Soixante-dix-septième session
17e & 18e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4351

La Troisième Commission fait le constat d’une protection des droits humains entravée par les crises imbriquées et contrariée par un manque de moyens

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a entamé, aujourd’hui, son examen de la promotion et de la protection des droits de l’homme en dialoguant avec quatre intervenants, dont la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme.  Mme Ilze Brands Kehris n’a pas caché la difficulté accrue que représentent les bouleversements actuels pour la défense des droits humains, en plus de constater une disparité croissante entre les normes internationales en la matière et la réalité sur le terrain, facteur selon elle de méfiance entre les peuples.

Présentant le rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Mme Brands Kehris a indiqué qu’au 30 juin dernier, le HCDH comptait 103 présences dans le monde.  Partout, a-t-elle indiqué, le Haut-Commissariat s’est employé à inciter les gouvernements à intégrer les droits de la personne dans les réformes juridiques et les politiques économiques et sociales menées dans le cadre du relèvement post-COVID-19.  Il a également soutenu les efforts visant à inclure une approche centrée sur les droits dans la réalisation du Programme 2030, tout en aidant les composantes droits humains des opérations de paix, en appuyant les processus de justice transitionnelle centrés sur les victimes et en plaidant pour la participation de la société civile dans les processus onusiens, a-t-elle précisé.

Si Mme Brands Kehris a cité de nombreux pays où le HCDH a été actif durant la période à l’examen, elle n’a pas mentionné la Chine dans son exposé.  Le dialogue interactif qui a suivi son intervention a, en revanche, donné lieu à des échanges nourris sur la question du Xinjiang.  L’Union européenne, appuyée par l’Allemagne, la Norvège et les États-Unis, s’est ainsi félicitée de la publication d’un rapport du HCDH sur la situation des Ouighours dans cette région chinoise, ce qui a provoqué l’ire de la délégation chinoise.  Celle-ci a argué que ce rapport, publié 15 minutes avant le départ de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet, était le résultat de la « diplomatie corrosive  » des pays occidentaux, une position soutenue par la Fédération de Russie, le Cambodge ou encore la République populaire démocratique de Corée, qui ont dénoncé une ingérence politisée dans les affaires intérieures de la Chine.  

À l’issue de ce dialogue, la Sous-Secrétaire générale a formé le vœu qu’une collaboration avec les autorités chinoises permettra de faire avancer la situation au Xinjiang.  Elle a par ailleurs signalé que, le travail du HCDH a été entravé par la pandémie, faisant état de 426 rapports et de 1 868 communications en attente d’examen par différents comités.  Face à cette accumulation, la Présidente du Comité des droits de l’homme a indiqué que son organe s’est orienté vers un cycle d’examen de huit ans, dans le but d’améliorer la prévisibilité des obligations en matière de rapports et leur régularité.  Mme Photini Pazartzis a toutefois averti que, faute d’une augmentation de son personnel, le Comité ne pourra traiter son arriéré en temps voulu, nuisant à sa capacité d’offrir des recours rapides aux victimes de violations des droits humains.  

Soulevant à son tour la question de l’arriéré des rapports des États parties en attente d’examen, le Président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a parlé d’un « défi sans précédent » dû à des non-présentations et à des retards allant parfois jusqu’à dix ans.  Selon M. Mohamed Ezzeldin Abdel-Moneim, le calendrier prévisible d’examens sur huit ans, décidé en juin par les présidents d’organe de traité, devrait entre autres avantages, permettre une égalité de traitement entre les États.  Mais cela doit s’accompagner d’une hausse des ressources des organes conventionnels et de leurs secrétariats, a-t-il lui aussi plaidé, jugeant que cet investissement « en vaut la peine ».      

Plus centrée sur les problématiques de terrain, la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains a présenté un rapport détaillant le travail essentiel que ces personnes accomplissent pour protéger les droits des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile.  Mme Mary Lawlor a appelé les États Membres à cesser d’emprisonner, d’expulser, d’enlever et d’attaquer physiquement ceux qui aident les individus dans le besoin.  À cet égard, elle a pointé un « deux poids, deux mesures » dans l’assistance apportée aux populations migrantes, observant que « les personnes aidant les réfugiés d’Ukraine sont louées à juste titre pour leur excellent travail, tandis que celles qui aident les réfugiés d’autres pays sont attaquées ».  

Son exposé a suscité de nombreuses réactions, des pays comme ceux du Benelux s’interrogeant par exemple sur l’efficacité des mécanismes de soutien et de protection des défenseurs des droits humains et sur leur capacité à atteindre les plus vulnérables.  Le Liechtenstein s’est pour sa part demandé, comment les défenseurs peuvent s’assurer du respect du principe de non-refoulement à l’égard des migrants, tandis que la Hongrie jugeait regrettable que sa position sur la migration lui soit encore reprochée, malgré ses efforts actuels liés au conflit ukrainien.

En début de séance, le Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale a reconnu que les droits humains pâtissent des conflits armés et des annexions illégales, de la dégradation de l’environnement et des changements climatiques, sans oublier la xénophobie et les inégalités croissantes.  Fort de ce constat accablant, M. Csaba Kőrösi a adressé trois « requêtes » à la Troisième Commission.  Il lui a tout d’abord demandé de produire des résolutions « compréhensibles », car, a-t-il dit, « huit milliards de personnes attendent des réponses concrètes ».  Il l’a ensuite appelée à s’engager dans un dialogue constructif avec la jeunesse et la société civile.  Enfin, il l’a invitée à ne pas oublier le caractère radical des solutions pour aboutir à une transformation de nos sociétés.  

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 14 octobre, à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Allocution du Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a d’emblée estimé que « nous vivons un tournant de l’histoire », compte tenu des nombreux défis auxquels le monde est, aujourd’hui confronté, des conflits armés et des annexions illégales à la dégradation réelle de l’environnement et aux changements climatiques, sans oublier la xénophobie et les inégalités croissantes.  Les droits humains ont pâti de ces crises imbriquées, a relevé M. Kőrösi, en préconisant une approche holistique dans leur traitement.  Ces crises, a-t-il insisté, exigent des réponses immédiates et pérennes, car « nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras ballants ».  C’est donc « en toute franchise » qu’il a dit attendre de la Troisième Commission des résolutions qui ne soient pas « purement techniques », invitant les délégations à ne jamais oublier que les droits humains sont « intrinsèquement liés à notre condition humaine ».  Ces droits sont inaliénables et doivent être respectés, a-t-il martelé.

Poursuivant, M. Kőrösi a fait remarquer que la Troisième Commission joue un rôle de premier plan, aussi bien dans l’orientation des travaux que dans l’action sur le terrain, ce qui lui confère une « immense responsabilité ».  Pour ces raisons, il lui a fait trois requêtes.  Tout d’abord, a-t-il souligné, les résolutions doivent être compréhensibles, car huit milliards de personnes attendent des réponses concrètes et les décisions prises ici doivent avoir un impact pour ceux qui sont concernés.  Le Président de l’Assemblée générale a ensuite exhorté les membres de la Commission à s’engager dans un dialogue constructif, les enjoignant à écouter les voix de la jeunesse et de la société civile, sans hésiter à prendre appui sur le système des Nations Unies.

Enfin, il les a pressés de ne pas oublier le caractère radical des solutions.  Il importe, selon lui, que celles-ci aboutissent à une transformation de nos sociétés, d’autant plus que nos processus sociaux, économiques et politiques devront connaître une mutation profonde et « douloureuse », exigeant une remise en question du statu quo.  À cet égard, il a suggéré aux délégations de proposer des alternatives variées et solides, et de mettre en place l’environnement qui permettra à notre vision de se concrétiser.

M. KŐRÖSI a ensuite déploré l’écart persistant entre les hommes et les femmes, constatant que les droits humains des femmes et des filles ne sont tout simplement pas respectés.  Dix millions de jeunes filles risquent, par exemple, d’être forcées à un mariage précoce et, dans certaines régions, le taux de déscolarisation des filles est alarmant.  Or, en grand nombre aujourd’hui, les femmes et les filles ne veulent plus être vues comme des victimes mais comme des actrices du changement, a-t-il fait valoir.  Dès lors, il faut s’assurer qu’elles soient entendues et se tenir à leurs côtés, a plaidé le Président de l’Assemblée générale.  Reconnaissant, en conclusion, qu’aucun pays n’est parfait en matière de droits humains, il a jugé que le rôle de la Troisième Commission est justement de veiller à ce que les droits de toutes et tous soient respectés, quel que soient leur genre, leur croyance, leur tendance politique et leur origine ethnique, raciale ou statut migratoire.

Déclarations liminaires suivies de dialogues interactifs

Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a présenté le Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), qui donne un aperçu des activités menées par le HCDH entre le 1er janvier et le 30 juin 2022, période durant laquelle la mise en œuvre de l’appel à l’action en faveur des droits humains lancé par le Secrétaire général a occupé une place centrale.

Elle a constaté que l’époque actuelle est marquée par des bouleversements importants, citant notamment l’insécurité hydrique, énergétique et alimentaire, l’instabilité financière et la persistance de conflits.  En outre, la disparité croissante entre les normes internationales et la réalité sur le terrain suscite la méfiance entre les peuples et les communautés.

Elle a expliqué qu’au 30 juin 2022, le HCDH comptait 103 présences sur le terrain dans le monde.  Il a ainsi conseillé les gouvernements et autres acteurs en vue d’une intégration concrète des droits de la personne dans les réformes juridiques nationales et les politiques économiques et sociales dans le cadre des efforts de relèvement après la pandémie de COVID-19.  Et ce, sur un grand nombre de domaines: soins de santé et accès au vaccin, allègement de la dette, environnement, coopération Sud-Sud, et lutte contre les discriminations en tous genres.

Dans le domaine du développement durable, le HCDH a renforcé les conseils qu’il dispense aux niveaux des pays sur l’intégration d’une approche centrée sur les droits aux efforts de réalisation du Programme 2030.  Il a également appuyé la signature de mémorandums d’accord entre des institutions nationales de défense des droits de la personne et d’autres parties prenantes en Albanie, en Jordanie, au Moldova, en Mongolie et aux Philippines, dans le but d’opérationnaliser les directives de l’ONU dans ce domaine.

Au sujet de la paix et de la sécurité, le HCDH a continué de fournir un appui aux composantes droits humains des opérations de paix et des missions politiques spéciales.  Parmi les activités, Mme Brands Kehris a cité la mise en œuvre de la politique de diligence voulue en matière de droits humains en cas d’appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes et le renforcement des systèmes d’alerte précoce.

En Éthiopie, par exemple, le HCDH a renforcé la capacité des acteurs de la société civile à rendre compte des indicateurs d’alerte précoce, pour prévenir des conflits communautaires susceptibles de dégénérer en violations des droits de la personne.  Elle a également parlé du Honduras, où un projet de prévention des conflits liés à l’accès à la terre a été mis en œuvre avec l’appui de la FAO; et de la Serbie où le HCDH contribue à l’élaboration d’une stratégie de lutte contre les discours haineux.

La promotion de la protection des droits des femmes demeure une priorité, a-t-elle ajouté.  Le HCDH a accru les capacités des organisations de femmes en matière de violences sexuelle et sexiste, notamment en Amérique latine.  Elle a aussi fait état d’une analyse sur la violence sexuelle liée à la criminalité des gangs à Port-au-Prince, en Haïti, d’un projet à impact rapide pour aider les survivants de violence sexuelle au Mali, et du renforcement des capacités du Ministère du développement social du Soudan à répondre à la violence faite aux femmes et aux filles.

Le Haut-Commissariat a également étendu son travail de lutte contre les inégalités et la discrimination, comme au Pérou, où il a fourni des conseils techniques sur l’élaboration de la politique nationale pour les Afro-Péruviens (2022-2030).  Une mission de suivi sur les droits des migrants a également été déployée le long de la frontière entre la Colombie et le Panama, et des formations ont été organisées pour le personnel des frontières au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Poursuivant, Mme Brands Kehris a souligné que la reddition de comptes est un élément essentiel du respect des droits humains.  Le HCDH a ainsi aidé des États à mettre en œuvre des processus de justice transitionnelle inclusifs centrés sur les victimes, y compris en Colombie, en Gambie et en Syrie.  Au Burundi et au Mali, le HCDH a également fourni des conseils sur la révision du Code de justice militaire et des politiques connexes.  Et, au Mexique, le Haut-Commissariat a appuyé la création du Mécanisme extraordinaire d’identification médico-légale pour remédier à l’arriéré dans l’identification de plus de 52 000 restes humains.

Durant la période à l’examen, le HCDH a aussi plaidé pour une participation plus inclusive de la société civile dans tous les processus des Nations Unies, et continué de se mobiliser pour recenser les défis que doivent affronter les défenseurs et les journalistes.  Il a par exemple, en collaboration avec le Réseau iraquien pour les médias sociaux, formé 200 défenseurs aux droits numériques et à la sécurité en ligne.  De même, le HCDH a intensifié son plaidoyer en faveur d’une gouvernance des contenus en ligne fondée sur les droits et mené des actions de sensibilisation dans le contexte des processus électoraux dans plusieurs pays.

Passant aux mécanismes internationaux des droits humains, la Sous-Secrétaire générale a indiqué que les restrictions liées à la COVID-19 avaient engendré un nombre important d’arriérés, précisant que 426 rapports et 1 868 communications étaient en attente d’examen par différents comités.  Elle a fait savoir que les présidents des organes de traités s’étaient accordés pour établir un calendrier d’examen prévisible s’étalant sur huit ans et couvrant toutes les procédures de présentation de rapport.  Elle a ajouté que 25 États Membres ont bénéficié du Fonds de contributions volontaires pour la participation à l’Examen périodique universel.  Des fonds ont également été débloqués du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage et du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture pour financer des projets visant à aider des dizaines de milliers de victimes d’esclavage et de torture.

Dialogue interactif

Dans la foulée de cet exposé, l’Union européenne (UE) s’est félicitée de la publication d’un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sur les Ouighours au Xinjiang s’inquiétant de possibles crimes contre l’humanité commis dans cette région, avant d’appeler la Chine à coopérer avec le HDCH.  Sur ce même dossier, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Norvège ont exprimé une position similaire, ce dernier pays regrettant que le Conseil des droits de l’homme n’ait pas souhaité organiser un débat sur la situation dans le Xinjiang.  Se disant également préoccupés par les violations des droits humains signalées au Bélarus, en Afghanistan, en Syrie et au Yémen, les États-Unis ont, eux, fermement condamné « "le génocide et les crimes contre l’humanité » commis au Xinjiang, ainsi que les abus commis au Tibet et à Hong Kong.

En réponse, la Chine a estimé que le HCDH ne disposait pas d’un mandat pour faire son évaluation et qu’aucun fait ne vient soutenir ses allégations concernant le Xinjiang.  Selon la délégation, le rapport du HCDH, publié 15 minutes avant le départ de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet, est le résultat de la « diplomatie corrosive » des pays occidentaux.  De plus, a-t-elle relevé, la résolution proposée sur le Xinjiang a été rejetée, ce qui constitue « une victoire pour les faits, la vérité et le bien-être des pays en développement ».  Quant aux informations véhiculées par certains sur Hong Kong et le Tibet, elles ne reflètent pas la réalité de ces régions, a-t-elle ajouté, appuyée par le Cambodge, la République populaire démocratique de Corée (RPDC), la République populaire démocratique lao (RPDC), la République arabe syrienne et le Nicaragua, qui ont tous dénoncé une ingérence politisée dans les affaires intérieures de la Chine.  Au nom du Groupe des Amis de la Charte des Nations Unies, le Venezuela s’est inquiété de la prolifération de mécanismes se concentrant sur des États en particulier, avant de reprocher au HCDH d’« outrepasser son mandat  » dans certains de ses rapports.

Qualifiant à son tour de « non fondée » l’évaluation du HCDH sur le Xinjiang, la Fédération de Russie s’est élevée contre les accusations « absurdes et fallacieuse » lancées contre la Chine par les États-Unis et l’Union européenne.  Plus largement, elle a regretté que les droits humains soient utilisés comme outils de pression, accusant l’Occident de provoquer sciemment un effondrement de ces droits dans certains pays, notamment par le biais de mesures coercitives unilatérales ou via la promotion d’idéologies interdites par le droit international.  Pour assouvir leurs intérêts étriqués, ces États mènent des campagnes d’information mensongères et s’en prennent à la Russie, en particulier sur la question du conflit en Ukraine, a-t-elle encore dénoncé.  De son côté, l’Ukraine a estimé indispensable que l’invasion à grande échelle de la Russie contre son pays fasse l’objet d’un contrôle d’ampleur et continu afin de voir l’évolution de la situation sur le terrain, y compris dans les territoires occupés temporairement.  Cela permettra d’éviter que de nouveaux abus soient commis et de traduire les auteurs de ces actes en justice.

Tout en condamnant, à l’instar de l’UE, des États-Unis et de la Géorgie, les « agissements ignobles » des militaires russes en Ukraine et en demandant ce que peut faire l’ONU pour mieux suivre la situation des droits humains dans ce pays, la Lettonie s’est inquiétée du sort des prisonniers politiques au Bélarus et en Russie.  Également alarmée par la guerre à sa porte, la Pologne a voulu savoir comment éviter les « coupures budgétaires politiques » susceptibles d’affecter les mécanismes créés par le Conseil des droits de l’homme pour examiner les violations des droits de l’homme en Ukraine.  Sur le même ligne, l’Albanie a souhaité s’enquérir des actions du HCDH en matière de consolidation de la paix et de résolution des conflits.  Comment peut-on renforcer la coopération entre les New York et Genève à ce sujet, a-t-elle demandé.

Fustigeant quant à eux le « deux poids, deux mesures » en matière de droit humains, le Bélarus, la République arabe syrienne, la République islamique d’Iran et Cuba ont dénoncé les mesures coercitives unilatérales qui leur sont imposées, la délégation cubaine souhaitant savoir ce que peut faire le HCDH pour lutter plus efficacement contre ces injustices et accompagner les pays qui en sont victimes.  Évoquant la situation dans leur pays, le Myanmar a voulu savoir que pourraient faire les États Membres pour aider au rétablissement de l’état de droit et au retour sûr des Rohingya, tandis que le Yémen dénonçait les crimes commis par les milices houthistes contre des civils, tout en souhaitant que sa « spécificité islamique et arabe » soit respectée en matière de droits de l’homme.

Dans ce contexte, la République de Corée a souligné le besoin d’une coopération internationale accrue pour renforcer les capacités des pays en développement, appuyée par l’Algérie qui s’est interrogée sur les efforts du HCDH à ce sujet.  La Libye a demandé quelles étaient les procédures utilisées par le HCDH pour venir en aide aux États et si ces derniers devaient en faire eux-mêmes la demande, tandis que le Brésil souhaitait que la production de biens technologiques et sanitaires ne soit pas limitée à quelques « happy few »

À propos des personnes LGBTQI+, qui figurent parmi les groupes les plus à risque de discriminations et de marginalisation, le Luxembourg et le Chili ont demandé comment leurs droits humains pourraient être mieux protégés, la Nouvelle-Zélande insistant quant à elle sur l’importance de protéger les défenseurs des droits humains, notamment les femmes, les personnes LGBTIQ+ et celles issues des communautés autochtones.

Sur un plan plus institutionnel, la Suisse a demandé comment le HCDH envisage de renforcer les liens entre les trois piliers des Nations Unies, tandis que le Portugal s’interrogeait sur les moyens de régler les problèmes de financement du pilier droits de l’homme.  Le Japon et la Slovénie ont souhaité savoir comment améliorer les relations entre les États Membres et le HCDH, la République dominicaine demandant, pour sa part, comment optimiser les processus judiciaires de lutte contre l’impunité, une préoccupation partagée par le Luxembourg. Comment traduire en avancées concrètes les conclusions finales des présidents des organes conventionnels remises en juin dernier, s’est enquise la France, alors que le Qatar promettait de continuer à soutenir le budget alloué au HCDH ainsi que le bureau du Haut-Commissariat en Asie septentrionale.  Le Cameroun a, lui, demandé quelles solutions sont envisagées pour renforcer le  Centre  des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale, à Yaoundé, en termes de ressources humaines et financières.  Quant au Mexique, il s’est interrogé sur les moyens de solidifier les liens entre droits humains et Programme de développement durable à l’horizon 2030.  

L’Égypte a souhaité qu’on s’en tienne aux définitions des droits humains reconnus internationalement, sans ajouter de nouvelles catégories qui pourraient réduire l’universalité des droits existants, le Costa Rica préférant demander au HCDH quelles seront ses priorités pour les mois à venir.  Le Maroc a indiqué, pour sa part, qu’il organisera avec le HCDH un événement au siège des Nations Unies le 3 novembre prochain.  

Dans sa réponse aux délégations, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme est revenue sur les questions portant sur les trois piliers de l’ONU.  Appelant les États à s’assurer qu’ils se renforcent mutuellement, elle a estimé que les droits de l’homme sont un atout pour les deux autres piliers que sont la paix et la sécurité d’une part, le développement d’autre part.  En effet, l’approche basée sur les droits humains est transversale et la paix, la sécurité et le développement dépendent des droits humains, a-t-elle souligné en écho à l’appel du Secrétaire général visant à renforcer la cohérence entre les piliers.  Dans le cadre de ce renforcement, nous informons le Conseil de sécurité régulièrement à travers des rapports et des données, a-t-elle indiqué, avant de plaider pour une coopération plus étroite entre le Conseil de sécurité, la Commission de consolidation de la paix et le Conseil des droits de l’homme afin de faire progresser les différents mécanismes des droits de l’homme.

Par ailleurs, Mme Brands Kehris a rappelé la participation du HCDH aux cadres de coopération pour un développement durable dans de nombreux pays.  Nous nous assurons que les droits humains soient bien intégrés dans les politiques, a-t-elle expliqué, estimant que c’est au niveau de chaque pays qu’il faut intervenir. Elle a d’autre part assuré que le HCDH améliore constamment l’accès aux informations sur les mécanismes des droits de l’homme et multiplie les formations des équipes de pays de l’ONU.

Évoquant ensuite les reculs récents dus à la pandémie et aux autres crises, la responsable a appelé à une remobilisation en faveur des droits humains.  Concernant l’aspect financier de l’action du HCDH, elle a noté qu’un grand nombre de pays se sont alarmés de la sous-dotation de l’institution onusienne.  Nous avons effectivement besoin de financement, a-t-elle reconnu, non sans rappeler que le HCDH représente moins de 4% du budget-programme de l’ONU.  Les allocations ne suivent pas le rythme et nous sommes confrontés à différents obstacles qui ont parfois des motivations politiques, a-t-elle déploré, soulignant que la question financière est fondamentale pour les travaux du Haut-Commissariat.  

Pour ce qui est de la représentation géographique équitable, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a dit y être attentive.  Nous avons connu quelques succès, a-t-elle toutefois relevé, mentionnant en particulier une augmentation des recrutements en provenance d’Afrique et d’Asie.  Elle a d’autre part souligné l’importance accordée par son agence à la question de la justice transitionnelle, qui est un processus « long et complexe ».  Elle s’est félicitée à cet égard d’initiatives positives, notamment en Gambie et en Colombie, qui se concentrent sur les droits des victimes tout en adoptant aussi une approche holistique.  Malheureusement, a-t-elle nuancé, nous devons aussi sensibiliser à l’utilité de ces mécanismes dans d’autres cas de figure, à la lumière des conflits d’aujourd’hui.  

La question de la redevabilité est une autre question fondamentale, a-t-elle poursuivi, rappelant la collaboration du HCDH avec des tribunaux nationaux.  S’agissant des mesures coercitives unilatérales, Mme Brands Kehris a exprimé sa préoccupation quant à leurs conséquences sur la jouissance des droits humains.  Cela est particulièrement vrai pour les mesures qui ont des répercussions sur les populations les plus vulnérables, a-t-elle insisté, avant d’appeler à un allégement des sanctions pour que, par exemple, les systèmes médicaux puissent jouer leur rôle dans la lutte contre la pandémie.  Elle a aussi fait valoir que des exemptions étaient nécessaires pour les équipements et les produits médicaux.  À ce sujet, elle a reconnu que certaines résolutions créent des demandes et que les capacités ne sont pas nécessairement suffisantes.  

Mme Brands Kehris a également appelé à réfléchir à la dimension des droits humains des objectifs de développement durable.  S’agissant des LGBTQI+, elle a assuré que leur situation constitue une priorité pour le HCDH, comme l’atteste la collaboration avec l’Expert indépendant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.  Elle a en outre appelé à assurer un suivi sur les violations des droits humains, soulignant sur ce point la nécessité d’une méthodologie rigoureuse.  Il faut parfois du temps pour obtenir des informations complètes, a-t-elle fait observer, estimant que le plus important reste d’avoir un accès au terrain sans entrave. 

Enfin, évoquant la situation spécifique de quelques pays, Mme Brands Kehris a souhaité que ne soit pas oubliée la difficile question du retour des Rohingya au Myanmar.  Pour ce qui est de la Chine, elle a fait mention de l’évaluation du HCDH sur la région du Xinjiang, formant le vœu qu’une collaboration avec les autorités chinoises permettra de faire avancer la situation.  Elle a par ailleurs reconnu que les préoccupations sont nombreuses au sujet de Haïti et a appelé à s’assurer de l’existence d’un mandat des droits humains très robuste dans ce pays.  

Intervenant par visioconférence depuis Genève, Mme PHOTINI PAZARTZIS, Présidente du Comité des droits de l’homme, a présenté le rapport annuel du Comité (A/77/40), qui reflète les travaux réalisés entre sa cent trente-deuxième en juillet 2021 et sa cent trente-quatrième sessions en mars 2022, précisant que les travaux en personne avaient repris lors de cent trente-troisième session en octobre 2021, avec la possibilité d’intervenir à distance.  Elle a indiqué que le Comité avait tenu des dialogues constructifs avec 15 États parties, adopté 13 listes de points à traiter concernant les rapports initiaux ou périodiques et quatre listes de points à traiter préalables à la présentation de rapports dans le cadre de la procédure simplifiée.

Mme Pazartzis a rappelé que le Comité des droits de l’homme s’était orienté vers un cycle d’examen de huit ans, dans le but d’améliorer la prévisibilité des obligations en matière de rapports et leur régularité.  Reconnaissant que le calendrier adopté, en 2019, avait subi des retards en raison de la pandémie de COVID-19, elle s’est félicitée du nombre élevé de rapports soumis par les États parties, dont certains après plusieurs années de retard.  Quarante rapports sont actuellement en attente d’examen par le Comité, a-t-elle précisé. 

La Présidente a expliqué que le Comité avait révisé ses directives sur la procédure de suivi des observations finales (CCPR/C/161), portant de deux à trois ans la date limite pour la soumission des informations des États parties.  Elle a aussi souligné qu’en juin 2022, les présidents des 10 organes de traités se sont accordés sur une position unifiée portant sur un calendrier prévisible des examens, l’harmonisation des méthodes de travail et les outils numériques.  Les présidents ont également convenu de poursuivre l’alignement des méthodes de travail des organes de traités, notamment la mise en service d’une plateforme numérique pour remplacer des procédures « dépassées », a-t-elle ajouté.  Plaidant pour une montée en puissance numérique, elle a estimé urgent de doter le Secrétariat et les experts d’outils numériques modernes pour rationaliser le travail et communiquer avec les parties externes.  

Pour mettre en œuvre le nouveau calendrier prévisible, Mme Pazartzis a aussi appelé à augmenter les ressources des organes de traités et de leurs secrétariats.  Évoquant ensuite le travail se rapportant au premier Protocole facultatif, elle a indiqué que le Comité avait adopté 196 décisions et qu’il s’efforçait d’examiner autant de cas que possible.  Par ailleurs, elle a ajouté que 101 affaires avaient été conclues en 2018, 134 en 2019, 155 en 2020 et 132 en 2021, et que le nombre d’affaires en souffrance était passé de 746 fin 2018 à 1 273 fin 2021.  Elle a affirmé qu’à moins d’une augmentation de la capacité en personnel, le Comité ne sera pas en mesure de traiter son arriéré en temps voulu, nuisant à sa capacité d’offrir des recours rapides aux victimes de violations des droits humains.  Elle a demandé aux États Membres d’assumer leurs responsabilités en finançant le système des organes de traités de manière adéquate par le budget ordinaire des Nations Unies.

Dialogue interactif

À l’issue de cet exposé, les États-Unis ont demandé si d’autres solutions existaient pour régler l’arriéré de communications.  Le Mexique a rappelé qu’en 2020 le Comité avait organisé une réunion avec les juges de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et voulu savoir où en était le dialogue entre le Comité et les organismes régionaux, concernant notamment les discriminations contre les personnes les plus vulnérables.  La Grèce a voulu savoir comment le Comité entendait promouvoir la coordination entre les différents organes de traités et comment les outils numériques pourraient permettre une meilleure communication autour du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  La Roumanie a salué la simplification des méthodes de travail et de la mise en place d’un cycle de huit ans, avant de réclamer des précisions sur les listes de points à présenter par certains pays, élaborées en coopération avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.  

Le Chili a invité le Comité à consacrer ses prochaines observations finales sur les questions d’accès à la justice en temps de la pandémie de COVID-19, suivi du Liechtenstein qui a demandé à la Présidente ce qu’elle pensait des actes de guerre illégaux commis actuellement.  Le Royaume-Uni a voulu savoir si des statistiques sur le nombre de vues pour chacune des sessions du Comité retransmises en ligne étaient disponibles.  Y aurait-il un intérêt financier à organiser des réunions au niveau de plateformes régionales?  L’Union européenne (UE) a demandé comment et dans quels délais le Comité comptait mettre en place sa plateforme numérique pour résorber l’arriéré de communications en souffrance.

Après l’Inde qui s’est félicitée des réformes mises en œuvre par le Comité, la Fédération de Russie s’est plainte de la lourdeur bureaucratique et les dysfonctionnements du Comité, ainsi que de ses retards.  Elle a appelé les experts à ne pas « politiser » l’examen du huitième rapport de la Russie et rejeté toute ingérence dans ses affaires intérieures.  L’Algérie s’est félicitée du renforcement du travail avec les plateformes régionales chargées des questions de droits humains et s’est intéressée au rôle des points focaux de ces plateformes.  Elle a aussi voulu savoir comment le Comité comptait rattraper le retard pris durant la pandémie de COVID-19 et limiter les doublons avec les autres organes chargés des droits de la personne.  De son côté, l’Ordre souverain de Malte a souligné l’importance des institutions confessionnelles qui sont souvent les seules à apporter une aide vitale aux communautés locales.  

Suite à ces questions et commentaires, la Présidente du Comité des droits de l’homme a indiqué que la mise en œuvre de la réforme et la coopération entre les organes de traités prendrait du temps, notant qu’un effort général commun sera nécessaire pour y parvenir.  Concernant la plateforme numérique, elle a souligné qu’elle permettrait d’automatiser une partie des tâches effectuées manuellement et de réduire la charge de travail du Secrétariat et des organes conventionnels.  Elle a expliqué que les réunions avec les instances régionales se poursuivaient et qu’une réunion était notamment prévue avec la plateforme des droits humains en Afrique, l’année prochaine.

S’agissant des listes de points établies avec le Comité des droits économiques sociaux et culturels, la Présidente a précisé que des efforts étaient en cours pour éviter les doublons et que cette initiative pourrait servir de modèle pour le travail avec les organes de traités.  Elle a indiqué que le Comité avait rappelé aux États leurs obligations vis-à-vis du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dès le début de la pandémie.  Répondant au Royaume-Uni, elle a dit qu’elle allait demander au Secrétariat s’il avait des statistiques sur les vues des sessions en ligne et assuré que la société civile pouvait participer au travail.  Elle a ensuite répondu à la Russie, en affirmant qu’elle espérait pouvoir continuer à dialoguer avec les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  « J’ai bon espoir que nous pourrons travailler avec tous les États parties d’une manière qui ne soit pas politisée », a-t-elle conclu. 

 M. MOHAMED EZZELDIN ABDEL-MONEIM, Président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a fait connaître les principaux défis « sans précédents » auxquels son Comité est confronté dans son travail, les circonstances actuelles continuant d’imposer un travail partiellement en ligne, ce qui induit de nombreux défis techniques.  En outre, l’arriéré des rapports des États parties en attente d’examen est de 34.  S’agissant de la soumission des rapports des États parties, il a affirmé que le Comité continue de faire face à une situation générale de non-présentation et de retard, de nombreux États accusant plus de 10 ans de retard.

Il a ensuite indiqué que le Comité reçoit un nombre élevé de communications individuelles.  Pour les examiner, le Comité aura besoin de temps de réunion dédié, ainsi que des ressources supplémentaires, y compris des outils numériques.  Il a signalé que, sur les 171 États parties au Pacte, seuls 26 États ont accepté la compétence du Comité pour recevoir des communications individuelles, regrettant en outre qu’il n’y a eu aucune nouvelle ratification ou accession depuis 2020.

M. Abdel-Moneim a ensuite fait savoir qu’en juin, les présidents des organes de traités ont décidé d’établir un calendrier prévisible d’examens sur huit ans, couvrant toutes les procédures de présentation de rapports des organes de traités et tous les États parties.  Les avantages pour les États parties sont nombreux, a-t-il assuré, citant notamment la prévisibilité du système, l’égalité de traitement de tous les États, et le renforcement de l’universalité, de l’indivisibilité et de l’interdépendance de tous les droits humains.

Mais pour ce faire, il sera nécessaire d’augmenter les ressources des organes de traités et de leurs secrétariats, a-t-il prévenu, martelant que cet investissement en vaut la peine: il renforcerait notamment une évaluation objective et apolitique des questions relatives aux droits de la personne, ainsi qu’un soutien aux États pour la mise en œuvre de réformes concrètes.  L’issue des dialogues entre les experts et les États parties est l’épine dorsale de tout le système des droits humains de l’ONU, y compris l’Examen périodique universel (EPU), a-t-il appuyé.

Après cet exposé, le Portugal a voulu savoir si le Comité dispose d’une stratégie pour promouvoir la ratification du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.  Comment œuvrer collectivement pour atteindre les objectifs de développement durable du point de vue des droits économiques, sociaux et culturels compte tenu des liens étroits existant avec le Pacte, a demandé l’Algérie, tandis que le Maroc souhaitait savoir si le Comité envisage d’élaborer un rapport d’orientation sur les domaines prioritaires du redressement postCOVID-19.

 Quels sont les progrès réalisés dans la réduction de l’arriéré de rapports au sein du Comité et quel est le résultat attendu du nouveau cycle d’examen prévisible? s’est enquise l’Union européenne, qui a également souhaité savoir sous quelles formes le Comité coopère avec d’autres organes de traité sur la question des droits de l’homme.  Comment remédier au retard pris dans la présentation des rapports par les États parties, a renchéri la Chine, alors que l’Inde s’intéressait à la procédure simplifiée, se demandant s’il est possible d’attendre d’être saisi de la liste des points à traiter avant de soumettre son rapport.  À ce propos, El Salvador a remercié le Comité de lui avoir permis de présenter en ligne son sixième rapport, ce qui témoigne, selon lui, de la volonté du Comité de recourir au numérique pour faire avancer ses travaux.  Qu’en est-il de la mise en œuvre du cycle d’examen de huit ans? s’est à son tour interrogée la Roumanie

La Fédération de Russie s’est déclarée « troublée » par le niveau élevé de « lobbying » visant à faire fusionner le travail du Comité des droits économiques, sociaux et culturels avec celui du Comité des droits de l’homme.  À sa suite, la République arabe syrienne a fait remarquer que, tout exportateur de pétrole qu’il soit, son pays se retrouve depuis 10 ans obligé d’en importer sous l’effet des mesures coercitives unilatérales.  Relevant que, cette année, plus de 50 tankers de pétrole brut ont été « volés et sortis » du territoire syrien, elle a sollicité l’avis du Comité sur ce type de pratique et lui a demandé comment, dans ces conditions, garantir au peuple syrien l’exercice de ses droits économiques et sociaux.  

Par la voix d’une déléguée de la jeunesse, le Luxembourg a dénoncé le fait que les multinationales fournissent des informations incomplètes sur la durabilité environnementale, interrogeant le Comité à cet égard.  De son côté, le Cameroun a souhaité avoir un complément d’information quant à la teneur des consultations du Comité avec des enfants, s’agissant notamment de l’aval des parents.  

Réagissant aux questions et commentaires, le Président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a constaté que le monde vit une « nouvelle pandémie » marquée, en plein redressement postCOVID-19, par une inflation, qui met à mal le coût de la vie, l’éducation et la santé, sans compter l’envolée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, qui impacte les droits économiques, sociaux et culturels des personnes.  Pour ces raisons, il a exhorté les États parties au Pacte international à faire en sorte que leurs populations puissent jouir de leurs droits de sorte que ces crises n’aient pas d’effets déstabilisateurs.

S’agissant des observations générales de son comité, M. Abdel-Moneim a fait état de consultations en vue d’un début de rédaction dès l’an prochain.  Pour ce qui est des dialogues, il s’est dit impatient de recevoir la Chine et le Portugal, entre autres pays.  Quant au Protocole facultatif, il a spécifié que si un État décide d’adhérer, il doit « joindre le geste à la parole » et s’acquitter d’actions concrètes en plus de la ratification.  Évoquant ensuite le calendrier prévisible décidé par les présidents d’organes de traité, il a expliqué que c’est aux États de le rendre fonctionnel.  En fait, a-t-il précisé, il ne s’écoulera pas huit ans entre la présentation de chaque rapport puisque, tous les quatre ans, un rapport de suivi est soumis, qui est tout aussi important que les rapports dits ordinaires.  Il y a vu un moyen d’optimiser l’efficacité du calendrier.

Pour finir, le Président du Comité a reconnu l’intérêt des outils numériques qui contribuent grandement à l’amélioration du travail des organes conventionnels et permettent aux États parties et autres intervenants de se familiariser avec les réunions et d’y participer.  Cependant, a-t-il conclu, l’expérience a montré que pour être efficace, il est préférable de se retrouver en présentiel.  

Mme MARY LAWLOR, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, a présenté son rapport intitulé « Refuser de renoncer » (A/77/178) et centré sur les défenseurs et défenseuses des droits humains travaillant sur les droits des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile.  Aujourd’hui, sur tous les continents, a-t-elle déploré, « je vois des gens attaqués et pris pour cibles parce qu’ils aident ceux qui sont dans le besoin, parce qu’ils apportent de la nourriture, des médicaments et de l’eau à des personnes qui gèlent dans les forêts ou se déshydratent dans les déserts. »  Elle a notamment fait état de témoignages en Libye de personnes attaquées et torturées pour avoir essayé d’aider autrui, empêchées par le Gouvernement de rendre visite à des migrants en détention et abusées dans des centres de détention.

Elle a appelé les États Membres à cesser d’emprisonner, d’expulser, d’enlever et d’attaquer physiquement ceux qui aident les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile.  À cet égard, Mme Lawlor a souligné les grands risques que prennent des avocats, des médecins et des infirmières, qui, souvent, sont accusés d’être des passeurs, des agents étrangers, des trafiquants ou des terroristes.  Elle a par ailleurs pointé un « deux poids, deux mesures » dans l’assistance apportée aux populations migrantes.  « Les personnes aidant les réfugiés d’Ukraine sont louées à juste titre pour leur excellent travail, tandis que celles qui aident les réfugiés d’autres pays sont attaquées », a-t-elle dénoncé, citant notamment le cas de défenseurs en Pologne pris pour cibles pour avoir aidé des personnes dans le besoin près de la frontière bélarusse.  En outre, les migrants qui aident d’autres migrants sont confrontés à des risques accrus, a-t-elle dénoncé, demandant à ce qu’ils fassent l’objet d’une protection particulière. 

Enfin, elle s’est réjouie que les tribunaux de certains pays rejettent les poursuites engagées par les autorités, notamment en France, en Pologne, en Italie et aux États-Unis.  Mais les personnes qui agissent par solidarité ne devraient pas avoir à compter sur les tribunaux pour les protéger, a-t-elle alerté.  Déplorant le fait que malgré de nombreuses recommandations, auprès des États, les attaques continuent, elle a souhaité leur donner un simple conseil : « ne ciblez pas les défenseurs des droits humains qui défendent pacifiquement les droits des autres ». 

À la suite de l’exposé, le Mexique a souhaité connaître les meilleures pratiques en matière de protection des femmes défenseuses des droits humains.  La France s’est également interrogée sur la manière de lutter contre les attaques odieuses ciblant les femmes engagées pour la protection des droits, notamment dans le contexte amplificateur des réseaux sociaux.

Le Chili s’est demandé quels organes de l’État devraient se charger de mettre en pratique les mécanismes d’alerte précoce.  De son côté, la Côte d’Ivoire a évoqué la recommandation d’un mécanisme de lanceur d’alerte, s’interrogeant sur son efficacité quand les auteurs des violations sont des acteurs étatiques.  Au sujet des mécanismes de protection mentionnés dans le rapport, la Slovénie a voulu savoir comment ils peuvent protéger au mieux les défenseurs des droits.

Comment travailler de manière multilatérale pour répondre aux menaces évoquées dans le rapport de la Rapporteuse spéciale, ont à leur tour demandé les États-Unis, tandis que l’Indonésie indiquait travailler avec des ONG afin que le rôle crucial des défenseurs des droits humains soient reconnus.  Dans quelles mesures les mécanismes de soutien et de protection atteignent les défenseurs des droits humains les plus vulnérables, se sont enquis les Pays-Bas, qui s’exprimaient au nom des pays du Benelux.  Quelles seraient les premières mesures à prendre pour améliorer leur situation, s’est également interrogée la Suisse.  Une demande également formulée par le Costa Rica, qui a cité, en particulier, ceux qui défendent les droits des migrants et des réfugiés.  L’Australie a, elle aussi, voulu savoir comment soutenir les défenseurs qui aident les migrants aux frontières, l’Union européenne se demandant, quant à elle, comment la communauté internationale peut soutenir leur travail, qui n'est souvent ni reconnu ni protégé.  Même interrogation du côté du Royaume-Uni et de l’Allemagne, celle-ci souhaitant savoir comment les armer de compétences afin qu’ils connaissent mieux leurs droits.

La question des meilleures pratiques pour permettre le travail des défenseurs des droits a également intéressé la République tchèque et la République dominicaine, tandis que l’Irlande s’interrogeait sur les moyens dont disposent les États pour protéger ces personnes des représailles.  La Pologne a voulu savoir comment prévenir les risques de disparitions forcées, le Myanmar évoquant, à ce propos, les abus commis par la junte militaire au pouvoir dans son pays.

Le Liechtenstein s’est ensuite interrogé sur la manière pour les défenseurs des droits humains de s’assurer que le principe de non-refoulement soit respecté et de mieux répondre aux crimes commis contre les migrants, évoquant notamment le risque de l’esclavage.  Dans quelles mesures les menaces contre les défenseurs des droits sont liées à une perception plus générale sur les migrations, a demandé la Norvège.  Le Maroc, évoquant la pratique du refoulement par certains États, a, lui, voulu savoir comment la prévenir.  Plus axée sur la coopération entre les États, les ONG, la société civile et les défenseurs des droits humains, la Grèce a plaidé pour une réglementation de ces liens en raison de l’ampleur de la tâche que toutes les autorités concernées sont appelées à accomplir.  Rappelant pour sa part que son gouvernement ne peut exercer son autorité dans les régions d’Abkhazie et Tskhinvali à cause de l’occupation russe, la Géorgie a souhaité connaître les projets de la Rapporteuse spéciale en réponse aux situations d’intimidation et de violence à l’encontre des défenseurs des droits humains dans les régions où les autorités légitimes ou les mécanismes internationaux de surveillance ou d’observation n’ont pas accès.

Plus critique, la Fédération de Russie a indiqué ne pas comprendre sur quelle base la Rapporteuse spéciale ou ses sources concluent que les activités de défenseurs des droits humains sont légales et que leurs droits sont violés lorsqu’il y a une décision de justice en ce sens.  Il serait intéressant de savoir ce que l’experte a en tête lorsqu’elle recommande aux États d’encourager « en privé » le travail des défenseurs des droits humains qui travaillent en secret dans d’autres pays, a commenté la délégation.  Elle aussi mécontente, la Hongrie a jugé regrettable que des faits « obsolètes » qui lui soient reprochés, rappelant avoir subi de nombreuses critiques, depuis 2018, à la suite de mouvements importants de migrants.  Le Viet Nam a également dénoncé des déclarations infondées dans le rapport, alors que la Chine faisait valoir que les politiques de certains États violent le droit des réfugiés et que l’ONU devrait s’y attarder.

Les Émirats arabes unis se sont, eux, engagés à continuer à coopérer pour que les informations à disposition soient précises, alors que la Colombie indiquait avoir pris note des recommandations de la Rapporteuse spéciale.  El Salvador, le Brésil et l’Arabie saoudite ont également pris la parole au cours de ce débat.  

Dans sa réponse, la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains a indiqué que, sur la question des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, la volonté politique est essentielle.  Si les gouvernements ne reconnaissent pas que les défenseurs des droits humains doivent pouvoir défendre les droits des autres, nous n’arriverons à rien, a-t-elle martelé.  Elle a également insisté sur la nécessité de garantir la visibilité des défenseurs.  Il est bien beau que les ministres, législateurs fassent de grands discours si, d’un autre côté, ils invectivent les défenseurs des droits humains, a lancé Mme Lawlor.

La Rapporteuse spéciale a ensuite indiqué à la Hongrie ne pas être la seule à qui le pays doit jeter la pierre, puisque des institutions, dont l’Union européenne, travaillent également sur la question du droit et des libertés fondamentales.  Par ailleurs, elle a assuré veiller à la véracité des informations contenues dans son rapport.

Quant à savoir si une personne qui enfreint la loi doit être sanctionnée, « la réponse est oui », a-t-elle poursuivi à l’adresse de la Russie.  Mais encore faut-il que la loi soit équitable, a ajouté l’experte.  « Dans un pays où vous devez vous soumettre à des lois non équitables, il est fort probable que vous décidiez de l’enfreindre », a-t-elle relevé.  Répondant ensuite aux Émirats arabes unis, elle a indiqué qu’elle se rendra compte elle-même de ce que traversent les défenseurs des droits humains si elle en est invitée, évoquant le cas de deux personnes emprisonnées actuellement dans ce pays.  « Peut-être pourriez-vous inviter votre Gouvernement à les libérer », a-t-elle ajouté, affirmant par ailleurs garder un œil attentif sur l’Arabie saoudite.  S’agissant enfin des remarques et questions relatives à la migration, elle a reconnu que, parfois, les États veillent à leurs intérêts stratégiques, ce qui n’inclut pas forcément le bien-être des migrants.

 

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