En cours au Siège de l'ONU

Dixième Conférence d’examen du TNP,
8e & 9e séances – matin & après-midi
CD/3849

Conférence d’examen du TNP: à la date anniversaire des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, les États parties sous le feu des critiques de la société civile

À la veille du soixante-dix-septième anniversaire du bombardement d’Hiroshima, les représentants d’une vingtaine d’organisations non gouvernementales, dont des hibakusha, qui survécurent aux bombes atomiques larguées par les États-Unis contre cette ville puis à Nagasaki le 9 août 1945, se sont livrés, cet après-midi, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, à un réquisitoire contre les États parties au Traité sur la non-prolifération (TNP).

« Je n’avais que 1 an et 10 mois quand Nagasaki a été dévastée.  Grâce aux montagnes cernant la partie centrale de la ville de Nagasaki, j’ai survécu.  Étant moi-même trop jeune pour me souvenir de ce jour, ma mère m’a raconté leur histoire encore et encore.  Sur le chemin de la montagne, elle a vu une file de gens courir pour échapper aux incendies près de l’épicentre de l’explosion, comme des fourmis », a relaté Mme Masako Wada, de Nihon Hidankyo, la confédération des organisations de victimes des bombes A et H du Japon.  Leurs corps à peine vêtus étaient largement brûlés et leurs cheveux collés par le sang et dressés comme des cornes, a décrit l’oratrice, en expliquant qu’ils étaient très vite devenus insensibles au nombre croissant de cadavres calcinés et à leur puanteur.

« Qu’est-ce que la dignité humaine?  Les humains ne sont pas créés pour être traités de la sorte », s’est indignée Mme Wada, qui a rappelé que, bientôt, il n’y aura plus de survivants des deux bombardements atomiques.  Aussi a-t-elle lancé un appel vibrant aux États parties au TNP, y compris le Japon, pour qu’ils se réengagent à éliminer les arsenaux nucléaires, un objectif qui avait été réaffirmé sans équivoque lors de la Conférence d’examen de 2010.

« Pacta Sunt Servanda », a renchéri le représentant du Global Security Institute, pour qui ignorer les promesses du passé met en péril le tissu même de la civilisation.  « Corrompre ce principe, traiter les accords comme s’ils n’étaient que poésie inatteignable aboutit à faire du pouvoir brut une véritable devise », a-t-il mis en garde.  « Détruisez le respect de bonne foi des accords, dit Aristote, et vous détruisez les relations humaines.  À l’ère nucléaire, ce n’est pas une option. »

Des appels qui ont résonné d’autant plus fort dans un environnement sécuritaire ultrapolarisé, dont la guerre en Ukraine est la manifestation la plus évidente.  Une jeune Ukrainienne de 18 ans, Yelyzaveta Khodorovska, qui est intervenue au nom de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) mais aussi de la jeunesse de son pays, a dénoncé l’« agression brutale » de la Fédération de Russie, qui se sert selon elle de l’argument de la dissuasion nucléaire comme d’un « bouclier » pour mener ses « atrocités ».  Des armes, en somme, qui tuent même lorsqu’elles ne sont pas utilisées, a-t-elle tranché.

Cette jeune femme a dit avoir « le sentiment que les États dotés d’armes nucléaires ont tourné le dos au TNP », les accusant « tous » d’alimenter une nouvelle course aux armements nucléaires.  Rien qu’en 2021, ils ont dépensé 82 milliards de dollars pour en acquérir de nouveaux, sans compter que la notion de « parapluie nucléaire » ne cesse de gagner du terrain, le Bélarus se disant prêt maintenant à accueillir sur son territoire des armes nucléaires de son allié russe au nom d’un accord de partage nucléaire conclu cet été entre les deux pays.

« Que Nagasaki soit le dernier site de bombardement atomique en temps de guerre », a déclaré le maire de la seconde ville bombardée, M. Tomihisa Taue, en relayant ses craintes au sujet de l’Ukraine, comme la plupart des intervenants de l’après-midi.  Il a exprimé la détermination des 8 200 maires pour la paix, la coalition dont il est également le Vice-Président, en faveur de l’abolition des armes nucléaires.  Au cours de cette conférence d’examen, a-t-il insisté, les États parties doivent s’acquitter de l’obligation inscrite à l’article VI du TNP, qui dispose: « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. »

Prenant la parole au nom de 35 ONG sur la mise en œuvre de cet article, Mme Alicia Sanders-Zakre, de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN), et M. Daryl Kimball, de l’Association pour le contrôle des armes, ont déploré qu’en dépit de leur engagement à en discuter, les cinq puissances nucléaires aux termes du TNP –Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France et Royaume-Uni– aient « obstinément refusé » d’envisager de plafonner ou de réduire leurs arsenaux « meurtriers ».  Aujourd’hui, en raison de la menace russe de recourir à des armes nucléaires en Ukraine, le dialogue américano-russe sur la stabilité stratégique et la maîtrise des armements a été suspendu pour une durée indéterminée, a-t-il encore regretté.

Avant d’entendre les ONG, la Conférence d’examen du TNP avait achevé ce matin son débat général par l’intervention du Secrétaire exécutif du Secrétariat technique provisoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE).  M. Robert Floyd a saisi l’occasion pour annoncer que 186 pays ont signé le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et 174 l’ont ratifié jusqu’à présent.  Avec la ratification de la Dominique, la région d’Amérique latine et des Caraïbes a entièrement adhéré au Traité, un « jalon historique » qui illustre l’attachement de la région au bannissement des essais nucléaires, s’est réjoui M. Floyd.  Cette région correspond aussi à la première des six zones exemptes d’armes nucléaires créées dans le monde.

Les travaux de la Conférence d’examen vont désormais se poursuivre en privé au sein de quatre comités jusqu’à la séance de clôture, publique, qui aura lieu le 26 août.

DIXIÈME CONFÉRENCE DES PARTIES CHARGÉE D’EXAMINER LE TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION DES ARMES NUCLÉAIRES

Suite et fin du débat général

M. ROBERT FLOYD, Secrétaire exécutif du Secrétariat technique provisoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE), a réitéré la responsabilité de l’OTICE à contribuer de façon constructive à consolider notre dispositif de non-prolifération et de désarmement.  En dépit de nos efforts collectifs, la prolifération des armes nucléaires et de la menace de leur emploi continue de faire peser des risques inacceptables sur l’humanité, a ajouté M. Floyd, qui a avoué être « encouragé » par la reconnaissance de l’importance du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de ses contributions précieuses à la paix et à la sécurité internationales.  Il a pris note des marques de soutien à l’égard de l’OTICE et de son régime de vérification, ainsi que du soutien inébranlable en faveur d’un objectif d’un monde débarrassé d’armes nucléaires. 

Le Secrétaire exécutif a rappelé que, depuis l’ouverture à la signature du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) il y a 25 ans, 186 pays ont signé le TICE, et 174 l’ont ratifié.  Les Comores, Cuba, la Dominique, l’Eswatini, la Gambie, le Myanmar, la Thaïlande, le Timor-Leste, les Tuvalu et le Zimbabwe sont venus s’ajouter à la liste des États parties depuis la dernière Conférence d’examen du Traite de non-prolifération en 2015.  Quatre d’entre eux l’ont fait cette année, dont le Timor-Leste, qui a déposé son instrument de ratification lors de la séance inaugurale de cette dixième Conférence d’examen.  Avec la ratification de la Dominique, la région d’Amérique latine et des Caraïbes a tout entière adhéré au Traité.  Il s’agit là d’un jalon historique qui illustre l’attachement de la région ainsi que son unité autour du bannissement des essais nucléaires, s’est réjoui M. Floyd. 

Le TICE est une histoire exemplaire qui a permis de renforcer la norme contre les essais nucléaires, a poursuivi M. Floyd.  Depuis son adoption en 1996, moins d’une dizaine d’essais ont été menés et un seul État en a pratiqué depuis le début du Millénaire, a indiqué le Secrétaire exécutif, alors que plus de 2 000 essais nucléaires avaient été effectués avant l’ouverture pour signature du Traité.  Selon lui, ce succès repose sur le régime de vérification, qui est quasiment complet.  Plus de 92% des installations du système de surveillance internationale sont en place.  Son efficacité opérationnelle garantit qu’aucun essai ne puisse passer inaperçu.  Un soutien indéfectible à la mise en place complète du système de vérification est essentiel et cela inclut les opérations provisoires du système de surveillance internationale pour les essais.  M. Floyd a également plaidé pour disposer de suffisamment de ressources pour entretenir ce système de surveillance internationale très précieux pour l’ensemble de l’humanité. 

M. Floyd a insisté sur l’importance des traités multilatéraux et des régimes de vérification qui sous-tendent les dispositifs de désarmement et de non-prolifération nucléaire.  Le TNP et le TICE sont des parties intégrantes de cette architecture de paix et de sécurité.  En 52 ans, nous avons pu mettre en place un cadre juridique et technique quasiment universel, qui a sensiblement réduit la prolifération nucléaire, a-t-il poursuivi.  Toutefois, a-t-il relativisé, l’aspiration d’un monde débarrassé des armes nucléaires ne peut se matérialiser tant que l’adhésion au TICE ne sera pas universelle.  C’est pourquoi M. Floyd a appelé tous les États parties au TNP à apporter leur appui et leur aide à ceux qui n’ont pas encore ratifié le TICE.  Toute nouvelle ratification du TICE permet de consolider la norme internationale d’interdiction des essais nucléaires et imprime un nouvel élan vers l’entrée en vigueur du Traité.  Il est de notre responsabilité historique de faire en sorte que le TICE entre en vigueur et de veiller à ce que l’interdiction des essais nucléaires soit juridiquement contraignante pour tous les États.  C’est la seule façon de garantir une fin permanente et vérifiable des essais nucléaires, un objectif partagé par tous les États parties au TNP, a conclu M. Floyd. 

Exposés d’organisations non gouvernementales

M. AKIRA KASAI, du Conseil japonais contre les bombes A et H (Gensuikyo), a déclaré que cette conférence d’examen se tenait alors que l’une des puissances nucléaires poursuit son agression militaire contre un autre pays et menace d’utiliser des armes nucléaires, tandis que d’autres puissances nucléaires et États dépendants du nucléaire renforcent leurs alliances militaires, construisent et modernisent leurs arsenaux nucléaires.  Le monde risque d’être frappé par la dévastation nucléaire pour la troisième fois, a estimé l’orateur qui a, au nom des survivants ou hibakusha, appelé à l’abolition de l’arme nucléaire de leur vivant.  Cette conférence doit condamner sans équivoque l’utilisation ou la menace de l’emploi d’armes nucléaires et réaffirmer les obligations au titre de l’article VI du TNP et tous les accords antérieurs sans plus tarder.  Gommer l’erreur de la « dissuasion nucléaire » est la clef, a assuré le représentant. 

M. Kasai a rappelé que 86% des victimes de la bombe atomique étaient des civils.  Il a aussi souhaité que la Conférence d’examen condamne l’utilisation et la menace de l’emploi des armes nucléaires et ouvre la voie à la réalisation d’un « monde sans armes nucléaires ».  Elle devra réaffirmer et définir l’application des obligations découlant de l’article VI et des accords antérieurs et la réalisation d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  La Conférence devra reconnaître, comprendre et respecter le TNP en tant qu’effort pour le respect de la Charte des Nations Unies.  Selon lui, le danger d’une confrontation militaire et de l’utilisation d’armes nucléaires augmente en Asie de l’Est.  La raison et la diplomatie peuvent être une solution et il faut également sortir du cercle vicieux du renforcement et de la dépendance aux armes nucléaires.  La Constitution du Japon montre cette voie ainsi que les normes que les gouvernements et les peuples doivent observer. 

Mme MASAKO WADA, représentante de Nihon Hidankyo, la Confédération des organisations de victimes des bombes A et H du Japon, elle-même un hibakusha (survivante) de Nagasaki, est venu témoigner de son vécu et de tant d’autres.  Elle n’avait que 1 an et 10 mois quand Nagasaki a été dévastée par la bombe atomique.  Sa maison était située à 2,9 kilomètres du centre de l’explosion.  Grâce aux montagnes entourant la partie centrale de la ville de Nagasaki, elle a survécu jusqu’à ce jour.  Étant elle-même trop jeune pour se souvenir de ce jour, sa mère lui racontait leur histoire encore et encore.  Sur le chemin de la montagne, elle a vu une file de personnes s’échappant des incendies près du centre d’explosion, « comme des fourmis ».  Ils avaient tous l’air bruns, leurs corps légèrement vêtus brûlés partout et leurs cheveux emmêlés de sang et dressés comme des cornes sur leurs têtes.  Les gens sont vite devenus insensibles au nombre croissant de cadavres et à la puanteur des corps brulés, s’est souvenu la survivante, avant de demander à la salle: « Qu’est-ce que la dignité humaine? »   Les humains ne sont pas créés pour être traités de la sorte, s’est-elle indignée. 

Soixante-dix-sept ans se sont écoulés depuis la première utilisation des armes nucléaires par les États-Unis.  L’âge moyen des hibakusha a atteint 85 ans.  Chaque année, environ 9 000 hibakusha meurent.  Bientôt, il n’y aura plus de survivants de la bombe A.  Mais avant cela, avec l’utilisation de la troisième arme nucléaire, le monde pourrait rencontrer de nouveaux hibakusha, qui connaîtront les mêmes souffrances que les hibakusha de Nagasaki ont traversées, a mis en garde la survivante.  Leur douleur et leur souffrance sont profondes et continues: les décès d’êtres chers; la culpabilité du survivant; les scènes, les sons et les odeurs de cette époque gravés dans leur mémoire; les maladies aux causes inconnues; les difficultés économiques; les préjugés et la discrimination et tant de rêves abandonnés. 

L’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires en 2017 a suscité une grande joie chez les hibakusha, « qui ont senti qu’une porte lourde et rouillée sur laquelle nous martelions depuis de nombreuses années commençait à s’ouvrir et nous pouvions finalement voir un rayon de lumière », a déclaré la représentante.  Mais au-delà de la porte légèrement ouverte se trouvaient les énormes dépenses militaires et les nouvelles armes qui sont développées chaque jour.  Qu’a fait le monde au cours des 52 années écoulées depuis l’entrée en vigueur du TNP? a-t-elle demandé.  Qu’en est-il de l’obligation de mettre en œuvre ce traité?  Les États dotés d’armes nucléaires et leurs alliés devraient reconnaître le fait qu’en raison de leur manque de sincérité et de leur arrogance, la race humaine tout entière est au bord d’une guerre nucléaire, a tranché la hibakusha. 

Combien d’entre vous impliqués dans la politique ont rencontré des hibakusha et écouté leurs témoignages sur la bombe A? a encore souhaité savoir la représentante qui leur a lancé: « Nous faisons appel à la conscience et à la sagesse de chacun d’entre vous qui représentez votre pays, y compris le Japon, pour discuter sincèrement et vous réengager lors de cette conférence d’examen à la mise en œuvre de l’engagement sans équivoque d’éliminer les arsenaux nucléaires, qui a été réaffirmé en 2010. »  En guise de conclusion, il a rappelé que les armes nucléaires sont fabriquées par des humains, et utilisés par des humains.  « C’est donc aussi à nous, humains, de les abolir par notre sagesse, notre conscience publique et notre responsabilité. »

Mme YELYZAVETA KHODOROVSKA, Ukrainienne de 18 ans, qui a dit s’exprimer au nom de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) mais aussi de la jeunesse ukrainienne, a expliqué que, comme la plupart des Ukrainiens, elle ne croyait pas possible que son pays subirait une agression brutale de la part de la Russie.  Pourtant, a-t-elle ajouté, « nous y sommes ».  Et les Ukrainiens croient maintenant que les menaces nucléaires du Gouvernement russe sont réelles.  En fait, « les armes nucléaires tuent des gens en Ukraine même lorsqu’elles ne sont pas utilisées parce que la Russie utilise la dissuasion nucléaire comme un bouclier pour protéger ses atrocités », a-t-elle lancé. 

« Cette situation est inacceptable.  En tant que parties au TNP, il vous incombe de condamner cette menace nucléaire et toutes les autres, et de veiller à ce que cela ne se reproduise jamais.  Sinon, quel est l’intérêt de cette conférence? » a accusé la jeune femme, pour qui, 52 ans après l’entrée en vigueur du traité, « nous constatons que le système de sécurité international n’a pas réussi à faire ce qu’il est censé faire, totalement paralysé par un détenteur de veto doté de l’arme nucléaire ».  Elle a reproché aux États dotés de ne pas avoir rempli leurs obligations en matière de désarmement, ajoutant que la dissuasion nucléaire avait certes fonctionné, mais « pour dissuader le respect des droits de l’homme, pour dissuader la justice, pour dissuader l’aide, pour dissuader l’espoir que ma génération devrait ressentir ». 

Mme Khodorovska a dit avoir « le sentiment que les États dotés d’armes nucléaires ont tourné le dos au TNP », les accusant tous d’alimenter une nouvelle course aux armements nucléaires.  Rien qu’en 2021, ils ont dépensé 82 milliards de dollars pour les armes nucléaires, « y compris la construction d’armes nouvelles et plus dangereuses », a-t-elle rappelé.  Elle a ajouté qu’aucun des États non dotés qui s’appuient sur la dissuasion nucléaire étendue -le « parapluie nucléaire »- n’avait pris de mesures pour réduire sa dépendance à l’égard de ces armes nucléaires et qu’au contraire, de plus en plus d’États se placent sous le « parapluie », alors que le Bélarus propose désormais d’accueillir des armes nucléaires sur son territoire.  Il n’y a donc pas que les États dotés qui soient en cause. 

Cela semble envoyer au monde le signal que la sécurité est impossible sans armes nucléaires.  « Devons-nous réellement voir les armes nucléaires utilisées à nouveau avant de faire enfin de réels efforts pour mettre fin à cette tyrannie nucléaire? » a demandé l’intervenante, pour qui « nous ne pouvons pas prendre ce risque » car « la prochaine fois pourrait être la dernière, mettant aussi fin au monde entier ».  Elle a considéré comme « une pensée dangereuse » l’idée qu’un échange nucléaire puisse être limité: « il y a trop de risques qu’il ne le soit pas.  Même si c’était le cas, comment laisser ensuite tant de personnes endurer tant de douleur pendant des générations?  Les radiations ne connaissent pas de frontières », a-t-elle rappelé et notre monde globalisé n’est pas à l’abri de la catastrophe socioéconomique d’un conflit nucléaire.  Elle a rappelé que l’impact humanitaire des armes nucléaires n’est que trop connu, à Hiroshima et Nagasaki, mais aussi là où ont eu lieu des essais nucléaires, au Kazakhstan, dans les Îles Marshall ou ailleurs. 

L’intervenante a dit avoir l’impression que les gens « ont oublié les horreurs qu’entraîne l’utilisation des armes nucléaires » comme ils ont effacé les souvenir collectifs de 1938 en Europe pour « apaiser l’agresseur en 2014 » et laisser ensuite une grande guerre se produire en Europe en 2022. 

Reportée en raison de la pandémie mondiale, la Conférence, par cette coïncidence, s’ouvre alors qu’il est démontré que les menaces nucléaires « peuvent être affrontées, doivent être condamnées et doivent être arrêtées », a encore déclaré l’oratrice.  Cette conférence offre « une occasion unique de prendre des décisions courageuses » et de nombreux pays ont montré la voie en adoptant le Traité d’interdiction des armes nucléaires, « qui rend le TNP plus fort ». 

« Pourquoi suis-je ici? » a-t-elle demandé, avant de conclure: « Je m’appelle Liza, j’ai 18 ans, je suis ukrainienne et j’espère un avenir sûr pour mon pays et le monde.  Un avenir avec moins de peur.  Un avenir sans guerre nucléaire.  Un avenir sans armes nucléaires. »

M. TOMIHISA TAUE, Vice-Président de Mayors for Peace et maire de Nagasaki, a fait remarquer qu’il parle à un moment qui est déjà le 6 août au Japon, l’anniversaire du jour où la première bombe atomique de l’histoire de l’humanité a été larguée sur Hiroshima.  Rappelant que sa propre ville avait connu le même sort trois jours plus tard, il a évoqué la chaleur intense, l’explosion puissante et les radiations qu’elle avait causées.  Les gens ont dû ensuite vivre dans les ruines et on comptait 210 000 précieuses vies perdues à la fin de 1945 dans les deux villes, a-t-il encore rappelé.  Soulignant les séquelles des survivants exposés aux rayonnements et la discrimination et les préjugés dont ils ont été victimes, il a salué leur engagement à partager, malgré tout, leurs souvenirs douloureux.  Des témoignages qui, selon lui, ont empêché un autre Hiroshima et Nagasaki de se produire au cours des 77 dernières années.  Le maire de Nagasaki a toutefois exprimé ses craintes, évoquant le risque que la Russie utilise des armes nucléaires avec la guerre en Ukraine, et lancé un message à tous les États: « Les armes nucléaires ne doivent jamais être utilisées.  Leur abolition est le seul moyen pour l’humanité d’éviter les dangers des armes nucléaires. »  Il a estimé que le TNP et le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires se renforcent mutuellement et exprimé la détermination des 8 200 maires pour la paix d’accroître l’élan vers l’abolition des armes nucléaires.  Il a conclu en émettant l’espoir de voir les États parties, au cours de cette conférence, réaffirmer les accords conclus lors de conférences précédentes, s’acquitter de l’obligation inscrite à l’article VI du TNP et proposer des stratégies concrètes pour progresser dans le désarmement nucléaire et la non-prolifération.  « Que Nagasaki soit le dernier site de bombardement atomique en temps de guerre », a-t-il lancé en guise de conclusion.

Pour M. BILL KIDD, représentant de Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement nucléaires (PNND), l’agression, telle que l’invasion russe de l’Ukraine, peut être combattue par des actions juridiques et politiques et par la diplomatie, combinées à la légitime défense conventionnelle en vertu de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, et non en augmentant la mise sur le nucléaire.  Cette conférence d’examen du TNP offre à tous l’occasion de faire passer le paradigme prédominant de la sécurité d’un recours à la dissuasion nucléaire et à la menace ou à l’emploi de la force -un paradigme qui n’est pas viable et qui aggrave les véritables problèmes de sécurité humaine d’aujourd’hui- à un paradigme s’appuyant davantage sur la diplomatie, le désarmement, le règlement pacifique des conflits, la protection du climat, le développement durable et le droit. 

PNND se félicite et soutient la lettre ouverte aux États parties au TNP intitulée « Respecter le TNP: des menaces nucléaires à la sécurité humaine », qui a été présentée ici aujourd’hui par M. John Hallam.  Cette lettre ouverte a été approuvée par plus de 1 400 personnalités influentes du monde entier, y compris d’anciens ministres des affaires étrangères et de la défense, des chefs militaires et des ambassadeurs de pays dépendant du nucléaire, des lauréats du prix Nobel, des chefs religieux, des législateurs, des scientifiques, des universitaires, des dirigeants d’organisations de la société civile et d’autres, a souligné le représentant. 

Ce dernier a énuméré les quatre appels lancés aux États parties au TNP dans cette lettre ouverte: mettre fin à la course aux armements nucléaires en arrêtant la production d’armes nucléaires; éliminer progressivement le rôle des armes nucléaires dans les politiques de sécurité en commençant par les politiques de non-recours en premier; engager à l’élimination mondiale des armes nucléaires, au plus tard en 2045 (ce qui serait le soixante-quinzième anniversaire du TNP); réorienter les budgets et les investissements publics de l’industrie des armes nucléaires pour soutenir plutôt la paix, la santé publique, la stabilisation du climat et le développement durable. 

En novembre de l’année dernière, l’Union interparlementaire et le PNND -en coopération avec le Bureau des affaires de désarmement des Nations Unies et d’autres- ont publié un manuel sous le thème « Garantir notre avenir commun », qui est un guide de l’action parlementaire en faveur du désarmement pour la sécurité et le développement durable, et qui fait le lien entre les questions de désarmement, de sécurité, de changements climatiques et de développement durable, en donnant entre autres des exemples d’actions menées par les parlements et les parlementaires, a indiqué le représentant.  Il a ensuite passé en revue une série d’actions parlementaires prises depuis lors, dont la résolution du Parlement européen du 15 décembre 2021.  Ce texte appelle tous les États dotés d’armes nucléaires à réaffirmer le principe selon lequel une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée, condamne l’érosion de la maîtrise des armements et la violation des traités et des normes internationaux et soutient un certain nombre d’autres mesures, notamment le processus pour créer une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.

Mme ALICIA SANDERS-ZAKRE, de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) et M. DARYL KIMBALL, de l’Association pour le contrôle des armes, ont déclaré que, bien que la Chine, la France et le Royaume-Uni se soient engagés dans des discussions relatives aux termes et aux doctrines nucléaires dans le cadre du processus N-5, ces États ont obstinément refusé de s’engager sérieusement dans des discussions pour plafonner ou réduire leurs arsenaux meurtriers.  Aujourd’hui, à la suite de la décision prise par le Président russe Vladimir Putin d’envahir l’Ukraine et de menacer de recourir à des armes nucléaires, le dialogue américano-russe sur la stabilité stratégique et la maîtrise des armements a été suspendu pour une durée indéterminée.  Cette détérioration de la situation est le fruit de plus d’une décennie de négligence de la diplomatie du désarmement dans les principales capitales, ont estimé les oratrices.  Seul point positif selon elles: le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui représente une nouvelle approche constructive contre les armes nucléaires et un soutien au TNP, et qui permet d’exercer davantage de pression pour que les États dotés prennent des mesures significatives en vue de plafonner, réduire et finalement éliminer leurs arsenaux de manière vérifiable.  Malheureusement, jusqu’à présent, ces derniers ont tous refusé d’adhérer à cet instrument. 

Les deux ONG ont donc demandé instamment aux États parties au TNP d’adopter un plan d’action qui prévoit un appel aux États-Unis et à la Fédération de Russie pour qu’ils concluent des pourparlers sur les accords de suivi du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques et ce, afin de réaliser de nouvelles réductions de leurs stocks d’ogives et de vecteurs nucléaires au plus tard en 2025.  En attendant, ils doivent convenir de ne pas dépasser les limites centrales du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques jusqu’à l’entrée en vigueur de nouveaux accords.  Les deux ONG attendent également des cinq États parties au TNP dotés d’armes nucléaires qu’ils s’engagent dans des discussions sur la réduction du risque nucléaire et acceptent d’arrêter d’accroître leurs arsenaux nucléaires. 

Mme JACQUELINE CABASSO, Directrice exécutive de la Western States Legal Foundation, qui s’exprimait au nom du groupe de travail Abolition 2000 sur le programme de désarmement des Nations Unies et une convention sur les armes nucléaires, a noté que, cinq ans après la fin de la guerre froide, rien n’indiquait que l’obligation de désarmement de l’article VI du TNP de 1970 était prise au sérieux.  Elle a rappelé que les ONG participant à la Conférence d’examen et de prorogation du TNP de 1995 avaient rédigé la « Déclaration sur l’abolition de 2000 », appelant tous les États, en particulier les États dotés d’armes nucléaires, officiels ou de facto, à « engager immédiatement et conclure d’ici à l’an 2000, des négociations sur une convention sur les armes nucléaires qui exige l’élimination progressive de toutes les armes nucléaires dans un délai limité, avec des dispositions pour une vérification et une application efficaces ».  Le modèle de convention décrit un cadre complet de mesures juridiques, techniques et institutionnelles pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires.  Il a été distribué aux États Membres de l’ONU en 1997 par le Secrétaire général de l’ONU, mis à jour en 2007, et de nouveau diffusé en tant que document officiel de l’ONU. 

À l’approche de l’an 2000, sans convention à l’horizon, Abolition 2000 a enrôlé plus de 2 000 organisations dans quelque 90 pays et a poursuivi son plaidoyer.  En effet, la déclaration fondatrice d’Abolition 2000 et le Modèle de convention relative aux armes nucléaires ont jeté les bases du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, a affirmé la représentante.  Alors que la durée de la prolongation du TNP a désormais dépassé la durée initiale du traité, elle a regretté que les engagements de 1995, 2000 et 2010 restent largement non tenus et que le désarmement se soit inversé.  Alors que de nombreux États non dotés d’armes nucléaires ont démontré leur attachement à l’article VI du TNP en négociant et en rejoignant le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, on ne peut pas en dire autant des cinq États dotés d’armes nucléaires d’origine, s’est indignée la représentante, rappelant que les P5, dans une déclaration conjointe de 2018, avaient déclaré: « Nous réitérons notre opposition au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires... »  Les engagements de 1995, 2000 et 2010 du TNP doivent être réaffirmés et mis en œuvre de bonne foi par tous les États, a-t-elle martelé, en appelant à se recentrer sur les États dotés d’armes nucléaires.  À cet égard, un réexamen du Modèle de convention relative aux armes nucléaires s’impose, a-t-elle conclu. 

Mme ARIANA SMITH, Directrice exécutive de Lawyers Committee on Nuclear Policy, a regretté le fait que depuis la dernière Conférence d’examen, plusieurs États ont échangé des menaces d’utilisation de la force nucléaire.  Ces menaces sont illégales, a plaidé Mme Smith, citant l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de Justice en 1996 qui estime que, si l’utilisation d’une arme ne répondait pas aux exigences du droit international humanitaire, la menace d’une telle utilisation serait contraire à cette loi.  Les armes nucléaires ne font pas la distinction entre les cibles militaires et les populations et les infrastructures civiles et ne peuvent pas éviter de graves dommages à l’environnement, a ajouté l’avocate. 

Pour Mme Smith, l’invasion de l’Ukraine, assortie de menaces nucléaires, a démontré la nécessité urgente de renforcer les garanties de sécurité négatives émises en 1995 par les cinq États dotés.  Les États dotés doivent promettre sans condition aux États non dotés de ne pas utiliser ou menacer d’utiliser des armes nucléaires.  L’autre obstacle majeur au maintien de la non-prolifération aujourd’hui est la perspective d’accords de partage nucléaire, a estimé Mme Smith faisant référence à l’accord de partage nucléaire annoncé cet été entre la Russie et le Bélarus.  Il s’agit d’une évolution potentielle alarmante qui devrait être vigoureusement condamnée par les États parties au TNP.  Ne pas condamner le partage nucléaire entre la Russie et le Bélarus comme étant incompatible avec le TNP pourrait contribuer à préparer le terrain pour d’éventuels accords de partage nucléaire ailleurs dans le monde, a-t-elle estimé. 

L’incompatibilité du partage nucléaire avec le TNP repose sur une application des articles I et II du Traité, a expliqué la juriste.  Le partage nucléaire de l’OTAN ne justifie pas l’établissement de nouveaux accords de partage nucléaire et les États parties doivent affirmer énergiquement l’incompatibilité des nouveaux accords avec le TNP.  Ils devraient exprimer fermement leur opposition à un accord de partage nucléaire entre la Russie et le Bélarus pour des raisons politiques et juridiques, a martelé la Secrétaire exécutive, appelant aussi à mettre fin à l’accord de partage nucléaire existant au sein de l’OTAN.  Elle a exhorté la communauté internationale à entamer sérieusement des négociations multilatérales sur l’élimination mondiale des armes nucléaires.  L’objectif ne sera jamais atteint si un processus pour l’atteindre ne commence concrètement, a-t-elle conclu. 

M. SERGIO DUARTE, des Conférences Pugwash sur la science et les problèmes internationaux, a souligné l’acuité de la menace nucléaire aujourd’hui, en indiquant qu’aucun signe ne laisse à penser que la guerre en Ukraine pourrait bientôt s’achever.  Le TNP, maillon essentiel du régime de non-prolifération, est menacé.  Certains pays hésitent à le rejoindre.  Le temps est venu pour la Conférence de demander des comptes aux pays qui ne respectent pas l’article VI du TNP, a déclaré le représentant.  Il a demandé la création de zones exemptes d’armes nucléaires là où elles n’existent pas.  Enfin, il a plaidé pour des synergies entre le TNP et le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et pour une réduction de la place occupée par les armes nucléaires dans les doctrines de défense.

M. JOHN HALLAM, de People for Nuclear Disarmament Human Survival Project, a prévenu que si le danger d’une apocalypse nucléaire augmente chaque année, il atteindra un jour les 100% et la catastrophe se produira avant.  Les fusibles nucléaires brûlent, pas seulement pour l’Ukraine, mais aussi potentiellement dans le détroit de Taiwan et entre l’Inde et le Pakistan, s’est-il inquiété en misant sur la diplomatie et la réduction des risques nucléaires pour écarter la probabilité d’une catastrophe.  Il a appelé les États dotés à prendre des mesures en ce sens, un appel qui est déjà lancé par des anciens dirigeants et fonctionnaires, des législateurs, des scientifiques, des chefs religieux, des anciens chefs militaires, des universitaires, des experts, des jeunes et d’autres représentants de la société civile.  Il a cité en particulier la campagne coordonnée par NoFirstUse Global, qui mobilise 70 organisations.  Il a aussi mentionné une lettre ouverte aux États dotés d’armes nucléaires et à la Conférence d’examen du TNP, approuvée par plus de 1 400 personnes, dont le Président de la Conférence d’examen de 2010 et le Chef de la délégation des États-Unis à celle de 1995.  Cette lettre, qui a été présentée aujourd’hui, prie instamment les gouvernements d’entamer le processus visant à mettre définitivement fin à la course aux armements et à éliminer progressivement le rôle des armes nucléaires dans les doctrines de sécurité en soutenant l’adoption de politiques de non-utilisation en premier et la cessation de la fabrication d’armes nucléaires au plus tard à la onzième Conférence d’examen du TNP, en 2025.  Il leur est aussi demandé de s’engager à respecter un délai d’au plus tard 2045 pour s’acquitter de l’obligation qui incombe au titre de l’article VI (élimination mondiale des armes nucléaires). 

Mme IVANA HUGHES, de Nuclear Age Peace Foundation (NAPF), a demandé l’élimination de ces « infernales armes nucléaires » sous un contrôle international digne de confiance.  Elle a demandé que l’article VI du TNP cesse de relever de la fiction et devienne réalité, en rappelant que les États dotés de l’arme nucléaire au sens du TNP ont un intérêt au désarmement.  « En s’engageant résolument dans cette voie, ils pourraient alors mettre une véritable pression sur les quatre autres États qui possèdent l’arme nucléaire afin qu’ils désarment. »  Elle a notamment estimé que la Russie pourrait restaurer son image en procédant à un désarmement nucléaire, avant d’insister sur l’obligation morale et éthique des États-Unis de montrer la voie.  « Nous devons nous réveiller avant qu’il ne soit trop tard », a-t-elle conclu.

Mme SHARON DOLEV, de Middle East Treaty Organization (METO), a salué les efforts continus des États participants et des organisations internationales compétentes pour assurer le suivi de la déclaration de 1995 par laquelle les États parties à la Conférence d’examen du TNP avaient décidé la prolongation indéfinie du TNP et une résolution sur l’établissement d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient (ou la zone).  Israël étant le seul détenteur d’armes nucléaires dans la zone, et n’étant pas partie au TNP, cette promesse d’établir la zone a été faite de mauvaise foi, a-t-elle ajouté, avant de rappeler qu’en 2018, l’Assemblée générale des Nations unies avait pris la décision historique de charger le Secrétaire général de convoquer une conférence sur la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient sur la base d’arrangements librement conclus par les États de la région.  Elle s’est félicitée que la déclaration politique adoptée en 2019 lors de la première session de cette conférence ait contribué à la confiance régionale et internationale dans les processus de désarmement.  L’engagement des États participants, associé au soutien ferme de la communauté internationale, peut accélérer le processus de création de la zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, a estimé Mme Dolev. 

La représentante a appelé tous les États, à l’intérieur et à l’extérieur de la zone, à éviter de prendre des mesures susceptibles d’entraver cet important processus.  Elle a également estimé que l’établissement d’une zone vérifiable contribuera à l’universalisation de toutes les conventions et de tous les traités relatifs aux armes de destruction massive.  Mme Dolev a également appelé tous les États à soutenir les efforts visant à relancer de bonne foi le Plan d’action global commun, dénonçant la décision « irresponsable » des États-Unis sous l’administration précédente de s’en retirer. 

Mme EMILIE MCGLONE, de Solidarité des peuples pour la démocratie participative (PSPD), a indiqué que, depuis l’annonce en 2018 par la RPDC d’un moratoire sur les essais nucléaires, les États-Unis et la République de Corée n’ont pas pris de mesures réciproques appropriées pour améliorer des relations hostiles et remédier aux menaces sécuritaires ressenties par la RPDC.  C’est l’une des raisons qui expliquent le manque de progrès des négociations et c’est pourquoi la RPDC n’est pas la seule à blâmer pour la situation actuelle.  Elle a appelé à transformer la confrontation militaire actuelle en phase de dialogue et de négociation.  « Les États-Unis et la République de Corée, qui ont un considérable avantage militaire et économique sur la RPDC, doivent prendre des mesures préemptives telles que la suspension des exercices militaires communs afin de réduire les menaces militaires en vue de la création d’un dialogue ouvert », a-t-elle affirmé 

Mme McGlone a appelé à revoir l’efficacité et l’utilité des sanctions du Conseil de sécurité à l’encontre la RPDC, celles-ci ayant échoué à faire en sorte que ce pays abandonne ses armes.  Elle a estimé que la seule manière d’éviter un conflit nucléaire dans la péninsule coréenne est de remédier aux relations hostiles qui prévalent aujourd’hui.  La dénucléarisation complète de la péninsule est impossible à moins de mettre fin à ce cessez-le-feu instable, d’instaurer des relations diplomatiques et une confiance mutuelle et de régler les menaces militaires, a-t-elle affirmé.  Enfin, elle a appelé à la fin de la politique consistant pour le Japon et la République de Corée à compter sur le « parapluie nucléaire américain ».  Cela ouvrirait la voie à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires dans le nord-est de l’Asie, a-t-elle conclu.

Pour Mme HAYOUNG BAK, de l’ONG Solidarity for Peace and Reunification of Korea (SPARK), la question clef est de savoir si l’Administration Biden est sérieuse au sujet de la dénucléarisation de la péninsule coréenne.  Si tel est le cas, l’ONG exige que les États-Unis abandonnent leur politique hostile contre la « Corée du Nord ».  Scandalisée par la position contradictoire de l’Administration Biden, la représentante a dénoncé la politique de coercition militaire des États-Unis qui, à ses yeux, fait obstacle à la dénucléarisation de la péninsule coréenne et sape le TNP.  Notant que l’Administration Biden a toujours poursuivi des politiques hostiles contre la « Corée du Nord », la représentante a argué que ces politiques révèlent l’intention de parvenir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne en forçant la « Corée du Nord » à se rendre plutôt que par le dialogue et la négociation. 

La représentante a affirmé qu’à ce jour, le seul motif de la possession d’armes nucléaires par la « Corée du Nord » est d’obtenir des garanties de sécurité des États-Unis.  Les politiques hostiles de Washington ne feront que motiver davantage la « Corée du Nord » à poursuivre son développement et sa possession d’armes nucléaires et à saper la possibilité de dénucléariser la péninsule coréenne, a-t-elle estimé.  Concrètement, elle a dénoncé la reprise des exercices militaires conjoints entre les États-Unis et la « Corée du Sud », l’expansion de l’OTAN dans la région Asie-Pacifique et le renforcement de l’alliance entre la « Corée du Sud », les États-Unis et le Japon sous l’impulsion de l’Administration Biden, en demandant qu’il y soit mis fin sans tarder. 

La péninsule coréenne et l’Asie du Nord-Est deviennent la zone la plus tendue de la nouvelle confrontation de la guerre froide, a poursuivi la représentante en s’inquiétant de l’escalade de la crise dans le détroit de Taiwan provoquée par la récente visite à Taipei de la Présidente de la Chambre des représentants américaine, Mme Nancy Pelosi.  Elle a vu dans cette visite une preuve de la réalité précaire d’une nouvelle guerre froide.  Pour SPARK, si les États-Unis veulent vraiment dénucléariser la péninsule coréenne, ils devraient soit lever en partie les sanctions contre la « Corée du Nord », soit arrêter la reprise des exercices militaires conjoints américano-coréens et fournir des garanties de sécurité à la Corée du Nord, dans le sillage de la déclaration conjointe de Singapour de 2018.

Mme REBECCA IRBY, de PEAC Institute, a rappelé qu’en 1944, les États-Unis ont fait exploser des tonnes d’uranium sur les terres des tribus indiennes Navajo et que cet uranium avait été utilisé dans la bombe qui a été larguée sur Hiroshima il y a 77 ans.  Puis, elle a dénoncé le mensonge du racisme et l’esclavage citant, entre autres, Kiluanji Kia Henda, un artiste angolais qui a dit que « le monde moderne n’existerait pas sans l’esclavage.  La modernité s’est construite sur le dos des Noirs ».  Cette modernité a permis la création d’armes nucléaires et le colonialisme et le racisme leur ont permis de persister, a tranché l’oratrice.  Paraphrasant ensuite, Langston Hughes, elle a déclaré que le racisme était un facteur à considérer dans les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. 

Pourquoi les bombes atomiques n’ont-elles jamais visé l’Allemagne ou l’Italie? a questionné l’oratrice.  Selon elle, ce n’est pas une coïncidence, mais par dessein, que toutes les puissances coloniales sont aussi des États dotés d’armes nucléaires ou des États qui bénéficient de parapluies nucléaires.  De l’endroit où les matières fissiles sont extraites à l’endroit où les armes nucléaires sont fabriquées et où elles sont testées et finalement déployées, ces armes ont toujours un impact sur les communautés les plus vulnérables, qui sont pauvres et non blanches de par leur conception, a-t-elle fait observer. 

Rappelant au passage que chacune des parties au Traité doit poursuivre de bonne foi les négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation rapide de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire, ainsi qu’un traité sur le désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace, la représentante a ajouté qu’il n’était pas possible de bonne foi ou de concevoir des mesures efficaces sans inclure les voix des personnes les plus touchées par nos décisions. 

Mme Irby a donc plaidé pour la participation effective et significative de toutes les personnes marginalisées, les survivants de l’utilisation, des essais et de la production d’armes nucléaires, les personnes non occidentales, non blanches et non genrées ou hétérosexuelles, les personnes défavorisées sur le plan socioéconomique, les personnes handicapées et les jeunes.  Un arbre peut vivre sans branches mais une branche ne peut pas vivre sans l’arbre.  Les armes nucléaires sont une branche de l’arbre du colonialisme.  Pour éliminer les armes nucléaires et bâtir une société mondiale équitable, plus juste, pacifique et écologiquement durable, nous devons déraciner l’arbre du colonialisme, a conclu l’oratrice.

Mme KEHKASHAN BASU, de Soka Gakkai International, a prononcé une déclaration interconfessionnelle conjointe au nom de 104 organisations, rappelant que la force du TNP dépend de sa mise en œuvre.  L’escalade des tensions et l’environnement sécuritaire mondial incertain sont les raisons mêmes pour lesquelles nous avons besoin d’une action décisive et opportune en faveur du désarmement nucléaire, et non d’investissements supplémentaires dans ces armes catastrophiques et leur modernisation, a-t-elle déclaré. 

Mme Basu a ensuite demandé aux États parties au Traité de tenir compte des voix des hibakusha et des communautés affectées et de reconnaître les armes nucléaires pour ce qu’elles sont, « à savoir des armes de destruction massive capables de tuer des millions de personnes avec des conséquences humanitaires durables et dévastatrices ».  Elle leur a également demandé de s’engager à prendre des mesures concrètes pour prévenir toute possibilité d’escalade vers une guerre nucléaire et à respecter les engagements et obligations en matière de désarmement nucléaire en vertu de l’article VI du TNP.  Enfin, Mme Basu leur a demandé de soutenir d’autres instruments internationaux qui complètent ces obligations, y compris le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

M. YUTA TAKAHASHI, jeune représentant de Peace Boat, a déclaré parler au nom d’une génération qui n’a pas eu la chance de ne pas connaître les armes nucléaires.  Nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête, a-t-il dit, en dénonçant l’expansion des arsenaux nucléaires.  « Nous sommes au bord du gouffre et nous devons agir. »  Autre jeune représentant de Peace Boat, M. BENETICK KABUA MADDISON a jugé vital de reconnaître la gravité de la menace climatique et de la menace nucléaire, en particulier lorsque celles-ci se conjuguent, au détriment par exemple des peuples du Pacifique.  Les armes nucléaires sont inextricablement liées à un système d’oppression, dont font partie le racisme et le patriarcat.  « Nous vous implorons de penser à vous; est-ce cela le monde que vous voulez laisser derrière vous? » a-t-il demandé. 

M. IRA HELFAND, Président sortant de International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW), a relevé que pendant plus de 50 ans, la grande majorité des nations du monde ont honoré les engagements pris dans le TNP, tout en regrettant que neuf, dont cinq qui sont parties au Traité, aient choisi d’ignorer leurs obligations et aient maintenu d’énormes stocks d’armes nucléaires.  Ces nations continuent de mettre en jeu le sort de la Terre, prenant l’humanité en otage, a-t-il dénoncé.  Le docteur Helfand a fait référence à une récente déclaration commune de son organisation avec l’Association médicale mondiale et d’autres ONG pour souligner les conséquences catastrophiques prouvées de l’utilisation des armes nucléaires.  Il s’est en outre inquiété de voir ce « danger extrême » s’aggraver avec l’invasion russe de l’Ukraine, relevant les menaces proférées par la Russie d’utiliser ses armes nucléaires et la réponse de l’OTAN constituant des menaces également.  Il a rappelé que 18 prix Nobel de la paix ont fait une déclaration pour appeler la Russie et l’OTAN à promettre de ne pas utiliser l’arme nucléaire dans ce conflit.  Il a également rappelé l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) en 2017, faisant remarquer que les États dotés de l’arme nucléaire ne soutiennent pas ce traité.  Pour le docteur Helfand, les grandes puissances doivent comprendre que leur propre sécurité et celle de toute l’humanité exigent qu’elles coopèrent pour s’attaquer aux vrais problèmes actuels.  « Les cinq États dotés de l’arme nucléaire parties au TNP devraient maintenant –ici à cette réunion– entamer des négociations en vue d’un accord vérifiable et exécutoire dans le temps pour éliminer ces armes, et inviter les quatre autres États dotés d’armes nucléaires à les rejoindre, afin qu’ils se conforment tous au TIAN et à l’article VI du TNP », a conclu le militant médecin.

M. JONATHAN GRANOFF, du Global Security Institute, a constaté que les diplomates, « qui ont travaillé dur depuis la prorogation indéfinie du Traité en 1995 », ont forgé des accords politiques conformément aux obligations légales de non-prolifération et de désarmement mais ne les ont pas respectés.  Il a pointé les décideurs dans les capitales des États dotés d’armes nucléaires, qui les ont ignorés.  Certains engagements sont devenus obsolètes, d’autres restent pertinents, a-t-il relevé.  Il a noté la modernisation et les nouvelles utilisations d’armes nucléaires, ainsi que les dépenses militaires qui, depuis 2000, ont dépassé les 30 000 milliards de dollars.  Les armes nucléaires restent un pilier important de la doctrine militaire, a-t-il relevé.  « Même s’il est reconnu qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée, même si la science climatique récente nous informe qu’un petit pourcentage de l’arsenal mondial, même d’une seule nation, jetterait des millions de tonnes de suie dans la stratosphère, détruisant la base agricole de la civilisation, même si de nombreuses quasi-utilisations se sont produites par ordinateur et par erreur humaine, nous n’avons pas fait de progrès appropriés pour tenir les promesses de désarmement existantes et, en fait, l’adversité basée sur les menaces nucléaires n’a fait qu’augmenter. »

Ignorer les promesses passées met en danger le tissu même de la civilisation, a poursuivi le représentant.  Pacta sunt servanda, « les promesses doivent être tenues », c’est le fondement même de la paix entre nations, a-t-il rappelé.  Corrompre ce principe, traiter les accords comme s’ils n’étaient que poésie inatteignable aboutit à faire du pouvoir brut une véritable devise, a mis en garde le représentant.  Détruisez le respect de bonne foi des accords, dit Aristote, et vous détruisez les relations de l’humanité.  À l’ère nucléaire, ce n’est pas une option, a-t-il catégoriquement affirmé.  S’il a fait valoir les nombreuses propositions de réduction des risques, de non-prolifération et de désarmement faites par les nations et la société civile au cours de la Conférence, il a souhaité que ce processus ne soit pas marginalisé par « la myopie nationaliste militaire ».  Le représentant du Global Security Institute a conclu en appelant à un nouveau réalisme face aux menaces existentielles du XXIe siècle.  Il a jugé crucial que les engagements pris dans le passé soient réaffirmés tout en gardant l’esprit ouvert pour accepter de nouvelles propositions.  « Nous ne pouvons simplement pas revenir en arrière. »

M. NOBORU SAKIYAMA, Président du Conseil de liaison japonais de survivants de deuxième génération de la bombe atomique, a témoigné avoir vu les souffrances de ses parents, des survivants de la bombe A (« hibakusha ») de Nagasaki, et être lui-même victime nucléaire parce qu’il n’y a aucune preuve scientifique pour nier clairement l’effet génétique transgénérationnel sur la santé du rayonnement de la bombe A.  En effet, a-t-il relevé, beaucoup d’hibakusha de seconde génération ainsi que leurs parents sont décédés de maladies telles que le cancer et la leucémie.  Le témoin a aussi fait part de graves préjugés sociaux et de discrimination dans divers aspects tels que le mariage et l’obtention d’un emploi, sans qu’aucune assistance publique ne soit prévue.  Il a déclaré que les expériences de ces victimes sont des conséquences des violations des droits humains les plus graves causées par les armes nucléaires, auxquelles s’ajoutent d’autres types de victimes des radiations: celles touchées par « l’expérience nucléaire » aux Îles Marshall ou les « utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire » à Tchernobyl et Fukushima, et les hibakusha de seconde génération d’autres pays comme la péninsule coréenne à la suite de la colonisation passée du Japon et de la guerre d’agression. 

« Nous appelons à la reconnaissance des droits humains des victimes des radiations, y compris les hibakusha de seconde génération et des générations futures, et à l’abolition du nucléaire afin qu’il n’y ait plus de victimes des radiations », a dit le témoin en affirmant que « le nucléaire et l’humanité ne pourront jamais coexister » comme le proclament les hibakusha.  Il a appelé les États dotés d’armes nucléaires à poursuivre fidèlement et efficacement les négociations en vue de promouvoir le désarmement nucléaire et, par ailleurs, le désarmement général et complet sur la base de l’article VI du TNP.  Il a aussi appelé tous les États dotés et ceux qui sont sous le « parapluie nucléaire » à signer et ratifier le TIAN, avant de plaider pour que chaque pays renonce aux « utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.