En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-septième session  
19e & 20e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4352

La manipulation de l’information, les mesures coercitives dans le cyberespace et les représailles pour la coopération avec l’ONU mobilisent l’attention de la Troisième Commission

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a dialogué aujourd’hui avec pas moins de huit experts et titulaires de mandat, l’occasion pour les délégations de faire le point sur plusieurs dimensions des droits de la personne, dont le problème de la torture, la manipulation de l’information en temps de guerre, l’application de mesures coercitives unilatérales dans le cyberespace, et l’indépendance des juges et des avocats.

Les travaux ont commencé avec l’intervention de la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme qui a présenté plus d’une douzaine de rapports, dont le premier rapport du Secrétaire général sur les représailles pour la coopération avec l’ONU*.  Mme Ilze Brands Kehris a ainsi fait état d’un nombre élevé et persistant d’actes d’intimidation et de représailles ayant touché des individus et des groupes coopérant avec l’ONU dans 42 pays, et des risques particuliers auxquels sont confrontées les femmes.  Elle s’est aussi préoccupée de certaines tendances inquiétantes telles que la surveillance, en ligne et hors ligne, et la mise en place de législations restrictives punissant la coopération avec les Nations Unies pour des raisons de contre-terrorisme ou de sécurité nationale, ou sur la base de lois sur les ONG. 

La question de l’expansion des sanctions unilatérales dans le cyberespace a également mobilisé l’attention des États Membres qui ont entendu la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme soulever des préoccupations au sujet de leur utilisation.

En effet, selon Mme Alena Douhan, l’absence de consensus sur la notion d’« activité malveillante » dans le cyberespace et la nécessité de fournir une attribution appropriée aux individus, aux entreprises et aux États entraînent une utilisation de plus en plus abusive de ce terme.  Les sanctions ciblées sont ainsi utilisées comme un substitut aux poursuites pénales pour les cybercrimes, sans aucune possibilité de procès équitable ou de présomption d’innocence, s’est inquiétée la Rapporteuse qui a invité le Conseil de sécurité à entamer des discussions sur la question de savoir si des activités malveillantes dans le cyberespace peuvent être considérées comme une menace pour la paix et la sécurité internationales. 

« L’information est devenue un théâtre de guerre dangereux de l’ère numérique », a averti pour sa part la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression qui a attiré l’attention des délégations sur la manipulation de l’information pendant les conflits armés.  Certes, a concédé Mme Irene Khan, l’information est depuis longtemps manipulée en temps de guerre pour tromper ou démoraliser l’ennemi.  Mais l’inquiétante nouveauté des conflits actuels réside dans l’ampleur et la rapidité avec laquelle se propagent la désinformation et les discours de haine, notamment au moment où les plus vulnérables ont le plus grand besoin d’informations exactes. 

Le problème de l’impact de l’autoritarisme sur l’indépendance de la justice et le rôle des avocats ont été abordés par le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats qui s’est inquiété de l’expansion des choix politiques autoritaires qui nuisent à l’indépendance judiciaire et au libre exercice de la profession juridique.  Notant par ailleurs que les femmes occupent un pourcentage disproportionnellement faible dans les échelons supérieurs des systèmes judiciaires, M. Diego García-Sayán a proposé que, d’ici à 2030, 50% des postes publics de haut niveau soient occupés par des femmes.  Il a également insisté sur l’importance du pluralisme juridique, déplorant un manque inquiétant de représentation des peuples autochtones dans les hautes cours de justice. 

Les délégations ont également dialogué avec la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui a alerté que les incidents de torture les plus courants comprennent des atteintes inhumaines ou dégradantes qui sont perpétrées tous les jours et parfois de façon routinière.  Nous ignorons ces agressions dites « mineures » à nos risques et périls, a mis en garde Mme Alice Jill Edwards qui a par ailleurs appelé à rechercher des alternatives aux systèmes de justice pénale orientés vers la confession et qui se sont avérés encourager les tactiques d’interrogatoire abusives. 

De son côté, le Président du Comité contre la torture a regretté que certains États parties ne s’acquittent pas de leurs obligations en matière de présentation de rapports, dénonçant notamment le refus explicite des autorités nicaraguayennes de soumettre des réponses écrites à la liste des points à traiter.

M. Claude Heller a en outre signalé qu’en raison de la pandémie de COVID-19, 59 rapports initiaux ou périodiques et 212 plaintes individuelles sont en attente d’examen, insistant sur l’importance d’allouer des ressources financières, humaines et matérielles nécessaires pour permettre aux organes de traités de s’acquitter pleinement de leurs mandats.  Les mêmes problèmes de dossiers en souffrance et de sous-financement se posent au Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a indiqué sa présidente, Mme Suzanne Jabbour, notant que le Sous-Comité ne pouvait effectuer que 8 ou 9 visites par an contre les 12 à 15 envisagées initialement. 

La Directrice adjointe du Groupe de l’environnement et du développement durable au Cabinet exécutif du Secrétaire général, Mme Lara Blanco Rothe a présenté pour sa part les grandes lignes du troisième rapport du Secrétaire général sur l’intégration du handicap au sein de l’ONU. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux lundi 17 octobre, à partir de 10 heures. 

*à paraître sous la cote A/HRC/51/47

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Déclarations liminaires suivies de dialogues interactifs

S’exprimant en visioconférence depuis Genève, Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a présenté 17 rapports du Secrétaire général et du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, dont celui sur la Situation du système des organes conventionnels des droits de l’homme (A/77/279) qui met l’accent sur l’accord conclu en juin dernier en vue d'établir un calendrier  prévisible sur huit ans pour l’examen des rapports des États parties. 

Passant au rapport sur le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage (A/77/230), elle a relevé que celui-ci a atteint la barre des 1,5 million de dollars au cours de la période considérée et accordé 43 subventions cette année.  Le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture (A/77/231) a accordé pour sa part 184 subventions annuelles, touchant plus de 46 000 survivants dans 92 pays.  Elle a ajouté que les contributions au Fonds s’étaient élevées à 10,5 millions de dollars au cours de la période considérée.

La Sous-Secrétaire générale a présenté une mise à jour orale de la résolution 76/175 sur l’accès équitable aux vaccins contre la COVID-19, déplorant que malgré un déploiement mondial sans précédent en termes de vitesse et d'échelle, la distribution avait été très inégale.  Seules 28% des populations âgées et 37% des travailleurs de la santé des pays à faible revenu ont été vaccinés, a-t-elle relevé, s’inquiétant aussi de l’accès aux vaccins des millions de personnes déplacées.  Elle a également signalé que l’hésitation à se faire vacciner a entraîné le plus grand recul en termes de vaccination en général en 30 ans, faisant peser un risque de résurgence de maladies comme la polio ou la rougeole.  Le traité sur les pandémies actuellement en discussion, devrait prévoir une approche mondiale coordonnée pour le développement et la distribution de vaccins, de médicaments et de traitements, fondée sur la solidarité, la coopération et les droits humains, a-t-elle estimé.

Mme Brands Kehris s’est ensuite félicitée de pouvoir présenter le premier rapport sur les représailles pour la coopération avec l’ONU (à paraître sous la cote A/HRC/51/47).  Elle a fait état d’un nombre élevé et persistant d’actes d’intimidation et de représailles dans 42 pays, et des risques particuliers auxquels sont confrontées les femmes.  Elle s’est aussi préoccupée de certaines tendances inquiétantes telles que la surveillance, en ligne et hors ligne, et la mise en place de législations restrictives punissant la coopération avec les Nations Unies pour des raisons de contre-terrorisme ou de sécurité nationale, ou sur la base de lois sur les ONG. 

Passant au rapport consolidé sur le droit au développement (A/HRC/51/22), elle a indiqué que l’application de ce droit aurait pu prévenir ou atténuer divers impacts de la pandémie et orienter le redressement au niveau mondial.  Elle a ensuite présenté le rapport sur la Promotion et protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales des Africains et des personnes d’ascendance africaine face au recours excessif à la force et aux autres violations des droits de l’homme dont se rendent coupables des membres des forces de l’ordre (A/HRC/51/53); suivi du rapport sur la protection des migrants (A/77/212), qui recommande d’élargir les voies de migration régulières et les possibilités de régularisation; et du rapport sur les personnes disparues (A/77/245) qui propose des mesures législatives pour empêcher les disparitions, répondre aux besoins des familles et garantir la responsabilité.  

Après le rapport sur le rôle des institutions des ombudsmans et des médiateurs (A/77/248), la Sous-Secrétaire générale a fait le point sur le rapport sur le moratoire sur l’application de la peine de mort (A/77/274) ainsi que sur un texte intitulé « Combattre la désinformation pour promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales« »(A/77/287) qui indique que la désinformation se présente sous différentes formes et peut émaner d’États, de groupes ou d’individus, comme l’ont montré récemment la pandémie ou les conflits.  Elle a condamné l’utilisation de lois censées lutter contre la désinformation et autres contenus préjudiciables pour censurer et criminaliser les voix critiques et réduire la société civile au silence. 

Le rapport sur la question des droits humains dans l’administration de la justice (A/77/364) met en lumière les évolutions, les défis et les bonnes pratiques, notamment en ce qui concerne les femmes et les filles, a-t-elle expliqué.  Abordant le rapport sur la lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence fondée sur la religion ou la conviction (A/77/487), elle s’est inquiétée de la propagation accélérée de la haine dans l’espace numérique.

En venant aux rapports consacrés à des situations particulières, elle a indiqué que, le rapport sur la situation relative aux droits humains dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine)temporairement occupées (A/77/220), exposait l'’impact négatif de l’offensive militaire de la Fédération de Russie sur l’environnement général des défenseurs des droits de la personne.  S’agissant de la situation relative aux droits humains en République populaire démocratique de Corée (A/77/247*), elle a déploré l’isolement du pays, rendu plus extrême par la pandémie de COVID-19, la répression croissante des droits civils et politiques, et l’utilisation des nouvelles technologies pour supprimer l’accès aux médias étrangers.  Elle a également noté que, malgré la vulnérabilité des infrastructures sanitaires, le gouvernement avait décliné les offres des Nations Unies pour soutenir le déploiement d’un programme de vaccination contre la COVID-19.

Évoquant pour finir la situation des droits humains en République islamique d’Iran (A/77/181) elle s’est inquiétée d’une augmentation des exécutions et du maintien de la peine de mort pour les enfants délinquants.  Elle a fait état d’un usage « inutile et disproportionné » de la force lors de rassemblements pacifiques et du recours continu à des accusations liées à la sécurité nationale contre les défenseurs des droits humains et les avocats.  Le rapport aborde également l’impact des sanctions, a-t-elle précisé.

Dialogue interactif

Prenant la parole, la Suisse a demandé ce que pouvaient faire les États Membres pour aider le HCDH à lutter contre les représailles que subissent les défenseurs des droits humains qui coopèrent avec l’ONU.  Les États-Unis se sont, eux aussi, élevés contre cette situation et ont appelé à agir face aux acteurs étatiques qui tentaient d’empêcher l’accès de la société civile à l’ONU.  L’Union européenne (UE) a plus particulièrement condamné les lois qui ciblent les ONG « non désirables », et a voulu savoir si des progrès avaient pu être enregistrés dans le travail du HCDH, notamment grâce aux outils numériques.  S’inquiétant des violations entraînées par le conflit en Ukraine, le Canada a demandé comment les États Membres peuvent soutenir au mieux les activités du HCDH, notamment les dispositions pour combattre les représailles.  De son côté, le Royaume-Uni a voulu savoir comment encourager les travaux du HCDH quand les États ne répondaient pas à ses sollicitations.  

La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a estimé que le rapport du Secrétaire général était une ingérence dans ses affaires internes, qu’il rapportait de fausses informations et était « politisé », demandant ensuite à l’UE de s’occuper des violations commises par ses propres États membres, estimant que la « charité bien ordonnée commence par soi ».  L’Arabie saoudite a assuré que personne n’était détenu sur son territoire sans respect des procédures légales en vigueur, suivie du Bélarus qui a rejeté les conclusions du rapport sur les représailles le concernant, estimant qu’elles étaient fondées sur des informations obsolètes et exposait l’avis subjectif du rapporteur.  L’Azerbaïdjan a regretté l’utilisation d’un nom géographique « non reconnu internationalement » dans le rapport dédié aux personnes disparues, la République arabe syrienne Syrie a rejeté les rapports par pays et s’est concentrée sur le rapport contre la désinformation, dénonçant « la grande campagne médiatique » contre elle.  L’Iran a qualifié d’injustifiées les conclusions du rapport le concernant et a regretté que sa condamnation des sanctions unilatérales des États-Unis n’ait pas été prise en compte.

L’Ukraine a condamné l’enrôlement forcé d’Ukrainiens de Crimée pour lutter contre leurs « frères », suivie de l’Irlande qui s’est inquiétée des attaques contre les femmes et les filles et de l’Albanie qui s’est intéressée à l’action de l’ONU pour empêcher les représailles contre les défenseurs des droits humains.  

La Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a concentré sa réponse sur la question des représailles.  Notant qu’il était important d’en parler à New York et pas seulement à Genève, elle a appelé le maximum d’États Membres à soutenir l’adoption d’un projet de résolution issue du rapport.  Elle a précisé que 40% des États avaient répondu aux questionnaires envoyés pour ce rapport et que des cadres législatifs protecteurs pouvaient être mis en place avec l’aide du HCDH.  

Mme LARA BLANCO ROTHE, Directrice adjointe du Groupe de l’environnement et du développement durable au Cabinet exécutif du Secrétaire général, a présenté les grandes lignes du troisième rapport du Secrétaire général sur l’intégration du handicap au sein de l’ONU.  À cette occasion, elle a rappelé que la Stratégie des Nations Unies pour l’inclusion du handicap a été lancée par le Secrétaire général en 2019 dans le but de réaliser un changement transformateur et durable dans l’ensemble des activités de l’Organisation, à tous les niveaux du personnel et dans tous les programmes et opérations, de sorte que celle-ci puisse aider les États Membres à ne laisser aucune personne handicapée de côté.

Soulignant l’importance d’une ONU inclusive, accessible et capable de soutenir les États Membres dans la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, Mme Blanco Rothe a cité plusieurs chiffres démontrant, à ses yeux, l’impact de la Stratégie depuis 2019.  Elle a tout d’abord relevé que le nombre d’entités de l’ONU qui répondent aux critères de la Stratégie a augmenté de près de 100% dans ce laps de temps, passant de 16% à 30%.  De plus, 130 équipes de pays ont présenté un rapport sur cette question pour la deuxième année consécutive, s’est-elle félicitée.  Cela étant, 70% des critères de référence n’ont pas été atteints dans l’ensemble du système des Nations Unies, a nuancé la Directrice adjointe, reconnaissant qu’il reste encore du chemin à parcourir.

Mme Blanco Rothe s’est cependant réjouie qu’un nombre croissant d’entités et d’équipes pays intègrent explicitement l’inclusion du handicap dans leurs plans stratégiques et budgets.  Elle a également fait état de progrès sur le plan de l’accessibilité des personnes handicapées au numérique et dans d’autres domaines où l’Organisation n’était pas efficiente au départ, à savoir les communications, la consultation des organisations de personnes handicapées et l’approvisionnement.  Elle s’est par ailleurs déclarée satisfaite de voir nombre d’opérations de paix mettre en œuvre la stratégie, même si elles ne remplissent encore que 17% des critères de référence de la Stratégie.

La Stratégie des Nations Unies sur l’inclusion du handicap ne sera couronnée de succès que lorsque les personnes handicapées travailleront avec nous à tous les niveaux, a souligné la Directrice adjointe.  En conclusion, elle a estimé que le partenariat avec les États Membres et le soutien continu de ces derniers sont les conditions du succès de la Stratégie et de son impact pour le milliard de personnes handicapées dans le monde.

Dialogue interactif

À la suite de cet exposé, la Finlande a fait remarquer qu’elle fait partie des États soutenant financièrement la Stratégie des Nations Unies sur l’inclusion du handicap.  Déplorant la relative lenteur des progrès réalisés en matière d’intégration de la Stratégie dans les opérations de maintien de la paix, elle a demandé un état des lieux mis à jour sur ce point.  Elle a, d’autre part, constaté que la sensibilisation à l’inclusion des personnes handicapées n’est encore ni systématique ni obligatoire au sein du personnel de l’ONU, avant de s’interroger sur les moyens d’accroître cette prise de conscience.  À sa suite, la Nouvelle-Zélande a jugé que l’ONU, sur le terrain comme au Siège, ne représente pas assez les personnes handicapées.  Considérant que la Stratégie devrait aller plus loin à ce sujet, elle a souhaité en savoir davantage sur les actions que peuvent mener les États Membres pour épauler l’ONU.

De son côté, la République arabe syrienne a fait valoir que les besoins spécifiques des personnes handicapées impliquent des ressources supplémentaires, lesquelles font défaut à la Syrie, pays ravagé par une décennie de guerre et soumis à des mesures coercitives unilatérales.  À cet égard, elle a voulu savoir ce que peuvent faire les Nations Unies pour contourner ces sanctions et soutenir le Gouvernement syrien dans son action en faveur des personnes handicapées.

Répondant à ces questions et remarques, la Directrice adjointe du Groupe de l’environnement et du développement durable au Cabinet exécutif du Secrétaire général, a abordé en premier lieu, le retard constaté dans l’intégration des objectifs de la Stratégie dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU.  Ce retard, a précisé Mme Blanco Rothe, a été mis en évidence par un examen institutionnel effectué en 2018.  Toutefois, a-t-elle ajouté, trois ans plus tard, les indicateurs ont fait apparaître des progrès en termes d’inclusion des personnes handicapées, y compris dans les missions de paix.  Pour expliquer ces avancées, elle a cité la désignation de points focaux sur l’inclusion du handicap au sein de l’Organisation et la décision de prendre des « mesures accélérées » pour mettre en œuvre la Stratégie.

Mme Blanco Rothe s’est déclarée particulièrement encouragée par les progrès accomplis en termes d’inclusion des personnes handicapées au sein des institutions humanitaires de l’ONU.  Le taux d’atteinte des objectifs y est passé de 15% à 40%, s’est-elle réjouie, ajoutant que ces progrès concernent autant les situations de conflit que les catastrophes naturelles.

S’agissant des mesures prises pour augmenter les compétences du personnel de l’ONU sur l’inclusion des personnes handicapées, la Directrice adjointe a signalé la mise en place de modules de formation en ligne, qui s’ajoutent à une formation globale renforcée pour tous les membres du personnel.  Elle a, d’autre part, invité les États Membres à maintenir les ressources allouées à l’aide aux personnes en situation de handicap et à ne pas les affecter à d’autres domaines.  Elle a souhaité, à cet égard, que ces questions soient soulevées dans le cadre des travaux de la Cinquième Commission, tout en rappelant que la Stratégie est aussi soutenue par des ressources extrabudgétaires.  Enfin, répondant brièvement à la Syrie, elle s’est dite ravie du travail réalisé par l’équipe de pays de l’ONU, qui s’emploie à coordonner localement les actions sur l’inclusion du handicap.

M. CLAUDE HELLER, Président du Comité contre la torture, qui présentait le rapport annuel du Comité couvrant la période du 29 avril 2021 au 13 mai 2022, a regretté que certains États parties ne s’acquittent pas de leurs obligations en matière de rapports.  Le rapport initial de 29 États parties et les rapports périodiques de 45 autres États parties sont actuellement en retard, a déploré le Président, dont le Comité est chargé de surveiller le respect de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par les 173 États parties.

M. Heller a notamment déploré le refus explicite des autorités nicaraguayennes de soumettre des réponses écrites à la liste des points à traiter, adoptée en décembre 2020, et l’absence de délégation de l’État partie lors de l’examen de son deuxième rapport périodique en juillet dernier.  À cet égard, le Comité rejette fermement les termes de la lettre, datée du 29 juin 2022, du Ministre des affaires étrangères du Nicaragua, qui « met en doute » la légitimité et l’intégrité du Comité, ainsi que du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et d’autres organes et agences internationaux de défense des droits humains.  Compte tenu de cette situation et conformément à son règlement intérieur, le Comité a décidé de procéder à l’examen du rapport périodique et d’adopter ses observations finales provisoires, qui ont été soumises à l’État partie pour commentaires, et qui seront adoptées comme définitives lors de la prochaine session en novembre. 

Par ailleurs, le Comité a adopté des observations finales sur 12 rapports initiaux ou périodiques présentés, ainsi que sur le statut d’un État partie supplémentaire qui n’a pas présenté de rapport.  Les rapports soumis par quatre autres États parties ont également été examinés après l’adoption du rapport annuel.

Poursuivant, le Président du Comité contre la torture a signalé que la pandémie de COVID-19 a entraîné des retards dans l’examen public des rapports soumis par les États parties.  Actuellement, 59 rapports initiaux ou périodiques sont en attente d’examen.  Cependant, le Comité et son secrétariat ne disposent pas de ressources suffisantes pour faire face à cette charge de travail accrue, a-t-il déploré.  S’agissant des plaintes concernant la pratique systématique de la torture, il a précisé que le Comité a examiné 70 plaintes individuelles au cours de ses quatre dernières sessions: il a adopté 45 décisions sur le fond, considéré 12 communications comme recevables et interrompu l’examen de 13 autres.  Il a souligné que la charge de travail du Comité pour le traitement des plaintes individuelles reste considérable, 212 plaintes individuelles étant en attente d’examen.  Cet arriéré de communications en souffrance ne peut pas non plus être absorbé par les méthodes de travail et les ressources actuelles, a-t-il fait observer.

Le Président a ensuite regretté que certains États parties n’aient pas mis en œuvre les décisions prises à la suite de plaintes individuelles.  De plus, le Comité est également préoccupé par les actes d’intimidation et de représailles à l’encontre des personnes et des groupes qui cherchent à coopérer ou ont coopéré avec lui. 

Estimant le moment venu de s’orienter vers une approche commune pour renforcer et améliorer le fonctionnement du système des organes de traités relatifs aux droits humains, il s’est félicité donc de l’accord conclu par les présidents des organes de traités lors de leur réunion, tenue du 30 mai au 3 juin 2022 à New York, qui comprend la proposition d’établir un calendrier prévisible d’examen des pays sur huit ans couvrant toutes les procédures de présentation de rapports des organes de traités et tous les États parties, avec des examens de suivi à mi-cycle.  Il a ensuite insisté sur l’importance d’allouer des ressources financières, humaines et matérielles nécessaires pour que les organes de traités aient les moyens de s’acquitter pleinement de leurs mandats.

Dialogue interactif

À l’issue de cet exposé, le Chili a promis de présenter son septième rapport au Comité et d’envoyer les documents à cette fin au cours des prochains jours.  L’Union européenne ainsi que le Danemark ont souhaité savoir quels étaient les principaux défis que doivent relever les États s’agissant des informations à fournir.

Les États-Unis se sont inquiétés de la situation des droits de la personne dans le Xinjiang, notant que le rapport du Haut-Commissariat des droits de l’homme décrit les exactions et actes de tortures commis par la Chine sur les Ouïgours et d’autres minorités religieuses.  De même, la délégation a accusé les forces russes de crimes en Ukraine et évoqué la situation en Syrie et en Iran, avant d’interroger le Comité sur le point de savoir comment amener les responsables à rendre des comptes.  La Chine a, au contraire, qualifié l’évaluation par le Haut-Commissariat de « fallacieuse », y voyant le résultat d’une coercition de la part de l’Occident.  La délégation a noté, par ailleurs, que les États-Unis ont un « passif très nébuleux » sur les droits fondamentaux, citant notamment la prison de Guantanamo dont la fermeture a été réclamée par 16 experts de droits humains, sans succès.

Position soutenue par la Fédération de Russie qui, outre la « tristement célèbre prison » de Guantanamo, a dénoncé les enlèvements de citoyens russes par les agences de renseignement américaines.  La délégation a également pointé du doigt le Royaume-Uni, qui a décidé d’extrader vers les États-Unis, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, où il risque une peine de 175 ans de prison.  Elle a aussi critiqué la ségrégation au sein du système correctionnel canadien.  Enfin, en Ukraine, la torture et les exécutions extrajudiciaires ont atteint des proportions catastrophiques, a-t-elle affirmé.  Jusqu’à quand les mécanismes internationaux des droits humains continueront-ils d’étouffer ce sujet? 

À son tour, le Mexique s’est enquis des meilleures pratiques identifiées par le Comité pour prévenir les cas de représailles et les actes d’intimidation à l’encontre des représentants des organisations de la société civile et des défenseurs des droits humains.  L’Arabie saoudite a indiqué que, sur son sol, les détentions n’ont lieux que dans des endroits spécifiques et pour des périodes précises et que personne ne peut être assujetti à la torture ou à des traitements dégradants.

S’agissant de la problématique spécifique des représailles, le Président du Comité contre la torture a expliqué que, pour combattre le phénomène, le Comité noue, dans la mesure du possible, un dialogue avec l’État concerné, par le biais de la Mission permanente, rappelant qu’il existe également des mécanismes au sein du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Il a également indiqué que la Convention prévoit que, si le Comité dispose d’informations ou de documents impliquant une situation de pratique systématique de la torture, un processus d’enquête confidentielle est enclenché.  Le Comité ne se prononce pas en public, mais entame une coopération avec l’État concerné et peut même prévoir la possibilité d’une visite dans le pays pour traiter de situations préoccupantes.  M. Heller a souligné que « nous ne prenons pas de décisions politiques », et que son Comité accorde des traitements équitables à tous les États faisant partie de la Convention.

Pour ce qui est de la présentation des rapports, il y a, a expliqué le Président du Comité, une coopération directe par le biais du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, pour aider à la préparation des rapports dont la rédaction oblige l’État partie à organiser et coordonner les différentes instances nationales.  Il a ensuite salué l’intention de plusieurs États de présenter leur rapport, citant le Chili, la Chine et le Mexique, insistant par ailleurs sur la responsabilité qui revient à chaque État.  Il a également attiré l’attention sur le manque de ressources humaine, financière et matérielle des

Mme SUZANNE JABBOUR, Présidente du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a noté que cette année marquait le vingtième anniversaire de l’adoption du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et le quinzième anniversaire de la création du Sous-Comité.  Elle a regretté que plus d’un cinquième des États ayant ratifié le Protocole facultatif n’aient pas encore établi de mécanisme national de prévention pleinement opérationnel.  

Elle a souligné que le travail du Sous-Comité, en 2020 et 2021, avait été gravement affecté par la pandémie de COVID-19, mais que les visites sur le terrain avaient repris en 2021, avec un déplacement en Bulgarie.  En 2022, des visites ont déjà été effectuées au Brésil, en Tunisie, en Argentine, au Liban, en Türkiye et en Équateur, et d’autres sont prévues en Australie et en Bosnie-Herzégovine, avant la fin de l’année.

Mme Jabbour s’est déclarée convaincue que, la visite du Sous-Comité au Brésil avait contribué à l’annulation, par la Cour suprême fédérale, d’un décret présidentiel ayant considérablement réduit les ressources et l’indépendance des mécanismes nationaux de prévention.  Elle a aussi souligné que, la délégation du Sous-Comité avait été reçue par le Premier Ministre de Tunisie en avril, et que le pays avait réitéré son engagement envers le Protocole facultatif.  Et, en Türkiye, le Sous-Comité a effectué des visites dans les lieux de détention avec les mécanismes nationaux de prévention, contribuant ainsi à renforcer les mandats de ces derniers.

La Présidente a cependant regretté que le Sous-Comité n’ait pu effectuer 8 ou 9 visites par an ces dernières années, alors qu’il devrait en effectuer au moins 10 - voire 12 à 15.  En outre, le Sous-Comité reste chroniquement en sous-effectif et manque de ressources.  Elle a ensuite appelé les États Membres à lui fournir les ressources nécessaires afin de renforcer les efforts de prévention de la

Dialogue interactif

L’Union européenne a demandé ce que pouvait faire le Sous-Comité et les mécanismes nationaux de prévention pour s’assurer que les professionnels de la santé puissent effectuer leur travail dans les lieux de détention.  Le Liban a voulu en savoir plus sur la situation financière du Sous-Comité, tandis que le Royaume-Uni s’est intéressé aux communications avec les États parties.  Comment assurer la mise en œuvre des nouveaux principes de collecte d’informations pendant les enquêtes, a ensuite demandé le Danemark.

La Présidente du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a souligné que le travail du Sous-Comité reposait sur les visites et s’est plainte du manque chronique de ressources financières et humaine de l’organe.  Elle a insisté sur la nécessaire indépendance et neutralité des mécanismes nationaux de prévention qui, a-t-elle souligné, devraient être dirigés par des experts des droits humains reconnus et être bien financés.  À ce sujet, elle a noté qu’un fonds de contribution volontaire avait été mis en place pour aider les États Membres à mettre en œuvre les recommandations du Sous-Comité et contribuer à renforcer la capacité des mécanismes nationaux de prévention.  Or celui-ci est sous-financé: s’il a pu débourser 380 000 dollars en 2022, il est pour l’instant déficitaire en 2023.  Elle a appelé les États Membres à contribuer à la reconstitution du fonds.  Mme Jabbour a ensuite expliqué que, le processus de travail du Sous-Comité reposait sur un dialogue permanent avec les États Membres et insisté sur l’importance de la formation des personnels de santé pour parvenir aux meilleurs résultats possibles. 

Mme ALICE JILL EDWARDS, Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a indiqué que le plus grand défi pour éradiquer la torture est le besoin de leadership et de volonté politique.  Bien qu’il y ait encore trop de formes sensationnelles de torture, les incidents les plus courants comprennent des atteintes inhumaines ou dégradantes qui sont perpétrées tous les jours et parfois de façon routinière, a-t-elle signalé.  Nous ignorons ces agressions dites « mineures » à nos risques et périls, a-t-elle mis en garde, ajoutant que même dans les pays qui se sont engagés à interdire la torture et prennent des mesures dans ce sens, il y aura des incidents, des défaillances et des reculs.  Je vous demande de reconnaître que l’État parfait n’existe pas, a-t-elle lancé.  

La Rapporteuse s’est ensuite engagée à travailler de manière constructive et coopérative, en restant à l’écoute des traditions juridiques et contextes locaux.  Les voix des victimes et des survivants seront amplifiées, a-t-elle promis, indiquant appliquer des méthodes féministes et axées sur l’égalité.  Elle a présenté les trois piliers de son programme de travail: premièrement, s’attaquer aux causes profondes de la torture et des autres traitements inhumains; deuxièmement, rechercher la justice et la responsabilité pour les victimes et les survivants; et troisièmement, promouvoir le droit international.

Par ailleurs, elle a indiqué que ses deux prochains rapports seront remis en 2023, dont celui portant sur les défis et bonnes pratiques concernant la criminalisation nationale, les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de torture.  Le troisième rapport rassemblera des exemples de pratiques du monde entier sur la manière de favoriser une police et un maintien de l’ordre sensibles aux besoins de la communauté, a-t-elle ajouté. 

Pour ce qui est des questions émergentes, la Rapporteuse a fait part de son intérêt pour la réglementation de la production, du commerce et de l’utilisation d’équipements capables d’infliger des souffrances disproportionnées.  Elle a aussi cité l’utilisation croissante de la technologie dans les opérations de maintien de l’ordre ou des opérations militaires.  Il convient en outre de rechercher des alternatives aux systèmes de justice pénale orientés vers la confession, qui se sont avérés encourager les tactiques d’interrogatoire abusives.  Enfin, elle a fait remarquer qu’elle était la première femme à occuper les fonctions de Rapporteuse spéciale, ce poste étant un des mandats des Nations Unies les plus anciens et les plus dominés par les hommes. 

Dialogue interactif

Au nom d’un groupe de 53 pays, le Chili a estimé que les principes d’enquête et de compilation d’informations connus sous le nom de « Principes de Mendez » constituent des mesures importantes pour assurer le respect des droits humains à toutes les étapes du processus de justice pénale, notamment pour les personnes faisant l’objet d’un interrogatoire, grâce à la mise en œuvre de garanties de procédure lors de la première heure de détention.  La délégation a encouragé les États Membres à appuyer l’utilisation de ces principes comme cadre de référence utile pour empêcher la torture et les autres formes de traitements cruels et inhumains.  Le Ghana, au nom de l’Initiative sur la Convention contre la torture, s’est dit prêt à aider les États dans le processus de ratification.

Les États-Unis ont salué la prise en compte de la violence sexiste, dénonçant par ailleurs des signalements de recours à la torture par la Chine, la Syrie ou encore la Russie en Ukraine.  La délégation de l’Ukraine a abondé en ce sens, en dénonçant des crimes d’atrocités « inouïs » commis par la Russie, évoquant les exhumations de corps dans les charniers près d’Izioum.  De graves violations des droits humains, y compris par les forces armées russes en Ukraine, ont également été dénoncées par la Géorgie, qui a souligné la nécessité d’assurer une reddition de comptes.  

La Fédération de Russie a réfuté les accusations des États-Unis et a déploré que l’Ukraine refuse de citer les noms des familles de personnes retrouvées à Izioum et Boutcha.  Cela permettrait d’établir qui dans les faits est coupable des meurtres de ces personnes, a estimé la délégation, demandant par ailleurs des explications sur l’intégration d’une perspective de genre dans les travaux de la Rapporteuse spéciale.  La Chine a dénoncé les problèmes existant aux États-Unis, notamment dans la prison de Guantanamo.  Comment la Rapporteuse spéciale pourrait-elle traiter la situation dans ce type de pays, s’est également demandé l’Iran.

Le Myanmar a dénoncé les crimes commis par la junte militaire illégale et a voulu savoir comment la Rapporteuse spéciale contribuera à y mettre un terme.  De son côté, le Pakistan, dénonçant des formes graves de torture dans le Jammu-et-Cachemire, s’est interrogé sur l’application du mandat de la Rapporteuse spéciale dans les territoires sous occupation étrangère.  Des déclarations rejetées par l’Inde qui a rappelé que le Jammu-et-Cachemire fait partie intégrante de l’Inde.  

Comment allez-vous travailler avec les États qui, par le passé, ont refusé ou entravé des enquêtes sur des allégations de torture ou traitement inhumain commises par des organes étatiques, a voulu savoir le Luxembourg.  L’Union européenne a insisté sur l’importance du rétablissement de la confiance du public dans les institutions, et s’est demandée comment la Rapporteuse spéciale allait utiliser son expertise en matière de droits des femmes et des filles dans son programme de travail.  Que comptez-vous faire pour renforcer le suivi des recommandations, a ajouté le Danemark

L’Indonésie a appelé au renforcement de la coopération et des connaissances sur la prévention de la torture.  Le Maroc a fait état de ses législations nationales sur le sujet, tandis que l’Australie a encouragé les États à accepter les visites des Rapporteurs spéciaux, en se félicitant de l’inclusion du genre dans son mandat.  L’Ordre souverain de Malte a mis en garde contre les liens entre trafic de personnes et torture, et s’est inquiété du problème des prisons surpeuplés.  

Dans sa réponse, la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a souligné que, dans le contexte de son mandat, le dialogue était très important, notamment pour les situations complexes.  Elle a souligné être prête à se rendre auprès de chaque partie dans une situation de conflit afin d’être impartiale.

Elle s’est réjouie que certains pays saluent son approche intégrant le genre, une approche pouvant être transférée à d’autres groupes défavorisés et marginalisés.  Elle a ensuite indiqué qu’elle utiliserait les recommandations transmises par les organes conventionnels lors de ses visites sur le terrain.  Enfin, elle a réitéré sa demande à ce que les États s’expriment à haute voix sur les actes de torture, en agissant.  Elle a indiqué recevoir 10 à 15 allégations de torture, par semaine, et essayer de suivre ce qu’il en est pour chacune. 

À l’issue des discussions de ce matin, l’Algérie a souhaité prendre la parole pour revenir sur l’intervention du représentant du Maroc qu’elle a accusé de diffusion d’informations erronées sur le Sahara occidental.  

Mme ALENA DOUHAN, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a centré son exposé sur l’expansion des sanctions unilatérales dans le cyberespace, la façon dont les États réagissent aux activités « malveillantes » et les problèmes juridiques que posent ces réactions.  Mme Douhan a également évoqué l’impact humanitaire de telles mesures, notamment à travers l’interdiction de l’accès aux services bancaires en ligne, les campagnes de diffamation et les menaces de sanctions intervenant dans le cadre de régimes de sanctions. 

La Rapporteuse spéciale est partie du constat que les technologies numériques modifient tous les aspects de la vie humaine et du droit international, y compris la portée, les sujets, les moyens et les méthodes des sanctions internationales et unilatérales.  Si elle reconnaît le droit qu’a le Conseil de sécurité de décider des sanctions en réponse à une cyberactivité malveillante, elle considère, en revanche, que le recours à des sanctions unilatérales en réponse à l’utilisation de moyens numériques est préoccupante sur le plan du droit international.  Selon elle, des mesures unilatérales ne peuvent être prises par les États et les organisations régionales en réponse à une cyberactivité malveillante que si elles sont conformes au droit international et ne violent aucune obligation dans la sphère des droits de l’homme ou du droit humanitaire. 

Hélas, ce n’est généralement pas le cas, a déploré Mme Douhan, avant de rappeler aux États qu’en vertu du droit international, toute notion doit être interprétée « de bonne foi », au sens étroit du terme.  À ses yeux, l’absence de consensus sur la notion d’« activité malveillante » dans le cyberespace et la nécessité de fournir une attribution appropriée aux individus, aux entreprises et aux États entraînent une utilisation de plus en plus abusive de ce terme.  Les sanctions ciblées sont ainsi utilisées comme un substitut aux poursuites pénales pour les cybercrimes, sans aucune possibilité de procès équitable ou de présomption d’innocence, a-t-elle pointé. 

De plus, a poursuivi l’experte, certaines sanctions unilatérales dans la cybersphère visent l’ensemble des populations des pays ciblés, affectant leurs droits économiques et culturels, notamment les droits à l’Internet, à l’information, à l’éducation, à la santé, à la vie et au développement, et constituent dès lors une discrimination fondée sur la nationalité.

Empêcher l’accès à des ressources d’Internet spécifiques va à l’encontre de l’ensemble des « droits de l’homme sur Internet » et constitue une discrimination de fait à l’encontre des sociétés ciblées, a-t-elle dénoncé, ajoutant que cela est aussi contraire aux appels répétés des Nations Unies et d’autres organisations en faveur de la solidarité, de la coopération et du multilatéralisme. 

Dans ses recommandations, la Rapporteuse spéciale estime que les sanctions unilatérales imposées en réponse à une cyberactivité malveillante devraient être réexaminées et même levées lorsqu’elles ne sont pas conformes aux sanctions du Conseil de sécurité, ou qu’elles ne peuvent être qualifiées de rétorsions ou contre-mesures légales.  À cet égard, Mme Douhan a invité le Conseil de sécurité à entamer des discussions sur la question de savoir si des activités malveillantes dans le cyberespace peuvent être considérées comme une menace pour la paix et la sécurité internationales.  Pour finir, elle a encouragé le Comité des droits de l’homme à entamer un réexamen de son observation générale n 3 (2011) sur les libertés d’opinion et d’expression, faisant valoir que toute limitation de la liberté d’expression en ligne ne doit être prise qu’en pleine conformité avec les exigences des articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans le prolongement de cet exposé, le Venezuela a indiqué que plus de 903 000 sanctions lui ont été imposées, affectant gravement les droits humains de sa population.  Plus largement, il a estimé que ces régimes de sanctions cruels, dont le but est d’occasionner un maximum de souffrance, violent les droits humains de plus d’un tiers de la population mondiale.  Sur la même ligne, le Zimbabwe a estimé que la Rapporteuse spéciale, lors de sa visite dans le pays en 2021, a pu constater de visu les effets négatifs de ces sanctions sur l’exercice des droits humains et sur les capacités du Gouvernement à réaliser les aspirations du peuple.  La Fédération de Russie a, pour sa part, dénoncé la politique du « deux poids, deux mesures » menée par l’Australie, le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis et les États membres de l’Union européenne (UE) dans leurs sanctions contre des médias russes, prises au mépris de la liberté d’expression.  Or, s’est indignée la délégation, lorsque la Fédération de Russie a pris des mesures de rétorsion légitimes, l’UE les a qualifiées de violations de cette liberté. 

À son tour, le Nicaragua a qualifié ses sanctions de mesures inhumaines et de menaces pour la paix et la sécurité internationales, appelant la communauté internationale à prendre des mesures urgentes pour les condamner et les éliminer.  Cuba a rappelé qu’en raison du blocus imposé depuis 60 ans par les États-Unis, certaines plateformes virtuelles nécessaires pour le travail des organisations internationales en temps de pandémie, y compris celles des Nations Unies, n’ont pas été accessibles, ce qui a empêché le pays de bénéficier des technologies et du développement sur un pied d’égalité, une situation également dénoncée par l’Afrique du Sud.  La République islamique d’Iran a, elle, estimé que les États à l’origine de ces sanctions devraient être condamnés pour avoir entraver l’accès à Internet et au développement humain.  À cet égard, le Pakistan a souhaité savoir comment séparer ces technologies de l’application de toute mesure coercitive, tandis que la Malaisie demandait des précisions sur le statut actuel de la notion de sanctions cybernétiques à l’échelle mondiale.  Elle aussi hostile aux sanctions, la Chine a appelé à bâtir une communauté du « vivre ensemble » dans le cyberespace.

Par la voix de l’Azerbaïdjan, le Mouvement des pays non alignés a rappelé son opposition à toutes les mesures coercitives unilatérales, y compris les mesures utilisées comme outils de pression politique ou économique et financière contre tout pays, en particulier contre les pays en développement.  Il a également exprimé son inquiétude face au recours croissant à l’unilatéralisme, réitérant son engagement à promouvoir, préserver, revitaliser, réformer et renforcer le multilatéralisme.  De son côté, le Bélarus a dit appuyer toutes les conclusions, recommandations et préoccupations figurant dans le rapport, notamment lorsque des mesures restrictives sont contraires au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, citant l’un des exemples les plus récents et les plus désastreux, celui des sanctions contre la potasse biélorusse, qui n’a pas été levée à ce jour.  Enfin, affirmant attendre la visite de la Rapporteuse spéciale, la République arabe syrienne a demandé à celle-ci si elle dispose de capacités nécessaires pour prendre soin des centaines de millions de civils qui meurent à cause des sanctions unilatérales.  La délégation s’est également interrogée sur le « silence étrange » de certains pays lors de ce dialogue.

Dans sa réponse aux délégations, la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme a appelé une nouvelle fois à prendre en compte les conséquences néfastes des mesures coercitives unilatérales dans l’espace cybernétique.  Elle a par ailleurs indiqué qu’il n’existe pas encore, à cette heure, de définition claire de ce que sont les sanctions cybernétiques, ce qui complique d’autant la situation et ses travaux.  S’agissant des répercussions des mesures coercitives unilatérales sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), elle a reconnu que l’utilisation de ces sanctions dans le domaine cybernétique porte préjudice à presque tous les ODD.  Quant à savoir ce que devrait être la riposte appropriée à la cybercriminalité, Mme Douhan a plaidé pour une application stricte des dispositions du droit pénal international.  Malheureusement, a-t-elle regretté, les sanctions unilatérales en cas de cybercrimes allégués ne s’appuie quasiment jamais sur la charge de la preuve et le processus d’implication n’est pas suivi.  Dès lors, les normes de procès équitable ne sont pas respectées, a conclu la Rapporteuse spéciale.

Mme IRENE KHAN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a présenté son rapport sur les formes de manipulation de l’information, notamment la désinformation, la propagande et les discours de haine pendant les conflits armés.  Son travail établit aussi les rôles, les responsabilités et les obligations des États et des entreprises de médias sociaux à ce sujet.  Elle a souligné que l’information est devenue un théâtre de guerre dangereux de l’ère numérique.  Certes, a-t-elle concédé, l’information est depuis longtemps manipulée en temps de guerre pour tromper ou démoraliser l’ennemi.  Mais l’inquiétante nouveauté des conflits actuels réside dans l’ampleur et la rapidité avec laquelle se propage la désinformation et les discours de haine, notamment au moment où les plus vulnérables ont le plus grand besoin d’informations exactes. 

Elle a indiqué que les plateformes de médias sociaux jouent un rôle dual dans les conflits modernes, étant à la fois un moyen essentiel de communication, et vecteur de désinformation.  Il convient aussi de noter que la radio, les journaux et la télévision demeurent les sources d’information les plus répandues dans les zones de conflit et que de nombreux médias contrôlés par l’État fonctionnent comme des « super diffuseurs » de propagande et de désinformation, a-t-elle ajouté.

Mme Khan a opposé les États respectueux de la libre information -telle que définie par les normes internationales- à ceux qui cherchent à restreindre cette liberté, en invoquant justement la lutte contre la désinformation.  Il existe d’ailleurs une confusion considérable sur la définition de la désinformation, a-t-elle analysé: des informations factuelles et indépendantes telles que les rapports des Nations Unies sont parfois qualifiés de « fausses nouvelles » alors que des propagandes d’État manifestement fausses sont présentées comme des faits.  Soulignant que le droit à l’information n’est pas une cible de guerre mais un droit humain fondamental, la Rapporteuse spéciale a appelé les États à le protéger en temps de crise en tant que « droit de survie » sur lequel dépend la vie des gens.

La Rapporteuse spéciale a relevé que les lois restreignant la liberté d’expression au nom de la lutte contre le terrorisme ne contribuent en rien à combattre la désinformation et érodent la confiance du public dans l’intégrité de l’information.  Le meilleur antidote à la désinformation est une information publique, digne de confiance, couplée à la promotion de médias indépendants, libres, pluralistes et diversifiés, a-t-elle insisté.

Sur la question relative aux platesformes numériques, Mme Khan a indiqué que les problèmes liés aux médias sociaux étaient accentués dans le contexte des guerres et a exhorté les entreprises concernées à s’investir pour les droits humains au moment où cela devient le plus urgent: lors des conflits.  Elle a en outre appelé à une collaboration multipartite entre la société civile, les médias et les États, entre autres, ainsi qu’au renforcement du lien entre les droits humains et le droit humanitaire.  La question de l’application extraterritoriale des droits humains mérite également d’être réexaminée, notamment en ce qui concerne la reddition de comptes pour la désinformation qui menace les droits humains par-delà les frontières.

Dialogue interactif

Suite à cet exposé, la Suisse s’est inquiétée des régressions démocratiques induites par les enfreintes à la liberté d’expression, et a demandé quelles mesures pouvaient être envisagées à ce sujet.  Les États-Unis ont fustigé les menaces contre la liberté d’expression engendrées par « certains États », accusant notamment la Russie de mener des campagnes de désinformation et de répression contre tous les médias indépendants.  Que faire pour contrer l’augmentation de ce type d’attaques contre la liberté d’expression dans le monde?  L’Union européenne a condamné, elle aussi, les législations restrictives qui privent la population russe d’avoir connaissance des atrocités commises par les forces russes en Ukraine, et fait passer pour de soi-disant extrémistes ou agents de l’étranger les opposants au Kremlin. 

Comment protéger les plus jeunes de la désinformation et comment s’assurer que les opinions parentales n’empêchent les enfants de penser par eux-mêmes, s’est enquise, à son tour, la déléguée de la jeunesse du Luxembourg qui a rappelé la centralité des réseaux dans la vie des adolescents et enfants, qui n’ont pas toujours les outils pour discerner les informations vraies des fausses.

Comment faire en sorte qu’Internet reste sûr et fiable, et ne devienne pas un endroit amplifiant la désinformation, a demandé la Suède, s’exprimant au nom des pays baltes et nordiques.  L’Australie s’est émue de l’impact disproportionné des campagnes de haines en ligne sur les enfants, les femmes, ou les minorités LGBTI+, demandant comment accompagner les entreprises et la société civile pour améliorer cette réalité délétère.  L’Autriche a déploré, elle aussi, que les nouvelles technologies augmentent la déshumanisation de certains groupes.

Le Myanmar a dressé le sombre bilan de la liberté d’expression dans un pays ravagé par la guerre suite au coup d’État et où les militaires ont incité à la violence en diffusant de fausses informations et arrêté 142 journalistes.  Que faire pour lutter contre la désinformation telle que pratiquée par la junte, a demandé la délégation.  De son côté, le Portugal a exprimé ses préoccupations au sujet de plusieurs théâtres de guerre où différents acteurs militarisent l’information pour semer la confusion.  Par ailleurs, existe-t-il des exemples de politiques encadrant les contenus numériques sans contrevenir aux libertés de cette sphère?  La Slovaquie, elle, a demandé des précisions sur les mesures envisagées pour protéger le droit à la liberté d’expression et la lutte contre la désinformation lors des campagnes électorales

À son tour, la Pologne a estimé que la politique contre l’information de la Russie avait créé dans ce pays un véritable trou noir de l’information.  Elle a par ailleurs voulu savoir comment les entreprises privées pouvaient être épaulées pour lutter contre la désinformation en période de conflit. 

La Belgique a souhaité connaître des exemples de bonnes pratiques pour trouver le difficile équilibre entre la lutte contre les fausses nouvelles, et le respect de la liberté d’expression et d’opinion, un questionnement repris par le Royaume-Uni, ainsi que par les Pays-Bas qui se sont interrogés sur cet équilibre en cas de conflit.  Que faire pour que les États et les parties tierces à un conflit s’abstiennent de recourir aux fausses informations pour manipuler la société civile? a demandé la Tchéquie.

Israël est revenu sur la mort « tragique » de la journaliste Shireen Abu Akleh, affirmant que, selon l’enquête, « il est fort possible qu’elle ait été touchée par un tir des Forces de défense israéliennes ».  À aucun moment elle n’a été identifiée et à aucun moment il n’y a eu de tirs intentionnels visant à blesser la journaliste, a expliqué la déléguée, précisant que la balle était destinée aux terroristes.

L’Ukraine a ensuite demandé à la Rapporteuse spéciale de lui faire part des meilleures pratiques contre la désinformation.  Comment s’assurer que la liberté d’expression et la lutte contre la désinformation soient prises en compte dans le devoir de vigilance des entreprises, a voulu savoir la France.  Le Pakistan a déploré la violation du droit à la liberté d’expression au Jammu-et-Cachemire occupé par l’Inde, et a appelé à sanctionner les pays qui se sont coupables de désinformation et d’entraves à la liberté d’expression.

À son tour, la Fédération de Russie a regretté que le rapport de la Rapporteuse spéciale fasse écho « aux clichés de la propagande occidentale », ce qui nuit à son impartialité.  Elle a par ailleurs accusé Kiev d’avoir fait assassiner la journaliste Daria Dougina.  L’Inde a affirmé que la loi indienne protège le droit à l’information, pour ensuite fustiger la déclaration du Pakistan, éprouvant mépris et pitié pour un pays qui utilise les Nations Unies pour satisfaire ses ambitions politiques. 

La Chine s’est enorgueillie d’avoir sur son sol le plus grand nombre d’internautes au monde (1,5 milliard) et a déploré que la plupart des contenus défavorables du rapport concernent des pays en développement, dénonçant une politique du deux poids, deux mesures.  La Syrie a nié les allégations du rapport faisant état de coupures Internet sur son sol et a regretté que le rapport ne se fie qu’aux seuls médias occidentaux.  L’Iran a appelé les titulaires de mandat à éviter d’utiliser des allégations médiatiques pour émettre des accusations à l’égard d’un État souverain. 

Répondant à ces questions et remarques, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a souligné que son rapport était fondé sur des informations scrupuleusement évaluées et vérifiées.  Personne ici ne peut lever le doigt et se décrire comme un champion de la liberté d’expression, a-t-elle martelé, appelant les délégations ayant critiqué certains aspects de son travail à l’inviter pour investiguer sur place. 

Elle a ensuite appelé à réguler la sphère numérique de manière intelligente, en aiguillant les entreprises privées qui, a-t-elle ajouté, ont un grand pouvoir.  Elle a par ailleurs estimé que les enquêtes nationales sur les meurtres de journalistes ne suffisent pas, préconisant une action de l’ONU dans ce domaine.

M. DIEGO GARCÍA-SAYÁN, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, a tout d’abord indiqué que ses travaux s’inscrivent dans le cadre directeur du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il a ensuite dit avoir identifié plusieurs défis dans le domaine de la justice, parmi lesquels l’autoritarisme qui, selon lui, affecte l’indépendance de la justice et le rôle des avocats, l’assaut de la corruption sur les systèmes judiciaires et l’accès à la justice pour tous.  Dans le cadre de son mandat, il a expliqué avoir assisté à une expansion et à un renforcement des choix politiques autoritaires qui nuisent à l’indépendance judiciaire et au libre exercice de la profession juridique.  De même, M. García-Sayán a relevé un nombre important d’attaques contre les juges et les procureurs, affirmant s’en être ouvert aux autorités nationales concernées.  Pour ce qui est du problème de la corruption, il a souligné que la justice joue un rôle central et irremplaçable dans la lutte contre ce fléau, dans la mesure où elle agit avec indépendance et intégrité pour guider les enquêtes et porter les accusations. 

Par ailleurs, concernant l’accès à la justice pour tous, le Rapporteur spécial a appelé à prendre en compte le genre, les peuples autochtones et l’utilisation des nouvelles technologies dans l’administration de la justice.  Il a par ailleurs rappelé que les femmes occupent un pourcentage disproportionnellement faible dans les échelons supérieurs des systèmes judiciaires.  C’est pourquoi il a proposé que, d’ici à 2030, 50% des postes publics de haut niveau soient occupés par les femmes.  M. García-Sayán a également souligné l’importance de veiller à ce que les diverses identités ethniques ne soient pas discriminées par des systèmes étatiques ou judiciaires.  Le pluralisme juridique est une valeur essentielle à prendre en compte par les systèmes judiciaires, a-t-il appuyé, mentionnant les systèmes de justice traditionnels ou coutumiers.  En outre, il a déploré un manque inquiétant de représentation des peuples autochtones dans les hautes cours de justice. 

Le Rapporteur spécial a également évoqué l’utilisation des nouvelles technologies dans l’administration de la justice, aux fins de faire progresser l’accès universel à la justice.  Il a appelé les États à garantir un budget efficace pour que leurs systèmes judiciaires puissent accéder à ces nouvelles technologies.  Avant de conclure, il a énuméré quelques questions fondamentales à privilégier, notamment l’obligation par les États de garantir le plein accès à une justice formelle, de faciliter et garantir l’exécution de la justice coutumière ou encore de garantir la liberté d’expression des juges et des magistrats.  Enfin, après avoir rappelé le caractère crucial de la confiance de la société dans le système judiciaire et son intégrité, il a souligné la nécessité de respecter et garantir les droits de ceux qui rendent la justice. 

Ouvrant cette discussion, le Pérou a souhaité obtenir davantage de détails sur la recommandation en faveur d’une justice indépendante et intégrale.  L’Union européenne a ensuite dénoncé une augmentation significative des attaques contre les procureurs et les juges, observant que les professionnels de la justice sont particulièrement vulnérables lorsque leurs activités portent sur la corruption ou les droits humains.  Évoquant les menaces que subissent ces professionnels en Russie, au Bélarus et en Chine, les États-Unis ont voulu savoir quels étaient les meilleurs recours pour lutter contre les attaques contre les juges et les avocats.

La Roumanie s’est interrogée sur la façon d’améliorer le chiffre de 6 milliards d’individus qui n’ont pas accès à la justice, tandis que le Royaume-Uni se demandait comment les relations internationales pourraient contribuer à une plus grande indépendance de la justice.  Le Liechtenstein a, pour sa part, voulu connaître les recommandations du Rapporteur spécial en matière de lutte contre la corruption et de suivi du renforcement de l’état de droit.  La délégation s’est également interrogée sur la manière d’améliorer la représentation des femmes dans le système judiciaire. 

De son côté, la Fédération de Russie a exprimé son désaccord avec certaines des conclusions et propositions sur l’égalité des sexes dans le système judiciaire.  Chacun a des chances égales d’exercer ses droits en Russie, a affirmé la délégation, et notre législation n’établit aucune restriction à l’admission des femmes aux postes de la fonction publique et du système judiciaire.  Tout dépend des compétences des travailleurs et de leurs expériences, a-t-elle ajouté.  La Chine a, elle, assuré protéger l’état de droit à travers sa réforme du système judiciaire et a signalé la création d’un mécanisme de garantie pour faire en sorte que les cas de violations des droits soient traités sans délai.  Par ailleurs, l’Arabie saoudite a affirmé s’efforcer d’accroître le nombre d’avocates, faisant état d’une augmentation du nombre de licences qui leurs sont octroyées. 

En réponse aux délégations, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, a tenu à rappeler la réalité des faits.  On assiste, selon lui, à une dérive autoritaire dans différentes régions du monde, avec des situations souvent préoccupantes.  Il s’est cependant félicité des exemples positifs signalés par des délégations, notamment de la présence accrue des femmes dans le système judiciaire saoudien, soulignant que la justice joue un rôle majeur pour les relations au sein de la société, même si elle bénéficie de moins de visibilité que les routes ou les infrastructures sanitaires. 

Réagissant par ailleurs au chiffre de 6 milliards d’individus sans accès à la justice, M. García-Sayán a souhaité que l’on parle davantage de la manière dont on peut améliorer cet accès et que cet effort s’accompagne de plus de volonté politique.  En outre, le Rapporteur spécial a souligné l’importance de la Convention des Nations Unies sur la corruption pour combattre ce fléau.  Ce n’est pas un sujet parallèle, car il est indispensable que les systèmes judiciaires nationaux soient fiables, a-t-il fait valoir.  Il importe selon lui que les États mènent une réflexion approfondie sur la manière d’effectuer un bon suivi de la corruption et de mettre pleinement en œuvre la Convention qui s’y rapporte. 

M. García-Sayán a également abordé la question des femmes dans les hautes cours, rappelant à cet égard que la fonction judiciaire repose en grande partie sur les femmes dans le monde.  Mais plus on monte, plus le genre change, a-t-il fait remarquer, imputant ce déséquilibre non pas au manque de compétences, mais plutôt à des mesures discriminatoires, comme par exemple les formations en dehors des heures du travail, qui peuvent être compliquées à gérer pour les femmes.  Lorsqu’on permet aux femmes de se présenter aux concours et de s’y préparer, le nombre de femmes à ces postes augmentent beaucoup, a-t-il encore relevé.  S’il n’y avait pas de limitation, je serais d’accord avec la Fédération de Russie, mais le fait est qu’il y a des restrictions, petites et grandes, a-t-il conclu. 

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