Conseil de sécurité : Les délégations défendent le multilatéralisme et prescrivent des remèdes à ses dysfonctionnements
Le Ministre chinois des affaires étrangères, M. Wang Yi, dont le pays préside le Conseil de sécurité ce mois-ci, a convoqué aujourd’hui ses homologues pour « défendre le multilatéralisme et le système international centré sur l’ONU ». Les dirigeants du monde ont eu beau souligné, dans leur Déclaration du soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, que le multilatéralisme « n’est pas une option mais une nécessité », il n’en reste pas moins qu’il est mis à rude épreuve par de nouvelles politiques de groupe et confrontations idéologiques*, alors que la pandémie de COVID-19 a amplifié le côté « ingouvernable » du monde, comme l’a noté le Ministre chinois.
« À tort ou à raison », pour des millions de personnes dans le monde, le Conseil de sécurité, est « le visage et l’incarnation de l’ONU ». Or, a constaté M. Volkan Bozkir, Président de l’Assemblée générale, « l’organe le plus démocratique de notre système », ce Conseil s’est vu plusieurs fois divisé et incapable de se hisser à la hauteur des défis et dans la plupart des cas, à cause des divergences entre ses membres, en particulier ses membres permanents. « Certains se demandent même si la coopération multilatérale est encore possible », a reconnu le Secrétaire d’État américain, M. Anthony Blinken qui a promis que son pays travaillera avec n’importe quels autres, « y compris ceux avec lesquels il a de sérieuses divergences ».
Pour que le système fonctionne, a-t-il professé, il faut tous les pays s’y conforment et s’emploient à son succès. Un État ne respecte pas le principe d’égalité souveraine lorsqu’il prétend redessiner les frontières d’un autre ou chercher à résoudre des conflits territoriaux en utilisant la force ou en menaçant d’y recourir. Un État méprise ce principe quand il en cible un autre avec de la désinformation, sape ses élections libres et équitables ou s’en prend aux journalistes ou aux dissidents à l’étranger. Les États Membres qui bafouent les règles et bloquent les tentatives d’établissement des responsabilités pour les violations du droit international envoient le mauvais message.
Tous les pays doivent accepter le contrôle qui accompagne les engagements qu’ils ont librement pris, et « cela inclut les États-Unis », a martelé le Secrétaire d’État américain dont le pays n’épargnera aucun effort pour trouver des terrains d’entente avec les États Membres qui respectent « l’ordre que nous avons fondé ensemble et que nous devons défendre et revitaliser ensemble ». Oui, a acquiescé le Ministre russe des affaires des affaires étrangères, mais l’idée américaine de convoquer un « sommet des démocraties » est une distorsion du système multilatéral. M. Sergey Lavrov a prévenu que la création d’un nouveau « club d’intérêts » sur une base idéologique risque d’exacerber encore davantage les tensions internationales et de tracer de profondes lignes de division dans un monde qui, plus que jamais, a besoin d’un « programme unificateur ».
Le Ministre russe a vu dans de telles initiatives le rejet d’un système « multipolaire » des relations internationales, avec l’affirmation du rôle de nouveaux centres de développement économique et d’influence politique. Il a reproché à certains pays de chercher au contraire à promouvoir leurs priorités unilatérales ou de bloc, et se cachant derrière leurs « bonnes intentions », à « briser » le système centré sur l’ONU et faire obstacle à l’émergence d’un monde à plusieurs pôles. Le Ministre a en revanche défendu l’initiative de son Président, M. Vladimir Poutine, d’organiser un sommet des cinq membres permanents du Conseil dès que les conditions sanitaires le permettront.
Nous avons besoin d’un Conseil « plus représentatif, plus comptable de ses actes et plus transparent », a insisté le Président de l’Assemblée générale. Un Conseil, a renchéri M. Marcelo Ebrard Casaubón, Secrétaire d’État mexicain aux affaires étrangères, où la protection des civils, la lutte contre l’impunité et l’aide humanitaire ne sont pris en otage par des acteurs politiques, condamnant à l’inaction et à la paralysie l’organe des Nations Unies chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il faut, a prescrit le Ministre des affaires étrangères du Niger, rétablir la confiance dans un système trop souvent perçu comme étant inéquitable et non représentatif.
Sinon, a demandé M. Hassoumi Massaoudou, soutenu par ses homologues de la Tunisie et du Kenya, comment comprendre que le continent africain, qui, représente plus de 50% des réunions du Conseil de sécurité, 60% de ses documents finaux et 70% de ses résolutions assorties de mandats au titre du Chapitre VII, n’ait aucune représentation permanente au sein du Conseil? Lorsque les structures de pouvoir reflètent le statu quo d’une époque révolue, elles reflètent également une mauvaise appréciation des réalités géopolitiques contemporaines, a enchaîné M. Harsh Vardhan Shringla, Secrétaire d’État aux affaires étrangères de l’Inde.
Aucun État, quelle que soit sa puissance, ne pouvant résoudre seul tous les défis, la Ministre norvégienne des affaires étrangères, Mme Ine Eirksen Søreide, a appelé à un multilatéralisme plus inclusif, tirant parti des contributions de la société civile, du monde des affaires, du milieu universitaire et autres secteurs. Un multilatéralisme efficace, c’est en effet un multilatéralisme inclusif, a renchéri le Secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la Francophonie de la France, en parlant aussi de l’implication des femmes, des jeunes et des organisations régionales. Un multilatéralisme efficace, a ajouté M. Jean-Baptiste Lemoyne, c’est également un multilatéralisme qui s’attache à dégager des solutions concrètes aux défis collectifs comme la pandémie de COVID-19 et les changements climatiques. Mais, a-t-il reconnu, à son tour, le multilatéralisme ne pourra être efficace que s’il sait se réformer.
*S/2021/416
Un multilatéralisme fort et efficace, fondé sur les buts et les principes de la Charte des Nations Unies, du droit international et de la justice, a souligné M. VOLKAN BOZKIR, Président de la soixante-quinzième session de l’Assemblée générale, est le fondement de la sécurité, de la stabilité, de la paix et de la prospérité. Le système multilatéral nous profite à tous, petits et grands. Il offre aux États un cadre pour régler les différends pacifiquement et sans coercition.
Rappelant que dans leur déclaration sur la commémoration du soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, les dirigeants du monde ont dit que « le multilatéralisme n’est pas une option mais une nécessité », M. Bozkir a estimé qu’il faut être clair dans ce débat et insister sur le fait qu’il n’y a pas d’alternative à notre système actuel. Aussi imparfait que puisse être le système multilatéral, nous devons reconnaître, a-t-il poursuivi, que « nous sommes aux commandes ». Les États Membres sont les Nations Unies et s’il y a échec, c’est le leur.
Les grandes entreprises sont dynamiques et doivent évoluer avec la réalité dans laquelle elles opèrent et le système multilatéral basé sur l’ONU ne fait pas exception. Il nous incombe de l’affiner et de le mettre à jour, « ce qui est indispensable », a martelé le Président. Malgré les nombreux succès, il a attiré l’attention sur les niveaux « inacceptables » de souffrances humaines. En raison des effets multidimensionnels de la pandémie de COVID-19, le monde, s’est-il expliqué, est confronté à la récession économique la plus profonde, depuis la Grande Dépression, et à la plus grande perte de revenus depuis 1870. L’extrême pauvreté devrait s’aggraver, pour la première fois en 20 ans, et environ 115 millions de personnes sont sur le point d’y plonger.
Cette année, a encore fait observer le Président, quelque 235 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire et y répondre à ceux des 160 millions de personnes les plus vulnérables, coûte 35 milliards de dollars, sans oublier qu’environ 690 millions de personnes risquent la malnutrition. Dans 22 pays, la violence et les conflits sont les causes sous-jacentes de la faim, affectant 77 millions de personnes. Des millions de personnes sont déplacées par les conflits, les persécutions, la faim ou les changements climatiques. Des millions de personnes ont dû fuir de chez elles pour finir réfugiées.
Nous ne pouvons nous offrir d’oublier l’impact de notre action sur les peuples du monde, a prévenu le Président. À tort ou à raison, a-t-il encore prévenu, pour des millions de personnes dans le monde, le Conseil de sécurité, est « le visage et l’incarnation des Nations Unies ». Ce Conseil s’est vu plusieurs fois divisé et incapable de se hisser à la hauteur des défis et dans la plupart des cas, les raisons de ces échecs ont été les divergences entre ses membres, en particulier ses membres permanents.
Le Président a donc souligné que la réforme du Conseil de sécurité est d’un intérêt fondamental pour les États Membres et pour l’ONU elle-même car elle est au cœur de sa légitimité. Nous avons besoin d’un Conseil plus représentatif, plus comptable de ses actes et plus transparent et je vous le dis, a précisé M. Bozkir, en tant que Président de l’organe le plus démocratique de notre système.
Il a ensuite cité quelques questions non réglées: une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien, sur la base de la vision de deux États, la plus grave humanitaire, « qui se déroule sous nos yeux », depuis une décennie en Syrie, les près de 16,2 millions de personnes au Yémen qui sont en situation d’insécurité alimentaire, les souffrances des Libyens depuis près d’une décennie, et celle « profondément préoccupante » au Myanmar.
Si la communauté internationale ne parvient pas à mettre fin à ces souffrances, qui le fera? a demandé le Président. Il a donc appelé tous les États Membres des Nations Unies, dont ceux du Conseil, à améliorer la mise en œuvre de la Charte, à formuler des règles et procédures pour accélérer la justice s’agissant des violateurs des droits de l’homme et du droit international humanitaire. De telles actions devraient être notre ligne de base pour un ordre international fondé sur des règles.
Le fait de ne pas établir les responsabilités pour les crimes graves montre notre échec collectif à actionner tous les mécanismes et outils du système multilatéral pour prévenir les récurrences infinies des violations. Tous les plans de redressement liés à la COVID-19 et les réponses humanitaires doivent être centrés sur les droits de l’homme et la protection des civils, y compris la distribution équitable des vaccins contre la COVID-19. Soyons clairs: protection des civils égale vaccins pour tous. Or, aujourd’hui seulement 0,3% de tous les vaccins ont été distribués aux pays à faible revenu. « Je répète: 0,3%. »
Il est clair, a conclu le Président, que les approches conventionnelles n’apporteront pas la paix ou ne forgeront pas un monde durable, résilient et égal pour tous. Nous savons que la paix et le développement se renforcent mutuellement et que le respect des droits de l’homme est la base de la paix et de la sécurité. Nous devons, a-t-il dont encouragé, accélérer les réformes aux Nations Unies, des réformes qui appuient une approche intégrée face aux défis actuels. Une paix durable exige de nous de traiter des défis en la matière « dans toutes leurs dimensions ». Le moment est venu d’honorer nos engagements pour notre génération, les générations futures et notre planète, a souligné le Président.
M. WANG YI, Conseiller d’État et Ministre des affaires étrangères de la Chine, a souligné l’attachement de son pays au multilatéralisme, comme l’avait réitéré l’an dernier le Président Xi lors de la commémoration du soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies. Le multilatéralisme est « la marche à suivre pour l’avenir », il n’est « pas une option mais une nécessité », a-t-il affirmé, à son tour. Il a exhorté la communauté internationale à défendre l’action multilatérale par le biais de l’ONU et à la pratiquer, en suivant le droit international et les buts et principes de la Charte. Alors que le monde fait face à une pandémie, nous devons riposter collectivement et faire preuve d’égalité et de respect, a ajouté le Ministre, avant d’en appeler à une « coopération gagnant-gagnant ». Les pays doivent œuvrer ensemble pour faire en sorte que tout le monde soit gagnant, a-t-il insisté. Nous devons rechercher l’unité et la justice, pas l’hégémonie. De même, il est essentiel que tous les pays partagent la gouvernance mondiale et promeuvent un ordre mondial basé sur des règles. Cela doit s’appliquer à tous les pays, il ne peut y avoir d’exceptionnalisme ni deux poids, deux mesures, a soutenu le Chef de la diplomatie chinoise.
Pour M. Wang, la communauté internationale doit également trouver des solutions « autrement », faute de quoi le multilatéralisme « ne subsistera pas ». Les mesures doivent, selon lui, répondre aux besoins à long terme et pas immédiats. De surcroît, les grandes puissances doivent « montrer l’exemple », notamment en garantissant les biens publics mondiaux. Si chaque pays à sa propre histoire et sa propre culture, tous doivent œuvrer ensemble. Diviser le monde en camps idéologiques va à l’encontre du multilatéralisme, c’est un retour en arrière, a-t-il averti.
Le Ministre a ensuite rappelé que l’ONU a été fondée pour préserver la paix. Jugeant essentiel que l’Organisation poursuive cette mission, il a plaidé pour la recherche d’un règlement politique aux différends et conflits. Il a également souhaité que les sanctions et autres mesures contraignantes ne soient utilisées que lorsque tous les autres moyens ont été épuisés. À ses yeux, le développement a le même statut que la paix. À cette aune, il est essentiel que l’ONU promeuve un consensus sur la protection des droits humains grâce au développement, a affirmé M. Wang, jugeant impératif que les objectifs de développement durable soient réalisés « à temps » d’ici à 2030 et « de manière qualitative ».
Convaincu que les questions de sécurité ont autant d’incidence que la guerre et les conflits, il a appelé la communauté internationale à mettre l’accent sur la nécessaire lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Mais il faut aussi agir en faveur de la santé publique et contre les changements climatiques, autant de fronts sur lesquels le Conseil de sécurité peut jouer un rôle déterminant.
Si la pandémie de COVID-19 a amplifié le côté « ingouvernable » du monde, l’ONU doit veiller à ce que le système mondial de la gouvernance soit plus juste et plus équitable, a poursuivi le Ministre, réaffirmant le soutien de son pays à cette vision. Cette année, a-t-il relevé, marque le centième anniversaire du Parti communiste chinois et le soixantième anniversaire de la restauration du siège de la Chine à l’ONU. À cette occasion, la Chine entend renforcer sa participation à la « cause de l’ONU » et au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, a souligné M. Wang, non sans rappeler que son pays a pris part à plus de 30 opérations de paix dans le monde et qu’il reste le premier contributeur de troupes parmi les cinq membres permanents du Conseil.
De plus, s’est-il enorgueilli, la Chine met en œuvre intégralement le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et en a atteint le premier objectif sur la lutte contre la pauvreté extrême, avec plus de 10 ans d’avance. La Chine, a ajouté le Ministre, contribue en outre à l’Accord de Paris sur le climat comme en attestent ses objectifs ambitieux en matière de neutralité carbone. Pour défaire la pandémie de COVID-19, elle a aussi lancé l’opération d’urgence la plus vaste depuis la fondation de la Chine moderne. Dans ce contexte, a conclu le Ministre, mon pays continuera de défendre avec vigueur un multilatéralisme centré sur l’ONU et est prêt à travailler avec toutes et tous à un « avenir meilleur » pour l’humanité.
M. RALPH E GONSALVES, Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de Saint-Vincent-et-les Grenadines, a estimé que la pandémie de COVID-19 a mis à nu le fait qu’un multilatéralisme renouvelé demeure « un impératif moral, existentiel et politique », ancré sur les principes de souveraineté, d’intégrité territoriale et d’indépendance politique consacrés par la Charte. Citant les nombreux défis que les États doivent relever dans le contexte des conséquences sanitaires socioéconomiques, politiques et sécuritaires de la pandémie, le Premier Ministre a souligné leur lien « inextricable » et prévenu qu’ils ne pourront être traités par des moyens unilatéraux ou militaires à courte vue.
Compte tenu de leur caractère transfrontalier qui bien souvent dépasse les capacités limitées des pays vulnérables, le Premier Ministre a prévenu qu’une solution durable à ces défis exigent une action multilatérale efficace et coordonnée. Seule, a-t-il insisté, une approche à l’échelle du système face aux menaces à la paix et à la sécurité internationales, aux problèmes de développement et aux préoccupations humanitaires permettra d’aller de l’avant. Le Premier Ministre a insisté sur des mesures « novatrices et audacieuses », et sur une aide effective au renforcement des capacités et au développement.
Des solutions pratiques, inclusives, centrées sur l’individu et soucieuses des changements climatiques doivent être trouvées conformément aux besoins et priorités nationales et aux objectifs de développement durable, a encore dit le Premier Ministre. Il a appelé les États à travailler ensemble, de manière constructive et respectueuse du droit international, avec l’appui des Nations Unies et des organisations régionales et sous-régionales pertinentes. Tous les conflits, a-t-il ajouté, doivent être réglés par le dialogue, la diplomatie, la médiation et autres approches participatives, plutôt que par des moyens unilatéraux et coercitifs. Il n’y a pas d’alternative à la confiance et au respect mutuel, a souligné le Premier Ministre. Nous ne pouvons nous laisser diviser par des intérêts étroits. Nous devons travailler encore davantage ensemble, avec urgence et détermination, pour réaliser la paix, la sécurité et le développement pour tous, a conclu le Premier Ministre.
M. ANTHONY BLINKEN, Secrétaire d’État des États-Unis, a estimé que malgré ses imperfections, l’entreprise « audacieuse » menée après la Seconde Guerre mondiale a été « une réalisation sans précédent ». Or, ce système est aujourd’hui « gravement menacé », a averti le chef de la diplomatie américaine: le nationalisme renaît, la répression augmente, les rivalités entre les pays augmentent et les attaques contre l’ordre fondé sur des règles s’intensifient. Au point, a-t-il noté, que « certains se demandent si la coopération multilatérale est encore possible ».
Pour les États-Unis, l’action multilatérale « n’est pas seulement possible, mais elle est impérative ». Le système multilatéral a été construit en partie pour résoudre des problèmes complexes qu’aucun pays, quelle que soit sa puissance, ne peut résoudre seul. C’est pourquoi les États-Unis travailleront par le biais d’institutions multilatérales pour arrêter la COVID-19 et lutter contre la crise climatique, a-t-il affirmé. Les États-Unis travailleront avec n’importe quel pays sur ces questions, y compris ceux avec lesquels ils ont de sérieuses divergences, a promis le Secrétaire d’État. Mon pays agira de même pour endiguer la propagation et l’utilisation des armes nucléaires, fournir une aide humanitaire vitale et gérer des conflits meurtriers, a ajouté le Secrétaire d’État, tout en indiquant que son pays réagira avec force contre ceux qui sapent l’ordre international.
Pour que le système fonctionne, tous les pays doivent s’y conformer et s’employer à son succès, a-t-il insisté. Tous les États Membres respectent leurs engagements et les droits de l’homme et la dignité doivent rester au cœur de l’ordre international. L’affirmation de la juridiction nationale ne donne à aucun État « un chèque en blanc pour asservir, torturer, disparaître, nettoyer ethniquement son peuple ou violer les droits de l’homme ». Un État ne respecte pas le principe d’égalité souveraine lorsqu’il prétend redessiner les frontières d’un autre ou cherche à résoudre des conflits territoriaux en utilisant la force ou en menaçant d’y recourir. Un État méprise ce principe quand il en cible un autre avec de la désinformation ou de la corruption armée, sape les élections libres et équitables d’autres pays ou s’en prend aux journalistes ou aux dissidents à l’étranger.
Les États Membres qui bafouent les règles et bloquent les tentatives d’établissement des responsabilités pour les violations du droit international envoient le mauvais message. Tous doivent accepter le contrôle qui accompagne les engagements qu’ils ont librement pris, et « cela inclut les États-Unis », a souligné le Secrétaire d’État. Sous l'administration Biden-Harris, a-t-il affirmé, les États-Unis se sont déjà réengagés vigoureusement dans les institutions multilatérales. De plus, a-t-il expliqué, nous agissons par le biais de la diplomatie pour revenir au respect mutuel du Plan d’action global commun sur le nucléaire iranien et pour renforcer le régime de non-prolifération nucléaire. Nous sommes également le plus gros contributeur au Mécanisme COVAX pour la distribution équitable des vaccins contre la COVID-19.
Nous prenons également des mesures, « avec une grande humilité », pour remédier aux inégalités et aux injustices de notre propre démocratie, a poursuivi le Secrétaire d’État. Nous le faisons de manière ouverte et transparente pour que les gens du monde entier puissent le voir, « même quand c’est moche, même quand c’est douloureux ». « Nous en sortirons plus forts et meilleurs », a-t-il soutenu. Pour le Secrétaire d’État, il ne suffit pas de défendre l’ordre actuel fondé sur des règles, il faut aussi l’améliorer et tenir compte de l’évolution de la dynamique du pouvoir au cours des huit dernières décennies, non seulement entre les pays mais en leur sein. Les États-Unis n’épargneront aucun effort pour trouver des terrains d’entente avec les États Membres qui respectent « l’ordre que nous avons fondé ensemble et que nous devons défendre et revitaliser ensemble ».
M. SERGEY LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a estimé que le monde est aujourd’hui « à un tournant de son développement ». Alors que La pandémie de COVID-19 est devenue un défi majeur pour l'ensemble de la communauté internationale, les pays et les peuples se sont soudainement retrouvés dans une réalité différente, a-t-il observé, avertissant que, malgré les premiers succès enregistrés dans la lutte contre le virus, les conséquences à long terme de la crise sont encore difficiles à prévoir. À ses yeux, la situation mondiale est d’autant plus préoccupante que l’on assiste à une montée des tensions internationales, à l’aggravation des conflits régionaux et à l'émergence de nouvelles menaces transfrontalières.
« Toute l’architecture de la gouvernance mondiale, créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est mise à l’épreuve », a-t-il souligné avant d’assurer que les perspectives de développement durable de la communauté mondiale sont directement liées à « notre capacité de trouver des solutions efficaces aux problèmes communs ». La Fédération de Russie, a précisé M. Lavrov, part du principe que ce travail doit être mené collégialement, sur la base de normes universellement reconnues du droit international. À cet égard, a-t-il dit, l’ONU reste la « plateforme idoine pour la convergence de ces efforts » dans la mesure où elle est « la seule organisation qui exprime la volonté de toute l'humanité ».
Estimant que l’adhésion ferme aux buts et principes de la Charte des Nations Unies est « la clef du développement harmonieux de tous les pays », le Chef de la diplomatie russe a observé que les principes fondamentaux du droit international ont résisté à l’épreuve du temps. Il a appelé tous les États à suivre inconditionnellement ces principes lors de l'élaboration de leur ligne de politique étrangère. Cela est d’autant plus important que se constitue difficilement un système multipolaire dans relations internationales, a noté M. Lavrov. Avec l’affirmation du rôle de nouveaux centres de développement économique et d’influence politique, il importe de préserver le cadre juridique internationalement reconnu pour établir l’équilibre entre les intérêts et répondre aux nouvelles réalités, a-t-il plaidé.
Le Ministre a regretté que tous les partenaires ne soient « pas guidés par l’impératif d’établir une coopération multilatérale globale ». Certains pays veulent promouvoir leurs priorités unilatérales ou de bloc au sein des Nations Unies. En se cachant derrière leurs « bonnes intentions », ils entendent « briser » le système centré sur l’ONU et inverser le processus de formation d’un monde multipolaire. Récemment, a poursuivi le Ministre, nous avons été témoins une tentative d’introduire un nouveau concept d’« ordre fondé sur des règles ». Nous n’avons rien contre les règles convenues dans des formats universels, mais le but de cette entreprise est à l’évidence de réviser l’architecture centrée sur l'ONU et d'imposer à la communauté internationale des « règles non inclusives » élaborées en dehors des structures onusiennes. Nous ne pouvons pas soutenir de telles mesures qui ne visent qu’à monopoliser le processus décisionnel sur des questions importantes pour tous, en contournant l’Organisation mondiale, a martelé le Ministre.
Aux yeux de M. Lavrov, l’idée américaine de convoquer un « sommet des démocraties » va dans ce sens. La création d’un nouveau « club d’intérêts » sur une base idéologique risque d’exacerber encore davantage les tensions internationales et tracer de profondes lignes de division dans un monde qui, plus que jamais, a besoin d’un « programme unificateur », a-t-il fait valoir. Il s’est élevé contre la pratique croissante des sanctions unilatérales illégales, introduites contre les soi-disant « régimes non désirés ». En période de pandémie, ces restrictions réduisent considérablement la capacité d’un certain nombre de pays à résister à la propagation du virus. Or, malgré l’appel du Secrétaire général à suspendre ces sanctions dans le contexte actuel, nous assistons au contraire à leur durcissement dans de nombreux cas.
De l’avis de M. Lavrov, il existe une vraie demande de « partenariat honnête » entre les principaux États sur une base pragmatique, sans idéologie ni politisation, afin d’améliorer l’atmosphère générale dans le monde et d’assurer le développement de l’humanité. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de défis mondiaux tels que les changements climatiques, la lutte contre la pandémie, la garantie des droits de l’homme et le combat contre le terrorisme, a-t-il dit. Le Ministre a estimé que les membres permanents du Conseil sont appelés à jouer un « rôle clef » dans le lancement d’un dialogue ouvert et direct sur les problèmes les plus urgents de notre temps. Avant de conclure, il a rappelé que le Président Vladimir Poutine a proposé d’organiser un sommet des cinq membres permanents du Conseil dès que les conditions sanitaires le permettront. L’ONU, a-t-il souligné, doit s’adapter aux nouvelles réalités du monde, en faisant preuve de créativité et en sollicitant l’implication de tous les États Membres.
M. MARCELO EBRARD CASAUBON, Secrétaire d’État aux relations extérieures du Mexique, a estimé que ce débat offre la possibilité aux membres du Conseil de sécurité de réaffirmer leur attachement aux valeurs et principes des Nations Unies. Il a insisté, à son tour, sur le fait que le multilatéralisme est une nécessité et qu’aucune autre institution ou organisation internationale n’a la légitimité, le pouvoir de rassemblement et l’impact normatif de l’ONU. « Mais l’ONU, et en particulier son Conseil de sécurité, doivent s’ouvrir aux besoins et aux aspirations des peuples ». Après avoir souligné le caractère indispensable de la paix pour un développement durable, le Secrétaire d’État a préconisé une réforme globale du Conseil de sécurité afin de le rendre plus transparent, plus démocratique, plus représentatif et plus efficace.
Il a particulièrement souligné la nécessité de débattre de la question de la légitime défense à la lumière de l’Article 51 de la Charte des Nations unies et sur laquelle le Conseil ne semble pas vouloir se prononcer. Il a de nouveau invité tous les États qui ne l’ont pas encore fait, en particulier les membres permanents du Conseil, de se joindre à l’initiative franco-mexicaine sur l’abandon volontaire du droit de veto en cas d’atrocités de masse, qui est déjà soutenue par 105 États.
Le Secrétaire d’État a particulièrement jugé inacceptable que la protection des civils, la lutte contre l’impunité et la fourniture d’une aide humanitaire soient prises en otage par des acteurs politiques qui, dans certains cas, conduisent précisément à l’inaction et à la paralysie de ce Conseil. Il a conclu en appelant les États et les organisations internationales, tant multilatérales que régionales, à unir leurs forces pour la mise en œuvre effective des résolutions 2565 (2021) du Conseil de sécurité et 74/274 de l’Assemblée générale des Nations Unies, sur l’accès équitable aux vaccins, reconnus comme un bien public mondial.
M. BUI THANH SON, Ministre des affaires étrangères du Viet Nam, a rappelé qu’en janvier 2020, le Conseil a adopté une déclaration présidentielle réaffirmant son engagement au multilatéralisme. C’est la voie à suivre et à adopter, comme l’avait dit Dag Hammarskjöld. Depuis sa création, l’ONU a été la nouvelle « Santa Maria », poursuivant son chemin à travers les tempêtes et les eaux inexplorées. Elle nous unit tous dans notre recherche de la paix, de la stabilité et du développement.
Aujourd’hui, a poursuivi le Ministre, le multilatéralisme reste indispensable pour offrir les solutions les plus efficaces aux défis mondiaux, en particulier la pandémie de COVID-19. Premièrement, a dit M. Than Son, le respect du droit international et de la Charte des Nations Unies est de plus en plus urgent car c’est la base d’un ordre international et d’un système multilatéral qui servent les intérêts communs de la communauté internationale tout entière. Nous devons promouvoir une culture du respect du droit international et du non-recours à la force, à la coercition, aux pressions politiques et à l’unilatéralisme dans les relations internationales, a exhorté le Ministre.
Deuxièmement, a rappelé M. Than Son, la déclaration présidentielle de janvier 2020 a également souligné l’importance d’élargir la collaboration entre l’ONU et les organisations régionales pour renforcer la confiance et faire prévaloir le dialogue dans la prévention et le règlement des conflits. À cet égard, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) a réaffirmé son rôle central dans l’architecture de la sécurité régionale et le règlement des questions régionales et internationales, y compris la situation au Myanmar ou le maintien de la paix et de la stabilité en mer de Chine méridionale.
Troisièmement, a poursuivi le Ministre, les institutions multilatérales doivent être réformées et travailler en synergie par souci d’efficacité et de réactivité et le Conseil de sécurité ne fait pas exception. Pour s’acquitter de sa responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales, le Conseil doit être réformé pour améliorer la transparence, la démocratie, la représentativité et l’efficacité et améliorer ses méthodes de travail.
M. HASSOUMI MASSAOUDOU, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Niger, a jugé à son tour que les Nations Unies représentent le « creuset par excellence » du multilatéralisme et le cadre approprié pour son maintien. Il a assuré que son pays n’a eu de cesse de réitérer son ferme attachement à cet idéal, comme en a témoigné l’organisation, lors de sa présidence du Conseil en septembre dernier, d’un débat de haut niveau sur ce thème. Huit mois plus tard, a-t-il relevé, alors que nous voyons une lueur d’espoir pour sortir d’une pandémie qui a mis en évidence les insuffisances de nos instruments de gouvernance mondiale, l’heure est venue de donner un nouveau souffle au multilatéralisme, en dotant le système des Nations Unies de moyens pouvant lui permettre de remplir ses missions de façon adéquate.
Pour M. Massaoudou, il est tout d’abord nécessaire de rétablir la confiance dans un système trop souvent perçu comme étant inéquitable et non représentatif de certains pays ou continent. Sinon, a-t-il demandé, comment comprendre que le continent africain, qui, représente plus de 50% des réunions du Conseil de sécurité, 60% de ses documents finaux et 70% de ses résolutions assorties de mandats au titre du Chapitre VII, n’ait aucune représentation permanente au sein de ce Conseil? Dans ce contexte, le Ministre a indiqué que son pays souscrit pleinement à la Position africaine commune telle qu’exprimée à travers le consensus d’Ezulwini, appelant à la pleine représentation de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité avec au moins deux sièges permanents.
Selon lui, il est également temps que le Conseil élargisse son champ d’action et se saisisse de défis émergents pouvant remettre en cause la paix et la sécurité internationales. Comme nous l'avons fait avec la COVID-19, la prise en compte des changements climatiques, de la cybercriminalité, entre autres problèmes, doivent faire l’objet d’un traitement judicieux et sans complaisance, a-t-il souligné.
En deuxième lieu, il convient, selon le Ministre, de renforcer la coordination et la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales. Saluant à cet égard le partenariat entre les Nations Unies et l’Union africaine, qui joue un rôle « éminemment positif » dans la promotion du multilatéralisme, M. Massaoudou a appelé à son renforcement, à travers la promotion des mesures de confiance et le dialogue pour soutenir les efforts de prévention et de résolution des conflits sur le continent africain. Enfin, il a souhaité que les leçons tirées de la pandémie soit une opportunité de « renaissance » du multilatéralisme, sur la base de partenariats renforcés et d’une meilleure coordination avec les agences de l’ONU et les institutions financières internationales.
M. SIMON COVENEY, Ministre des affaires étrangères et de la défense de l’Irlande, a mis l’accent sur quatre points après avoir rappelé que les défis mondiaux sont trop grands pour qu’une nation, quelle que soit sa taille ou ses moyens, puisse y faire face seule. Premièrement, il a dit que la complexité et l’interdépendance de notre monde exigent un système multilatéral fonctionnel avec des institutions ouvertes, équitables et fondées sur des règles. Il a mis l’accent sur l’importance vitale du Conseil des droits de l’homme et de la Cour pénale internationale (CPI), pour garantir le respect du droit international et la protection des droits de l’homme pour tous. Il a salué l’importance des « accords historiques » tels que le Programme 2030, l’Accord de Paris sur le climat et le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, visant à façonner un avenir durable et sûr pour tous les habitants de cette planète. Il a insisté sur le fait que l'engagement multilatéral collectif renforce notre souveraineté au lieu de la diminuer.
S’agissant de son deuxième point, le Ministre a estimé que le multilatéralisme est essentiel pour tenir la promesse de la Charte des Nations Unies d’épargner aux générations futures le fléau de la guerre. Après avoir rappelé que l’ONU et ce Conseil ont une légitimité unique pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, M. Simon Coveney a appelé l’ONU à devenir beaucoup plus efficace pour lier le maintien et la consolidation de la paix, assurer un soutien constant et soutenu aux pays sortant d’un conflit et trouver des solutions durables aux causes des conflits.
Troisièmement, M. Simon Coveney a mis l’accent sur les changements climatiques, « un défi majeur de notre génération » dont l’impact menace notre sécurité collective. Nous savons que les changements climatiques peuvent exacerber les tensions existantes et entraîner des conflits et l'insécurité. Nous savons également qu’une action climatique efficace peut construire la paix, a dit le Ministre. Il a précisé que l’Irlande en tant que Coprésidente avec le Niger du Groupe d’experts informel des membres du Conseil de sécurité sur le climat et la sécurité, s'emploie à forger un consensus sur cette question cruciale.
Au titre de son quatrième point, le Ministre a appelé à une réforme institutionnelle et politique pour soutenir et maintenir la légitimité et la pertinence de l’ONU. Il a particulièrement salué le programme de réforme du Secrétaire général qui vise à permettre à l’ONU de relever des défis croisés qui touchent chacun de ses trois piliers. Parmi les réformes urgentes, le Ministre a souhaité un Conseil de sécurité plus représentatif, corrigeant la sous-représentativité de l’Afrique, avant de s’attaquer à la question du droit de veto. Notre incapacité de guérir les immenses souffrances, en raison du recours « inacceptable » de certains pays au droit de veto affecte la légitimité de tout le système des Nations Unies, a tranché le Ministre.
M. OTHMAN JERANDI, Ministre des affaires étrangères, des migrations et des Tunisiens de l’extérieur, a réitéré l’appel de son Président, au soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, pour l’élaboration d’un nouveau concept global de paix, de sécurité et de coopération internationale. Le multilatéralisme n’est pas un choix, a ajouté le Ministre, compte tenu des défis mondiaux, en particulier la pandémie de COVID-19 et ses répercussions négatives. Les États Membres doivent renforcer leur engagement à soutenir le multilatéralisme, l’ONU et les organisations internationales, a insisté M. Jerandi pour lequel c’est à travers la coopération internationale que nous pourrons battre cette pandémie et les menaces à la paix, à la sécurité et au développement.
Face aux conflits armés, aux changements climatiques, au terrorisme, à l’extrémisme violent, à la pauvreté ou encore aux migrations, aucun pays ne peut faire cavalier seul, a martelé le Ministre. Ces défis doivent être relevés grâce à un multilatéralisme centrée sur l’ONU, a plaidé M. Jerandi. À son tour, il a appelé au respect de la Charte, du droit international et des résolutions de l’ONU. Il faut aussi rendre l’Organisation plus flexible. Le Ministre a donc exhorté tous les États Membres à participer au processus de réforme de l’ONU pour l’adapter aux nouveaux défis. À cet égard, le Conseil de sécurité doit être plus démocratique, plus représentatif et plus transparent. Cela, a estimé le Ministre, requiert le renforcement de la coopération et de la coordination avec les organisations régionales et la société civile.
Mme RAYCHELLE OMAMO, Secrétaire d’État aux affaires étrangères du Kenya, a souligné que rarement, ces 30 dernières années, le monde a eu autant besoin d’un multilatéralisme efficace. La pandémie de COVID-19 a montré que nous sommes tous interconnectés et a mis à nu la vulnérabilité des États, les inégalités sociales et la faiblesse des institutions internationales, a-t-elle constaté. En dépit des appels à la solidarité, les ripostes ont débouché sur davantage d’isolationnisme et de protectionnisme, minant l’action multilatérale. C’est pourquoi, a ajouté la responsable ministérielle, le Kenya réitère son appel en faveur d’un traité sur les pandémies, rédigé sous la houlette de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Appelant tous les États à se rallier à cette « noble cause » pour améliorer l’ordre mondial fondé sur des règles, Mme Omamo s’est félicitée de ce que le Mécanisme COVAX permette un large accès aux vaccins contre la COVID-19.
Toutefois, a-t-elle averti, l’iniquité dans la distribution représente une véritable menace pour la paix et la sécurité internationales. De nombreux pays du Sud risquent en effet d’être négligés, tandis que d’autres accaparent les vaccins. Cette différence de traitement, ajoutée à la crise économique que connaissent nombre de pays africains, pourrait selon elle retarder gravement la reprise mondiale. Elle a donc appelé l’Union africaine à continuer d’insister sur la coopération internationale pour élargir la distribution des vaccins et obtenir une exemption des protections accordées au titre de la propriété intellectuelle pour ces produits vitaux.
Au moment où le système international est confronté à une épreuve sans précédent, nous assistons à une montée du terrorisme et de l’extrémisme violent, a-t-elle noté. Pour y répondre, il convient non seulement de mettre en œuvre le consensus découlant des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité mais aussi d’inscrire sur la liste des sanctions les groupes reconnus comme terroristes. De même, il importe que la communauté internationale dans son ensemble prenne conscience du lien entre changements climatiques, paix et sécurité.
Nous ne pouvons plus sous-estimer les conséquences de la question du climat, tout comme nous ne pouvons ignorer les causes sous-jacentes et les facteurs multiplicateurs des conflits dans le monde. Mme Omamo a également estimé que le succès de l’action de l’ONU est tributaire de sa bonne coopération avec les organisations régionales et sous-régionales, conformément au Chapitre VIII de sa Charte. Selon elle, le principe de complémentarité doit figurer en bonne place dans les décisions du Conseil. Enfin, elle a qualifié d’urgent l’élargissement de la composition du Conseil, jugeant que « s’il n’est pas associé à l’inclusivité, le multilatéralisme restera insuffisant ».
Mme INE ERIKSEN SOREIDE, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a déclaré que l’absence de démocratie inclusive, la marginalisation des minorités, les régimes autoritaires et la répression sont les causes profondes des conflits violents qui ont un effet dévastateur sur les personnes et les infrastructures civiles et constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales. Le Myanmar et le Tigré sont parmi les exemples les plus récents, a-t-elle souligné avant d’appeler à ce que la protection des civils, y compris des enfants, reste au cœur de nos efforts.
Elle a particulièrement appelé à lutter contre la violence sexuelle, « une arme de guerre », avant de préciser que l’intégration des femmes dans les efforts de paix sera essentielle à notre succès. Alors que les changements climatiques ont été reconnus comme un « multiplicateur de menaces » qui aggraveront les conflits existants et peuvent également en entraîner de nouveaux, la Ministre norvégienne a jugé essentiel que le Conseil ait accès à des informations factuelles sur les risques de sécurité liés au climat dans des contextes nationaux spécifiques, lorsqu'il prend ses décisions.
Enfin, elle a appelé à un multilatéralisme plus inclusif, en tirant parti des contributions de la société civile, du monde des affaires, du milieu universitaire et autres secteurs. Nous devons reconnaître, une fois de plus, qu’aucun État à lui seul, quelle que soit sa puissance, ne peut résoudre tous les défis qui se présentent à nous, a conclu la Ministre.
Mme EVA-MARIA LIIMETS, Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, a dit que pour faire face à la pandémie de COVID-19, il nous faut un système multilatéral fondé sur le respect du droit international, du droit international humanitaire, de la démocratie, de l’état de droit et de la lutte contre l’impunité. L’ONU et le Conseil de sécurité sont au cœur de ce système multilatéral, a-t-elle dit, en réitérant son appui à l’appel à l’action du Secrétaire général en faveur des droits de l’homme et appelant à l’amélioration des échanges entre le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l’homme, les procédures spéciales et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
L’Estonie qui se focalise sur les plus vulnérables, y compris les femmes et les enfants touchés par les conflits, a organisé aujourd’hui, avec ses partenaires, une réunion informelle du Conseil de sécurité sur l’impact de la pandémie de COVID-19 et les graves violations commises contre les enfants touchés par les conflits armés, a insisté la Ministre, satisfaite d’une rencontre durant laquelle a été présentée l’étude préparée par la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés. La Ministre s’est dite préoccupée par les violations du droit international en Ukraine et en Géorgie, et a déploré le harcèlement et les représailles des « régimes voyous » contre les militants de la société civile.
Constatant que la pandémie de COVID-19 a amplifié la fracture numérique, la Ministre a souligné que son pays contribue activement à la coopération numérique lancée par le Secrétaire général et à l’initiative GovStack pour développer une architecture de référence en matière de gouvernance numérique avec l’Allemagne, l’Union internationale des télécommunications (UIT) et la Digital Impact Alliance. Pour contrer les changements climatiques, l’Estonie, a encore dit la Ministre, vise à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et a établi pour ce faire un calendrier pour l’élimination progressive des combustibles fossiles d’ici à 2040. L'Estonie a aussi lancé l’Alliance pour les données de l’environnement (DEAL), en appui au Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), qui élabore une stratégie mondiale en matière. Mme Liimets a invité tous les pays à se joindre à l’Alliance.
M. HARSH VARDHAN SHRINGLA, Secrétaire d’État aux affaires étrangères de l’Inde, a reconnu que l’ONU, « l’organisation internationale la plus universelle et la plus représentative », a largement maintenu la paix depuis sa création il y a 75 ans. Il a toutefois jugé que l’action onusienne s’est révélée insuffisante face à des défis tels que le terrorisme, le radicalisme, les pandémies, les changements climatiques, les menaces liées aux nouvelles technologies, les menaces asymétriques croissantes, le rôle perturbateur des acteurs non étatiques et l’intensification de la concurrence géopolitique, qui tous appellent une « réponse multilatérale robuste ». Notre effort collectif n’a pas permis de fournir des solutions efficaces et durables, principalement en raison des faiblesses du système multilatéral, a-t-il pointé, espérant que 2021 offrira l’opportunité de réfléchir à l’efficacité de l’ONU dans la réalisation des buts et objectifs que ses fondateurs s’étaient fixés.
De l’avis de M. Shringla, l’absence d’une réponse mondiale réellement coordonnée face à la COVID-19 a mis en lumière les vulnérabilités et les faiblesses du système multilatéral tel qu’il se présente aujourd’hui. La pandémie a ainsi exposé les failles entre les chaînes d’approvisionnement mondiales peu fiables et la distribution inéquitable des vaccins, soulignant la nécessité d’une solidarité mondiale et d’un multilatéralisme renforcé. De fait, le monde postpandémique doit exiger du système multilatéral qu’il s’adapte à ses objectifs et soit capable d’inspirer confiance dans sa capacité à répondre efficacement aux demandes. C’est pourquoi, a-t-il dit, la réforme du Conseil de sécurité est au cœur de l’appel de l’Inde en faveur d’une réforme du multilatéralisme. Lorsque les structures de pouvoir reflètent le statu quo d’une époque révolue, elles reflètent également une mauvaise appréciation des réalités géopolitiques contemporaines, a fait valoir le Secrétaire d’État indien.
À ses yeux, le Conseil doit être plus représentatif des pays en développement s’il veut continuer à susciter la confiance dans sa capacité d’action. Il ne pourra fournir des solutions efficaces que s’il donne une voix aux « sans-voix » plutôt que de maintenir le « statu quo des puissants ». Or, a fait valoir M. Shringla, alors que l’ONU compte 193 États Membres, soit près de quatre fois plus qu’en 1945, la représentation étroite et les privilèges de quelques-uns au sein de son « organe décisionnel principal » posent un sérieux défi à sa crédibilité et à son efficacité. « Comment expliquer le fait que l’Afrique ne soit pas représentée au Conseil de sécurité dans la catégorie permanente, alors même que les questions africaines dominent son ordre du jour? » s’est-il interrogé, rappelant l’appel à la réforme du Conseil lancé par le Premier Ministre indien à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU.
Réaffirmant l’engagement de son pays à faire respecter l’ordre international fondé sur des règles et étayé par le droit international, le Secrétaire d’État aux affaires étrangères a rappelé qu’au cours de ses huit mandats au Conseil de sécurité, l’Inde s’est toujours efforcée d’être une « voix du monde en développement sous-représenté » et un « bâtisseur de ponts pour réduire les fractures et favoriser le consensus ». De plus, l’Inde a énormément contribué au maintien de la paix et de la sécurité internationales en tant que principal pays fournisseur de contingents aux opérations de paix des Nations Unies.
Moteur du développement socioéconomique mondial grâce à ses programmes de partenariat, l’Inde est aussi l’un des rares pays en bonne voie de respecter les engagements d’atténuation du réchauffement climatique au titre de l’Accord de Paris. De plus, elle a fourni au cours de l’année écoulée des vaccins contre la COVID-19, des produits pharmaceutiques et du matériel médical à plus de 150 pays à travers le monde. À cet égard, M. Shringla a exprimé sa profonde gratitude à ceux qui se sont manifestés pour aider son pays à faire face à la deuxième vague de la pandémie, avant d’en appeler, en conclusion, à un système multilatéral réformé centré sur l’ONU.
M. TARIQ AHMAD, Ministre d’État du Commonwealth, l’Organisation des Nations Unies et de l’Asie du Sud du Royaume-Uni, a tenu à rappeler que les changements climatiques, les pandémies, la famine, le crime organisé et le terrorisme sont des menaces à la paix et la sécurité internationales qui ne connaissent pas de frontières. Le Ministre a appelé les États Membres à rester fidèles aux principes fondateurs et universels de l'ONU et du Conseil de sécurité, tout en souhaitant la réforme de l’Organisation pour qu’elle devienne plus efficace et plus productive, et naturellement plus transparente. Rappelant que les États respectueux des droits de l’homme et de leurs obligations envers leur peuple sont les plus prospères et les plus résilients, le Ministre a indiqué que le Royaume-Uni continuera de placer la promotion et la protection des droits de l'homme en tête de ses priorités de politique internationale.
En tant que Président de la COP26, prévue en novembre prochain, le Royaume-Uni cherchera à stimuler la coopération internationale et le financement du climat, dans l’intérêt de tous, a indiqué le Ministre, avant de préciser que son pays a promis plus de 15 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. Le Ministre a aussi tenu à souligner la pertinence de sanctions indépendantes, juridiquement solides et soigneusement ciblés, pour punir les auteurs des violations et abus des droits humains et de la corruption. Il a précisé que le Royaume-Uni a appliqué des sanctions contre le « régime syrien » et la « junte birmane », les auteurs de violences sexuelles en Libye ou ceux qui travaillent pour soutenir le programme nucléaire de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC). Nous avons travaillé de concert avec d’autres pour devenir « une force du bien » dans le monde, a dit le Ministre, avant de préciser que le respect des valeurs de la Charte est la clef de « notre réponse efficace et unie aux défis extraordinaires que partagent nos nations ».
M. JEAN-BAPTISTE LEMOYNE, Secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la Francophonie de la France, a promu un multilatéralisme efficace, qui produit des résultats pour surmonter les défis de notre temps. Le droit international, a ajouté M. Lemoyne, offre un cadre d’action au sein duquel l’esprit de coopération est indispensable pour obtenir des résultats. Cette coopération a permis à la diplomatie multilatérale d’obtenir des succès tels que l’accord sur le nucléaire iranien ou l’Accord de Paris sur le climat.
Cet esprit de coopération a parfois manqué au Conseil de sécurité au cours des dernières années, a constaté le Secrétaire d’État, montrant du doigt l’exercice du droit veto « qui a paralysé notre action ». Comment justifier notre impuissance collective à agir face au conflit épouvantable que connaît la Syrie? a-t-il demandé. La France, a-t-il rappelé, porte avec le Mexique une initiative prévoyant un encadrement volontaire et collectif du veto par les membres permanents du Conseil de sécurité en cas d’atrocités de masse.
Dénonçant les critiques ou l’instrumentalisation des organisations internationales pour promouvoir des intérêts nationaux, M. Lemoyne a prévenu que ce n’est pas dans cet esprit que nous souhaitons travailler. Ces organisations, a-t-il insisté, doivent pouvoir accomplir leur travail de manière transparente, rigoureuse et ouverte. Le droit et le respect des bonnes pratiques au sein du système des Nations Unies sont indispensables.
Pour M. Lemoyne, un multilatéralisme efficace, c’est aussi un multilatéralisme inclusif, y compris les femmes dont la participation aux processus politiques facilite des accords plus durables. Lorsque la jeunesse et la société civile sont entendues, les droits de chacun sont mieux défendus. Lorsque nous travaillons main dans la main avec les organisations régionales dans les conditions prévues par le Chapitre VIII de la Charte, nous pouvons proposer des solutions plus adaptées, a-t-il poursuivi, en prenant en exemple l’action de la communauté internationale au Sahel et l’opération IRINI de l’Union européenne qui contribue à la mise en œuvre de l’embargo sur les armes en Libye.
Un multilatéralisme efficace, a indiqué le Secrétaire d’État, c’est également un multilatéralisme qui s’attache à dégager des solutions concrètes aux défis collectifs comme la pandémie de COVID-19. La France qui participe à l’initiative ACT-A, a fait don au Mécanisme COVAX des doses de vaccins acquises pour son propre usage, a-t-il indiqué. Face aux conséquences des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales, la France, a encore rappelé le Secrétaire d’État, a proposé que le Secrétaire général fasse régulièrement rapport au Conseil sur ce sujet précis, afin que nous puissions mettre en place les mesures préventives nécessaires.
Enfin, a conclu M. Lemoyne, le multilatéralisme ne pourra être efficace que s’il sait se réformer. La France est favorable à un élargissement du Conseil de sécurité dans les deux catégories de membres, permanents et non-permanents. Elle soutient les membres du G4 pour l’obtention d’un siège de permanent et une présence accrue de l’Afrique, y compris parmi les permanents. La France s’est engagée pour promouvoir une réforme de l’architecture multilatérale de santé, avec l’OMS en son centre, qui permette de mieux réagir aux crises sanitaires présentes et à venir. La résolution portée par l’Union européenne à la prochaine Assemblée mondiale de la Santé, sur la préparation et la réponse aux urgences sanitaires, constituera à ce titre une étape essentielle de cette réforme, a estimé le Secrétaire d’État.