La Troisième Commission constate la pérennité du racisme systémique, malgré de timides avancées, et débat d’une définition contestée de l’antisémitisme
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a examiné aujourd’hui les points de son ordre du jour portant sur l’élimination du racisme et le droit des peuples à l’autodétermination, à l’occasion de dialogues avec la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme et six titulaires de mandat spéciaux, suivis d’une discussion générale. L’un des dialogues, centré sur la définition de l’antisémitisme, a donné lieu à un vif échange entre la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée et plusieurs délégations, en majorité occidentales.
À l’issue de la présentation effectuée par Mme Tandayi Achiume, Israël et le Guatemala, suivis des États-Unis, du Canada, de l’Uruguay et de plusieurs pays européens, dont la Hongrie, se sont opposés catégoriquement au libellé d’un paragraphe de son rapport appelant les États Membres à suspendre à la promotion de la définition de l’antisémitisme proposée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA). Les Nations Unies ne peuvent cautionner un rapport qui, en essence, infirme le mandat de son auteur, ont fait valoir les contradicteurs de la Rapporteuse spéciale. Celle-ci leur a répondu que la lutte contre les discours antisémites, et plus généralement contre la xénophobie et l’intolérance, relève plus que jamais de son mandat et que son rapport ne fait qu’appeler à un processus ouvert, transparent et inclusif pour lutter correctement contre l’antisémitisme.
Mme Achiume a d’autre part déploré que les condamnations de l’injustice et de l’inégalité raciales, consécutives aux manifestations de 2020, n’aient pas engendré une réorganisation fondamentale du droit, de la politique et de l’économie au niveau mondial. Face aux demandes de justice, certains États Membres ont apporté des réponses qui semblent, au mieux, s’apparenter au statu quo, a-t-elle regretté, fustigeant à ce titre le Royaume-Uni, qui, lors de la cinquante-et-unième session du Conseil des droits de l’homme, s’est opposé à une résolution qui réclamait des réparations pour la traite des esclaves et le colonialisme.
Faute de réelle volonté politique, l’élaboration de normes complémentaires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale n’a guère progressé, a renchéri la Présidente-Rapporteuse du Comité spécial chargé d’élaborer ces normes. Mme Kadra Ahmed Hassan s’est toutefois félicitée du dialogue entamé entre son comité et des experts à propos de l’impact historique du colonialisme sur toutes les formes contemporaines de discrimination fondée sur la religion ou la croyance. Elle a par ailleurs appelé à l’élaboration d’un Protocole additionnel à la Convention, un projet qui a divisé les États Membres.
La Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine s’est, pour sa part, réjouie des progrès enregistrés dans quelques États, notamment sous l’impulsion de la Déclaration et le Programme d’action de Durban. Pourtant, a-t-elle relevé, malgré l’attention mondiale accrue suscitée par la mort violente de George Floyd, aux États-Unis, l’usage excessif de la force et les meurtres de personnes d’ascendance africaine par les forces de l’ordre se poursuivent dans nombreux pays, et ce en tout impunité. Réitérant ses appels aux États Membres pour qu’ils abandonnent toute tentative de dissimulation du racisme, Mme Catherine S. Namakula a appelé de ses vœux l’élaboration d’un « indice international de justice raciale », qui refléterait les réalités vécues par les personnes d’ascendance africaine.
De son côté, la Présidente du Groupe d’éminents experts indépendants sur la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban s’est alarmée de la méconnaissance du public et des idées fausses véhiculées sur le « véritable contenu » des textes de Durban, y voyant des pierres d’achoppement à l’adhésion de nombre d’États. Mme Edna Maria Santos Roland a également estimé que l’une des principales faiblesses du Programme de développement durable à l’horizon 2030 est l’absence d’un engagement fort pour éliminer le racisme systémique, lequel a été considérablement aggravé par la crise liée à la COVID-19, selon la Présidente du Groupe de travail intergouvernemental chargée de faire des recommandations en vue de l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.
Mme Marie-Chantal Rwakazina a ainsi rappelé que les personnes appartenant à des minorités ethniques, notamment les Asiatiques et les personnes d’ascendance asiatique, ont été victimes de violences et de menaces accrues pendant la période pandémique. Selon elle, la création du Groupe de travail intergouvernemental a toutefois permis des échanges de bonnes expériences entre différentes parties du monde, ce qui a donné lieu à de nouvelles recommandations, dont celle d’un projet de déclaration des Nations Unies sur la promotion et le plein respect des droits humains des personnes d’ascendance africaine. Une déclaration qui, si elle se concrétisait, permettrait de réparer plus efficacement les violations et les injustices passées, a-t-elle plaidé.
Notée par Mme Rwakazina, l’exacerbation des discours de haine racistes pendant la pandémie a aussi été pointée par la Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui a mis l’accent sur leur propagation sur Internet et les réseaux sociaux. Les expressions racistes et xénophobes de certaines personnalités publiques ont ainsi contribué à alimenter la haine et la violence racistes contre les minorités nationales et ethniques, en particulier les personnes d’ascendance africaine et asiatique, les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, a déploré Mme Verene Shepherd.
Dans ce contexte, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme et Directrice du Bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a encouragés les États à collecter davantage de données au sujet des crimes de haine ou de la représentation déficitaire des personnes d’ascendance africaine. Ces données désagrégées, parfois volontairement négligées, devraient constituer le socle des lois combattant la discrimination, a fait valoir Mme Ilze Brands Kehris, qui a aussi rappelé la corrélation entre le droit à l’autodétermination et les droits humains.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 1er novembre, en dialoguant avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
ÉLIMINATION DU RACISME, DE LA DISCRIMINATION RACIALE, DE LA XÉNOPHOBIE ET DE L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE ET DROIT DES PEUPLES À L’AUTODÉTERMINATION
Déclarations liminaires suivies de dialogues interactifs
Exposé
Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme et Directrice du Bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a présenté trois rapports du Secrétaire général, les deux premiers portant sur l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, le troisième ayant trait au droit des peuples à l’autodétermination.
Le premier rapport, intitulé « Appel mondial à l’élimination totale du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et mise en œuvre intégrale et suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban » (A/77/294), donne des exemples de mesures prises par les États Membres, les mécanismes de suivi de Durban et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) pour mettre en œuvre les textes de Durban et lutter contre la discrimination raciale, a précisé Mme Brands Kehris. La Sous-Secrétaire générale s’est félicitée des progrès réalisés en la matière par certains États, en partie grâce à la promulgation ou à la modification de protections constitutionnelles et législatives. Ces efforts bienvenus contre le racisme systémique et le recours à la force gagneraient toutefois à être soutenus par la coopération internationale et un financement à tous les échelons, du local à l’international, a-t-elle souligné.
Le deuxième rapport du Secrétaire général, intitulé « Mise en œuvre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine’ (A/77/333) se concentre sur la collecte et l’utilisation de données désagrégées dans le cadre des efforts de promotion et de protection des droits humains des personnes d'ascendance africaine, a poursuivi Mme Brands Kehris. Il s’appuie sur les observations et recommandations formulées par les mécanismes internationaux des droits de l’homme et sur les contributions reçues de six États Membres, a-t-elle expliqué. La Sous-Secrétaire générale a encouragé les États à collecter des données, parfois ignorées, concernant notamment les crimes de haine et la représentation des personnes d’ascendance africaine aux postes décisionnels, mais aussi la santé, le logement, l’éducation et d’autres secteurs sociaux.
Les données désagrégées doivent être à la base des lois combattant la discrimination, a fait valoir Mme Brands Kehris. Selon elle, un obstacle sur cette voie est la réticence de certains États à recueillir des données ventilées, de crainte que ces informations n’exposent les groupes raciaux ou ethniques marginalisés à davantage de discriminations. Cette fragmentation risque d’entraver les efforts de lutte contre le racisme, a-t-elle averti, plaidant pour une approche fondée sur les droits humains et prévoyant le recueil de données avec le consentement exprès des personnes et avec des garanties de confidentialité et de sécurité.
Le troisième rapport du Secrétaire général, dédié au « droit des peuples à l’autodétermination » (A/77/265), examine les développements concernant la réalisation universelle de ce droit dans le contexte des principaux organes des Nations Unies et des mécanismes relatifs aux droits de l’homme, a indiqué Mme Brand Kehris. Il fournit en outre des indications sur la manière dont le droit à l’autodétermination est actuellement interprété et attire l’attention sur les liens qui existent avec d’autres droits de l’homme. Le nombre de références à ce droit dans les rapports, résolutions et décisions des principaux organes et mécanismes des Nations Unies témoigne, selon la Sous-Secrétaire générale, de l’engagement du système des Nations Unies sur la question. Cela démontre également l’importance continue du droit à l’autodétermination comme moyen de parvenir à la pleine jouissance des droits de l’homme, ainsi qu’à une paix et un développement durables, a-t-elle conclu.
Dialogue interactif
À la suite de l’exposé de Mme Brands Kehris, les États-Unis se sont inquiétés de la situation des droits humains au Bélarus, au Myanmar, au Venezuela, en Iran, en Éthiopie, en Syrie, en Afghanistan, en Ukraine et en Chine. Ils ont appelé cette dernière à libérer les prisonniers arbitrairement détenus et ont condamné les « atteintes ignobles » commises par les forces russes en Ukraine. La délégation a par ailleurs salué les conclusions de la Sous-Secrétaire générale pour ses conclusions concernant les violations des droits humains des femmes et des filles en Afghanistan.
La Chine a souhaité répondre aux « allégations » américaines. Les États-Unis utilisent Hong Kong, le Tibet et d’autres dossiers pour « semer la désinformation » au lieu d’aborder leurs questions nationales ou des situations dans lesquelles ils ont des responsabilités, notamment en Afghanistan, a dénoncé la délégation chinoise. Une position partagée par la Fédération de Russie, qui a dénoncé l’attitude « non constructive » des États-Unis, avant de féliciter la Sous-Secrétaire générale pour son travail dans le cadre de la mise en œuvre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.
La Namibie a, pour sa part, fait observer que les impacts du colonialisme demeurent après le départ des occupants, avant de rappeler que 79 territoires à l’ordre du jour des Nations Unies restent non autonomes à ce jour. Elle a d’autre part réitéré son engagement en faveur de la solution des deux États au Proche-Orient et sa solidarité avec ses « frères Sahraouis ». Les Nations Unies doivent faire davantage pour promouvoir le droit des peuples à l’autodétermination si elles veulent éviter d’être accusées de laxisme, a-t-elle ajouté.
Répondant à ces observations, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a attiré l’attention de la Troisième Commission sur les recommandations figurant dans les rapports qu’elle a présentés, qui portent sur la mise en œuvre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, sur le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et sur les conclusions concernant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Exposé
Mme Catherine S. NAMAKULA, Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, a rappelé que deux ans se sont écoulés depuis le meurtre de George Floyd par la police aux États-Unis et les protestations mondiales contre le racisme. Pourtant, a-t-elle déploré, malgré l’attention mondiale portée à cette question, l'usage excessif de la force et les meurtres de personnes d’ascendance africaine par les forces de l’ordre se poursuivent en toute impunité dans de nombreux pays. Elle a, par conséquent, jugé nécessaire d’adopter des approches multisectorielles ciblées qui mettent l’accent sur la responsabilité afin de faire cesser cette tendance. Réitérant ses appels aux États Membres pour qu’ils abandonnent toute tentative de dissimulation du racisme, la Présidente a également appelé à l’élaboration d’un indice international de justice raciale reflétant les réalités vécues par les personnes d’ascendance africaine, en vue de mesurer les performances des États dans ce domaine.
Les États Membres devraient en particulier faire preuve de prudence et de diligence dans le traitement des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile d'ascendance africaine et garantir leur accès à la sécurité, au développement et à la justice, a notamment recommandé Mme Namakula, saluant à cet égard les mesures prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d'action de Durban, le programme d’activités de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine et l’agenda pour un changement transformateur en faveur de la justice et de l'égalité raciales établi par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). En outre, elle s’est félicitée de l’opérationnalisation du Forum permanent des personnes d’ascendance africaine, de la création du Mécanisme d’experts indépendants sur l’application des lois et de la capacité accrue du siège et des bureaux de terrain du HCDH à répondre à ces préoccupations.
Rappelant avoir discuté de la situation des enfants d’ascendance africaine lors de la session publique du Groupe de travail en mai de cette année, Mme Namakula a fait observer que ces enfants continuent de subir la discrimination raciale issue des héritages non résolus du commerce et de la traite des Africains réduits en esclavage, du colonialisme, de l’apartheid post-colonial et de la ségrégation. Les enfants d’ascendance africaine ne sont pas du tout considérés comme des enfants, a-t-elle constaté, faisant état de « faux stéréotypes raciaux » sur la criminalité, la culpabilité et la dangerosité. Par ailleurs, les forces de l’ordre sont en conflit avec les enfants d’ascendance africaine, a dénoncé la Présidente, selon laquelle ces enfants sont représentés de manière disproportionnée dans le système de justice pénale. Elle a donc appelé les États à « réduire l’empreinte de la police dans la vie des enfants d’ascendance africaine », notamment en adoptant une approche de la sécurité publique axée sur la santé publique. Dans de nombreux États, on constate des disparités raciales persistantes dans les interventions auprès des familles par les agences de protection de l’enfance et les services sociaux, y compris le retrait des enfants et la résiliation des droits parentaux, qui impliquent souvent des décisions et des résultats racialisés, a-t-elle relevé.
Évoquant ensuite l’élaboration de la Déclaration sur la promotion et le plein respect des droits humains des personnes d’ascendance africaine, la Présidente a souhaité qu’elle réitère l'appel lancé aux États pour qu'ils assurent la protection du droit à la vie, à l'intégrité physique et mentale, à la liberté et à la sécurité de ces personnes, sans aucune discrimination, et qu’ils adoptent des mesures pour prévenir les actes de violence à motivation raciale à leur encontre. Enfin, Mme Namakula a exprimé sa préoccupation quant au traitement effroyable des migrants et des travailleurs migrants africains et aux graves violations de leurs droits fondamentaux. La tragédie de l’esclavage ne peut se répéter, a-t-elle mis en garde, faisant notamment référence à la manifestation de formes contemporaines d’esclavage au Moyen-Orient et dans les États du Golfe.
Dialogue interactif
Dans la foulée de cette présentation, la Côte d’Ivoire a voulu connaître les recommandations du Groupe de travail d’experts quant à la nécessité d’initiatives telles que l’octroi de bourses d’études et de renforcement des capacités pour les enfants d’ascendance africaine. L’Union européenne s’est ensuite interrogée sur la façon de faire davantage de sensibilisation dans le milieu scolaire à propos de la discrimination raciale. À son tour, le Portugal, observant que les manuels scolaires ne reflètent pas la réalité de l’histoire du racisme, s’est demandé ce que peut faire le secteur privé pour s’assurer que les massacres de personnes d’ascendance africaine ne soient pas oubliés dans l’enseignement. De son côté, le Brésil a assuré sensibiliser sa population à la couleur de peau et la protection des droits humains des personnes d’ascendance africaine.
Le Cameroun s’est interrogé sur les mesures recommandées pour lutter contre les stéréotypes négatifs dans les discours politiques et les médias qui présentent les enfants d’ascendance africaine comme des délinquants. L’Algérie a souhaité savoir comment veiller à ce que les politiques publiques soient conformes à ce qui est prévu dans la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour lutter correctement contre le racisme.
À la suite des États-Unis, qui ont voulu savoir comment collaborer davantage avec le Groupe de travail d’experts et la société civile pour aborder les problématiques touchant les personnes d’ascendance africaine, la Fédération de Russie a dénoncé les crimes odieux commis pendant l’époque coloniale par « es pays occidentaux civilisés « , appelant à ce qu’il y ait des enquêtes à ce sujet. Les dommages encourus doivent donner lieu à réparation, a jugé la délégation, déplorant aussi le sort des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée. La République arabe syrienne a, pour sa part, relevé que le rapport reproche aux États-Unis d’éviter d’ouvrir les yeux sur l’oppression dont les familles d’ascendance africaine sont victimes.
Dans sa réponse aux délégations, la Présidente du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine a rappelé la nécessité d’adopter une approche multisectorielle. On voit que des stéréotypes négatifs se répètent, a-t-elle signalé, avant d’appeler à éviter que ces préjugés atteignent les enfants en leur inculquant des valeurs dès le début de l’enseignement. Cette tendance se fait jour dans différentes parties du monde, a constaté Mme Namakula, qui a indiqué qu’au Moyen-Orient, par exemple, certaines personnes d’ascendance africaine sont victimes de trafics d’organe ou de formes contemporaines d’esclavage.
La Présidente a également jugé préoccupant que les organisations d’ascendance africaine disposent de peu de financement. Il est essentiel qu’elles participent davantage aux discussions sur les sujets qui les concernent, a-t-elle plaidé. Enfin, s’agissant de ses recommandations, elle a appelé à les transposer dans des cadres juridiques internes, pour permettre notamment aux requérants de déposer plainte et d’obtenir réparation.
Exposé
Mme EDNA MARIA SANTOS ROLAND, Présidente du Groupe d’éminents experts indépendants sur la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a expliqué que le rapport du Groupe n'est pas encore disponible, mais qu’il fait état d’une profonde préoccupation face à la désinformation constante et au manque de connaissances du public sur le véritable contenu de la Déclaration de Durban. Cette situation est notamment à l’origine du boycott de plusieurs États de la réunion de haut niveau commémorant le vingtième anniversaire de la Déclaration en septembre 2021, a-t-elle déploré.
Au cours de sa huitième session, a poursuivi la Présidente, le Groupe s’est penché sur le lancement de lois, de campagnes d’éducation et d’information publique inspirés du Programme d’action. Une discussion sur le racisme lié aux urgences mondiales, aux catastrophes naturelles, aux crises sanitaires et à la justice climatique a également eu lieu, de même que sur la discrimination accrue à l’égard des réfugiés, des migrants, des personnes déplacées et sur les récents développements mondiaux qui l’aggravent davantage. Le Groupe a également exploré les liens entre le racisme et l’intolérance religieuse, a-t-elle ajouté, notant que leur absence du Programme 2030 témoigne d’un manque d’engagement à éliminer le racisme systémique. Soulignant l’importance du soutien du Conseil des droits de l’homme dans le renouvellement du mandat du Groupe d’experts indépendants, elle a salué la création de l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine, et les résultats les plus concrets de la Déclaration de Durban.
Dialogue interactif
À la suite de son exposé, l’Afrique du Sud a voulu savoir ce que pouvaient faire les États Membres afin de lutter contre la campagne de désinformation délibérée contre la Déclaration et le Programme d’action de Durban. Jugeant peu reluisant le bilan de la Déclaration et du Programme d’action, la Côte d’Ivoire a expliqué ce résultat par la persistance de pratiques millénaires qui résistent encore à l’épreuve du temps. Dans ce contexte, la délégation a exhorté la communauté internationale à redoubler d’efforts pour faire face à ce fléau qui n’épargne aucune région du monde. Le Chili a lui aussi reconnu que beaucoup reste à faire en matière d’application de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, les difficultés ayant été exacerbées par la pandémie de COVID-19. L’Algérie a pointé du doigt le manque de volonté politique et de ressources dédiées, déplorant elle aussi le niveau de désinformation qui circule sur le contenu de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. Quelle a été la contribution de la célébration du 20ème anniversaire de la Déclaration à la résolution de ces problèmes? La Fédération de Russie a tancé les États Membres ayant boycotté la célébration du vingtième anniversaire de la Déclaration, critiquant leur mauvaise interprétation des objectifs et contenu de ces documents. Cette position, selon la délégation, torpille tous les efforts internationaux de lutte contre le racisme. Le Brésil a indiqué, pour sa part, avoir fourni davantage de possibilités aux brésiliens d’ascendance africaines créant ainsi un modèle fructueux ce qui a permis de lutter directement contre les stéréotypes négatifs.
Exposé
Mme MARIE CHANTAL RWAKAZINA, Présidente du Groupe de travail intergouvernemental chargé de faire des recommandations en vue de l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a présenté le rapport de la dix-neuvième session du Groupe de travail intergouvernemental en appelant les États à adopter et mettre en œuvre des plans d’action nationaux complets contre la discrimination raciale. En effet, la responsabilité de la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée incombe principalement aux États, a insisté la Présidente, selon laquelle les plans d’action nationaux devraient promouvoir la diversité, l’égalité, l’équité, la justice sociale et l’égalité des chances. Les États sont également invités à intensifier leurs efforts pour favoriser la coopération bilatérale, régionale et internationale dans la mise en œuvre des plans d’action nationaux, a-t-elle ajouté, avant de plaider pour que les programmes nationaux d’éradication de la discrimination raciale, de la pauvreté et de la réduction des inégalités sociales soient centrés sur les besoins, les expériences et les recommandations des personnes qui en sont victimes.
Mme Rwakazina a ensuite relevé avec inquiétude l’impact disproportionné de la pandémie de COVID-19 sur les inégalités existantes au sein des sociétés et entre les pays. Elle a regretté que, dans ce contexte, les personnes appartenant à des minorités raciales et ethniques, notamment les Asiatiques et les personnes d’ascendance asiatique, et en particulier les femmes et les filles, aient été victimes de violences racistes, de menaces de violence, de discrimination et de stigmatisation. La Présidente du Groupe a exhorté les États à s’attaquer à ce problème et ne laisser personne de côté, conformément à la promesse du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle a d’autre part indiqué qu’en tant que mécanisme de suivi, le Groupe de travail intergouvernemental a apporté une contribution précieuse à la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et à la promotion de l’égalité raciale en général. Depuis la création du Groupe de travail, a-t-elle poursuivi, il a été procédé à un échange de bonnes expériences de différentes parties du monde, ce qui a abouti à l’adoption de recommandations tournées vers l’avenir. Mme Rwakazina s’est félicitée à ce propos que le Groupe de travail soit parvenu à une compréhension commune de questions parfois difficiles.
Bien que le rapport de la vingtième session du Groupe de travail intergouvernemental ne soit pas encore prêt, cette session ayant eu lieu il y a seulement deux semaines, la Présidente a partagé certains développements importants, relatifs notamment à la décision de l’Assemblée générale de charger le Groupe d’élaborer un projet de déclaration des Nations Unies sur la promotion et le plein respect des droits humains des personnes d’ascendance africaine. À ses yeux, cette déclaration fournira un cadre mondial pour aborder la nature systémique du racisme qui affecte la vie de millions de personnes d’ascendance africaine dans le monde. Elle contribuera, en outre, à confronter et à réparer plus efficacement les violations et les injustices passées et leurs conséquences actuelles en encourageant des actions concrètes, a souligné Mme Rwakazina. De surcroît, cette déclaration constituera une orientation cruciale pour l’édification de sociétés égales et justes pour les personnes d’ascendance africaine et renforcera l’état de droit, la démocratie, la paix et le développement de manière plus générale, ce qui profitera à l’ensemble des sociétés, a-t-elle assuré, avant de rappeler que le programme de lutte contre le racisme appartient à tous et que la réalisation de la dignité humaine et de l’égalité est un devoir collectif.
Dialogue interactif
Suite à cet exposé, la Fédération de Russie a regretté que les personnes d’ascendance africaine ne peuvent toujours pas jouir de leurs droits humains, décriant les fruits d’un passé colonialiste et des crimes commis par l’Occident. La Déclaration et le Programme d’action du Durban permettront de lutter contre cette réalité honteuse, a espéré le délégué, à condition que soit inclue une réflexion sur les conditions profondes favorisant l’apparition du racisme systémique.
Répondant à ces observations, la Présidente du Groupe de travail intergouvernemental chargé de faire des recommandations en vue de l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban a rappelé que son projet de déclaration est encore en cours de discussions, lesquelles se poursuivront lors de la vingt et unième session du groupe de travail sur la Déclaration et le Programme d’action de Durban.
Débat général
Mme RABIA IJAZ (Pakistan), s’exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine, s’est inquiétée de la résurgence alarmante du racisme dans les sociétés. Malgré des efforts déployés pour éliminer le racisme, la discrimination raciale ou encore la xénophobie, des formes historiques et nouvelles d’injustice persistent dans tous les milieux, a-t-elle déploré. La représentante s’est dite particulièrement préoccupée par l’incitation croissante à la haine et à l’intolérance, ainsi que par le profilage racial et les stéréotypes négatifs. En outre, elle a condamné l’utilisation abusive des technologies de l’information et des communications (TIC) et d’Internet, qui servent de refuge aux groupes prônant la supériorité raciale, l’intolérance, les discours de haine et l’incitation à la haine. Appelant les dirigeants politiques, religieux et les personnalités des médias à assumer leurs responsabilités dans la lutte contre les discours de haine et les stéréotypes, elle a souligné le rôle essentiel joué par l’éducation pour lutter contre la diffusion de messages de racisme et de discrimination raciale.
Estimant d’autre part que la Déclaration et le Programme d’action de Durban de 2001 restent une base solide pour lutter contre le racisme, la représentante a souhaité que les mécanismes de suivi soient dotés des ressources nécessaires à leur fonctionnement. Enfin, elle a indiqué que, comme chaque année, le Groupe des 77 et la Chine présentera lors de cette session une résolution sur l’« Appel mondial à une action concrète en vue de l’élimination du racisme et de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, et de l’application intégrale et du suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban ».
Au nom du groupe de 50 pays, M. ROBERT KEITH RAE (Canada) a exprimé sa grande préoccupation face à la situation des droits humains en Chine, en particulier les violations continues des droits humains des Ouïghours et des autres minorités majoritairement musulmanes du Xinjiang. La publication récente du rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) corrobore cette inquiétude de manière impartiale et objective, a-t-il estimé. Les cas de détention arbitraire dont souffrent ces minorités pourraient constituer des crimes internationaux, notamment des crimes contre l’humanité, a souligné le représentant, selon lequel des violations aussi graves et systématiques des droits humains ne peuvent être justifiées par la lutte contre le terrorisme. Déplorant que la Chine ait jusqu’à présent refusé de discuter de ces conclusions, il a appelé le pays à respecter ses obligations internationales et à prendre des mesures pour libérer toutes les personnes arbitrairement privées de liberté au Xinjiang. Il a également enjoint la Chine à clarifier de toute urgence le sort des personnes disparues.
Au nom d’un groupe de 66 pays, M. ALEJANDRO GONZÁLEZ BEHMARAS (Cuba) a appelé au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, rappelant qu’il s’agit là de principes consacrés par la Charte des Nations Unies. Il a également souligné l’importance de la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays, qui est une norme essentielle régissant les relations internationales. À cet égard, les situations au Xinjiang, à Hong Kong et au Tibet relèvent des affaires intérieures de la Chine, a fait valoir le représentant, qui a fustigé la politisation des droits humains et d’autres politiques « à géométrie variable ».
Mme VICTORIA LIETA LIOLOCHA (République démocratique du Congo), au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) s’est alarmée de la résurgence du racisme, de l’intolérance et de la montée des discours de haine. Elle a réaffirmé l’importance de l’application intégrale et effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et a appelé à la ratification universelle de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
La représentante s’est ensuite félicitée de l’adoption, par le Conseil des droits de l’homme, de la résolution intitulée « De la rhétorique à la réalité: Appel mondial en faveur d’une action concrète contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée » qui demande notamment que soient renforcées les campagnes de sensibilisation afin d’accroître la visibilité du message de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. Elle a dit attendre avec intérêt l’adoption du projet de résolution intitulée: « Appel mondial pour une action concrète en vue de l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et de l’application intégrale et du suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban », qui sera proposé à la présente session de la Commission.
M. STAN ODUMA SMITH (Bahamas), au nom de la Communauté des Caraïbes, a rappelé que le fléau de l’héritage de l’esclavage et du colonialisme continue de saper le droit au développement, les principes de la Charte des Nations Unies et de la Charte internationale des droits de l’homme. Le racisme et la discrimination raciale empêchent les personnes d’ascendance africaine de tirer le meilleur parti de leur potentiel économique, a-t-il souligné, déplorant la persistance de l’exclusion économique, l’augmentation de la pauvreté et l’inégalité dans les pays où vivent des personnes d’ascendance africaine.
Par ailleurs, il a fait observer que la pandémie de COVID-19 a affaibli les principes des droits humains et a gravement élargi le fossé économique et financier qui a affecté de manière disproportionnée les pays en développement, principalement les personnes d’ascendance africaine. Il a également pointé du doigt les effets des changements climatiques, de la sécurité alimentaire et de l’instabilité des prix de l’énergie, plus durement ressentis par les personnes d’ascendance africaine. En outre, les pratiques et politiques financières et économiques établies par les pays développés, les donateurs et les institutions ne sont pas adaptés pour répondre efficacement aux besoins des personnes d’ascendance africaine, a-t-il estimé.
L’éradication du « racisme économique et financier » est plus qu’une correction morale, c’est un bien mondial et une dette due depuis longtemps aux personnes d’ascendance africaine, a-t-il martelé, exhortant les États Membres et autres acteurs à examiner d’un œil critique l’étendue et l’impact de la discrimination raciale économique et financière. Enfin, le délégué s’est réjoui de la création récente de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine, attendant avec impatience sa première session, du 5 au 8 décembre 2022, à Genève.
Au nom du Système d’intégration d’Amérique centrale, Mme JOAN MARGARITA CEDANO (République dominicaine) a rappelé qu’aucun État ne peut faire face seul à la question de la migration. Ces dernières années, a-t-elle relevé, la migration intrarégionale a considérablement augmenté. Cette tendance devrait se poursuivre, notamment dans le contexte de la pandémie de COVID-19, a indiqué la représentante, selon laquelle il convient d’aborder la question de la migration, notamment la migration irrégulière, de manière conjointe, par le biais de la coopération et du dialogue. Elle a également fait valoir que les personnes migrantes contribuent à répondre aux défis de la baisse démographique ainsi que de la pénurie de main d’œuvre.
La déléguée a ensuite exprimé sa préoccupation face au nombre croissant d’enfants et d’adolescents non accompagnés sur les routes migratoires. Alertant contre les risques de traite des personnes, elle a plaidé pour une riposte concertée et une coopération renforcée entre les pays d’origine, de transit et de destination. Elle s’est par ailleurs alarmée de la mobilité accrue des populations en raison des effets des changements climatiques sur les moyens de subsistance, appelant à faire preuve d’une plus grande solidarité, en particulier dans les situations d’urgence. La représentante a exhorté les États, les organisations et les différents acteurs à se pencher sur les conséquences des urgences humanitaires sur les personnes migrantes, mais aussi à développer des politiques et programmes internationaux incluant la dimension de genre. Enfin, elle a invité les États à intégrer la migration dans leurs stratégies de développement, en s’acquittant de leurs obligations en matière de protection des personnes migrantes.
Au nom d’un Groupe de pays, M. ABDULAZIZ M. ALWASIL (Arabie Saoudite) a exhorté les États Membres et groupes régionaux à entreprendre des démarches préventives pour parvenir à un dialogue et à un échange fructueux des idées pour la promotion des droits de la personne. Il a encouragé à travailler main dans la main afin de renforcer la coopération en appui aux droits humains, appelant à prendre en compte les circonstances nationales et locales auxquelles les différents pays font face. Il a également appelé à respecter, également, la diversité culturelle, religieuses, civilisationnelle entre les sociétés et les États.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, Mme TEBOHO JULIAH BABEDI (Afrique du Sud) s’est dite inquiète du fait que le Groupe d’éminents experts indépendants sur la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban fassent état d’une mise à l’écart de ce processus en raison de défis permanents, y compris la pandémie de COVID-19. Constatant que le travail du Groupe d’éminents experts indépendants a connu des complications au cours des deux dernières années, la représentante a ainsi déploré les boycotts continus d’importantes réunions de haut niveau des Nations Unies sur ces questions et la désinformation généralisée sur le contenu et le contexte historique de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. À l’instar du rapport du Secrétaire général, a-t-elle ajouté, le Groupe des États d’Afrique juge nécessaire de mener des campagnes pour améliorer l’éducation aux droits humains dans le monde entier, en particulier auprès des jeunes, afin de faire largement connaître et comprendre les instruments internationaux des droits de l’homme, y compris les objectifs de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. Pour finir, la déléguée a invité la communauté internationale à continuer d’appuyer la mise en œuvre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine avant son expiration en 2024.
M. EDBROOKE (Liechtenstein) a rappelé son attachement au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, avant de souligner l’importance de l’autodétermination en tant qu’élément de prévention des conflits. Alors que nombre de conflits découlent d’un manque d’autonomie, il a estimé que le droit à l’autodétermination ne saurait être circonscrit au seul contexte de la décolonisation. Le délégué a ainsi fait état d’études selon lesquelles le fédéralisme est une des réponses aux conflits découlant de problématiques autonomistes. Mieux comprendre le lien entre l’autodétermination et les conflits permettrait de prévenir des violations des droits humains, a fait valoir le représentant en faisant mention de la guerre en Ukraine.
Mme AHAMED MOHAMMED (Kenya)a rappelé le lien entre conflits et exclusion, exhortant les organisations multilatérales à tout mettre en œuvre pour le combattre. À ce titre, la déléguée a estimé que les Nations Unies se doivent de donner l’exemple, en excluant tout d’abord le harcèlement et la discrimination au sein de l’Organisation. Les États Membres doivent quant à eux prendre des mesures concrètes et mesurables pour lutter contre le racisme, notamment dans le domaine de l’éducation et de l’emploi, a-t-elle plaidé. Enfin, après avoir fustigé des comportements biaisés à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, elle a invité l’ensemble des États Membres à mettre en œuvre le Mécanisme de suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.
M. DAI BING (Chine) a rejeté les accusations des États-Unis et d’autres pays occidentaux, estimant que ces déclarations mensongères ne sauraient effacer les progrès considérables réalisés dans la région du Xinjiang. Ces pays veulent déstabiliser la Chine et maintenir leurs hégémonies, a accusé le représentant, avant de dénoncer l’hypocrisie des accusateurs. Le délégué a ainsi évoqué la mort de l’Afro-Américain George Floyd aux États-Unis ainsi que la situation dans la prison de Guantanamo. Beaucoup d’anciennes puissances coloniales se targuent aujourd’hui d’être pionnières en matière des droits humains, alors qu’elles ne savent même pas améliorer le quotidien de leurs citoyens dans le contexte actuel d’inflation rampante, a-t—il ajouté.
M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela), qui s’est exprimé au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, est revenu sur la valeur que le Groupe donne à la lutte contre les diverses formes de racisme. La domination de certains groupes par d’autres constitue une dette qui doit être réparée une fois pour toutes, sans plus attendre, a-t-il insisté. Il a exhorté tous les États à criminaliser toute manifestation de haine, et condamné la résurgence de tendances fascistes et autres qui supposent la supériorité de certains êtres humains sur d’autres. Il a notamment jugé immoral que certains gouvernements, tout en essayant de donner des leçons de bonne gouvernance au reste du monde, aient été incapables de garantir pleinement le droit à la non-discrimination de leurs propres citoyens, tout en le promouvant activement par l’imposition illégale de mesures coercitives unilatérales, qui touchent aujourd’hui plus d’un tiers de l’humanité. Les principes de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a ajouté la délégation constituent la feuille de route du Groupe des Amis sur le chemin de la mise au ban du racisme et phénomènes liés.
M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud), a constaté que 20 ans après l’adoption de la Déclaration et Programme d’action de Durban, certaines formes de racisme continuent de prévaloir dans le monde entier. Nous avons fait fi des mécanismes et des accords que nous avions nous-même élaborés, a-t-il déploré, rappelant que ces structures avaient pour objectif de permettre à la communauté internationale de réfléchir au racisme. Nous avons au contraire prononcé des jugements de valeur qui contreviennent à ces instruments, a-t-il affirmé, dénonçant une politisation qui permet à certains États de se cacher derrière leur petit doigt.
Il a ainsi appelé à aborder les causes systémiques du racisme et à éviter la politisation de la question de race. Certains utilisent cette thématique pour attaquer d’autres États, a-t-il remarqué. Il a également exhorté à ne plus ignorer que le racisme a imprégné toutes les formes de développement économique et social. Nous l’avons vu dans la pandémie et dans la façon dont on lutte contre les changements climatiques, a-t-il souligné. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde économique et social vraiment inégal, a-t-il déploré, regrettant que cette tendance n’ait jamais été abordée comme elle l’aurait dû être.
M. STEPAN Y. KUZMENKOV (Fédération de Russie) a dénoncé les accusations formulées par le Canada et d’autres pays occidentaux à l’encontre de la Chine sur la question du Xinjiang, les qualifiant d’« absurdes et sans fondement ». Hélas, a-t-il déploré, le rapport « déplacé et biaisé » du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sur le Xinjiang a contribué à la propagation de ces fausses accusations. Le représentant a également pointé la campagne de haine sans précédent menée cette année contre son pays. Il s’est inquiété du fait que cette « russophobie assumée », avouée même par certains acteurs politiques de l’Union européenne, ne soit plus une pratique marginale mais une tendance de fond, au point de se transformer en un élément de politique gouvernementale. Les victimes de ces manifestations sont notamment des enfants qui sont exposés à un harcèlement pur et simple, même dans les écoles, tant de la part de leurs camarades de classe que des enseignants et de l’administration des établissements d’enseignement, a-t-il fait observer. Avant de conclure, le délégué a exhorté le HCDH et le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur les formes contemporaines de racisme à prêter une attention accrue à cette pratique « honteuse et inacceptable ».
M. HELENA NDAPEWA KUZEE (Namibie) a insisté sur l’importance de l’autodétermination, considérant que l’inscription de dix-sept territoires non autonomes à l’ordre du jour de l’ONU appelle à redoubler d’efforts pour faire avancer la décolonisation. Il a dénoncé les injustices que continue de subir le peuple palestinien, y voyant la nécessité urgente d’une solution à deux États. Il a ensuite déploré le manque de progrès dans la mise en œuvre des résolutions sur le Sahara occidental, arguant de l’impératif moral d’être solidaires des Sahraouis jusqu’à ce que leur droit à l’autodétermination soit réalisé.
M. IGOR PILIPENKO (Bélarus) a déploré que le racisme et ses dérivés soient devenus des instruments politiques sciemment utilisés et cultivés par certains États. Les violations des droits humains sur la base de l’appartenance ethnique ou nationale se sont accrues, a constaté le délégué, précisant que le Bélarus en est également la cible. Il a notamment rappelé que le pays fut aux prises de l’Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale. Or, certains pays européens couvrent des criminels coupables de génocide au Bélarus lors de cette guerre, a fustigé le délégué, qui s’est ainsi félicité de voir son pays déclarer l’absolue nécessité d’éliminer la réhabilitation du nazisme. Le délégué a soutenu à ce titre la Russie, qui a proposé une résolution en ce sens. La lutte contre le racisme sert aussi de prétexte à certains États pour s’immiscer dans les affaires intérieures des autres, a en outre regretté le délégué, prenant la défense de la Chine.
Reprise des déclarations liminaires suivies de dialogues interactifs
Exposé
Mme VERENE SHEPHERD, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a présenté le rapport annuel de son organe en précisant qu’il traite en premier lieu de la persistance et de l’augmentation des discours de haine raciste et des crimes de haine, en particulier sur Internet et les réseaux sociaux. Ce phénomène a été exacerbé par la pandémie de COVID-19, a-t-elle constaté, rappelant que certains groupes spécifiques ont été accusés de propager le virus et que certaines personnalités publiques se sont livrées à des expressions racistes et xénophobes qui ont contribué à alimenter la haine et la violence racistes contre les minorités nationales et ethniques, en particulier les personnes d’ascendance africaine, les peuples autochtones, les Asiatiques et les personnes d’ascendance asiatique, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile. Le Comité a, d’autre part, suivi de près la situation des personnes d’ascendance africaine, des peuples autochtones et des autres minorités, s’intéressant à la marginalisation et la discrimination auxquels font face ces groupes de population, notamment en termes d’accès à l’emploi, à l’éducation, au logement, aux services de santé et sociaux, et aux affaires publiques et politiques. Enfin, a-t-elle indiqué, le Comité s’est penché sur la situation préoccupante des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, notant qu’un grand nombre d’entre elles se sont vu refuser ou ont eu un accès limité aux services de base.
Mme Shepherd est amplement revenue sur les activités du Comité, déplorant à cet égard que la présentation tardive et la non-présentation de rapports restent un défi: au moment de l'adoption du présent rapport annuel, 84 rapports d’États parties étaient en retard, a-t-elle relevé, avant d’encourager les États parties dont les rapports sont en retard à opter pour la procédure de rapport simplifiée, qui permet d’économiser temps et ressources pour toutes les parties concernées. La Présidente a ensuite regretté que, depuis l'année dernière, aucun nouvel État partie n’ait reconnu la compétence du Comité pour examiner des communications individuelles au titre de l’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette procédure offre pourtant un moyen supplémentaire aux victimes de discrimination raciale d’obtenir justice lorsque les voies de recours internes sont incapables de le faire, a-t-elle fait valoir.
Le Comité, a-t-elle poursuivi, a également initié trois commissions de conciliation interétatiques ad hoc et, dans le cadre de la procédure d’alerte rapide et d’action urgente, a examiné des situations concernant huit. Les situations examinées concernaient les droits fonciers des peuples autochtones, la discrimination dans l’éducation à l’encontre des minorités ethniques et le recours excessif à la force par les forces de l’ordre contre les personnes d’origine africaine.
La Présidente a ensuite salué la décision des présidents des organes de traité d’établir un calendrier prévisible d’examen sur huit ans, se disant convaincue qu’il apportera un certain nombre d’avantages à toutes les parties prenantes, et notamment l’égalité de traitement entre tous les États parties. Pour le mettre en œuvre, une augmentation des ressources allouées aux organes de traité sera toutefois inévitable, a-t-elle averti, invitant l’ONU à ne pas faire échouer ce « changement de paradigme » en raison de contraintes financières. Selon Mme Shepherd, l’augmentation du nombre de traités, de ratifications et de la charge de travail qui en découle au fil des ans a créé des arriérés auxquels, malgré des injections occasionnelles de ressources, les organes de traité et leurs « petits secrétariats » ne peuvent tout simplement pas faire face avec le niveau de ressources actuel.
Dialogue interactif
À l’issue de cet exposé, les États-Unis ont salué les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale présentées en août dernier à Genève, qui invitent les États Membres à s’attaquer aux problèmes d’injustice « chez eux ». Comment la communauté internationale et les États parties peuvent-ils contribuer à l’universalité de la Convention, s’est enquise l’Union européenne, qui a également souhaité connaître certaines bonnes pratiques s’agissant de l’implication de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme dans la rédaction des rapports des États parties. La Convention demeure le socle universel pour prévenir, combattre et éliminer le racisme, a fait valoir la France, avant d’indiquer qu’elle rendra compte devant le Comité à Genève dans deux semaines. De quelle façon les injustices raciales peuvent-elles être prises en compte, s’est interrogée la Jamaïque, tandis que le Royaume-Uni souhaitait savoir quelles étaient les pratiques optimales pour lutter contre le racisme.
De son côté, la Fédération de Russie a voulu attirer l’attention du Comité sur la situation en Lettonie, où les pressions et les politiques discriminatoires contre la population russophone se poursuivent. Que peut faire le Comité pour remédier à de tels actes, a demandé la délégation russe. Dans quelle mesure peut-on lutter contre le profilage racial pratiqué par les forces de l’ordre dans certains pays, s’est, pour sa part, enquis le Cameroun. L’Arménie s’est quant à elle inquiétée du sort des minorités arméniennes, avant de demander comment la société civile pourrait être intégrée aux mécanismes d’alerte précoce en matière de discrimination raciale. S’agissant des minorités religieuses, des demandeurs d’asile et des réfugiés, l’Azerbaïdjan a, conseillé à l’Arménie de suivre les recommandations que la Convention formule à l’adresse à tous les États Membres.
Le Cambodge a ensuite salué les efforts de la Chine en matière de promotion et de protection des droits humains, grâce à une approche centrée sur les personnes. À sa suite, la République démocratique populaire lao a salué la manière ouverte avec laquelle la Chine a accueilli l’ancienne Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, soulignant que le Xinjiang, Hong Kong et le Tibet relèvent des affaires internes de ce pays. La Chine a, elle, jugé essentiel que le Comité s’acquitte de son mandat de façon impartiale et indépendante, et l’a invité à s’abstenir de toute politisation.
En réponse aux délégations, la Présidente du Comité pour l’élimination de discrimination raciale a appelé les États à redoubler d’efforts pour parvenir à faire de la Convention un instrument universel. Elle a ensuite rappelé que la société civile joue un rôle prépondérant dans l’action du Comité, non pas pour minimiser ce que les États ont à dire, mais parce qu’il est essentiel d’avoir « plusieurs sons de cloche ». Mme Shepherd a également relevé que la pandémie de COVID-19, qui a perturbé les travaux de son organe, a mis en lumière des discriminations raciales structurelles dans de nombreux pays, les groupes les plus touchés étant les populations autochtones et d’ascendance africaine ou asiatique. Évidemment, a-t-elle poursuivi, le colonialisme a laissé des traces. C’est aux États qui laissent se perpétuer ces stigmates et le colonialisme jeter une ombre au tableau de prendre des mesures pour inverser cette tendance, a exhorté la Présidente.
Mme Shepherd a par ailleurs précisé que le fonctionnement des procédures d’alerte prévoit la présence d’une équipe d’experts juridique, chargée d’examiner les plaintes individuelles et de déterminer leur recevabilité. Elle a également tenu à rappeler que les États parties à la Convention doivent présenter un rapport dans un délai d’un an après la comparution devant le Comité, ajoutant que des rapports de suivi seront présentés en conséquence. Enfin, après avoir souligné les dangers que représentent les discours de haine en ligne et hors ligne, elle a estimé que la Déclaration et le Programme d’action de Durban constituent des jalons permettant de corriger les erreurs du passé et d’aborder les problématiques avec la plus grande urgence.
Exposé
Mme E. TENDAYI ACHIUME, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, qui présentait ses deux derniers rapports, a tout d’abord relevé que dans de nombreux cercles, y compris les plus puissants sur le plan géopolitique et les plus influents sur le plan institutionnel (tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des Nations Unies), l’injustice et l’inégalité raciales sont jugées dignes de déclarations et de rhétoriques de condamnation sans fin, mais « indignes » d’une réorganisation fondamentale du droit, de la politique et de l’économie aux niveaux mondial et national.
Face aux soulèvements et demandes pour la justice raciale en 2020, certains États Membres ont, deux ans plus tard, apporté des réponses qui semblent, au mieux, s’apparenter au statu quo, a regretté la Rapporteuse. Elle a pointé du doigt, à cet égard, le Royaume-Uni qui, lors de la cinquante et unième session du Conseil des droits de l’homme, a fait une déclaration « alarmante » pour expliquer son vote contre une résolution qui cherchait à mobiliser des actions concrètes contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance.
Le Royaume-Uni a déclaré clairement qu’il n’était pas d’accord avec l’appel à des réparations pour la traite des esclaves et le colonialisme, au motif que de telles revendications « détournent l’attention des défis urgents que sont la lutte contre le racisme contemporain et les inégalités mondiales », jugeant en outre que « la manière la plus efficace aujourd’hui de répondre à la cruauté du passé est de s’assurer que les générations actuelles et futures n’oublient pas ce qui s’est passé », a regretté Mme Achiume. Ceci est d’autant plus choquant qu’il s’agit d’une nation qui, a-t-elle rapporté, a payé l’équivalent de 16 milliards de livres en valeur actuelle pour indemniser environ 3 000 familles propriétaires d’esclaves pour la perte de leurs « biens » lorsque l’esclavage a été aboli. Pour elle, cet état de fait ne « peut être dissocié » de l’héritage persistant du commerce transatlantique des personnes asservies et du colonialisme, notant que de nombreuses nations qui ont largement profité de ces régimes insistent pour que le passé reste pleinement dans le passé.
Venant ensuite à son rapport consacré à la crise écologique, la justice climatique et la justice raciale, la Rapporteuse a déclaré qu’il ne peut y avoir d’atténuation ou de résolution significative de la crise écologique mondiale sans action spécifique pour lutter contre le racisme systémique, et en particulier contre les héritages raciaux historiques et contemporains du colonialisme et de l’esclavage.
En plus de documenter les zones de sacrifice racial, son rapport met en lumière les déplacements forcés et l’immobilité dans le contexte de la crise écologique et la manière dont les groupes marginalisés sur le plan racial, ethnique et national sont soumis de manière disparate à cette coercition et à cette immobilité. Elle a également appelé les États Membres d’adopter une approche tenant compte du fait que la justice climatique repose sur la justice raciale et vice versa.
Quant à son deuxième rapport consacré à la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et des idéologies connexes, il met en lumière des tendances « inquiétantes », dont l’élargissement des groupes néonazis aux nationalistes blancs et aux mouvements populistes d’extrême droite, ainsi que l’utilisation des nouvelles technologies pour faire progresser le néonazisme et le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui y sont associés. De même, elle a relevé une recrudescence de l’antisémitisme en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que du racisme anti-asiatique et anti-noir, de l’islamophobie et des attaques contre les non-nationaux, en relation avec la COVID-19. S’agissant de l’instrumentalisation de l’antisémitisme en particulier, la Rapporteuse spéciale a exhorté le système des Nations Unies et les États Membres à lancer un processus ouvert et inclusif pour identifier une réponse améliorée à l’antisémitisme.
Dialogue interactif
À l’issue de cette présentation, plusieurs délégations telles que le Canada, l’Uruguay, ainsi que des États européens, ont, à l’instar du Guatemala et Israël, refusé catégoriquement le libellé de son rapport qui appelle les États Membres à suspendre l’adoption et la promotion de la définition de l’antisémitisme tel que proposé par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste. Les Nations Unies ne peuvent pas prendre note de ce rapport qui, en essence, contredit le mandat de son auteur, ont-elles ajouté. À l’heure où l’antisémitisme est en hausse, la définition de l’Alliance est essentielle pour aider à éduquer sur ce qu’est l’antisémitisme, et comment et où il se manifeste, a insisté la Hongrie, appuyée par l’Albanie. Les États-Unis ont accusé la Rapporteuse spéciale de « tentative de politisation » de son mandat, suivis de la Roumanie qui a appelé à trouver une définition « commune », une position également soutenue par l’Italie qui s’est targuée d’avoir mis sur pied une stratégie contre ce phénomène.
De nombreuses délégations à l’instar, de l’Australie, l’Union européenne, et du Royaume-Uni, ont par ailleurs dénoncé l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie, notant en outre que Moscou a justifié cette agression en invoquant la lutte contre le néonazisme. Il s’agit là d’une instrumentalisation et d’une violation des droits humains, a dénoncé la Tchéquie, décriant un abus de langage.
De son côté, Cuba s’est alarmée des violations policières aux États-Unis contre les minorités. À l’instar de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), la République démocratique populaire lao a réfuté toute tentative de politiser les droits humains pour s’ingérer dans les affaires de la Chine dont la délégation a regretté que, dans beaucoup de pays, les minorités ne disposent pas de système judiciaire vers lequel se tourner en cas d’abus.
Après l’Indonésie, qui s’est opposée au concept de peuple autochtone, le Pakistan a décrié l’occupation du Jammu-et-Cachemire par l’Inde, pour ensuite dénoncer l’islamophobie et exhorter à une intensification des efforts internationaux pour promouvoir une culture de la tolérance. Une position appuyée par le Qatar, ainsi que l’Azerbaïdjan au nom du Mouvement des pays non alignés.
Pour finir, la Fédération de Russie a interpellé la Rapporteuse spéciale au sujet des récents propos du Haut Représentant de l’Union européenne, M. Joseph Borell, selon lesquels l’UE est un jardin entouré par la « jungle » du reste du monde. N’est-ce pas là une déclaration raciste?
En réponse aux questions et observations des États Membres, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée s’est tout d’abord élevée contre les déclarations du Guatemala et d’Israël, affirmant avoir travaillé d’arrache-pied pour lutter contre les discours antisémites et de façon plus générale tous les discours de xénophobie et d’intolérance. Elle a expliqué que, dans son rapport, elle appelle de ses vœux un processus ouvert, transparent et inclusif pour lutter correctement contre l’antisémitisme.
Elle a regretté les propos de la délégation des États-Unis, indiquant qu’elle s’attendait à un échange transparent « pour renforcer nos approches » destinées à mieux lutter contre l’antisémitisme. Dans son rapport, elle invite justement les Nations Unies à être un espace sûr et ce n’est malheureusement pas le cas, a-t-elle déploré. Pour combattre l’antisémitisme, la Rapporteuse spéciale a recommandé de tenir compte de l’histoire d’un pays pour comprendre ce qui sous-tend la xénophobie et le racisme en son sein. Elle a également conseillé de lutter contre l’intolérance et le racisme institutionnels. L’approche multidimensionnelle est une autre approche défendue par la Rapporteuse qui a encouragé d’aborder cette question « depuis la base jusqu’au sommet » pour comprendre ce que vivent les communautés les plus touchées par ce fléau.
Exposé
Mme KADRA AHMED HASSAN, Présidente-Rapporteuse du Comité spécial chargé d’élaborer des normes complémentaires, a présenté son travail réalisé au cours des deux dernières années sur la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Nous sommes tous conscients que, par le passé, l’élaboration des normes complémentaires à la Convention n’a pas progressé, a-t-elle reconnu. En effet, pendant de trop nombreuses années, il a semblé qu’il n’y avait pas de volonté politique d’aller de l’avant et de travailler à l’accomplissement du mandat du Comité, a-t-elle poursuivi, se disant cependant heureuse de constater qu’au cours des dernières années, et malgré certains retards, les travaux du Comité ont progressé.
Rappelant la tenue de la première partie de sa onzième session en décembre 2021, elle a indiqué qu’elle avait été consacrée à l’examen du rapport de la consultation intersession d’experts juridiques, y compris sur la diffusion des discours de haine. Cette année, lors de la douzième session, le Comité a entendu des présentations et tenu des discussions avec des experts sur l’impact historique du colonialisme sur le droit ainsi que sur toutes les formes contemporaines de discrimination fondée sur la religion ou la croyance, a-t-elle également détaillé, ajoutant avoir poursuivi l’élaboration d’un protocole additionnel. La troisième session est prévue en avril 2023, a-t-elle par ailleurs indiqué, se félicitant par ailleurs du consensus dégagé au sein du Comité en dépit de divergences de vue.
Dialogue interactif
À la suite de cet exposé, l’Afrique du Sud a souligné que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale n’a jamais été actualisée, contrairement à d’autres instruments historiques, relevant en outre que beaucoup d’États n’ont pas pu participer à son élaboration, n’étant pas libres à l’époque.
L’Union européenne a estimé qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un protocole additionnel étant donné que la Convention est un document flexible et vivant. Le seul problème est sa mise en œuvre, a souligné la délégation, appelant à des efforts en ce sens.
La Fédération de Russie a indiqué de son côté soutenir l’activité du Comité, l’élaboration de nouvelles normes étant importante. Par ailleurs, la délégation a déploré une campagne de grande ampleur dirigée depuis février contre les Russes et russophones.
Reconnaissant qu’il reste beaucoup de travail, la Présidente-Rapporteuse a espéré que la Troisième Commission saura faire preuve de la volonté politique nécessaire pour aller de l’avant. Le racisme dans ses nombreuses manifestations reste une question urgente partout, a-t-elle appuyé, affirmant que des événements récurrents et tragiques rappellent sans cesse l’urgence de l’éliminer, de même que l’importance cruciale du travail du Comité spécial. Il s’agit également d’un test de la crédibilité du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale, à savoir si la volonté politique peut être convoquée pour combattre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, a-t-elle estimé.
Débat général
Mme LEONOR ZALABATA TORRES (Colombie) a expliqué que son gouvernement conçoit et met en œuvre différentes politiques impliquant les voix des personnes oubliées, les peuples autochtones avant tout. Le Gouvernement colombien travaille à l’intégration de différentes visions du monde dans l’élaboration de politiques conformes à la nature multiculturelle de la nation colombienne, a-t-elle souligné, avant de faire état de mesures de réparation et de discrimination positive. La Commission nationale intersectorielle pour les réparations historiques a d’ailleurs été créée pour surmonter les effets du racisme, de la discrimination raciale et du colonialisme sur les peuples autochtones de Colombie, a précisé la représentante. Le Gouvernement a d’autre part mis en place un observatoire contre la discrimination raciale et le racisme, et progresse dans la mise en œuvre du volet ethnique des accords de paix, a-t-elle ajouté, estimant que cette stratégie à vocation pédagogique permettra de réduire le risque que les victimes et les personnes désengagées du conflit se retrouvent discriminées dans leur processus de réintégration dans leur communauté d’origine.
M. ASHISH SHARMA (Inde) a déclaré qu’en tant que pays soumis à la domination coloniale pendant près de deux siècles, l’Inde est consciente des effets néfastes du racisme et de la discrimination raciale. Le fléau de ce que le Mahatma Gandhi qualifiait de « vestige de l’esclavage » a touché des millions d’Indiens, chassés de leur mère patrie par les puissances coloniales vers des rivages lointains en qualité de travailleurs sous contrat, a-t-il rappelé. Depuis l’indépendance, la lutte contre le racisme et la décolonisation ont été les pierres angulaires de la politique étrangère de l’Inde, a ajouté le représentant, rappelant qu’en 1946, son pays a été le premier à élever sa voix contre l’apartheid aux Nations Unies.
La Constitution indienne prévoit des garanties contre le racisme et la discrimination raciale, garanties encore renforcées par un cadre juridique complet, « avec un système judiciaire indépendant et impartial, un système politique pluraliste, une société civile dynamique et des médias libres », a affirmé le délégué. Pour l’avenir, l’Inde parie sur l’éducation et le numérique pour promouvoir les valeurs de la citoyenneté mondiale tout en luttant contre la face sombre des médias sociaux, « devenus une chambre d’écho de la haine raciale et des idées discriminatoires ». Pour l’Inde, a-t-il poursuivi, la Déclaration et le Programme d’action de Durban continuent de fournir un cadre global pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. La pleine mise en œuvre des textes de Durban est cruciale pour atteindre les ODD, a conclu le représentant d’Israël.
Mme NELLY BANAKEN ELEL (Cameroun) a estimé que toute doctrine s’appuyant sur la différenciation raciale est scientifiquement fausse, moralement condamnable et socialement injuste, en plus d’être dangereuse. À ses yeux, il n’existe aucune justification à la discrimination raciale, en théorie comme en pratique, où que ce soit. La représentante s’est par ailleurs interrogée sur la manière d’appréhender le passé pour aller de l’avant. Aussi douloureux qu’il soit pour les uns ou déshonorant pour les autres, ce passé, qui se trouve à l’origine du racisme contre les Noirs, se doit d’être confronté, a-t-elle estimé.
M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a souligné les efforts entrepris par son pays dans la lutte contre la désinformation et sa coopération internationale en la matière, notamment dans le cadre du Groupe des Amis pour la lutte contre la désinformation. Parmi les dernières manifestations de désinformation dans le monde, il a fustigé la campagne étatique menée par le Gouvernement indien « pour servir ses objectifs stratégiques ». Citant les données du journal en ligne IFLA, qui a fait état de 9 000 cas de désinformation dans le monde entre janvier et mars 2021, il a accusé l’Inde d’être « la championne des ‘fake news’ sur les réseaux sociaux ». Le Pakistan en est la cible numéro un, a-t-il dit, ajoutant que New Delhi présente les activistes de paix au Jammu-et-Cachemire comme des terroristes. Selon le délégué, le Gouvernement indien, mu par un « hindouisme extrémiste », oppresse en outre 200 millions d’Indiens musulmans, ciblés par des appels au génocide.
Mme HEBA MOSTAFA MOSTAFA RIZK (Égypte) s’est dite très préoccupée par la résurgence et l’augmentation de la xénophobie, l’islamophobie et la prolifération des discours de haine, pointant du doigt le rôle des plateformes numériques dans ce domaine. Les États ont une responsabilité à contrôler ces technologies numériques, a-t-elle insisté. Par ailleurs, elle a rappelé le soutien de son pays à la création de l’Instance permanente des personnes d’ascendance africaine. La Déclaration et le Programme d’action de Durban sont une base pour des réformes dans ce domaine, a-t-elle ajouté, appelant à des progrès supplémentaires pour l’élaboration de normes complémentaires à ce sujet.
Mme FATEMEH ARAB BAFRANI (République islamique d’Iran) a déploré l’usage disproportionnée de la force qui mène à la mort de milliers de Palestiniens. Cela a lieu tous les jours et cela se poursuit sans reddition de comptes, a-t-elle décrié, dénonçant le régime israélien qui commet ces atrocités en sachant très bien qu’il ne subira aucune conséquence. Par ailleurs, elle a dénoncé la politique de deux poids, deux mesures par les États-Unis et des pays occidentaux à l’égard des personnes d’ascendance africaine, s’inquiétant en outre de la hausse de l’islamophobie. Enfin, elle a critiqué les mesures coercitives unilatérales qui mènent à des discriminations contre les populations visées, avant de dénoncer les violations des droits humains dans plusieurs pays, y compris au Canada et au Royaume-Uni.
M. NIZHAN FARAZ BIN RIZAL (Malaisie) a défendu le multiculturalisme et la coexistence pacifique entre différentes communautés, et a indiqué que son gouvernement a mis sur pied un plan d’action pour promouvoir une société malaisienne prospère. Le multilatéralisme consacré dans la Charte est chéri par de nombreuses nations mais de nombreuses autres refusent de le mettre en œuvre, a-t-il ensuite déploré. Il a pris pour exemple la politique d’Israël dans les territoires palestiniens occupés. Il a dénoncé le fait qu’Israël ait carte blanche pour perpétuer son régime d’apartheid, faisant fi de la solution des deux États. Il a aussi plaidé pour que la Palestine devienne un État Membre de l’ONU à part entière.
M. VANDERMUNTERT (Luxembourg) s’est alarmé de la résurgence des tendances racistes, antisémites et xénophobes à travers le monde. Il a estimé que la lutte contre le racisme mérite toute l’attention de la communauté internationale, notamment pour combattre les campagnes de désinformation et les discours incitant à la haine, qui affectent en particulier les populations migrantes. Cette lutte nécessite des cadres internationaux efficaces, a-t-il ajouté, plaidant pour une coordination des efforts pour la tolérance et la justice raciale assuré par un système multilatéral fort et solidaire centré sur les Nations Unies. Pour le représentant, cette lutte doit aussi être inclusive, car le racisme et l’intolérance ne peuvent être combattus avec succès que si la société civile est pleinement engagée. Il a ensuite assuré que son pays se soumet pleinement aux mécanismes et instruments des droits humains. À la suite de l’Examen périodique universel de 2018, le Luxembourg a ainsi accepté 12 recommandations relatives à la lutte contre le racisme qui lui ont été adressées et s’est engagé à renforcer ses efforts pour combattre toutes les formes de discrimination raciale et de xénophobie, a-t-il indiqué, faisant également état de la préparation d’une stratégie interministérielle de lutte contre le racisme.
M. ELIE ALTARSHA (République arabe syrienne) a dénoncé les actes d’agression, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et violations des droits humains perpétrés par les forces israéliennes dans le Golan syrien et autres territoires arabes. Le représentant a exhorté Israël à mettre un terme à l’occupation de ces territoires. Par ailleurs, il a rappelé sa position concernant la souveraineté des États, à savoir ne pas s’ingérer dans les affaires internes d’autres pays. Ainsi la situation au Xinjiang, au Tibet ou à Hong Kong concerne la Chine, a-t-il appuyé, soulignant que la Chine a beaucoup fait dans le domaine du droit humanitaire. Enfin, il a appelé à faire de l’État de la Palestine un membre à part entière des Nations Unies.
Mme ANA PAULA BAPTISTA GRADE ZACARIAS (Portugal) a rappelé le plan d’action mis en œuvre dans le pays, couvrant la période 2021 à 2025. Nous allons bientôt créer un outil complémentaire à notre commission de lutte contre le racisme et la xénophobie, a-t-elle indiqué. Elle a par ailleurs détaillé les formations en matière de droits humains pour les forces de sécurité, notamment pour qu’elles rendent des comptes en cas de manquement. Elles disposent également désormais de caméras embarquées, a indiqué la représentante.
M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne (UE) a réaffirmé que le racisme et la discrimination raciale vont à l’encontre des principes de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit et de respect des droits humains qui sous-tendent l’UE et qui sont des valeurs communes à tous ses États membres. L’action de l’UE dans ce domaine, a-t-il précisé, s’appuie sur un cadre juridique solide qui a été développé au fil des ans sur la base de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la directive de 2000 sur l’égalité raciale de l’UE, qui interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’origine raciale ou ethnique. Parmi les mesures importantes prises par l’UE dans ce domaine, le représentant a cité l’adoption en 2020 par la Commission européenne du premier plan d’action européen contre le racisme et la nomination en 2021 d’un nouveau coordinateur antiracisme. Par ailleurs, en ce qui concerne les discours de haine véhiculés par les plateformes numériques, un accord historique a été atteint au sein de l’UE sur la nouvelle loi sur les services numériques, qui consacre le principe selon lequel ce qui est illégal hors ligne doit l'être également en ligne, a indiqué le délégué. L’UE a, en outre, mis en place un plan d’action contre le racisme 2020-2025, dont la mise en œuvre a été débattue lors du Sommet européen contre le racisme de 2022. Plaidant enfin pour le débat sur la Déclaration et le Programme d’action de Durban soit inclusif et fondé sur le consensus, le représentant a appelé à éviter la prolifération de mécanismes et d’instruments dédiés à l’élimination du racisme. Pour l’UE, a-t-il conclu, les normes, telles qu’elles sont prévues par la Convention, et la structure institutionnelle du système des droits de l’homme des Nations Unies, offrent un « cadre adéquat ».
M. KARL LAGATIE (Belgique) a constaté qu’en matière de lutte contre le racisme, la communauté internationale a déjà adopté un grand nombre d’initiatives, qu’il s’agisse de mécanismes, de groupes d’experts, de programmes, de conventions et de résolutions. Cela signifie que des outils sont disponibles et à notre disposition pour améliorer la situation, a-t-il dit, jugeant que l’heure est à présent à la mise en œuvre complète et effective des résultats et des recommandations. Dans ce domaine, la Belgique est et restera active, tant au niveau national qu’international, a affirmé le représentant. Conformément à l’engagement qu’il a pris lors de la Conférence de Durban en 2001, le Gouvernement fédéral belge a adopté cet été un nouvel ensemble de mesures, dont l’un des principaux objectifs est d’optimiser le suivi et l’étude du racisme en améliorant la collecte différenciée de données qualitatives et quantitatives, a précisé le délégué. Il a par ailleurs appelé à la ratification universelle et à la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, demandant également aux États qui ont des rapports en retard de les soumettre dès que possible
Droits de réponse
Exerçant son droit de réponse, le représentant de l’Inde a interpellé le Pakistan, l’accusant d’avoir détourné la question de la décolonisation pour parler de la question du Jammu-et-Cachemire et dissimuler les violations du Pakistan envers sa propre population. Le Jammu-et-Cachemire fait partie de l’Inde, a maintenu le délégué indien.
Le représentant du Pakistan a répondu à l’Inde en déclarant que le Jammu-et-Cachemire n’a jamais fait partie de l’Inde, prenant appui sur de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité selon lesquelles ce territoire est disputé. Dénonçant les mensonges et les affabulations de l’Inde à ce sujet, il l’a également accusée de violer le droit international en refusant d’accorder au peuple du Jammu-et-Cachemire le droit à l’autodétermination. Le délégué a conclu son intervention en affirmant que les minorités en Inde sont victimes de discriminations évidentes.