SC/14557

Conseil de sécurité: la Représentante spéciale pour l’Afghanistan juge qu’il est encore temps d’éviter le pire et appelle à retourner à la table des négociations

La Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan a appelé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, « à s’éloigner du champ de bataille et retourner à la table des négociations », alertant que la poursuite, par les Taliban, d’une campagne militaire serait une évolution tragique pour le pays. 

Intervenant dans le cadre d’une réunion virtuelle du Conseil de sécurité, Mme Deborah Lyons a indiqué que l’annonce, à la mi-avril, du retrait de toutes les troupes internationales dans les prochains mois a provoqué une « secousse sismique » dans le système politique afghan et la société dans son ensemble.  

Ce retrait prévu dans l’accord de février 2020 entre les États-Unis et  les  Taliban  aurait dû créer  un espace pour la paix, mais on a noté que les actions sur le champ de bataille ont été bien plus importantes que les progrès à la table des négociations, a-t-elle déploré.    Depuis le mois de mai, a-t-elle précisé, plus de 60 districts afghans sont tombés aux mains des Taliban  qui semblent se positionner pour tenter de prendre les capitales provinciales une fois que les forces étrangères se seront entièrement retirées. 

« Les moteurs du conflit semblent pour l’instant prendre le dessus sur les modalités raisonnables des négociations », s’est alarmé la Représentante spéciale déplorant en outre que les Taliban n’ont pas répondu à l’invitation à une conférence prévue à Istanbul en avril dernier dans le but de sortir les négociations de Doha de l’impasse. 

Estimant « qu’il est encore temps d’éviter que le pire des scénarios ne se matérialise », Mme Lyons s’est également inquiétée du manque d’unité parmi la classe politique afghane, tout en se disant « prudemment encouragée » par les récentes mesures prises par le Président Ghani et les autres dirigeants politiques pour se réunir afin de discuter des problèmes de sécurité urgents et faire preuve d’unité.  « Le vrai test sera de savoir si l’unité à Kaboul permettra de renforcer davantage le processus de paix et les institutions de l’État. »

Alarmé par « la violence insensée » infligée par les Taliban et leurs associés depuis l’annonce par les États-Unis et l’OTAN du retrait de leurs troupes, le Ministre des affaires étrangères de l’Afghanistan a appelé la communauté internationale et  les  partenaires régionaux à user de leur influence pour persuader  les Taliban  d’honorer leurs obligations découlant de l’accord conclu avec les États-Unis à Doha, soulignant que l’établissement d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale pour répondre aux priorités humanitaires immédiates du pays doit être une « priorité absolue » du troisième cycle des pourparlers de paix à Doha.  M. Mohammad Haneef Atmar a aussi plaidé en faveur d’un mécanisme de surveillance pour vérifier la mise en œuvre de l’accord de Doha et de la résolution 2513 (2020). 

Ce dernier a par ailleurs signalé qu’alors que le Président de l’Afghanistan a proposé de bonne foi un plan de paix pour le cessez-le-feu, le partage du pouvoir, des élections anticipées et la détermination de l’avenir de l’Afghanistan, depuis près de 10 mois maintenant, « nous n’avons eu aucun engagement sérieux des Taliban pour des négociations de paix sérieuses, aucune réponse à notre plan de paix proposé et absolument aucune contre-proposition ».  Dans quelques semaines, a-t-il ajouté, les troupes étrangères se seront entièrement retirées et la communauté internationale constatera par elle-même que les Taliban n’ont honoré aucune de leurs obligations découlant de l’accord de Doha. 

Un règlement politique négocié et inclusif conclu à l’issue d’un processus dirigé et contrôlé par les Afghans est la seule manière d’aller de l’avant, a insisté à son tour la représentante des États-Unis qui a également exhorté les pays de la région à œuvrer à un Afghanistan sable, « ce qui est dans l’intérêt de tous », insistant notamment sur l’importance de lutter contre la culture du pavot et de rechercher des sources de revenus licites. 

À ce sujet, la Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a prôné une stratégie intégrée et équilibrée pour remédier au trafic de stupéfiants, dont elle a souligné les liens avec les activités terroristes.  Mme Ghada Fathy Ismail Waly a notamment indiqué que la superficie des terres consacrées à la culture du pavot a augmenté de 37% en 2020 par rapport à 2019, pour atteindre 224 000 hectares, et que la production est estimée à 6 300 tonnes, soit 85% de la production mondiale. 

Elle a également indiqué le prix de vente d’un kilo de pavot étant passé de 42 dollars comparé à 275 dollars il y a encore 10 ans, la culture du pavot constitue à présent une impasse sur le plan économique.  Maintenant que les revenus de l’opium sont au plus bas, les paysans afghans ne sont pas en mesure de pourvoir à leurs besoins élémentaires, s’est-elle inquiétée, appelant elle aussi à des mesures concrètes pour appuyer un mode de développement plus durable. 

Dans son intervention, la Représentante spéciale a par ailleurs souligné que la préservation des droits des femmes reste une préoccupation primordiale et ne doit pas être utilisée comme monnaie d’échange à la table des négociations.  Les droits des hommes ne sont pas négociables.  Les droits des femmes ne sont pas négociables.  Et les droits humains non plus, a-t-elle clamé. 

L’Afghanistan est le conflit dans lequel « la centralité des femmes ne peut être ni niée ni ignorée », a renchéri la Directrice exécutive de l’ONG « Afghan Women’s Network ».  Décriant la « campagne de meurtres » lancée par les Taliban contre « les femmes qui travaillent, les journalistes et les artisanes de la paix », Mme Mary Akrami a souhaité que les droits des femmes « ne deviennent pas le prix à payer pour la paix », exhortant en outre le Conseil à ne pas laisser « un génocide de type rwandais se dérouler sous votre surveillance en Afghanistan ».

Alors que le Conseil doit se pencher dans les prochains  mois sur le rôle futur de l’ONU en Afghanistan, la Ministre estonienne des affaires étrangères a indiqué que son pays et la Norvège mèneront les discussions en vue d’un renforcement de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), tout en prenant dûment en compte des besoins du peuple afghan.   Dans ce contexte, a ajouté le Ministre des affaires étrangères de l’Irlande, un assouplissement des sanctions et des restrictions ne pourra  être envisagé  que lorsque de réels progrès  auront été réalisés pour  réduire la violence et faire progresser les négociations de paix, conformément à la résolution 2513 (2020).  

« Je ne saurais trop insister sur ma préoccupation concernant la situation actuelle en Afghanistan », a déclaré d’emblée Mme DEBORAH LYONS, Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).  Toutes les grandes tendances -politique, sécurité, processus de paix, économie, urgence humanitaire et COVID-19- sont négatives ou stagnantes.  Et s’il existe un sentiment d’espoir, il réside dans le fait que les précédentes prédictions du pire ne se sont pas matérialisées.  Mais la résilience afghane est mise à rude épreuve et le glissement vers des scénarios désastreux est indéniable.  Ce qui se passe en Afghanistan reste d’une portée mondiale et le Conseil de sécurité doit être pleinement informé de la gravité de la situation, a-t-elle estimé. 

La Représentante spéciale a indiqué que l’annonce, à la mi-avril, du retrait de toutes les troupes internationales dans les prochains mois avait provoqué une « secousse sismique » dans le système politique afghan et la société dans son ensemble.  La décision de retrait était attendue, mais sa rapidité ne l’était pas, et tous les acteurs ont dû s’adapter à cette nouvelle réalité.  Elle a rappelé que ce retrait est l’une des quatre parties de l’accord de février 2020 conclu entre les États-Unis et les Taliban.  Depuis lors, au lieu de créer un espace pour la paix, on a noté que les actions sur le champ de bataille ont été bien plus importantes que les progrès à la table des négociations, a-t-elle déploré.  Le public afghan et la communauté diplomatique à Kaboul ont été alarmés par le manque d’unité politique parmi les élites politiques afghanes en cette période cruciale.  Ce manque d’unité doit être corrigé car il risque de contribuer aux avancées territoriales des Taliban, a-t-elle averti.  Mme Lyons a dit être « prudemment encouragée » par les récentes mesures prises par le président Ghani et les autres dirigeants politiques pour se réunir afin de discuter des problèmes de sécurité urgents et faire preuve d’unité.  Le vrai test sera de savoir si l’unité à Kaboul permettra de renforcer davantage le processus de paix et les institutions de l’État. 

Sur le terrain, les avancées des Taliban sont importantes, a poursuivi la Chef de la MANUA.  Ainsi, plus de 60 des quelque 370 districts afghans sont tombés à la suite d’une campagne militaire menée par les Taliban depuis le début du mois de mai, et certains districts sans résistance.  La plupart des districts qui ont été pris entourent les capitales provinciales, ce qui suggère que les Taliban se positionnent pour tenter de les prendre une fois que les forces étrangères se seront entièrement retirées.  Cette campagne militaire va directement à l’encontre des récentes déclarations du Chef de la Commission politique des Taliban qui s’était engagé « à aller de l’avant avec les autres parties dans un climat de respect mutuel et à parvenir à un accord ».  La poursuite, par les Taliban, d’une campagne miliaire serait une évolution tragique.  Et tout effort visant à installer un gouvernement militairement imposé à Kaboul irait à l’encontre de la volonté du peuple afghan, des pays de la région et de la communauté internationale, a souligné Mme Lyons.  Elle a déploré le fait que les Taliban n’ont pas répondu à l’invitation à une conférence prévue à Istanbul en avril dernier dans le but de sortir les négociations de Doha de l’impasse.  « Les moteurs du conflit semblent pour l’instant prendre le dessus sur les modalités raisonnables des négociations. »

En plus de la situation sécuritaire qui a court dans le pays, la Représentante spéciale a souligné que près d’un tiers des Afghans sont confrontés à des niveaux d’insécurité alimentaire d’urgence, tandis que la sécheresse de cette année s’aggrave et que les déplacements internes augmentent.  La Banque mondiale a estimé qu’en raison du conflit, de la COVID-19, de la sécheresse, de l’affaiblissement du tissu social et d’autres facteurs, le taux de pauvreté en Afghanistan pourrait passer d’environ 50% à plus de 70%.  Cette perspective effrayante souligne l’importance de l’aide humanitaire.  Cependant, malgré les contributions récentes, l’appel humanitaire de 1,3 milliard de dollars pour 2021 n’est encore financé qu’à 30%. 

Mme Lyons a relevé qu’à mesure que les combats s’intensifient, la situation des civils ne fait que s’aggraver, le nombre de victimes civiles ayant augmenté de 29% durant le premier trimestre de 2021, comparé à la même période l’année précédente.  Elle a exhorté les parties à prendre des mesures immédiates pour assurer la protection des civils, appelant en outre à des protections spécifiques pour les minorités.  Les attaques fréquentes et continues contre la communauté Hazara à Kaboul sont un terrible rappel de la façon dont le conflit global est utilisé pour cibler certains groupes, a-t-elle déploré. 

De même, la préservation des droits des femmes reste une préoccupation primordiale et ne doit pas être utilisée comme monnaie d’échange à la table des négociations.  Les droits des hommes ne sont pas négociables.  Les droits des femmes ne sont pas négociables.  Et les droits humains non plus, a-t-elle clamé, avant d’inviter la communauté internationale et les pays de la région à réaffirmer l’importance de ces droits dans les négociations de paix. 

Elle a aussi dénoncé la violence ciblant les jeunes afghans qui se voient privé d’un avenir qu’ils cherchaient à bâtir grâce à l’éducation.  Elle a ainsi évoqué l’attaque du 8 mai qui a tué près de 100 jeunes filles alors qu’elles rentraient chez elles après une journée d’école dans un quartier à majorité hazara de Kaboul.  Plus tôt ce mois-ci, 11 démineurs humanitaires ont été tués et 15 blessés dans la province de Baghlan.  Et une semaine plus tard, des attaques coordonnées à Nangarhar visaient des vaccinateurs contre la polio, tuant cinq personnes et en blessant d’autres.  Pour la Représentante spéciale, il ne s’agit pas seulement d’attaques contre des individus, mais d’attaques contre l’avenir de l’Afghanistan, puisqu’il s’agit d’attaques contre des filles qui veulent s’instruire, contre des démineurs qui défrichent la terre pour permettre aux gens de cultiver sans crainte, et contre des vaccinateurs qui luttent contre le fléau de la polio afin que les enfants afghans ne souffrent pas. 

Mme Lyons a estimé qu’il est encore temps d’éviter que le pire des scénarios ne se matérialise.  L’un des principaux objectifs de la MANUA pendant cette période d’incertitude est de travailler avec tous les partenaires pour assurer la continuité des institutions qui soutiennent le bien-être de tous les Afghans.  La MANUA a également entendu les nombreuses voix qui l’exhortent à jouer un rôle plus important dans le processus de paix et la Mission est préparée et équipée pour le faire si les parties s’engagent dans de véritables négociations et conviennent ensemble du rôle de l’ONU, a-t-elle assuré.  La MANUA travaille également plus étroitement et plus intensément avec la région sur des questions comme les flux de réfugiés, les mouvements de migrants, l’augmentation du trafic de drogue, le terrorisme et les opportunités perdues de connectivité économique et de commerce mutuellement bénéfiques. 

Notant qu’un conflit accru en Afghanistan signifie une insécurité accrue pour de nombreux autres pays, proches et lointains, la Représentante spéciale a par ailleurs insisté sur le rôle important que doivent jouer les pays de la région pour aider l’Afghanistan à se stabiliser et à mieux s’intégrer dans la région.  De même, les contributions des donateurs seront essentielles pour soutenir le développement continu et les besoins humanitaires du pays.  Ce n’est pas le moment d’affaiblir notre détermination ou de contribuer par inadvertance aux signaux continus de désespoir, a-t-elle dit.  Pour Mme Lyons, il n’y a qu’une seule direction acceptable pour l’Afghanistan: s’éloigner du champ de bataille et retourner à la table des négociations.  Et le Conseil de sécurité, avec le soutien des pays de la région, doit faire tout son possible pour pousser les parties dans cette direction. 

Mme GHADA FATHY ISMAIL WALY, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a salué l’adoption de la résolution 2543 (2020) qui appelle à une coopération renforcée entre l’ONUDC et la MANUA en appui du Gouvernement afghan.  Elle a prôné une stratégie intégrée et équilibrée pour remédier au trafic de stupéfiants, dont elle a souligné les liens avec les activités terroristes.  Les cultivateurs de pavot se sont acquittés, principalement aux Taliban, d’un impôt sur l’opium estimé à 14,5 millions de dollars en 2019.  Les revenus tirés de la production et du trafic d’opium sont estimés à 11% du PIB afghan.  La superficie des terres consacrées à cette culture a augmenté de 37% en 2020 par rapport à 2019 pour atteindre 224 000 hectares.  Les récoltes de pavot n’ont pas été affectées par la pandémie et la production est estimée à 6 300 tonnes, soit 85% de la production mondiale.  Elle a indiqué que les paysans cultivent de plus en plus le pavot, même si les revenus sont au plus bas.  Ainsi, le prix de vente d’un kilo de pavot est de 42 dollars contre 275 dollars par kilo il y a encore 10 ans.  L’Afghanistan joue aussi un rôle grandissant dans la production de méthamphétamine, a poursuivi la Directrice exécutive.  Elle a affirmé que la culture du pavot menace la paix et constitue également une impasse sur le plan économique.  Maintenant que les revenus de l’opium sont au plus bas, les paysans afghans ne sont pas en mesure de pourvoir à leurs besoins élémentaires, a-t-elle dit, en appelant à des mesures concrètes pour trouver un mode de développement plus durable.  La Directrice exécutive a appelé à une volonté politique renouvelée et à un soutien international afin de promouvoir des modes de vies et de subsistance licites, en indiquant que son office est prêt à augmenter son appui.

« Premièrement, nous devons œuvrer ensemble pour que davantage de paysans se tournent vers des cultures licites et viables. »  Alors que les prix de l’opium sont à leur plus bas et que la pandémie a conduit à une augmentation du prix des produits agricoles, elle a estimé que les cultures alternatives à l’opium sont devenues plus rentables.  Nous devons profiter de cette opportunité, a-t-elle dit, en précisant que l’ONUDC promeut des cultures alternatives dans 20 provinces afghanes auprès de plus de 60 000 foyers.  « Notre programme a créé près de 28 000 emplois en quatre ans et généré des revenus licites de plus de 15 millions de dollars. »

Deuxièmement, Mme Waly a appelé à faire des programmes de prévention et de traitements une priorité.  La jeunesse afghane est menacée par cette production de pavot la plus importante au monde mais aussi par les drogues de synthèse qui se répandent.  Elle a précisé qu’en raison du manque de ressources le nombre de centres de soins pour toxicomanes est passé de 107 à 86.  Cinq centres pour femmes et enfants ont dû fermer en début d’année.

« Troisièmement, j’exhorte le Gouvernement et les donateurs à augmenter leurs contributions financières et capacités opérationnelles en vue d’éliminer le trafic de stupéfiants. »  Mme Waly a estimé que la réforme de la police et l’offre de conseil et de formation dispensée par l’ONUDC sont encore plus nécessaires dans le contexte de retrait des forces internationales.  Elle a précisé que son office a formé plus de policiers en 2021 que pendant toute l’année 2019.  Plus de 600 policiers ont été formés en deux ans et demi.

Quatrièmement, la Directrice exécutive a estimé que la lutte contre les stupéfiants doit aller de pair avec la lutte contre la corruption et le développement d’une économie d’entrepreneuriat licite.  La lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est également cruciale, a-t-elle dit, en mentionnant la Déclaration politique récemment adoptée par l’Assemblée générale lors d’une session extraordinaire sur la corruption.

Cinquièmement, nous devons renforcer la coopération régionale pour protéger la population et faire cesser ce commerce illicite, a-t-elle dit, précisant que l’ONUDC a aidé à équiper les points de passage en Afghanistan pour identifier les biens illicites.  Enfin et sixièmement, Mme Waly a insisté sur la nécessité de préserver les avancées des femmes en Afghanistan, afin qu’elles jouent un rôle économique actif à l’avenir.

Exprimant le point de vue de la société civile sur le processus de paix en Afghanistan, Mme MARY AKRAMI, Directrice exécutive de l’ONG « Afghan Women’s Network », a tout d’abord constaté que l’accord conclu entre les États-Unis et les Taliban n’a apporté au peuple afghan qu’une augmentation de la violence, une instabilité politique, une aggravation de la situation économique, des déplacements et davantage d’incertitude.  Á ses yeux, les parties aux négociations ne doivent pas « négocier la paix et lancer des offensives en même temps ».  De plus, a-t-elle ajouté, un cessez-le-feu ne devrait pas être l’objectif des pourparlers de paix, mais devrait au contraire « ouvrir la voie au processus de paix ».  Or, les Taliban ont non seulement rejeté ce plaidoyer, soutenu par la société civile afghane, et les femmes en particulier, mais ils ont aussi lancé une campagne de meurtres contre les femmes qui travaillent, les journalistes et les artisanes de la paix, tout en intensifiant leurs attaques violentes contre les établissements d’enseignement et les institutions publiques et privées.

Pour Mme Akrami, c’est à une paix « juste et digne » à laquelle aspirent les Afghans, à commencer par la jeune génération, « et non à une reddition aux Taliban ou à d’autres groupes extrémistes violents ».  Faisant valoir que « la paix n’est pas seulement l’absence de guerre », elle a souhaité que les droits des femmes « ne deviennent pas le prix à payer pour la paix ».  Selon elle, l’Afghanistan est le conflit dans lequel « la centralité des femmes ne peut être ni niée ni ignorée » et le monde entier regardera si les acteurs nationaux, régionaux et internationaux qui soutiennent ces pourparlers respectent leurs engagements internationaux liés à l’agenda femmes, paix et sécurité, et la protection de la démocratie, des droits humains et de la liberté d’expression en tant que résultat du processus de paix. 

Poursuivant, la Directrice exécutive d’« Afghan Women’s Network » a estimé que le seul moyen d’assurer une paix durable est de passer par un processus inclusif dans lequel la société afghane est invitée à participer et à s’engager. Dans cet esprit, elle a encouragé l’ONU à soutenir la société civile afghane, les groupes de femmes et les initiatives de jeunes dans leurs efforts pour construire la paix et améliorer la paix sociale.  Elle a aussi rappelé que le conflit afghan « n’est pas une guerre interne » mais « une guerre entre de grandes puissances régionales », alimentée par la drogue et l’exploitation minière illégale.  Dans ce contexte, il est urgent, selon elle, que l’ONU « au plus haut niveau », y compris le Conseil de sécurité, oblige les Taliban et le Gouvernement afghan à s’engager à un cessez-le-feu permanent.  « Ne laissez pas un génocide de type rwandais se dérouler sous votre surveillance en Afghanistan », a-t-elle lancé, avant d’assurer qu’un Afghanistan politiquement stable, économiquement autonome et où l'état de droit, la justice et les droits de l’homme sont respectés, « profitera à la région et au monde ». 

Le Ministre des affaires étrangères de l’Afghanistan, M. MOHAMMAD HANEEF ATMAR, a noté que cette réunion a lieu à un moment charnière de l’histoire de l’Afghanistan, une époque marquée par l’espoir de parvenir à une paix durable après quatre décennies de guerre imposée, mais aussi la peur de retomber dans un conflit prolongé.  Il a souligné que le retour vers un conflit prolongé que recherche les Taliban, en collaboration avec un certain nombre de réseaux terroristes transnationaux, ne peut être accepté après les deux décennies d’énormes sacrifices réalisés par les Afghans et leur partenaires régionaux et internationaux.  

Il a rappelé que le Gouvernement afghan avait salué « l’accord de paix de Doha » signé par les États-Unis et les Taliban en février 2020.  De bonne foi, les États-Unis et les partenaires de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ont rempli presque toutes leurs obligations qui en découle y compris le retrait de leurs troupes qui doit être achevé dans les prochaines semaines.  Malgré le fait qu’il ne fut pas partie à cet accord, le Gouvernement afghan a libéré plus de 6 000 prisonniers taliban et constitué toutes les institutions nécessaires pour soutenir le processus de paix, notamment une équipe inclusive pour les négociations de paix.

En revanche, les Taliban n’ont honoré aucune de leurs obligations au titre de l’accord, a accusé le Ministre.  Ils n’ont pas coupé leurs liens avec le terrorisme international et ils hébergent et aident Al-Qaida et d’autres groupes terroristes régionaux dans la poursuite de leur violente campagne contre l’Afghanistan et d’autres pays.  De plus, malgré leur promesse de réduire la violence et de travailler avec le Gouvernement afghan pour parvenir à un cessez-le-feu permanent et global, on relève les pires violences des deux dernières décennies depuis la signature de l’accord de paix de Doha, et, surtout, a-t-il ajouté, depuis l’annonce par les États-Unis et l’OTAN du retrait de leurs troupes.  Ainsi, le massacre d’écoliers à Logar, d’écolières dans l’ouest de Kaboul, de démineurs dans le nord et de vaccinateurs dans l’est au cours des dernières semaines ne sont que quelques exemples de la violence insensée infligée par les Taliban et leurs associés. 

Le Ministre a expliqué qu’alors que le Président de l’Afghanistan a proposé de bonne foi un plan de paix pour le cessez-le-feu, le partage du pouvoir, des élections anticipées et la détermination de l’avenir de l’Afghanistan, depuis près de 10 mois maintenant, « nous n’avons eu aucun engagement sérieux des Taliban pour des négociations de paix sérieuses, aucune réponse à notre plan de paix proposé et absolument aucune contre-proposition ».  Dans quelques semaines, a-t-il ajouté, les troupes étrangères se seront entièrement retirées et la communauté internationale constatera par elle-même que les Taliban n’ont honoré aucune de leurs obligations découlant de l’accord de Doha.

M. Atmar a appelé la communauté internationale et les partenaires régionaux à user de leur influence pour persuader les Taliban d’honorer leurs obligations au titre de l’accord de paix de Doha.  L’établissement d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale pour permettre au Gouvernement afghan et à la communauté internationale de répondre aux priorités humanitaires immédiates liées à la pandémie, au conflit et à la sécheresse en cours devrait être une priorité absolue du troisième cycle des pourparlers de paix à Doha.  La seconde mesure demandée par l’Afghanistan est l’établissement, par la communauté internationale, d’un mécanisme de surveillance pour vérifier la mise en œuvre de l’accord de paix de Doha et de la résolution 2513 (2020) du Conseil de sécurité. 

Mme EVA-MARIA LIIMETS, Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, a indiqué qu’elle a souhaité cette réunion de haut niveau pour réaffirmer l’engagement continu de la communauté internationale en faveur du processus de paix et du peuple afghans.  Elle a qualifié de tragique l’augmentation de 38% de pertes civiles dans les six mois qui ont suivi le début des négociations de paix, avant d’appeler à un cessez-le-feu immédiat.  « Seule une solution politique négociée pourra aboutir à une paix durable et à la stabilité dans la région. »

La Ministre a également réclamé un engagement constructif des parties dans les négociations de paix, en se disant convaincue qu’aucune concession supplémentaire ne doit être faite aux Taliban.  Elle a précisé qu’un assouplissement ou une levée des sanctions pourrait être envisagé lorsque les conditions seront remplies.  Mme Liimets a indiqué que l’extension des interdictions de déplacements à certains membres des Taliban a pour objectif de promouvoir le processus de paix.  « Les Taliban doivent faire montre d’un engagement crédible en faveur de la paix. »  Le Conseil doit préserver ce processus, qui est le seul moyen de parvenir à un règlement politique inclusif, a-t-elle déclaré. 

La Ministre a insisté sur l’importance que le processus de paix débouche sur la préservation des protections constitutionnelles des droits des femmes et des minorités.  Elle a précisé que le soutien politique et financier de l’Estonie dépendra de la préservation des droits humains et des avancées démocratiques dans le pays.  Enfin, alors que le Conseil doit se pencher dans les prochains mois sur le rôle futur de l’ONU en Afghanistan, la Ministre a indiqué que son pays et la Norvège mèneront les discussions en vue d’un renforcement de la MANUA, tout en prenant dûment compte des besoins du peuple afghan.

M. SIMON COVENEY, Ministre des affaires étrangères et de la défense de l’Irlande, s’est déclaré préoccupé par l’absence de progrès dans le processus de paix en Afghanistan, pays qui est aujourd’hui le plus dangereux au monde pour les civils.  Dénonçant avec force les attaques « écœurantes » menées contre des journalistes, des acteurs de la société civile, des défenseurs des droits humains, des organisations humanitaires, des travailleurs médicaux et des minorités, il a également jugé profondément troublant que les femmes et les filles soient spécifiquement ciblées.  Ceux qui se livrent à la violence, notamment les Taliban, doivent respecter le désir de paix du peuple afghan, a-t-il affirmé, estimant qu’un cessez-le-feu et un engagement sérieux pour les négociations de paix sont le seul moyen de mettre fin au cycle de la violence.

Dans ce contexte, a ajouté le Ministre, l’Irlande et l’UE sont clairs sur le fait qu’un assouplissement des sanctions et des restrictions ne pourra être envisagé que lorsque de réels progrès auront été réalisés pour réduire la violence et faire progresser les négociations de paix, conformément à la résolution 2513 (2020).  Assurant que les négociations de Doha ont le plein soutien de la communauté internationale, M.  Coveney a exhorté les pays voisins et les partenaires régionaux de l’Afghanistan à user de leur influence pour promouvoir une paix durable.  Il a aussi jugé crucial que l’Afghanistan ne soit plus jamais utilisé comme base de terrorisme international, ou en tant que centre de production de drogues illicites qui finance et alimente le terrorisme et la criminalité organisée. 

Pour le Chef de la diplomatie irlandaise, il importe également que tous les Afghans, et en particulier les femmes, puissent participer de manière significative aux négociations de paix et à la protection des droits de l’homme et libertés fondamentales.  Il a fait remarquer que la participation des femmes aux processus de paix contribue à des résultats plus solides et à des accords de paix plus durables.  Les femmes afghanes demandent à être entendues mais continuent d’être gravement sous-représentées et exclues des négociations de paix, ce qui est inacceptable et doit être corrigé, a plaidé le Ministre, appelant en outre à la participation des jeunes afghans, de la société civile et des minorités. 

Évoquant ensuite la détérioration rapide de la situation humanitaire en Afghanistan, M. Coveney a souligné que les acteurs humanitaires sont plus nécessaires que jamais dans le pays et doivent être protégés.  Il a condamné à cet égard les récentes attaques contre des agents de vaccination et des employés de la société de déminage Halo Trust.  Enfin, après avoir indiqué que l’Irlande, en tant que coprésidente du Groupe informel d’experts sur le climat et la sécurité, veillera à ce que le Conseil fasse davantage pour comprendre l’impact des risques de sécurité liés au climat, notamment en Afghanistan, il a appelé à nouveau les Taliban à s’engager de manière constructive dans le processus de Doha.  « C’est essentiel pour construire la paix et pour déterminer la gouvernance et l’avenir de l’Afghanistan. »

M. SUBRAHMANYAM JAISHANKAR, Ministre des affaires extérieures de l’Inde, a jugé crucial que la communauté internationale et, en particulier, le Conseil de sécurité fasse pression pour un cessez-le-feu permanent et global, afin d’assurer une réduction immédiate de la violence et la protection des vies civiles.  Une paix durable en Afghanistan requiert une véritable « double paix »: c’est-à-dire la paix en Afghanistan et la paix autour de l’Afghanistan, ce qui nécessite d’harmoniser les intérêts de tous, à l’intérieur et autour de ce pays, a-t-il expliqué.  Et pour que le processus de paix soit couronné de succès, il est nécessaire de s’assurer que les parties aux négociations continuent de s’engager de bonne foi, évitent la voie d’une solution militaire et s’engagent pleinement à parvenir à une solution politique. 

M. Jaishankar a réitéré le soutien de l’Inde à un processus de paix inclusif, dirigé par les Afghans, appartenant aux Afghans et contrôlé par les Afghans.  Tout règlement politique en Afghanistan doit garantir que les acquis des deux dernières décennies soient protégés et non annulés, a—t-il plaidé, insistant notamment sur la préservation du cadre démocratique constitutionnel et la protection des droits des femmes, des enfants et des minorités. 

En outre, pour assurer une paix durable en Afghanistan, les refuges et sanctuaires terroristes doivent être démantelés immédiatement et les chaînes d’approvisionnement des terroristes interrompues.  Le Ministre a exigé une tolérance zéro pour le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, y compris transfrontalière.  Il est tout aussi important de veiller à ce que le territoire afghan ne soit pas utilisé par des groupes terroristes pour menacer ou attaquer un autre pays, et ceux qui fournissent un soutien matériel et financier aux entités terroristes doivent être tenus pour responsables. 

M. Jaishankar a en outre relevé que pour appuyer le développement économique de l’Afghanistan, il est important d’avoir un accès sans entrave à la haute mer.  La communauté internationale devrait œuvrer à la suppression des barrières artificielles de transit imposées à l’Afghanistan et garantir au pays tous les droits de transit sans aucune entrave dans le cadre des accords de transit bilatéraux et multilatéraux.  Enfin, le Ministre a passé en revue l’aide au développement que fournit l’Inde à l’Afghanistan, évoquant notamment la fourniture de vaccins contre la COVID-19 fabriqués en Inde, à la fois de manière bilatérale et via le Mécanisme COVAX. 

Les États-Unis ont indiqué que la décision de retirer les troupes américaines d’Afghanistan n’a pas été pris à la légère.  Elle a été prise après d’étroites consultations avec nos partenaires, a dit la délégation, en ajoutant que l’engagement des États-Unis en faveur de la sécurité du pays reste entier.  Les États-Unis continueront d’appuyer les Forces nationales de défense et de sécurité afghanes dans la sécurisation de leur pays. 

La délégation a ensuite indiqué que les États-Unis ont apporté une nouvelle contribution de 266 millions de dollars pour appuyer l’aide humanitaire en Afghanistan, ce qui chiffre à 3,9 milliards de dollars le montant total qui été apporté à l’Afghanistan depuis 2002, en plus des 36 milliards de dollars que les États-Unis ont fourni pour soutenir le développement civil.  Notant que 18 millions de personne ont un besoin désespéré d’aide, elle a appelé les bailleurs de fonds à jouer leur rôle.  

Elle a déploré la violence inacceptable qui vise les minorités religieuses et ethniques ainsi que les femmes, les filles et les villageois.  Elle a évoqué la situation de communauté Hazara qui a été touché de plein fouet par ces attaques et a ensuite appelé à préserver les progrès réalisés par les femmes et les filles afghanes pour protéger leurs droits et leurs libertés.  Elle a également exhorté les pays de la région à œuvrer à un Afghanistan sable, « ce qui est dans l’intérêt de tous », insistant notamment sur l’importance de lutter contre la culture du pavot et de rechercher des sources de revenus licites. 

Abordant le processus de paix, la délégation a exhorté les parties à aller de l’avant, dans le respect des avancées enregistrées au cours des deux dernières décennies.  Nous devons faire pression pour que les négociations aboutissent et pour que les femmes y participent pleinement, a dit la délégation.  Elle a tenu à indiquer aux Taliban que la voie militaire ne débouchera pas sur la légitimité.  Il n’y a pas de solution militaire en Afghanistan et le monde ne reconnaîtra jamais un gouvernement imposé par la force ou bien encore l’instauration d’un « émirat islamique ».  Un règlement politique négocié et inclusif conclu à l’issue d’un processus dirigé et contrôlé par les Afghans est la seule manière d’aller de l’avant, a-t-elle insisté. 

M. AUDUN HALVORSEN, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a estimé que l’Afghanistan se trouve à un « tournant critique », alors que le retrait militaire international se déroule par phase et que le niveau de violence augmente contre les civils.  Face à cette situation alarmante, il a souhaité que les négociations de Doha donneront des résultats.  Les parties afghanes doivent s’approprier le processus et reconnaître la responsabilité qui est la leur d’ouvrir la voie à la paix, a-t-il souligné, appelant également la communauté internationale à faire davantage pour manifester son soutien au peuple afghan dans ses efforts pour mettre fin à quatre décennies de conflit.  De surcroît, en plus de souffrir des conflits et d’une pauvreté croissante, les Afghans pourraient à nouveau être confrontés aux terribles conséquences de la sécheresse et de l’insécurité alimentaire, a ajouté le Vice-Ministre, avant de condamner le ciblage des travailleurs humanitaires et les menaces contre des travailleurs des médias et des défenseurs des droits humains. 

Alarmé par le sort des enfants, M. Halvorsen a noté que l’Afghanistan reste l’un des pays les plus touchés par les attaques contre les écoles et les hôpitaux.  Il a relevé que le conflit et la pandémie de COVID-19 alimentent l’absentéisme et la fermeture d’écoles, ce qui augmente les risques de recrutement et d’utilisation d’enfants dans les conflits armés.  Faisant état d’informations concernant la détention d’enfants pour association présumée avec des groupes armés, il a exhorté le Gouvernement afghan, les agences des Nations Unies et les donateurs à établir d’urgence des programmes de réintégration appropriés pour faciliter leur retour dans la société civile. 

Dans ce contexte, la Norvège reste déterminée à soutenir le processus de paix de toutes les manières souhaitées par les parties, a affirmé le Vice-Ministre, soulignant l’importance de créer un processus de paix inclusif, où divers groupes de la société ont une voix et une représentation appropriée.  À cet égard, a-t-il dit, les femmes ont le droit de participer et d’avoir leur mot à dire sur leur propre avenir.  Il faut aussi entendre les besoins et les préoccupations de la société civile et veiller à ce que les femmes artisanes de la paix, les défenseurs des droits humains et les travailleurs des médias puissent continuer leur travail en toute sécurité, a ajouté M. Halvorsen.  Assurant en conclusion que le long partenariat entre la Norvège et l’Afghanistan se poursuivra, même si l’opération militaire internationale prend fin, il a indiqué que son pays appuiera le renouvellement du mandat de la MANUA en septembre.  

M. TARIQ AHMAD, Ministre d’État du Commonwealth, l’Organisation des Nations Unies et de l’Asie du Sud du Royaume-Uni, a relevé qu’alors que la mission « Resolute Support » de l’OTAN touche à sa fin, le Royaume-Uni reste pleinement engagé en Afghanistan.  Il entend notamment poursuivre son partenariat durable avec le Gouvernement afghan à travers la diplomatie et le travail de développement, tout en continuant de soutenir les efforts de lutte contre le terrorisme avec un soutien au secteur de la sécurité.  Si l’Afghanistan doit devenir le pays pacifique, prospère et stable que le peuple afghan veut et mérite, il est vital que l’ensemble de la communauté internationale intensifie son soutien à ce pays, a-t-il plaidé. 

Il a ensuite condamné les niveaux de violence inacceptables que continuent de subir des Afghans innocents, arguant que les Taliban sont responsables de la plupart des violences en Afghanistan.  Si ces derniers veulent participer à l’avenir de l’Afghanistan et de la communauté internationale, ils doivent mettre fin à la violence et respecter les droits des tous les Afghans, a-t-il tranché.  Le Ministre a assuré que, pour sa part, le Royaume-Uni veut travailler avec toutes les parties pour relancer les négociations de paix afghanes.  Il a recommandé que les Taliban s’engagent de manière significative dans des pourparlers de paix et œuvrent à un règlement politique qui préserve les progrès réalisés dans le pays, y compris la protection des femmes et des groupes minoritaires.  « Il ne peut y avoir de retour à l’Émirat islamique intolérant et barbare des années 1990. »  Estimant aussi que l’ONU a un rôle important à jouer, il a salué la prise de fonctions de M. Jean Arnault comme Envoyé personnel du Secrétaire général.  Enfin, il a dit que dans le cadre du renouvellement du mandat de la MANUA en septembre, son pays entend soutenir la poursuite du rôle de la Mission dans la direction et la coordination des efforts civils internationaux en Afghanistan.  Le mandat doit également donner à la MANUA toute latitude pour continuer à soutenir le Gouvernement et le peuple afghans sur la voie de la paix, a-t-il conclu. 

La Chine a indiqué que l’Afghanistan se trouve à la croisée des chemins.  Depuis la décision du retrait des troupes étrangères d’Afghanistan, le processus de négociations stagne, a constaté la Chine, en se disant vivement préoccupée par la situation sécuritaire.  C’est au peuple afghan qu’il revient de décider de son avenir, aucune force extérieure ne devant être autorisée à poursuivre ses objectifs au détriment de celui-ci, a dit la délégation.  Il a estimé que le pays doit pouvoir emprunter un chemin qui réponde à ses priorités.  La Chine a souhaité que le troisième cycle de négociations soit entamé le plus rapidement possible, en soulignant la nécessité d’un environnement propice afin qu’elles aboutissent.  Elle a ensuite dénoncé la violence généralisée dans le pays et prôné un élargissement du cessez-le-feu dans sa portée et sa durée. 

Rappelant l’importance du retrait des troupes étrangères, la Chine a estimé que ces dernières ne peuvent aller et venir à leur guise et souhaité un retrait ordonné en coopération avec le Gouvernement afghan et en consultation avec les pays voisins.  Elle a mis en garde contre toute politisation et toute approche de deux poids, deux mesures dans la lutte antiterroriste, avant d’exhorter la communauté internationale à continuer d’appuyer le développement du pays.  Enfin, la délégation a souhaité que le Secrétariat présente de nouvelles options en ce qui concerne la présence future de l’ONU en Afghanistan. 

Le Kenya a appelé à la cessation immédiate des hostilités en Afghanistan et exhorté toutes les parties à s’engager de manière constructive dans des pourparlers politiques, avant de féliciter les acteurs régionaux et internationaux pour leur soutien au processus de paix afghan.  Pour le Kenya, il est toutefois essentiel que les pourparlers de paix restent dirigés par les Afghans.  Il faut aussi qu’ils soient inclusifs et transparents, a-t-il souligné, jugeant préoccupant que la participation des femmes au processus politique continue d’être ignorée dans les deux équipes de négociation ainsi que dans la représentation au Haut Conseil pour la réconciliation nationale.  Il a cependant salué la mise en œuvre par la MANUA des initiatives de paix locales impliquant des centaines de jeunes et de responsables religieux sur les efforts de paix et de médiation.  

Sur le plan humanitaire, le Kenya s’est alarmé que près de la moitié de la population afghane ait besoin d’aide en raison du conflit mais aussi des effets néfastes des changements climatiques et de la pandémie de COVID-19.  Invitant la communauté internationale à intensifier sa contribution à l’aide d’urgence, il a également réclamé une assistance pour l’accès et la distribution des vaccins à la population, souhaitant à cet égard que toutes les parties maintiennent des couloirs humanitaires sûrs et ouverts pour atteindre ceux qui sont dans le besoin. 

Le Kenya, lui-même frappé par les Chabab affiliés à Al-Qaida, « s’identifie au peuple afghan qui est le plus touché par les attaques terroristes croissantes ».  Nous devrions tous être préoccupés par le fait que les attaques de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorasan (EIIL-K) sont passées à 88, contre 16 au cours de la même période l’année dernière, a souligné la délégation, exhortant le Conseil à adopter une position « urgente, unie et inflexible » contre ces actes de terreur.  À cet égard, a-t-il conclu, tout examen des mesures de sanction devrait être conforme à la résolution 2513 (2020) et fondé sur la volonté des Taliban de mettre fin à leurs activités violentes et à leurs attaques ciblées.  De même, a précisé le délégué, toute proposition de radiation de certains de ses membres ne devrait être examinée « qu’au mérite et au cas par cas ». 

La Tunisie a jugé préoccupant le niveau élevé et continu de violence en Afghanistan du fait des Taliban.  « Nous sommes également préoccupés par les informations selon lesquelles la recrudescence du conflit favorise les activités d’organisations terroristes locales et internationales et facilite la production et le trafic de drogues illégales. »  La délégation a rappelé qu’il incombe à toutes les parties de prendre les mesures nécessaires pour éviter les pertes civiles et de respecter les obligations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.  De même, toutes les allégations de violations doivent faire l’objet d’enquêtes et les auteurs doivent être tenus responsables, a demandé la Tunisie qui a réitéré son appel aux Taliban pour qu’ils mettent fin aux attentats, honorent leurs engagements en matière de lutte contre le terrorisme et négocient de bonne foi avec le Gouvernement.  Dans la conjoncture critique actuelle et avec le retrait annoncé des forces internationales, la délégation a appelé à une solidarité et à un soutien forts avec l’Afghanistan pour accompagner le processus de paix et soutenir le règlement politique.  Pour la délégation, il est important que tout futur accord de paix inclue clairement des garanties pour la protection et la promotion des droits et libertés fondamentaux pour tous en Afghanistan, avec une attention particulière aux droits et à la participation des femmes. 

Le Mexique a indiqué que l’Afghanistan inquiète le Conseil depuis des décennies, avant de saluer la résilience de son peuple.  Il a souhaité une reprise des négociations en Afghanistan, lesquelles ont connu un avant et un après, avant d’insister sur l’importance de la pleine participation des femmes.  La délégation a appelé à préserver les gains enregistrés dans le pays, en particulier dans le domaine des droits humains.  Elle a ensuite fermement condamné les attaques délibérées perpétrées contre la population civile.  Elle a demandé que le retrait des forces soit ordonné et conduit en coopération avec le Gouvernement afghan, en évitant toute conséquence négative.  Enfin, le Mexique a jugé crucial d’instaurer un environnement propice à la fourniture d’une aide humanitaire en Afghanistan, avant de dénoncer les attaques visant les travailleurs humanitaires.

Le Viet Nam a observé que les négociations de paix intra-afghanes n’ont enregistré que des « progrès limités » et que la violence contre les civils augmente de façon alarmante dans le pays.  Au vu de la situation actuelle, il a jugé impératif de préserver les acquis obtenus jusqu’à présent.  Il a donc appelé les parties aux négociations à mettre de côté leurs divergences et à parvenir en temps voulu à un accord pacifique pour mettre fin au conflit.  À cette fin, le soutien de l’ONU, de la MANUA, des pays de la région et d’autres partenaires internationaux reste essentiel pour promouvoir l’avancée des pourparlers de paix, a-t-il souligné. 

S’agissant de l’aspect sécuritaire et humanitaire, le Viet Nam a souhaité qu’un cessez-le-feu permanent soit obtenu dès que possible, exhortant toutes les parties à respecter le droit international humanitaire, à cesser immédiatement de cibler les civils et à garantir un accès humanitaire sans entrave.  Il a également exhorté l’ONU et ses partenaires régionaux et internationaux à continuer de renforcer l’aide humanitaire qu’ils apportent à l’Afghanistan, avant de saluer les efforts de la MANUA et du Service de la lutte antimines des Nations Unies qui facilitent les activités de déminage et d’éducation aux risques.  Enfin, souhaitant voir davantage de soutien au pays dans sa lutte contre la pandémie de COVID-19, y compris en matière de vaccination, le Viet Nam a appelé de ses vœux des efforts accrus pour lutter contre la menace du terrorisme, de la criminalité et du trafic de drogue. 

La (France) a identifié quatre priorités pour l’Afghanistan.  La première est de refuser et condamner la violence.  Le respect du droit international humanitaire, des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont la liberté de la presse, par toutes les parties n’est pas négociable, a-t-il dit.  Il a estimé que ceux qui sont responsables de ces crimes odieux doivent rendre des comptes, car il ne peut y avoir d’impunité.   Comme seconde priorité, il a exigé un engagement sincère de toutes les parties.  « Nous attendons des Taliban  qu’ils s’engagent réellement dans les négociations. »  Pour permettre à leur équipe de négociation de se rendre là où les discussions de paix ont lieu, le Comité 1988 est en train d’examiner des demandes d’extension des exemptions à l’interdiction de voyager, a-t-il rappelé.  M. De Rivière a souligné que ces exemptions, comme toute évolution de la liste de sanctions 1988, ne constituent ni un droit automatique ni un cadeau sans contrepartie.  « C’est une concession faite, non  aux Taliban, mais à la paix.  Et si les Taliban ne respectent pas leurs engagements, ils devront en assumer les conséquences. »     

La troisième priorité de la France, a dit le représentant, est de « ne pas transiger sur nos valeurs et principes ».  En effet, l’engagement de la communauté internationale, que ce soient les Nations Unies, les pays de la région et ceux qui accueillent des initiatives en faveur de la paix, est essentiel, a rappelé M. de Rivière en avertissant que le monde a changé, que l’Afghanistan aussi et que la paix ne pourra se faire par un retour en arrière.  Enfin, énonçant la quatrième priorité de la France, il a demandé d’agir contre le trafic de drogue qui est « un véritable poison et un frein à la paix ».  L’aggravation de ce trafic aura des conséquences sur la paix, sur la population afghane et sur la région, a-t-il mis en garde.

Saint-Vincent-et-les Grenadines a jugé que le soutien international à l’Afghanistan est plus important que jamais.  Alors que les négociations de paix patinent, la délégation a exhorté les partenaires internationaux à intensifier leurs efforts afin d’y remédier.  Les acteurs régionaux et internationaux doivent user de tous les instruments politiques et diplomatiques à leur disposition en vue de la recherche d’un règlement durable, a recommandé Saint-Vincent-et-les Grenadines.  La délégation a estimé que tout accord de paix doit protéger les droits des femmes, des jeunes et des minorités.  Elle a plaidé pour un processus de paix dirigé et contrôlé par les Afghans, avec une pleine participation des femmes. 

La délégation a appelé à éliminer le terrorisme en Afghanistan et à lutter contre la production d’opiacés.  Alors que l’épidémie de COVID-19 menace d’échapper à tout contrôle dans le pays, elle a plaidé pour un accès équitable aux vaccins.  Enfin, évoquant le retrait des troupes étrangères, la mission a appelé à des efforts internationaux en vue de la préservation de la stabilité politique du pays.  « Sans un appui international continu, les forces de sécurité afghanes vont s’effondrer et le marasme économique et sécuritaire dans le pays ne fera que s’aggraver », a-t-elle conclu, en insistant sur l’importance du rôle de la MANUA après ledit retrait. 

La Fédération de Russie a noté que cette réunion se tient dans le contexte du retrait annoncé le 14 avril des troupes étrangères d’Afghanistan.  Elle s’est déclarée préoccupée par la dégradation de la situation dans le pays et par le caractère « endémique » de la violence.  De l’avis de la délégation, la menace terroriste reste un « défi sérieux » du fait de l’émergence au fil des ans de l’EIIL-Khorasan et d’autres organisations terroristes et groupes apparentés, qui maintiennent des cellules dormantes dans le nord et l’est de l’Afghanistan.  L’aile afghane de l’EIIL-Khorasan conserve la capacité d’organiser des attentats terroristes de grande échelle dans diverses régions du pays, y compris à Kaboul, en utilisant des kamikazes et des engins explosifs improvisés, a-t-elle relevé, rappelant les attaques perpétrées contre une école de filles en mai et un groupe de sapeurs en juin.  De plus, les attaques de l’EIIL contre des représentants de minorités religieuses et ethniques restent une « triste tendance », tandis que de plus en plus de civils, y compris des femmes et des enfants, sont tués chaque jour en Afghanistan.  Derrière ces actions se cache, selon elle, la volonté d’imposer un « sentiment de peur » aux Afghans.  

Pour la Fédération de Russie, le problème de la drogue en Afghanistan est « inextricablement lié à la menace terroriste ».  Malgré les efforts en cours, les drogues afghanes restent un « puissant carburant » pour le terrorisme et une source de revenus pour les militants, a-t-elle déploré, jugeant « déprimante » la place limitée accordée à ce sujet dans le rapport du Secrétaire général.  Il est inacceptable de dissimuler ou de minimiser les défis liés au terrorisme et à la drogue en Afghanistan, a martelé la délégation, avant de rappeler que, par le biais de l’Organisation de Shanghai pour la coopération et de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), la Fédération de Russie contribue à la formation d’agents de police antidrogue d’Afghanistan, du Pakistan et d’Asie centrale en coopération avec de nombreux pays du monde, dont le Japon. 

Dans ce contexte, la Fédération de Russie a noté avec regret le blocage du processus de paix.  Déplorant que les tentatives visant à l’organisation d’une rencontre internationale n’aient pas abouti, la délégation a souligné les efforts déployés par son pays pour lancer le processus de réconciliation nationale et initier un dialogue interafghans direct.  Elle a noté que, contrairement à d’autres formats créés précédemment, la Troïka élargie, composée de la Chine, des États-Unis, de la Fédération de Russie et du Pakistan, a démontré sa capacité à « donner un dynamisme supplémentaire au processus de règlement de paix ».  En témoignent, selon elle, les réunions avec la participation de délégations gouvernementales et talibanes à Moscou le 18 mars, ainsi que la réunion à Doha le 30 avril.  À la suite de ces deux événements, s’est-elle félicitée, des déclarations conjointes ont été adoptées, reflétant des approches communes pour un règlement pacifique et la future structure politique de l’Afghanistan.  

Convaincue que le maintien d’un consensus régional reste une aide précieuse pour aider à résoudre le conflit afghan, la délégation russe a souligné la nécessité d’utiliser le potentiel de « structures éprouvées », telles que l’Organisation de Shanghai pour la coopération et l’OTSC.  La consolidation de tous les efforts internationaux et régionaux est aujourd'hui plus importante que jamais, a-t-elle soutenu, appelant en conclusion toutes les « forces politiques patriotiques » afghanes à faire des compromis pour parvenir à la réconciliation nationale et à la renaissance de leur pays.  

Le Niger a rappelé l’espoir qu’a fait naître le démarrage des pourparlers de paix intra-afghans en septembre 2020 à Doha.  « Force est de constater qu’après plusieurs rounds de négociations, le processus piétine, au moment où l’Afghanistan enregistre une recrudescence de la violence, qui vient saper l’espoir d’un accord de paix rapide. »  Il est urgent de mettre fin à ce cycle de violence, afin de parvenir à un règlement pacifique du conflit, a insisté le représentant.  Il a réitéré sa ferme condamnation des récentes attaques aveugles sur des cibles civiles, en particulier les écoles, les hôpitaux et les quartiers des minorités ethniques et religieuses. 

Pour être valable, tout processus de paix devrait prendre en compte la protection des droits constitutionnels des femmes et de la jeunesse afghane, ainsi que la préservation des acquis des deux dernières décennies, en terme de respect des droits, notamment ceux des minorités, tels qu’ils figurent dans la Constitution afghane, a plaidé le délégué.  Il a jugé impératif que ces négociations abordent la question du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des ex-combattants, ainsi que la réforme du secteur de la sécurité.  Enfin, le représentant a appelé le Conseil à tenir compte des risques sécuritaires liés au climat dans le renouvèlement du mandat de la MANUA en septembre prochain.

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