guantanamo et dans les prisons secrètes de la CIA en Europe, nous n’aurions jamais rien su sans les documents publiés par Julian Assange, a-t-il souligné, reprochant au Royaume-Uni de vouloir livrer ce « courageux journaliste » aux États-Unis, où il sera jugé pour espionnage et risque de passer le reste de sa vie derrière les barreaux.
Pour le représentant, l’Occident a besoin de la CPI en tant qu’instrument « purement politique ». De fait, la justice « vire à la farce » et le coupable est « désigné d’avance » par des tribunaux aux ordres. Ainsi, a-t-il dit, ni la CPI ni l’Occident ne se soucie des crimes multiples du régime de Kiev arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch sanglant en 2014. De même, les Occidentaux ignorent les civils du Donbass tués par l’armée ukrainienne pendant huit ans de bombardements et vont jusqu’à traiter en « héros » les criminels nazis du bataillon Azov. Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, plusieurs membres du Conseil ont évoqué l’ordonnance de la CIJ du 16 mars portant sur des mesures conservatoires concernant la Russie, suite à une plainte déposée par l’Ukraine sur la base de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Estimant que cette décision provisoire s’appuie sur de fausses allégations de violations de la Convention, il a qualifié d’absurde l’injonction de « suspendre les opérations militaires » rendue par la Cour dans le seul cadre d’une action en vertu de cette Convention, laissant entendre que, « sous forte pression politique », la CIJ peut prendre des décisions « incohérentes ». En inondant l’Ukraine d’armes, soi-disant pour renforcer sa capacité à repousser la Russie, l’Occident commet un autre crime de guerre puisqu’il permet aux bourreaux ukrainiens de poursuivre leurs pilonnages du Donbass, a-t-il poursuivi, concluant sur une adresse à ses collègues occidentaux: « si vous voulez condamner des agressions, commencez par condamner vos aventures militaires et vos sanctions économiques illégales, vos guerres coloniales et votre génocide de populations autochtones ».
Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a affirmé que des procès équitables aident à rendre aux victimes leur dignité en reconnaissant leur souffrance, et à créer un compte rendu historique des évènements, afin de se prémunir des éventuels révisionnismes ou dénégations de ceux qui pourraient chercher à nier les atrocités commises. La représentante a indiqué que malgré les efforts de la communauté internationale, force est de constater que la justice pénale internationale demeure peu dissuasive, et sa portée continue d’être à « géographie variable ». Elle a en effet dénoncé la hardiesse des juridictions internationales à aller chercher un chef de guerre en Afrique, ce qui contraste souvent avec leur mollesse lorsqu’il s’agit d’autres régions du monde. En Afrique, a-t-elle poursuivi, point n’est besoin de remonter à la période de la traite négrière, ou de la colonisation, pour mettre en relief les champs ou la reddition de comptes se révèle comme une exigence. Elle a également dit que les temps d’instruction des affaires, comme les 10 ans pris dans l’affaire Thomas Lubanga ou les 16 ans pris pour celle de Dominic Ongwen, sont difficilement compatibles avec le besoin de reconstruction des victimes. Selon la représentante, une bonne justice est une justice qui condamne d’une part, et qui répare, d’autre part.
M. DAI BING (Chine) a déclaré que la justice et la responsabilité font partie des principales tâches du Conseil de sécurité dans le contexte du maintien de la paix et de la sécurité internationales. La paix et la justice se complètent mutuellement, a-t-il souligné, notant toutefois qu’en l’absence de solution systématique pour traiter de la paix et du développement, la justice est fragilisée. Il a estimé que l’application de la justice doit être orientée vers l’avenir en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’antagonismes qui perdurent. Il a souligné que la responsabilité, dans le contexte du droit international, implique une application non sélective des règles aux différentes situations. La responsabilité doit aussi respecter le rôle de l’État concerné qui est responsable au premier chef de l’application de la justice et doit faire respecter la reddition de comptes pour des crimes internationaux, a encore estimé le représentant pour qui il est impératif de tenir compte de la complémentarité des compétences des systèmes nationaux et internationaux de justice.
Le représentant a également jugé essentiel que la justice se fonde sur des faits en appelant à ne pas exercer de pressions contre ceux qui ont des vues contraires. Les règles et normes du droit international doivent s’appliquer de la même manière à tous les États, a-t-il insisté. Il a également noté que certains des mécanismes de responsabilité mis en place par le Conseil de sécurité n’ont pas obtenu les résultats escomptés. Avant de conclure, le délégué a rejeté les allégations de génocide faites par les États-Unis et le Royaume-Uni contre la Chine, en estimant qu’il s’agit de mensonges visant à discréditer son pays aux yeux de la communauté internationale.
M. SYED MOHAMAD HASRIN AIDID (Malaisie) a affirmé qu’en matière de responsabilité le Conseil de sécurité doit donner l’exemple, autant que les instruments internationaux du droit international. Tous les crimes et violations présumés du droit international, y compris ceux qui ont systématiquement violé les résolutions du Conseil de sécurité, doivent être traités de manière égale et objective, quels que soient le lieu et le moment où ils se sont produits, a-t-il insisté. Pour le représentant, un exemple clair de la paralysie du Conseil de sécurité se voit dans son incapacité à agir contre les nombreuses et graves violations par Israël du droit international et des résolutions du Conseil. Le Conseil de sécurité doit surmonter son déficit de responsabilité, qui remet en question sa crédibilité et sa légitimité, a estimé le représentant.
M. ION JINGA (Roumanie) s’est dit confiant que, malgré les destructions généralisées qui persistent dans le monde, y compris dans le voisinage de son pays, aucun auteur d’atrocités ne restera impuni. Pour garantir que cela soit le cas, il a tout d’abord appelé les membres du Conseil à donner un « exemple moral élevé » en termes d’engagement et d’action sur la scène internationale. Alors que l’on assiste à une agression militaire injustifiée et non provoquée menée par un membre de cette instance contre l’Ukraine, la communauté internationale doit continuer à faire preuve de fermeté contre l’agression russe et montrer, par son unité, son attachement à l’état de droit, a fait valoir le représentant. Rappelant l’ordonnance de la CIJ invitant la Russie à suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine, il a demandé que cette décision soit respectée et a indiqué que la Roumanie prévoyait de formuler une demande d’intervention dans cette procédure. Il a également souligné la nécessité de soutenir le rôle vital de la CPI dans la lutte contre l’impunité et l’octroi de réparations aux victimes d’atrocités de masse, et a rappelé que le Conseil a la responsabilité particulière de veiller à ce que soient exécutés les mandats d’arrêt délivrés dans le cadre de situations qui lui ont été renvoyées. Cela enverrait le signal fort que les auteurs d’atrocités criminelles doivent et peuvent être tenus responsables, quoi que fassent les États, a-t-il ajouté, indiquant pour finir que son pays s’est joint à une saisine du Procureur de la CPI pour qu’il enquête sur tout crime de guerre, crime contre l’humanité et crime de génocide survenu sur le territoire de l’Ukraine.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a relevé que la responsabilisation est généralement un processus de longue durée, qui nécessite souvent à la fois la punition pour les auteurs et une forme de justice réparatrice. Il a indiqué que son pays et de nombreux autres continueront d’exiger que des situations particulièrement alarmantes soient déférées à la CPI. Mais avant tout, le Conseil de sécurité a un rôle clef pour demander le plein respect du droit international humanitaire par toutes les parties au conflit. Il a rappelé que depuis le 17 juillet 2018, le Conseil de sécurité est doté du pouvoir de renvoyer les situations impliquant le crime d’agression à la CPI. Cet outil a le potentiel énorme de dissuader l’agression et de soutenir l’action du Conseil, a expliqué le délégué. Selon lui, le Conseil devrait s’en servir pour renvoyer l’agression contre l’Ukraine à la CPI. Prédisant cependant qu’il ne le fera sûrement pas, le représentant a appelé le système des Nations Unies à trouver un autre moyen de s’assurer qu’il n’y ait pas d’impunité pour cet assaut contre l’ordre international et la Charte des Nations Unies.
M. JAKUB KULHÁNEK (République tchèque) a estimé que la communauté internationale doit agir en cas de violations du droit international, et qu’elle ne doit jamais y renoncer même si parfois le chemin de la justice est semé d’embûches. Il a appelé tous les États à respecter les ordonnances juridiquement contraignantes de la CPI « qui reste l’organe judiciaire le plus indiqué ». Il a déploré qu’en raison de l’impasse au Conseil, celui-ci n’a pas réussi à renvoyer le dossier syrien devant la Cour. Le représentant a ensuite insisté pour que le Conseil de sécurité réagisse en cas de non-coopération avec la CPI. Passant à la guerre en Ukraine et aux victimes civiles, le délégué a exigé que les auteurs des crimes de guerre qui y ont été commis aient à rendre des comptes. Dans tous les efforts de responsabilité, la collecte de documentation et de preuves est centrale, a-t-il souligné.
M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a dénoncé l’échec, en certaines circonstances, du Conseil de sécurité à empêcher les violations graves du droit international, notamment à l’égard des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par Israël à l’encontre du peuple palestinien. Il a dénoncé les États qui imposent des mesures coercitives unilatérales telles que des sanctions comme méthode de guerre contre des civils innocents, estimant qu’elles contreviennent au droit international et que les responsables doivent être traduits en justice. La population civile iranienne est menacée depuis des décennies par les sanctions unilatérales sévères imposées par les États-Unis, a fustigé le représentant. Les États-Unis ont ignoré la décision de 2018 de la CIJ leur ordonnant de lever les sanctions concernant l’important de biens humanitaires, a-t-il rappelé, en ajoutant que le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme a appelé les États-Unis à lever toute mesure unilatérale ayant une incidence sur les droits humains de la population iranienne.
Mme ANNE FRANÇOISE DOSTERT (Luxembourg) a souligné que renforcer la justice et la redevabilité est essentiel pour assurer et maintenir la paix et la sécurité internationales. En effet, a-t-elle dit, la paix et la justice vont de pair et se renforcent mutuellement, ce lien entre justice et paix apparaissant de manière encore plus évidente à la lumière de l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Elle a condamné dans les termes les plus forts l’agression de la Russie contre l’Ukraine et les atrocités perpétrées par les Forces armées russes en Ukraine, notant que ces atrocités peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. À cet égard, elle a estimé que tout doit être fait pour tenir les auteurs pour responsables et pour rendre justice aux victimes. Elle a assuré le Conseil que le Luxembourg soutient le travail crucial effectué par le Procureur de la CPI, en complémentarité avec les autorités judiciaires ukrainiennes. Elle a par ailleurs encouragé le Conseil de sécurité à faire usage de son droit de saisine de la CPI lorsque des crimes relevant de la compétence de la Cour semblent avoir été commis. Elle a invité tous les États Membres à souscrire au code de conduite par lequel plus de 120 États déjà se sont engagés à ne pas voter contre un projet de résolution du Conseil qui vise une action rapide et résolue destinée à mettre fin à un génocide, à des crimes contre l’humanité ou à des crimes de guerre ou à prévenir ces crimes. Enfin, revenant sur la situation en Ukraine, elle a exhorté la Russie à se conformer à l’ordonnance juridiquement contraignante de la CIJ du 16 mars dernier.
M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a reconnu que la communauté internationale avait échoué à empêcher « la guerre russe contre l’Ukraine ». Il nous faut, maintenant, privilégier une stratégie fondée sur les principes de justice et de responsabilité afin que les crimes et violations graves du droit international commis en Ukraine soient punis, a-t-il ajouté. Le représentant a souligné que, dans un tel cadre, le Conseil de sécurité a un rôle important à jouer, ses membres permanents ayant le devoir particulier d’assurer la poursuite de l’objectif principal des Nations Unies, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Sur ce point, le représentant polonais a rappelé que le Conseil, en dépit des blocages qui ont entravé son action en Syrie, avait fait par le passé ses preuves en matière de renforcement de la justice et de la responsabilité pour les violations graves du droit international. Revenant sur la situation en Ukraine, il a considéré que, si un membre permanent du Conseil utilise son droit de veto pour échapper à la responsabilité d’une agression, « comme la Russie l’a fait récemment », ce comportement constitue un abus de ce droit de veto et ne peut être considéré comme conforme au droit international. Ainsi, a-t-il affirmé, dans les cas où le travail du Conseil de sécurité est entravé, des mesures appropriées prises par d’autres organes de l’ONU sont nécessaires. « Après tout, la préservation de la paix et de la sécurité internationales n’est pas uniquement la tâche du Conseil de sécurité et exige une recherche active et efficace de solutions juridiques pour garantir que justice soit rendue », a déclaré le représentant.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré qu’il appartient aux États et au Conseil de sécurité de mettre en œuvre les mécanismes de responsabilité existants, de les parfaire sans cesse et d’en créer de nouveaux si nécessaire. Les États ont la responsabilité première d’enquêter et de poursuivre les crimes et violations les plus graves du droit international, doivent garantir que les violations soient documentées et qu’elles fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites indépendantes et impartiales, quels que soient les auteurs des crimes et en utilisant les outils existants tels que les tribunaux et mécanismes de reddition des comptes, l’exercice de la compétence universelle et l’entraide judiciaire internationale. La Suisse encourage tous les États Membres à ratifier le Statut de Rome, à coopérer pleinement avec la CPI et à soutenir la CIJ et à se conformer à ses décisions. Elle souhaite que soient développés les outils à disposition, avec l’adoption d’une convention sur les crimes contre l’humanité.
Quant au Conseil de sécurité, il doit agir de manière unie pour soutenir les efforts nationaux, régionaux et internationaux en matière de reddition des comptes, y compris en déférant des situations à la CPI. La représentante a rappelé l’importance du code de conduite élaboré par le Groupe ACT et encouragé tous les États Membres à s’y joindre. Elle a pris note de l’adoption de la résolution 76/262 de l’Assemblée générale permettant la convocation de l’Assemblée générale suite à l’exercice du droit de véto au sein du Conseil de sécurité, estimant nécessaire, en cas de blocage du Conseil, « d’explorer d’autres voies », comme les mécanismes d’enquête pour la Syrie et le Myanmar, et de créer d’autres instruments, comme la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine. La Suisse appelle les États Membres à reconnaître et à soutenir le travail de ces mécanismes indépendants et impartiaux. La représentante a enfin appelé à compléter la reddition de comptes par des mesures juridiques et non juridiques en matière de vérité, justice, réparation et garanties de non-récurrence.
Mme JASNA PONIKVAR VELÁZQUEZ (Slovénie), a indiqué que son pays est membre du groupe central de l’initiative d’entraide judiciaire qui appuie l’adoption d’une nouvelle convention visant à fournir des mécanismes de coopération interétatique pour les enquêtes et la poursuite des crimes internationaux les plus graves, à savoir les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le génocide. Cette initiative vise également à trouver une solution qui contribuera à améliorer le principe de complémentarité. La représentante a jugé important d’adopter une approche centrée sur les victimes, précisant que la Slovénie fait des contributions régulières au Fonds au profit des victimes de la CPI. Elle a également souligné que l’état de droit et les droits humains sont le fondement du maintien de la paix et de la sécurité internationales. « Nous devons améliorer notre respect du droit international et agir de manière décisive lorsque de graves violations se produisent », a-t-elle déclaré.
Mme ANDREA C. MULLER (Îles Marshall), au nom du Groupe des Amis de la responsabilité suite à l’agression contre l’Ukraine, composé de 48 États Membres et de l’Union européenne, après avoir rendu hommage au courage et à la résistance du peuple ukrainien, s’est dite horrifiée par les images et les rapports largement répandus faisant état de meurtres aveugles de civils, ainsi que d’attaques contre des infrastructures civiles et de violences sexuelles et sexistes en Ukraine. Elle a dit vouloir utiliser ces « expériences en temps réel » pour contribuer à la discussion sur le renforcement de la responsabilité et de la justice.
Rappelant que les principes de responsabilité sont à la base même des Nations Unies, la représentante a estimé que leur crédibilité repose sur notre capacité collective à garantir les droits des victimes et de leurs familles et à faire en sorte que les États, ainsi que les personnes agissant en leur nom, répondent pleinement des violations flagrantes de leurs droits. Elle a exhorté la Fédération de Russie à se conformer à l’ordonnance de la CIJ du 16 mars lui intimant de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine et a salué les multiples initiatives visant à documenter et enquêter sur les crimes commis à la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine et a encouragé le renforcement de la coordination entre les parties prenantes en matière de responsabilité. Elle a souhaité que, bien que distinctes et autonomes, les différentes initiatives de responsabilisation permettent de coordonner les efforts en évitant les doubles emplois pour garantir une collecte efficace et rigoureuse de preuves sur le terrain. Le Groupe appelle également à suivre une approche centrée sur les victimes et survivants et souligne que les acteurs de la société civile continuent d’avoir un rôle important à jouer pour documenter les violations du droit international. Il appelle aussi à relever deux défis immédiats pour les initiatives de responsabilisation: le libre accès aux preuves documentaires et la disponibilité des témoins. En conclusion, Mme Muller a estimé que la justice ne s’arrêtait pas à la vérité et que les victimes doivent avoir accès à des recours appropriés. Une plus grande volonté politique est nécessaire pour que la justice soit plus que symbolique, a-t-elle conclu.
M. MAURIZIO ANTONINI (Italie) a rappelé que son pays était un fervent partisan de la Cour pénale internationale (CPI) depuis sa création et a appelé à défendre son intégrité et son indépendance tout en assurant son efficacité. Il a rappelé que l’Italie faisait partie des 42 États qui avaient appelé à la saisine du Procureur de la CPI de la situation en Ukraine. Il faut, a-t-il ajouté, que les responsables d’atrocités rendent des comptes et soient finalement traduits en justice, devant la CPI ou devant les tribunaux nationaux compétents. L’Italie soutient aussi toutes les activités d’enquête menées sur le terrain, ainsi que les mécanismes d’établissement des faits mis en place par l’ONU face aux violations graves du droit des droits de l’homme et du droit international humanitaire au Myanmar, en Syrie et en Ukraine. Ces mécanismes ne remplacent pas la justice pénale, mais ils complètent et soutiennent les activités d’enquête menées par les procureurs nationaux et internationaux, a-t-il estimé.
Le représentant a ensuite demandé au Conseil de sécurité d’assumer ses responsabilités, comme il l’a fait en créant les tribunaux pénaux ad hoc sur l’ex-Yougoslavie et sur le Rwanda, le Tribunal spécial pour le Liban ou encore en renvoyant les situations au Soudan et en Libye à la CPI. Mais depuis 10 ans, le Conseil a trop souvent été bloqué par la menace ou l’exercice du veto par l’un de ses membres permanents. L’Italie soutient toutes les initiatives visant à limiter l’exercice du droit de veto lorsque des crimes d’atrocité sont commis et appelle à l’utilisation de toutes les dispositions procédurales de la Charte pour garantir que le Conseil de sécurité soutienne des mécanismes de responsabilité et de justice.
Enfin, le représentant a rappelé que les droits et intérêts des victimes et des témoins étaient des éléments essentiels dans tout système fonctionnel de justice pénale internationale et de responsabilité. Il a aussi souligné que la responsabilité et la justice devaient être assurées aussi au niveau des relations interétatiques et a rappelé en la saluant la décision de la Cour internationale de Justice du 16 mars dernier ordonnant à la Russie de suspendre immédiatement son opération militaire en Ukraine. L’Italie continuera aussi à soutenir l’action en justice de l’Ukraine devant la CIJ.
M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER (Espagne) a estimé que l’impunité pour les crimes de guerre d’hier constitue le germe de ceux d’aujourd’hui, notamment en Ukraine. À cet égard, seul le renforcement de la reddition de comptes peut prévenir de nouvelles violations du droit international, a fait valoir le représentant. Il a fait savoir que son pays examine les moyens dont il dispose pour optimiser le recours aux instruments juridiques nationaux et internationaux de lutte contre l’impunité. Selon lui, la responsabilité pénale des personnes physiques ne s’oppose pas à celle des États, qu’elle soit de nature judiciaire ou politique. Il s’est par ailleurs dit favorable à l’extension de la compétence de la CPI en matière d’agression, tout en appelant les membres du Conseil de sécurité à contribuer à ces efforts.
M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a déclaré que les mécanismes de responsabilisation peuvent prendre diverses formes, comme les missions d’établissement des faits, les mécanismes d’enquête, les commissions d’enquête, les cours et tribunaux hybrides et internationaux, y compris la CPI, « ainsi que les procédures nationales dans des États tiers en vertu du principe de compétence universelle », offrant des voies complémentaires pour permettre la responsabilisation quand les systèmes judiciaires s’avèrent insuffisants. Prenant l’exemple de la situation en Ukraine, il a expliqué que la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme pour l’Ukraine avait les moyens de fournir un aperçu général des violations commises, en décrivant leurs causes et leurs conséquences, « même si elle ne peut qu’aider à engager des poursuites judiciaires ». La Cour pénale internationale, ainsi que les juridictions pénales ukrainiennes et d’autres juridictions nationales, peuvent de leur côté poursuivre des auteurs individuels, mais ces procédures peuvent prendre de nombreuses années, a-t-il ajouté. Enfin, il a souligné que les procédures de la CIJ prennent également des années, mais peuvent aider à établir la responsabilité de l’État.
Au nom du Groupe des Amis de l’état de droit, M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a argué que, sans respect du droit international et de la Charte des Nations Unies, nous subirions la règle du pouvoir au profit de quelques-uns au lieu de l’état de droit au bénéfice de l’ensemble de la communauté internationale. Observant que l’ordre international fondé sur des règles subit une pression croissante, il s’est félicité que l’Assemblée générale ait adopté à une majorité écrasante une résolution condamnant l’agression russe contre l’Ukraine. Ce n’est toutefois pas la seule violation du droit international dont nous avons été témoins dans l’histoire récente, a-t-il relativisé, appelant à redoubler d’efforts pour que les traités et le droit coutumier soient respectés, de même que la jurisprudence des tribunaux internationaux. De surcroît, a-t-il ajouté, les responsables de violations graves, en particulier d’atrocités criminelles, doivent être tenus pour responsables. À ses yeux, il importe aussi de prévenir les violations, ce qui implique d’utiliser la responsabilité des individus et des États comme instruments de dissuasion. Il faut aussi poursuivre les efforts destinés à protéger les populations contre les atrocités de masse, qu’il s’agisse de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique ou de crimes contre l’humanité. Si une violation du droit international se produit et menace la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité doit prendre des mesures claires et décisives, y compris en appliquant les jugements de la CIJ, et veiller à ce que les États et les individus soient tenus pour redevables, a-t-il plaidé. Enfin, afin de combler le fossé de l’impunité, le Conseil doit faire usage de son pouvoir de renvoyer les cas d’atrocités à la CPI, a-t-il souligné, avant de saluer l’initiative franco-mexicaine sur l’exercice du droit de veto en cas d’atrocités et le code de conduite du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence.
M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark), qui s’exprimait au nom des pays nordiques, a dénoncé les violations du droit international et la violence sexuelle liées au conflit en Ukraine. Il s’agit de crimes que l’on peut prévenir et qui doivent être sanctionnés. Il a exhorté la Fédération de Russie à respecter l’arrêt contraignant de la CIJ du 16 mars qui lui demande de suspendre immédiatement ses opérations en Ukraine. Il a appuyé l’enquête lancée par le Procureur de la CPI en exigeant que les auteurs de ces crimes rendent des comptes.
Mais, a regretté le représentant, ces atrocités ne se limitent pas à la guerre en Ukraine, et il faut également rendre justice aux victimes des crimes commis au Soudan, au Myanmar, en Éthiopie, en Syrie et ailleurs. Pour y arriver, il faut s’appuyer sur des mécanismes nationaux et internationaux. Les pays nordiques, qui appuient sans réserve la CPI, ont également appelé à élaborer une convention internationale sur les crimes contre l’humanité qui donnerait aux États les outils pour sanctionner ce type de crimes. Le recours au veto au Conseil de sécurité est inacceptable dans le contexte des atrocités criminelles, a poursuivi le représentant en appuyant notamment le code de conduite du Groupe ACT et l’initiative franco-mexicaine pour limiter le recours au véto. Le Conseil devrait en outre promouvoir la reddition de comptes en renvoyant des situations à la CPI.
L’objectif ultime doit être de prévenir la perpétration de ces atrocités criminelles, ce qui passe par le respect scrupuleux du droit international et du droit international humanitaire selon le représentant. C’est aux États qu’il incombe au premier chef de protéger les populations contre ce type d’atrocité, a-t-il souligné mais, lorsqu’elles ont lieu, il faut faire appel à l’obligation redditionnelle pour éviter la répétition de ces crimes et pour faire en sorte que les victimes obtiennent justice.
M. ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie) a relevé que la spécificité de la guerre en Ukraine découle du fait qu’elle est menée par l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Il a regretté que cela sape la crédibilité de l’organe, dénonçant notamment le recours au veto par la Fédération de Russie pour bloquer la résolution sur l’invasion russe de l’Ukraine. Il a indiqué que cela a incité les membres de l’ONU à renforcer le rôle de l’Assemblée générale pour contourner l’impasse du Conseil de sécurité, rappelant l’adoption récente de la résolution qui engage l’Assemblée générale à tenir un débat lorsqu’un veto est opposé au Conseil de sécurité. Le représentant y a vu un progrès significatif pour tenir le Conseil de sécurité pour responsable de son inaction.
Pour sa part, a-t-il enchaîné, la Lettonie a pris plusieurs mesures pratiques pour demander des comptes aux agresseurs responsables des atrocités commises en Ukraine. Elle s’est jointe à la saisine sans précédent de la CPI sur la situation en Ukraine, et afin de faciliter les enquêtes et les poursuites devant la CPI, la Lettonie a nommé des experts nationaux et fourni des contributions volontaires d’un montant de 100 000 euros. Le représentant a par ailleurs appuyé les travaux en vue de l’élaboration d’une convention sur les crimes contre l’humanité.
Mme LACHEZARA STOEVA (Bulgarie) a déclaré que les atrocités commises où que ce soit dans le monde doivent faire l’objet d’enquêtes aux niveaux national, régional et international. Sans reddition de comptes, il ne peut y avoir de paix pérenne ni de réconciliation, a fait valoir la représentante, pour qui les réparations pour les victimes sont essentielles. Après les conflits des dernières années en Syrie, au Myanmar, au Soudan et maintenant en Ukraine, lesquels ont donné lieu à de graves violations du droit international, elle a exprimé son soutien aux enquêtes ouvertes par la CPI et le Procureur général de l’Ukraine afin que la justice soit rendue. Le Conseil de sécurité a une responsabilité particulière à cet égard, et le droit de véto ne doit en aucun cas être utilisé en pareilles circonstances, comme le veut la déclaration politique sur la suspension du droit de véto en cas d’atrocités criminelles, a-t-elle argué.
M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne, a considéré que la responsabilité est la prémisse de la justice internationale, qui à son tour est la prémisse de la paix internationale. La responsabilité est l’antidote à une culture d’impunité qui perpétue la méfiance et compromet l’accès à la justice, l’état de droit, la bonne gouvernance et une paix durable, a-t-il ajouté, jugeant que les situations au Soudan, en Syrie, au Myanmar, au Venezuela et en Éthiopie en témoignent. S’attardant sur l’« agression militaire contre l’Ukraine », il a déclaré que les bombardements d’écoles et d’hôpitaux ainsi que d’immeubles résidentiels, les meurtres délibérés de civils et les violences sexuelles constituaient autant de crimes odieux défiant les appels lancés à la Russie par l’Assemblée générale et la Cour internationale de Justice. Pour que cessent ces hostilités, la Russie doit entendre ces appels et retirer ses troupes et mettre fin à cette crise humanitaire, a-t-il exhorté.
Après avoir réitéré le soutien de l’Union européenne à l’initiative française et mexicaine sur l’usage du droit de véto en cas d’atrocités de masse, M. Gonzato a salué les efforts conjoints de la CPI et des procureurs généraux d’Ukraine, de Pologne, de Lituanie, d’Estonie, de Lettonie et de Slovaquie qui, avec l’aide de l’Agence européenne de coopération judiciaire en matière pénale, sont désormais unis au sein d’une équipe d’enquête commune, « une première en son genre ». Il a ajouté que la mission de conseil de l’Union européenne en Ukraine aide également le Procureur général d’Ukraine à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux crimes internationaux. Enfin, il s’est dit convaincu que ces efforts nationaux et internationaux, combinés à ceux de la société civile, permettront de renforcer la justice et aux États de s’acquitter de leurs obligations.
M. MHER MARGARYAN (Arménie) a assuré qu’en tant que défenseur de longue date du programme de prévention du génocide, l’Arménie soutient les efforts visant à faire progresser les capacités d’alerte précoce des Nations Unies pour surveiller et répondre aux situations présentant un risque imminent d’atrocités. À maintes reprises, a-t-il dit, l’Arménie a alerté la communauté internationale sur le niveau croissant de la haine et de la rhétorique raciste dans le discours politique en Azerbaïdjan, où les politiques anti-arméniennes menées par l’État cherchent à « déshumaniser » une nation en particulier. Cela montre, selon lui, que l’idéologie génocidaire n’appartient pas seulement au passé.
Le fait qu’une agression militaire à grande échelle ait été déclenchée en pleine pandémie à l’automne 2020 est un crime de proportion mondiale et doit être traité comme tel, a-t-il souligné, rappelant que la « tentative » de règlement du conflit du Nagorno-Karabakh par la force a fait des milliers de morts et entraîné des dévastations mettant en péril la vie de dizaines de milliers de civils. L’Azerbaïdjan, a poursuivi le représentant, n’a pas encore respecté ses obligations en vertu du droit international humanitaire vis-à-vis des prisonniers de guerre arméniens et des otages civils qui continuent d’être maintenus en captivité. Selon lui, l’Azerbaïdjan doit aussi s’engager, de bonne foi, pour la préservation du patrimoine culturel et religieux arménien et lutter efficacement contre la rhétorique anti-arménienne, conformément aux dispositions découlant de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale. En tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies, la CIJ a un rôle central à jouer pour assurer la justice et la responsabilité et pour faire respecter la foi dans le droit international, a conclu le représentant.
M. MITCHELL FIFIELD (Australie) a invité tous les États à renforcer leur arsenal judiciaire pour lutter contre les atrocités et promouvoir la responsabilisation. Le délégué a indiqué que la CPI est essentielle pour poursuivre les responsables de crimes contre l’humanité quand les États ne peuvent ou ne veulent pas s’acquitter de leurs responsabilités. Il a insisté sur une approche de justice qui soit axée sur les victimes et qui tienne compte du genre.
M. ANDREAS HADJICHRYSANTHOU (Chypre) a estimé qu’aujourd’hui il existe un solide système de justice pénale internationale qui comprend des juridictions nationales, des tribunaux internationaux ad hoc et, notamment, la Cour pénale internationale. Chypre, elle-même victime d’une guerre d’agression qui n’a fait l’objet d’aucune reddition de comptes à ce jour, reste un fervent partisan de la CPI et continuera à œuvrer pour la ratification universelle et la pleine mise en œuvre du Statut de Rome, a déclaré le représentant, qui a encouragé la pleine coopération entre la Cour et l’ONU.
Notant que les membres du Conseil de sécurité sont tenus informés des violations du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme dans les situations inscrites à son ordre du jour, le représentant a estimé qu’ils avaient le devoir de garantir la responsabilité par le biais de renvois à la CPI, si les mécanismes nationaux de responsabilisation font défaut. En outre, le Conseil doit assurer l’exécution en temps voulu des décisions de la Cour et, en particulier, l’exécution de ses mandats d’arrêt. Pour le représentant de Chypre, le moment est venu d’inscrire dans un traité international les projets d’articles de la Commission du droit international sur les crimes contre l’humanité. Le projet de convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité offre à la communauté internationale l’occasion de s’unir autour d’un dénominateur commun et d’exprimer une action collective contre les atrocités criminelles, a-t-il fait valoir.
En outre, M. Hadjichrysanthou a souligné le rôle de la Cour internationale de Justice en tant que mécanisme de reddition de comptes pour la responsabilité des États en vertu des instruments internationaux, y compris la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Chypre a reconnu la juridiction obligatoire de la CIJ en 1988, a précisé le représentant, avant d’encourager tous les États Membres à faire de même. La responsabilité par le biais de procès équitables pour les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire est la pierre angulaire de la justice internationale, a-t-il fait valoir. Il faut donc continuer à tirer parti des progrès du droit international et renforcer l’état de droit grâce à un système juridique pénal international efficace et robuste. Par-dessus tout, il faut mieux faire respecter les règles et utiliser les institutions dont nous disposons déjà, a-t-il conclu.
M. RÓBERT CHATRNÚCH (Slovaquie) a déclaré que la reddition de comptes et la justice commencent avec la prévention, insistant sur l’importance des systèmes d’alerte précoce et d’établir des cadres juridiques solides. Il a également exhorté les États Membres à progresser dans l’élaboration d’une nouvelle convention sur les crimes contre l’humanité. L’unité dans la condamnation des violations graves du droit international est indispensable, a ajouté le représentant qui a ensuite évoqué le « code de conduite relatif à l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre ainsi que l’initiative franco-mexicaine qui vise à limiter l’exercice du droit de veto en cas d’atrocités de masse ». Il a également appelé le Conseil de sécurité à renvoyer des situations à la CPI pour combler le « fossé de l’impunité », pour ensuite exhorter les États Membres à respecter les décisions juridiquement contraignantes de la CIJ.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a déploré que la Russie « tienne en otage le Conseil de sécurité avec son droit de véto », l’exhortant à se conformer à l’ordonnance du 16 mars de la Cour internationale de Justice, « qui est contraignante en vertu du droit international et lui demande instamment de suspendre sans délais ses opérations militaires en Ukraine ». Le représentant a souligné que son pays appuie tous les efforts visant à garantir l’ouverture d’enquêtes indépendantes sur les crimes commis par la Russie en Ukraine. À cet égard, il a indiqué que des poursuites pénales ont été engagées en Estonie en vertu de la compétence universelle et par lesquelles sont recueillis des éléments de preuves des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Ukraine.
M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES (Équateur) a souligné que, dans les cas de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international, lorsque les responsables sont poursuivis dans les systèmes de justice pénale internationale, la reddition des comptes est renforcée, de même que la lutte contre l’impunité. Pour le représentant, la responsabilité et la justice sont essentielles aux processus de la consolidation de la paix et de réconciliation postconflit. Dans ce cadre, il faut tenir compte de la valeur de la justice transitionnelle sans compromettre la reddition de comptes pour les violations des droits humains ni les réparations pour les victimes car il s’agit de la condition d’une paix durable, a-t-il fait valoir. Pour progresser vers la responsabilisation et la transparence, a poursuivi le délégué, l’état de droit et la justice ont besoin de synergies au sein des Nations Unies, avec des organes principaux renforcés, y compris la CIJ. De manière complémentaire, il importe selon lui que la CPI soit forte et que tous les États Membres soient traités sur un pied d’égalité. Il a assuré que le principe d’état de droit guidera l’action de son pays s’il est élu au Conseil pour la période 2023-2024.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a appelé la communauté internationale à veiller à ce que ceux qui commettent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité soient tenus pour responsables. Étant donné que cela n’est pas toujours possible, compte tenu des contraintes juridictionnelles, l’un des moyens de tenir ces personnes pour responsables consiste à recourir à des sanctions ciblées, a-t-elle noté. Elle a souligné que la CPI a un rôle central à jouer dans la lutte contre l’impunité et qu’elle requiert la pleine coopération des États pour pouvoir s’acquitter pleinement de son mandat. La saisine de la Cour par le Conseil, ainsi que le suivi actif de ces renvois, contribuent à promouvoir la responsabilisation, a-t-elle ajouté. Toutefois, les capacités nationales doivent également être développées pour garantir que les crimes puissent être traités sur le lieu où ils ont été commis, et assurer que des enquêtes et des procès équitables puissent avoir lieu localement. Elle a ensuite appelé le Conseil de sécurité à renvoyer la situation en Syrie à la CPI, avant de saluer le renvoi de la situation en Ukraine au Procureur de la CPI par 43 États Membres.
Pour Mme DANGIRUTĖ VEST (Lituanie), la responsabilité est essentielle à l’intégrité de la justice internationale et une condition sine qua non de la paix et de la sécurité internationales. La représentante a condamné la guerre menée par la Fédération de Russie en Ukraine dans les termes les plus fermes et revendiqué une enquête indépendante sur les crimes commis par la Russie en Ukraine. Elle a appelé la Russie à immédiatement suspendre ses opérations militaires en Ukraine, conformément à l’ordonnance contraignante du 16 mars de la CIJ. En parlant de graves atteintes au droit international, au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme, elle s’est dite scandalisée par les preuves détaillées de meurtres ciblés, notamment de journalistes, de violences sexuelles, de tortures, d’enlèvements arbitraires et de déportations massives de civils vers les territoires russes.
La Lituanie soutiendra les activités de la Commission indépendante internationale d’enquête sur l’Ukraine créée par le Conseil des droits de l’homme, a confirmé la représentante, tout comme elle soutiendra le Bureau du Procureur de la CPI. À l’initiative de la Lituanie, l’équipe d’enquête conjointe va enquêter sur les crimes présumés en Ukraine. Elle a été mise en place en mars 2022 avec des représentants de l’Ukraine, de la Pologne et de la Lituanie, et la représentante s’est félicitée de la décision prise par le Procureur de la CPI ainsi que d’autres États Membres de rejoindre cette équipe. La collecte de preuves et l’établissement des faits sont essentiels pour lutter contre l’impunité, a souligné la représentante, et la coopération entre les enquêteurs nationaux est essentielle à cet égard. Le 6 mai 2022, la Lituanie a accueilli une conférence internationale sur les mécanismes judiciaires permettant de faire appliquer la responsabilité face au crime d’agression contre l’Ukraine. Les participants ont signé le décret de Vilnius et proposé la création d’un tribunal international spécial chargé d’enquêter et de poursuivre les auteurs de crimes d’agression.
Pour M. MARK ZELLENRATH (Pays-Bas), le recours au droit de véto par les membres permanents du Conseil de sécurité en cas de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire est « particulièrement troublant ». De fait, selon le représentant, un tel usage du droit de véto constitue l’opposé de la poursuite de la justice, comme le démontre le cas de l’Ukraine, où l’agresseur lui-même utilise son droit au Conseil. Il a exprimé son appui au code de conduite du Groupe ACT (Groupe Responsabilité, cohérence et transparence) ainsi qu’à l’initiative franco-mexicaine visant à encadrer l’exercice du droit de véto en cas d’atrocités massives. Lorsque le Conseil est impuissant à agir, nous devrons trouver d’autres moyens d’assurer la justice et la reddition de comptes, a conclu M. Zellenrath.
M. LJUBOMIR DANAILOV FRCHKOSKI (Macédoine du Nord) a déclaré que « l’agression russe non provoquée et injustifiée contre l’Ukraine » représente une violation flagrante du droit international et de tous les principes inscrits dans la Charte. Il a fait part de son plein soutien à l’enquête lancée par le Procureur de la CPI sur les éventuels crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en Ukraine, appuyée par les renvois de 43 États, dont la Macédoine du Nord. Après avoir salué les mesures provisoires de la CIJ ordonnant à la Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires, il a mis l’accent sur le Mécanisme de Moscou pour la dimension humaine de l’OSCE en tant que dispositif important en vue d’établir les faits, y compris d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et de présenter ces derniers aux cours et tribunaux internationaux.
M. AKAKI DVALI (Géorgie) s’est alarmé des attaques constantes contre le droit international et l’ordre international fondé sur des règles. Il en a voulu pour preuve l’agression militaire lancée en 2008 par la Russie contre son pays, qui a été suivie de l’occupation de deux parties du territoire géorgien et d’un nettoyage ethnique. Malgré les appels de la communauté internationale, des centaines de milliers de déplacés et de réfugiés sont toujours privés de leur droit fondamental de rentrer chez eux, sans compter les graves violations quotidiennes des droits humains à caractère ethnique dans les territoires occupés et le long de la ligne d’occupation. Le représentant a fait état de détentions illégales et d’enlèvements, de restrictions à la liberté de circulation, aux droits à la résidence et à la propriété, et l’interdiction de l’enseignement en langue géorgienne. Malgré les tentatives de Moscou d’échapper à ses responsabilités, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu, le 21 janvier 2021, un arrêt établissant légalement l’occupation russe de l’Abkhazie et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud.
Malheureusement, a poursuivi le délégué, l’agression contre ses voisins en violation du droit international est un modèle bien établi des actions de la Russie, comme en témoigne sa campagne militaire « préméditée, non provoquée et injustifiée » contre l’Ukraine. Réitérant le soutien indéfectible de la Géorgie à l’indépendance, à la souveraineté et à l’inviolabilité des frontières de l’Ukraine, il a appelé la Russie à se conformer aux mesures provisoires décidées par la CIJ le 16 mars 2022. Dans le même temps, il a enjoint la Russie à faire de même à l’égard des régions occupées de Géorgie et à respecter l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008 négocié par l’Union européenne, à retirer ses forces de l’ensemble du territoire de la Géorgie, à faciliter l’accès à l’aide humanitaire, aux mécanismes internationaux des droits de l’homme, et à mettre fin à ses graves violations des droits humains.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a déclaré que les situations où les violations du droit international sont ignorées et personne n’est tenu pour responsable compromettent gravement la stabilité et la prospérité de la communauté internationale. C’est pour cette raison que la Japon a référé la situation en Ukraine à la CPI, a-t-il indiqué. Il a aussi insisté sur l’importance de renforcer l’appropriation nationale dans le cadre de l’État de droit, évoquant la contribution des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) au processus de paix au Cambodge. Le représentant a ensuite appelé à rétablir les droits et la dignité des victimes et des survivants et a indiqué que le Japon contribuera deux millions d’euros au Fonds international pour les personnes rescapées de violences sexuelles liées aux conflits.
M. THOMAS PETER ZAHNEISEN (Allemagne) a dénoncé la poursuite de la « guerre d’agression non provoquée, illégale et injustifiable » de la Russie à l’encontre de l’Ukraine, dans laquelle il a vu « un acte contre les idées fondatrices et les principes de base des Nations Unies ». Il a demandé un arrêt immédiat de ces violations du droit international et que les auteurs de ces crimes en soient tenus pour responsables conformément au droit international. Les auteurs d’atrocités -en Ukraine et ailleurs-, y compris tous les responsables de l’État et les chefs militaires, doivent être tenus pour responsables, a-t-il ajouté.
Pour le représentant, l’obligation de rendre des comptes ne signifie pas seulement des enquêtes et des poursuites pénales, elle implique aussi la responsabilité de l’État. L’Allemagne demande instamment à la Russie de se conformer à l’ordonnance, juridiquement contraignante, de la CIJ du 16 mars. Elle salue et soutient les efforts de l’Ukraine pour saisir le principal organe judiciaire des Nations Unies. Par ailleurs, elle demande que le Procureur de la CPI soit équipé pour mener à bien ses enquêtes et collecter les preuves des crimes commis en Ukraine. La CPI reste au centre de nos efforts pour traduire en justice ceux qui ont commis des crimes internationaux en Ukraine, a ajouté M. Zahneisen. Le représentant a précisé que, lorsque la CPI ne peut être saisie, les tribunaux nationaux doivent assumer sa tâche. Ainsi, les procureurs allemands continueront à engager des poursuites au titre de la compétence universelle contre les tortionnaires du régime syrien, de même qu’ils continueront à poursuivre les crimes commis par l’EIIL/Daech.
Enfin, M. Zahneisen s’est adressé à la Haute-Commissaire aux droits de l’homme pour lui demander quelles mesures supplémentaires elle comptait prendre, après sa visite en Chine et sa déclaration sur l’état des droits de l’homme au Xinjiang, pour contribuer à ce que les responsables des violations généralisées et systématiques des droits de l’homme signalées dans cette région rendent des comptes, et notamment quand elle comptait publier son rapport sur la situation.
M. MAJED S. F. BAMYA, observateur de l’État de Palestine, a déclaré qu’en Palestine, « nous sommes bien placés pour parler de l’importance de la reddition de comptes car nous avons trop longtemps subi les conséquences de son absence ». Le peuple palestinien souffre de la crise de protection et de la crise de responsabilité la plus longue, a martelé le représentant, en estimant que cette situation justifie des actions décisives au-delà des condamnations pour mettre fin à la plus longue occupation militaire du monde, « une occupation gratuite, maintenue et soutenue par l’impunité ».
Des millions de Palestiniens sont toujours des réfugiés incapables de rentrer chez eux; des millions vivent sous une occupation militaire violente et un régime colonial; deux millions vivent sous un blocus inhumain à Gaza depuis 15 ans; des milliers vivent sous la menace d’un déplacement forcé à Massafer Yatta, à Jérusalem, dans la vallée du Jourdain; et une nation entière continue d’endurer la dépossession et le déplacement, le déni des droits et l’effacement de l’identité, a tenu à rappeler l’Observateur permanent, ajoutant qu’alors qu’il s’adresse au Conseil aujourd’hui, aucun Palestinien n’est en sécurité. Alors, soit nous défendons la responsabilité, soit nous nous y opposons, mais la justice sélective permet une justice forcée et, en tant que telle, ce n’est pas une justice du tout, a-t-il martelé.
Comment pouvons-nous qualifier notre système multilatéral d’ordre fondé sur des règles alors qu’il y a des auteurs de crimes qui ne sont jamais tenus pour responsables et qu’il y a des victimes qui sont toujours privées de justice? a-t-il demandé. Si un pays veut être reconnu comme champion de la responsabilité, il ne peut en même temps faire obstacle à l’application du principe de la responsabilité lorsqu’il s’agit des crimes commis contre le peuple palestinien. La Palestine est devenue le test ultime de la crédibilité des appels à la justice et à l’obligation de rendre des comptes, a poursuivi M. Bamya, y compris en ce qui concerne la CPI. Bien qu’il ait été privé pendant des décennies de ses protections, le peuple palestinien croit toujours au droit international et à l’autorité du Conseil de sécurité pour faire respecter l’état de droit, a-t-il assuré. C’est pourquoi nous persistons à venir au Conseil pour demander aux membres « de cet auguste organe » de respecter vos devoirs en vertu de la Charte et d’agir dans le respect du droit sur la question de Palestine, en mettant en œuvre vos résolutions, en faisant respecter le droit international et en garantissant la responsabilité face à des violations flagrantes, a-t-il conclu.
M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a estimé que la sélectivité et les politiques de deux poids, deux mesures dans la mise en œuvre des résolutions et décisions du Conseil sont une importante source de préoccupation. En outre, le concept de responsabilité de protéger demeure source de divisions, et les violations graves commises dans les situations d’occupation illégale peuvent facilement dégénérer en génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité en l’absence de contrôle international et de reddition de comptes. Il a affirmé que le Jammu-et-Cachemire est un exemple flagrant d’une occupation brutale où le droit international est foulé au pied depuis des décennies. Il a notamment dénoncé le « sinistre » projet de l’Inde de transformer le territoire occupé d’un « État à majorité musulmane » en un territoire à majorité hindoue. Il a appelé le Conseil de sécurité à reconnaître les preuves irréfutables des crimes internationaux commis au Jammu-et-Cachemire illégalement occupé et à tenir les responsables et personnels indiens pour responsables de violations graves du droit international humanitaire.
M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela) a déploré l’échec de certains membres du Conseil de sécurité à répondre aux attentes du tiers de l’humanité qui souffre de l’imposition de mesures coercitives unilatérales, lesquelles constituent une violation flagrante du droit international et des droits humains. Selon lui, le débat d’aujourd’hui est entaché par une « contradiction structurelle », alors que les États- Unis et le Royaume- Uni parlent de justice et de reddition de comptes tout en favorisant l’impunité afin d’assouvir leurs désirs de domination néocoloniale. Il s’agit là d’une politique d’agression planifiée et délibérée, a poursuivi le représentant, en condamnant le blocus de facto imposé à son pays depuis 2015, qui a entraîné des pertes humaines et financières incalculables. Cette campagne de « pression maximale » de la part des États- Unis correspond selon lui, à la définition du crime d’extermination au sens du Statut de Rome de la CPI. Il a appelé à l’élimination complète et immédiate des sanctions à l’encontre du Venezuela ainsi qu’à l’octroi de réparations aux victimes des sanctions.
Mme NATALIA ARBOLEDA NIÑO (Colombie), s’appuyant sur les leçons apprises par son pays, a déclaré que les victimes de crimes graves commis durant les années de violence constituent l’axe central de la justice transitionnelle. La Commission Vérité, coexistence et non-répétition et les autres institutions qui en découlent ont été créées en Colombie afin d’assurer leur participation au processus judiciaire et le respect de leurs droits, notamment les réparations. Ces efforts, a poursuivi la représentante, auraient été vains sans une coordination permanente avec les institutions internationales pertinentes, telles que la CPI et les Nations Unies. Le Procureur de la CPI a reconnu les progrès réalisés par les institutions judiciaires et transitionnelles du pays lorsqu’il a mis un terme, en octobre 2021, à son enquête sur la situation en Colombie. Dans ce contexte, et en tant que membre du Groupe des Amis de l’Ukraine, la représentante a estimé qu’il incombe à l’ensemble des États Membres de l’ONU de veiller à ce que les mécanismes destinés à assurer la reddition des comptes en Ukraine fonctionnent de manière coordonnée.
M. ARIEL RODELAS PENARANDA (Philippines) a appelé tous les États Membres qui souhaitent voir le Conseil de sécurité prendre des mesures pour renforcer et institutionnaliser les principes juridiques internationaux de responsabilité et les mécanismes de responsabilité, à réexaminer la Déclaration de Manille adoptée en 1982 par l’Assemblée générale sur le règlement des différends internationaux. Celle-ci cite en effet divers moyens à prendre pour contribuer à renforcer le rôle du Conseil dans toute situation dont la persistance est susceptible de compromettre le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité devrait aussi envisager d’utiliser son droit de demander des avis consultatifs à la CIJ. Par ailleurs, les Philippines estiment que le réseau de responsabilité proposé entre la CIJ, la CPI, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et différents régimes juridiques et institutions régionales doit être étudié plus en avant. Le représentant a suggéré que le Secrétaire général soit chargé de préparer un rapport sur l’opérationnalisation de ce réseau en vue d’une étude plus approfondie par la Sixième Commission.
Pour M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie), il est indubitable que le droit pénal international a progressé ces dernières décennies grâce à l’évolution de la pratique des États et à la création de tribunaux internationaux spécialisés. Saluant le fait que la communauté internationale se soit penchée sur les dangers que représentent les violations graves du droit international et des droits humains, et sur l’importance de lutter contre l’impunité, il a souligné le rôle joué par le TPIY et le TPIR dans le renforcement de la justice pénale internationale. Cependant, a-t-il observé, malgré les progrès réalisés, nous assistons encore à des violations graves du droit international humanitaire, notamment dans les situations de conflit. À ses yeux, l’une des principales raisons de cet échec réside dans l’absence de volonté politique et dans la sélectivité à l’heure de lutter contre les crimes perpétrés. Dans ce contexte, le Conseil de sécurité n’a malheureusement pas joué un rôle efficace, a déploré le représentant, en voulant pour preuve le traitement réservé par l’organe onusien à l’assassinat de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh par les Forces de sécurité israéliennes. Des considérations politiques ont ainsi empêché de décrire cet assassinat comme un crime de guerre dans le communiqué publié par le Conseil, a-t-il regretté. Il a ensuite estimé que les tribunaux internationaux ne peuvent travailler seuls, d’où l’importance pour les pays d’utiliser leurs prérogatives nationales. De l’avis du délégué, il importe également que les États coopèrent pour parvenir à la justice pénale et ne proposent pas un abri aux auteurs de violations. De même, il est essentiel que les responsables de crimes internationaux rendent des comptes, paient pour les dégâts occasionnés et indemnisent les victimes et leurs proches. Réaffirmant à cet égard son soutien au fonds d’affectation spécial pour les victimes, placé sous l’égide de la CPI, il a souhaité en conclusion que des avancées se fassent jour dans les négociations sur une convention relative aux crimes contre l’humanité, sur la base des articles de Commission du droit international (CDI).
M. BAE JONGIN (République de Corée) a noté que le Conseil de sécurité a joué un rôle déterminant dans la recherche de la responsabilité en créant des tribunaux et en renvoyant des situations à la Cour pénale internationale. Pourtant, a-t-il constaté, des lacunes en matière de responsabilité subsistent et prennent encore plus d’importance dans les cas de violations flagrantes du droit international. Se disant soucieux du comblement de ces lacunes dans la crise qui se déroule en Ukraine, il a réitéré la détermination de son pays à appliquer une « impunité zéro » pour de telles violations. À cette fin, il a rappelé que « la responsabilité est un devoir, pas un choix ». Elle fait partie de la lutte contre les violations graves des droits humains et est prescrite par des traités tels que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 et les Conventions de Genève de 1949, a relevé le représentant.
La responsabilité est aussi une question de vérité, a poursuivi M. Bae, jugeant que le devoir de coopérer à l’établissement des faits est aussi crucial que l’obligation faite aux États de traiter les violations graves des droits de l’homme. Dans ce cadre, il importe de ne pas oublier les victimes et d’accorder une place légitime à la quête de justice. Ce n’est qu’en responsabilisant les survivants et leurs communautés que la paix pourra être durable et la justice complète. Enfin, les efforts de responsabilisation nécessitent une coordination accrue, a plaidé le représentant, avant d’appeler les organes judiciaires et les équipes d’enquête à converger vers le même objectif, celui de la lutte contre les violations graves des droits humains et du droit international humanitaire, avec l’indispensable soutien du Conseil de sécurité, seul organe en mesure d’obliger les États à coopérer dans la quête de la responsabilité et de la vérité.
Mme AYSE INANÇ ÖRNEKOL (Türkiye) a constaté que l’état actuel du Conseil de sécurité ne permet pas une discussion significative sur le respect du droit international, comme l’illustre la question de l’Ukraine, « exemple le plus récent et le plus visible ». Pour la Türkiye, l’utilisation du droit de véto pour protéger des intérêts nationaux étroits dans des situations d’atrocités de masse n’est pas conforme à l’esprit de la Charte et donc inacceptable. La représentante a donc salué les différentes initiatives visant à limiter le vote négatif en cas d’atrocités de masse et s’est félicitée de l’adoption de la résolution 76/252 de l’Assemblée générale, qui vise à fournir un mécanisme pour assurer la responsabilité des organes de l’ONU conformément à la Charte.
La représentante a rappelé que la responsabilité était le fondement de l’ordre international fondé sur des règles. Il est donc essentiel de s’attaquer à l’impunité. Si la responsabilité première d’enquêter et de poursuivre les crimes les plus graves d’intérêt international incombe aux systèmes de justice nationaux, la communauté internationale, et en particulier le Conseil de sécurité doivent, en cas de défaillance au niveau national, prendre les mesures nécessaires. Mme Inanç Örnekol a noté que le Conseil de sécurité avait su prendre dans le passé des mesures décisives, en créant les tribunaux pénaux internationaux, qui ont eu un impact indéniable sur le développement et l’interprétation du droit international. La Türkiye soutient pleinement le travail du mécanisme international qui leur a succédé, de même que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qu’elle finance, le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, et le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, institutions dans lesquelles la représentante a vu de « solides exemples de l’engagement de la communauté internationale en faveur de l’obligation de rendre des comptes ».
M. OMAR KADIRI (Maroc) a réaffirmé l’attachement de son pays au respect du droit international, des droits humains, du droit international humanitaire, à l’établissement des responsabilités et à la lutte contre l’impunité. Le Maroc est convaincu que lorsque des violations graves du droit international sont commises, la réparation est un outil fondamental pour la réconciliation. Il faut tenir les individus pour responsables de leurs actes et garantir justice aux victimes. Le représentant a mis en exergue le rôle des tribunaux spéciaux internationaux dans la lutte contre les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides « qui n’ont pas leur place dans notre monde ». Il faut, a-t-il insisté, redoubler d’efforts pour faire respecter l’état de droit, surtout au lendemain de la COVID-19 qui pourrait servir de prétexte à l’érosion des acquis en matière des droits humains. Lorsqu’ils sont respectés, le droit international et l’état de droit sont des outils indispensables de prévention des violations graves et les jalons d’une paix durable. Le représentant a insisté sur le fait que l’enrôlement des enfants dans les conflits armés est un crime de guerre et une violation grave du droit international.
M. ALHAJI FANDAY TURAY (Sierra Leone) a déclaré que la création, en 2002, du Tribunal spécial pour la Sierra Leone avait démontré l’engagement de son pays envers la justice et la lutte contre l’impunité. Selon lui, toute stratégie internationale visant à institutionaliser et consolider la reddition de comptes doit être légitime et cohérente, conformément au droit international. Une telle stratégie doit également donner une voix aux victimes, comme le Statut de Rome établissant la CPI, notamment en leur reconnaissant le droit de prendre part aux procédures judiciaires, à la protection et à des réparations. Afin de contrer la désinformation, il a plaidé pour la protection des médias, de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme en période de conflit.
M. YASHAR T. ALIYEV (Azerbaïdjan) a déploré le fait que malgré les obligations en vertu du droit international, le non-établissement des responsabilités continue de menacer la paix et la sécurité internationales, en plus d’entraver le développement durable. Il a dénoncé à cet égard la sélectivité et la politique des deux poids, deux mesures dans l’application des principes du droit international et du respect de l’intégrité territoriale des États. Malgré les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et les crimes commis sur le territoire national occupé depuis des décennies, l’impunité a encouragé l’Arménie à commettre un nouvel acte d’agression en 2020. Après avoir libéré les territoires occupés, dans le respect de la Charte des Nations Unies, l’Azerbaïdjan, a rappelé le représentant, a engagé des procédures devant la CIJ et la Cour européenne des droits de l’homme, tout en initiant un processus de normalisation des relations, y compris pour la conclusion d’un accord de paix.
M. SERHII DVORNYK (Ukraine) a estimé à environ 200 à 300 le nombre de crimes de guerre commis chaque jour en Ukraine, leur nombre total depuis le début de l’invasion dépassant les 15 000. L’Ukraine encourage tous les partenaires à se joindre à ses efforts pour garantir la justice dans le cadre de l’équipe conjointe d’enquête sur les crimes de guerre de la Russie, à laquelle participent également Eurojust et le Bureau du Procureur de la CPI, a ajouté le représentant. M. Dvornyk a affirmé que les mécanismes d’enquête fonctionnent puisque, cette semaine, deux militaires russes ont été condamnés pour le bombardement d’infrastructures civiles dans la région de Kharkiv. Malheureusement, a-t-il déploré, de tels de crimes de guerre commis par la Russie se produisent quotidiennement, l’un d’eux ayant causé la mort du journaliste français Frédéric Leclerc-Imhoff, qui a été tué à la suite du pilonnage de la ville de Lysychansk par les troupes russes. L’Ukraine a déjà ouvert une enquête à ce sujet, a assuré le représentant, avant d’indiquer que les organes nationaux d’enquête ont enregistré à ce stade 1 042 poursuites pénales concernant des crimes liés à l’invasion et ayant visé des enfants. À ce jour, a-t-il précisé, au moins 261 enfants ont été tués, 460 blessés et 145 sont portés disparus. Nous avons déjà identifié 11 militaires russes soupçonnés de maltraitance d’enfants et l’Ukraine continuera à œuvrer pour les traduire en justice, ainsi que d’autres responsables de crimes de guerre, a souligné le représentant. Enfin, il a soutenu l’idée de créer un tribunal pénal spécial pour la répression du crime d’agression contre l’Ukraine. « L’établissement d’un tel tribunal pour Putin, Shoygu, Gerasimov, Lavrov et d’autres criminels de guerre russes sera l’accord final de la guerre », a-t-il conclu.
Mme BEATRICE MAILLE (Canada) a estimé que la justice redditionnelle est l’un des défis les plus importants que doit relever le monde pour garantir la paix et la sécurité internationales. Conscient de l’ampleur de ce défi, le Canada, a-t-elle dit, a redoublé d’efforts pour renforcer l’intégration et la perspective sexospécifique dans le cadre de ses travaux sur la justice pénale. Le Canada a aussi travaillé à la création de la CPI et c’est fort de la confiance dans l’institution, qu’il l’a saisie de la situation en Ukraine du début du mois de mars. Les crimes commis en Ukraine contre des civils sont des exemples parfaits de violations graves du droit international, a insisté la représentante, jugeant en outre que l’agression russe viole de manière flagrante les buts et principes de la Charte des Nations Unies.
Face à de tels crimes, la communauté internationale doit, selon elle, n’épargner aucun effort pour en traduire les auteurs en justice. Elle doit saisir les tribunaux et créer des mécanismes spéciaux comme ceux créés pour la Syrie et le Myanmar. Les enseignements tirés de cette situation montrent qu’il est essentiel d’enquêter et de collecter des preuves afin de pouvoir rendre justice, a-t-elle relevé, émettant le souhait que les projets d’articles de la Commission du droit international (CDI) déboucheront sur une convention relative aux crimes contre l’humanité. L’impunité ne doit plus être tolérée, a-t-elle martelé.
M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) a rappelé que son pays a récemment coparrainé une résolution de l’Assemblée générale condamnant l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine comme un acte illégal et injustifié constituant une violation flagrante du droit international. En tant qu’État pacifiste, le Guatemala préconise la résolution des conflits selon les principes de la Charte des Nations Unies et reconnaît la responsabilité de protéger, a ajouté le représentant, en réaffirmant son appui à la CPI afin de lutter contre l’impunité. Pour préserver les générations futures du fléau de la guerre, nous devons tirer les leçons qui s’imposent du conflit en Ukraine, a-t-il conclu.
Pour Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine), l’établissement des responsabilités est essentiel pour rendre justice aux victimes et prévenir de futurs crimes. En vertu du droit international, a-t-elle rappelé, les crimes internationaux relèvent de la responsabilité pénale individuelle. Les États ont donc l’obligation première d’en poursuivre les auteurs. À cet égard, a-t-elle dit, l’Argentine est fière du rôle central qu’elle a jouté dans la création de la Cour pénale internationale (CPI). La représentante en a profité pour appeler tous les États à coopérer avec cette dernière et a rappelé au Conseil de sécurité l’importance de son droit de saisine. Elle a aussi mentionné l’initiative d’entraide judiciaire et d’extradition, « Initiative MLA », promue par son pays, la Belgique, la Slovénie, la Mongolie, les Pays-Bas et le Sénégal. Elle a, dans ce cadre, plaidé pour l’élaboration d’un traité multilatéral pour renforcer les capacités nationales d’enquête et de poursuite.
En ce qui concerne les meilleures pratiques, elle a attiré l’attention sur le travail de l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale (EAAF), une institution scientifique, non gouvernementale et à but non lucratif qui applique des méthodologies et des techniques pour les enquêtes, la recherche, la récupération, la détermination de la cause des décès, l’identification et la restitution des dépouilles des personnes disparues. Les experts de l’EAAF ont travaillé dans différents pays, contribuant de manière significative aux enquêtes sur des crimes internationaux, a-t-elle précisé.
M. KARL LAGATIE (Belgique) a salué le rôle essentiel de la CPI dans la lutte contre l’impunité, quand les États n’affichent pas la volonté politique nécessaire d’enquêter et de poursuivre. Il a appelé tous les États à adhérer au Statut de Rome, étant donné que les mandats d’arrêt de la CPI ne peuvent pas être exécutés sans une collaboration active. Le représentant a en outre rappelé l’obligation d’assurer le financement de la CPI, surtout dans le contexte de hausse dramatique du nombre des crimes contre les droits humains. Il a aussi suggéré au Conseil d’ajouter sur les listes de ses Comités de sanctions davantage d’individus accusés de violence sexuelle. Les enfants aussi doivent être reconnus comme une catégorie distincte de victimes devant les tribunaux nationaux et internationaux, a-t-il conclu.
M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a jugé essentiel de renforcer l’efficacité de la justice internationale. C’est pourquoi le Chili attache une grande importance à la CPI et souhaite que les États qui n’ont pas encore adhéré au statut de Rome le fassent. Le représentant a plaidé pour que tous les crimes internationaux perpétrés dans le monde fassent l’objet d’une enquête indépendante et a estimé que le Statut de Rome constitue un cadre juridique qui garantit cette indépendance. Face à l’impunité, qui encourage la récurrence des violations du droit humanitaire international et sape la paix et la sécurité internationales, le Chili souhaite une approche multilatérale, en particulier par le biais des Nations Unies et du Conseil de sécurité. Le représentant a estimé que les mandats de la CIJ, de la CPI et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, leurs cadres juridiques respectifs et leur nature permettent d’éviter les chevauchements de compétences et de renforcer l’état de droit. Quant aux réparations, elles ont souvent été prévues dans des traités de paix, mais elles n’ont souvent impliqué des obligations que pour les vaincus et ignoré les réparations pour les victimes. Enfin, le Conseil de sécurité devrait envisager, dans les cas où cela est pertinent et possible, d’établir les conditions de la responsabilisation. Le représentant a également souligné l’engagement du Chili en faveur de la vérité, de la justice, de la mémoire, de la réparation et de la non-répétition, et appelé à ne pas oublier les questions liées à la justice transitionnelle, qui ont déjà fait l’objet d’autres débats au sein du Conseil.
Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a souligné qu’en dépit des efforts louables du Conseil de sécurité, l’objectif d’une justice mondiale n’est toujours pas atteint. Les conflits armés en cours dans de nombreuses régions du monde continuent de saper la sécurité humaine, la violence causant les ravages les plus graves parmi les groupes vulnérables. Pour renforcer la justice et permettre aux États de mieux s’acquitter de leurs obligations, des mécanismes nationaux efficaces sont nécessaires. Selon la représentante, le succès des poursuites judiciaires nationales contre les auteurs de violations des droits de l’homme passe par deux étapes: l’incorporation des crimes internationaux dans le droit interne des États et le renforcement des capacités d’enquête. L’incorporation des crimes internationaux dans le droit interne peut également faciliter l’entraide judiciaire, y compris les procédures d’extradition. Enfin, la représentante a réaffirmé le rôle important de la société civile pour garantir l’établissement des responsabilités et la protection des droits des victimes.
M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a rappelé qu’en vertu du droit international, tous les États sont responsables de la protection de leur population contre les atrocités. Mais lorsqu’un État commet de tels crimes contre sa propre population et qu’il n’existe pas de mécanisme national d’établissement des responsabilités, c’est à la communauté internationale de garantir l’obligation redditionnelle, a fait valoir le représentant. Le Conseil de sécurité, a-t-il dit, doit assumer la responsabilité que lui a conférée la Charte des Nations Unies car l’impunité sape la paix et la sécurité à l’échelle nationale, régionale et internationale. À cet égard, a-t-il souligné, ce qui se produit au Myanmar depuis le coup d’État militaire de février 2021 démontre l’effondrement de l’État de droit. Une catastrophe humaine s’y trame, a alerté le délégué, avant de rappeler que la junte au pouvoir a assassiné des centaines de civils, perpétré des attaques aveugles et forcé des milliers de personnes à fuir, en détruisant des localités entières. Les militaires s’emploient à semer la peur, par des arrestations arbitraires et des menaces de mort.
Dans ce contexte, le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar a conclu que des crimes contre l’humanité ont sans doute été commis, a indiqué le représentant, qui a dit compter sur la CIJ et la CPI pour assurer la fin de l’impunité. C’est pourquoi, a-t-il dit, nous avons écrit au Greffe de la CIJ pour annoncer que le Myanmar accepte la compétence de la Cour sur les crimes commis depuis l’an dernier. Pour le délégué, l’heure est venue pour les organisations internationales, à commencer par l’ONU, d’utiliser les preuves collectées pour engager une action et prévenir de nouvelles victimes au Myanmar. J’en appelle au Conseil de sécurité pour qu’il fasse preuve d’une volonté politique plus vigoureuse, a-t-il conclu.
Droits de réponse
L’Inde a rejeté les « affirmations fallacieuses et à la propagande » du Pakistan, voyant une certaine ironie: le Pakistan a commis un génocide dans sa partie orientale qui est maintenant le Bangladesh. L’attitude de ce pays, a-t-elle dit, est l’exemple type de celui qui refuse de reconnaître ses responsabilités pour les crimes graves. Que le Pakistan, a martelé l’Inde, mette fin à ses actes de terrorisme, y compris au Jammu-et-Cachemire, un territoire indien. Nous prendrons toutes les mesures qui s’imposent pour lutter contre ce terrorisme transfrontalier, a-t-elle promis.
La Chine s’est opposée aux propos de l’Allemagne sur le Xinjiang, l’invitant à écouter son intervention plutôt qu’à propager des erreurs.
Le Pakistan a répondu que le Jammu-et-Cachemire n’a jamais fait partie de l’Inde: c’est un territoire dit contesté sur toutes les cartes des Nations Unies. L’Inde, a-t-il accusé, foule au pied le droit international, en occupant ce territoire dont le peuple ne peut toujours pas exercer son droit à l’autodétermination. Il a aussi accusé l’Inde de terrorisme d’État contre son territoire, facilité par l’occupation illégale et raciste du Jammu-et-Cachemire. Il est temps que l’Inde applique les résolutions du Conseil de sécurité lesquelles condamnent toutes son irrespect du droit international, a martelé le Pakistan.