Migrants, disparitions forcées, droit à la vie privée et à l’éducation: la Troisième Commission soulève les lacunes du droit international et de son application
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a poursuivi, aujourd’hui, ses échanges sur la promotion et la protection des droits humains, donnant la parole à six titulaires de mandat qui ont exposé leur travail sur quatre grandes thématiques: les disparitions forcées, le droit à la vie privée, l’éducation, et les droits des migrants.
Ouvrant les discussions, la Présidente du Comité des disparitions forcées, a alerté que celles-ci touchent désormais des millions de personnes dans le monde et fragilisent l’ensemble des sociétés concernées, s’inquiétant en outre de l’absence de stratégie d’enquête et de coordination entre les processus de recherche et d’enquête.
Mme Carmen Rosa Villa Quintana a également signalé que le manque de temps de réunion représente une entrave grandissante au travail de son Comité, précisant qu’avec la charge de travail actuelle, l’ordre du jour des sessions sera complet jusqu’en 2032. La question des disparitions ne saurait attendre. C’est une question de vie ou de mort, s’est émue la Présidente qui a rappelé que 400 personnes ont été retrouvées vivantes grâce à l’activation d’une action urgente par le Comité.
Tous les États devraient ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, a renchéri la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et qui a relevé qu’en dépit des engagements des États, les enlèvements persistent et de nouvelles tendances alarmantes apparaissent comme en témoigne le rapport annuel du Groupe de travail qui fait état de 375 nouveaux cas de disparitions forcées dans 26 États, dont 54 dans le cadre de la procédure d’action urgente. Et ces données ne représentent qu’une « infime partie » des cas existants, a signalé Mme Aua Baldé qui a expliqué que le harcèlement et les représailles à l’encontre des familles à la recherche de leurs proches contrarient le signalement d’un très grand nombre de cas.
Déploré par Mme Baldé, le fossé entre la règlementation et son application a aussi été relevé par la Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée qui a dénoncé le manque d’application effective des réglementations nationales et internationales sur le droit à la protection des données personnelles. « Dans les démocraties, le développement législatif des droits fondamentaux ne suffit pas », a analysé Mme Ana Brian Nougrères. Pour combler les lacunes de la législation, il existe des principes directeurs dans le domaine de la vie privée et la protection des données. Parmi eux, la Rapporteuse a mentionné le principe du consentement libre, éclairé, et révocable et celui de la proportionnalité.
De son côté, le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a alerté que la plupart des 281 millions de migrants vivant en dehors de leur pays d’origine ne bénéficient pas de la protection internationale des réfugiés alors que le croisement de facteurs discriminants accroît considérablement leur vulnérabilité. Dans ce contexte, M. Edgar Corzo Sosa a regretté que pas moins de 25 États parties à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille n’ont pas encore soumis leur rapport initial ou périodique.
Lui emboîtant le pas, le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants a présenté un rapport qui examine les multiples facteurs de migrations transfrontalières dans le contexte des changements climatiques. Les impacts délétères du climat sur les droits humains des migrants doivent être abordés à toutes les étapes de leur voyage, a insisté M. Felipe González Morales. Et dès lors, plutôt qu’un simple défi, la migration pourrait constituer une importante stratégie d’adaptation aux changements climatiques. Elle deviendrait ainsi un choix plus sûr et accessible face à des défis climatiques grandissants, a ajouté le Rapporteur spécial, qui a encouragé les États à intégrer les changements climatiques dans leurs politiques de façon concrète, saluant à ce titre, parmi les exemples de bonnes pratiques, l’élaboration d’un « passeport climatique » qui offre aux personnes menacées la possibilité d’accéder aux droits civils dans des pays sûrs.
Les délégations ont également dialogué avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation qui a indiqué que, l’environnement éducatif souffre de l’absence d’une définition internationale reconnue de l’éducation et protection de la petite enfance (EPPE). L’éducation lors de la petite enfance, qui conditionne la vie des futurs adultes, permet d’augmenter les revenus de toute une vie, a rappelé Mme Farida Shaheed. Pourtant, a-t-elle regretté, lorsque l’EPPE n’est pas gratuite, ces avantages ne sont accessibles qu’aux familles qui en ont les moyens, aggravant ainsi l’exclusion de celles qui sont marginalisées. Elle a de fait appelé les États, donateurs et organisations de financement, à veiller à ce que des règles du jeu équitables soient établies pour les apprenants les plus jeunes.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 19 octobre, à partir de 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS
Déclarations liminaires suivies de dialogues interactifs
Mme CARMEN ROSA VILLA QUINTANA, Présidente du Comité des disparitions forcées, a rappelé que la disparition forcée touche aujourd’hui des millions de personnes dans le monde, avec des effets dévastateurs sur les sociétés. Elle s’est félicitée que 68 États parties à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées aient formalisé leur engagement à combattre les disparitions forcées. Elle s’est également réjouie de sa ratification par la Croatie, le Danemark et le Luxembourg au cours du premier semestre de cette année. Chaque ratification est une victoire, a-t-elle affirmé.
La Présidente a ensuite indiqué qu’au cours de la période à l’examen, le Comité a examiné 39 rapports initiaux et 5 rapports d’informations complémentaires, ainsi que des rapports sur les actions urgentes. Des 1 540 actions enregistrées ce jour, la Présidente a relevé plusieurs tendances, notamment l’absence de stratégie d’enquête, de coordination entre le processus de recherche et d’enquête, d’approche différentielle, déplorant en outre les limitations imposées à la participation des victimes et les menaces à leur encontre. Le Comité a par ailleurs, effectué une visite au Mexique en novembre 2021, prépare une visite en Iraq prévue le 12 novembre et est dans l’attente d’une réponse à sa demande de se rendre en Colombie.
Mme Quintana a ensuite indiqué que le Comité avait publié son premier commentaire général sur les disparitions forcées dans le contexte de la migration. Elle a également évoqué l’élaboration, avec quatre procédures spéciales, d’un projet de déclaration conjointe sur les adoptions transnationales illégales, ainsi que le lancement d’un processus de réflexion sur les disparitions forcées et les acteurs non étatiques. Le Comité a publié une compilation de sa jurisprudence et diffusera bientôt, avec le Groupe de travail, sur les disparitions forcées ou involontaires, une fiche d’information actualisée sur les disparitions forcées. La coordination avec le Groupe de travail a été renforcé et le Comité a par ailleurs publié trois déclarations conjointes, dont une avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). Une réunion s’est également tenue avec l’Expert indépendant chargé de la question de la protection contre la violence et la discrimination liées à l'orientation sexuelle et à l’identité de genre.
Pourtant, cet agenda souffre d’une entrave grandissante, à savoir le manque de temps de réunion, a déploré la Présidente, notant que celui-ci n’a pas évolué depuis la création du Comité il y a 12 ans. À ce rythme et avec la charge de travail actuelle, l’ordre du jour des sessions du Comité sera complet jusqu’en 2032, s’est inquiétée la Présidente. La question des disparitions ne saurait attendre. C’est une question de vie ou de mort, s’est-elle émue, rappelant que 400 personnes ont été retrouvées vivantes grâce à l’activation d’une action urgente par le Comité. Elle a ensuite appelé les États Membres à accorder au Comité les trois semaines supplémentaires de temps de réunion et les ressources humaines demandées.
Dialogue interactif
À l’issue de cet exposé, la France a appelé à l’avènement d’un cadre juridique universel contre les disparitions forcées, suivie de la Croatie qui a expliqué avoir créé son propre système de lutte contre les disparitions forcées avant la création de la Convention. Elle a appelé ses voisins à partager avec elle les informations dont ils disposent sur des personnes portées disparues, avant de s’interroger sur les moyens de renforcer la coopération entre États et éviter les procédures politisées qui se prolongent.
Quelles sont les mesures que peut prendre la communauté internationale pour répondre au défi des disparitions forcées? ont demandé les États-Unis qui se sont alarmés des disparitions forcées et des cas d’enfants séparés de force de leur famille au sein de la communauté ouïghoure et autres minorités de la province du Xinjiang en Chine. La délégation américaine a également fustigé l’Iran, qui enlèverait des individus pour les punir d’avoir exercé leur droit à la liberté de réunion.
Le monde ne doit jamais oublier le courage de ceux qui défendaient Marioupol et qui sont désormais portés disparus, a déclaré à son tour l’Ukraine qui a indiqué que les enlèvements, y compris de civils, sont devenus monnaie courante depuis l’invasion russe du pays.
Le Mexique est revenu sur la visite du Comité en novembre 2021, rappelant les efforts entrepris dans la foulée, notamment la création d’un centre d’identification et d’un mécanisme d’appui pour les recherches et les enquêtes. Mais les défis restent immenses, a nuancé la délégation. L’Union Européenne a ensuite voulu savoir ce que fait le Comité face aux représailles à l’encontre des proches de disparus.
L’Argentine a indiqué que la lutte contre les disparitions forcées fait partie de la réparation de sa mémoire collective nationale. Elle a aussi fait savoir que 130 enfants adoptés illégalement ont pu retrouver leur identité en Argentine, avant de demander des précisions sur la coopération du Comité avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH)et autres organes de ce type.
La délégation cubaine a qualifié de lamentables les allégations contenues dans le rapport du Comité au sujet de Cuba, y décelant une campagne menée par les États-Unis. Le Gouvernement cubain a prouvé qu’il n’y a eu aucune disparition forcée a assuré le délégué, déplorant que ces conclusions ne soient pas mentionnées dans le rapport.
Comment permettre aux proches de participer aux enquêtes et que faire pour les protéger des représailles? a demandé le Luxembourg. Après le Japon qui a jugé nécessaire d’universaliser la Convention, la Chine a noté que des personnes sont détenues sans aucune raison par Washington dans la prison de Guantanamo.
Répondant à ces remarques et questions, la Présidente du Comité des disparitions forcées a estimé qu’au vu des nombreuses ratifications de la Convention, la lutte contre les disparitions forcées est à un tournant. Elle a souligné que la connaissance du lieu où se trouvent les personnes disparues est une information essentielle pour les proches, notant, par exemple que la Croatie recherche encore 1 800 personnes. Abordant la question des représailles, elle a expliqué que le Comité a adopté des orientations à ce sujet, et fait état des informations recueillies à cet égard chaque année.
Répondant à la question argentine, elle a expliqué que le Comité échange des informations avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur de nombreuses procédures pour éviter les doublons. À Cuba, elle a expliqué que le Comité travaille de manière objective et a clos les actions urgentes pour lesquelles toutes les informations nécessaires ont été recueillies.
Mme AUA BALDÉ, Présidente-rapporteuse du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a rappelé que cette année marque le trentième anniversaire de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle a ajouté qu’à cette occasion, le Groupe de travail a publié une étude sur la contribution de la Déclaration au droit international, les obstacles à sa mise en œuvre et la manière dont il pourrait aider les États à les surmonter. Au chapitre des progrès enregistrés, elle a souligné l’adoption en 2006 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ainsi qu’une plus grande connaissance générale de ce crime odieux et des outils législatifs et institutionnels pour y faire face. Elle a toutefois noté que malgré les engagements et les promesses des États, cette pratique horrible continue d’exister et que nouvelles tendances alarmantes sont apparues.
Mme Baldé a indiqué que le rapport annuel du Groupe de travail, présenté le mois dernier au Conseil des droits de l’homme, mentionne la transmission de 375 nouveaux cas de disparitions forcées à 26 États, dont 54 à 13 États dans le cadre de la procédure d’action urgente, des chiffres qui ne représentent toutefois qu’une « infime partie » des cas existants. Selon elle, les représailles, le harcèlement et la répression à l’encontre des familles à la recherche de leurs proches et de ceux qui les soutiennent restent un schéma courant et expliquent en partie le très grand nombre de cas non signalés. Observant à cet égard que la pratique des disparitions forcées a évolué avec le temps et exige de nouvelles réponses, elle a rappelé que le Groupe de travail a entamé une étude thématique sur les nouvelles technologies et les disparitions forcées, dont la publication est prévue en septembre 2023. Une réunion avec des experts a déjà eu lieu et un appel à contributions écrites lancé, a-t-elle précisé, saisissant l’occasion pour inviter à nouveau tous les États Membres à y participer.
La Présidente-Rapporteuse a également indiqué que le Groupe de travail a effectué des visites à Chypre et en Uruguay cette année. Ces déplacements, a-t-elle précisé, lui permettent de recueillir des témoignages de première main sur la situation et de remplir son mandat de surveillance, conformément à la Déclaration en 1992. Elle a d’autre part appelé les États qui ont reçu une demande de visite à y répondre favorablement, avant de se féliciter que le Honduras et le Kenya aient accepté d’accueillir une délégation en 2023. En conclusion, elle exhorté tous les États à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à reconnaître la compétence du Comité des disparitions forcées pour l’examen des communications individuelles et interétatiques.
Dialogue interactif
À la suite de cet exposé, l’Union européenne a rappelé que les disparitions forcées peuvent être constitutives de crimes contre l’humanité et que le Groupe de travail a recensé plus de 60 000 cas depuis sa création. Se disant préoccupée par la situation dans sa région, du fait des agissements de la Russie et du Bélarus, elle a souhaité savoir comment le Groupe de travail compte répondre au manque de coopération de certains États et a souhaité avoir un premier retour sur l’utilisation des nouvelles technologies pour lutter contre les disparitions forcées. La France a elle aussi regretté le manque de coopération de certains États et a voulu savoir de quelle manière le Groupe de travail entend associer tous les acteurs à l’étude consacrée aux nouvelles technologies. Outre la question des nouvelles technologies, l’Argentine a demandé quels étaient les autres sujets qui allaient être abordés dans les prochains rapports du Groupe, tandis que la Belgique appelait les 19 États membres du Conseil des droits de l’homme, qui n’ont pas répondu à une demande de visite du Groupe de travail, à le faire sans délai.
Le Japon s’est, pour sa part, préoccupé du sort de ses ressortissants enlevés par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et a appelé le Gouvernement de la RPDC à mettre en œuvre l’Accord de Stockholm signé en 2014 par les deux pays et prévoyant le retour de toutes les personnes enlevées. La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a rejeté les accusations du Japon, estimant que Tokyo utilise cette question pour détourner l’attention de ses crimes de guerre et de l’enlèvement de 8,4 millions de Coréens. Elle a estimé que le problème soulevé par le Japon est résolu et a demandé à ce dernier de présenter des excuses officielles pour son comportement passé. Le Myanmar a, quant à lui, averti que la situation s’aggrave de jour en jour sur son territoire, accusant l’armée d’avoir commis, après son coup d’État de l’an dernier, des crimes contre l’humanité, et d’être notamment à l’origine de disparitions forcées. Il a dénoncé la « culture d’impunité » de la junte militaire et a demandé ce que peut faire la communauté internationale pour aider le Groupe de travail à assister les familles touchées.
Comment le Groupe de travail peut-il intervenir dans le cas d’enlèvements opérés dans des territoires occupés par des forces étrangères? s’est ensuite interrogé le Pakistan, en s’alarmant de la disparition forcée de quelque 15 000 jeunes garçons au Jammu-et-Cachemire. Après avoir fait état des orientations de sa commission nationale des droits de l’homme sur les questions d’arrestation et de détention, l’Inde a fermement condamné les allégations du Pakistan concernant un territoire indien et l’a accusé de ne pas pénaliser les disparitions forcées sur son propre territoire. À la suite de l’Arabie saoudite, qui a assuré que toutes les procédures légales concernant la détention sont respectées sur son territoire, l’Azerbaïdjan a affirmé prendre toutes les mesures pour connaître le sort de 4 000 Azerbaïdjanais disparus au cours du conflit avec l’Arménie, demandant au Groupe de travail quelle aide il peut fournir « quand un pays s’oppose aux recherches ».
À son tour, Chypre a rappelé que des milliers de ces citoyens n’ont toujours pas été retrouvés après l’invasion turque de l’île et qu’elle s’emploie à trouver des solutions politiques à cette question. Relevant que sa constitution de 2011 condamne expressément la disparition forcée et qu’il a ratifié la Convention en 2013, le Maroc a de son côté rappelé son rôle de coauteur, avec la France et l’Argentine, de la résolution sur les disparitions forcées présentées tous les deux ans à la Troisième Commission. Enfin, la République arabe syrienne a dénoncé le fait que l’Afghanistan et la Libye ne soient pas mentionnés dans le rapport de la Présidente-Rapporteuse et y a vu la preuve de la « politisation » de la question des disparitions forcées.
Le Japon a repris la parole pour exhorter à nouveau la RPDC à mettre en œuvre l’Accord de Stockholm de 2014 et à prendre des actions concrètes, compte tenu de l’âge avancé des proches des personnes enlevées, dont certains sont déjà décédés. Reprenant à son tour la parole, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a affirmé que la question des enlèvements n’existe plus puisqu’elle avait été réglée de manière « complète et irréversible ». Elle a demandé au Japon des excuses et des réparations pour ses crimes de guerre passés.
Dans sa réponse aux délégations, la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a commencé par appeler les États à répondre aux représailles menées contre ceux qui traitent des disparitions forcées et à sanctionner les auteurs de ces crimes. Elle a ensuite rappelé que la date butoir pour les contributions des États à l’étude sur les nouvelles technologies était février 2023. Elle a indiqué que cette étude porte à la fois sur l’usage qui peut être fait de ces technologies pour rechercher les disparus et sur leur utilisation contre les proches des disparus, les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile, afin d’élaborer des stratégies de protection. Répondant aux accusations de politisation, Mme Baldé a affirmé que le Groupe de travail opère avec le plus haut niveau d’objectivité, d’indépendance et d’impartialité, et dans le plein respect de son mandat humanitaire.
Évoquant ensuite le conflit en Ukraine, la Présidente-Rapporteuse a exprimé sa préoccupation, précisant que plusieurs cas de disparitions forcées sont en cours d’examen. Sur ce point, elle a remercié l’Union européenne, la France, la Belgique et l’Argentine pour leur soutien au Groupe de travail. En réponse au Pakistan, elle a affirmé que le Groupe de travail se tient prêt à travailler avec lui pour renforcer son cadre législatif et lui fournir une assistance technique, rappelant au passage l’existence de recommandations en vue d’une visite. Elle a également encouragé l’Inde à ratifier la Convention pour renforcer son cadre juridique. Enfin, après avoir proposé une visite à l’Azerbaïdjan pour l’appuyer dans ses réformes, elle a regretté que l’impunité pour les disparitions forcées soit encore très répandue en raison de lois nationales inadaptées.
Mme ANA BRIAN NOUGRÈRES, Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée, a affirmé que si les technologies de l’information et des communications (TIC) sont de plus en plus utilisées, elles génèrent également un certain nombre de risques, dus principalement à l’utilisation inappropriée des nouvelles technologies. Elle a indiqué que des réglementations nationales sur le droit à la protection des données personnelles ont été approuvées depuis les années 70, et que des règlements internationaux ont été publiés par la suite. Ces réglementations ayant un caractère général, il est nécessaire qu’elles couvrent les différentes activités de traitement des données personnelles par les responsables du traitement et les sous-traitants, a-t-elle estimé. La Rapporteuse a ensuite exhorté à appliquer de manière effective la réglementation en la matière, car dans un système de gouvernement démocratique, la simple reconnaissance et le développement législatif des droits fondamentaux ne suffisent pas.
En outre, elle a rappelé qu’il existait des principes directeurs dans le domaine de la vie privée et la protection des données, qui aident à combler les lacunes de la législation. Ces principes constituent le moyen le plus utile de garantir le traitement approprié des informations personnelles, a-t-elle appuyé. Elle a expliqué avoir analysé les principes directeurs dans sept documents de politique internationale sur le sujet, y compris les recommandations de l’OCDE sur la protection de la vie privée et les flux transfrontaliers de données personnelles. La Rapporteuse a ensuite détaillé les principes analysés: légalité, licéité et légitimité, consentement (qui doit être libre, éclairé et révocable), transparence, sécurité et qualité. Elle a aussi mentionné le principe de proportionnalité qui comporte comme exigence d’évaluer, parmi les différents traitements qui permettent d’atteindre la finalité autorisée, celui qui porte le moins atteinte à la vie privée et à l’intimité.
Ces principes ne doivent pas être considérés comme de simples recommandations, a-t-elle mis en garde, rappelant qu’ils avaient une hiérarchie plus élevée qui permet de constituer une partie structurelle des systèmes juridiques en la matière. Ils engagent les responsables du traitement des données et les sous-traitants à agir de manière appropriée et à faire face aux risques d’utilisation abusive des TIC ou encore de l’intelligence artificielle, a-t-elle expliqué. Pour cette raison, a-t-elle ensuite appuyé, ils doivent être observés non seulement individuellement mais en tant que partie d’un tout. Enfin, elle a indiqué que les éléments communs identifiés dans les différents documents normatifs internationaux analysés peuvent servir de base pour progresser vers un consensus global, estimant nécessaire de continuer à tendre vers un équilibre entre les différents intérêts en jeu.
Dialogue interactif
À l’issue de cet exposé, l’Union européenne a souhaité savoir comment mieux appuyer la Rapporteuse pour que les droits humains dans le monde virtuel soient aussi bien protégés qu’ils le sont dans l’environnement réel.
Les États-Unis ont condamné la Russie pour son utilisation malfaisante des technologies numériques, notamment les opérations de filtration à l’égard des Ukrainiens. Comment améliorer la situation dans ce contexte? La Fédération de Russie, a affirmé que de nombreux pays occidentaux commettent des violations massives de la vie privée en faisant usage d’espionnage numérique, notamment à l’égard de certains États non soumis.
L’Algérie s’est, pour sa part, inquiétée de l’augmentation constante des pratiques d’espionnage illégale qui menacent sérieusement les droits humains et la stabilité internationale. Existe-t-il des recommandations qui permettraient d’y mettre fin? Malte a demandé des précisions sur les principaux obstacles qui entravent l’équilibre entre les principes de responsabilité et ceux de sécurité dans le contexte du droit à la vie privée.
Comment faire en sorte que les principes de légalité, transparence, équité et de proportionnalité soient adoptés de façon efficiente et appliqués au niveau national, notamment à l’égard du droit à la vie privée des groupes les plus vulnérables? a interrogé l’Allemagne. Et comment faire en sorte que les lois soient neutres d’un point de vue technologique et suffisamment spécifiques pour présenter un cadre efficace de protection, se sont enquis les Pays-Bas. La Chine a rappelé avoir proposé en septembre 2020 une contribution à la gouvernance numérique dans le monde et a appelé à parvenir à un consensus et créer un environnement équitable et protecteur de tous.
Répondant aux questions et observations, la Rapporteuse spéciale sur le droit à la vie privée est revenue sur les fondements des règlementations en matière de protection de la vie privée, à savoir la libre circulation des biens et services et la protection des droits humains, notant que les transferts de données internationaux peuvent créer des problèmes. Elle a reconnu qu’il est très difficile d’avoir une réglementation qui couvre tous les systèmes existants, insistant sur l’importance de parvenir à un consensus. Elle a évoqué l’existence de mécanismes de protection de la vie privée pouvant être d’utilité en cas d’atteinte aux données des groupes les plus vulnérables. Il faut garder à l’esprit que la sécurité en tant que valeur absolue n’existe pas, c’est quelque chose vers laquelle il faut œuvrer mais qu’il est très difficile d’atteindre, a-t-elle ajouté.
M. EDGAR CORZO SOSA, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a présenté le rapport annuel de son organe couvrant ses trente-troisième et trente-quatrième sessions. En sa qualité de président des présidents d’organes de traité des droits de l’homme, il a également présenté le rapport rendant compte de la trente-quatrième réunion de ces derniers à New York, après plus de deux ans de travail à distance. Au cœur des discussions, a-t-il précisé à ce sujet, figurait le suivi de l’examen du système des organes conventionnels. Il a indiqué que les présidents ont convenu d’un calendrier prévisible pour l’examen des rapports des États sur les obligations découlant des traités relatifs aux droits de l’homme, avec un cycle de huit ans pour les examens complets, couplé à des examens de suivi dans l’intervalle.
Selon M. Corzo Sosa, le calendrier prévisible des examens devrait augmenter le nombre de rapports et garantir que tous les États parties soient examinés. L’harmonisation des méthodes de travail et la montée en puissance numérique devraient renforcer le système des organes conventionnels et assurer une protection plus efficace des droits de l’homme, a-t-il affirmé. Le rapport comprend aussi une évaluation préliminaire du temps de réunion supplémentaire, une nécessité qui ne deviendra réalité qu’avec le soutien des États Membres, a-t-il dit, avant de souligner l’importance d’un financement durable du système des organes conventionnels et de tous les mécanismes des droits de l’homme.
Revenant à son mandat de Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, M. Corzo Sosa a tout d’abord rappelé qu’on estime à 281 millions le nombre de migrants internationaux vivant en dehors de leur pays d’origine. Alors que la plupart d’entre eux ne bénéficient pas de la protection internationale des réfugiés, le croisement de facteurs discriminants accroît considérablement leur vulnérabilité, a-t-il souligné.
Dans ce contexte, a-t-il regretté, pas moins de 25 États parties à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille n’ont pas encore soumis leur rapport initial ou périodique. Tout en saluant la ratification de la Convention par le Malawi en septembre dernier, il a déploré le nombre limité d’États parties à la Convention et des procédures de communications interétatiques et individuelles pas encore opérationnelles, y voyant autant d’obstacles pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il a donc appelé tous les États parties qui n’ont pas encore accepté les deux procédures de communications à le faire.
Évoquant ensuite les discussions du Comité sur son projet d’observation générale n°6 relatif à la convergence de la Convention et du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, le Président a indiqué que les panélistes des agences de l’ONU et des mécanismes des droits de l’homme, de la société civile et du milieu universitaire ont souligné à cette occasion que le Pacte mondial renforce explicitement l’importance des droits de l’homme et du droit international. Il a d’autre part rappelé que, son Comité et celui sur les droits de l’enfant ont marqué le cinquième anniversaire de leurs observations générales conjointes sur les droits de l’homme des enfants migrants. À ses yeux, cela démontre la pertinence du travail de son Comité pour les États non parties et sa capacité à fournir des orientations qui s’appliquent de la même manière à l’ensemble des 196 États parties à la Convention sur les droits de l’enfant, au-delà donc des 58 États parties à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Cette Convention ne confère pas de nouveaux droits aux migrants, a tenu à préciser M. Corzo Sosa. En revanche, a-t-il ajouté, elle consolide les droits existants, auxquels les États ont déjà souscrit en ratifiant d’autres instruments internationaux des droits de l’homme incluant les migrants irréguliers. Le Président du Comité a conclu son propos en appelant les signataires de même que les États non parties à ratifier la Convention.
Dialogue interactif
À la suite de cette présentation, le Chili a rappelé qu’il s’emploie actuellement à mettre en œuvre une nouvelle loi protégeant les droits humains des migrants, notamment contre les discriminations, et a insisté sur l’importance de la coopération internationale et régionale, rejoint sur ce point par l’Indonésie. À sa suite, le Mexique s’est prononcé en faveur de l’observation N°6 sur la convergence entre la Convention et le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, avant de demander au Président du Comité de dresser un bilan des progrès réalisés. De son côté, l’Union européenne a demandé comment les institutions nationales des droits humains peuvent aider à mettre en œuvre les observations finales du Comité, tandis que le Nigeria rappelait son opposition à la criminalisation des migrants, consacrée par une loi de 2015. Comment faire pour que plus d’États rejoignent la Convention, a voulu savoir le Bangladesh, alors que nombre d’États parties se limite encore à 58. À son tour, la Türkiye a demandé quels sont les défis qui entravent une ratification plus large et s’il y a suffisamment de mécanismes au sein des Nations Unies pour protéger les droits humains des migrants. Une double interrogation partagée par El Salvador.
La Malaisie a rappelé, pour sa part, qu’elle accueille 2,3 millions de travailleurs migrants et qu’elle a pris des mesures contre le travail forcé sans même avoir ratifié la Convention. Elle a demandé à connaître les pratiques optimales pour maximiser les bénéfices des migrations en réduisant les coûts pour les pays d’origine, de transit et de destination. Comment peut-on mettre en œuvre le Pacte et la Convention en garantissant un traitement digne aux travailleurs migrants et comment limiter les discriminations à leur égard, notamment quand les syndicats sont interdits dans les pays de destination, a voulu savoir l’Algérie?
Dans sa réponse aux délégations, le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a souligné l’importance du niveau régional, assurant que son organe a mis l’accent sur cet aspect. Il a estimé à cet égard que, les gouvernements doivent faciliter les processus de transfert de fonds et veiller à éliminer les commissions sur ces envois. Après s’être félicité de la loi actuellement débattue au Parlement chilien, M. Corzo Sosa a annoncé qu’un premier jet de l’Observation N°6 de son Comité allait être rédigé et que des discussions seraient menées au niveau régional à ce sujet. Il a ajouté que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) lui apporte un grand soutien en la matière. Il a aussi affirmé que les institutions nationales sont cruciales pour soutenir les efforts du Comité.
Évoquant la remarque de l’Algérie, M. Corzo Sosa a indiqué que le Comité travaille à une potentielle observation sur les discriminations, en particulier sur la xénophobie, en collaboration avec le Comité sur les disparitions forcées. Le Président du Comité a par ailleurs expliqué que son organe assure un suivi des cas d’exploitation des travailleurs migrants. Le Comité s’emploie par ailleurs à faire en sorte que les États en pointe sur le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ratifient la Convention. En conclusion, il a insisté sur l’importance de la participation non seulement des États mais aussi de la société civile pour défendre les droits humains des migrants.
M. FELIPE GONZÁLEZ MORALES, Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, a présenté les grandes lignes de son rapport qui examine les multiples facteurs de migrations transfrontalières dans le contexte des changements climatiques. Il a indiqué que les impacts du climat sur les droits humains des migrants doivent être abordés à toutes les étapes de leur voyage, en particulier lors de l’admission dans d’autres pays. De fait, a-t-il expliqué, les changements climatiques peuvent limiter les ressources et l’accès aux droits et constituer une menace pour la santé des migrants, à travers la perturbation des systèmes et des sources alimentaires, la perte des moyens de subsistance et l’augmentation de la pauvreté.
Or, a-t-il fait remarquer, lorsqu’elle est bien gérée, la migration devrait constituer une importante stratégie d’adaptation aux changements climatiques et devenir ainsi un choix sûr et accessible tout en permettant aux gens de s’adapter aux pressions de l’environnement. Il a ensuite recommandé l’adoption d’une approche multisectorielle intégrée pour garantir que les engagements politiques se traduisent par des actions concrètes. À cet égard, il a invité les États, lorsqu’ils évaluent les demandes d’admission et de séjour présentées par des migrants en situation de vulnérabilité, à adopter une approche centrée sur la personne et adaptée aux enfants, et à respecter les normes internationales en matière de droits humains, notamment l’interdiction de la discrimination.
Le Rapporteur spécial a rappelé qu’en 2012, son prédécesseur a présenté un rapport à l’Assemblée générale sur cette problématique dans lequel il relevait une lacune du droit international concernant la protection des personnes qui se déplacent pour des raisons environnementales. Malheureusement, a déploré M. Morales, 10 ans plus tard, cette lacune demeure. Il a appelé à interpréter les effets négatifs des changements climatiques sur les migrants dans un contexte sociopolitique plus large et d’examiner comment un tel contexte peut exacerber la discrimination, la persécution et la marginalisation préexistantes. M. Morales a également encouragé les États à améliorer la flexibilité et l’accessibilité des voies d’admission et à mettre en place des mécanismes appropriés pour permettre à tous les migrants qui ont besoin de voir leurs droits humains protégés de bénéficier d’un statut légal, y compris ceux qui ne peuvent pas retourner dans leur pays en raison des changements climatiques.
Parmi les pratiques prometteuses mises en œuvre par les États, le Rapporteur spécial a cité l’élaboration d’un « passeport climatique » qui offre aux personnes menacées la possibilité d’accéder aux droits civils dans des pays sûrs. Il a également parlé d’un visa humanitaire de deux ans pour les candidats migrants qui peuvent démontrer l’existence de raisons exceptionnelles liées aux catastrophes naturelles, ainsi que la création d’un fonds d’affectation spécial pour soutenir les relocalisations planifiées des communautés touchées. M. Morales a, en outre, encouragé Les États à donner suite à leur engagement d’élargir et de diversifier les voies d’accès à des migrations sûres, ordonnées et régulières, et à mettre en œuvre l’objectif 5 du Pacte mondial sur les migrations, relatif à l’accessibilité́ et la souplesse des filières de migration régulière.
Pour finir, il a informé les États Membres sur ses prochaines activités, notamment la présentation au Conseil des droits de l’homme, en juin 2023, d’un rapport sur ses récentes visites officielles en Pologne et au Bélarus ainsi qu’un rapport sur la régularisation des migrants. Il prévoit également de se rendre au Bangladesh et en Colombie.
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Comment les États Membres peuvent-ils veiller à ce que les filières de migration sûre, ordonnée et régulière, soient sensibles au genre, a demandé le Luxembourg qui a donné le coup d’envoi à cet échange. La Suisse a voulu en savoir plus sur l’inclusion de la société civile, des individus et des communautés affectés dans les réponses à la migration et au déplacement liés à l’environnement. Comment encourager la coopération entre les différents acteurs et quels mécanismes envisager pour améliorer la protection des droits humains des migrants lors de leur entrée dans un pays?, s’est enquise l’Union européenne. La clé est la mise en œuvre de l’Accord de Paris, la coopération internationale renforcée et le respect des règles internationales existantes, a estimé la Grèce.
Le Venezuela a souhaité connaître l’avis du Rapporteur spécial sur la possibilité d’inclure les mesures coercitives unilatérales comme cause structurelle et profonde des phénomènes liés à la mobilité humaine. Quelles mesures prendre pour renforcer la reconnaissance mutuelle des compétences et des qualifications des migrants afin d’accroître leur employabilité sur les marchés du travail formels, a demandé l’Égypte?
La Fédération de Russie a estimé que la relation complexe entre les changements climatiques et la migration nécessite un examen équilibré par des mécanismes internationaux spécialisés, principalement la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. La délégation a, par ailleurs, tancé les politiques migratoires des États-Unis et de l’Union européenne, pointant xénophobie, racisme, discrimination raciale et intolérance à l’égard des migrants d’origine africaine et asiatique. Le Bélarus a demandé au Rapporteur spécial de clarifier la notion des « données ventilées par sexe et leurs impacts sur les changements climatiques et les mouvements migratoires », suivi de Cuba qui s’est enquise de la situation des migrants sans papiers aux États-Unis, y compris ceux affectés par les changements climatiques.
Le Mexique a voulu connaître l’avis du Rapporteur spécial sur les modalités de promotion du lien entre changements climatiques et mobilité humaine. Les États-Unis ont mis en avant les bénéfices des programmes d’adaptation agricole, de résilience et de réduction des risques des catastrophes ainsi que des solutions basées sur la nature pour faire face aux changements climatiques et réduire les pressions provoquant des migrations. Les efforts internationaux ne devraient pas promouvoir de nouvelles voies migratoires, a estimé pour sa part la Hongrie qui a rappelé qu’elle n’a pas adhéré au Pacte mondiale sur les migrations.
Le Chili a voulu savoir si le mandat du Rapporteur spécial pourrait faciliter une réaction coordonnée face à une plus grande mobilité, tandis que le Cameroun a souhaité clarifier la différence entre les migrants liés aux changements climatiques et les réfugiés climatiques.
Que peut faire la communauté internationale pour s’assurer que les États respectent leurs obligations internationales s’agissant de cette problématique, s’est interrogée la Türkiye, appuyée par le Nigeria qui a appelé les États à renforcer leur coopération dans la mise en œuvre du Pacte mondiale sur les migrations afin de faire face aux répercussions des refoulements des migrants et de la violation de leurs droits. À cet égard, comment s’assurer que les États restent responsables de leurs actes, a voulu savoir l’Algérie. Et existe-t-il des exemples de bonnes pratiques en matière de politiques et de réglementations, se sont enquises la Colombie et la Malaisie.
La Chine s’est inquiétée des conséquences de la COVID-19 sur les droits des migrants, s’inquiétant en particulier de la situation des enfants séparés de leurs parents. Quelles sont les recommandations du Rapporteur spécial pour mieux se préparer face aux prochaines situations de crise d’urgence, s’est enquis le Bangladesh. Le Portugal a demandé des exemples de bonnes pratiques permettant de renforcer des solutions sûres et légales pour les migrations.
Comment faciliter la collecte de données fiables et pratiques dans ce domaine, a demandé le Maroc qui s’est également intéressé à l’impact des changements climatiques sur les populations nomades. Pour sa part, l’Ordre souverain de Malte a voulu savoir quels aspects du Pacte mondial sur les migrations n’ont pas encore été entièrement mises en œuvre par les États membres.
Répondant à ces questions et observations, le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants a rappelé que cette thématique avait déjà été traitée en 2012 et que son objectif était de faire le point pour savoir « où nous en étions » 10 ans plus tard. Certes, des avancées ont été réalisées, mais il subsiste encore des insuffisances dans la prise en compte des conséquences des changements climatiques sur la situation des migrants, a-t-il relevé.
Il a insisté sur l’importance d’une coordination entre les États d’origine, de transit et de destination en matière de politique migratoire qui, a-t-il appuyé, doit être cohérente et ne pas changer pas en fonction du gouvernement de chaque État ou de l’humeur du moment. Il faut également compter sur le soutien de la société civile, a-t-il ajouté, renvoyant au rapport présenté, il y a deux ans, sur le droit d’association des personnes migrantes.
M. Morales a par ailleurs indiqué que le rôle des femmes est particulièrement important dans le contexte des changements climatiques, appelant en outre au respect des droits des personnes LGBTI. Il a aussi souligné que les détentions doivent répondre à une procédure pénale, déplorant la détention administrative de migrants qui n’ont commis aucun délit. Il a ensuite indiqué qu’il compte présenter un rapport sur la régularisation des migrants, une question très importante, à laquelle plusieurs États Membres ont fait référence.
Mme FARIDA SHAHEED, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation, a présenté un rapport sur l’éducation et protection de la petite enfance (EPPE) et le droit à l’éducation. À l’heure actuelle, a-t-elle indiqué, il n’existe pas de définition internationale reconnue de l’EPPE. Elle a donc appelé tous les États et parties prenantes à définir et reconnaître une définition fondée sur les droits afin de combler cette lacune. Dans le contexte actuel, elle a déploré un environnement éducatif extrêmement difficile pour les jeunes enfants du monde entier, encore aggravé par la pandémie de COVID-19. En 2019, a-t-elle ainsi relevé, seulement un tiers des 82 millions d’enfants de pays touchés par l’urgence avaient accès à une forme d’apprentissage pré-primaire.
Selon Mme Shaheed, il a été prouvé que le dispositif d’éducation et de protection de la petite enfance est un moyen efficace de réduire les disparités éducatives entre les enfants de milieux et cultures différents, mais aussi d’améliorer les résultats de l’apprentissage et d’augmenter les revenus de toute une vie. Pourtant, a-t-elle regretté, lorsque l’EPPE n’est pas gratuite, ces avantages ne sont accessibles qu’aux familles qui en ont les moyens. Ainsi, une approche de l’EPPE fondée sur les droits permettrait de s’assurer qu’elle répond aux exigences du droit à l’éducation, a estimé la Rapporteuse spéciale. Reconnaissant le coût substantiel de l’EPPE, qui est souvent assuré par des prestataires privés, elle a appelé les États, donateurs et organisations de financement à veiller à ce que des règles du jeu équitables soient établies pour les apprenants les plus jeunes du monde entier, et ce, sans discrimination.
Enfin, la Rapporteuse spéciale a voulu attirer l’attention sur certaines des conclusions et recommandations de son rapport. La plus importante est peut-être l’appel lancé aux pays pour qu’ils intègrent et mettent en œuvre des cadres nationaux d’apprentissage tout au long de la vie dans leur système éducatif, a-t-elle fait valoir. Par ailleurs, il convient selon elle que tous les acteurs s’engagent dans des consultations pour identifier et codifier une approche de l’EPPE fondée sur les droits, ce qui exige un effort collectif de la part des organisations internationales et nationales, des gouvernements et des citoyens ainsi que des parents et des enfants.
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Après cette présentation, l’Union européenne s’est interrogée sur la manière de promouvoir au mieux un apprentissage numérique qui contribue à une éducation de haute qualité, assure l’inclusion et garantit l’équité. Comment pouvons-nous assurer l’égalité d’accès à une éducation de qualité pour tous, y compris les enfants et les jeunes, a aussi voulu savoir Malte, par la voix d’une déléguée de la jeunesse. Quel est le meilleur moyen d’ancrer le droit à l’éducation et à la protection de la petite enfance dans le droit international des droits humains? a demandé le Luxembourg, dont la question a été soulevée également par le Portugal. Considérant que l’inclusion d’un apprentissage numérique doit se faire en respectant les droits humains, la Grèce s’est enquise de la meilleure solution pour traiter de cette question-clé.
De son côté, Cuba a rappelé les difficultés occasionnées par le blocus que lui imposent les États-Unis, y voyant le principal obstacle au développement du pays. À cette aune, elle a voulu connaître l’avis de la Rapporteuse spéciale sur les répercussions de ce blocus sur l’éducation. Une question reprise à son compte par la République islamique d’Iran, qui a elle aussi dénoncé les mesures coercitives unilatérales.
Se projetant dans l’après-COVID-19, la Malaisie a souhaité savoir quels sont les secteurs de l’éducation qui nécessitent une attention particulière pour s’assurer de relever les défis futurs. À sa suite, le Nigéria s’est interrogé sur les mesures à prendre pour renforcer les capacités nationales des pays en développement afin de répondre aux lacunes mondiales en termes d’accès à l’éducation, compte tenu des répercussions de la pandémie. À la lumière des leçons apprises de cette période, l’Algérie a voulu savoir comment utiliser l’apprentissage sur Internet pour améliorer la qualité de l’éducation. La délégation a par ailleurs évoqué la situation des enfants autistes et le manque d’enseignants, demandant un partage d’expériences réussies dans ces domaines. Quels outils doivent être utilisés pour soutenir le bien-être mental des étudiants qui reprennent les cours en période postpandémique, ont quant à eux demandé les États-Unis, qui se sont dits préoccupés par la situation des filles en Afghanistan et des enfants en Ukraine.
Entendre les préoccupations des États-Unis est assez cynique, a répondu la Fédération de Russie, qui leur a demandé de rendre les fonds « volés » à l’Afghanistan, estimant que cet argent pourrait être utilisé dans le secteur de l’éducation de ce pays. La délégation a par ailleurs pointé la discrimination contre les populations russophones d’Ukraine, de Lettonie et des États baltes, jugeant que ces pays se livrent à une « politique d’effacement » de l’identité nationale et culturelle des enfants russes.
De son côté, l’Érythrée s’est interrogée sur la manière pour les États de soutenir le lien entre enfants et parents, avant de souligner la nécessité d’une participation des parents dans le système éducatif. Le Cameroun a, lui, voulu savoir le rôle que peuvent jouer les familles en tant que membres de la communauté éducative. Le Pérou s’est ensuite demandé comment la communauté internationale peut promouvoir le plein accès à la protection et à l’éducation de la petite enfance des populations autochtones, tandis qu’El Salvador demandait comment faire en sorte que l’éducation de la petite enfance soit une question transversale pour les Nations Unies.
La République Tchèque a, pour sa part, rappelé la tenue prochaine de la conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation à la fin du mois, une annonce reprise par l’UNESCO elle-même, qui a dit compter sur la présence d’un millier de participants et sur un nouvel engagement politique des États. Soulignant les difficultés mondiales telles que les changements climatiques et les conflits, l’agence a souhaité savoir ce que peut faire la communauté internationale pour profiter des possibilités offertes par l’EPPE pour mieux sensibiliser à la paix et à la sécurité mondiales.
Le Qatar a par ailleurs détaillé des mesures nationales afin de garantir l’accès à l’éducation gratuite, tandis que l’Arabie saoudite faisait état d’initiatives sur Internet pour fournir des contenus éducatifs dans un contexte de pandémie. Le Royaume-Uni a appelé à éliminer les normes nocives liées au genre, afin de s’assurer que le système éducatif permette une égalité au niveau mondial. Enfin, la Chine s’est félicitée de la tenue du Sommet sur la transformation de l’éducation, indiquant envisager une prochaine conférence sur l’éducation numérique.
En réponse aux délégations, la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation a relevé les questions sur les défis liés à l’EPPE. Nous avons tendance à mettre l’accent sur l’éducation mais n’oublions pas le mot protection, a-t-elle souligné. Il faut donc que les enseignants sachent s’occuper des enfants et les protéger, a-t-elle fait valoir, rappelant que lorsqu’on parle d’éducation et de protection de la petite enfance, cela inclut l’alimentation ou encore l’hygiène. La Rapporteuse spéciale a reconnu qu’une série de détails reste à peaufiner, telle que l’éducation et la protection des enfants réfugiés, des enfants autochtones et des enfants en situation de handicap.
S’agissant de l’établissement et du renforcement du cadre juridique, Mme Shaheed a souhaité que les mesures d’EPPE soient davantage précisées. Rappelant les débats qui ont lieu à ce sujet, elle a estimé que d’autres consultations s’imposent avec les diverses parties prenantes. Il faut notamment insister sur la gratuité de l’éducation, a-t-elle préconisé, avant de se dire impatiente d’examiner de plus près la question de la numérisation et du respect de chacun en ligne. D’aucuns ont le sentiment que le télé-enseignement est une bonne solution mais cela pose aussi des problèmes, a-t-elle relevé, notant par ailleurs une inégalité d’accès qui n’a pas vraiment changé depuis 2011.
Répondant ensuite aux États-Unis, la Rapporteuse spéciale s’est déclarée surprise de voir combien d’enfants ont encore des difficultés à avoir une vie sociale après la pandémie. Il n’y a pas assez de recherches à ce sujet, a-t-elle regretté, estimant en outre qu’il est urgent de se pencher sur la question des enseignants et de leurs conditions de travail. Le financement de l’éducation est une question centrale, a souligné Mme Shaheed, qui a par ailleurs cité le problème grandissant de la violence dans les écoles. La Rapporteuse spéciale a également plaidé pour l’égalité d’accès à l’éducation numérique, sans laquelle, a-t-elle averti, les résultats escomptés ne seront pas au rendez-vous sur le plan des droits humains. Enfin, elle s’est prononcée pour l’intégration des droits humains dans l’EPPE.