La Troisième Commission entérine par consensus sept textes, mais voit la lutte contre le néonazisme cristalliser les tensions nées de la guerre en Ukraine
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a commencé, ce matin, à se prononcer sur ses projets de résolution en faisant siens huit textes, dont sept par consensus. Un vote a cependant été requis pour entériner celui relatif à la « lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ».
En vertu de ce projet de résolution présenté par la Fédération de Russie, et adopté par 105 voix pour, 52 voix contre et 15 abstentions, l’Assemblée générale se déclarerait profondément préoccupée par la glorification, quelle qu’en soit la forme, du mouvement nazi, du néonazisme et des anciens membres de l’organisation Waffen-SS.
Mais la pomme de discorde est née de l’adoption, par 63 voix pour, 23 voix contre et 65 abstentions, d’un amendement présenté par l’Australie, lequel stipule que la Fédération de Russie a cherché à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme, et souligne qu’invoquer le néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau.
Au nom de l’Union européenne (UE), la République tchèque a estimé que le projet de texte dans son ensemble s’inscrit « en contrepied » dans la mesure où la Fédération de Russie a supprimé le paragraphe qui prend note du rapport de la Rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l’homme sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, libellé réintroduit par la délégation russe lors d’un amendement oral. L’Australie a précisé pour sa part que son amendement est tiré du rapport de ladite Rapporteuse spéciale. Il s’agit d’une réaction à l’instrumentalisation grave et évidente des droits humains par la Russie, et c’est pourquoi « nous reprenons mot pour mot » le passage du rapport, a souligné la délégation.
La Macédoine du Nord et le Libéria ont estimé que cet amendement permet de corriger l’interprétation de la résolution selon laquelle l’auteur a souhaité officiellement justifier son invasion pour procéder à ce qu’il appelle une « dénazification » de l’Ukraine. Une telle position mine gravement les efforts de lutte contre le nazisme et le néonazisme, ont estimé ces délégations, l’Ukraine décriant de son côté « le comble de l’hypocrisie ».
Pour la Fédération de Russie, l’amendement, dont elle s’est dissociée, visait tout simplement à empêcher l’adoption de la résolution. Il ne s’agit pas d’une approche constructive, a-t-elle regretté. La République arabe syrienne et la Chine, ainsi que par le Burundi et l’Égypte, entre autres, ont regretté pour leur part que l’incorporation de l’amendement vienne « politiser » une résolution thématique.
Au préalable, la Troisième Commission a adopté par consensus son projet de résolution sur l’alphabétisation qui demande notamment aux gouvernements d’accroître leurs investissements dans l’enseignement préprimaire.
Elle a également fait sienne un texte sur les droits des Peuples Autochtones qui appelle à renforcer d’urgence leur capacité d’adaptation et leur résilience face aux changements climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes. Ce projet encourage également les États Membres et le secteur privé à faire en sorte que les entreprises tiennent compte des répercussions environnementales négatives de certaines de leurs activités sur les terres et les territoires habituellement occupés par les peuples autochtones. Le texte cite notamment l’exploitation illégale des ressources forestières et minières, l’expansion incontrôlée de l’agrobusiness, les projets non durables de développement des infrastructures à grande échelle et les industries extractives.
Le droit à la vie privée à l’ère numérique a lui aussi été soutenu par l’ensemble des États Membres qui ont appuyé un projet de résolution par lequel l’Assemblée générale demanderait à examiner plus avant les conséquences que des phénomènes nouveaux, tels que la tendance à l’adoption généralisée des technologies de la chaîne de blocs et de réalité virtuelle et augmentée, ainsi que le développement de neurotechnologies de plus en plus puissantes, ont sur l’exercice des droits à la vie privée et à la liberté d’opinion et d’expression si aucun garde-fou n’est prévu.
La Commission a également entériné par consensus trois projets de résolution soumis par le Conseil économique et social (ECOSOC), dont un texte inédit visant à renforcer l’action menée aux niveaux national et international, y compris avec le secteur privé, pour protéger les enfants contre l’exploitation et les atteintes sexuelles. L’autre porte sur la réduction de la récidive grâce à la réadaptation et à la réinsertion, et par le troisième, la Troisième Commission recommande à l’Assemblée générale de tenir le quinzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale en 2026.
Autre projet adopté sans vote, celui en vertu duquel l’Assemblée générale déciderait de porter de 107 à 108 le nombre d’États Membres du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
La Troisième Commission poursuivra l’adoption de ses projets de résolution jeudi 10 novembre, à partir de 10 heures.
DÉCISION SUR LES PROJETS DE RÉSOLUTION
Développement social
Aux termes du projet de résolution intitulé « L’alphabétisation, enjeu vital: définir les futurs programmes d’action » (A/C.3/77/L.16/Rev.1), présenté par la Mongolie et adopté sans vote, l’Assemblée générale demanderait aux gouvernements à tous les niveaux de renforcer leurs programmes d’alphabétisation, notamment numérique, en prêtant une attention particulière à ceux qui sont en situation de vulnérabilité.
Elle demanderait aux États Membres de continuer d’accroître leurs investissements dans une éducation de qualité inclusive et équitable, notamment l’enseignement préprimaire, les programmes ou initiatives d’alphabétisation des jeunes et des adultes, le renforcement des compétences et l’apprentissage tout au long de la vie.
Elle inviterait en outre les États Membres, l’Organisation des Nations Unies, les organisations régionales et les autres partenaires intéressés à œuvrer de concert au renforcement de la capacité des directeurs d’établissement scolaire, des enseignants et des éducateurs d’assurer l’alphabétisation.
L’Assemblée générale demanderait également aux États Membres de travailler avec les parties concernées afin de prendre des mesures pour réduire les fractures numériques. De même, elle exhorterait les États Membres et les autres parties prenantes à prendre des mesures pour assurer la formation adéquate des enseignants et autres professionnels de l’éducation en matière d’utilisation des outils numériques.
Déclarations générales
Avant l’adoption du projet de texte, les États-Unis ont indiqué que leur administration a mis l’accent sur le financement de l’éducation, aussi bien au niveau national qu’à l’étranger. La délégation a dit appuyer fortement les objectifs de cette résolution.
À la suite de l’adoption, le Nigéria a rappelé que sa population compte 270 minorités ethniques et a appelé à promouvoir les langues vernaculaires. La délégation a indiqué que son pays a entamé en 2020 l’évaluation de ses capacités en la matière. Par ailleurs, elle a exhorté à combler le fossé numérique entre pays développés et en développement afin de promouvoir l’éducation et d’appuyer l’apprentissage, notamment des femmes et des jeunes. Enfin, elle a réaffirmé la volonté de son pays de mettre en œuvre l’Objectif de développement durable 4.
Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, questions relatives aux réfugiés, aux rapatriés et aux déplacés et questions humanitaires
Par le projet de résolution « Élargissement de la composition du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés » (A/C.3/77/L.37), présenté par l’Angola et adopté sans vote, l’Assemblée générale déciderait de porter de 107 à 108 le nombre d’États Membres du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Elle prierait également le Conseil économique et social d’élire, à une séance de son débat consacré à la gestion en 2023, le membre qui occupera le siège supplémentaire.
Droits des peuples autochtones
En vertu du projet de résolution intitulé « Droits des Peuples Autochtones » (A/C.3/77/L.20/Rev.1), présenté par l’État plurinational de Bolivie et adopté sans vote, l’Assemblée générale exhorterait les États Membres, agissant en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, à prendre des mesures appropriées pour atteindre les objectifs définis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Par ce texte, l’Assemblée générale soulignerait qu’il faut d’urgence renforcer la capacité d’adaptation et la résilience et réduire la vulnérabilité des peuples autochtones face aux changements climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes.
Elle encouragerait les États Membres et le secteur privé à faire en sorte que les entreprises adoptent un comportement plus durable, plus respectueux de l’environnement et plus responsable, qui tienne compte des répercussions environnementales négatives de certaines de leurs activités sur les terres et les territoires habituellement occupés par les peuples autochtones et sur leur bien-être. Le texte cite notamment l’exploitation illégale des ressources forestières et minières, l’expansion incontrôlée de l’agrobusiness, les projets non durables de développement des infrastructures à grande échelle et les industries extractives.
Elle exhorterait en outre les États à prendre les mesures nécessaires pour garantir les droits, la protection et la sécurité des peuples autochtones, y compris des dirigeants autochtones et des défenseurs autochtones des droits humains.
Par ce texte, l’Assemblée générale constaterait par ailleurs l’importance des langues autochtones en tant que moteurs de la réalisation des objectifs de développement durable, et demanderait aux États Membres d’inscrire leur préservation, leur promotion et leur revitalisation dans le cadre plus large des efforts menés afin d’exécuter le Programme 2030.
Déclaration générale et explications de position
La Nouvelle-Zélande, qui s’exprimait aussi au nom de l’Australie et du Canada, a estimé qu’en dépit des efforts déployés par ces pays, beaucoup leur reste à faire, notamment sur les questions de la réconciliation et de la lutte contre les inégalités. Ces pays promeuvent l’adoption de pratiques inclusives pour les peuples autochtones, y compris dans la conduite de leur politique étrangère, et se félicitent de ce que la résolution s’attelle à lutter contre la disparition des langues vernaculaires des populations autochtones, a indiqué la délégation.
La Hongrie, qui a rappelé avoir voté contre le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières en 2018, a dit ne pas pouvoir accepter de références à ce pacte, au motif que les politiques migratoires sont l’apanage des seuls États. Si elle s’est jointe au consensus sur ce projet de texte, elle se dissocie des paragraphes 10 du préambule et 20 du dispositif.
La Roumanie, parlant au nom d’un groupe de pays, a dit ne pas reconnaître de droits collectifs à quelque groupe que ce soit. Elle a donc expliqué qu’elle ne pouvait souscrire aux références aux peuples autochtones en tant que groupe distinct.
L’Inde a estimé que les peuples autochtones doivent participer au travail des Nations Unies sur toutes les questions qui les concernent. Elle a toutefois fait valoir que leur participation ne peut être utilisée pour semer la discorde dans des pays où les peuples ont vécu dans la concorde. Conformément à la définition donnée par la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (no 169) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), notre peuple est autochtone en Inde, a ajouté la délégation, indiquant s’être jointe au consensus sur le projet de texte.
Le Sénégal s’est dissocié de deux termes du projet de résolution : les « formes multiples et intersectionnelles de discrimination » et les « soins de santé ».
Le Royaume-Uni a rappelé que les droits humains doivent s’appliquer à tous dans l’égalité. À cette aune, il a dit ne pas reconnaître le concept de droits différentiés, en vertu du droit international.
La Libye a déclaré ne pas accepter les concepts qui vont à l’encontre des spécificités nationales, culturelles et religieuses, et se dissocier par conséquent des paragraphes 11 et 12 du préambule et 20 du dispositif. L’Iraq a, quant à lui, fait observer que la vision mentionnée par le projet de résolution sur les formes multiples et croisées de discrimination ne fait pas l’objet d’un consensus international. Des réserves similaires ont été exprimées par l’Égypte, ainsi que par la Malaisie, celle-ci déplorant une « terminologie non conforme ».
Le Saint-Siège a jugé à son tour que les termes portant sur la discrimination sont « problématiques », avant d’exprimer ses réserves sur d’autres termes « flous » et « sans définition internationale », ainsi que sur les références faites au genre par le projet de texte.
Élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée
En vertu de son projet de résolution intitulé « Lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée » (A/C.3/77/L.5), présenté par la Fédération de Russie et adopté, tel que révisé oralement et amendé, par 105 voix pour, 52 voix contre et 15 abstentions, l’Assemblée générale se déclarerait profondément préoccupée par la glorification, quelle qu’en soit la forme, du mouvement nazi, du néonazisme et des anciens membres de l’organisation Waffen-SS.
D’autre part, l’Assemblée générale constaterait avec inquiétude que la Fédération de Russie a cherché à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme, et soulignerait qu’invoquer le néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau.
Par ce texte, l’Assemblée générale exhorterait les États à éliminer toutes les formes de discrimination raciale par tous les moyens appropriés, y compris des mesures législatives si les circonstances qui l’exigent.
Elle se déclarerait alarmée de ce que des groupes extrémistes, notamment les groupes néonazis, et des personnes professant des idéologies de haine utilisent les technologies de l’information, Internet et les médias sociaux pour recruter de nouveaux membres, en ciblant en particulier les enfants et les jeunes, et pour diffuser et propager leurs messages haineux.
L’Assemblée générale demanderait aux États de prendre les mesures qui s’imposent pour faire face aux menaces nouvelles et émergentes découlant de la multiplication des attentats terroristes motivés par le racisme, la xénophobie et d’autres formes d’intolérance, ou commis au nom d’une religion ou conviction.
Elle encouragerait les États à renforcer les capacités des services de police et autres forces de maintien de l’ordre afin de lutter contre les infractions racistes et xénophobes et de prévenir les pratiques de profilage racial. Par ailleurs, elle condamnerait sans réserve tout déni ou tentative de déni de l’Holocauste ainsi que toute manifestation d’intolérance religieuse, d’incitation à la haine, de harcèlement ou de violence à l’égard de personnes ou de communautés en raison de leur appartenance ethnique ou de leurs croyances religieuses.
De surcroît, elle se dirait profondément préoccupée par la multiplication des actes de racisme, d’antisémitisme et de discrimination fondée sur la religion, la conviction ou l’origine, en particulier les actes islamophobes, arabophobes, afrophobes et xénophobes signalés lors de manifestations sportives et demanderait aux États, aux organisations internationales, aux fédérations sportives et aux autres parties prenantes concernées de renforcer les mesures visant à mettre fin à de tels actes.
En outre, elle condamnerait fermement le recours dans les structures éducatives à des programmes et à des discours didactiques qui promeuvent le racisme, la discrimination, la haine et la violence fondés sur l’origine ethnique, la nationalité, la religion ou la conviction. Elle demanderait aux États d’adopter des mesures pour renforcer la liberté d’expression, qui peut jouer un rôle essentiel dans la promotion de la démocratie et la lutte contre les idéologies racistes et xénophobes fondées sur la notion de supériorité raciale.
Lors de sa présentation, la Fédération de Russie a indiqué qu’à l’issue des consultations sur le projet de texte, un amendement oral a été ajouté au paragraphe 2 du dispositif, qui précise que l’Assemblée générale prendrait note du rapport que la Rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l’homme sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée a établi pour faire suite à la demande qu’elle a formulée dans sa résolution 76/149.
Préalablement au vote sur le projet de résolution dans son ensemble, l’Australie a présenté le projet d’amendement A/C.3/77/L.52, par lequel l’Assemblée générale constaterait avec inquiétude que la Fédération de Russie a cherché à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme, et soulignerait qu’invoquer le néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau.
Le projet d’amendement a été adopté par 63 voix pour, 23 voix contre et 65 abstentions.
Déclarations et explications de vote sur le projet d’amendement
Avant le vote, l’Australie, qui avait initialement soumis deux projets d’amendement aux côtés du Japon, du Libéria et de la Macédoine du Nord, a tout d’abord indiqué qu’à la suite de la révision annoncée par la Fédération de Russie, le premier avait été retiré car il était devenu « redondant ». Elle a par ailleurs précisé que le libellé de l’amendement maintenu est tiré du rapport de la Rapporteuse spéciale, lequel note avec inquiétude que la Fédération de Russie a essayé de justifier son invasion militaire de l’Ukraine en avançant l’élimination du néonazisme. Il s’agit d’une réaction à l’instrumentalisation grave et évidente des droits humains par la Russie, a souligné la délégation. C’est pourquoi, a-t-elle déclaré, « nous reprenons mot pour mot » le passage du rapport.
Au nom de l’Union européenne (UE), la République tchèque a rappelé que la lutte contre le racisme est un principe fondateur de l’UE qui, depuis 10 ans, prend une part active et constructive à cette résolution. Le projet de texte présenté cette année s’inscrit, selon elle, « en contrepied » dans la mesure où la Fédération de Russie a supprimé le paragraphe qui prend note du rapport de la Rapporteuse spéciale. La raison de la suppression de ce paragraphe est évidente et ne peut être justifiée par des raisons techniques, a-t-elle fait valoir. En effet, le rapport prend note avec inquiétude que la Russie a justifié son invasion militaire de l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme. Il s’agit pour la délégation d’une « instrumentalisation de préoccupations vives concernant les droits humains ». L’utilisation sous forme de prétexte du néonazisme pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau, a déploré la délégation, qui a expliqué que pour toutes ces raisons, l’UE votera en faveur de l’amendement.
À sa suite, la Macédoine du Nord et le Libéria ont estimé que cet amendement corrige l’interprétation de la résolution selon laquelle l’auteur a souhaité officiellement justifier son invasion pour procéder à ce qu’il appelle une « dénazification » de Ukraine. Une telle position mine gravement les efforts de lutte contre le nazisme et le néonazisme, ont estimé les délégations, qui ont appelé à la mobilisation pour ne pas faire du projet de résolution une « arme de propagande » aux mains de l’agresseur.
Hostile à ce projet d’amendement, la Fédération de Russie a appelé à voter contre. Rappelant qu’elle mène, d’année en année, des négociations ouvertes sur ce texte, elle a estimé que le but de l’amendement est de « politiser le sujet ». Nous avons toujours été disposés à mener un dialogue et à aborder toute proposition constructive, a assuré la délégation. Néanmoins, nous rejetons toute proposition visant à modifier l’essence ou la finalité de la résolution, dont l’objectif n’est pas de pointer du doigt, a-t-elle ajouté, relevant qu’il s’agit d’un texte thématique qui évoque des problèmes « transfrontières » concernant de nombreux pays du monde. Cette position a également été soutenue par l’Azerbaïdjan.
Avant le vote sur le projet de résolution dans son ensemble, tel que révisé oralement et amendé, l’Arménie, qui s’exprimait au nom de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), a indiqué que ce texte jouit d’un large soutien parmi les États membres de cette organisation, qui font front commun contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Ils le font grâce à la bravoure de leurs citoyens, qui, au prix de leurs vies, ont libéré les peuples d’Europe du nazisme, a-t-elle souligné, en s’élevant contre les « campagnes politiques » de certains pays qui visent à « réécrire l’histoire ».
Le Canada et les États-Unis ont, de leur côté, exprimé leur opposition à ce projet de résolution qui vise, selon eux, à légitimer un discours basé sur la désinformation. Ils ont été appuyés par le Japon et le Royaume-Uni, ce dernier constatant que le « régime de Putin » est en train de se livrer aux actes les plus dévastateurs, semblables à ceux de certains des pires régimes du XXe siècle. Quant à l’Ukraine, elle a estimé que ce projet de texte n’a rien à voir avec l’intitulé de la résolution, mais est, au contraire, un prétexte utilisé par la Russie pour justifier sa guerre brutale contre son pays et les crimes abjects commis contre l’humanité. La délégation y a vu le « comble de l’hypocrisie ».
Après le vote du projet de résolution, le Mali s’est déclaré en faveur du texte, tout comme Singapour qui a cependant estimé qu’une question aussi importante ne doit pas être politisée, « ce qui est malheureusement le cas aujourd’hui ». Le Venezuela, en tant que co-auteur de ce projet « opportun », a regretté l’amendement, qui, selon lui, ne contribue pas à l’objectif final. Il s’est donc dissocié de ce passage, à l’instar du Nicaragua qui a regretté les tentatives visant à détourner l’attention de la lutte pour l’éradication de toutes ces idéologies néfastes et extrémistes.
La Croatie a dit avoir voté contre ce texte « pour la première fois en 10 ans ». Même remarque de l’Australie, qui a appelé à une approche plus inclusive pour lutter contre les formes contemporaines du racisme et de la xénophobie. La Russie doit nouer un dialogue transparent autour de cette résolution, a-t-elle plaidé. À son tour, la Slovénie a exprimé son rejet de l’approche défendue par le texte, de même que l’Islande, qui, au nom d’un groupe de pays, a rejeté une « instrumentalisation » destinée à justifier une agression contre un pays souverain. Quant à la Suisse, qui s’est abstenue, elle a estimé que le projet de résolution ne reflète pas les formes les plus contemporaines de ces fléaux.
Le Guatemala a ensuite dit avoir voté en faveur du projet de texte, tout comme Cuba, qui s’est dite pleinement engagée dans la lutte contre toutes les formes de nazisme et du néonazisme, y voyant « les manifestations les plus extrémistes de théories visant à mettre en place la suprématie d’une race ». Abondant dans le même sens, Sri Lanka a regretté l’amendement au texte, avant de rejeter une approche ciblant un pays en particulier.
La Fédération de Russie a remercié tous les États Membres qui ont voté en faveur d’une résolution « fondamentale pour le système des Nations Unies ». Elle a ensuite condamné les manifestations les plus graves de glorification du nazisme, notamment la destruction de monuments érigés à la mémoire de ceux qui ont lutté contre le nazisme. Pour la délégation, l’issue du scrutin n’a fait que confirmer que l’objectif de l’amendement était tout simplement d’empêcher l’adoption de la résolution. Il ne s’agit pas d’une approche constructive, a-t-elle dénoncé, avant de se dissocier de l’ajout fait au texte. À son tour, le Bélarus a rendu hommage à ceux qui ont permis au monde de « ne pas sombrer dans les abysses de la haine sous l’étendard du nazisme » et s’est également dissocié du paragraphe ajouté, tout comme le Vietnam, la Malaisie et l’Afrique du Sud, celle-ci estimant en outre que la Troisième Commission n’est pas le « forum idoine » pour examiner les droits humains dans des pays spécifiques. Favorables au texte soumis par la Fédération de Russie, ces pays ont été rejoints par la République arabe syrienne et la Chine, également hostiles à l’amendement, ainsi que par le Burundi et l’Égypte. Ces délégations, qui se sont portées co-auteurs du projet de texte, ont regretté que l’incorporation de l’amendement vienne « politiser » une résolution thématique. L’Algérie a, pour sa part, indiqué avoir voté en faveur du texte dans son ensemble, mais s’être abstenue sur le projet d’amendement.
Pour finir, Israël est revenu sur l’Holocauste, jugeant que la « plus sombre période de l’histoire du peuple juif » a démontré à quel point l’être humain peut être « vil au plan moral ». C’est, hélas, un phénomène contemporain dont il est impératif d’identifier les racines profondes, a-t-il affirmé, appelant à la mobilisation des gouvernements et de la communauté internationale ainsi que des plateformes de réseaux sociaux. La délégation a ajouté que, si elle s’est prononcée en faveur du texte, son vote ne doit pas être considéré comme un « feu vert » donné à un pays qui envahit un État souverain.
Questions relatives aux droits humains, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits humains et des libertés fondamentales
Par le projet de résolution intitulé « Le droit à la vie privée à l’ère du numérique » (A/C.3/77/L.38), présenté par le Brésil et adopté sans vote, l’Assemblée générale demanderait à tous les États de respecter et de protéger le droit à la vie privée, tant en ligne que hors ligne, y compris dans le cadre des communications numériques et des technologies nouvelles et naissantes.
Elle demanderait notamment aux États d’inviter toutes les parties concernées à examiner plus avant les conséquences que des phénomènes nouveaux, tels que la tendance à l’adoption généralisée des technologies de la chaîne de blocs et de réalité virtuelle et augmentée et le développement de neurotechnologies de plus en plus puissantes, ont sur l’exercice des droits à la vie privée et à la liberté d’opinion et d’expression si aucun garde-fou n’est prévu.
Les États, de même que toutes les entreprises qui collectent, stockent, utilisent, échangent et traitent des données, seraient également appelés à redoubler d’efforts pour lutter contre la discrimination résultant de l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle.
En adoptant ce texte, l’Assemblée générale engagerait les États et, le cas échéant, les entreprises à exercer systématiquement la diligence voulue en matière de droits humains tout au long du cycle de vie des systèmes d’intelligence artificielle qu’ils conceptualisent, conçoivent, mettent au point, déploient, vendent, obtiennent ou exploitent, notamment en effectuant de manière périodique et exhaustive des études d’impact sur les droits humains.
Elle soulignerait par ailleurs qu’à l’ère numérique, les journalistes et les autres professionnels des médias doivent pouvoir disposer d’outils de chiffrement et de protection de l’anonymat pour être à même de pratiquer librement leur profession et d’exercer leurs droits humains, et demanderait aux États de ne pas empêcher les journalistes et les autres professionnels des médias d’utiliser de telles technologies.
Déclaration générale et explications de position
Avant l’adoption du projet de résolution, l’Allemagne a estimé que le développement des technologies numériques peut indubitablement améliorer les vies. Le « revers de la médaille » est que les populations sont de plus en plus exposées aux violations de leur droit à la vie privée, a-t-elle toutefois constaté, notant que ce défi est celui que tente de relever cette résolution depuis 2013. Dans le projet de texte de cette année, qui est guidée par le principe que les droits humains doivent être protégés tant hors ligne qu’en ligne, la délégation a expliqué avoir demandé aux États Membres d’améliorer les garanties techniques, juridiques et éthiques, et à ne pas faire d’ingérence en cryptant ou en utilisant des outils d’anonymat. En outre, elle a indiqué avoir pris note avec préoccupation que les outils développés par les acteurs privés pour des activités de surveillance et de brouillage des communications ont une interférence dans la vie privée et professionnelle des individus. Cette résolution est un document-clef s’agissant de la protection des droits humains dans le monde numérique, a-t-elle souligné en conclusion.
Après l’adoption du texte, les États-Unis ont expliqué se joindre au consensus car cette résolution réitère le droit à la vie privée et l’importance d’exercer le droit à la liberté d’opinion et de réunion, tel que prévu dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. La délégation a également réitéré son attachement à protéger les travaux des défenseurs des droits humains, tout en notant que les menaces pesant sur ces droits sont complexes et multidimensionnelles, en ligne et hors ligne. Elle a souligné l’importance de travailler en coopération pour contrer les activités de surveillance à leur égard. Par ailleurs, elle a indiqué que cette résolution s’inscrit dans la vision américaine concernant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avant de rappeler que, selon l’article 17 de ce pacte, les parties ne sont pas obligées à prendre en compte le principe de proportionnalité dans la mise en œuvre de leurs obligations.
Le Royaume-Uni s’est dit attaché au droit à la vie privé, renvoyant à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a salué le fait que les libellés du projet de texte respectent la nécessité d’inclure les personnes en situation de handicap.
Prévention du crime et justice pénale
Aux termes du projet de résolution «Suite à donner au quatorzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale et préparatifs du quinzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale » (A/C.3/77/L.2), recommandé par le Conseil économique et social (ECOSOC), soumis par le présidence de la Troisième Commission et adopté sans vote, l’Assemblée générale inviterait les gouvernements à prendre en compte la Déclaration de Kyoto visant à faire progresser la prévention de la criminalité, la justice pénale et l’état de droit: vers la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, adoptée par le quatorzième Congrès, dans l’élaboration de leur législation et de leurs directives.
L’Assemblée générale déciderait de tenir le quinzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale en 2026, avec l’objectif de continuer à tenir un congrès tous les cinq ans, à la lumière du processus de suivi intensif que la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale a entrepris pour veiller à l’application de la Déclaration de Kyoto.
Elle inviterait les États Membres à présenter des suggestions concernant le thème général, les points de l’ordre du jour et les sujets des ateliers du quinzième Congrès, et prierait le Secrétaire général d’inclure ces suggestions dans le rapport sur la suite à donner au quatorzième Congrès et les préparatifs du quinzième Congrès dont la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale sera saisie à sa trente-deuxième session.
Le Secrétaire de la Troisième Commission a indiqué que les activités de préparation du quinzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale devraient accroître la charge de travail du Secrétariat en 2025 et 2026, ce qui entraînerait des répercussions sur le projet de budget-programme de ces années. Il a toutefois relevé que la configuration du congrès proposé pourrait être révisée par rapport à celle des précédents congrès. Dès lors, il a dit ne pas être en mesure d’examiner les ressources nécessaires. Le projet de résolution A/C.3/77/L.2 n’a donc aucune incidence pour le budget-programme 2023, a-t-il précisé, ajoutant que les incidences budgétaires du texte seront examinées dans le projet de budget-programme des années concernées.
En vertu du projet de résolution intitulé « Réduction de la récidive grâce à la réadaptation et à la réinsertion » (A/C.3/77/L.3), recommandé par le Conseil économique et social (ECOSOC), soumis par le présidence de la Troisième Commission et adopté sans vote, l’Assemblée générale encouragerait les États Membres à élaborer des stratégies ou des plans d’action globaux propres à réduire la récidive grâce à des interventions efficaces en faveur de la réadaptation et de la réinsertion des personnes délinquantes.
L’Assemblée générale encouragerait notamment les États Membres à donner aux personnes délinquantes accès à des programmes de formation professionnelle et technique et à des programmes éducatifs afin de les aider à acquérir les aptitudes nécessaires à leur réinsertion. Elle encouragerait aussi les États Membres à promouvoir des approches et des programmes de réadaptation dans leurs systèmes judiciaires habilités à traiter des questions sociales ou de santé mentale.
L’Assemblée générale prierait par ailleurs l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime de convoquer la réunion d’un Groupe intergouvernemental d’experts à composition non limitée, en vue d’élaborer des stratégies types propres à réduire la récidive qui pourraient être utiles aux États Membres.
Par le projet de résolution intitulé « Renforcer l’action menée aux niveaux national et international, y compris avec le secteur privé, pour protéger les enfants contre l’exploitation et les atteintes sexuelles » (A/C.3/77/L.4), recommandé par le Conseil économique et social (ECOSOC), soumis par le présidence de la Troisième Commission et adopté sans vote, l’Assemblée générale engagerait les États Membres à instaurer et à renforcer des partenariats et des dialogues public-privé avec les fournisseurs d’accès à Internet et de services en ligne afin de faciliter le recours à des services sûrs, qui ne compromettent pas la sécurité des enfants, et d’appliquer des mesures appropriées pour la détection et le signalement des actes d’exploitation sexuelle et des atteintes sexuelles en ligne visant les enfants. Elle engagerait également les États Membres à prendre les mesures voulues pour restreindre l’accès aux contenus montrant des atteintes sexuelles sur enfants dans le cyberespace.
L’Assemblée générale prierait instamment les États Membres d’incriminer toutes les formes d’exploitation et d’atteintes sexuelles visant les enfants et de mettre en place les outils voulus pour identifier les victimes, lutter efficacement contre l’exploitation et les atteintes sexuelles visant les enfants et traduire en justice les auteurs de telles infractions. Elle prierait en outre les États parties au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, de respecter les obligations juridiques qu’ils ont contractées.
Elle encouragerait aussi les États Membres à adopter des mesures législatives pour prévenir les violences et pour protéger les enfants contre de tels actes, notamment en envisageant de prévenir, de détecter, de signaler et de supprimer les contenus en ligne montrant des actes d’exploitation sexuelle et des atteintes sexuelles sur enfants.
L’Assemblée générale engagerait par ailleurs les États Membres à échanger des informations sur leurs législations, politiques, procédures et pratiques nationales respectives, et à prendre conscience de la nécessité de disposer d’ensembles de données communs sur les contenus montrant des atteintes sexuelles sur enfants, tels que la base de données internationale sur l’exploitation sexuelle des enfants de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL).
Enfin, elle demanderait à l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime d’aider les États Membres qui le souhaitent à concevoir des stratégies et des mesures adaptées à l’âge et au genre pour prévenir et combattre l’exploitation et les atteintes sexuelles visant les enfants.