Cinquante-quatrième session,
2e séance plénière – matin
POP/1099

La Commission de la population et du développement retrouve le consensus et adopte une résolution sur la sécurité alimentaire et la nutrition

La Commission de la population et du développement a achevé, ce matin, sa cinquante-quatrième session en adoptant, pour la première fois depuis 2016 et par consensus, une résolution* sur le thème de la session: « Population, sécurité alimentaire, nutrition et développement durable ».

L’adoption de la résolution montre clairement que la Commission est toujours apte à remplir sa mission qui consiste à suivre la mise en œuvre du Programme d’action du Caire et des objectifs de développement durable pertinents, s’est réjoui son Président.  M. Eric Tiare Yemdaogo du Burkina Faso a salué « le succès » de cette session d’une semaine, tenue dans le contexte de la pandémie de COVID-19, avec des séances d’ouverture et de clôture en présentiel.  C’est virtuellement que la Commission a organisé ses tables rondes, son débat général et ses négociations.

Dans la résolution de neuf pages dont un dispositif de 22 paragraphes, la Commission réaffirme d’abord « le droit souverain » de chaque pays d’appliquer les recommandations du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement ou d’autres propositions formulées, « de manière compatible » avec ses lois nationales et ses priorités, « en respectant pleinement les diverses religions, les valeurs morales et les origines culturelles de son peuple », dans le respect des principes des droits humains universellement reconnus.

La Commission souligne que la promotion de systèmes alimentaires, d’une production agricole et d’une pêche durables, y compris de pratiques agroécologiques et autres approches novatrices, la sécurité alimentaire, la nutrition et la sécurité sanitaire des aliments sont des éléments indispensables pour éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et ses dimensions, y compris la féminisation de la pauvreté. 

La Commission appelle à redoubler d’efforts pour transformer les systèmes alimentaires et les rendre plus durables et plus résilients dans les pays en développement, en mettant en particulier l’accent sur l’agriculture familiale et les petits et moyens exploitants, y compris dans le secteur de la pêche.  Elle demande instamment aux gouvernements de combler l’écart entre les genres en matière d’accès aux moyens de production dans l’agriculture.  Étant donné que les écoliers n’ont plus accès aux cantines scolaires en raison de la pandémie de COVID-19 et des restrictions qui y sont associées, les États Membres sont aussi priés d’atténuer les effets de cette situation, en particulier pour les adolescentes qui, en raison de normes sociales négatives, sont plus susceptibles d’assumer des tâches domestiques, au risque de limiter leur accès à l’apprentissage à distance.

La Commission se félicite que le Secrétaire général ait pris l’initiative d’organiser le Sommet sur les systèmes alimentaires en 2021 dans le cadre de la décennie d’action en faveur des objectifs de développement durable, et attend avec intérêt le prochain sommet « Nutrition pour la croissance » qui doit se tenir à Tokyo en 2021.  En attendant, les États Membres sont priés de promouvoir des politiques économiques, sociales et environnementales propres à parer aux effets néfastes des ralentissements et fléchissements économiques.

Plusieurs délégations ont pris la parole pour saluer le consensus retrouvé au sein de la Commission dont le Maroc qui, au nom du Groupe des États d’Afrique, s’est réjoui de ce que la Commission soit parvenue à ce résultat sous une présidence africaine.  Au nom de l’Union européenne, la France a estimé que ce consensus démontre que « les Nations Unies se soucient des difficultés auxquelles sont confrontées des millions de personnes ».  Elle a aussi salué le fait que le document fasse le lien entre un régime alimentaire sain et les modèles de production et de consommation durables.  Les Philippines ont, quant à elles, salué le fait que le texte mentionne l’impact de la pandémie sur les pays en situation particulière plus vulnérables aux changements climatiques.  Selon le Mexique, il faut désormais que la communauté internationale adopte une transition vers des systèmes alimentaires plus durables, en réduisant l’influence « excessive » des multinationales agroalimentaires.

Des délégations se sont tout de même désolidarisées de certains libellés.  L’Égypte aurait souhaité que soit retirée la référence aux « soins de santé sexuelle et procréative », appuyée en cela par le Guatemala et le l’Iraq.  La Colombie a fait observer que l’expression « droit au développement » n’a pas une acception universelle.  Même son de cloche du côté du Brésil qui s’est dissocié des terminologies « sans définition claire et internationalement agréée », comme « flux financiers illicites », ont ajouté les États-Unis.  Le texte est mis à mal, a commenté le Saint-Siège, par « une terminologie peu claire et polémique » comme le démontre les réactions des différentes délégations.  Il a en profité pour préciser que pour lui, « le genre » s’entend comme l’identité biologique qui différencie hommes et femmes. 

Au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), l’Australie, appuyée par le Royaume-Uni, a déploré le fait que le terme « éducation sexuelle » ait été retiré du texte.  Ce qui est regrettable, a poursuivi la Fédération de Russie, c’est que la résolution n’accorde pas une grande importance à l’appui à la famille.  La Syrie a dit avoir insisté, au cours des négociations, sur la situation spécifique des pays comme elle qui vivent sous occupation.  Elle s’est donc dissociée de certains paragraphes du préambule et du dispositif.  Les accusations portées par le régime syrien, a rétorqué, la Turquie, visent à détourner l’attention des immenses souffrances qu’il fait subir à sa population.  Israël a aussi déploré le fait qu’une délégation ait décidé de « faire entrer la politique dans les négociations sur le texte ». 

La Hongrie a marqué sa désapprobation face à la mention des migrants, réaffirmant que la communauté internationale devrait plutôt aider les pays d’origine à juguler l’émigration clandestine.  Alors que le Qatar insistait sur le fait que la résolution sera mise en œuvre « dans le respect de sa législation nationale », le Nicaragua a rappelé que l’avortement n’est pas considéré chez lui comme une méthode de planification familiale. 

La résolution, a dit en conclusion le Président de la Commission, fournit des orientations générales aux gouvernements nationaux et à la communauté internationale, incite la société civile à se mobiliser pour faire changer les choses et oriente la mise en œuvre des programmes pour les années à venir.  De même, elle envoie un message « retentissant » au forum politique de haut niveau pour le développement durable et autres rencontres internationales sur le rôle « critique » des questions de population dans la sécurité alimentaire, à la nutrition et au développement durable. 

Le Directeur de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales, M. John Wilmoth, a acquiescé, avant que la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population, Mme Natalia Kanem, ne salue un texte « orienté vers l’action » et reflétant l’impact de la COVID-19 et de l’insécurité alimentaire sur les femmes et les filles, ainsi que sur la santé sexuelle et reproductive.  Il faut, a-t-elle estimé, réfléchir aux expériences nationales partagées au cours du débat général de cette semaine et reconnaître l’impact profond de la pandémie sur la mise en œuvre du Programme d’action du Caire et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, dont le « caractère non contraignant » a été souligné par les États-Unis.  Il est temps, a ajouté Mme Kanem, de travailler ensemble pour reconstruire « en mieux, plus fort et plus vert ».  « Des millions et des millions de femmes et de filles attendent toujours que les dirigeants du monde concrétisent leurs promesses. »

La Commission a également adopté l’ordre du jour provisoire** de sa cinquante-cinquième session, prévue en 2022, et qui aura pour thème spécial: « Population et développement durable, en particulier croissance économique soutenue et inclusive ».  Elle a décidé*** que sa session de 2023 aura pour thème spécial: « Population, éducation et développement durable », avant d’adopter son projet de rapport****, présenté par la Rapporteuse, Mme Damla Fidan, de la Turquie.  Après sa séance de clôture, la Commission a tenu la première réunion de sa cinquante-cinquième session pour en élire le Président, M. Enrique A. Manalo (Philippines), et le Vice-Président, M. Andrei Nicolenco (Moldova).

* E/CN.9/2021/L.5
** E/CN.9/2021/L.2
*** E/CN.9/2021/L.4
**** E/CN.9/2021/L.3

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.