La Troisième Commission examine les droits humains au prisme des questions environnementales et de la condition des personnes handicapées
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a poursuivi sa radiographie des différents droits humains en dialoguant, aujourd’hui, avec plusieurs titulaires de mandat en lien avec les droits de l’environnement et des personnes âgées, l’occasion de mesurer les progrès accomplis dans ces domaines mais aussi les lacunes des dispositifs existants. La Commission s’est par ailleurs penchée sur les processus de justice transitionnelle centrés sur les personnes dans le cadre des efforts de réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
Les ODD ont du reste été le fil rouge de cette réunion, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement n’hésitant pas à affirmer que le droit à un environnement sain, propre et durable, reconnu en juillet dernier par une résolution de l’Assemblée générale, est un bon moyen d’atteindre ces objectifs communs. Regrettant à cet égard que les ODD soient perçus comme de « simples aspirations », M. David Boyd a rappelé qu’ils reposent sur un socle « juridiquement contraignant » des droits humains et de droit international de l’environnement.
M. Boyd a ajouté que, même si les résolutions de l’Assemblée générale n’ont, elles, pas de valeur contraignante, 80% des États Membres reconnaissent déjà le droit à un environnement sain, propre et durable par le biais de constitutions, de lois, de décisions de justice et de traités régionaux. Selon lui, ils pourraient aussi le faire à l’échelon planétaire grâce à un troisième pacte mondial ou à un traité international. Le Rapporteur spécial a également formulé des recommandations pour surmonter les obstacles financiers à la réalisation des ODD, plaidant pour l’instauration d’un impôt mondial sur la fortune, la réaffectation des subventions préjudiciables à l’environnement et la création d’une taxe mondiale sur le carbone.
De son côté, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des changements climatiques a constaté que de nombreux droits humains sont violés du fait du dérèglement du climat, en particulier les droits à la vie, à la santé, au travail et à un logement adéquat. M. Ian Fry a indiqué qu’à eux seuls, les États membres du G20 sont responsables de 78% des émissions de gaz à effet de serre de la dernière décennie. Il a également souligné le coût énorme des catastrophes climatiques, relevant que les appels humanitaires des Nations Unies pour y répondre ont augmenté de plus de 800% entre 2000 et 2021. De plus, d’ici à 2030, les pertes économiques inévitables dues aux changements climatiques devraient atteindre 290 à 580 milliards de dollars.
Fort de ce constat, M. Fry a appelé à l’arrêt des subventions accordées aux combustibles fossiles, lesquelles s’élèveraient encore à environ 500 milliards de dollars par an. Il a aussi appelé de ses vœux l’organisation en 2023 d’un forum de haut niveau sur les engagements en matière d’atténuation, l’établissement d’un mécanisme de recours et de réclamation en matière de changements climatiques et l’élaboration par la Commission du droit international d’un instrument juridique qui assure une protection complète aux défenseurs des droits humains des populations autochtones et de l’environnement.
Les violations des droits humains que subissent les peuples autochtones du fait de la contamination toxique de leurs corps, de leurs terres et de leurs territoires ont également alerté le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits humains de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux. L’exposition à des substances dangereuses est une forme de violence environnementale à l’encontre des peuples autochtones, a soutenu M. Marcos Orellana, précisant que 50 à 80% de toutes les ressources minérales destinées à être extraites par des sociétés minières se trouvent sur des terres autochtones.
La Commission a par ailleurs échangé avec deux titulaires de mandat sur les droits des personnes handicapées, dont le Rapporteur spécial en charge de cette question. M. Gerard Quinn a dit avoir examiné les moyens de mieux accorder le droit international humanitaire et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées pour assurer la protection civile de ces personnes pendant les conflits armés. Rappelant à ce propos que la quatrième Convention de Genève de 1949 inclut spécifiquement les personnes handicapées sous la description « malades et infirmes », il a regretté que ces normes restent largement inexploitées.
Dans le cadre des conflits, M. Quinn a relevé d’importants problèmes dans la communication d’avertissements aux personnes handicapées, pointant également des processus d’évacuation non inclusifs, l’utilisation aveugle de munitions, l’absence de mesures de précaution réalisables et l’invisibilité des personnes handicapées dans la doctrine et les formations militaires. L’objectif n’est pas de rendre la guerre plus inclusive, mais de réduire la létalité des conflits et d’aborder le sort des civils handicapés, a-t-il expliqué, indiquant que sa prochaine étude portera sur la voix collective des personnes handicapées dans les processus de consolidation de la paix.
À sa suite, la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées a présenté les travaux de son organe, évoquant l’adoption d’une observation générale sur le travail et l’emploi des personnes handicapées et de lignes directrices sur la désinstitutionalisation, y compris dans les situations d’urgence. Ces deux adoptions contribueront à la mise en œuvre des principes et des normes de la Convention sur les droits des personnes handicapées, a précisé Mme Rosemary Kayess. Parmi les autres actions du Comité, elle a fait état de réunions avec les États parties en vue de recevoir des informations sur l’impact de la guerre en Ukraine sur les personnes handicapées.
Dernier intervenant du jour, le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition s’est intéressé au rôle des processus de justice transitionnelle dans la réalisation des ODD.
M. Fabian Salvioli s’est dit convaincu qu’une justice transitionnelle centrée sur les victimes peut influer sur la résolution des crises et des cycles de violence tels que ceux qui sont en cours actuellement.
À ses yeux, le cadre des ODD est propice car il établit des liens entre la justice, le développement et la sécurité. Soucieux de valoriser les expériences vécues dans ces domaines, M. Salvioli a recommandé d’adopter une approche basée sur la reconnaissance, qui place les victimes au centre des processus de justice. Il a également mis l’accent sur les réparations, qui, selon lui, sont les mesures les plus susceptibles de faire une différence dans la vie des victimes.
La Troisième Commission poursuivra son examen de la promotion et de la protection des droits humains mardi 25 octobre, à partir de 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS
Déclarations liminaires suivies de dialogues interactifs
Exposé
M. DAVID BOYD, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement, a rappelé que l’Assemblée générale a adopté une résolution « historique », le 28 juillet dernier, qui reconnaît, pour la première fois au niveau mondial, le droit de l’homme à un environnement propre, sain et durable (A/RES/76/300). Il a jugé cette adoption opportune compte tenu du fait que plus de 80% des États Membres reconnaissent déjà ce droit par le biais de constitutions, de lois, de décisions de justice et de traités régionaux. La résolution représente un mandat pour faire face à la triple crise environnementale de l’urgence climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la pollution généralisée, a-t-il précisé.
M. Boyd a ensuite averti qu’à l’approche de la mi-parcours du Programme 2030, la probabilité d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD) est « étonnamment faible », en particulier pour les ODD qui concernent l’environnement. Rappelant qu’avant même la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine, le monde n’était pas sur la bonne voie, il a fait valoir que ces événements dévastateurs ne sont que des « distractions passagères » comparées à l’ampleur de l’extrême pauvreté, des inégalités et des catastrophes environnementales qui menacent notre avenir. Le Rapporteur spécial a également regretté que les ODD soient perçus par les États comme de simples aspirations, insistant sur le fait qu’ils reposent sur un socle de droits de l’homme et de droit international de l’environnement « juridiquement contraignants et applicables ». De plus, a-t-il ajouté, les obligations en matière de droits humains sous-tendent tous les ODD et 93% de leurs cibles.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la réalisation des ODD d’ici à 2030 nécessiterait un investissement supplémentaire de 4 200 milliards de dollars par an, soit 33 600 milliards de dollars au cours des huit prochaines années, a poursuivi M. Boyd. Parmi les obstacles structurels à la réalisation des ODD, il a cité les niveaux d’endettement et les coûts astronomiques du service de la dette, le manque de financement adéquat pour les pays à faible revenu, le manquement des États riches à leurs engagements en matière d’aide au développement, les subventions massives aux combustibles fossiles, la fraude fiscale, les traités commerciaux donnant la priorité aux profits plutôt qu’aux droits de l’homme et la non-application du principe « pollueur-payeur ». En réponse, il a proposé sept mesures clefs pour contribuer à combler ce déficit: un impôt mondial sur la fortune, qui rapportait 2 500 milliards de dollars, la réaffectation des subventions préjudiciables à l’environnement (1 800 milliards de dollars), une taxe mondiale sur le carbone (1 000 milliards de dollars), la réduction de la fraude fiscale (600 milliards de dollars), des droits de tirage spéciaux pour l’action climatique (500 milliards de dollars), des allègements de dette (400 milliards de dollars) et le respect des engagements en matière d’aide publique au développement (200 milliards de dollars), le total représentant 7 000 milliards de dollars.
M. Boyd a conclu en formulant quelques recommandations pour les États Membres en vue atteindre les ODD. Il les a notamment appelés à reconnaître que les ODD constituent des obligations juridiquement contraignantes, à prendre des mesures urgentes sur la pollution de l’air et de l’eau et la crise climatique, à donner la priorité aux actions qui permettent d’atteindre simultanément plusieurs ODD comme la grande muraille verte en Afrique, à protéger les défenseurs des droits de l’homme en matière d’environnement et à négocier le retrait ou l’arrêt des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États et des accords internationaux sur le commerce et l’investissement. Il a aussi estimé que les États à haut revenu ont une responsabilité particulière en ce qui concerne la mise en œuvre et le financement des actions visant à atteindre les ODD et doivent aider les nations vulnérables à répondre à l’urgence climatique, y compris par des fonds pour les pertes et les dommages.
Dialogue interactif
Après la présentation du rapport de M. Boyd, les États-Unis ont indiqué mettre l’accent au niveau international sur la protection des océans et la lutte contre la pollution plastique. Au niveau national, la loi Biden contre l’inflation devrait permettre de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2005, ont-ils ajouté, avant de s’interroger sur les mesures urgentes à prendre en vue de garantir un environnement sain, propre et durable. Comment peut-on aider les États Membres à adopter une approche des questions environnementales basées sur les droits humains et comment faire pour que les recommandations du rapport soient bien prises en compte par les principales parties prenantes, a pour sa part demandé l’Union européenne. Après le Chili, qui a rappelé avoir fait de l’environnement sain et non pollué une priorité constitutionnelle et avoir adhéré cette année à l’Accord d’Escazú, le Luxembourg a regretté que l’ONU ne montre pas l’exemple en termes d’efficacité énergétique, demandant à cet égard si l’Organisation a déjà été évaluée concernant son respect d’un environnement propre, sain et durable. Le Mexique a lui aussi salué l’Accord d’Escazú avant de s’enquérir des pratiques optimales pour garantir un environnement sain, propre et salubre. Comment garantir ce droit face aux effets transfrontières des changements climatiques, de la perte de la biodiversité et de la pollution, a-t-il aussi voulu savoir.
S’exprimant au nom du Groupe sur les droits humains et l’environnement, la Suisse a demandé quelles mesures devaient être mises en œuvre urgemment par les États et les entreprises. À sa suite, la Slovénie a rappelé que le droit à un environnement sain, propre et durable est protégé dans sa constitution. Elle a salué le vote de la résolution comme un pas historique et a appelé à inclure ce droit dans tout le système des Nations Unies. Comment utiliser au mieux la reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable comme un droit universel pour atteindre les ODD, a ensuite demandé la Malaisie. La France a souhaité savoir comment le Rapporteur spécial envisage la coopération avec les deux autres titulaires de mandat traitant s’exprimant sur l’environnement devant la Commission, rappelant au passage que, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un quart des décès peuvent être imputés à des facteurs environnementaux. La République de Corée a souligné le caractère transfrontalier des questions de qualité de l’air et rappelé qu’elle avait proposé une journée internationale de la qualité de l’air. Rappelant que les ODD ont un caractère contraignant en termes de droits humains, l’Allemagne a demandé comment renforcer le pilier prévention dans ce domaine, tandis que la Namibie s’interrogeait sur les politiques à adopter en vue de promouvoir le droit à un environnement propre, sain et durable, notamment en cas de conflit.
L’Algérie a relevé à son tour que ce droit est protégé par sa constitution. Elle a par ailleurs voulu savoir pourquoi le terme « sûr » a été supprimé de la résolution et quels nouveaux mécanismes pourraient être créés. Dans quelle mesure le renforcement des capacités et les transferts de technologie peuvent-ils aider les pays en développement à donner effet au droit à un environnement propre, sain et durable, a demandé le Brésil. S’enorgueillissant d’avoir été l’un des tout premiers pays à intégrer ce droit dans sa constitution, le Portugal a souhaité connaître l’avis du Rapporteur spécial sur l’instrument juridiquement contraignant pour les entreprises en cours d’élaboration à Genève. La République arabe syrienne a demandé si les États agissent comme ils le doivent pour réaliser les ODD, l’Ordre souverain de Malte rappelant quant à lui ses réalisations en collaboration avec la Colombie en vue de protéger l’environnement.
Répondant aux questions des délégations, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement a insisté sur l’importance d’intégrer le droit à un environnement propre, sain et durable dans toutes les politiques comme un droit humain. Il convient ensuite de mettre ce droit en pratique et d’adopter des mécanismes de suivi et de contrôle, a-t-il ajouté. Sur le plan juridique, il a rappelé que les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale n’ont pas de valeur contraignante. Toutefois, a-t-il relevé, les 156 États qui ont reconnu ce droit au niveau national peuvent aussi le faire à l’échelon mondial. M. Boyd a ensuite évoqué la possibilité d’un troisième pacte mondial ou d’un traité international, notant à cet égard que plusieurs instruments existent déjà au niveau régional en Afrique ou en Amérique latine. Il a également encouragé l’adoption d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, avant de mentionner les projets de traité sur la pollution plastique et sur les droits humains et les entreprises.
Selon M. Boyd, le droit à un environnement propre, sain et durable devrait être intégré dans les procédures conventionnelles et être reconnu par l’alliance mondiale de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). À ce propos, il a expliqué que, lors de ses visites dans différents pays, il a fourni des recommandations pour mieux intégrer le droit en question dans les législations nationales. Il s’est dit prêt à en fournir à tout État qui n’aurait pas encore reconnu ce droit mais souhaiterait le faire. S’agissant des bonnes pratiques, il a mis en avant celles de la Slovénie et du Portugal, actifs sur cette question depuis les années 1970, et a renvoyé à la résolution du Conseil des droits de l’homme qui liste plus de 500 bonnes pratiques appliquées par 150 États Membres.
Concernant l’urgence climatique, le Rapporteur spécial a déploré le manque de réelle prise de conscience collective. Il s’est cependant réjoui que l’Uruguay ait réussi à passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables en 10 ans grâce à de très gros investissements ou que le Portugal ait augmenté de 5% à 60% la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Il a aussi noté que la Norvège, le Costa Rica, le Paraguay ou encore l’Albanie sont proches de 100% d’énergies renouvelables. Il a d’autre part souligné l’importance de traiter la question des pertes en dommages, qui font perdre des milliards de dollars chaque année. Enfin, à la question sur l’absence du terme « sûr » dans la résolution, il a renvoyé à la responsabilité de chacun de venir en aide aux plus vulnérables.
Exposé
M. MARCOS A. ORELLANA, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, a alerté sur les violations des droits humains et les abus que subissent les peuples autochtones du fait de la contamination toxique de leurs corps, de leurs terres et de leurs territoires. L’exposition à des substances dangereuses est une forme de violence environnementale à l’encontre des peuples autochtones, a soutenu le Rapporteur spécial dans son nouveau rapport.
Il a indiqué que dans de nombreuses régions du monde, la capacité de l’État à réglementer efficacement les combustibles fossiles et les industries extractives est une illusion. Cependant, les États utilisent le « principe fictif » qu’est leur contrôle effectif du territoire pour tenter de légitimer l’extraction des ressources naturelles présentes sur les territoires des peuples autochtones. En outre, pour satisfaire l’expansion d’une économie mondiale attachée à l’extractivisme, les États et les entreprises pénètrent dans des régions de plus en plus éloignées, à la recherche de métaux, de minéraux et de combustibles fossiles, laissant derrière eux un héritage de pollution et de déversement de substances dangereuses, a dénoncé l’expert, précisant que 50 à 80 % de toutes les ressources minérales destinées à être extraites par des sociétés minières se trouvent sur des terres autochtones.
Les entreprises agroalimentaires empiètent elles aussi sur les terres des peuples autochtones, les exposant aux pesticides dangereux utilisés dans les monocultures, a-t-il poursuivi, évoquant notamment les répercussions de la fumigation aérienne qui répand sans discernement des substances toxiques qui dérivent sur les cultures et les eaux dont les peuples autochtones dépendent pour leur subsistance matérielle et spirituelle. M. Orellana a également alerté que, le déversement de déchets dangereux provoque des traumatismes sanitaires et psychologiques chez les populations autochtones et rendent parfois leurs territoires inhabitables induisant à des déplacements forcés. De fait, le résultat de la pollution toxique menace l’existence même des peuples autochtones, s’est alarmé le Rapporteur spécial.
M. Orellana a ensuite relevé que la voix des peuples autochtones est trop souvent réduite au silence dans les processus de décision concernant les produits chimiques et les déchets, y voyant une forme de discrimination raciale qui aggrave les dommages disproportionnés que les peuples autochtones subissent du fait de la pollution toxique. Il a également signalé que les peuples autochtones n’ont qu’un accès limité aux services de santé, et que leurs pratiques sanitaires traditionnelles ne peuvent pas faire face aux problèmes de santé nouveaux et inconnus qui émergent de l’exposition aux produits toxiques. De plus, l’accès à la justice des peuples autochtones qui cherchent à obtenir réparation pour les effets néfastes des produits toxiques est limité, a-t-il ajouté, pointant du doigt la discrimination de l’État, la corruption et l’absence de lois protectrices qui accroissent leur marginalisation.
Face à cette situation, le Rapporteur spécial a exhorté les États à adopter des mesures immédiates pour arrêter l’afflux dans les territoires autochtones de produits chimiques industriels toxiques, de pesticides et de déchets dangereux, et à mettre fin au double standard consistant à autoriser la production et l’exportation de pesticides hautement dangereux dont ils interdisent l’utilisation sur leur propre territoire. Il a également recommandé que les instruments internationaux sur les produits chimiques et les déchets, mettent en œuvre des programmes spécifiques pour défendre les droits des peuples autochtones. De leur côté, les entreprises commerciales doivent obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones dont les droits, les terres et les moyens de subsistance seraient affectés par leurs activités.
Dialogue interactif
L’Union européenne a souhaité connaître les mesures et stratégies qui se sont avérées efficaces pour réduire les effets des produits dangereux. Par ailleurs, comment renforcer le rôle de la société civile dans la promotion et de la gestion durable des déchets? Quels sont les organes et organismes qui pourraient contribuer à mieux identifier les zones contaminées, se sont enquis, pour leur part, les Îles Marshall.
Après le Nigéria, qui a réaffirmé son engagement à s’acquitter de ses obligations internationales pour un environnement durable propre et sain, l’Algérie a voulu savoir quelles étaient les voies de recours concernant les dépôts des déchets dangereux dans les pays en développement. À ce sujet, la Chine a dit être très préoccupée par les décharges de produits dangereux provenant des États-Unis. Il faut suivre de façon précise la provenance de déchets toxiques, a renchéri la République islamique d’Iran qui a accusé les multinationales d’être de nouveaux colons qui détruisent des environnements sains en complicité tacite des États.
Répondant à ces questions et observations, le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux a mis en garde contre les fausses solutions pour la gestion des déchets, les qualifiant même de « mirages », notant que moins de 10% des produits plastiques ont été recyclés ces 10 dernières années. De même, l’incinération mène à la production de dioxines très dangereuses, les plastiques contenant des milliers d’actifs néfastes. Pour ce qui est des meilleurs pratiques, le Rapporteur spécial a cité l’économie circulaire, notamment pour la gestion des toxiques dans les plastiques. Et c’est là que le droit à l’accès à l’information devient critique, car il faut connaître le contenu des plastiques, les volumes produits et autres, a-t-il indiqué. C’est une pratique optimale qui devrait informer les négociations afin de parvenir à un nouvel instrument sur la pollution plastique.
S’agissant des répercussions des activités militaires sur les peuples autochtones, M. Orellana a évoqué les problèmes liés aux bases abandonnées, expliquant que dans certains cas, les exercices ont provoqué des contaminations qui continuent d’avoir un impact sur les communautés autochtones. Il a également évoqué la contamination de l’eau, et les risques découlant des produits chimiques éternels qui sont presque indestructibles.
Selon lui, l’émergence de zones sacrifiées partout dans le monde découle non seulement d’un développement mal informé, mais aussi du fait que les priorités économiques sont privilégiées au détriment de celles des communautés touchées. À ce propos, le Rapporteur spécial a jugé encourageant que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) se saisit de plus en plus de la question et collabore avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Bien évidemment, a-t-il confié, il existe d’autres entités des Nations Unies qui ont le savoir-faire technique, notamment sur la pollution aux hydrocarbures ou autres, et qui pourraient contribuer à la bonne gestion des zones sacrifiées. Il a ensuite signalé que les zones contaminées par le mercure se multiplient à grande vitesse dans la région de l’Amazonie, en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud-Est en raison de la demande inextinguible en or de la joaillerie.
Exposé
IAN FRY, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des changements climatiques, a rappelé que de nombreux droits humains sont violés en raison des changements climatiques, citant par exemple les droits à la vie, à la santé, au travail et à un logement adéquat. Dénonçant l’inaction des pays développés et des grandes entreprises, qui n’ont pas pris la responsabilité de réduire radicalement leurs émissions de gaz à effet de serre, il a expliqué que cela avait conduit à des demandes de « réparations climatiques » pour les pertes subies. À eux seuls, a-t-il fait remarquer, les États membres du G20 sont responsables de 78% des émissions de la dernière décennie.
Abordant la question de l’atténuation, le Rapporteur spécial a qualifié la réponse globale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’inadéquate. Or cela crée une catastrophe en matière des droits humains et entraîne de graves violations, a-t-il mis en garde. Il aussi indiqué que les subventions accordées aux combustibles fossiles s’élèveraient à environ 500 milliards de dollars par an, soit bien au-delà des promesses faites par les pays en matière d’atténuation. Il a par ailleurs appelé à mettre fin aux pratiques des producteurs de combustibles fossiles qui utilisent les règlements des différends entre investisseurs et États dans le cadre du traité sur la Charte de l’énergie pour poursuivre les États qui prennent des mesures contre les changements climatiques.
M. Fry a ensuite mentionné des catastrophes récentes dues aux changements climatiques, notamment au Zimbabwe ou au Mozambique. En 2021, par exemple, le super typhon Rai a frappé les Philippines, entraînant des pertes de 336 millions de dollars en produits agricoles. Les coûts de ces catastrophes sont énormes, a-t-il alerté, signalant que les appels humanitaires des Nations Unies pour des catastrophes climatiques extrêmes ont augmenté de plus de 800% entre 2000 et 2021. De plus, d’ici 2030, les pertes économiques inévitables dues aux changements climatiques devraient atteindre 290 à 580 milliards de dollars.
Le Rapporteur spécial est également revenu sur ce qu’il appelle « l’impossibilité de participer », regrettant que les personnes les plus touchées soient les moins à mêmes de participer aux processus décisionnels actuels. M. Fry a d’autre part alerté la Commission sur les risques qu’encourent les défenseurs des droits climatiques, persécutés par des gouvernements et des organisations de sécurité. Pour tenter de remédier à ces problèmes, il a formulé quelques recommandations à l’Assemblée générale. Il convient, selon lui, d’organiser un forum de haut niveau sur les engagements en matière d’atténuation en 2023, d’établir un mécanisme de recours et de réclamation en matière de changements climatiques et de charger la Commission du droit international d’élaborer un instrument juridique international afin d’assurer une protection complète et efficace aux défenseurs des droits humains des populations autochtones et de l’environnement. Enfin, il a appelé les États Membres à envoyer des jeunes à la COP27, « parce leur avenir est en jeu. »
Dialogue interactif
À la suite de cet exposé, l’Union européenne a souhaité en savoir plus sur les activités du Rapporteur spécial en matière de protection des droits de l’homme dans le contexte climatique, notamment en ce qui concerne la protection des défenseurs des droits de l’homme. Mentionnant les six rapports publiés par les rapporteurs spéciaux de l’ONU sur des questions relatives aux droits humains et aux changements climatiques, elle a également demandé à M. Fry s’il juge souhaitable qu’une synthèse de leurs recommandations soit publiée. Elle s’est enfin interrogée sur les leviers d’action concernant les droits de l’enfant dans le contexte des changements climatiques. Évoquant l’impact négatif des changements climatiques sur le développement, l’Australie a demandé si des mesures pourraient être prises pour réduire le risque de catastrophes et minimiser leurs dommages.
Comment les États peuvent-ils mieux travailler pour assurer la participation des groupes en situation de vulnérabilité à tous les niveaux, et existe-t-il des exemples de bonnes pratiques étatiques dont les autres peuvent s’inspirer, a voulu savoir l’Irlande. La délégation a aussi demandé à M. Fry de développer ses recommandations sur le processus d’amélioration du plan d’action en faveur de l’égalité des sexes, ceci en vue d’un accord lors de la vingt-huitième session de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. À sa suite, la Pologne a rappelé à quel point les risques d’apatridie et de perte de patrimoine culturel sont étroitement liés aux changements climatiques, et a demandé au Rapporteur spécial comment il aborde cette causalité.
Le Luxembourg a demandé des précisions sur le groupe consultatif d’experts chargés d’examiner les pertes et dommages, souhaitant notamment savoir comment ses travaux pourraient-ils appuyer les différents mécanismes existants. Selon lui, toute création de groupe d’experts indépendants doit être coordonnée avec les processus existants, tel que le dialogue de Glasgow sur le financement des pertes et dommages ou le Réseau de Santiago. Dans quelle mesure le mandat du Rapporteur peut-il encourager la mise en place d’un mécanisme de pertes et dommages pour rappeler l’aspect multidimensionnel des changements climatiques, afin d’aider notamment les États de la région Pacifique face aux périls environnementaux qui les menacent, a ensuite demandé Fidji, plaidant pour l’inclusion d’un niveau de vulnérabilité variable selon les latitudes. L’Algérie a quant à elle critiqué quelques points du rapport, appelant à une approche plus équilibrée. S’agissant de la création encouragée par le rapport de tribunaux internationaux des droits humains pour engager la responsabilité des gouvernements et autres acteurs qui investissent dans les énergies fossiles, elle a voulu savoir si ces instances jugeront les pays développés qui n’ont pas suivi les engagements de l’Accord de Paris.
Comment le Rapporteur spécial envisage-t-il l’avenir du financement de l’adaptation aux changements climatiques, s’est ensuite enquis le Brésil, tandis que la Fédération de Russie se réjouissait que le rapport montre que l’Administration américaine ne s’est pas acquittée de ses obligations environnementales. La délégation a également déploré que les questions climatiques soient abordées par des enceintes qui ne sont pas concernées et ne disposent pas du savoir-faire nécessaire en la matière. À la suite du Liechtenstein, qui s’est interrogé sur le caractère opportun de l’engagement de la responsabilité pénale des États en cas d’écocide, le Royaume-Uni a demandé comment l’on pourrait prendre davantage en considération les points de vue de ceux qui sont les plus touchés par les changements climatiques afin de les traduire en action dans les politiques publiques.
Le Pakistan a rappelé qu’il est l’un des pays les plus touché par les changements climatiques, 17 000 personnes étant récemment mortes dans des inondations. Plaidant pour la mobilisation de financements climatiques pour les pays en développement en vertu du principe de responsabilité collective mais partagée, il a demandé au Rapporteur spécial s’il envisage des mesures d’allègement de la dette pour permettre à des pays comme le sien de mieux lutter contre le réchauffement climatique et de s’y adapter. De son côté, l’Inde a regretté que le rapport fasse peu mention de la question de l’adaptation. Elle s’est demandé comment faire appliquer le principe de responsabilité commune mais différenciée pour permettre aux pays en développement un accès aux financements climatiques et aux technologies adaptées.
La Chine a affirmé que les pays développés, premiers responsables du dérèglement climatique, devraient être en première ligne de son atténuation et fournir davantage aux pays en développement. Réitérant sa volonté d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2060 et de ne pas construire de centrales à charbon supplémentaires, elle a souhaité que le Rapporteur spécial s’acquitte de ses fonctions « de manière objective ». La République islamique d’Iran a, elle, déploré la « grande injustice » imposée par les économies développées envers celles qui sont les moins à même de réagir, ainsi que les mesures coercitives unilatérales qui empêchent l’accès aux technologies d’adaptation. Ne politisons pas les questions climatiques, y compris l’Accord de Paris, a exhorté la délégation. L’Islande a, pour sa part, souhaité connaître les mesures prises par les États pour incorporer les personnes les plus touchées par la crise climatique. Enfin, le Bangladesh a rappelé sa vulnérabilité ainsi que ses efforts en vue de l’adaptation aux changements climatiques, invoquant à son tour la nécessité de financements internationaux. Comment, dès lors, peut-on encourager les pays à établir un mécanisme de pertes et dommages, a-t-il demandé.
Répondant à ces questions et observations, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des changements climatiques a tout d’abord rappelé que nombre de résolutions rédigées au sein du Conseil des droits de l’homme ont été reprises et synthétisées dans son travail, de même pour celles de la Commission sur les droits de l’enfant. Il s’est ensuite alarmé des enlèvements et du harcèlement de défenseurs de l’environnement, qui nécessitent selon lui la mise en place de mécanismes de reddition de comptes pour les protéger. Évoquant par ailleurs les pertes immenses que les changements climatiques ont causées à des pays tels le Pakistan, il a martelé l’importance d’une riposte internationale, ajoutant que la société civile, surtout celle qui est la plus touchée par ces drames, doit faire partie de la solution. À ce titre, il s’est félicité d’initiatives telles que celle du Parlement de la jeunesse mis en place en Suède.
M. Fry est également revenu sur le programme d’action sur l’égalité de genre. Face à l’exacerbation des violences faites aux femmes sous le poids des changements climatiques, notamment la traite et le harcèlement, il conviendrait selon lui de revoir ce programme en explorant des questions de genre beaucoup plus spécifiques. Les droits humains sont intimement liés aux changements climatiques, mais ce lien demeure encore ignoré dans de nombreuses réunions environnementales, a-t-il déploré.
En réponse à la question des Fidji sur le mécanisme de pertes et dommages et le niveau de vulnérabilité variable des États, il a estimé que l’obstacle principal est la prise en compte par l’Assemblée générale de la recommandation qu’il a formulée. Sur le front climatique, nos combats avancent lentement, a constaté le Rapporteur spécial, évoquant des promesses non tenues datant de 2009. À cet égard, il a fait valoir que les prêts ne doivent pas être confondus avec le financement climatique en tant que tel. Le coût de l’inaction climatique dans des pays tels que la Somalie, le Venezuela et le Pakistan nous montre combien il est important de devenir plus ambitieux en termes de financement climatique, a-t-il insisté, avant d’avancer la piste d’un éventuel recours au Fonds monétaire international (FMI). Nous devons changer la donne du tout au tout, a-t-il conclu.
Suite de la discussion générale
M. KENNETH WELLES (Micronésie) s’est réjoui que son pays ait été l’un des derniers à être touché par la pandémie de COVID-19. Il a cependant rappelé que les blocages et restrictions de voyage ont eu un effet dévastateur sur le plan économique et social. Après avoir exprimé sa solidarité avec les pays qui n’ont pas encore reçu les vaccins nécessaires pour immuniser leur population, il a souligné l’attachement de la Micronésie pour l’égalité femmes-hommes. Signalant l’existence de bourses permettant aux femmes et aux filles de poursuivre leurs études, il s’est félicité que les femmes soient plus nombreuses que jamais à occuper des postes à responsabilité dans son pays. Le représentant a d’autre part souligné que les populations de Micronésie et du Pacifique subissent déjà de plein fouet les effets néfastes des changements climatiques, qui, a-t-il dit, « seront bientôt irréversibles ». Si rien n’est fait, les progrès et les réalisations n’auront servi à rien, a-t-il averti, appelant les États à respecter la trajectoire de 1,5 degré Celsius de l’Accord de Paris et mettre à jour leurs contributions au niveau national afin de s’aligner sur cet objectif.
Mme DIARRA DIME-LABILLE (France) a commencé par condamner l’agression de la Russie contre l’Ukraine, assurant que son pays ne reconnaîtra jamais les annexions illégales de régions ukrainiennes. Tout en appelant la Russie et ses alliés à mettre un terme aux violations massives des droits de l’homme dont ils se sont rendus coupables, elle s’est déclarée préoccupée par les actions du pouvoir russe visant à étouffer, en Russie même, toute voix dissidente contre cette guerre. Dans ce contexte, elle s’est félicitée de la décision prise par le Conseil des droits de l’homme, d’établir un rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans ce pays.
La représentante s’est par ailleurs alarmée de la répression des manifestations pacifiques en Iran, des violations massives des droits humains en Syrie, de la dégradation continue en Afghanistan de la situation humanitaire et sécuritaire et des violations des droits fondamentaux des femmes et des filles par le régime taliban, et de la multiplication des exactions envers les populations civiles au Mali, perpétrées par Daech mais aussi par les forces de défense et de sécurité maliennes accompagnées des mercenaires du groupe Wagner. Elle a également regretté l’absence de débat sur le rapport de l’ex-Haute-Commissariat aux droits de l’homme faisant état de violations généralisées et systématiques au Xinjiang. Enfin, après avoir exhorté les États Membres à redoubler d’efforts pour parvenir à une « Génération Égalité » qui ne laisse aucune femme ni aucune fille de côté, elle les a aussi encouragés à soutenir la résolution biennale de l’Assemblée générale, appelant à un moratoire universel sur l’application de la peine de mort.
M. NASEER AHMED FAIQ (Afghanistan) a évoqué une situation humanitaire alarmante dans son pays depuis la prise de pouvoir des Taliban. Il a aussi fait état de violations graves des droits humains, telles que la torture ou les mauvais traitements. Des informations crédibles font apparaître que les Taliban se rendent coupables de persécutions généralisées, a-t-il ajouté, parlant d’agissements potentiellement constitutifs de crimes de guerre. Dénonçant les discriminations à l’égard des femmes et des filles, le représentant s’est également dit très préoccupé par les attentats terroristes qui ciblent en permanence des groupes ethniques et religieux. Il a mentionné l’attentat perpétré contre la minorité hazara dans un centre éducatif de Kaboul, estimant que ces actes s’apparentent à des crimes de génocide. Des mesures concrètes doivent être prises pour éviter tout crime supplémentaire contre cette communauté, a-t-il dit, avant de plaider pour la création d’une mission d’établissement des faits pour faire la lumière sur leur situation. Enfin, le délégué a appelé la communauté internationale à adopter une position unifiée et continue à l’égard des Taliban.
M. OMAR KADIRI (Maroc) a indiqué que son pays à entrepris de profondes réformes en faveur de l’égalité femmes-hommes, du pluralisme et de la coexistence pacifique. Un plan d’action national pour la démocratie et les droits humains a également été mis en place, a-t-il signalé. Rappelant l’élection de son pays au Conseil des droits de l’homme pour la période 2023-2025, le représentant a assuré que la délégation marocaine appuiera un multilatéralisme solidaire et pragmatique. Après avoir relevé que 12 titulaires de mandat sur les droits humains ont été reçus au Maroc, il a rappelé que son pays a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Enfin, concernant la participation des femmes, il a fait remarquer que son gouvernement compte six femmes ministres, dont la Ministre des finances, et que les femmes sont représentées dans le champ religieux.
Mme NUSAIBA HASHIM MOHAMED ALI IDRES (Soudan) a rappelé que le document constitutionnel de 2019 consacre un chapitre entier aux droits humains. Elle a indiqué que le Soudan était partie à la majorité des instruments relatifs aux droits humains et qu’il avait notamment ratifié la Conventions internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention contre la torture. Il poursuit en outre ses efforts pour ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. La représentante a aussi rappelé que le Soudan avait signé des accords avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HDCH) et la Cour pénale internationale. Le Soudan vient également d’être réélu au Conseil des droits de l’homme, a-t-elle ajouté, appelant ensuite à éviter toute politisation de la question des droits humains.
M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a rappelé que, lorsque le gouvernement civil de son pays était au pouvoir, le Myanmar avait signé et ratifié plusieurs traités relatifs aux droits de l’homme. Ces progrès se sont inversés avec le coup d’État militaire illégal de février 2021, a-t-il dénoncé. Depuis cette date, le peuple du Myanmar subit des atrocités et des traitements inhumains de la part de la junte militaire, a déploré le représentant, faisant état de cas de torture, de violences sexuelles ou encore de meurtres. Chaque jour, a-t-il ajouté, des frappes aériennes touchent des civils, tuant des innocents, y compris des femmes, des enfants et des personnes en situation de handicap mental. Selon le HCR, plus d’un million de personnes ont été déplacées au Myanmar depuis le coup d’État, a poursuivi le délégué, mentionnant également le massacre du 24 décembre 2021, où 38 personnes ont été arrêtées, abattues et brulées dans leurs voitures dans l’État du Kayah.
Le représentant a également dénoncé des violations des libertés et droits des enfants par les militaires, ainsi que la restriction de la liberté d’expression et des coupures d’Internet. Il a en outre rappelé que quatre prisonniers politiques ont été exécutés en juillet dernier. S’il s’est réjoui des déclarations de la communauté internationale et des Nations Unies concernant la situation dans son pays, il a regretté que, malgré la pression internationale, la junte continue de jouir de l’impunité. Appelant à ne pas oublier les victimes de cette junte, il a exhorté le Conseil de sécurité à prendre des mesures rapides et décisives afin de mettre fin à la dictature militaire au Myanmar.
M. YOUSEF S. I. SALAH (Libye), a rappelé que son pays a adhéré à l’ensemble des instruments internationaux. Il a regretté que ces obligations n’étaient pas toujours suivies d’effet, dénonçant notamment l’occupation par Israël de la Palestine. Il a appelé à une réforme du système des Nations Unies, notant que le droit au développement était refusé à de trop nombreuses personnes, ce qui exacerbait les crises multiples que connaissait le monde. Le représentant a également regretté que les droits humains soient « trop souvent un prétexte politique mis en avant au détriment de la dignité humaine ».
M. HERINIRINA RAVELONARIVO ANDRIAMASY (Madagascar) a salué les démarches du Gouvernement chinois en matière de droits humains et en faveur du développement de l’ensemble de sa population. Le délégué s’est également félicité du dialogue initié avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), lequel a permis à la Haute-Commissaire sortante, Mme Michelle Bachelet, d’effectuer une mission sur invitation des autorités chinoises. Il a insisté sur l’impératif d’une démarche objective, neutre et impartiale dans un respect total du mandat du HCDH. C’est une condition essentielle, selon lui, pour garantir la crédibilité de la Commission, a-t-il estimé.
Mme RIM KNANI (Tunisie) a invité la communauté internationale à s’acquitter de ses obligations pour protéger les droits humains partout sans exclusion, ni discrimination, appelant à éviter les politiques de « deux poids, deux mesures ». Elle s’est élevée contre la politisation de ces questions dans les discussions de la Commission et a recommandé, en lieu et place, de réaffirmer l’importance de la collaboration et du renforcement des capacités pour aider les États qui en ont besoin. Pour finir, la déléguée a appelé à la cessation de l’occupation de la Palestine par Israël.
Mme RUXANDRA STANCIU (Roumanie) a indiqué que son gouvernement prend en compte les particularités de chaque société, en respectant les droits des minorités, au nombre de 20 en Roumanie, et dont les membres peuvent étudier dans leur langue maternelle, bénéficier de tous les services de l’État, et être représentés au Parlement. Ainsi, 48 représentants des minorités ont obtenu des sièges au sein du Parlement, s’est-elle félicitée. Elle a dit être très préoccupée par la résurgence d’agressions à motif religieux dans le monde. La Roumanie met aussi un point d’honneur à pleinement intégrer les personnes handicapées au sein de sa société.
M. MAC DONALD, du Comité international de la Croix-Rouge, s’est dit alarmé par l’augmentation constante du nombre de personnes disparues. En effet, au cours des cinq dernières années, les cas enregistrés par le CICR ont augmenté de 80%, pour atteindre 180 000 cas, un chiffre qui ne représente que la partie émergée de l’iceberg. En outre, les États ne sont pas suffisamment préparés pour empêcher les personnes de disparaître, clarifier leur sort et leur localisation et répondre aux besoins de leurs familles, a-t-il signalé.
Devant ce constat, le délégué a appelé les États à respecter les règles du droit international humanitaire, afin d’empêcher notamment la séparation des familles et la disparition des personnes. Il a également appelé les États à partager les informations pertinentes sur les prisonniers de guerre, les militaires blessés, malades et décédés et autres personnes qui se trouvent entre leurs mains. En outre, le délégué a rappelé que le droit international humanitaire oblige les parties à accorder au CICR un accès immédiat et régulier à toutes les personnes privées de libertés. Des mesures capitales, a-t-il insisté, pour éviter les disparitions et pour permettre aux familles de connaître le sort de leurs proches.
Le représentant a aussi appelé les États à faciliter et à soutenir le mandat et le rôle du CICR et de son Agence centrale de recherches qui détient des données personnelles sur des centaines de milliers de personnes parmi les plus vulnérables dans le monde. Ces données ont cependant été la cible d’une cyberopération sophistiquée au début de cette année, a-t-il rappelé, exhortant les États à respecter et protéger ces données et à veiller à ce qu’elles ne soient pas consultées, demandées ou utilisées à des fins incompatibles avec la nature humanitaire du travail du CICR.
Droits de réponse
Exerçant son droit de réponse, la Chine a affirmé que la France, les États-Unis et d’autres pays occidentaux continuent de multiplier des informations fallacieuses pour entacher la réputation de la Chine. Hier, la délégation des États-Unis, en cinq minutes, a agressé 18 pays, tous des pays en développement, et n’a rien dit sur les mauvais résultats des droits humains dans son pays et chez ses alliés, a-t-il dénoncé. Il a rappelé que le 6 octobre, le Conseil des droits de l’homme a rejeté un projet de décision sur le Xinjiang proposé par les États- Unis et les pays occidentaux, déplorant que ces mêmes pays tentent à présent d’organiser une manifestation parallèle la semaine prochaine sur le Xinjiang. Il a ainsi appelé les États Membres à ne pas se laisser duper.
La République arabe syrienne a récusé l’emploi du terme « régime » par la France pour la désigner et dénoncé le fait que ce pays ne rapatrie pas les enfants français enfermés dans des camps de détention pour djihadistes dans le nord de la Syrie. Faisant siennes les accusations du Mali, elle a affirmé que la France fournissait depuis dix ans des armes aux djihadistes du Sahel qui ont ensuite été employées pour tuer des Casques bleus. La délégation a aussi rappelé que l’entreprise française Lafarge avait plaidé coupable devant la justice étatsunienne et payé 778 millions de dollars pour éteindre les poursuites pour avoir versé de l’argent à Daech en Syrie.
Reprise des déclarations liminaires suivies de dialogues interactifs
Exposé
M. GERARD QUINN, Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, a expliqué que son rapport examine comment le droit international humanitaire (DIH) et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) peuvent mieux travailler ensemble pour assurer la protection civile des personnes handicapées pendant les conflits armés.
Il a rappelé que la quatrième Convention de Genève de 1949 inclut spécifiquement les personnes handicapées sous la description « malades et infirmes », mais que ces normes sont restées largement inexploitées, appelant à rendre ces protections visibles et à les appliquer efficacement.
Il a relevé d’importants problèmes de communication d’avertissements efficaces aux personnes handicapées, pointant également des processus d’évacuation non inclusifs, l’utilisation aveugle de munitions ayant un effet traumatisant disproportionné, l’absence de mesures de précaution efficaces et réalisables, ainsi que l’invisibilité des personnes handicapées dans la doctrine et les formations militaires. Ce qu’exige la Convention relative aux droits des personnes handicapées, c’est que ces problèmes -qui découlent tous de l’invisibilité- soient inversés, a estimé le Rapporteur qui a appelé à prendre en compte les désavantages cumulés auxquels sont confrontées les personnes handicapées tant dans la doctrine que dans la pratique.
Après avoir précisé que l’objectif de son rapport n’était pas de rendre la guerre plus inclusive, mais de réduire la létalité des conflits et d’aborder le sort des civils handicapés, M. Quinn a indiqué que sa prochaine étude portera sur l’action morale positive et la voix collective des personnes handicapées dans les processus de consolidation de la paix.
Dialogue interactif
À l’issue de cet exposé, Israël a voulu en savoir plus sur les mesures à prendre pour que les services destinés aux personnes handicapées en temps de conflit soient à la fois accessibles et efficaces. À sa suite, le Mexique s’est demandé comment renforcer les activités pour donner effet aux droits et aux besoins spécifiques des personnes handicapées dans des contextes d’opérations de maintien de la paix. Comment s’assurer que les obligations dans le cadre du droit humanitaire international et les droits humains prennent en compte spécifiquement les personnes porteuses de handicap, a voulu savoir la Finlande. Par ailleurs, l’Australie s’est interrogée sur ce que peuvent faire les États pour veiller à ce que les approches relatives au développement, aux droits humains et au droit humanitaire incluent pleinement les personnes handicapées. Et que faire pour inclure au quotidien les personnes handicapées au processus décisionnel, a interrogé la Pologne.
Le Luxembourg, au nom des pays du Benelux, a condamné les attaques illégales russes sur les bâtiments civils en Ukraine, notamment contre les domiciles et les écoles de personnes en situation de handicap. Le Royaume-Uni s’est préoccupé de la situation humanitaire des personnes handicapées en Ukraine tandis que la Roumanie a voulu en savoir plus sur la situation des personnes handicapées suite à l’agression russe. De leur côté, les États-Unis ont voulu savoir comment les leçons du rapport du Rapporteur spécial peuvent être appliquées à d’autres crises humanitaires.
La Fédération de Russie a jugé qu’il n’était pas rationnel de consacrer à ce thème trois rapports détaillés. Il vaut mieux accorder plus d’attention aux moyens d’améliorer leur qualité de vie et proposer des mesures concrètes, a estimé la délégation. En outre, elle a jugé inacceptable la tentative de lier la question des personnes handicapées au droit international humanitaire alors que la Convention de Genève et ses protocoles divisent clairement les participants au conflit entre combattants et non-combattants. De son côté, le Bélarus a attiré l’attention sur une violation flagrante à la Convention, à savoir la décision du Comité paralympique d’écarter le Bélarus et la Russie des Jeux paralympiques de Beijing. Le Conseil des droits de l’homme n’a pas examiné cette question, a regretté la délégation qui a jugé inacceptable que des personnes handicapées soient discriminées pour des raisons politiques.
Le Qatar a fait état des mesures prises dans le pays pour assurer la protection des enfants de handicap dans les conflits armés, tandis que la Hongrie a rappelé avoir ouvert ses frontières à toutes les personnes fuyant l’Ukraine, y compris les personnes handicapées. La Nouvelle-Zélande a indiqué avoir établi son premier ministère pour les personnes handicapées cette année, suivie de la Chine qui a fait état de ses mesures pour intégrer les personnes handicapées. Enfin, l’Union Européenne a appelé à accorder une place particulière aux enfants handicapés en situation de conflit n’ayant pas accès à l’école ou aux services de santé, tandis que le CICR a regretté que les obligations que les États doivent endosser restent trop souvent théoriques.
À l’issue du dialogue, le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, a rappelé que le moteur du changement est l’article 11 de la Convention ainsi que la résolution du Conseil de sécurité en la matière, bien que celle-ci soit dans son intitulé un peu plus limitative. Il a indiqué que les personnes handicapées, plus que quiconque, dépendent du bon vouloir des services publics pour survivre durant les conflits. Ce qui est essentiel dans ce contexte, c’est que les services continuent de proposer une aide et une prise en charge envers et contre tout, a-t-il affirmé, confiant être sensible à la question des violences basées sur le genre. La question de l’évacuation et des transferts des personnes handicapées sera intégrée dans mon prochain rapport, a-t-il par ailleurs indiqué, signalant qu’il aura pour thème la consolidation et le maintien de la paix.
Exposé
Mme ROSEMARY KAYESS, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, a indiqué que son organe a finalisé deux éléments importants de son programme de travail, d’abord en adoptant l’Observation générale n°8 sur l’article 27 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (travail et emploi), ensuite en entérinant des lignes directrices sur la désinstitutionalisation, y compris dans les situations d’urgence. Ces deux adoptions contribueront à la mise en œuvre continue des principes et des normes de la Convention, a-t-elle précisé. Elle a ajouté qu’une déclaration commune sur les droits des enfants handicapés a été adoptée avec le Comité des droits de l’enfant. Le Comité a aussi entrepris une série de réunions avec les États parties concernés en vertu de l’article 36 (1) de la Convention afin de recevoir des informations sur l’impact de la guerre en Ukraine sur les personnes handicapées, a indiqué Mme Kayess.
La Présidente a ensuite relevé que le Comité a publié une déclaration conjointe avec le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe, soulignant la nécessité de répondre aux situations de risque et d’urgence humanitaire. Elle a reconnu qu’au cours des dernières années, une série de défis liés à l’article 11 de la Convention concernant les situations de risque et les urgences humanitaires sont apparus, notamment la pandémie de COVID-19, des conflits armés dans plusieurs régions et des catastrophes résultant des changements climatiques. Le Comité s’est engagé à élaborer sa prochaine observation générale sur ce sujet, a-t-elle précisé.
Après avoir rappelé qu’il y a actuellement 185 États parties à la Convention et 100 au Protocole facultatif, Mme Kayess a indiqué que le Comité reste confronté à des difficultés majeures. La première tient au fait que le Comité des droits pour les personnes handicapées ne se réunit que 9 semaines sur 2 sessions, contre 12 semaines sur 3 sessions pour les autres organes de traité, ce qui occasionne un retard. La Présidente du Comité s’est aussi inquiétée des ressources humaines du Secrétariat, stables depuis 2014, alors que les examens des États parties ont progressé de 30% et l’arriéré de 50%. Elle a d’autre part déploré que le système des Nations Unies n’ait pas développé de politique et de protocoles d’aménagements raisonnables qui faciliteraient les demandes individuelles des personnes handicapées en ce sens. Elle a enfin regretté des décisions se traduisant par un manque d’espaces de réunion accessibles et une fourniture limitée d’informations accessibles, notant que cette situation sera exacerbée à la fin de l’année, lorsque la « règle de continuité des activités » expirera et que les services de conférence ne pourront plus prendre en charge les réunions en ligne et hybrides.
À cette aune, Mme Kayess a appelé les États Membres à s’engager pour renforcer les organes de traité grâce au calendrier prévisible des examens, à l’harmonisation des méthodes de travail et à la montée en puissance du numérique, comme indiqué dans la déclaration de résultats de la trente-quatrième réunion des présidents des organes de traité. Elle a annoncé que des aménagements raisonnables permettant aux experts handicapés de participer sur un pied d’égalité avec les autres feraient partie intégrante des méthodes de travail harmonisées et de l’évolution numérique, tout en précisant que ces mesures nécessitent un financement durable du système des organes de traité.
Dialogue interactif
À la suite de l’exposé de Mme Kayess, le Japon a demandé à la présidence du Comité de préciser comment son organe renforce sa coopération avec les États parties à la Convention. La Côte d’Ivoire a ensuite voulu savoir si le Comité a pris des initiatives pour rendre plus accessible des équipements adaptés, conformément aux dispositions de la Convention. Il a par ailleurs déploré que 80% des personnes handicapées dans le monde vivent dans les pays en développement. Comment les États, mais aussi les organes et les opérations des Nations Unies, peuvent-ils améliorer leur engagement et leur dialogue avec la société civile afin d’intégrer toutes les voix, y compris celles des personnes handicapées, s’est enquise l’Union européenne, tandis que le Mexique a souhaité connaître les bonnes pratiques que le Comité a identifiées en matière de désinstitutionalisation des personnes handicapées, notamment dans les situations d’urgence, conformément à l’article 19 de la Convention relative au droit de vivre de manière indépendante.
L’Islande a, pour sa part, demandé à la Présidente dans quels domaines la promotion des personnes handicapées est la plus urgente. À sa suite, la Malaisie a souhaité savoir comment les États pourraient accélérer la mise en œuvre de leurs obligations dans le cadre de la Convention pour s’assurer que les droits des personnes handicapées sont protégés. Le Portugal et le Mali se sont interrogés sur les défis les plus importants à relever en matière de technologies numériques, notant que ces dernières peuvent aider les personnes handicapées mais aussi renforcer leur vulnérabilité en l’absence de formation à une utilisation sûre.
De son côté, la République arabe syrienne a rappelé l’impact du conflit dans son pays sur l’explosion du nombre de personnes handicapées. Elle a aussi dénoncé les mesures coercitives unilatérales qui lui sont imposées, avant de demander à la Présidente ce qui pourrait être envisagé pour réduire les effets destructeurs de ces mesures sur les personnes handicapées. Le Bélarus a, lui, regretté qu’en mars dernier, le Comité international paralympique ait décidé de suspendre la participation des équipes russes et bélarusses aux Jeux paralympiques d’hiver de Beijing. Il a demandé au Comité des droits des personnes handicapées de fournir une évaluation impartiale de cette décision. La Fédération de Russie a appuyé la remarque du Bélarus, tout en regrettant que le Comité soit resté silencieux sur les crimes du « régime de Kiev » contre ses propres citoyens, qui ont été handicapés à la suite de la « soi-disant opération antiterroriste » menée par les forces ukrainiennes dans le sud-est de l’Ukraine. La délégation russe a demandé au Comité de traiter les questions directement liées à son domaine d’activité, sans parti pris politique.
Enfin, la Grèce et l’Ordre souverain de Malte ont détaillé leurs combats respectifs en faveur des droits des personnes handicapées.
Répondant à ces remarques et observations, la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées s’est tout d’abord réjouie du renforcement de son organe, qui lui a permis d’aider davantage les personnes handicapées pendant la période pandémique, notamment en leur donnant accès à des plateformes numériques. Elle a ensuite réaffirmé que la désinstitutionalisation des personnes handicapées est le préalable de leur bien-être. Revenant sur le fonctionnement de son comité, elle a fait état de l’élaboration d’observations générales sur l’éducation et l’autonomie, sur la base desquelles des orientations et un cadre juridique ont été proposés pour aider les État à mettre en œuvre la Convention et à s’acquitter des obligations induites.
Puisque les situations d’urgence, telles que les pandémies, les conflits ou les catastrophes naturelles, surexposent les personnes handicapées déjà vulnérables, des structures doivent être en mesure de protéger ces personnes, a estimé la Présidente. Si toutes les politiques publiques doivent inclure les personnes handicapées, il importe qu’elles le fassent dès les prémisses de leur élaboration, a-t-elle fait valoir, ajoutant que le principe de non-discrimination est la clef de voute de ces politiques. L’éducation, a poursuivi Mme Kayess, doit évoluer et passer d’une éducation spécialisée, laquelle crée une forme de ségrégation, à une éducation inclusive, qui reflète la diversité de la condition humaine.
Abordant les questions concernant la protection en situation d’urgence, la Présidente a annoncé que son comité a l’intention de proposer prochainement de nouvelles orientations aux États sur ce sujet. S’agissant des avancées numériques, elle a plaidé pour que les technologies proposées aux personnes handicapées soient non seulement disponibles mais aussi financièrement abordables. Le Comité travaille sur ces questions, a-t-elle assuré. Elle a toutefois souhaité que l’ensemble du système des Nations Unies se saisisse du problème, estimant qu’il serait opportun que des personnes handicapées puissent travailler au sein de l’ONU et des mécanismes des droits humains.
Exposé
M. FABIAN SALVIOLI, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, présentait son rapport sur le rôle significatif que les processus de justice transitionnelle centrés sur les personnes peuvent jouer pour guider les engagements des États dans le contexte du processus des ODD. Il a indiqué que si la justice transitionnelle est conçue et mise en œuvre d’une manière véritablement centrée sur les victimes, elle peut jouer un rôle important dans la résolution des crises et des cycles de violence tels que ceux qui sont en cours actuellement. Grâce à une approche qui relie le passé, le présent et l’avenir, la justice transitionnelle permet de mettre au jour des problèmes systémiques, tels que l’inégalité, la discrimination ou l’impunité. Elle met également en lumière les structures abusives et leurs bénéficiaires, et examine les questions à long terme et intergénérationnelles, en se concentrant sur les racines du conflit et de la violence. De même, a poursuivi le Rapporteur, elle peut offrir une perspective différente en se concentrant sur les personnes opprimées, à risque ou qui ont un intérêt dans l’avenir -comme les jeunes- en leur donnant la parole.
Cependant, a-t-il nuancé, la justice transitionnelle ne peut à elle seule provoquer le changement. En effet, d’autres interventions dans les domaines du développement et de la consolidation de la paix sont nécessaires pour compléter et poursuivre le travail sur le terrain. Le cadre des ODD offre, à ses yeux, une opportunité car il établit des liens entre la justice, le développement et la sécurité, tout en fixant des politiques pour les années à venir. À cet égard, il a recommandé des approches de la justice centrées sur les personnes afin de passer d’une vision institutionnelle à une perspective qui valorise les expériences vécues des personnes pour contribuer à un changement significatif.
Dans cet objectif, M. Salvioli a recommandé quatre domaines d’intervention, citant, d’abord, l’approche basée sur la reconnaissance, qui place les victimes au centre de processus de justice. Il a mis ensuite l’accent sur les réparations, qui sont, à son avis, les mesures les plus susceptibles de provoquer un changement et de faire une différence significative dans la vie des victimes. Le rôle des mouvements et des coalitions, est un autre volet important à ses yeux, car il constitue un moteur du changement et parfois le changement lui-même. Enfin, ce processus doit dépasser le niveau institutionnel, pour inclure les expériences individuelles et collectives des jeunes. Les jeunes peuvent jouer un rôle important en tant qu’agents du changement et acteurs clefs de la prévention, a-t-il insisté. Il s’agit aussi, a-t-il plaidé, de fournir des ressources flexibles pour soutenir le travail de la société civile, en préservant l’espace civique, et en assurant l’engagement proactif de la communauté internationale en termes de processus et pas seulement de projets.
Dialogue interactif
Intervenant à l’issue de cet exposé, les États-Unis ont voulu savoir quelles étaient les recommandations du Rapporteur en vue de la création d’un mécanisme mondiale pour la collecte des informations sur les violations graves des droits humains. L’Argentine a souhaité savoir par quel biais les réparations peuvent être le mieux appliquées, tandis que la Suisse s’est enquise des mesures pour améliorer l’accès des victimes aux organismes des Nations Unies à Genève et New York. La Croatie a souhaité, pour sa part, savoir comment les États peuvent mieux prendre en compte les besoins des jeunes en termes de justice transitionnelle. Pourriez-vous partager de bonnes pratiques, à cet égard, a enchaîné la Belgique.
La Colombie s’est intéressée au partage et renforcement de l’échange des bonnes pratiques entre pays. Quant à l’Union européenne, elle a souhaité savoir comment mieux surmonter les sensibilités et faire évoluer la pensée des parties aux conflits pour qu’elles acceptent une approche davantage fondée sur les victimes et les survivants.
La Fédération de Russie a estimé, pour sa part, que le lien entre justice transitionnelle et ODD semble, « assez artificiel ». Elle a qualifié le Mécanisme international d’enquête en Syrie de « ridicule » et a déploré que les États-Unis aient échappé à la reddition des comptes pour les crimes commis en Afghanistan et en Iraq, affirmant que ce pays contribue en outre aux atrocités et meurtres commis actuellement par le régime de Kiev.
Répondant à ces questions et remarques, le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition s’est d’abord inscrit en faux contre la position de la Fédération de Russie: « non, le lien entre les ODD et la justice de transition n’est pas artificiel », a-t-il tranché. Si le développement durable n’est pas inclus dans nos combats contre les violations du droit humanitaire ou autres droits humains, notre échec sera cuisant, a-t-il expliqué, invitant, au contraire, tous les acteurs à réfléchir à l’articulation entre ODD et justice de transition. Il a regretté ensuite que des lois d’amnistie et autres mécanismes judiciaires blanchissent parfois les auteurs des pires atrocités.
Abordant la question des réparations, le Rapporteur spécial a estimé qu’outre l’indemnisation pécuniaire, les États ne sauraient omettre le soutien psychologique dont ont besoin les victimes, saluant les efforts déployés par la Colombie en ce sens. C’est la voix des victimes qui doit être entendue prioritairement, indépendamment des agresseurs, et quelles que soient les victimes, a souligné le Rapporteur qui a déploré que certaines institutions ne les écoutent que d’une oreille pour ensuite justifier une absence de résultat. Rappelant que les victimes sont les premières concernées par la question des réparations, il a estimé qu’elles doivent parler quand elles se sentent aptes à témoigner, et non pas lorsqu’elles s’y sentent contraintes. Le Rapporteur a ensuite appelé à profiter de la tenue, l’an prochain, du forum sur les ODD pour discuter de leurs liens avec la justice de transition.