Conseil de sécurité: la Représentante spéciale de l’ONU en Iraq souhaite la formation rapide d’un nouveau gouvernement pour promouvoir la stabilité
Ce matin, devant le Conseil de sécurité, la Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), Mme Jeanine Hennis-Plasschaert, a souhaité la formation rapide d’un nouveau gouvernement dans ce pays et l’instauration d’un climat politique et de sécurité qui réponde aux aspirations de tous les Iraquiens.
La ratification par la Cour suprême fédérale, le 27 décembre dernier, des résultats définitifs des élections législatives du 10 octobre, a conclu le processus électoral national de 2021. Toutefois, a averti Mme Hennis-Plasschaert, les « faiblesses intérieures » liées aux retards pris dans l’élection du président de la République et la formation du gouvernement risquent de créer des vulnérabilités -« un vide politique et sécuritaire »- qui pourraient profiter à Daech et à d’autres ingérences extérieures. Les attaques persistantes menées par Daech contre des civils et des membres des forces de sécurité iraquiennes continuent en effet d’entraver le climat global de la sécurité en Iraq.
Profitant de cet examen trimestriel de la situation en Iraq, Mme Hennis-Plasschaert a mis l’accent sur les attentes du peuple iraquien en matière de création d’emplois, de sûreté et de sécurité, de qualité du service public, de protection des droits et des libertés, de justice et de responsabilité, et de participation significative des femmes et de la jeunesse. À cet égard, elle s’est félicitée de l’augmentation de la participation des femmes aux élections en tant qu’électrices et en tant que candidates.
Le nouveau président de la République aurait dû être élu dans un délai de 30 jours suivant l’élection du Président du Parlement, a expliqué la Représentante spéciale, mais le quorum parlementaire n’a pu être atteint pour valider cette élection le 7 février dernier. Il est urgent, a-t-elle plaidé, que les partis surmontent leurs divisions internes et gèrent les attentes du public.
« Nous pourrions nous contenter des délais de formation du gouvernement si nous assistions parallèlement à des échanges dynamiques sur les orientations politiques, sur les voies de développement et de réforme économique », a poursuivi la Chef de la MANUI, mais il y a encore trop d’entraves aux changements dont le pays a désespérément besoin.
À leur tour, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Norvège ou encore l’Irlande ont appelé de leur vœux l’émergence d’un gouvernement stable qui reflète la volonté du peuple iraquien et soit à la hauteur de leurs besoins urgents. « Il est essentiel, pour la stabilité de l’Iraq et de la région, de mettre un terme au vide politique actuel », a renchéri la France.
L’avenir du pays est en jeu, a lancé le Gabon, qui, s’exprimant aussi au nom du Ghana et du Kenya, a constaté que l’Iraq reste confronté à « une impasse postélectorale ». Les Émirats arabes unis ont noté pour leur part que l’Iraq continue de faire l’objet de tentatives de déstabilisation, principalement dans le domaine de la sécurité. Ils ont également souligné l’importance du respect de la souveraineté de tous les États, indispensable pour épargner à la région toute forme d’instabilité et de violence.
Le représentant iraquien a assuré que la Cour suprême fédérale examine actuellement la validité des conditions de nomination à la présidence de la République et la formation du gouvernement. « L’Iraq ne permettra pas que les groupes terroristes obstruent les efforts pour le développement, la paix et la sécurité dans le pays », a-t-il en outre martelé.
Si Mme Hennis-Plasschaert a salué la détermination du Gouvernement iraquien d’obtenir le retour d’un nombre supplémentaire de familles du camp de Hol dans le nord-est de la Syrie, elle a par ailleurs rappelé l’importance d’un dialogue structuré et institutionnalisé entre Bagdad et Erbil, avec des échéanciers, pour régler les questions en suspens depuis très longtemps. L’incapacité à surmonter les différences ou même la réticence à trouver des accords « se paiera tôt ou tard », a-t-elle craint.
Pour sa part, le représentant de l’Iraq a vanté les réunions de haut niveau en cours pour résoudre les questions en suspens, y compris la loi budgétaire, et la coordination entre les forces de sécurité d’Arqa et les forces peshmergas pour combler les lacunes en matière de sécurité et lutter contre Daech. Saluant les bonnes relations entre le Gouvernement iraquien et Erbil, la Fédération de Russie a mis en garde contre la présence de « groupes militaires étrangers » en Iraq, qui ne peut être autorisée que par le Conseil de sécurité ou le pays concerné lui-même. Or à ce jour, il n’en est rien, a dit le représentant russe, accusant certains États d’être présents en Iraq sans l’accord des autorités locales: « L’Iraq ne doit pas devenir un terrain de confrontation régionale. » Le représentant iraquien a appelé les partenaires de son pays à ne pas en faire un lieu de règlement de comptes sous prétexte de lutter contre le terrorisme.
Sur une note positive, plusieurs délégations ont salué l’adoption à l’unanimité par le Conseil de la résolution 2621 du 22 février 2022, qui met fin au mandat de la Commission créée en 1991 pour indemniser les victimes de l’invasion du Koweït par l’Iraq, un véritable succès en matière de coopération nationale, régionale et internationale.
LA SITUATION CONCERNANT L’IRAQ (S/2022/100, S/2022/103)
Déclarations
Présentant les récents développements en Iraq, Mme JEANINE HENNIS-PLASSCHAERT, Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), a expliqué que le Président et les deux Vice-Présidents du nouveau Parlement ont été élus le 9 janvier 2022, à l’occasion de sa première session et à la suite de la ratification, le 30 décembre dernier, des résultats des élections législatives du 10 octobre 2021.
Le nouveau président de la République aurait dû être élu dans un délai de 30 jours suivant l’élection du Président du Parlement, a expliqué Mme Hennis-Plasschaert, mais le quorum parlementaire n’a pu être atteint pour valider cette élection le 7 février dernier. Depuis, le tribunal fédéral n’a pas encore statué sur la question de savoir si la réouverture d’une période de nomination pour trois autres jours était constitutionnelle. Elle a précisé qu’une fois le président ou la présidente de la République élu(e), le Parlement aura un délai de 15 jours pour endosser la nomination du premier ministre et du nouveau gouvernement.
Regrettant les retards de ce processus électoral et de formation du nouveau gouvernement, la Chef de la MANUI a jugé urgent de porter l’attention sur les attentes du peuple iraquien en matière de création d’emplois, de sûreté et sécurité, de qualité du service public, de protection des droits et libertés, de justice et de responsabilité, et de participation significative des femmes et de la jeunesse.
« Nous pourrions nous contenter des délais de formation du gouvernement, si nous assistions parallèlement à des échanges dynamiques sur les orientations politiques, sur les voies de développement et de réforme économique », a dit la Représentante spéciale. Elle a toutefois déploré de ne constater que « des entraves aux changements et aux réformes dont le pays a désespérément besoin ».
Soulignant que les faiblesses intérieures risquent de créer des vulnérabilités, Mme Hennis-Plasschaert a prévenu que « tout vide politique et sécuritaire pourrait profiter à Daech et d’autres ingérences extérieures ». En attendant, elle a rappelé que la patience du peuple iraquien est mise à l’épreuve depuis les manifestations d’octobre 2019 et dénoncé le manque de perspectives sociales, économiques et politiques.
La Représentante spéciale a jugé urgent de surmonter les divisions internes, de s’entendre sur un programme informant les Iraquiens de ce à quoi ils peuvent s’attendre dans les quatre prochaines années. Il faut gérer les attentes du public et répondre aux aspirations de 40 millions d’Iraquiens.
Rappelant l’importance d’un dialogue structuré et institutionnalisé entre Bagdad et Erbil, avec des échéanciers, pour régler les questions en suspens depuis très longtemps, la responsable a prévenu que l’incapacité à surmonter les différences ou même la réticence à trouver des accords se paiera tôt ou tard.
Les tendances des parties à laisser aller les choses risquent de compromettre la stabilité de l’Iraq à court et à long terme, a-t-elle encore averti. Dans ce contexte, elle a exhorté toutes les parties à s’unir au lieu de s’opposer en prenant conscience qu’elles ont besoin les unes des autres. Par conséquent, elle a jugé essentiel que tous les efforts soient axés sur la résolution des problèmes et questions en suspens dans un esprit de partenariat et de coopération.
Par ailleurs, Mme Hennis-Plasschaert s’est inquiétée des conséquences en matière de stabilité de la raréfaction des ressources en eau dans le sud du pays en raison des changements climatiques mais aussi de la réduction des flux hydriques de ses rivières.
Saluant les efforts du Gouvernement iraquien pour faciliter les retours volontaires du camp de Hol, elle a cité le retour de 450 familles, soit 1 800 personnes, rapatriées en Iraq depuis mai 2021. Ces efforts de rapatriement doivent se poursuivre et s’étendre aux combattants présumés de Daech actuellement détenus dans le nord-est de la Syrie. Selon la diplomate, de tels camps alimentent le ressentiment et inspirent les terroristes; il serait donc préférable de contrôler la situation et de gérer les retours.
S’agissant du dossier des Koweïtiens et des ressortissants d’États tiers disparus, Mme Hennis-Plasschaert a indiqué que la MANUI a, le 16 février, facilité le retour du Koweït vers l’Iraq des six derniers restes humains dont il a été déterminé qu’ils ne figuraient pas sur les listes de personnes disparues du Koweït ou de l’Arabie saoudite. Avec ce transfert, le processus d’identification de tous les restes humains découverts à Samawah, dans la province de Muthanna, en 2019 et 2020, a été conclu. Elle a jugé impératif pour le Gouvernement iraquien de ne pas perdre cet élan, de tirer parti de l’expérience acquise et d’avancer vers la conclusion globale de cet important dossier humanitaire.
En conclusion, la responsable de la MANUI a redit l’urgence pour les dirigeants politiques de surmonter les divisions et de mettre de côté leurs démarches partisanes et les vendettas personnelles.
Mme LINDA THOMAS-GREENFLIELD (États-Unis) a félicité le peuple iraquien d’avoir su tenir des élections libres, justes et pacifiques en octobre dernier. Elle a appelé de ses vœux l’émergence d’un gouvernement stable reflétant la volonté du peuple iraquien et qui soit à la hauteur de leurs besoins urgents. Avant et après les élections, les Iraquiens se sont détournés de la violence et de toute tentative d’intimidation des politiciens, a commenté la représentante. Ils ont rejeté les tentatives de certains de détruire les structures politiques iraquiennes. Ils ont défendu la démocratie et se sont opposés à l’attaque contre le Premier Ministre en novembre, et à la tentative d’annuler les résultats des élections et d’enrayer la démocratie, a-t-elle encore dit.
Malgré toutes ces menaces, a poursuivi Mme Thomas-Greenfield, la Commission électorale indépendante, avec l’assistance de la MANUI, et la Cour suprême ont confirmé et validé le vote. Ces résultats devraient conduire à la formation d’un nouveau gouvernement d’autant qu’ils ont vu l’élection d’un nombre historique de femmes et de membres de minorités ethniques au nouveau Parlement. Les femmes sont devenues une nouvelle force politique qui fait que la démocratie est plus fermement enracinée en Iraq. Pour la représentante, « l’heure est venue pour les dirigeants iraquiens de se rassembler et de former un gouvernement inclusif qui prenne à bras-le-corps les préoccupations des Iraquiens et Iraquiennes ». Les populations ont besoin de sécurité, or Daech n’a absolument pas renoncé à la violence, a-t-elle prévenu. Les États-Unis continueront d’appuyer les forces de sécurité iraquiennes et attendent avec impatience de travailler avec le nouveau gouvernement une fois que celui-ci sera formé, a-t-elle assuré, en mettant l’accent sur la réforme économique et la lutte contre la corruption.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a dit que la certification des élections en décembre dernier par la Cour fédérale constitue une étape positive pour la démocratie iraquienne. Elle a déploré le retard de l’élection du président qui vient d’être renvoyé. La déléguée a également appelé à la mise en place, au plus vite, d’un gouvernement qui devrait prendre en main les défis du pays. Elle a insisté pour qu’il soit représentatif de tous les segments de la société iraquienne et qu’on y compte des femmes. La représentante a ensuite pris en exemple l’Albanie, une démocratie jeune qui a connu de nombreux succès tout en ayant dû composer avec les lenteurs du processus de démocratisation. Elle a suggéré aux Iraquiens de ne point prendre les succès pour acquis, invitant les différentes parties prenantes à faire preuve d’ouverture pour résoudre tous les problèmes en suspens.
S’exprimant au nom des trois membres africains du Conseil de sécurité (Gabon, Ghana et Kenya), M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a constaté que l’Iraq reste confronté à une impasse postélectorale qui, du fait des dissensions politiques, a débouché sur une crise institutionnelle avec le report de l’élection du président de la République. Il s’est cependant félicité qu’avec le concours de la MANUI, des élections parlementaires aient pu se tenir pacifiquement le 10 octobre dernier, même si l’annonce des résultats a donné lieu à des affrontements. Cela étant, l’impasse qui a suivi ces élections et l’incapacité de la classe politique à trouver un accord ne sert pas le peuple iraquien, a souligné le représentant, avant d’appeler les partis représentés au Parlement à nouer un compromis afin de parvenir à la formation d’un gouvernement de consensus. L’avenir du pays est en jeu, a-t-il insisté. Le délégué a ensuite salué la forte représentation des femmes au Parlement, ce qui illustre, selon lui, la nature inclusive des dernières élections. Ce résultat doit donner lieu à représentation importante des femmes au gouvernement et dans la société, a-t-il plaidé, réitérant à ce sujet son soutien à la législation contre les violences conjugales.
Sur le plan sécuritaire, le représentant s’est dit préoccupé par les attaques persistantes menées par Daech dans plusieurs provinces du pays contre des civils et des membres des forces de sécurité. Garantir la sécurité des Iraquiens est essentiel pour le rétablissement de la stabilité et de la prospérité, a-t-il soutenu, appelant le Gouvernement iraquien à traiter les facteurs sous-jacents propices à la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent. Il faut demander des comptes aux auteurs de ces crimes dont les activités touchent toute la région, a-t-il dit, en mettant l’accent sur la nécessité de traiter le fléau des mines terrestres. Enfin, après avoir salué les mesures prises par le Gouvernement en matière de protection des droits humains, il a applaudi le fait que l’Iraq se soit acquitté des réparations dues au Koweït et souhaité que la coopération entre les deux pays se poursuive, notamment pour ce qui concerne la restitution des personnes et des biens koweitiens disparus.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a salué le travail « historique » réalisé par la MANUI depuis 2003, en rappelant l’attaque qui avait coûté cette année-là la vie à 22 personnes au siège de l’ONU à Bagdad, dont celle du Représentant spécial pour l’Iraq et Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Sérgio Vieira de Mello, « un compatriote ». Les efforts de la MANUI depuis lors font honneur à ce sacrifice, a déclaré M. de Almeida Filho. Récemment, l’Iraq doit être félicité pour la tenue des élections sûres, transparentes et bien organisées du 10 octobre 2021, a-t-il estimé. Le Brésil a également salué les initiatives prises par la Haute Commission électorale indépendante iraquienne et d’autres institutions à cet égard, ainsi que le travail essentiel de la MANUI pour soutenir l’État iraquien. Pour M. de Almeida Filho, la décision du Conseil de sécurité de renforcer les capacités de la Mission avant les élections était opportune et a porté ses fruits. L’annonce des résultats définitifs des élections le 30 novembre et la ratification de ces résultats par la Cour suprême le 27 décembre ont été des étapes importantes, et, aujourd’hui, le Brésil compte sur les acteurs politiques iraquiens pour faire fond sur cette dynamique et achever le processus de formation du gouvernement dès que possible, afin de répondre aux aspirations légitimes et urgentes du peuple iraquien.
L’année 2022 a vu des développements et des réalisations importantes pour l’Iraq, a constaté le représentant, en citant notamment la résolution adoptée mardi par la Conseil de sécurité qui reconnaît que l’Iraq a rempli ses obligations au titre du Chapitre VII de la Charte concernant le paiement des indemnités liées aux événements de 1990-1991. C’est un acquis majeur qui justifie aujourd’hui la dissolution prochaine de la Commission d’indemnisation des Nations Unies après trois décennies d’activité. Alors que l’Iraq tourne une nouvelle page de son passé récent, il s’efforce également de remplir sa véritable vocation de passerelle entre différentes cultures, perspectives politiques et religieuses, a souligné le délégué. La Conférence de Bagdad pour la coopération et le partenariat, qui s’est tenue en août dernier, en est un exemple prometteur, tout comme les liens naissants d’amitié et de coopération entre l’Iraq et le Koweït.
Mme MONA JUUL (Norvège) a dit que quatre mois après les élections législatives en Iraq, on attend maintenant avec impatience la formation d’un nouveau gouvernement qui répondra aux besoins et aux aspirations du peuple iraquien, en particulier des femmes, des jeunes et des communautés marginalisées. Il est vital que tous les acteurs politiques iraquiens prennent les mesures nécessaires pour former rapidement ce gouvernement, a insisté Mme Juul qui a également tenu à souligner que la participation historique des femmes en tant que candidates et électrices –dépassant en fait le quota constitutionnel de 25%– devrait se refléter dans leur leadership significatif au sein du prochain gouvernement et cabinet. Elle a salué l’intention de la Haute Commission électorale indépendante de procéder à une évaluation postélectorale.
La situation sécuritaire en Iraq étant toujours fragile et instable, la représentante a notamment fait part de ses préoccupations face à la poursuite des activités terroristes de Daech et à la propagation de l’extrémisme violent. Elle a insisté sur l’importance de renforcer les capacités en matière de respect des droits de l’homme et d’adhérer au principe de proportionnalité lors des opérations antiterroristes, tout en tenant soigneusement compte du rôle de la marginalisation, de l’exclusion et de l’injustice. Elle est notamment alarmée par la forte hausse du nombre d’enfants détenus pour des raisons liées à la sécurité. Les enfants doivent être traités avant tout comme des victimes, a-t-elle tranché et des alternatives à la détention, telles que la réintégration à long terme et durable, être activement recherchées. Il ne fait pas de doute que la responsabilité, la justice, l’état de droit et les droits de la personne sont au cœur de la lutte contre les moteurs du conflit et de l’instabilité en Iraq, a estimé Mme Juul, en appelant à renforcer les mécanismes d’établissement des responsabilités pour les violations et atteintes aux droits de l’homme, en particulier les violences perpétrées contre les manifestants, les acteurs politiques et la société civile, ainsi que les violences sexuelles et sexistes.
M. JIM KELLY (Irlande) a estimé que cette réunion se tient à un moment « important » pour la démocratie iraquienne. Après les élections d’octobre, la délégation attend avec impatience la formation, « en temps voulu » d’un gouvernement qui réponde aux besoins et aspirations légitimes du peuple iraquien. La première session du Conseil des représentants qui s’est tenue le mois dernier et l’élection d’un président ont constitué des étapes importantes dans ce processus, s’est-elle félicitée. M. Kelly s’est ensuite réjoui du fait que les femmes aient franchi une étape « historique » en dépassant le quota de 25% des élus. Mais elles doivent maintenant pleinement participer aux négociations sur la formation du gouvernement, a-t-il également déclaré.
S’agissant de la situation sécuritaire, M. Kelly l’a jugée « malheureusement » toujours « instable », notamment à cause des attaques menées par l’État islamique et l’augmentation « alarmante » des attaques de roquettes et de drones, y compris directement dans la « zone verte » de Bagdad. Dans ce contexte, l’Irlande appelle tous les acteurs à faire preuve de retenue et fait écho au message de la MANUI de février appelant au plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Iraq.
S’agissant des questions humanitaires et de développement, le représentant a rappelé l’obligation des autorités iraquiennes d’assurer des retours sûrs, volontaires et dignes des réfugiés, et de résoudre des problèmes tels que le manque de services de base et la stigmatisation des rapatriés. Il a salué l’adhésion de l’Iraq à l’Accord de Paris sur les changements climatiques, jugeant qu’une action conjointe pour atténuer et s’adapter aux défis posés par les changements climatiques sera cruciale. Concluant son propos, il a, comme d’autres, salué, « une fois de plus », l’accomplissement du mandat de la Commission d’indemnisation et félicité les Gouvernements de l’Iraq et du Koweït pour leur coopération avec la Commission. L’Irlande attend « avec intérêt » de nouveaux développements positifs dans les relations entre l’Iraq et le Koweït, et en particulier dans la recherche des ressortissants koweïtiens et de pays tiers portés disparus, et des biens manquants, a-t-il dit.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a salué la forte augmentation du nombre de femmes élues députées, qui est une étape importante sur le chemin d’une participation accrue des Iraquiennes à la vie politique. Selon lui, « il est essentiel, pour la stabilité de l’Iraq et de la région, de mettre un terme au vide politique actuel ». Le représentant a estimé que l’heure est maintenant venue de s’entendre sur la nomination d’un président de la République et de former un gouvernement « capable de répondre aux défis du pays et aux attentes de la population ». Il a souligné l’urgence de la formation d’un gouvernement conforme aux attentes exprimées par les Iraquiennes et les Iraquiens lors des manifestations de 2019, en matière de changement démocratique, de réformes économiques, de justice sociale et à plus de transparence.
Par ailleurs, M. de Rivière a rappelé l’importance de la coopération entre les autorités fédérales et la région autonome du Kurdistan sur les sujets d’intérêt commun, notamment la sécurité et le dossier des ressources pétrolières, dans l’intérêt de l’Iraq fédéral comme de la région autonome. Alors que la menace représentée par Daech demeure forte malgré les efforts de la communauté internationale, le représentant a réitéré son plein soutien à l’Iraq dans sa lutte contre Daech à travers la coalition internationale. La coordination entre Bagdad et Erbil en matière sécuritaire est un facteur clef pour lutter contre Daech. Enfin, il a salué l’adoption par le Conseil à l’unanimité de la résolution du 22 février 2022, qui met fin aux obligations financières de l’Iraq au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Ce dénouement, s’est-il félicité, est un « succès pour l’Iraq, le Koweït, les Nations Unies » en matière de réconciliation et de stabilité durables. M. de Rivière a également apprécié l’excellente coopération entre l’Iraq et le Koweït sur le dossier des Koweïtiens et des ressortissants d’États tiers disparus et des avancées en matière de restitution des biens koweïtien.
Saluant le travail de la MANUI en Iraq et celui de Mme Hennis-Plasschaert, M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a félicité l’Iraq pour la validation réussie des résultats des élections et les mesures prises en vue de la formation du gouvernement. Il a condamné la récente augmentation des attaques contre les partis politiques et fait écho à l’appel de la Représentante spéciale à tous les acteurs politiques iraquiens à œuvrer pour un environnement postélectoral pacifique et constructif. « L’importance est d’assurer qu’il y aura un gouvernement en mesure de servir son peuple », a-t-il souligné. Le Royaume-Uni salue le soutien continu qu’apporte la MANUI à la Haute Commission électorale indépendante. Se réjouissant de voir une participation accrue des femmes en tant que candidates et électrices à ces élections, le représentant a espéré qu’elles seront également bien représentées dans le prochain gouvernement iraquien.
M. Kariuki a souligné que la coalition internationale contre Daech continue de se tenir aux côtés du Gouvernement iraquien et du Gouvernement régional du Kurdistan pour lutter contre cette menace, saluant à cet égard l’engagement de ces deux gouvernements à renforcer leur coopération en matière de sécurité. En conclusion, le représentant a appelé tous les acteurs politiques iraquiens à intensifier leurs efforts pour soutenir la formation pacifique d’un gouvernement qui soit « à la hauteur des attentes de tous les Iraquiens ». Il a encouragé la communauté internationale à être prête à soutenir un tel gouvernement pour relever les défis urgents auxquels il sera confronté comme assurer la sécurité, fournir des services de base, réformer l’économie et s’éloigner de la dépendance aux hydrocarbures.
M. DAI BANG (Chine) a salué le soutien électoral fourni par la MANUI et appelé la Mission à consacrer désormais davantage de ressources au développement du pays. Il a salué le rapatriement par l’Iraq de ses concitoyens venant du camp de réfugiés de Hol en Syrie, avant d’inviter d’autres pays à faire de même. Le délégué a ensuite salué la fin du processus d’indemnisation des citoyens koweïtiens victimes de l’invasion iraquienne. Il a estimé qu’aujourd’hui, la communauté internationale doit aider les Iraquiens à reconstruire leur pays. Même pendant les temps les plus difficiles, la Chine est restée aux côtés des Iraquiens et entend poursuivre son appui, a-t-il assuré.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a commencé par adresser ses condoléances aux familles qui ont perdu des proches dans les attaques terroristes perpétrées en Iraq. Il s’est ensuite félicité que le peuple iraquien, malgré les difficultés politiques et économiques que connaît son pays, ait exprimé sa volonté lors des élections parlementaires d’octobre dernier. Le représentant a salué à cet égard la forte participation des femmes et leur accès à plus de 25% des sièges du Parlement. Il convient à présent de « sortir de l’impasse politique », a-t-il affirmé, avant d’appeler tous les partis à contribuer à la formation d’un gouvernement capable de relever les défis. Il a également enjoint toutes les parties prenantes à rejeter la violence, relevant sur ce point que la possession d’armes non maîtrisée par le Gouvernement pose un problème sur le plan sécuritaire. Souhaitant que l’Iraq ne serve pas de base à des groupes terroristes, il a constaté que Daech continue de cibler des groupes communautaires et des membres de la société civile, en plus des forces de sécurité. Alors que Daech reste actif dans la région et que ses affidés agissent partout dans le monde, la communauté internationale se doit d’agir urgemment, a plaidé le représentant, non sans rappeler que l’Inde a longtemps souffert du fléau du terrorisme et en connaît le coût humain. Il est donc essentiel que la communauté internationale continue d’appuyer les forces de sécurité iraquiennes et renforce leurs capacités face à cette menace.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a déclaré qu’après la validation des résultats des élections le 27 décembre, les forces politiques iraquiennes devraient former un gouvernement inclusif qui réponde aux aspirations légitimes de l’ensemble de la population. Il a salué le fait que 95 des 329 sièges seront occupés par des femmes, ce soit 29% du total. La participation des femmes doit être reflétée dans le prochain gouvernement ministériel.
M. de la Fuente Ramírez s’est dit préoccupé par les nombreux incidents de violence attribués aux groupes terroristes, dont Daech. Il a exhorté le Gouvernement régional kurde et le Gouvernement fédéral iraquien à approfondir leur coopération en matière de sécurité et à promouvoir la mise en œuvre des accords de Sinjar. Il a encouragé les partenaires régionaux et internationaux à appuyer les efforts déployés par l’Iraq dans ce domaine, en particulier ceux visant à renforcer les capacités des forces de sécurité. M. de la Fuente Ramírez est aussi préoccupé face à l’utilisation abusive des invocations de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.
Environ 1,2 million de personnes sont toujours déplacées et les organisations humanitaires signalent des conditions de logement et de santé médiocres en raison d’un financement insuffisant, a dit le représentant alors que les activités du Haut-Commissariat pour les réfugiés et de l’Organisation mondiale de la Santé pour lutter contre la COVID-19 restent essentielles. Saluant les efforts de l’Iraq pour promouvoir le retour volontaire et l’intégration des familles iraquiennes, dont 245 mineurs du camp de réfugiés du camp de Hol en Syrie, il a invité les autres États à suivre cet exemple.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a félicité le peuple iraquien pour la tenue sans incident des élections parlementaires d’octobre 2021. Il a salué les efforts déployés par la Haute Commission électorale indépendante, avec l’appui de la MANUI, pour l’organisation et le déroulement du scrutin. La prochaine échéance cruciale pour le pays est la formation d’un nouveau gouvernement, a-t-il souligné, avant de rendre hommage au rôle joué par le Premier Ministre, M. Mustafa Al-Kadhimi, pour renforcer l’unité iraquienne face aux différents défis. Le délégué a constaté à cet égard que l’Iraq continue de faire l’objet de tentatives de déstabilisation, principalement dans le domaine de la sécurité. Il a également souligné l’importance du respect de la souveraineté de tous les États, indispensable pour épargner à la région toute forme d’instabilité et de violence. Il a d’autre part condamné les attentats terroristes perpétrés contre des représentants du Gouvernement iraquien, ainsi que contre des personnes et des infrastructures civiles, rappelant que l’attaque menée par Daech en janvier dernier dans la province de Diyala a coûté la vie à 11 membres de l’armée iraquienne. Les efforts de l’Iraq face à Daech ont néanmoins porté leurs fruits et doivent être soutenus, conformément au droit international.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a salué le respect par le Gouvernement iraquien de ses obligations internationales en ce qui concerne le versement des indemnisations au Koweït pour les événements de 1990. Il s’est également dit satisfait de la validation des élections d’octobre dernier. L’heure est venue de former un gouvernement représentant toutes les parties du pays, a ajouté le représentant. S’agissant de la question sécuritaire, il a estimé que l’on ne pourra vaincre le terrorisme sans coordination internationale. Il a, à cet égard, rappelé aux membres du Conseil de sécurité le rôle majeur que joue le Centre d’information quadripartite de Bagdad -dont les membres sont l’Iraq, la Fédération de Russie, la République arabe syrienne et l’Iran- dans la lutte contre le terrorisme en Iraq. À titre bilatéral, la Fédération de Russie souhaite continuer de renforcer les capacités de l’armée iraquienne dans la lutte contre le terrorisme.
Poursuivant, M. Nebenzia a salué les bonnes relations entre le Gouvernement iraquien et Erbil. Il a toutefois mis en garde contre la présence de « groupes militaires étrangers » en Iraq, qui ne peut être autorisée que par le Conseil de sécurité ou le pays concerné lui-même. Or à ce jour, il n’en est rien, a-t-il dit, accusant certains États d’être présents en Iraq sans l’accord des autorités locales. « L’Iraq ne doit pas devenir un terrain de confrontation régionale », a-t-il mis en garde, ajoutant que son pays, conformément à l’architecture de sécurité russe, soutient la position de l’Iraq qui veut entretenir avec ses voisins des relations de bon voisinage.
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a dit que la Cour suprême fédérale iraquienne examine actuellement la validité des conditions de nomination à la présidence de la République et la formation du gouvernement. « L’Iraq ne permettra pas que les groupes terroristes obstruent les efforts pour le développement, la paix et la sécurité dans le pays », a ensuite martelé le représentant. Il a appelé les partenaires de l’Iraq à ne pas utiliser le pays comme un lieu de règlement de comptes sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Le Gouvernement veut rapidement le retour des réfugiés et des détenus du camp de Hol, a ajouté le représentant notant qu’au total, 1 796 personnes ont été rapatriées depuis mai 2021. Préoccupé par les récentes attaques perpétrées par Daech, il a appelé les acteurs internationaux et régionaux à renforcer la coopération et les efforts pour lutter contre cette menace de manière plus efficace.
Poursuivant, le représentant a dénoncé la décision du Parlement turc de prolonger le mandat des forces turques en Iraq et en Syrie pour deux années supplémentaires, le 30 octobre 2021. « Il s’agit d’une violation de la souveraineté de l’Iraq. » Par ailleurs, l’Iraq continue de coopérer avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour poursuivre les projets mis en œuvre dans les zones libérées et pour aider les personnes déplacées qui retournent volontairement dans les secteurs de l’éducation, de la santé et des infrastructures. Le Gouvernement a élaboré un mécanisme de gouvernance électronique et d’échange numérique, un programme de lutte contre l’extrémisme violent et de réconciliation, et des ateliers de formation avec le PNUD jusqu’en 2023, a fait savoir M. Bahr Aluloom. Le Gouvernement a aussi adopté des lois visant à faciliter la coopération et le travail des organisations non gouvernementales dans le domaine de l’aide humanitaire: 419 ONG ont ainsi été agréées en décembre 2021. S’agissant de la lutte contre la pandémie de COVID-19, les campagnes de sensibilisation, de prévention et de vaccination se poursuivent.
Concernant la relation entre Bagdad et Erbil, le représentant a parlé des réunions de haut niveau pour résoudre les questions en suspens, y compris la loi budgétaire, et la coordination entre les forces de sécurité d’Arqa et les forces peshmergas pour combler les lacunes en matière de sécurité et lutter contre Daech. Bagdad a transféré 200 milliards de dinars au Gouvernement régional du Kurdistan pour payer les salaires des fonctionnaires du Kurdistan en novembre, a-t-il indiqué. M. Bahr Aluloom a également évoqué la relation avec le Koweït disant qu’une relation solide avec ce pays est une priorité de la politique étrangère iraquienne d’autant que le dossier d’indemnisation a pris fin et que 52 milliards de dollars d’indemnités ont été payés. Il a rappelé la réunion du Conseil sur cette question le mardi 22 février 2022. L’Iraq veut tourner la page du passé avec le Koweït et attache une importance particulière aux dossiers des personnes et des biens disparus, a-t-il enfin assuré, annonçant la poursuite des recherches menées par le Ministère de la défense et les demandes de coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et la MANUI à ce sujet.