En cours au Siège de l'ONU

Cinquante-quatrième session,
1re séance plénière – matin & après-midi
POP/1095

La Commission de la population et du développement ouvre sa session sur le thème « Population, sécurité alimentaire, nutrition et développement durable »

C’est dans une ambiance de COVID-19, avec des intervenants en personne et des vidéos préenregistrées, que la Commission de la population et du développement a ouvert sa cinquante-quatrième session qui s’étale sur une semaine et au cours de laquelle sera débattu le thème de cette année: « Population, sécurité alimentaire, nutrition et développement durable ». 

Le Sommet sur les systèmes alimentaires, prévu en septembre, était présent dans tous les esprits, au démarrage des travaux de la Commission.  La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina J. Mohammed, a misé sur ce sommet dans l’espoir de mettre les systèmes alimentaires en conformité avec les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Ce sera un « sommet des peuples », selon les vœux du Secrétaire général, a précisé son Envoyée spéciale pour le Sommet avant de préciser que nos systèmes alimentaires et leurs chaînes de valeur ont le potentiel de nous aider à reconstruire en mieux et à nous relever de la pandémie de COVID-19.

La pandémie est à l’origine d’un pic de pauvreté et, par conséquent, d’insécurité alimentaire et de dénutrition, des facteurs qui, pendant la grossesse, augmentent le risque d’avoir des bébés de faible poids à la naissance, de dystocie, de naissances prématurées et de décès maternels et néonatals, a expliqué à l’ouverture la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).  Mme Natalia Kanem a ainsi souligné que si la pandémie a été dure pour tout le monde, la COVID-19 est « une crise avec un visage de femme », comme l’avait relevé le Secrétaire général au cours de la session annuelle de la Commission de la condition de la femme. 

Mme Kanem a aussi rappelé que sur tous les continents, que ce soit en situation de développement ou de crise, l’insécurité alimentaire touche davantage les femmes.  C’est forte de ce constat que la Reine mère du Bhoutan a plaidé pour que l’on trouve des solutions au lieu de ressasser les problèmes.  Elle a demandé de mener des initiatives audacieuses et courageuses pour inspirer des actions novatrices de promotion des droits des femmes.  L’immensité de notre défi est de créer un monde dans lequel l’égalité des femmes est garantie, et non « accordée », a-t-elle observé.  Elle a également appelé à ne ménager aucun efforts pour éliminer la violence sexiste, qui est selon elle « l’un des plus grands obstacles au développement pacifique et durable ».

La Vice-Secrétaire générale a salué les améliorations significatives observées en matière de réduction de la pauvreté et de sécurité alimentaire depuis 27 ans, soit depuis la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), tenue au Caire en 1994.  La plupart des intervenants ont d’ailleurs salué ces progrès, même si Mme Mohammed a prévenu que les objectifs de développement durable ne seront pas atteints tant que les femmes, les filles et les jeunes ne pourront pas contrôler leur corps et leur vie, ni vivre une vie sans peur et sans violence.  Il est vrai que près de la moitié des femmes dans les pays où des données sont disponibles n’ont pas le pouvoir de prendre leurs propres décisions quant à l’opportunité d’avoir des relations sexuelles avec leur partenaire, d’utiliser la contraception ou de chercher des soins de santé, note un rapport du FNUAP. 

Dans ce contexte, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a appelé à des mesures et programmes qui aident les couples et les individus à décider librement et de manière responsable du nombre et du moment de la naissance de leurs enfants, pour contribuer ainsi à ralentir la croissance démographique dans les pays à taux de natalité élevés.  Il a appelé à des politiques gouvernementales visant à réduire et éliminer les schémas non viables de production et de consommation. 

La réalisation des 17 objectifs de développement durable (ODD) dépendra de la création de systèmes alimentaires plus sains, plus inclusifs, résilients, équitables et durables, a ajouté le Président du Fonds international de développement agricole (FIDA) en mettant l’accent sur les femmes, les enfants et les hommes du monde rural.  Il a vu trois priorités pour le développement durable: que les systèmes alimentaires créent des moyens de subsistance décents; que l’on reconnaisse la contribution importante de la femme aux systèmes alimentaires; et que l’on investisse dans la jeunesse rurale, car sur 1,2 milliard de jeunes âgés de 15 à 24 ans dans le monde, près d’un milliard vivent dans les pays en développement. 

Même son de cloche du côté de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dont le Directeur général a suggéré d’augmenter la production agricole tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et le stress lié aux ressources naturelles; d’accroître l’automatisation tout en soutenant l’emploi; d’offrir à tous des opportunités de revenus, tout en garantissant des salaires et des conditions de travail décentes; et de tirer parti des mégadonnées, tout en garantissant la propriété collective, l’ouverture et la transparence.  Et comme la COVID-19 a conduit au recul de l’activité économique dans les pays développés et a entraîné une baisse significative de l’aide publique au développement, le Ministre des affaires étrangères du Burkina Faso a jugé important de soutenir les pays en développement en leur apportant une assistance technique qui les aide à relever les immenses défis auxquels ils sont confrontés.  Il a rappelé que nombre de ces pays sont déjà fragilisés du fait des changements climatiques mais aussi des crises sécuritaires et humanitaires. 

Dans la matinée, la Commission a élu Mme Damla Fidan (Turquie) et M. Nizar Kaddouh (Liban) aux vice-présidences, la première étant également élue au poste de rapporteur.  Les autres vice-présidents sont Mme Cristina Popescu (Roumanie) et Mme Mayra Lisseth Sorto (El Salvador), alors que le Président de la session est M. Yemdaogo Eric Tiare (Burkina Faso). 

La Commission a adopté son ordre du jour provisoire* et précisé l’organisation de ses travaux**.  Dans l’après-midi, plusieurs experts du système des Nations Unies ont présenté des rapports dont la Commission est saisie, avant un débat interactif et le lancement du débat général. 

Les travaux se poursuivent demain, mardi 20 avril, à 10 heures, avec une table ronde consacrée au Sommet sur les systèmes alimentaires.

* E/CN.9/2021/1
** E/CN.9/2021/L.1

MESURES POUR LA POURSUITE DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME D’ACTION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT AUX NIVEAUX MONDIAL, RÉGIONAL ET NATIONAL

POPULATION, SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, NUTRITION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

Déclarations liminaires

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a salué les améliorations significatives observées en matière de réduction de la pauvreté et de sécurité alimentaire depuis 27 ans, après la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), tenue au Caire en 1994.  « La mortalité maternelle a diminué d’environ 40% et nous avons assisté à une augmentation continue de l’espérance de vie et à un accès élargi à l’enseignement primaire pour les garçons et les filles », a dit Mme Mohammed avant de se féliciter que les filles et les adolescentes d’aujourd’hui soient moins susceptibles d’être confrontées au mariage précoce et aux mutilations génitales féminines.  Malgré ces progrès, la Vice-Secrétaire générale a prévenu que les objectifs de développement durable ne seront pas atteints tant que les femmes, les filles et les jeunes ne seront pas en mesure de contrôler leur corps et leur vie et de vivre une vie sans peur et sans violence.

Alors que la pandémie de COVID-19 a dévasté les moyens de subsistance, exacerbé les injustices et les inégalités et menacé des décennies de progrès en matière de développement, Mme Mohammed a souligné la pertinence de mettre cette année l’accent sur la sécurité alimentaire et la nutrition pour éliminer la faim et la malnutrition d’ici à 2030.  Notant que l’état nutritionnel des groupes les plus vulnérables est susceptible de se détériorer davantage en raison des impacts sanitaires et socioéconomiques de la pandémie, Mme Mohammed a appelé à l’action afin d’éviter que des centaines de millions d’enfants et d’adultes soient confrontés à la pauvreté et à la faim. 

Par ailleurs, la Vice-Secrétaire générale a indiqué que le système alimentaire mondial contribue aux émissions de gaz à effet de serre, à la dégradation des terres et à la perte de la biodiversité, entre autres atteintes graves à l’environnement et à la santé humaine.  C’est pourquoi elle a appelé à promouvoir des approches durables - grâce à une alimentation équilibrée, une consommation et une production responsables et une répartition plus équitable des revenus et de la nourriture.  Elle a insisté sur le fait que les moyens de subsistance et la santé de 4,5 milliards de personnes sont liés à nos systèmes alimentaires. 

La Vice-Secrétaire générale a souligné l’importance du Sommet sur les systèmes alimentaires prévu plus tard cette année, qui réunira le système des Nations Unies et les principaux dirigeants dans les domaines liés à l’alimentation, afin de mettre les systèmes alimentaires en conformité avec les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Elle a appelé à soutenir l’accent mis par la CIPD sur les droits des femmes, des filles et des jeunes.  Elle a regretté que, malgré les contributions importantes des femmes à la production alimentaire, ces dernières sont confrontées à une prévalence plus élevée de l’insécurité alimentaire que les hommes. 

Mme Mohammed a aussi fait remarquer que la pandémie a exposé les femmes et les filles à un risque plus élevé de violence masculine, y compris de violence domestique, et a limité leur accès aux services de santé sexuelle et reproductive et porté atteinte à leurs droits reproductifs.  Faisant siennes les conclusions du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) montrant que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par la pandémie, Mme Mohammed a appelé à garantir la participation pleine et effective des femmes à la riposte et au relèvement en cas de pandémie et dans tous les autres domaines. 

La pandémie de COVID-19 a ébranlé notre monde en affectant des années entières de progrès dans notre quête légitime de bien-être social et économique pour les populations, a déclaré M. ALPHA BARRY, Ministre des affaires étrangères, de la coopération, de l’intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur.  La pandémie a compromis la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale, sapé les progrès récemment réalisés dans l’objectif d’élimination de la faim d’ici à 2030, perturbé l’exécution des programmes de santé publique et d’alimentation scolaire et mis en péril des programmes nutritionnels de première importance.

Aujourd’hui, dans le monde, a averti le Ministre, près de trois milliards de personnes n’ont plus les moyens de s’alimenter sainement tandis que 10 millions d’enfants supplémentaires pourraient être confrontés à la malnutrition aiguë, avec un doublement du nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë en 2020 par rapport à 2019.  De nombreux pays en développement ont dû faire face à des ruptures des chaînes alimentaires mondiales et au recul de la production agricole.  Et le recul de l’activité économique dans les pays développés a entraîné une baisse significative de l’aide publique au développement, a souligné M. Barry.

Pour faire face à cette situation critique, le Ministre a exhorté la communauté internationale à se mobiliser, afin de trouver des ressources nouvelles additionnelles et provenant de tous les mécanismes de financement existants.  « En cette décennie d’action et de réalisation en faveur du développement durable, nous avons, collectivement, le devoir de redoubler d’efforts pour éradiquer la malnutrition et l’insécurité alimentaire, en adoptant les politiques de population et de développement en phase avec nos priorités concertées et consensuelles. »  En outre, il a jugé important de soutenir les pays en développement en leur apportant l’assistance technique nécessaire pour renforcer leurs capacités et relever les immenses défis auxquels ils sont confrontés, surtout que nombre d’entre eux sont déjà fragilisés du fait des changements climatiques mais aussi des crises sécuritaires et humanitaires. 

En conclusion, M. Barry a espéré que les débats qui suivront les quatre tables rondes de haut niveau permettront de revisiter le chemin parcouru, se disant « convaincu que des idées nouvelles éclaireront nos modes de production et de consommation », et mettront l’accent sur la préservation de l’environnement et du climat ainsi que la restauration des terres et des écosystèmes dégradés. 

La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), Mme NATALIA KANEM, a rappelé que le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) appelait à prendre des mesures « pour renforcer les politiques et programmes alimentaires, nutritionnels et agricoles […] en accordant une attention particulière à la création et au renforcement de la sécurité alimentaire à tous les niveaux ».  En observant le thème de cette année, nous devons nous rappeler que sur tous les continents, que ce soit en situation de développement ou de crise, la prévalence de l’insécurité alimentaire est plus élevée chez les femmes, a-t-elle noté.  Au sein des ménages, ce sont souvent les femmes et les filles qui mangent en dernier et le moins.  Lorsqu’elles sont enceintes ou allaitantes, cela est synonyme de désastre pour la mère et le nouveau-né.  Maintenant, ce qui était déjà mauvais a été aggravé par la COVID-19.  En effet, la pandémie est à l’origine d’un pic de pauvreté et, par conséquent, d’insécurité alimentaire et de dénutrition, des facteurs qui, pendant la grossesse, augmentent le risque d’avoir des bébés de faible poids à la naissance, de dystocie, de naissances prématurées et de décès maternels et néonatals. 

La Directrice exécutive a affirmé que les programmes de nutrition comptent parmi les interventions les plus rentables pour la santé tout au long de la vie.  La mise en œuvre de ces programmes doit donc se poursuivre, avec ou sans pandémie, afin de garantir que les femmes et les enfants du monde entier survivent et prospèrent.  Elle a relevé que si la pandémie a été dure pour tout le monde, la COVID-19 est « une crise avec un visage de femme ».  On assiste donc à une recrudescence de la violence sexiste, du mariage des enfants, de la grossesse chez les adolescentes et de nombreuses barrières érigées pour les services de protection de la santé sexuelle et reproductive.  De même, la pénurie alimentaire et les restrictions de mouvement exposent les femmes et les filles à un risque plus élevé de violence, de relations sexuelles transactionnelles et d’autres formes d’exploitation et d’abus sexuels. 

Parmi les nombreux obstacles qui bloquent encore le chemin des femmes vers l’égalité, l’un des plus omniprésents est le manque d’autonomie corporelle, a déploré Mme Kanem, précisant que cette question est examinée dans le rapport sur l’état de la population mondiale 2021 de l’UNFPA.  Intitulé « Mon corps est le mien: revendiquer le droit à l’autonomie et à l’autodétermination », il montre que près de la moitié des femmes dans les pays où des données sont disponibles n’ont pas le pouvoir de prendre leurs propres décisions quant à l’opportunité d’avoir des relations sexuelles avec leur partenaire, d’utiliser la contraception ou de chercher des soins de santé.  Après un an de COVID-19, on constate comment la pandémie a exacerbé les obstacles existants qui empêchent les femmes d’exercer ces choix.  Pourtant, nous savons que lorsqu’une femme est capable de prendre ses propres décisions concernant son propre corps, elle peut prospérer, tout comme sa famille, a-t-elle indiqué.

Mme Kanem a souligné que le Sommet de Nairobi sur la CIPD25 en 2019 a revigoré le mouvement enclenché au Caire en mobilisant la volonté politique pour accélérer la réalisation du Programme d’action de la CIPD et des objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030.  Elle s’est dite encouragée de constater des progrès, en dépit des défis posés par la COVID-19, dans la réalisation des engagements de Nairobi, preuve que le monde est sérieux dans la réalisation de ce programme de transformation pour les femmes et les filles.  La Directrice exécutive du FNUAP a conclu en demandant à la communauté internationale de se réengager pour « un monde sans faim, où les gens jouissent d’une bonne santé et vivent sans discrimination ni peur ». 

M. QU DONGYU, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a souligné que le thème du rapport du Secrétaire général est au cœur de la mission de la FAO et qu’il est essentiel pour la réalisation du Programme 2030.  Les systèmes agroalimentaires sont au cœur du développement durable, a-t-il insisté.  Leur transformation est décisive pour relever le défi sans précédent de nourrir près de 10 milliards de personnes d’ici à 2050. 

« Un système basé sur le statu quo n’est plus une solution », a averti M. Qu.  Cela entraînerait, selon lui, des niveaux inacceptables de sous-alimentation, de malnutrition et une nouvelle dégradation de l’environnement.  Il a donc préconisé de prendre des mesures concrètes pour atteindre simultanément les nombreux objectifs énoncés dans le Programme 2030.  Cela signifie « minimiser les compromis »: augmenter la production agricole tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et le stress lié aux ressources naturelles; accroître l’automatisation tout en soutenant l’emploi; offrir à tous des opportunités de revenus, tout en garantissant des salaires et des conditions de travail décentes; tirer parti des mégadonnées, tout en garantissant la propriété collective, l’ouverture et la transparence. 

M. Qu a notamment appelé la communauté internationale à favoriser des modes de consommation et de production « responsables » pour alléger la pression sur les écosystèmes, réduire les émissions de gaz à effet de serre et atténuer les changements climatiques.  Il a encouragé le développement de technologies agricoles durables et abordables.  Pour le Directeur général de la FAO, il faut également veiller à ce que les règles commerciales des produits alimentaires et agricoles prennent en compte les impacts sociaux et environnementaux.  Il a encore proposé de soutenir la recherche pour identifier les meilleures pratiques pour améliorer la nutrition, y compris les interventions pour lutter contre l’obésité. 

M. GILBERT HOUNGBO, Président du Fonds international de développement agricole (FIDA), a mis l’accent sur les femmes, les enfants et les hommes du monde rural, qui représentent 3,4 milliards de personnes, en rappelant que 80% de la population la plus pauvre du monde et la plupart des personnes souffrant de la faim chronique vivent dans les zones rurales des pays en développement.  Le Président du FIDA a mis l’accent sur la valeur ajoutée des petits exploitants agricoles, épine dorsale de l’approvisionnement alimentaire dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui produisent environ la moitié des calories alimentaires du monde sur 30% des terres.  Notant que les populations rurales, leurs activités économiques et les systèmes alimentaires, dont nous dépendons tous, sont particulièrement vulnérables aux impacts des changements climatiques, M. Houngbo a appelé à investir dans l’agriculture pour créer des emplois à la ferme, et aider les agriculteurs à s’adapter aux changements climatiques, à générer des emplois dans des domaines comme la transformation des aliments, leur transport et leur commercialisation.  Il a appelé à investir pour promouvoir des économies rurales plus diversifiées et plus dynamiques, avec des populations plus résilientes. 

Par ailleurs, le Président du FIDA a estimé que la réalisation des 17 objectifs de développement durable (ODD) dépendra de la création de systèmes alimentaires plus sains, plus inclusifs, résilients, équitables et durables.  Dans ce contexte, il a mis l’accent sur trois priorités dans l’intérêt du développement durable.  Il a d’abord jugé impératif que les systèmes alimentaires puissent créer des moyens de subsistance décents - en particulier pour les petits agriculteurs et ceux qui sont impliqués dans la transformation, le stockage et la commercialisation des aliments. 

Ensuite, il a appelé à reconnaître la contribution importante de la femme aux systèmes alimentaires et souligné que les femmes rurales sont moins bien loties que les hommes ruraux.  « Nous devons défendre l’autonomisation des femmes et veiller à ce que les femmes rurales aient un accès égal aux ressources et au financement, ainsi qu’aux droits à leurs terres », a insisté le Président du FIDA avant d’appeler aussi à lutter contre la marginalisation des peuples autochtones et des personnes handicapées. 

Enfin, il a appelé à se tourner vers l’avenir et à investir dans la jeunesse rurale, en notant que sur 1,2 milliard de jeunes âgés de 15 à 24 ans dans le monde, près d’un milliard vivent dans les pays en développement.  « Et deux tiers de ces jeunes vivent dans des zones rurales à fort potentiel agricole », a-t-il précisé avant de rappeler que l’agriculture devrait rester la principale source d’emplois en Afrique dans un avenir proche.  Il a insisté sur le fait que les économies rurales peuvent offrir des opportunités entrepreneuriales aux jeunes, leur permettant d’être un moteur de croissance tout en contribuant à une meilleure sécurité alimentaire et nutritionnelle. 

Donnant lecture de la déclaration de M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. ELLIOTT HARRIS, Sous-Secrétaire général chargé du développement économique et Économiste en chef, a rappelé que la Commission de la population et du développement est chargée de conseiller le Conseil économique et social (ECOSOC) sur les questions de population, pour promouvoir une approche du développement durable axée sur les personnes et fondée sur les droits. 

Il a salué l’accent mis cette année sur la population, la sécurité alimentaire, la nutrition et le développement durable.  La crainte de voir la production alimentaire ne pas pouvoir suivre le rythme de la croissance démographique mondiale a été une préoccupation récurrente au cours des deux derniers siècles, a-t-il noté.  Même si la croissance de la production agricole dans le monde a constamment dépassé l’augmentation de la population, M. Zhenmin s’est inquiété des énormes pertes et gaspillages alimentaires, d’une mortalité prématurée et d’une vulnérabilité accrue aux maladies chroniques et infectieuses liée à une mauvaise alimentation.  « Les systèmes alimentaires donnent lieu à de vastes inégalités, comme en témoigne la persistance de la faim et de l’insécurité alimentaire pour des centaines de millions de personnes », a noté M. Zhenmin avant de s’inquiéter des menaces que fait peser la pandémie de COVID-19 sur les chances d’éliminer la faim et sur toutes les formes de malnutrition, et par conséquent sur l’objectif de parvenir à des systèmes de production alimentaire durables d’ici à 2030.

Le Secrétaire général adjoint a misé sur la poursuite de la mise en œuvre du Programme d’action, adopté en 1994 à la CIPD, estimant qu’elle peut apporter une contribution importante à la sécurité alimentaire et à l’amélioration de la nutrition.  Il a appelé à des mesures et programmes qui aident les couples et les individus à décider librement et de manière responsable du nombre et du moment de la naissance de leurs enfants, pour contribuer ainsi à ralentir la croissance démographique dans les pays à taux de natalité élevés.  Il a appelé à des politiques gouvernementales visant à réduire et éliminer les schémas non viables de production et de consommation.  Il a souhaité que les travaux de cette commission apportent une contribution significative au prochain sommet sur les systèmes alimentaires.

Mme AGNES KALIBATA, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Sommet sur les systèmes alimentaires, a rappelé que le Secrétaire général a lancé ce sommet « pour catalyser l’action et nous remettre sur les rails ».  La principale priorité du Sommet est de mettre en œuvre le Programme 2030, tout en abordant la façon dont nous produisons, traitons et consommons les aliments et l’impact que tout cela aurait sur les personnes, la planète et la prospérité.  Aujourd’hui, a résumé Mme Kalibata, notre objectif est de comprendre la relation entre la population, la sécurité alimentaire et nutritionnelle et le développement durable.

L’Envoyée spéciale du Secrétaire général a invité les délégués à garder quelques points à l’esprit.  Tout d’abord, il existe des preuves scientifiques suffisantes que la transformation de nos systèmes alimentaires est l’un des moyens les plus efficaces pour accélérer la réalisation des ODD.  Ensuite, les personnes sont au centre des cinq pistes d’action de nos systèmes alimentaires, qu’il s’agisse de l’accès à des aliments sains et nutritifs, d’une consommation durable, d’une production positive pour la nature, de moyens de subsistance équitables et du renforcement de la résilience, compte tenu notamment des changements climatiques, a poursuivi Mme Kalibata.  Ce sont ces personnes, a-t-elle expliqué, qui détermineront ce qui doit être fait, les changements nécessaires, les décisions à prendre. 

C’est pourquoi le Secrétaire général envisage le Sommet sur les systèmes alimentaires comme un « sommet des peuples », a conclu l’Envoyée spéciale.  Toutes les parties prenantes sont invitées à s’engager dans le cadre de dialogues nationaux qui se déroulent actuellement dans le monde entier.  Nos systèmes alimentaires et leurs chaînes de valeur ont le potentiel de nous aider à reconstruire en mieux et à nous relever de la pandémie de COVID-19, a promis Mme Kalibata.

Discours d’ouverture

Le discours d’orientation de la session a été fait par Sa Majesté GYALYUM SANGAY CHODEN WANGCHUCK, Reine mère du Bhoutan, ambassadrice de bonne volonté du FNUAP et lauréate du Prix des Nations Unies en matière de population pour 2020.  Elle a salué les initiatives mondiales visant à faire progresser les droits des femmes afin de promouvoir leur développement social et économique, soulignant qu’elles ont donné des résultats significatifs depuis la CIPD.  Elle a cité notamment la mortalité maternelle qui a chuté de près de moitié, ainsi que l’utilisation des contraceptifs qui est plus élevée qu’elle ne l’a jamais été.  L’élargissement de l’accès à la thérapie antirétrovirale et la diminution de l’incidence des infections à VIH ont considérablement réduit le nombre de décès liés au VIH, a-t-elle aussi noté avant de souligner par ailleurs que l’introduction des vaccins contre le papillomavirus humain a permis de réduire les souffrances causées par le cancer du col de l’utérus.  En outre, l’écart mondial entre les sexes dans l’éducation s’est rétréci, les femmes se hissent au sommet de leur domaine et leur participation politique dans le monde continue de croître. 

Alors que nous célébrons ces réalisations, nous devons reconnaître les défis qui subsistent, a dit la Reine mère.  Elle a relevé que trop de femmes et de filles dans le monde sont encore marginalisées, vivent au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté, avec beaucoup trop peu de contrôle sur leur santé et leurs choix en matière de procréation.  De même, la mortalité maternelle reste l’une des principales causes de décès et d’inégalité entre les sexes, tandis que les droits des femmes demeurent un problème mondial.  La pandémie de COVID-19 a en outre aggravé et perpétué les inégalités et les vulnérabilités pour les femmes et les filles, mettant en évidence les lacunes des politiques et des systèmes, a-t-elle diagnostiqué.  La mise en œuvre des confinements a intensifié la violence domestique, l’exploitation sexuelle et les grossesses chez les adolescentes.  Les systèmes de soins de santé ne sont pas parvenus à fournir des services maternels et néonatals fiables.  En outre, les pertes d’emplois, la précarité de la situation économique, la pénurie alimentaire, l’augmentation du travail domestique, le stress parental et les possibilités limitées de demander de l’aide ont conduit à de moins bons résultats en matière de santé mentale chez les femmes et les filles.  Les impacts socioéconomiques déclenchés par la pandémie de COVID-19 illustrent clairement les liens entre toutes les préoccupations de développement liées aux femmes, a-t-elle constaté. 

Pour changer la dynamique d’ici à 2030, nous devons aller au-delà des efforts de comptage, de quantification et d’évaluation, a recommandé la Reine mère du Bhoutan.  Selon elle, ce n’est plus le moment de se demander s’il y a un problème, mais le moment de trouver des solutions.  Elle a plaidé pour que soient menées des initiatives audacieuses et courageuses pour inspirer des actions novatrices de promotion des droits des femmes.  « L’immensité de notre défi est de créer un monde dans lequel l’égalité des femmes est garantie et non accordée », a-t-elle observé. 

La Reine mère du Bhoutan a témoigné que l’élan créé par la CIPD avait profondément influencé le développement de son pays.  « Notre engagement à fournir un accès universel aux services de santé sexuelle et reproductive et à faire progresser les droits et les choix des femmes et des filles a entraîné des changements importants et des impacts visibles. »  Elle a aussi salué le fait qu’aujourd’hui, les femmes et filles du Bhoutan sont en meilleure santé, mieux équipées pour planifier leur famille et vivent plus longtemps.  Nous avons atteint la parité entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire et l’alphabétisation des femmes s’est également améliorée, s’est-elle félicitée en indiquant également que les perceptions des rôles de genre changent rapidement.  Ainsi, davantage de femmes participent activement aux programmes sociaux et de développement et assument des rôles de direction.  La Reine mère a rappelé la philosophie de développement du bonheur national brut qui est au centre de toutes les politiques et programmes du Bhoutan, en soulignant que cet indice s’efforce d’inclure chaque femme, homme et enfant dans le processus de développement où le bonheur du peuple doit être la mesure globale du progrès d’une nation, la croissance économique n’étant qu’un des moyens d’y parvenir. 

Malgré ces progrès considérables, la Reine mère a admis qu’il reste encore beaucoup à faire.  L’accès à des services de santé de qualité qui répondent aux préoccupations sexuelles et reproductives des femmes et des filles nécessite une plus grande attention car il a un impact sur tous les aspects de leur vie.  Les femmes des zones rurales, en particulier, sont confrontées à des vulnérabilités et n’ont pas la possibilité d’accéder à des services de santé complets.  En outre, le pays est de plus en plus confronté à des défis émergents pour les jeunes.  Les besoins non satisfaits en matière de contraception moderne sont élevés chez les adolescents.  Un tiers de toutes les infections à VIH sont signalées chez les 15 à 24 ans et les connaissances approfondies sur le VIH/sida restent faibles dans ce groupe d’âge.  La violence sexiste reste omniprésente au Bhoutan comme dans le monde entier, a aussi reconnu la Reine mère.  « Je pense que c’est l’un des plus grands obstacles au développement pacifique et durable. »  Elle a assuré qu’aucun effort ne doit être épargné pour éliminer ce mal. 

Au sujet du thème de la présente session de la Commission, la Reine mère a déclaré que sans action urgente, des centaines de millions de gens seront confrontés à la pauvreté et à la faim.  Elle a rappelé que le manque d’accès à des aliments nutritifs aura des conséquences à vie sur la santé et le développement des enfants, des mères enceintes et allaitantes, ainsi que des familles les plus vulnérables et à faible revenu. 

Le Bhoutan n’a pas été complètement à l’abri des effets tragiques de la pandémie, a-t-elle indiqué.  Grâce à un leadership dynamique et compatissant, notre petit pays sans littoral a réussi à traverser la pandémie relativement indemne jusqu’à présent, s’est-elle enorgueillie.  Une préparation agressive et précoce, associée à un système de santé qui fonctionne bien, à des agents de première ligne engagés et à une communication ouverte, honnête et transparente, ont permis au pays d’agir rapidement et avec détermination, a-t-elle expliqué.  Le Bhoutan a déployé avec succès la première dose de vaccins contre la COVID-19 à plus de 60% de sa population, avec l’aide de l’Inde.  Il est impératif de s’assurer que les vaccins soient reconnus comme des biens publics mondiaux et qu’ils soient équitablement accessibles à tous les pays, a-t-elle prôné. 

Table ronde d’experts, suivie d’un débat interactif (E/CN.9/2021/2, E/CN.9/2021/3, E/CN.9/2021/4)

Les rapports du Secrétaire général sur le thème à l’ordre du jour fournissent une mine d’informations sur les relations entre les sujets « population, sécurité alimentaire, nutrition et développement durable », a relevé la modératrice du débat d’experts, Mme MAYRA LISSETH SORTO (El Salvador).  Deux rapports analysent l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la sécurité alimentaire et la nutrition, ainsi que la mise en œuvre des programmes liés au Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD).  Un troisième rapport fait le point sur les flux de ressources financières devant concourir à la poursuite de l’application du Programme d’action. 

Donnant rapidement la parole aux experts, la modératrice leur a lancé une première série de questions.  Elle a adressé la première à Mme CHERYL SAWYER, spécialiste des questions de population au Département des affaires économiques et sociales (DESA): quelles sont les principales interrelations entre les tendances démographiques, la santé de la population et la sécurité alimentaire, la nutrition et le développement durable dont il est question dans le rapport?  Mme Sawyer a reconnu que la population va continuer à augmenter de façon importante d’ici à 2050, notamment en Afrique subsaharienne.  À l’échelle mondiale, a-t-elle aussi noté, diverses formes de malnutrition se combinent.  Ainsi, 20% des enfants de moins de 5 ans souffrent de retard de croissance, tandis que 39% des adultes sont en surpoids ou obèses.  Les régimes alimentaires malsains sont l’une des principales causes de malnutrition et de morbidité, a expliqué Mme Sawyer en relevant que l’augmentation des revenus et l’urbanisation sont deux facteurs importants qui expliquent les changements récemment observés dans les régimes alimentaires.  Les personnes âgées elles-mêmes font face à des risques de maladies non transmissibles et nous ne pouvons pas continuer à promouvoir les tendances actuelles de production et de consommation pour une population en augmentation, a averti Mme Sawyer.

Les projections sur l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture mentionnées dans le rapport du Secrétaire général montrent qu’un scénario de « continuité » conduirait à une augmentation de la faim et d’autres formes de malnutrition d’ici à 2050.  Quels sont les principaux changements nécessaires pour éliminer la faim et promouvoir la durabilité? a demandé la modératrice à M. LORENZO GIOVANNI BELLU, économiste principal à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Pour produire davantage et répondre aux besoins d’une population mondiale en augmentation, M. Bellu a proposé de combiner science et connaissances autochtones traditionnelles.  Il s’agit, a-t-il argué, de mettre un terme à la dégradation des sols et de « produire suffisamment pour tous », en réduisant les gaspillages.  Il s’agit également de trouver un équilibre entre les arbitrages pour redistribuer les revenus réels entre les pays et en leur sein, et de promouvoir des services de haute qualité pour améliorer le potentiel d’apprentissage, tout en conservant la valeur ajoutée au niveau local.  À ces recommandations, l’expert a ajouté celles de décourager la concentration de donnés dans les grandes plateformes et de garantir une rémunération équitable et des conditions de travail décentes.  « Il faut s’orienter vers la durabilité du monde. »

À la question de savoir quels sont les principaux impacts de la pandémie de COVID-19 sur la sécurité alimentaire et la nutrition, et qui sont les plus touchés, M. SANDILE SIMELANE, spécialiste technique au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a répondu qu’il faudra des années avant de pleinement comprendre l’impact de la pandémie sur les programmes de mise en œuvre du Programme d’action de la CIPD.  La pandémie a affecté tous les piliers de la sécurité alimentaire, augmenté la pauvreté et sapé des programmes essentiels, ce qui devrait aboutir à une augmentation du nombre de personnes souffrant de toutes les formes de malnutrition, notamment maternelle et infantile.  « La pandémie nous a rappelé les grandes inégalités multidimensionnelles à travers le monde », a déploré M. Simelane.  Elle a relevé que la COVID-19 a particulièrement affecté les femmes enceintes et allaitantes, les filles poussées dans des mariages précoces, les femmes victimes de violences conjugales, les travailleurs migrants et faiblement rémunérés du secteur informel, ou encore les écoliers. 

À ce sujet, la modératrice a demandé à Mme CARMEN BURBANO, Directrice des programmes scolaires au Programme alimentaire mondial (PAM), de commenter l’impact de la COVID-19 sur l’alimentation scolaire et la nutrition des enfants.  Elle a aussi demandé: comment la pandémie a-t-elle affecté la sécurité alimentaire et la nutrition dans les situations d’urgence humanitaire?  Depuis début 2020, a signalé Mme Burbano, les écoliers n’ont pas eu accès aux repas scolaires dont ils ont tant besoin.  Ce sont environ 380 millions d’enfants qui prenaient un repas à l’école chaque jour.  « Une tragédie. »  Au plus fort de la crise, 90% des écoliers n’allaient pas à l’école.  Heureusement, en juin dernier, 75% des pays où travaille le PAM, comme l’Inde ou le Nigéria, ont adopté des programmes alternatifs qui ont permis de fournir aux enfants des repas chez eux.  Mais dans les pays à faible revenu, la faim a augmenté avec le taux de déscolarisation, notamment des filles.  Au moment où commencent à rouvrir les établissements scolaires, l’experte a donc recommandé aux gouvernements de donner la priorité, dans leurs investissements, aux programmes destinés aux écoliers.

Sur les tendances mondiales du financement du développement, M. MICHAEL HERRMANN, conseiller principal au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a expliqué qu’il ne voyait pas encore les retombées de la COVID-19 sur les flux d’aide car les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ne sont pas encore disponibles pour 2020.  L’aide au développement, a-t-il rappelé, a atteint des records en 2018 et 2019.  Toutefois, il est probable qu’il y aura une nouvelle diminution de l’aide parce que la plupart des pays les plus riches connaissent une récession, et qu’ils pourraient revoir la façon dont ils distribuent leur aide.  Les pays les moins avancés (PMA) sont les plus durement touchés avec des crises alimentaires à répétition et une productivité agricole assez faible, a fait remarquer l’expert qui a souligné l’importance de contribuer au développement du secteur agricole en plus de la gestion des crises. 

Les experts ont répondu à une deuxième série de questions sur les liens qui existent entre le Programme d’action de la CIPD et la sécurité alimentaire, ainsi que sur les engagements financiers en vue de la mise en œuvre dudit programme.

Interrogé sur les moyens d’atténuer les conséquences négatives de l’urbanisation pour les moyens de subsistance en milieu rural, l’économiste de la FAO, M. Bellu, a insisté sur l’importance d’une bonne résilience des chaînes de valeur locales.  La pandémie a en effet montré l’importance de systèmes d’approvisionnement alimentaires locaux solides, a-t-il relevé.  Il a ensuite plaidé pour une accélération de la décarbonisation des économies, en commençant idéalement par les pays qui ont des émissions très importantes mais aussi les moyens de changer de technologie.  C’est à son avis le seul moyen pour remédier aux conséquences de long terme des changements climatiques et favoriser les zones rurales.  Enfin, il a appelé les gouvernements à faire en sorte que les règles commerciales applicables à la production agroalimentaire prennent en considération ses conséquences sociales et environnementales.  « Il fait empêcher la concurrence déloyale à l’encontre de pays qui ont choisi des normes plus rigoureuses. »

Commentant les obstacles qui pèsent sur les moyens de subsistance des femmes, des jeunes et des personnes âgées en milieu rural, et l’incidence de la pandémie qui s’y ajoute, l’experte du DESA, Mme Sawyer, a tout d’abord rappelé que les femmes constituent 37% de la main d’œuvre agricole mondiale, et même 48% dans les pays à faible revenu.  Les femmes font face à des désavantages dans l’accès à la terre, au bétail ou encore aux services financiers, a-t-elle fait observer en soulignant aussi que la pandémie a aggravé la charge de travail des femmes, avec notamment la fermeture des écoles.  En ce qui concerne les jeunes, elle a noté qu’ils ont trois fois plus de chance d’être au chômage en milieu rural que les adultes, ce qui les pousse à migrer vers les villes ou vers l’étranger.  Enfin, elle a souligné le vieillissement de la main d’œuvre agricole en Afrique et en Asie et l’importance pour les personnes âgées d’avoir accès aux technologies et ressources productives.

Le spécialiste du FNUAP, M. Simelane, a ensuite répondu à une question sur les actions à entreprendre pour réaliser les promesses du Caire et les objectifs du Programme 2030 en ce qui concerne l’alimentation.  Il a ainsi souligné l’importance d’une alimentation adéquate lors des 1 000 premiers jours de la croissance d’un enfant, allant du début de la grossesse jusqu’à ses 24 mois.  Il a également insisté sur l’importance de l’allaitement au cours des six premiers mois d’un bébé.  Il a ensuite préconisé l’apport de vitamine A pour les enfants âgés de 6 à 59 mois, de fer et d’acide folique pour les adolescentes, avant de réclamer des programmes nutritionnels dans les écoles.  Enfin, il a défendu des politiques promouvant une agriculture durable et remédiant aux pertes en cultures.

Interrogé sur les flux d’aide pour les soins de santé sexuelle et reproductive, le conseiller du FNUAP, M. Herrmann, a déclaré que ladite aide n’est pas suffisante.  En 2018, chaque femme en âge de reproduction a reçu 6,57 dollars d’aide privée et publique dans les pays en développement, soit une baisse de 0,62 cents par rapport à 2017.  « Cela n’est pas suffisant pour faire face aux besoins. »  Les ressources financières étant plus rares, il a prévenu que le défi d’atteindre le Programme d’action de la CIPD et le Programme 2030 est encore plus aigu.

La Directrice des programmes scolaires du PAM, Mme Burbano, a répondu à une question sur les actions à entreprendre pour renforcer la sécurité alimentaire.  Elle a souligné que l’insécurité alimentaire la plus aiguë se fait ressentir en temps de crise humanitaire et a demandé, dans de tels cas, l’apport d’une aide nutritionnelle d’urgence.  La famine, découlant des conflits, des chocs climatiques et de la « pandémie de faim » engendrée par la pandémie, pourrait devenir une réalité pour des millions de personnes dans le monde, a-t-elle redouté.  Au Yémen, au Soudan du Sud, au Burkina Faso et au Nigéria, 155 000 personnes courent un risque direct de famine.  Enfin, elle a rappelé que les femmes et filles souffrent plus de la faim que les hommes en temps de crise.  Dix millions de filles pourraient être définitivement privées d’école à la fin de la pandémie, alors que les programmes nutritionnels à l’école sont des plus importants.

À la fin de cette table ronde, les experts ont repris la parole pour en tirer leurs conclusions.  Mme Sawyer du DESA a insisté sur l’importance de la durabilité des modes de production et de consommation.  C’est un élément crucial si l’on veut pouvoir remplir les besoins alimentaires d’une population mondiale en pleine croissance, a renchéri M. Hermann du FNUAP, avant de plaider pour que soit allouée l’aide nécessaire à l’établissement de tels systèmes.  Confirmant qu’il faut faire avancer les systèmes alimentaires vers la durabilité, M. Bellu de la FAO a attiré l’attention sur le scénario actuel qui laisse malheureusement voir la montée des inégalités entre nations et une consommation non responsable, notamment dans les pays riches.  Cette réalité a fait dire à M. Simelane du FNUAP que le monde ne peut avancer si une partie de la population est laissée à la traîne.  Enfin, Mme Burbano du PAM a demandé d’investir dans des programmes alimentaires scolaires et de renforcer les filets de sécurité pour les enfants, à toutes les étapes de leur développement.  Selon elle, il est crucial d’agir de manière transversale et de faire tomber les silos.

Débat général

S’inquiétant des menaces posées par la faim dans le monde et aggravées par la pandémie de COVID-19, le Danemark, au nom des pays nordiques, a jugé essentiel d’autonomiser les jeunes grâce à un accès renforcé aux ressources, notamment dans les zones rurales.  Il s’agit de créer des emplois décents pour tous, en particulier pour les femmes et les filles qui sont les plus touchées par l’insécurité alimentaire, a-t-il ajouté.  « Nous devons changer cette réalité » et leur garantir l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive.  Les pays nordiques insistent en outre sur l’importance d’établir des systèmes alimentaires résilients face aux changements climatiques.  Dans la foulée, la Finlande a insisté sur la santé, le bien-être et l’épanouissement des femmes et des adolescentes qui doivent être « en mesure de contrôler et de décider si elles veulent avoir des enfants, combien et à quel moment ».  Le prochain Sommet sur les systèmes alimentaires sera une occasion de veiller à ce que ces aspects soient pris en compte. 

Préoccupée par l’état de la sécurité alimentaire en Afrique, qui a empiré avec la pandémie, la République du Congo, au nom du Groupe des États d’Afrique, a redouté les nouvelles prévisions de la FAO sur la prévalence de la sous-nutrition, notamment infantile, sur le continent.  Il faut « une vague de solidarité » pour lutter contre ce fléau et renforcer l’agriculture durable avec toutes les parties prenantes pertinentes, a lancé le Groupe qui a aussi souligné la contribution essentielle des femmes rurales à la réalisation de la sécurité alimentaire.  Or, dans le contexte de la pandémie, les femmes et les filles risquent de souffrir davantage de la violence sexiste d’où l’importance de renforcer leur autonomie.  L’adaptation aux changements climatiques et la transition vers des énergies durables font, tout comme la lutte contre la faim, partie des priorités de l’Afrique.

D’autres États africains ont fait part de leurs actions et recommandations, tels la Zambie et le Kenya.  Comme la population kényane a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années, le Gouvernement s’efforce de réaliser la santé alimentaire et nutritive d’ici à 2022.  Le pays lutte contre la malnutrition chronique et les maladies non transmissibles liées aux régimes alimentaires, le surpoids et l’obésité étant plus marqués chez les femmes.  De plus, le Kenya met en œuvre une approche intégrée pour promouvoir l’expansion de l’accès des ménages aux services des soins de santé reproductive. 

Pour l’Afrique du Sud également, il est évident que la pandémie a approfondi les inégalités avec des effets disproportionnés sur les groupes pauvres et vulnérables.  Il faut adopter des mesures et des partenariats novateurs multilatéraux pour alimenter les systèmes alimentaires mondiaux et assurer la sûreté et le bien-être de tous.  « La souveraineté nutritive et alimentaire de l’Afrique du Sud est sous-tendue par sa constitution postapartheid. »  Dans le cadre d’un pacte social, le Gouvernement sud-africain met l’accent sur des innovations agricoles durables, l’éducation à la santé et la réforme foncière, notamment en faveur des femmes.  Pour faire face à la COVID-19, il a investi 26 milliards de dollars dans son économie et mis en place un système de « bourses de secours social » dans divers secteurs dont le développement rural. 

Pour la Turquie, il est indispensable de renforcer la durabilité des systèmes alimentaires.  Avec la campagne « Save your food », le pays lutte contre les gaspillages en la matière.  Depuis le début de la pandémie, il a pris des mesures pour limiter son impact négatif sur la chaîne alimentaire.  Mais la Turquie a « durement ressenti le fardeau des migrations » tout en s’efforçant de garantir la sécurité alimentaire pour tous.  Pour sa part, la Mongolie a indiqué avoir fait des efforts constants pour mettre en œuvre sa propre vision 2050 en plus des ODD avec un cadre législatif complet sur la sécurité alimentaire.  Pour lutter contre les effets négatifs de la COVID-19, les indemnités destinées aux enfants ont par exemple été multipliées par cinq jusqu’en juillet prochain. 

En Inde aussi, un large éventail de programmes nationaux existe pour combattre la malnutrition.  Le pays se fonde sur une loi de 2013 sur la sécurité alimentaire pour fournir des aliments nutritifs aux femmes et aux enfants.  Face à la pandémie, des mesures concertées ont été prises pour que les services dans ce domaine ne soient pas compromis et que les groupes vulnérables reçoivent l’appui dont ils ont besoin pendant cette période sans précédent.  Un plan de relance économique a été lancé pour aider les petites entreprises dans le secteur agricole et alimentaire, la priorité allant à l’autonomisation des femmes et des filles. 

Enfin, en Amérique latine, le Pérou a rappelé avoir adopté une politique d’égalité nationale des sexes.  Avec la pandémie malheureusement, la mortalité maternelle a augmenté de 25%, et 30% des femmes enceintes et allaitantes font face à des problèmes d’anémie et d’obésité.  Le Gouvernement a mis à contribution des services de lutte de la violence contre les femmes pour renforcer leur accès à des soins de santé primaire, dont des moyens de contraception. 

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