La guerre dans les villes: le Conseil de sécurité débat des moyens de protéger les 50 millions de civils urbains menacés par les conflits
Face à des conflits armés qui se déroulent de plus en plus souvent dans des zones urbaines, et qui ont des conséquences humanitaires dévastatrices pour 50 millions de civils, le Secrétaire général a demandé aux membres du Conseil de sécurité, ce matin, de mettre en place des mesures de protection spéciales et d’utiliser tous les moyens à leur disposition pour mettre fin aux dommages tragiques et évitables causés aux civils. Le respect du droit international humanitaire a été placé en premier dans les priorités énoncées par la cinquantaine de participants à ce débat public.
Présidée par le Premier Ministre de la Norvège, M. Jonas Gahr Støre, cette réunion de haut niveau sur le thème « La guerre urbaine et la protection des civils » a donné l’occasion à M. António Guterres de faire trois recommandations pour prévenir et atténuer les effets des conflits urbains sur les populations.
Comme l’ensemble des intervenants, il a d’abord appelé les parties aux conflits à davantage respecter le droit international humanitaire, ce qui implique de poursuivre les auteurs des violations graves. M. Guterres a aussi demandé aux belligérants d’adapter leurs armes et leurs tactiques à la guerre urbaine, en s’abstenant d’utiliser des armes explosives à large rayon d’impact dans les zones habitées. Enfin, il a invité les parties à évaluer l’impact de leurs opérations, à minimiser les dommages causés aux civils et à garantir la reddition de comptes, la reprise et la réconciliation.
Pour respecter le droit international régissant les hostilités, il faut d’abord l’interpréter de bonne foi, a précisé le Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). M. Peter Maurer a cependant souligné que les acteurs des conflits -étatiques, multinationaux et non étatiques- se multiplient, ce qui diffuse les responsabilités, mais il leur a demandé d’investir dans des mesures préventives pour assurer la continuité des services essentiels en situation de conflit. La protection des écoles, parmi les services essentiels, a été une préoccupation unanime des participants au débat qui ont rappelé la Déclaration sur la sécurité des écoles signée en 2015 à l’initiative de la Norvège et l’Argentine.
Au nom du Groupe des amis de la protection des civils dans les conflits armés, réseau interrégional de 27 États Membres, la représentante de la Suisse a souligné l’importance de la résolution 2573 (2021) du Conseil de sécurité. Ce texte appelle toutes les parties à des conflits armés à respecter pleinement les obligations que leur impose le droit international humanitaire, s’agissant notamment de faire la distinction entre, d’une part, les populations et biens civils et, d’autre part, les combattants et les objectifs militaires.
S’appuyant sur une étude montrant que 88% des personnes tuées ou blessées par des armes explosives dans des zones urbaines en 2020 étaient des civils, plusieurs délégations ont mis l’accent sur la redevabilité. Ainsi l’Irlande, à l’initiative d’une déclaration politique dans laquelle les États s’engagent à s’abstenir d’employer des engins explosifs à large rayon d’impact dans les zones habitées, a prévenu que les violences contre les civils ne feront que se répéter tant que leurs auteurs n’auront pas de compte à rendre.
Illustrant ce propos, Mme Radhya al-Mutawakel, Présidente et cofondatrice de « Mwatana Organization for Human Rights », sise au Yémen, a estimé que « les parties belligérantes n’auraient pas osé détruire le pays avec leurs armes explosives et que le Yémen ne serait pas devenu la pire crise humanitaire qu’elle est aujourd'hui, s’il y avait eu de réels efforts pour obtenir des comptes depuis le début de la guerre ». Elle a recommandé de déferrer la situation du Yémen à la Cour pénale internationale (CPI), mais le représentant du Yémen a fustigé sa partialité, arguant qu’elle n’a pas dénoncé le siège de la ville de Mareb par les milices houthistes depuis 11 mois et la dissémination de deux millions de mines sur la côte ouest du pays.
De son côté, le Vice-Président du Ghana, M. Mahamadu Bawumia, a jugé indispensable que les militaires soient formés aux nouveaux types de guerre pour mieux intégrer la protection des civils dans la planification de leurs opérations en zones urbaines. Il a aussi appelé à investir dans le soutien psychologique à apporter aux civils pour qu’ils aient les outils nécessaires pour reconstruire et se reconstruire au mieux et au plus vite. « La zone urbaine est aujourd’hui, pour les militaires, l’équivalent de la jungle dans les années 70 », a, quant à lui, estimé M. Pacome Moubelet Boubeya, Ministre des affaires étrangères du Gabon, en rappelant que les conflits en zone urbaine font huit fois plus de victimes que ceux en zone rurale.
Si la représentante des États-Unis a fustigé les pratiques de certains belligérants cherchant à causer le maximum de victimes civiles en ayant recours à des armes explosives en zones densément peuplées, son homologue russe a rappelé que, comme le montre l’histoire, les frappes contre des zones urbaines ont souvent pour objectif de faire peur et de se venger de gouvernements gênants. Illustrant son propos, le délégué russe a cité le bombardement de Belgrade au printemps 1999 et de Bagdad en 2003 avant de prévenir que la décision de fournir des armes et des conseillers militaires à l’Ukraine, plutôt que de s’en tenir aux accords de Minsk, aura des conséquences sur les civils.
Le meilleur moyen d’éviter les souffrances des civils est de mettre fin aux conflits, a fait valoir pour sa part le Premier Ministre de la Norvège, à l’instar d’autres délégations. Certaines ont souligné que les restes explosifs font des victimes longtemps après la fin du conflit, freinant ainsi la reconstruction. Enfin, le représentant de l’Inde, se remémorant les « terribles attentats de Bombay » en 2008, a relevé que, partout dans le monde, les populations civiles sont menacées par des groupes terroristes peu enclins à respecter le droit international humanitaire. En écho à cette intervention, le représentant du Liechtenstein a défendu le bien-fondé du dialogue avec tous les groupes armés non étatiques dans le seul souci de protéger des civils.
PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ - LA GUERRE URBAINE ET LA PROTECTION DES CIVILS - S/2022/23
Déclarations
Rappelant que plus de 50 millions de personnes sont aujourd’hui touchées par des conflits en milieu urbain, M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a souligné que si les dommages causés aux civils sont souvent prévisibles, les parties au conflit ne prennent pas toujours de mesures pour les éviter ou les réduire. « Lorsque des armes explosives sont utilisées dans des zones habitées, environ 90% des personnes tuées ou blessées sont des civils », a insisté le Secrétaire général avant de noter que l’utilisation d’armes explosives en milieu urbain comporte un risque élevé de conséquences aveugles.
Illustrant son propos, M. Guterres a cité le cas de Gaza, où des dizaines d’écoles et de centres de soins ont été endommagés lors des combats en 2021. Près de 800 000 personnes ont perdu l’accès à l’eau courante, ce qui a accru le risque de maladies tout en entravant davantage les soins de santé, a-t-il ajouté. En Afghanistan, une attaque aux explosifs devant un lycée de Kaboul en mai dernier a entraîné la mort de 90 élèves, principalement des filles, et fait 240 blessés, a-t-il encore cité avant de mettre l’accent sur les souffrances physiques et psychologiques. Il a aussi cité une étude réalisée en 2020 au Yémen qui a montré que l’utilisation d’armes explosives lourdes dans les zones habitées avait perturbé l’ensemble des ressources et des systèmes du pays. « De l’Afghanistan à la Libye, de la Syrie au Yémen, et au-delà, les risques pour les civils augmentent lorsque des combattants circulent parmi eux et mettent des installations et du matériel militaire à proximité d’infrastructures civiles. »
Mettant l’accent sur les conséquences à long terme des conflits urbains, le Secrétaire général a précisé que quatre ans après la destruction de 80% des habitations à Mossoul, en Iraq, on estime que 300 000 personnes sont toujours déplacées. Le Secrétaire général a aussi souligné le danger que représentent les engins non explosés, qui empêchent les gens de rentrer chez eux après la guerre, avant de souligner l’impact de la destruction massive dans les zones urbaines qui fait reculer le développement de plusieurs décennies, sapant les progrès vers les objectifs de développement durable.
Pour prévenir et atténuer les terribles effets des conflits urbains sur les populations, le Secrétaire général a fait trois propositions. Premièrement, il a appelé toutes les parties à pleinement respecter le droit international humanitaire (DIH), en rappelant que les attaques contre des civils ou des infrastructures civiles, les attaques aveugles et l’utilisation de civils comme boucliers humains sont interdites. Il a aussi jugé indispensable de poursuivre les auteurs des violations graves avant d’insister pour que les États Membres aient la volonté politique de mener, dans toute la mesure du possible, des enquêtes et des poursuites concernant les crimes de guerre présumés, chaque fois qu’ils se produisent. « Nous le devons aux victimes et à leurs proches, et c’est également crucial afin que cela soit un moyen de dissuasion puissant. »
Deuxièmement, le Secrétaire général a exhorté les parties à adapter leurs armes et leurs tactiques lorsqu’elles font la guerre dans les villes, car elles ne peuvent pas se battre dans des zones habitées comme elles le feraient sur des champs de bataille ouverts. Par conséquent, il a exhorté toutes les parties belligérantes à s’abstenir d’utiliser des armes explosives à large rayon d’impact dans les zones habitées.
Troisièmement, il a demandé aux parties d’évaluer l’impact de leurs opérations, d’examiner les moyens de minimiser les dommages causés aux civils et de garantir l’obligation de rendre compte, la reprise et la réconciliation. Les parties à un conflit doivent veiller à ce que leurs forces armées soient formées à suivre ces politiques et pratiques, et tous les États devraient établir des cadres directifs nationaux pour la protection des civils, qui s’appuient sur ces politiques et pratiques, a insisté le Secrétaire général avant d’exhorter les États Membres à user de leur influence sur leurs partenaires et alliés afin de garantir le respect du DIH et l’adoption de bonnes pratiques.
Enfin, il a exhorté tous les membres du Conseil à demander des mesures de protection spéciales et à utiliser tous les moyens à leur disposition pour mettre fin aux dommages tragiques et évitables causés aux civils.
M. PETER MAURER, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a fait état de preuves irréfutables des dommages inacceptables de la guerre urbaine pour les civils. L’urbanisation des conflits a des impacts sur les infrastructures de base interconnectées, a-t-il remarqué ajoutant que le droit international humanitaire (DIH) est complexe et passe par des orientations sophistiquées. Le CICR est aux avant-postes en cas de guerre et ne ménage aucun effort pour aider les groupes armés et les États à prendre les bonnes décisions, mais in fine ce sont aux parties qu’il revient de prendre les décisions finales, a concédé M. Maurer.
Il a appelé les parties aux conflits à travailler à un meilleur respect du DIH et à son adaptation aux conflits d’aujourd’hui, notamment aux guerres urbaines. Il faut une interprétation de bonne foi du droit régissant les hostilités, a-t-il précisé. M. Maurer a également exprimé les inquiétudes du CICR quant à l’utilisation des engins explosifs en zones densément peuplées, ce qui fait l’objet d’un nouveau rapport avec des recommandations pratiques et une série de mesures comme le concept d’évitement.
Le Président du CICR a encore recommandé que les efforts visant à faire de la protection des civils une priorité stratégique dans les opérations militaires urbaines tiennent également compte du fait que les parties à un conflit armé combattent rarement seules: une multiplication d’acteurs étatiques, multinationaux et non étatiques vient en soutien direct ou indirect aux parties dans les conflits armés contemporains. Cela peut conduire à une diffusion des responsabilités, qui accroît les risques pour les civils, les blessés et les détenus, a remarqué M. Maurer. L’influence de ces acteurs sur les partenaires, alliés ou mandataires des parties doit être utilisée pour faire une différence positive dans les moyens et les méthodes de guerre employées en milieu urbain, a-t-il plaidé. Le CICR continue d’appeler les États Membres à agir de manière plus décisive pour améliorer leur propre action et tirer parti de leurs relations privilégiées avec leurs alliés et partenaires pour renforcer le respect du DIH.
M. Maurer a poursuivi en soulignant l’urgence qu’il y a à adopter et mettre en œuvre des mesures pour protéger les services essentiels. Le CICR n’est que trop familiarisé avec les impacts graves et cumulatifs sur les populations lorsque les services essentiels sont endommagés pendant un conflit, a-t-il fait remarquer.
Investir dans des mesures préventives pour assurer la continuité des services essentiels offre une garantie supplémentaire pour la santé publique des civils, a poursuivi M. Maurer. « Cela est particulièrement pertinent au moment où nous sommes confrontés à la double vulnérabilité d’un conflit armé et d'une urgence de santé publique mondiale. » M. Maurer a aussi recommandé que les efforts en ce sens soient intégrés dans une approche plus holistique pour reconstruire en mieux et renforcer la résilience des services essentiels afin d’assurer un accès inclusif et équitable par les civils. Les donateurs devraient adopter des mécanismes permettant un financement pluriannuel plus flexible pour éviter l’effondrement des services essentiels et réduire le risque d’inversion du développement, tout en renforçant la réponse d’urgence à court terme pour répondre aux besoins des individus, a-t-il aussi souhaité. Par conséquent, il a exhorté le Conseil à mettre en œuvre les engagements fermes contenus dans sa résolution 2573 (2021) et à faire en sorte que les sanctions permettent au personnel humanitaire d’éviter l’implosion des services de base.
M. Maurer a également appelé à intensifier les efforts pour atténuer la faim et l’insécurité alimentaire et prévenir la famine dans les conflits urbains prolongés. La guerre urbaine crée des situations d’insécurité alimentaire en perturbant les chaînes d’approvisionnement alimentaire et les marchés. Ce problème ne peut être résolu uniquement par des secours à court terme, a-t-il martelé en suggérant une action précoce et anticipée. Il a aussi appelé à protéger les personnes déplacées, notamment en cas de guerre urbaine, et à leur fournir logement et nourriture, en faisant en sorte que les familles ne soient pas séparées. Les parties à un conflit peuvent aider à prévenir l’insécurité alimentaire en respectant le DIH, notamment les règles protégeant les cultures, le bétail, les installations hydrauliques et autres objets indispensables à la survie de la population contre les attaques.
Face à des guerres qui changent rapidement de nature, M. Maurer a constaté que nous peinons à nous adapter et à prendre des mesures adéquates. Nous devons garder les personnes au centre de notre action et établir un engagement significatif avec les personnes déplacées et les communautés d’accueil tout en mettant davantage l’accent sur la dignité et la résilience et en envisageant l’éventail complet des solutions durables, a-t-il conclu.
Mme RADHYA AL-MUTAWAKEL, Présidente et cofondatrice de l’organisation Mwatana pour les droits de l’homme, a rappelé avoir déjà participé à une séance d’information du Conseil, le 30 mai 2017, sur le Yémen. Depuis lors, s’est-elle désolée, le conflit dans ce pays a coûté la vie à des milliers de civils, détruit des infrastructures civiles et gaspillé de nombreuses occasions de mettre fin au bain de sang. En moins d’un mois, sept frappes aériennes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont touché des civils et des installations civiles faisant au moins 107 victimes civiles et blessé au moins 106 autres, a-t-elle dénombré. La frappe aérienne la plus sanglante a eu lieu sur un centre de détention à Saada où au moins 82 détenus ont été tués et 163 autres blessés, y compris ceux qui ont été blessés par les houthistes, a-t-elle fait savoir. Elle a aussi mentionné, au cours de la même période, 10 attaques au sol par les houthistes, avec des explosions de mines et l’utilisation de drones, qui ont tué au moins 9 civils et blessé au moins 10 autres. Les civils continuent de souffrir a déploré Mme Al-Mutawakel en accusant toutes les parties belligérantes -les houthistes soutenus par l’Iran, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, le Gouvernement yéménite, le Conseil de transition du Sud soutenu par les Émirats arabes unis et les forces conjointes-, de commettre des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.
Tous les supports de la vie sont détruits, y compris les maisons, les écoles, les hôpitaux, les salles de mariage et de funérailles, les fermes, les usines et les biens culturels, a énuméré l’activiste. Elle a indiqué que son organisation avait documenté, depuis le début du conflit au Yémen en 2014, au moins 800 frappes aériennes, plus de 700 attaques au sol et plus de 300 explosions de mines, sans oublier les explosions causées par des engins explosifs improvisés et l’utilisation de drones et de missiles balistiques. Plus de 3 000 civils ont été tués dans ces attaques et plus de 4 000 civils ont été blessés. Dans son rapport intitulé « The Starvation Makers », Mwatana montre comment les parties belligérantes utilisent des armes explosives, des frappes aériennes et des mines comme outils pour affamer les civils, a encore informé Mme Al-Mutawakel. Elle a aussi précisé que, dans un grand nombre de ces attaques, Mwatana n’a identifié aucune cible militaire.
Ces attaques ont eu lieu parce que les parties au conflit savent qu’elles vont bénéficier de l’impunité, a jugé la Présidente de Mwatana qui a affirmé avoir vu les restes éparpillés d’hommes, de femmes et d’enfants innocents qui ne savaient pas pourquoi ils avaient été tués. « Nous avons vu des familles entières dormir paisiblement la nuit, et quand le jour est venu, il n’y avait pas de survivant. » Des villages pauvres qui n’ont jamais connu la technologie moderne ont été la cible des bombardements et des projectiles largués par les derniers avions fabriqués dans les pays les plus riches et les plus urbanisés, a-t-elle relevé en constatant l’utilisation des armes les plus modernes.
Les principales villes du Yémen ont souffert de cette guerre étant à maintes reprises au centre d’opérations militaires et ciblées, a poursuivi la représentante avant d’inviter le Conseil de sécurité et la communauté internationale à apporter des changements positifs. En plus de faire pression pour une paix durable, il y a un certain nombre de décisions qui peuvent être prises pour protéger les civils, a-t-elle suggéré: faire pression sur les parties belligérantes pour qu’elles cessent d’utiliser des armes explosives dans les zones peuplées; mettre fin aux ventes d’armes, en particulier aux pays qui ont violé les droits humains; obtenir une nouvelle déclaration sur la prévention de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées; et renforcer l’obligation de rendre des comptes pour les crimes internationaux plutôt que de maintenir l’impunité.
Le Conseil devrait, enfin, saisir la Cour pénale internationale de la situation au Yémen, a prié Mme Al-Mutawakel protestant contre la fin du mandat du Groupe d’éminents experts sur le Yémen en octobre dernier au Conseil des droits de l’homme. Il est encore temps de corriger le tir, a-t-elle lancé en demandant à l’Assemblée générale de soutenir la mise en place d’un mécanisme indépendant et impartial pour enquêter sur les violations du droit international humanitaire commises au Yémen. Il s’agit de rendre compte, recueillir et conserver des preuves et préparer des dossiers en vue de futures poursuites pénales, a-t-elle expliqué. S’il y avait eu de réels efforts pour faire respecter le principe de responsabilité depuis le début de la guerre au Yémen, les parties belligérantes n’auraient pas osé détruire le pays avec leurs armes explosives et le Yémen ne serait pas devenu la pire crise humanitaire qu’il soit aujourd’hui, a conclu Mme Al-Mutawakel.
M. JONAS GAHR STØRE, Premier Ministre de la Norvège, a rappelé que des générations ont grandi avec les images poignantes de la Deuxième Guerre mondiale. En effet, a-t-il dit, ce fut la toile de fond pour la création de ce Conseil. Tragiquement, de telles images sont encore trop communes, a-t-il déploré en citant Alep, Mossoul, Mogadiscio, Donetsk, Sanaa ou encore Gaza. Il a relevé que les conflits armés en milieu urbain ont des conséquences dévastatrices pour les civils qui représentent la grande majorité des victimes. « De nombreux civils, en particulier les enfants et les personnes vulnérables, n’ont nulle part où aller, mais ils ne peuvent non plus rester là où ils sont. » Le Premier Ministre a énuméré les conséquences: les infrastructures civiles essentielles sont détruites, les gains de développement sont annulés, tandis que la pauvreté, la division sociale et les inégalités entre les sexes sont alimentées. Pendant ces conflits, a-t-il souligné, les acteurs humanitaires qui tentent de combler le vide se voient refuser l’accès, alors que les endroits où les enfants vivent, apprennent et jouent sont détruits. Ces enfants vivent dans la peur, souvent séparés de leurs familles, beaucoup sans espoir pour l’avenir, ce qui affecte les générations et compromet les perspectives de règlement des conflits, de paix et de réconciliation, ainsi que de développement.
Le Premier Ministre a affirmé que les civils doivent être protégés, que l’attaque militaire soit ou non considérée comme légale. Pour s’en assurer, il a proposé sept actions. Premièrement, il a estimé que la protection efficace des civils et des biens à caractère civil doit devenir une priorité stratégique, dans la planification et la conduite des opérations militaires dans les zones urbaines. « C’est dans cette optique que la Norvège a développé un outil de réalité augmentée qui permettra aux officiers militaires de vivre un conflit armé du point de vue d’un civil. » Deuxièmement, toutes les parties à un conflit armé doivent se conformer pleinement au droit international humanitaire, a exigé M. Store en en appelant à leur responsabilité en cas de violations. En troisième lieu, il a demandé d’adapter le choix des armes et des méthodes de guerre au contexte urbain, en souhaitant dès lors que l’utilisation d’armes conçues pour le champ de bataille ouvert, y compris les armes explosives lourdes, soit réduite au minimum dans les zones urbaines.
Quatrièmement, le Premier Ministre a appelé les parties au conflit et la communauté internationale dans son ensemble à veiller à ce que les civils continuent d’avoir accès aux services essentiels comme les soins de santé, les systèmes alimentaires, l’éducation, l’eau et l’électricité pendant et après les conflits. Cinquièmement, a-t-il poursuivi, tous les efforts doivent être faits pour empêcher le déplacement des civils, rendre compte des personnes manquantes et réunir les familles. Sixièmement, il a appelé à aider les acteurs humanitaires et de développement à s’adapter aux besoins et vulnérabilités de la population dans les zones urbaines. Pour cela, il est important de collaborer avec les communautés touchées, en tenant compte du fait que la participation pleine, égale et significative des femmes est la clef. Septièmement, le Premier Ministre norvégien a demandé d’assurer la sûreté et la sécurité de l’aide et des travailleurs humanitaires et sanitaires, qu’ils soient des agences des Nations Unies, du CICR ou d’autres organisations régionales ou locales. Enfin, il a estimé que dans « Notre Programme commun », le Secrétaire général de l’ONU montre la voie à suivre: la meilleure façon de protéger les civils est de mettre fin aux conflits.
M. MAHAMADU BAWUMIA, Vice-Président du Ghana, a constaté que la nature des conflits armés a évolué avec le temps et que la science et la technique permettent de développer des armes toujours plus sophistiquées, avec des dégâts humains considérables. Il a également estimé que les conséquences humanitaires des conflits doivent de plus en plus être examinées dans le cadre des guerres urbaines. En effet, si les guerres, par leur nature, entraînent souffrances et destructions, leur impact est encore pire dans les villes, a-t-il souligné, notant en outre que les attaques visant des populations et des infrastructures essentielles civiles créent des vulnérabilités exploitées par les groupes armés. Il a d’autre part noté qu’alors que 55% de la population mondiale vit aujourd’hui dans des zones urbaines, l’Asie et l’Afrique devraient être les régions du monde où l’urbanisation sera la plus rapide, ce qui pose la question des conflits urbains, tels que ceux enregistrés en Syrie, au Yémen mais aussi au Libéria, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire.
Dénonçant l’augmentation des activités de groupes extrémistes tels que Boko Haram, Al-Qaida ou Hay’at Tahrir el-Cham, le Vice-Président a estimé que ces entités non étatiques sont d’autant plus dangereuses qu’elles ne respectent pas les règles de la guerre et font des civils de la « chair à canon ». Bien que les guerres modernes soient de plus en plus complexes, il importe, selon lui, de respecter les Conventions de Genève et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité qui prévoient des protections pour les civils dans les conflits armés. À ses yeux, les tentatives visant à faire comprendre ces règles aux groupes armés n’ont donné aucun résultat, notamment sur le continent africain. De fait, a-t-il dit, l’impact des guerres urbaines sur les populations civiles fait qu’il devient urgent d’investir dans la mise au point d’un « mécanisme d’adaptation ». Nous devons renforcer les normes et les critères internationaux pour la protection des civils dans les contextes urbains, a-t-il plaidé, appelant le Conseil à encourager les autorités nationales à promouvoir l’adaptation des combattant au « nouveau paysage des guerres ».
Il faut aussi mettre au point des cadres de responsabilisation solide, qui placent la protection des civils au centre des système de justice et appliquent une « tolérance zéro » à l’égard des acteurs non étatiques, a poursuivi M. Bawumia, soulignant également l’importance du développement de la résilience des populations et des infrastructures civiles. Ces efforts, a-t-il ajouté, doivent être complétés par des systèmes d’appui donnant aux civils les moyens et compétences nécessaires pour reconstruire plus vite après les conflits. Enfin, après avoir condamné l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, il a jugé nécessaires d’impliquer les communautés locales pour qu’elles prennent des mesures préventives. Il convient, a-t-il conclu, de renforcer ces communautés, tout en tenant compte du facteur des migrations, qui parfois entraîne des « résultats non prévus » et une aggravation des conflits.
M. PACÔME MOUBELET-BOUBEYA, Ministre des affaires étrangères du Gabon, a relevé que les populations civiles sont souvent prises en otage dans les conflits, ce qui interroge le droit de la guerre. Il a également noté que les guerres ont un caractère plus interne qu’international et opposent souvent des acteurs asymétriques. Les zones urbaines aujourd’hui sont l’équivalent des jungles dans les conflits des années 70, rendant inopérants certains moyens, a déclaré le Ministre. Il a indiqué que, lorsque les villes sont pilonnées, 90% des victimes sont des civils, relevant en outre que la guerre urbaine concerne 50 millions de civils dans le monde et tue trois fois plus de personnes qu’un conflit en zone rurale. Il a exhorté la communauté internationale à apporter une réponse urgente à ce défi. Le Ministre gabonais a aussi questionné la légalité de l’emploi d’engins explosifs en zone urbaine même si ces engins ne sont pas expressément prohibés par les textes. Les parties belligérantes ont une obligation de précaution, a-t-il insisté, en ajoutant que l’emploi de ces engins paraît difficilement compatible avec le DIH. Il a enfin appelé à repenser la réponse humanitaire en soulignant l’importance de répondre aux besoins de manière holistique et de mettre en œuvre une « décentralisation de la diplomatie humanitaire ». Les villes sont destinées aux civils et ne doivent pas devenir le théâtre de conflits, a conclu le Ministre.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a fustigé les pratiques de certains belligérants qui cherchent à provoquer un maximum de victimes parmi les civils en ayant recours délibérément à des armes explosives en zones densément peuplées. Elle s’est particulièrement inquiétée des atrocités commises contre les femmes, filles et garçons et des recrutements d’enfants soldats. Elle a aussi condamné les groupes armés qui empêchent délibérément les civils d’accéder à l’aide, relevant en outre que les travailleurs humanitaires sont de plus en plus fréquemment attaqués dans les contextes urbains.
Mettant l’accent sur « ce que nous pouvons faire », la représentante s’est dite encouragée par l’adoption de la résolution 2573 (2021) et a appelé à progresser dans la mise en œuvre des mesures identifiées dans le rapport 2018 du Secrétaire général sur la protection des civils en conflit armé. Elle a notamment engagé les parties belligérantes à respecter pleinement les obligations que leur impose le DIH, appelant les États Membres à adopter et mettre en œuvre des politiques nationales pour soutenir la mise en œuvre effective du DIH, notant que les groupes armés non étatiques sont également tenus de le respecter. Les États doivent aussi mettre en œuvre des mesures de responsabilisation améliorées afin de se conformer eux-mêmes à des normes élevées, ce qui implique de mener des évaluations et des enquêtes, de reconnaître les dommages causés aux civils lorsqu’ils se produisent et de faire de sérieux efforts pour aider les civils blessés. La représentante a ensuite indiqué que les États-Unis ont travaillé avec un certain nombre d’autres États, dont l’Irlande, pour élaborer une déclaration politique sur les armes explosives dans les zones peuplées.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a constaté qu’en raison de l’augmentation de l’urbanisation, en particulier dans les milieux fragiles, et la densité accrue des villes, la guerre urbaine est devenue plus complexe et le principe fondamental de distinction plus difficile à appliquer pour les parties à un conflit armé. Certains groupes armés non étatiques exploitent cet environnement difficile et choisissent délibérément les villes comme champ de bataille principal au mépris total de la vie humaine, a-t-elle dénoncé, accusant notamment les houthistes et d’autres organisations terroristes de délibérément cibler des civils et des biens civils, d’utiliser des écoles et des infrastructures civiles pour stocker des armes ou lancer des attaques, et de se servir des civils, y compris des enfants, comme boucliers humains.
La représentante a appelé au plein respect du droit international, le jugeant d’autant plus essentiel dans l’environnement complexe de la guerre urbaine en raison de ses conséquences dévastatrices sur les civils et les infrastructures essentielles. La formation, le renforcement des capacités et le partage des meilleures pratiques avec les parties engagées dans un conflit armé peuvent contribuer à renforcer la conformité avec le droit international, a fait valoir Mme Nusseibeh. Relevant en outre que les sanctions peuvent soit dissuader, soit contraindre les acteurs à se conformer au droit international, elle a souligné que ces sanctions doivent être soigneusement conçues afin de garantir que les acteurs humanitaires puissent continuer à effectuer leur travail essentiel en milieu urbain.
Elle a exhorté la communauté internationale à soutenir les efforts de relèvement rapide et de reconstruction pour rétablir les infrastructures critiques et les services de base qui sont endommagés et perturbés par l’impact des hostilités dans les villes. La pandémie actuelle rend cet engagement d’autant plus critique que le plus lourd tribut des conflits urbains est payé par les enfants, a-t-elle indiqué. Saluant la résolution 2601 (2021) qui souligne l’importance de la continuité de l’éducation dans les conflits et le potentiel de la technologie, la représentante a appelé à développer et à soutenir des moyens permettant aux enfants de poursuivre leur éducation, même en temps de conflit, arguant que c’est essentiel pour leur développement et contribue à la réalisation de la paix et de la sécurité. Mme Nusseibeh a également jugé crucial que les femmes et les filles soient autonomisées de manière à leur permettre de participer pleinement et sur un pied d’égalité aux stratégies de protection et de reconstruction, car leur inclusion dans tous les secteurs -public et privé- est essentielle pour un relèvement efficace, ainsi que pour aider à prévenir la résurgence des conflits.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est inquiété des répercussions sur les populations civiles des effroyables campagnes de bombardement en Syrie, au Yémen, en Éthiopie, au Mali et dans de nombreux autres États. Il a souligné que les parties qui opèrent dans un environnement urbain doivent prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages infligés aux civils et aux infrastructures. Si une opération militaire ne peut être menée dans le respect de la loi, elle ne doit pas avoir lieu, a-t-il tranché.
Il a appelé la communauté internationale à faire pression sur les États afin qu’ils protègent leurs civils, et recommandé le partage des meilleures pratiques pour aider les parties au conflit à renforcer le respect du DIH. Le Royaume-Uni, a indiqué le délégué, dispense d’ailleurs une formation spécialisée aux forces armées d’autres États, y compris à celles déployées au sein de la MONUSCO, la MINUSCA et l’AMISOM, afin de mieux faire respecter les règles. Il a souligné que les groupes armés non étatiques doivent eux aussi comprendre leurs obligations en vertu du DIH et que les responsables de violations du DIH doivent répondent de leurs actes. Il ne peut y avoir d’impunité pour les crimes commis en période de conflit, a-t-il affirmé.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a affirmé que dans des villes comme Edleb, Gaza et Taëz, des millions de personnes sont confrontées aux inacceptables conséquences humanitaires de la violence délibérée. En raison des sièges, de la famine, de l’utilisation d’armes explosives et de la destruction d’infrastructures civiles vitales et la perturbation de services essentiels, ces populations sont viscéralement conscientes des sinistres réalités de la guerre, a-t-elle relevé. Ces civils courent des risques considérables rien qu’en se déplaçant dans leur ville, devant constamment déterminer si une route peut être traversée en toute sécurité, si un magasin est sûr d’accès, ou si les hôpitaux sont suffisamment sûrs pour y amener un enfant désespérément malade.
La représentante a déploré que cinq ans après l’adoption de la résolution 2286 (2016), la destruction ciblée et systématique des services de santé et le meurtre et la mutilation de travailleurs médicaux et humanitaires continuent, notamment en Éthiopie, au Myanmar et en Syrie. Elle a aussi noté que les conflits urbains exacerbent les vulnérabilités spécifiques des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, alertant notamment des profonds traumatismes psychologiques que les frappes aériennes infligent aux enfants. Ceux qui ont fui les conflits urbains ont partagé des témoignages déchirants, y compris d’avoir été forcés de partir en laissant derrière un parent âgé ou une personne handicapée, dans l’espoir de conduire les autres vers la sécurité, a-t-elle relevé, notant en outre que les conflits urbains ont un impact disproportionné sur les femmes et les filles, en raison notamment du risque de violence sexiste.
Gravement préoccupée par l’impact dévastateur de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, Mme Byrne Nason a estimé que davantage doit être fait pour inverser les préjudices humanitaires causés par ces engins. Elle a indiqué que l’Irlande est déterminée à publier une déclaration politique significative qui viendrait améliorer la protection des civils pendant les conflits armés et entraîner des changements dans les politiques et les pratiques. De même, la représentante a souhaité que la planification de la protection des civils soit au centre de toute reconfiguration de mission de maintien de la paix dans les contextes de transition. Elle a appelé au respect du DIH par toutes les parties à un conflit, y compris en milieu urbain, et a jugé essentiel que les auteurs de violations du DIH soient tenus pour responsables. La lutte contre l’impunité est essentielle pour prévenir de futures infractions, a-t-elle expliqué.
M. JUN ZHANG (Chine) a dit attendre avec intérêt l’adoption de la déclaration politique sur la protection des civils dans le cadre des guerres urbaines. Comme les villes concentrent les populations et les infrastructures essentielles, tout conflit armé entraîne des conséquences humanitaires graves lorsqu’il touche une ville, a-t-il relevé, avant de citer plusieurs situations. En Palestine, Gaza est devenue une « prison en plein air » et d’indicibles souffrances ont découlé du siège et de la guerre de mai dernier, a-t-il déclaré. Il a aussi parlé de l’Afghanistan où des villes ont été réduites en ruines et où plus de 9 millions de personnes ont été déplacées, avant de citer aussi le cas de la Syrie dont les infrastructures civiles ont subi des bombardements incessants en 11 années de conflit. Face à ces « catastrophes humanitaires » qui se produisent sous ses yeux, la communauté internationale doit mettre l’accent sur la responsabilisation, a-t-il plaidé, appelant également à persévérer les règlements politiques des conflits et la protection des intérêts des civils. Pour cela, le cessez-le-feu est la première étape, a souligné le représentant. Rappelant l’appel à l’arrêt général des hostilités lancé par le Secrétaire général en mars 2020, il a déploré qu’à ce jour les conflits se prolongent dans diverses parties du monde.
Le délégué a également rappelé que, le mois dernier, l’Assemblée générale a adopté une résolution sur la « trêve olympique », à l’approche des Jeux olympiques d’hiver de Beijing. Il a ainsi exhorté toutes les parties aux conflits à cesser les hostilités. À l’instar du Secrétaire général, il a enjoint les pays belligérants à respecter cette trêve et à saisir l’occasion des Jeux pour « remplacer la confrontation par la coopération ». Éliminer les causes profondes des conflits est, selon lui, la seule manière de mettre fin aux guerres. Pour y parvenir, il convient de promouvoir le règlement pacifique des conflits, ce qui implique notamment que le Conseil de sécurité fasse « cause commune » avec l’Assemblée générale et que les efforts de maintien de la paix soient coordonnés, a fait valoir le représentant, avant de revenir à la situation humanitaire en Afghanistan, qui est à présent « la plus grave au monde ». Alors que 97% de la population afghane risque de tomber sous le seuil de pauvreté, il est urgent, a-t-il dit en conclusion, que les avoirs gelés soient débloqués et que les sanctions internationales contre ce pays soient levées.
M. JUAN RÁMON DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a dit que son pays partage la perspective de la Norvège sur ce sujet. L’utilisation d’armes explosives en milieu urbain n’est pas expressément prohibée par le DIH, a-t-il dit, tout en soulignant qu’un tel emploi a néanmoins des conséquences humanitaires inacceptables. Il a donc jugé souhaitable l’adoption d’une déclaration politique sur le sujet. La population civile au Moyen-Orient comme dans d’autres régions du monde fait face à de telles conséquences, a fait remarquer le délégué, en invitant le Conseil à agir. Il a appelé les pays qui ne l’ont pas encore fait à signer la Déclaration sur la sécurité des écoles. Toute violation du DIH doit faire l’objet d’une enquête et d’une sanction soit devant les juridictions nationales soit devant la Cour pénale internationale, a conclu le représentant du Mexique.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a dit que nous avons tous à l’esprit des images de destruction de ville, comme le siège de Leningrad qui a duré 900 jours, les bombardements de la ville de Londres ou l’explosion des premières bombes atomiques sur Nagasaki et Hiroshima. S’inquiétant du risque d’une grande conflagration militaire à l’image des deux guerres mondiales, le représentant a souligné l’importance d’un système garantissant une relation entre États de nature à diminuer les risques de confrontation. Face à l’escalade des dépenses militaires et la multiplication de provocations dans un contexte de compétions géopolitiques, le représentant du Kenya a jugé indispensable de reformer le Conseil de sécurité pour augmenter le nombre de ces membres et ainsi favoriser un véritable dialogue. « La paix et la sécurité bénéficieraient immensément de la mise en œuvre de la position commune de l’Union africaine sur la réforme de la composition du Conseil de sécurité », a estimé le représentant avant de prévenir que la Ligue des Nations n’a su empêcher la Seconde Guerre mondiale.
Ce que nous avons vu en Afghanistan, en Syrie, au Yémen, en Libye, en République centrafricaine, au Mozambique, en Somalie et en Ukraine raconte la même histoire, a fait observer M. FERIT HOXHA (Albanie). Quand les villes deviennent des champs de bataille, les rues deviennent des lits de mort, a-t-il dit, en citant aussi les exemples terrifiants de Mossoul, Taëz, Sanaa ou Donetsk. Le meilleur moyen de protéger, a-t-il asséné, c’est de parvenir à un consensus sur les mesures visant à prévenir et résoudre les conflits armés. Les membres du Conseil de sécurité, a préconisé le représentant, ne devraient pas laisser leurs divergences politiques saper l’action collective. Tous les États Membres devraient aider les Nations Unies et les autres parties prenantes à parler avec les groupes armés non étatiques pour élaborer des politiques de protection des civils, y compris en milieu urbain. Ils doivent aussi garantir l’établissement des responsabilités pour les violations graves du droit international humanitaire et traduire les auteurs en justice. M. Hoxha s’est dit convaincu que les États Membres, les communautés locales, la société civile et les organisations internationales peuvent contribuer aux cadres politiques, sur la base des bonnes pratiques, pour prévenir les conflits et protéger les civils en milieu urbain.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a appelé le Conseil à exiger des parties à un conflit qu’elles respectent le DIH, notant l’importance d’une formation spécifique aux milieux urbains et d’adapter les moyens et méthodes de guerre aux zones densément peuplées. Il est également important de répertorier les dommages causés aux civils pour évaluer si elles correspondent aux pertes prévues, a-t-il ajouté, engageant en outre les parties à planifier leurs opérations en fonction d’informations solides concernant les objectifs militaires et l’emplacement des populations et des infrastructures civiles.
Soulignant que le choix des armes est essentiel pour protéger les civils dans les conflits armés en milieu urbain, le représentant a soutenu la Déclaration de Santiago à l’appui d’une déclaration politique sur l’emploi d’armes explosives dans les zones peuplées. Il a également appelé les parties à un conflit à faciliter le passage sûr et sans entrave de l’aide humanitaire. Le Conseil doit pour sa part veiller à ce que les sanctions et les mesures antiterroristes n’ont pas de conséquences négatives sur l’action humanitaire légitime et impartiale, a estimé le délégué pour qui la prévention, la diplomatie et la désescalade doivent continuer d’être au centre des efforts de promotion du respect du DIH et protéger les civils dans toutes les situations de conflit armé, y compris en milieu urbain.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a indiqué que la particularité des opérations militaires dans les villes est que les infrastructures civiles et militaires y sont souvent imbriquées. Il est donc important de fonder la planification des opérations sur les informations les plus précises et les plus fiables. Le représentant a pointé sur le danger qu’il y a à utiliser des drones pour des frappes aériennes et autres moyens de combat à distance sans informations vérifiées. Le 29 août dernier à Kaboul, a-t-il dénoncé, un drone américain a décimé une famille entière, y compris les enfants. De telles situations se sont malheureusement accumulées dans le monde ces derniers temps, a constaté le représentant. Il a jugé d’« extrêmement négative » l’expérience des États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et autres « coalitions pour la démocratie » en matière de protection des civils dans les guerres urbaines. Bien souvent, a-t-il affirmé, les bombardements de quartiers entiers ne visent pas à toucher des cibles militaires mais tout simplement à intimider, à se venger et à punir les gouvernements « indésirables ». Tout le monde, a rappelé le représentant, se souvient des frappes aériennes en plein centre de Belgrade et contre d’autres territoires serbes, au printemps 1999, sans parler des méthodes de guerre utilisées en Iraq ou en Libye.
M. Kuzmin n’a pas oublié de pointer un doigt accusateur sur l’armée ukrainienne, qui le moins que l’on puisse dire, ne fait rien pour protéger les civils. Pourtant, dans le contexte d’une menace imaginaire et artificiellement gonflée que ferait peser la Fédération de Russie, les pays occidentaux continuent de fournir à l’Ukraine, armes et conseillers militaires et de se livrer à des provocations, au lieu de forcer Kiev à mettre en œuvre les accords de Minsk approuvés par ce même Conseil de sécurité. À l’est de l’Ukraine, des femmes, des vieillards et des enfants continueront de mourir à cause de la guerre non déclarée de Kiev. Le représentant a aussi constaté qu’aujourd’hui, les civils sont particulièrement menacés par des groupes terroristes impliqués dans des conflits, notamment en Syrie et dans certains pays africains. Il a également dénoncé l’interprétation « libre » du droit international humanitaire ainsi que l’introduction de concepts « innovants » pour prétendument en combler les lacunes. Le délégué a dit craindre « un flou » propre à affaiblir les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels. On ne saurait se servir du droit international humanitaire comme un outil de manipulation politique, a-t-il prévenu.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a estimé que, face à la gravité des conséquences humanitaires des conflits, en particulier pour les populations civiles en zone urbaine, la réponse de la communauté internationale doit prendre quatre directions. Tout d’abord, a-t-il dit, le Conseil de sécurité doit demeurer pleinement mobilisé pour que les parties respectent leurs obligations au titre du DIH et des droits de l’homme. Appelant à la mise en œuvre des résolutions sur la protection des civils, il a aussi encouragé tous les États Membres à endosser l’Appel à l’action humanitaire présenté par la France et l’Allemagne en septembre 2019. Il a par ailleurs demandé qu’une meilleure protection des acteurs et des infrastructures humanitaires et médicaux soit assurée, avant de condamner les attaques de ce type effectuées en violation du DIH, y compris dans le cyberespace.
Jugeant primordial que la protection des civils reste au cœur des opérations de maintien de la paix, le représentant a souhaité que les mandats de ces opérations prennent en compte l’analyse des menaces contre les civils, notamment les menaces de violence sexuelle et sexiste et les menaces de violations graves contre les enfants et leurs droits. Il a enfin estimé que les attaques et les violations contre les personnes et des infrastructures civiles ne peuvent rester impunies. Selon lui, l’action du Conseil contre le recours massif et indiscriminé aux engins explosifs improvisés ainsi que contre l’utilisation de civils comme boucliers humains doit être renforcée, tout comme la coopération avec les missions d’établissement des faits, les commissions d’enquête et les instruments de la justice pénale internationale. Le délégué a également réitéré son appel à une meilleure utilisation des sanctions contre les responsables de ces actes, indiquant que conformément à son engagement sur ces questions, la France a pris l’initiative, conjointement avec la Commission européenne, d’organiser le premier Forum humanitaire européen, qui se tiendra du 21 au 23 mars de cette année.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a indiqué que la prise pour cible de civils et d’infrastructures civiles est une tactique de guerre qui a été employée dans de nombreux conflits, et qu’à mesure que l’urbanisation augmente, l’impact des conflits sur les personnes vivant dans les villes augmentera aussi. Il a noté que certains pays continuent de subir les conséquences d’actions ciblant délibérément les civils et qui équivalent à un génocide comme cela a été le cas en 1971, dans ce qui est maintenant le Bangladesh. Il a déclaré que les États ont la responsabilité de protéger ceux qui risquent leurs vies pour protéger les civils. « En d’autres termes, nous devons protéger les protecteurs. »
Préoccupé du fait que les parties à un conflit armé considèrent les populations et infrastructures civiles comme des cibles légitimes, le délégué a déclaré que son pays a toujours été en première ligne dans la lutte antiterroriste. Tout débat sur la protection des civils est incomplet s’il ne prend pas en compte le carnage causé par les groupes terroristes, en particulier ceux qui sont parrainés par des acteurs étatiques, a déclaré le délégué, en citant l’attaque odieuse perpétrée à Bombay en 2008. Il a, en conséquence, exhorté la communauté internationale à rejeter toute tentative visant à justifier le terrorisme, alertant en outre que baisser la garde se ferait non seulement ressentir sur les civils, mais aussi sur les forces de sécurité qui combattent ces groupes dans des conditions extrêmement difficiles en milieu urbain. Le représentant a par ailleurs réaffirmé le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État. La menace d’utiliser la force contre un État doit être fermement condamnée, a-t-il insisté. Il a également attiré l’attention sur l’importance de fournir une aide aux pays dont l’infrastructure urbaine a été détruite, précisant qu’à l’issue du conflit au Sri Lanka, l’Inde a contribué à la construction de plus 46 000 habitations pour personnes déplacées.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a rappelé que 88% des personnes tuées dans les conflits urbains sont des civils et précisé que les restes explosifs de guerre continuent de tuer après les conflits. Il y a déjà 10 ans, a-t-il rappelé, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a appelé à l’interdiction des explosifs de large portée dans les milieux urbains en raison de leur impact indiscriminé. Il a insisté sur le respect intégral du droit international humanitaire, dont les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité. La protection des civils, a martelé le représentant, doit avoir la priorité dans la planification et la conduite des opérations militaires. Il a appelé le Conseil de sécurité à veiller à la mise en œuvre de sa résolution 2573 (2021) dont le Liechtenstein est coauteur. Il a, à son tour, jugé pertinent de favoriser le dialogue avec les groupes armés non étatiques pour protéger des civils. Enfin, il a estimé que les conventions humanitaires et l’article 8 du Statut de Rome doivent s’appliquer aux attaques cybernétiques lorsqu’elles sont dans un conflit armé.
Au nom du Groupe des amis de la protection des civils dans les conflits armés, réseau interrégional de 27 États Membres, Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a fait observer que, selon le rapport 2021 du Secrétaire général, la grande majorité des victimes des conflits armés en milieu urbain sont des civils, avec des effets négatifs à long terme et systémiques sur les services de santé et d’éducation de base. Fort de ce constat, elle a insisté sur l’importance de respecter le droit international humanitaire (DIH) et la nécessité de renforcer la protection des civils, notamment des impacts humanitaires qui pourraient survenir lorsque des armes explosives sont utilisées dans des zones peuplées. À cet égard, la représentante a salué l’adoption de la résolution 2573 (2021) sur les attaques contre les infrastructures critiques et a réitéré l’appel du Groupe à éviter, dans la mesure possible, d’établir des positions militaires à l’intérieur ou à proximité de zones densément peuplées.
La déléguée a ensuite souligné l’importance de la mise en œuvre du DIH au niveau national, ce qui nécessite, selon elle, des mesures à la fois en temps de paix et de conflit armé. La doctrine et la pratique militaires devraient servir de base pour le développement de la compétence militaire en matière de protection des civils, a-t-elle affirmé, avant de préconiser l’inclusion d’une formation spécifique et du développement de bonnes pratiques dans la planification et la conduite des opérations militaires dans les villes pendant les conflits armés. Plaidant aussi pour que toutes les parties à un conflit soient informées du DIH, elle a recommandé de ne pas criminaliser les contacts menés à cette fin avec les groupes armés.
De même, a-t-elle ajouté, il demeure crucial que toutes les parties aux conflits armés autorisent et facilitent les activités humanitaires, tout comme il importe de garantir la participation et le leadership des femmes et des filles dans les processus humanitaires. À ce sujet, la représentante a plaidé pour que les acteurs humanitaires et de développement adoptent des approches globales, en particulier pour faire face aux conflits armés prolongés dans les zones urbaines. Enfin, après avoir appelé à faire en sorte que les villes restent des espaces de vie et d’espoir, même en période de conflit armé, elle a réaffirmé l’engagement de la Suisse, candidate à un siège non permanent au Conseil de sécurité, pour la protection des civils dans les conflits et la pleine mise en œuvre du DIH.
M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a noté, bien que le phénomène de la guerre dans les villes ne soit pas nouveau, l’impact de la guerre urbaine a récemment gagné en ampleur, les populations étant plus nombreuses à vivre dans des villes et ces dernières abritant des infrastructures. Avec l’augmentation des guerres urbaines, la communauté internationale peut maintenant voir clairement son impact humanitaire dévastateur, a-t-il relevé, jugeant inacceptable que près de 90% des victimes des guerres urbaines soient des civils et que 50 millions de civils soient touchés par ce type de conflits. Constatant qu’un « schéma commun » à de nombreux conflits en milieu urbain est la violation du droit international humanitaire (DIH), le représentant a appelé toutes les parties à un conflit armé à s’y conformer pleinement « en toutes circonstances », notamment pour ce qui est de l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées.
Le représentant a ensuite observé que l’impact humanitaire des conflits urbains prend non seulement la forme de blessures ou de morts résultant d’explosions mais aussi des formes indirectes car ces explosions perturbent les infrastructures essentielles et la fourniture de services. À ses yeux, les destructions d’écoles et les enfants qui restent à la maison par crainte d’attaques à l’arme explosive ne doivent pas être négligés, compte tenu des effets sur l’accès à l’éducation. L’Autriche a souligné son engagement sur cette question lors de la Conférence sur la protection des civils dans la guerre urbaine à Vienne, a-t-il indiqué, affirmant attendre avec impatience une « déclaration politique forte », à l’issue des négociations menées par l’Irlande. Saluant les réponses apportées par le Conseil de sécurité, ces dernières années, à ces défis urgents, notamment par l’adoption à l’unanimité de la résolution 2573 (2021) sur la protection des infrastructures essentielles à la survie des civils, il a souhaité qu’à l’avenir, l’organe onusien se concentre sur la mise en œuvre de ce texte tout en tenant compte des besoins spécifiques des populations urbaines. Enfin, il a appelé le Conseil à maintenir son appel à un accès sans entrave des travailleurs humanitaires aux villes des zones de conflit. Dans ce contexte, il a condamné fermement l’utilisation de la famine comme méthode de guerre dans les conflits armés, une pratique pouvant, selon lui, être assimilée à un « crime de guerre ».
M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) s’est enorgueilli de ce que ce pays se soit toujours fait le défenseur de la protection des civils laquelle nécessite une approche intégrée, dont la lutte contre les groupes armés non étatiques. Il faut, a-t-il dit, les empêcher d’ouvrir de nouveaux fronts, tout en s’attaquant aux causes profondes des conflits par des progrès dans le développement durable. Il faut aussi lutter contre la menace terroriste et ne pas oublier qu’en matière de protection des civils, les États sont les premiers responsables et que s’agissant de la promotion de la stabilité et du respect du droit international humanitaire, les institutions nationales et les mécanismes régionaux doivent avoir la main. Le représentant a insisté sur le respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des États.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a relevé que l’impact des conflits urbains persiste longtemps après les hostilités et que les restes explosifs de guerre ou les munitions non explosées retardent ou empêchent le retour des personnes déplacées et prolongent les souffrances. Elle s’est inquiétée de l’impact disproportionné des conflits urbains sur les femmes et les enfants, et des traumatismes psychologiques subis par les survivants. Elle a réitéré que toutes les parties aux conflits doivent veiller au respect du droit humanitaire et ses principes fondamentaux, appelant notamment à préserver les protections accordées aux civils et aux biens à caractère civil, et à veiller à ce que l’aide et les secours humanitaires vitaux continuent d’être fournis sans obstacles.
La représentante a souligné que les signalements de crimes de guerre doivent faire l’objet d’enquêtes efficaces et leurs auteurs doivent être traduits en justice et tenus pour responsables. Cela est indispensable pour assurer la dissuasion et rendre justice aux victimes, a-t-elle justifié. Elle a appelé le Conseil de sécurité à faire respecter le DIH et la reddition de compte et à veiller à la mise en œuvre de ses résolutions pertinentes en matière de protection des civils. Pour protéger efficacement les populations civiles et les infrastructures connexes, Mme Frazier a aussi jugé nécessaire de réévaluer les pratiques militaires antérieures. Cela s’applique particulièrement à l’utilisation d’explosifs à grande portée dans les zones densément peuplées, a-t-elle indiqué, précisant que Malte soutient à cet égard le projet de déclaration politique initié par l’Irlande à ce sujet.
M. OMAR HILALE (Maroc) a estimé que pour minimiser les dommages collatéraux dans les conflits en zones urbaines, il faut y mener les opérations militaires dans le respect intégral du droit international humanitaire, y compris les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité. À son tour, il a insisté sur le fait que la protection des civils incombe d’abord et avant tout des États, même s’il a reconnu « la valeur ajoutée » des opérations de paix de l’ONU. Le représentant a aussi jugé indispensable que l’aide humanitaire ne soit pas instrumentalisée et qu’elle soit dissociée des objectifs politiques. Il a ensuite exhorté toutes les parties prenantes, en particulier les pays hôtes des opérations de l’ONU, à respecter le droit international humanitaire (DIH) et à garantir un accès humanitaire sans entrave. Il serait souhaitable, a-t-il conclu, de privilégier une approche préventive de la question de la protection des civils par le renforcement des capacités des pays concernés.
Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne) a rappelé que l’année dernière, le Conseil de sécurité a adopté la résolution « historique » 2573 qui appelle les parties au conflit à éviter d’établir des positions militaires dans des zones densément peuplées. Insistant sur le respect de cette résolution, en particulier, et du droit international humanitaire, en général, et sur les poursuites judiciaires en cas de violations, elle a plaidé, à son tour, pour un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave. Voici, a-t-elle dit, ce que demande fondamentalement l’« Appel à l’action pour renforcer le respect du droit international humanitaire » lancé par la France et l’Allemagne en 2019. Mme Leendertse a encouragé tous les États Membres à se joindre aux 52 signataires de l’Appel. À ce propos, elle a fait observer que non seulement les restes explosifs de guerre mettent des vies en danger, mais ils entravent aussi la fourniture d’une aide humanitaire indispensable.
La représentante n’a pas manqué de rappeler qu’en 2020 et 2021, son pays a financé, entre autres, deux projets de l’ONG internationale « HALO Trust » sur le déminage dans le sud de Tripoli. Elle s’est attardée sur les menaces particulières qui pèsent sur les femmes chez elles ou dans leur fuite, dont la violence sexuelle et fondée sur le genre, « un crime particulièrement odieux ». L’Allemagne, a-t-elle souligné, s’est jointe à « l’Appel à l’action pour mettre fin à la violence basée sur le genre dans les situations d’urgence » et en copréside le Groupe de travail des États et des donateurs. Pour protéger les femmes et les filles, il faut garantir leur participation pleine, égale et significative aux processus et initiatives humanitaires, a conclu la représentante.
M. BOŠTJAN MALOVRH (Slovénie) a tout d’abord salué la pertinence du rapport du Secrétaire général sur la protection des civils dans les conflits urbains, qui se révèle très utile pour guider l’action des États et assurer une plus grande responsabilisation en cas de violation du DIH. Il a ensuite estimé que, pour garantir le respect du DIH dans ce type de contexte, la formation sur les principes et les précautions en la matière doit être accrue aux plans régional, national et international. À titre national, a-t-il indiqué, la Slovénie a créé un centre de formation à la protection des civils destinés aux personnels militaires et aux policiers. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’efforts visant à renforcer le lien entre la paix et le développement, ainsi que les analyses en temps de conflit afin d’évaluer les risques pour les objectifs civils, a précisé le délégué, avant de constater que les infrastructures civiles sont très souvent visées dans les conflits armés. Condamnant à cet égard l’utilisation de l’eau comme arme stratégique, il a rappelé l’engagement de son pays sur cette question dans le cadre du Groupe d’amis sur l’eau et la paix à Genève. Il a par ailleurs indiqué que plus de 1 500 enfants victimes des conflits sont ainsi aidés dans diverses institutions de la Slovénie, tandis que des actions sont également menées par les autorités slovènes sur le plan humanitaire et dans la lutte contre les restes explosifs de guerre.
M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a dit que les Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels constituent la pierre angulaire du cadre juridique de protection des civils et de ceux qui ne participent pas aux hostilités. Par ailleurs, il a précisé que dans son avis consultatif de 1996 sur la « Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires », la Cour internationale de Justice (CIJ) a mis l’accent sur deux principes cardinaux du DIH, à savoir la distinction entre combattants et non-combattants et l’interdiction de causer des souffrances inutiles. La Cour a clairement indiqué que les États ne doivent jamais faire de civils l’objet d'attaques et, par conséquent, ne doivent jamais utiliser d’armes incapables de faire la distinction entre des cibles civiles et militaires.
Or, le représentant a noté que les parties à un conflit ne respectent pas ces règles juridiquement contraignantes du DIH, posant ainsi un grave défi à la communauté internationale. Il a fustigé l’inaction du Conseil de sécurité face à de graves violations du DIH, notamment au Moyen-Orient, où « les pratiques systématiques inhumaines et d’apartheid du régime israélien dans le Territoire palestinien occupé » se poursuivent depuis des décennies. Le représentant a conclu en exhortant les États à respecter le DIH et à empêcher la survenance de conflits par des moyens diplomatiques.
Le respect du droit international humanitaire doit être assuré à tout moment et en toutes circonstances, a exigé M. MAURIZIO MASSARI (Italie), ce qui inclut d’honorer l’obligation de poursuivre les responsables des violations de ce droit, en actionnant tous les mécanismes de justice internationale et ad hoc disponibles. Dans cette perspective, le représentant a réaffirmé le soutien de son pays au travail et à l’indépendance de la Cour pénale internationale (CPI). Il a rappelé que la résolution 2573 (2021) du Conseil de sécurité appelle toutes les parties aux conflits armés à distinguer la population civile et les objectifs, d’une part, et les combattants et les objectifs militaires, d’autre part. Une attention particulière doit également être accordée à la protection des principales infrastructures et à la continuité des services sociaux de base. Le représentant en a profité pour souligner le plein soutien de son pays à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Avant de conclure, il a condamné l’utilisation d’engins explosifs dans les zones densément peuplées et a plaidé pour la protection des travailleurs humanitaires, y compris en milieu urbain.
Pour la Pologne, a dit son représentant, M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI, la priorité est de protéger les groupes vulnérables, les personnes handicapées, les enfants et les membres des minorités religieuses. Cette vision guide la présidence polonaise de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), cette année. M. Szczerski a donc réclamé la mise en œuvre intégrale de la résolution 2475 (2019) sur les personnes handicapées dans les conflits armés. Il a aussi réclamé la mise en œuvre de la résolution 2573 (2021) pour une meilleure protection des infrastructures civiles et un meilleur accès humanitaire, dont la fourniture des vaccins contre la COVID-19 dans les zones de conflit. M. Szczerski a soutenu l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial et condamné vigoureusement les attaques contre le personnel humanitaire et médical, réaffirmant l’engagement de son pays à traduire en justice les auteurs de ces crimes odieux. Depuis 2010, a-t-il indiqué, la Pologne a donné une aide financière au CICR en réponse aux crises en Syrie, dans l’est de l’Ukraine, en Afghanistan, en Éthiopie, au Pakistan et en Haïti et au Moyen-Orient, sans oublier les communautés d’accueil de réfugiés syriens au Liban, en Jordanie et en Iraq. Après s’être attardé sur les situations en Ukraine et le Haut-Karabakh, le représentant a indiqué que la protection des enfants dans les conflits armés est la priorité de l’aide humanitaire et de la coopération au développement de la Pologne.
M. FRANCISCO DUARTE LOPES (Portugal) a fait remarquer que comme les deux tiers de la population mondiale vivront en milieu urbain d’ici à l’année 2050, la question examinée aujourd’hui par le Conseil de sécurité ne peut que gagner en importance. Cette question est d’autant plus cruciale que l’on voit se banaliser l’utilisation d’explosifs ou de drones dans des zones urbaines densément peuplées. Pour le représentant, le respect du droit international humanitaire et la protection des civils doivent être les priorités dans la planification des opérations militaires. C’est fort de ce constat que le Portugal a lancé cette année un Comité international afin de veiller au respect du droit international humanitaire, a indiqué le représentant.
M. ROBERT KEITH RAE (Canada) a souligné que ce débat n’a rien de théorique: des vies sont bel et bien en jeu dans de nombreuses villes en ruine. Le représentant a appelé à mettre un terme à ce phénomène en respectant la Charte des Nations unies, dont il a lu l’Article 2.4. Les parties au conflit doivent toujours établir la distinction entre les combattants et les civils, les objectifs militaires et les objectifs civils, a-t-il rappelé avant de citer également les principes de proportionnalité et de précaution qui s’y sont ajoutés. Le représentant a dit que la voie à suivre est de ratifier les traités du DIH et d’intégrer ce droit dans le droit national, les doctrines militaires, la formation, la prise de décisions et les règles disciplinaires.
Les précautions inscrites dans le DIH comprennent notamment une bonne compréhension des conséquences prévisibles d’une attaque: qui périra ? qui devra quitter son foyer ? qui verra sa maison détruite ? qui souffrira de conséquences sanitaires sur le long terme ? Nous devons tenir compte des différentes situations des hommes, des femmes, des enfants, penser aux risques de violences sexuelles, a professé le représentant pour qui il est essentiel que toutes les parties aux conflits comprennent bien les besoins en matière de protection des différentes catégories de civils. Pour M. Rae, lorsqu’un groupe armé à un conflit viole le droit, il ne faut pas se contenter de condamner, il faut aller plus loin et trouver d’autres façons d’avancer si le véto est utilisé.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a souligné que le droit international humanitaire fournit une base juridique « solide » pour la protection des civils dans les conflits armés, y compris dans les villes. Il a rappelé que son pays est coauteur de la résolution 2573 (2021) sur la protection des objets indispensables à la survie de la population civile. Le représentant a rappelé que son pays s’est activement impliqué dans des opérations visant à aider les civils touchés par les conflits armés, notamment en milieu urbain. Par exemple, le Japon soutient depuis longtemps la population de Gaza, y compris en contribuant au projet de préparation aux conflits et de protection lancé par le Service de lutte antimines de l’ONU. Ce projet, a expliqué le représentant, vise à réduire le nombre des victimes des engins explosifs grâce à une vaste sensibilisation aux risques. Le Japon, a-t-il assuré, est déterminé à continuer de déployer tous les efforts pour la protection des civils dans les conflits armés.
M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES (Équateur) a rappelé les efforts visant à promouvoir la mise en œuvre du Nouveau Programme pour les villes qui a été adopté à Quito lors de la Conférence des Nations Unies sur le logement et le développement urbain durable (Habitat III). Ce programme reconnaît notamment l’impact humanitaire de la guerre dans les zones urbaines et souligne dans son paragraphe 30 la nécessité pour les gouvernements et la société civile de continuer à soutenir la fourniture de services urbains résilients pendant les conflits armés, et de veiller au plein respect du DIH, a-t-il précisé, déplorant que la guerre et la violence armée entrave sa mise en œuvre.
Par la Déclaration de Quito, a-t-il poursuivi, la communauté internationale s’est aussi engagée à passer d’une approche réactive à une approche proactive en investissant dans la résilience et en garantissant des réponses efficaces pour répondre aux besoins immédiats des habitants touchés par les conflits armés. Dans le contexte de la guerre urbaine, le représentant a dénoncé les violences, menaces et attaques dont continuent de faire l’objet les prestataires de soins de santé, six ans après l’adoption de la résolution 2286 (2016). Il a également condamné les attaques continues contre les services de santé et les écoles ainsi que l’utilisation du cyberespace pour détruire ou affecter des infrastructures critiques. Le représentant a ensuite appelé l’ONU et le Conseil de sécurité en particulier, à relever le « défi existentiel » de la protection de la population civile et des infrastructures et bien indispensables à sa survie.
M. ÖNCÜ KEÇELI (Turquie) a déclaré que le « régime syrien » continue de s’attaquer aux infrastructures civiles dans les villes, une violations qui ne fait qu’aggraver la situation humanitaire. « L’organisation terroriste PKK/YPG prend aussi pour cibles les civils et les infrastructures civiles dans le nord de la Syrie. » Il est de notoriété publique que cette organisation et les groupes qui lui sont affiliés ont libéré des membres de Daech des camps du nord de la Syrie en échange d’une rétribution financière, a-t-il asséné. Il a indiqué que « cette organisation terroriste » cible aussi les hôpitaux, recrute des enfants et empêche la population civile, notamment les Kurdes syriens et les Yézidis, de regagner leurs foyers. Le délégué a souhaité la mise en place de mécanismes d’établissement des responsabilités afin de mettre un terme à l’impunité. Enfin, le représentant a estimé que la dynamique au sein du Conseil, ainsi que ses décisions, ont limité le rôle de l’ONU dans le contexte d’après-intervention. Plaidant pour une position unifiée du Conseil, il a exhorté ce dernier à s’acquitter de ses responsabilités en vue de réduire les souffrances dans le monde.
M. JORGE VIDAL (Chili) a constaté que le rythme rapide de l’urbanisation entraîne un accroissement de l’impact des guerres urbaines qui affectent quelque 50 millions de civils dans le monde. À cela s’ajoutent les effets disproportionnés sur des infrastructures essentielles à la survie des civils. En détruisant les services publics et en bloquant l’accès de l’aide humanitaire, les conflits affectent de manière irrémédiable la vie de la population civile, nuisant à l’approvisionnement en produits nécessaires à la subsistance, a-t-il observé, jugeant que cette situation porte atteinte à la pleine jouissance des droits humains et à la dignité des personnes. C’est particulièrement le cas des enfants, qui voient leur environnement social détruit, quand ils ne sont pas transformés en soldats, avec de graves conséquences physiques et psychologiques.
Dans ce contexte, la protection des civils doit être au centre des préoccupations de la communauté internationale, surtout les groupes les plus vulnérables, a plaidé le représentant, avant de souligner la nécessité pour les parties aux conflits d’éviter toute utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. À son avis, il conviendrait plutôt d’évaluer et d’adapter le choix des armes et des tactiques, conformément au droit international, au droit international humanitaire et à tous les instruments pertinents. Enfin, a-t-il dit avant de conclure, il faut non seulement protéger les civils, mais également les responsabiliser et les soutenir, non pas en tant que victimes mais en tant qu’« acteurs de leur propre histoire » et membres de leur communauté, afin qu’ils puissent évoluer vers la résilience.
M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a déclaré que la responsabilité première de protection des civils incombe aux acteurs engagés dans des guerres en milieu urbain. Il a donc exhorté ces parties belligérantes à respecter le droit international humanitaire, en prenant dûment compte des défis spécifiques liés aux conflits en zone urbaine. Il s’est dit vivement préoccupé par l’emploi d’engins explosifs dans les zones densément peuplées, y compris les zones situées près des hôpitaux, des écoles et des universités. Il a salué l’Irlande pour le processus de consultation inclusif lancé sur ce sujet de protection des civils en zone urbaine en vue d’aboutir à une déclaration politique.
M. Skoog a invité le Conseil à jouer un rôle de chef de file s’agissant de la protection des civils en zone urbaine. L’application des résolutions pertinentes du Conseil, en particulier la résolution 2601 (2021) sur la protection de l’éducation en temps de conflit, doit faire l’objet d’une supervision adéquate, a dit le délégué. Il a aussi jugé crucial de créer un espace suffisant pour que les acteurs humanitaires puissent opérer en temps de conflit. Les donateurs et les acteurs du développement et humanitaires doivent jouer un rôle clef dans l’élaboration de la réponse à apporter aux conséquences de long terme des conflits en zone urbaine, a conclu M. Skoog.
Mme MARIA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a déclaré que les villes sont le principal champ de bataille dans les conflits armés et que le DIH doit y être respecté. La guerre urbaine peut avoir des conséquences dévastatrices pour les civils, surtout lorsque les parties ne respectent pas les règles régissant les conflits armés, a-t-elle relevé, notant que la mise en œuvre du DIH nécessite une planification et une formation minutieuses. Si la guerre dans les villes n’est pas un phénomène nouveau, il y a eu une recrudescence des conflits urbains, a—te-elle constaté. Étant donné que les villes devraient poursuivre leur essor dans un proche avenir, les conséquences des conflits n’y feront qu’empirer, a-t-elle déclaré. À cet égard, les mandats de protection des civils doivent être pleinement mis en œuvre sur le terrain.
M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a indiqué avoir commémoré, hier, l’une des pages les plus tragiques de son histoire moderne, faisant référence aux bombes lancées sur Marioupol par les forces russes en janvier 2015. Cette attaque visait la population civile, a affirmé le représentant, y voyant la preuve que, dès le début de l’agression russe contre son pays, les zones urbaines faisaient partie intégrante des plans de l’agresseur. La Fédération de Russie y déploie de l’artillerie et utilise la population locale comme bouclier humain, a-t-il dénoncé en précisant que cela a déjà couté la vie à près de 4 000 personnes dans le Donbass et endommagé gravement les infrastructures civiles, ce qui impacte la vie des civils et l’environnement. La population civile en situation de guerre urbaine est aussi exposée aux violations des droits humains, a-t-il remarqué, ajoutant que c’est exactement ce qui se passe au Donbass.
« Plus de 1 000 armadas militaires russes ont été amassées à la frontière avec l’Ukraine », a aussi accusé le représentant ukrainien en faisant valoir que les revendications illégitimes de la Fédération de Russie touchent à l’intégrité du droit international, à l’ordre fondé sur des règles et à la Charte des Nations Unies. Il a fait remarquer que la Russie cherche malgré tout à se positionner en victime qui aurait besoin de protection. L’Ukraine n’a aucune intention de s’engager dans une guerre, a affirmé son représentant, assurant que son pays souhaite trouver une solution pacifique et diplomatique en demandant le retrait des troupes russes du Donbass et de la Crimée. L’Ukraine compte pour cela sur le soutien du Conseil de sécurité « même si la Fédération de Russie en fait partie », a-t-il lancé.
M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) a appelé à un cessez-le-feu mondial pour créer des couloirs permettant l’acheminement d'une assistance vitale et donner une chance à la reprise des négociations de paix. Il faut accorder le temps qu’il faut au dialogue politique, a-t-il insisté. Le représentant a aussi appelé au renforcement de l’engagement communautaire en matière de protection des civils, notant que les programmes de protection doivent être taillés sur mesure de façon à répondre aux besoins des communautés touchées. L’autonomisation des femmes doit également être placée au cœur de la protection des civils, a-t-il ajouté, notant leur rôle essentiel en matière de renforcement de la confiance.
Mme ANNA KARIN ENESTRÖM (Suède), s’exprimant au nom des pays nordiques, a appelé au respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité afin de faire respecter le droit international, et notamment les principes humanitaires consacrés dans les Conventions de Genève. Les pays nordiques sont de grands bailleurs de la cause humanitaire, a-t-elle rappelé, notant aussi qu’ils sont régulièrement impliqués dans le règlement des conflits à travers le monde.
Concrètement, la représentante a demandé le respect et la protection des sites importants pour les civils. Elle a appelé à ne plus prendre pour cible des membres du personnel humanitaire et sanitaire. De même, les blessés et malades doivent être épargnés, a-t-elle réclamé en faisant remarquer que les attaques contre des sites humanitaires s’apparentent à des crimes contre l’humanité. Mme Eneström a également plaidé pour la poursuite de la scolarisation en temps de confit, afin de préserver l’avenir des jeunes. En outre, la déléguée suédoise a plaidé pour la reddition de la justice, un outil important pour assurer que les violations du droit international humanitaire ne se poursuivent pas. Elle a enfin, au nom des pays nordiques, salué le sacrifice des travailleurs humanitaires qui mettent leur vie en danger pour le bien des gens qui sont dans le besoin.
M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a exprimé son ferme attachement au respect du droit international humanitaire (DIH) et aux principes qui le sous-tendent, qui permettent une protection efficace des civils dans les conflits armés. Il en a rappelé les principes fondamentaux: la protection des civils est une obligation pour toutes les parties au conflit, lesquelles se doivent de faire la distinction entre civils et combattants et entre biens civils et militaires, tout en veillant à ce que les attaques soient proportionnées et nécessaire. Notant que le Conseil de sécurité joue un rôle crucial en condamnant toute violation de cette obligation, le délégué a estimé que la communauté internationale devrait systématiquement appeler les parties aux conflits armés à éviter les combats en milieu urbain. Il a d’autre part plaidé pour un renforcement de la collecte de données sur les dommages infligés aux civils afin de contribuer à la mise en place d’enquêtes et pour une reddition de comptes en cas de violations graves du DIH. Enfin, il a invité à aller au-delà de la compréhension traditionnelle de la protection des civils en adaptant notre approche aux nouvelles réalités et défis, notamment en ce qui concerne le développement de nouvelles technologies et leur déploiement dans les conflits armés.
M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie) a fait remarquer que les pays du Sud, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, sont les plus touchés par les conflits armés. Rien n’est fait pour remédier aux graves violations commises lors de ces conflits, a-t-il relevé, « comme si la vie des hommes, des femmes et des enfants vivant dans ces régions n’avait aucune valeur ». Le délégué a critiqué le fait que certains conflits sont présentés comme une lutte contre le terrorisme, justifiant ainsi de s’en prendre à des civils. Les parties belligérantes doivent respecter leurs obligations en vertu du DIH, a-t-il exigé, en précisant que ce droit s’applique dans les conflits urbains. Il a demandé l’interdiction de l’utilisation excessive de la force et de l’emploi d’engins explosifs posant de trop graves dangers pour les civils. Il a invité le Conseil à montrer auxdites parties qu’il suit de près leurs agissements, en renvoyant notamment certaines situations devant la CPI ou en dépêchant des missions d’établissement des faits. Le concept de responsabilité pénale doit être inclus dans les doctrines militaires, a-t-il prêché. Enfin, le représentant de la Jordanie a souligné l’importance de promouvoir un « esprit » de respect du droit international.
M. MHER MARGARYAN (Arménie) a dénoncé les conséquences de l’usage brutal de la force par l’Azerbaïdjan contre le peuple du Nagorno-Karabakh, précisant que les villes de Stepanakert, Shushi, Martakert, Martuni et Hadrut ont été la cible de plusieurs systèmes de fusées de lancement, d’artillerie lourde, de drones et d’armes interdites, telles que les armes à sous-munitions. Lancer une guerre au milieu d’une pandémie mondiale, en violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu existant et du DIH doit être reconnu pour ce que c’est, à savoir une tentative préméditée, soigneusement planifiée et exécutée pour provoquer un maximum de victimes dans le but d’anéantir tout ou partie d’un groupe ethnique, a-t-il accusé.
Il a également affirmé que l’obstruction et la politisation de l’accès humanitaire sûr et sans entrave des agences des Nations Unies au Nagorno-Karabakh ont sapé les efforts internationaux visant à mener une évaluation complète de la situation humanitaire, des besoins de protection et de relèvement et des droits humains de la population touchée. Il a salué le « rôle unique » joué par le CICR pour répondre aux besoins vitaux immédiats de la population, ainsi que les activités du Centre de réponse humanitaire des forces de maintien de la paix de la Fédération de Russie en Artsakh qui a notamment nettoyé les zones résidentielles et les champs agricoles de milliers de munitions non explosées et d’objets explosifs. Face à l’évolution des méthodes de guerre et la sophistication accrue des systèmes d’armes, le représentant a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour assurer la pleine mise en œuvre des obligations découlant des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels.
M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a évoqué l’impact dévastateur de l’utilisation d’armes explosives en milieu urbain sur les civils et sur les infrastructures civiles essentielles, notamment les écoles. L’urbanisation va continuer à accélérer ces tendances, a-t-il dit craindre. Or, la remise en état de ces infrastructures peut prendre des années et ralentir le retour des personnes déplacées après un conflit. Il a également noté que, dans les guerre urbaine, l’accès des organisations humanitaires est souvent réduit. Parfois des villes entières sont détruites au-delà du point où il serait possible de les reconstruire, a-t-il constaté en citant l’exemple de la Syrie. Lorsque les écoles sont attaquées et fermées, les enfants sont le plus directement touchés, mais la société dans son ensemble également. Le délégué a relevé que l’absence d’accès à l’éducation pour les enfants est synonyme de travail. Une fois que les enfants sont engagés dans cette voie, il leur est souvent impossible de retourner à l’école, ce qui renforce un cycle d’exploitation et de pauvreté, et les rend vulnérables au recrutement par des groupes armés. Par conséquent, la protection de l’éducation doit rester une priorité, a martelé le représentant en renouvelant l’attachement de son pays à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et en exhortant tous les États à la signer. Il a précisé que le mandat du Luxembourg au Conseil des droits de l’homme pour la période 2022-2024 s’inscrit également dans cette perspective.
Le représentant a également plaidé pour un meilleur respect du droit international humanitaire pour atténuer les souffrances de la population civile, en appuyant l’appel du CICR en ce sens. Souhaitant que les responsables de violations de ce droit répondent de leurs actes, il a appelé à faire cesser l’impunité. Le représentant a souligné à cet égard le rôle important qui revient à la Cour pénale internationale. Enfin, il a annoncé que le Luxembourg continue à appuyer l’élaboration d’une déclaration politique dans laquelle les États s’engageraient à s’abstenir d’employer des engins explosifs à large rayon d’impact dans les zones habitées.
Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a rappelé que les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ont donné lieu à des efforts pour faire progresser la protection des civils en temps de guerre, aboutissant à la quatrième Convention de Genève, qui codifie les protections dues aux non-combattants dans les conflits internationaux. Toutefois, depuis le dernier conflit mondial, la grande majorité des victimes civiles résultent désormais de conflits internes plutôt qu’internationaux, a-t-il relevé, observant en outre que les protections offertes par les Conventions de Genève se révèlent insuffisantes face à ce que le pape François appelle « une autre guerre mondiale (…) menée au coup par coup », qui consiste à s’en prendre aux civils dans des zones densément peuplées. De fait, a-t-il constaté, des dizaines de millions de personnes souffrent chaque année des conséquences des conflits armés dans les villes, lesquelles perturbent les services essentiels tout en faisant des victimes et des déplacés.
L’Observateur a noté à cet égard que dans les zones densément peuplées, il est très difficile de faire la distinction entre combattants et non-combattants, ce qui remet en question l’utilisation même d’explosifs dans de tels contextes. De plus, l’utilisation de ces armes explosives cause des dommages importants et durables, la guerre urbaine pouvant dévaster des infrastructures civiles essentielles, telles que des hôpitaux, les systèmes d’assainissement, les écoles et les lieux de culte, tout en ravageant l'environnement local. Ces dommages, a déploré Mgr Caccia, entraînent des épidémies de maladies évitables, entravent la fourniture de l’aide humanitaire, privent les survivants de leur dignité et de leur espoir, et augmentent le nombre de personnes contraintes de fuir. Dans le même temps, des restes explosifs contaminent les centres urbains, compliquent le retour des déplacés, sapent les efforts de reconstruction et nuisent au développement humain intégral bien longtemps après le règlement d'un conflit.
Saluant les mesures prises ces dernières années par le Conseil pour remédier au fait que les parties aux conflits ne respectent pas les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, l’Observateur s’est félicité de ce que la résolution 2573 (2021) exige de s’abstenir d’attaquer des objets essentiels à la survie des populations civiles et s’inquiète de la mise en place de positions militaires dans des zones densément peuplées. À cet égard, il a indiqué que le Saint-Siège continue de soutenir l’appel du Secrétaire général en faveur d’une déclaration politique dans laquelle les États s’engageraient à éviter toute utilisation d’armes explosives à large rayon d’action dans les zones peuplées. Les efforts destinés à limiter l’utilisation de ces armes explosives en milieu urbain devraient engager toutes les parties, y compris les acteurs non étatiques qui emploient désormais des armes de plus en plus destructrices.
M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a déclaré que les parties belligérantes ont l’obligation de protéger les civils et les infrastructures civiles, appelant en outre au respect des obligations découlant du DIH. Il a déploré que les violations commises contre les civils dans le conflit israélo-palestinien ne reçoivent que peu d’attention. Il a invité le Conseil à apporter une réponse tenant compte des spécificités de chaque situation, suggérant par ailleurs de placer la protection des civils au cœur des stratégies de retrait des missions onusiennes. Il a ensuite invité les États Membres à faire montre de volontarisme et à agir sans délai pour protéger la vie humaine, tout en appelant à ne pas « donner la priorité » à certains peuples tout en en oubliant d’autres.
M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie) a constaté à son tour que le fléau des conflits en secteur urbain va croissant, environ 50 millions de civils étant aujourd’hui touchés par des combats dans des zones densément peuplées. Pour le représentant, la responsabilité est d’abord celle des parties belligérantes, ce qui n’empêche pas la communauté internationale de donner de la voix pour dénoncer le phénomène. Les États Membres doivent, selon lui, condamner les violations du DIH, mais aussi trouver des solutions pragmatiques pour protéger les populations civiles et s’assurer que les responsables aient des comptes à rendre. Dans ce contexte, il convient aussi de veiller à la protection des groupes les plus en péril, en particulier les femmes et les filles, victimes de violences, d’intimidation, voire de mariages forcés, et les personnes handicapées qui sont aussi disproportionnellement affectées.
Évoquant ensuite la situation dans sa région, le délégué a indiqué que ce qui se passe dans l’est de l’Ukraine « n’invite pas à la confiance ». Alors que le risque d’invasion russe se fait plus pressant chaque jour, il faut insister sur les principes de proportionnalité et de retenue, a-t-il plaidé, précisant que de nombreux civils sont d’ores et déjà touchés. De plus, des infrastructures essentielles, telles que les stations de traitement des eaux, continuent d’être frappées, tandis que les mines et les restes d’obus non explosés constituent des dangers supplémentaires pour les civils. « Nous sommes au seuil d’une invasion et c’est tragique », s’est-il alarmé, avant d’appeler le Conseil de sécurité à dénoncer les violations du DIH commises dans cette situation.
M. PHILIPPE KRIDELKA (Belgique) a appelé toutes les parties à un conflit armé à se conformer strictement au droit international humanitaire et à en respecter les règles et principes, dont les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution dans les attaques et l’interdiction des attaques directes contre les personnes et infrastructures civiles. Le représentant a en outre appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution 2573 du Conseil de sécurité sur l’accès aux services essentiels. Les parties à un conflit armé, a-t-il insisté, doivent préserver l’espace humanitaire, y compris dans la lutte contre le terrorisme et l’application des sanctions, et ce, dès la planification des opérations militaires.
Le représentant a estimé qu’il faut des mesures supplémentaires telles que des politiques spécifiques à la guerre urbaine, l’échange de bonnes pratiques entre les forces armées et la formation du personnel militaire aux exigences de l’environnement urbain. À cet égard, il s’est félicité des consultations menées en ce moment par l’Irlande sur l’élaboration d’une déclaration politique relative à l’impact humanitaire des armes explosives. La lutte contre l’impunité, a-t-il dit en conclusion, est l’une des principales priorités de la Belgique qui continue de soutenir les mécanismes internationaux de justice et d’établissement des responsabilités pour les violations du droit international et qui exhorte tous les États Membres de l’ONU à faire de même.
Alarmé par les conclusions du dernier rapport du Secrétaire général, M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a souligné qu’en 2008, son pays a fait l’objet d’une agression militaire à grande échelle de la part de la Fédération de Russie. Plus de 30 villes et villages, y compris la capitale, ont été bombardés, plus de 400 civils et militaires, tués et plus de 1 700 personnes, blessées. Des milliers de personnes se sont ajoutées aux 500 000 déplacés et réfugiés des précédentes vagues de nettoyage ethnique. Cinquante-trois villages dans et autour de la région de Tskhinvali ont été entièrement « nettoyés » et détruits et 35 000 maisons appartenant à des Géorgiens « de souche », délibérément incendiées et détruites. L’arrêt que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu le 21 janvier 2021 sur l’occupation et le contrôle des régions géorgiennes d’Abkhazie et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud, a confirmé, a souligné le représentant, la violation par la Fédération de Russie de l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008, conclu sous la médiation de l’Union européenne. La Cour a déclaré la Fédération de Russie responsable des violations des droits de l’homme et du nettoyage ethnique.
Ce pays, a accusé le représentant, continue de renforcer son empreinte militaire en Abkhazie et dans les régions de Tskhinvali et de consolider une annexion de facto. L’agression, l’occupation et la guerre hybride que subit la Géorgie sont désormais utilisées contre l’Ukraine, a-t-il prévenu. Après l’agression armée et l’annexion illégale de la Crimée et de la ville de Sébastopol, nous assistons maintenant à un renforcement militaire sans précédent et à des menaces imminentes. Le représentant a voulu que la communauté internationale et les organisations internationales rappellent à la Fédération de Russie ses violations et son refus de recevoir les mécanismes internationaux des droits de l’homme. Il faut rappeler à ce pays que menacer la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un pays est totalement inacceptable. Il est temps, a conclu le représentant, que la Fédération de Russie s’acquitte de ses obligations internationales, y compris le respect de l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008 et les accords de Minsk. Elle doit retirer ses forces des territoires d’États souverains.
M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen) a regretté que l’intervention « partiale » de la représentante de la société civile qui s’est exprimée depuis Sanaa et qui a omis de faire référence aux crimes odieux commis par les milices houthistes contre les civils, les personnes déplacées et les biens à caractère civil, en particulier à Mareb, Taëz, Hodeïda et d’autres régions yéménites. Il a rejeté toutes les allégations faites contre le Gouvernement yéménite et la coalition internationale qui défend sa légitimité. Le représentant a rappelé que les attaques des houthistes contre Mareb dure depuis 11 mois, malgré des appels de la communauté internationale. Il a décrit des populations devenues les otages des combattants houthistes qui les privent de leur droit à l’alimentation. La ville de Taëz est assiégée depuis plus de sept ans dans le silence injustifié de la communauté internationale, a encore dénoncé le représentant qui a appelé à une action internationale pour lever le siège de Taëz et des autres villes subissant le même sort.
Les mines antipersonnel sont parmi les plus graves menaces contre les civils au Yémen, a en outre fait savoir le délégué qui a accusé les houthistes d’avoir disséminé pas moins de 2 millions de mines à travers le pays, y compris à Hodeïda et sur la côte ouest du pays, transformant ces zones en des labyrinthes de mines qui obstruent le travail des organisations humanitaires et menacent la vie des civils. Il a évoqué à titre d’exemple la mort de deux enfants et la blessure d’un autre hier près d’Hodeïda. Estimant par ailleurs que la guerre au Yémen aurait déjà pris fin si l’Iran n’avait pas opté de fournir des armements aux houthistes, le représentant a appelé la communauté internationale à mettre fin à ces envois d’armes et à œuvrer à l’instauration d’une paix durable à laquelle aspirent tous les Yéménites.
M. LUIS ANTONIO LAM PADILLA (Guatemala) a indiqué que son pays, en tant que contributeur aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, considère que la responsabilité première de la protection des civils ainsi que la protection et la promotion des droits humains incombent aux États hôtes. À ses yeux, la protection des civils est un effort complémentaire aux opérations de maintien de la paix, dont l’objectif nécessite une approche globale et intégrée entre les forces civiles, policières, militaires et pénitentiaires, en coordination avec les autorités nationales, les communautés locales et les organisations humanitaires concernées, afin de créer et maintenir un environnement protecteur pour les civils. À cette aune, a-t-il noté, la mise en œuvre des mandats, y compris la protection des civils, relève de la responsabilité de toutes les parties et dépend de plusieurs facteurs, notamment de volonté politique, du leadership, de la performance, des ressources affectées, d’un personnel militaire, policier et civil correctement équipé et des capacités d’évaluations des menaces pour les civils.
Le représentant a ensuite exprimé sa préoccupation face à l’augmentation des incidents impliquant des engins explosifs improvisés en République centrafricaine, en République démocratique du Congo et au Mali, mettant l’accent sur l’impact négatif sur la protection des civils et la sécurité des soldats de la paix, avant de souligner la nécessité d’investir davantage dans l’atténuation des menaces liées à ce type d’arme. Il a d’autre part estimé que les transitions dans les missions de paix réussies nécessitent un processus de planification intégré, qui inclue les acteurs du système des Nations Unies, de l’État et de la société civile. À cet égard, il a souhaité que l’on tire des enseignements de la difficile transition de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), devenue la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH). Enfin, il a jugé que le mandat de protection des civils pourrait être amélioré en tenant compte des principaux défis de la situation spécifique d’un pays et en donnant la priorité aux engagements politiques, avec des ressources adaptées.
M. ARIEL RODELAS PENARANDA (Philippines) a demandé une posture plus proactive face aux techniques de guerre employées en zone urbaine et souhaité des opérations militaires plus responsables. Il a appelé les pays contributeurs de troupes à donner la priorité à la protection des civils lorsque ces derniers font face à un danger et ce, par tous les moyens nécessaires, dans le respect de la Charte et du droit international. Les tâches de protection doivent être claires, liées à des stratégies politiques et axées sur la prévention. S’agissant de l’emploi d’armes modernes en zone urbaine, il a souhaité que les États s’engagent en faveur d’une stratégie d’atténuation des risques pour les civils. Face aux guerres urbaines, il a préconisé l’utilisation de systèmes d’armes avancés conçus pour des opérations militaires « efficaces et responsables ». Un « système avancé de guidage des munitions » associé à des capacités de développement de cibles bien conçues est un outil efficace pour répondre aux défis d’une guerre urbaine hautement volatile et complexe, a estimé le représentant qui a préconisé l’adoption à l’échelle internationale d’une stratégie d’atténuation des dommages civils.
Le délégué a ensuite rappelé que son pays adhère pleinement aux principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance dans l’apport de l’aide humanitaire. Il a aussi rappelé les obligations qui incombent aux parties belligérantes de respecter le droit international en toutes circonstances, en soulignant l’engagement fort de son pays en faveur de l’application des Conventions de Genève. Il est crucial de renforcer la coopération entre les Nations Unies et les pays hôtes en ce qui concerne les efforts de planification, l’échange d’informations et l’évaluation des risques relatifs à la sécurité du personnel onusien, a-t-il ajouté. Enfin, le représentant des Philippines a indiqué que son pays entend renforcer sa présence au sein des opérations de paix onusiennes.
« Comment peut-on protéger les civils quand on sait que le but des opérations militaires est justement de les éliminer »? a demandé M. MUNIR AKRAM (Pakistan), en prenant l’exemple du Jammu-et-Cachemire occupé illégalement par l’Inde. Depuis le 5 août 2019, près de 900 000 soldats indiens y sont stationnés pour réaliser ce que les dirigeants indiens ont sinistrement appelé « la solution finale ». Il a affirmé que son pays a publié un rapport contenant 3 432 cas avérés de crimes de guerre commis par des responsables des forces indiennes depuis 1989. M. Akram a donc appelé le Conseil à se saisir de ces preuves « accablantes » et à faire en sorte que les responsables soient traduits en justice. « L’Inde n’est pas une victime du terrorisme, elle est la mère du terrorisme en Asie du Sud », a-t-il asséné.
Les attaques terroristes appuyées par l’Inde constituent le principal défi que le Pakistan doit relever, a-t-il poursuivi. Il a mentionné les attaques commises par des entités terroristes, avec l’appui de l’Inde, dont celle contre la bourse de Karachi le 29 juin 2020 ou bien encore l’assassinat d’ingénieurs chinois et pakistanais à Dasu, le 14 juillet 2021. Le délégué a aussi attiré l’attention sur le « pogrom antimusulman » commis à New Dehli en février 2020, sur les 400 attaques perpétrées contre des églises chrétiennes en Inde, l’année dernière et sur les appels au génocide lancés par des extrémistes, il y a deux semaines, contre les musulmans indiens. Le délégué a exhorté le Conseil à entendre ce qu’a dit la semaine dernière M. Gregory Stanton, Directeur de Genocide watch: « un génocide pourrait avoir lieu en Inde. »
Droits de réponse
L’Inde a accusé le Pakistan d’abuser de la plateforme des Nations Unies pour détourner l’attention de la situation pakistanaise où les terroristes peuvent « déambuler librement ». C’est le Pakistan, a-t-elle tranché, qui détient le record des mouvements terroristes inscrits sur les listes des sanctions des Nations Unies. La plus grande menace qui pèse sur les civils sont les groupes terroristes, a insisté l’Inde, avant de déclarer que le Jammu-et-Cachemire « est et restera un territoire indien quoi qu’en pense le Pakistan ».
L’Inde ne fait que répéter des déclarations bien connues, a rétorqué le Pakistan, accusant cette dernière d’être le véritable parrain du terrorisme dans la région, comme en atteste la situation au Bangladesh. Quant au Jammu-et-Cachemire, il a rappelé qu’il fait l’objet d’une décision du Conseil de sécurité par laquelle est demandée l’organisation d’un référendum, sous l’égide des Nations Unies. Le Jammu-et-Cachemire, a insisté le Pakistan, ne fait pas partie de l’Inde. Souscrivez-vous, a-t-il demandé, à l’Article 25 de la Charte des Nations Unies qui stipule que « les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte ». Allez-vous condamner l’appel au génocide contre les musulmans, lancé le 17 décembre dernier? a encore demandé le Pakistan à l’Inde.