Soixante-cinquième session,
1re séance plénière – matin & après-midi
FEM/2204

La Commission de la condition de la femme ouvre sa session annuelle, marquée par la COVID-19, « une crise avec un visage de femme »

« La pandémie a offert aux hommes une occasion de plus d’accaparer la prise de décisions », a déploré, ce matin, le Secrétaire général à l’ouverture des travaux la Commission de la condition de la femme.  Pour la seconde année de suite, l’ombre de la COVID-19, « une crise avec un visage de femme », plane sur ces assises dont le thème prioritaire porte sur la participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique et l’élimination de la violence.

Dans son allocution, le Secrétaire général a déploré que les femmes restent largement exclues de l’exercice des plus hautes responsabilités, relevant qu’elles ne comptent que pour un quart des parlementaires, un tiers des élus locaux et un cinquième des ministres de la planète, alors que seulement 22 pays sont dirigés par une femme.  Au rythme actuel, la parité au niveau des chefs de gouvernement ne sera pas atteinte avant 2150.  Encore 130 années dominées par des hommes qui prendront le même genre de décisions qu’ils ont prises depuis toujours, s’est-il inquiété. 

M. António Guterres s’est également préoccupé de « l’épidémie de violence » que la pandémie de COVID-19 a déclenché une contre les femmes, à la fois en ligne et hors ligne, tout en notant que la réponse à la COVID-19 avait permis de mettre en lumière « le grand pouvoir du leadership des femmes ».  Soucieux de faire du relèvement une « chance d’organiser une remise à neuf » et de relancer la décennie d’action en faveur des objectifs de développement durable, le Secrétaire général a appelé les dirigeants à mettre en place « cinq éléments de base », visant notamment à abroger les lois discriminatoires, à garantir une représentation égale ainsi que l’égalité de rémunération, et à intervenir d’urgence pour lutter contre la violence à l’égard des femmes.  Il convient aussi de donner un espace à la transition intergénérationnelle en cours, a soutenu M. Guterres. 

La COVID-19 est la crise la plus discriminatoire que nous ayons jamais connue, a alerté de son côté la Directrice exécutive d’ONU-Femmes.  Procédant à un tour d’horizon des répercussions de la pandémie sur la vie des femmes, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka a noté que du fait de la fermeture d’écoles, 10 millions de filles supplémentaires risquent d’être mariées précocement au cours de cette décennie.  Deux tiers des emplois perdus étaient tenus par des femmes; 59% des femmes déclarent devoir consacrer encore plus de temps au travail domestique non rémunéré, et cette année, 47 millions de femmes de plus seront contraintes de vivre avec moins de 1,90 dollar par jour. 

Notant que la pandémie de la COVID-19 et la crise climatique touchent toutes deux les femmes de manière disproportionnée, elle a décrié le fait que ces dernières ne sont pas représentées de manière appropriée en tant que négociatrices et décideurs politiques.  Une enquête récente menée dans 87 pays sur les groupes de travail relatifs à la COVID-19 a d’ailleurs fait ressortir que seulement 3,5% d’entre eux respectaient la parité entre les sexes.  « Cela donne aux hommes la tâche impossible de prendre les bonnes décisions concernant les femmes sans le bénéfice de leurs connaissances », a-t-elle déploré.  Pour « reconstruire en mieux », le monde a besoin de changer de paradigme et de donner la priorité à l’économie des soins et à la participation inclusive, a renchéri la Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Mme Gladys Acosta Vargas

Le Président de la Commission de la condition de la femme qui a appelé à ce que les femmes, les mécanismes nationaux d’égalité entre les sexes et les organisations de femmes soient inclus dans la planification, la prise de décisions et la mise en œuvre des mesures de riposte à la pandémie et de relèvement.  M. Mher Margaryan a également plaidé pour une action urgente afin de répondre à la violence contre les femmes dans la vie publique.  Comment pouvons-nous nous attendre à ce que les lois aident à autonomiser les femmes et les filles alors que les législatrices sont elles-mêmes soumises à des violences psychologiques, physiques et sexuelles en ligne? s’est interrogé à son tour le Président de l’Assemblée générale, M. Volkan Bozkir.

Pour sa part, le Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. Munir Akram, a invité la communauté internationale à se doter d’un nouveau pacte mondial pour l’autonomisation des femmes, soulignant que ni le développement durable, ni un ordre mondial juste et pacifique ne pourront être réalisés tant que les femmes sont marginalisées.

La société civile n’était pas en reste à l’ouverture des travaux.  La représentante de l’ONG « Urgent Action Fund for Women’s Human Rights Asia and the Pacific », Mme Virisila Buadromo, a attiré l’attention sur la situation dans la région Asie-Pacifique marquée par un taux parmi les plus élevés au monde de violence sexiste et où les femmes subissent de plein fouet les effets des changements climatiques

Il reste encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir disposer d’une structure équilibrée entre les sexes pour l’élaboration des politiques climatiques, a observé la représentante de la jeunesse, Mme Renata Koch Alvarenga.  La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, Mme Dubravka Šimonović, est également intervenue.

Les travaux se sont poursuivis en mode virtuel dans l’après-midi avec deux tables rondes ministérielles en rapport avec la participation des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique.

En début de séance, la Commission a adopté l’ordre du jour provisoire (E/CN.6/2021/1) et le projet d’organisation des travaux (E/CN.6/2021/1/Add.1), après avoir élu Mme Shilpa Pullela (Australie) à la vice-présidence.  Elle assumera aussi les fonctions de rapporteur.  En outre, l’Afrique du Sud et l’Arabie saoudite rejoignent la Fédération de Russie, Israël et le Brésil comme membre du Groupe de travail des communications.

La Commission de la condition de la femme poursuivra ses travaux demain, 16 mars, à partir de 9 heures.

SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »

Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives (E/CN.6/2021/3, E/CN.6/2021/4, E/CN.6/2021/5)

Thème prioritaire: participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique et élimination de la violence, en vue d’atteindre l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles

Débat ministériel

Déclarations liminaires

Le Président de la soixante-cinquième session de la Commission de la condition de la femme, M. MHER MARGARYAN (Arménie), a rappelé que l’an dernier, la Commission a célébré le vingt-cinquième anniversaire de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing.  Et lors de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale, les États Membres se sont engagés à la mise en œuvre complète, efficace et accélérée du Programme d’action de Beijing.  Le moment est donc venu d’honorer cet engagement, a—t-il dit.  Il a ensuite dénoncé la sous-représentation des femmes dans tous les aspects de la prise de décisions.  La féminisation de la pauvreté, l’accès limité des femmes au financement et une plus grande part des tâches de soins limitent leur pleine participation à la vie publique, a-t-il encore noté. 

Il a relevé que dans de nombreux pays, y compris le sien, l’Arménie, le potentiel d’une participation égale et significative des femmes à la vie publique n’est pas encore pleinement réalisé.  Nous devons nous réengager à créer un environnement propice à l’autonomisation des femmes dans les processus de prise de décisions, y compris dans la direction politique, a plaidé le Président de la Commission.  Il a également demandé de veiller à ce que les femmes, les mécanismes nationaux d’égalité entre les sexes et les organisations de femmes soient inclus dans la planification, la prise de décisions et la mise en œuvre des mesures de riposte à la pandémie et de relèvement, et que ces mesures tiennent compte du genre. 

Le Programme d’action reconnaît également la violence à l’égard des femmes comme un domaine de préoccupation critique et un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité des sexes, a souligné M. Margaryan.  Selon lui, une action urgente est nécessaire pour prévenir, éliminer et répondre à la violence contre les femmes dans la vie publique.  Il a affirmé qu’en plus des défis existants et des barrières structurelles, la pandémie de la COVID-19 a provoqué un choc profond pour les sociétés et les économies.  Ses dimensions sexospécifiques sont visibles dans tous les domaines de la vie, notamment en raison de la pandémie parallèle de violence sexiste et domestique.  Et en tant qu’organe intergouvernemental de premier plan sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, la Commission a une énorme responsabilité pour veiller à ce qu’aucune femme ou fille ne soit laissée pour compte à ce moment critique.  Le Président a donc invité les participants à œuvrer pour que cette soixante-cinquième session soit l’occasion de formuler des recommandations politiques fortes orientées vers l’action pour un avenir plus égalitaire, résilient et durable.  Et cela ne peut être réalisé que si toutes les parties prenantes sont unies pour prendre les mesures audacieuses nécessaires pour faire de l’égalité des sexes une réalité d’ici à 2030, a-t-il conclu. 

S’adressant à la Commission de la condition de la femme, qui se réunit pour la seconde fois dans le contexte de la pandémie, le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a constaté que la COVID-19 est « une crise avec un visage de femme ».  En effet, a-t-il dit, les retombées ont montré à quel point l’inégalité entre les sexes reste profondément ancrée dans les systèmes politiques, sociaux et économiques du monde.  Dans ce contexte, les femmes représentent 70% de la main-d’œuvre mondiale de la santé et occupent la plupart des emplois dans les secteurs économiques qui ont été les plus durement touchés par la pandémie, a observé le chef de l’ONU, ajoutant que les femmes, par rapport aux hommes, sont 24% plus susceptibles de perdre leur emploi et peuvent s’attendre à ce que leurs revenus baissent de 50% plus fortement.

La pandémie a également déclenché une « épidémie de violence » contre les femmes dans le monde entier, à la fois en ligne et hors ligne, a poursuivi M. Guterres.  Notant que, chaque mois, le bilan s’alourdit, il a jugé qu’il est « maintenant temps de changer de cap » en promouvant la participation égale des femmes.  Comme le montrent des « décennies de preuves », celle-ci améliore les résultats économiques, incite à investir davantage dans la protection sociale, conduit à une paix plus durable et fait progresser l’action climatique, a-t-il fait valoir.  Et maintenant, c’est la réponse à la COVID-19 qui met en lumière « le grand pouvoir du leadership des femmes », a souligné le Secrétaire général, selon lequel « un meilleur équilibre entre les sexes a conduit à de meilleures réponses ».

L’ONU, a fait remarquer M. Guterres, a placé les femmes au centre de son action de lutte contre la COVID-19 et pour la relance, notamment en publiant une évaluation de l’impact de la pandémie sur les femmes.  Elle a aussi demandé que des mesures de relance soient prises pour appuyer l’économie informelle, investir dans l’économie des soins et cibler les entrepreneuses.  Par ailleurs, l’Organisation a collaboré avec les pouvoirs publics et les populations pour faire face à la recrudescence des violences faites aux femmes.  « Mon appel à un cessez-le-feu mondial a été immédiatement suivi d’un appel à la fin de la violence dans les foyers », a-t-il rappelé.  De plus, l’efficacité d’une participation des femmes sur un pied d’égalité a été soulignée à chaque occasion.  Pourtant, a déploré le chef de l’ONU, les femmes restent largement exclues de l’exercice des plus hautes responsabilités: elles ne comptent que pour un quart des parlementaires, un tiers des élus locaux et un cinquième des ministres de la planète.  De même, seulement 22 pays sont dirigés par une femme.  Au rythme actuel, la parité au niveau des chefs de gouvernement ne sera pas atteinte avant 2150.  Vous avez bien entendu, a-t-il lancé.  Encore 130 années dominées par des hommes qui prendront le même genre de décisions qu’ils ont prises depuis toujours.  De fait, « la pandémie a offert aux hommes une occasion de plus d’accaparer la prise de décisions », a-t-il affirmé, citant une étude rapportant que dans 87 pays, 85% des groupes de travail sur la COVID-19 étaient composés essentiellement d’hommes.

Appelant à « rebattre les cartes » et « changer de logiciel », le Secrétaire général a dit s’être fixé comme priorité d’augmenter le nombre de femmes à des postes de haute responsabilité au sein de son Conseil de direction et parmi les coordonnateurs résidents et les envoyés spéciaux.  L’an dernier, a-t-il précisé, nous avons atteint la parité femmes-hommes parmi les hauts responsables de l’Organisation.  L’ONU s’efforce également de garantir la pleine participation des femmes aux processus de maintien de la paix, de médiation et de consolidation de la paix.  Dans les négociations de paix entre 1992 et 2019, a-t-il relevé, seulement 13% des négociateurs, 6% des médiateurs et 6% des signataires d’accords de paix étaient des femmes. 

S’agissant de l’autonomisation des femmes, M. Guterres a estimé que ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de davantage de formations pour les femmes, mais de « former les personnes au pouvoir sur la manière de construire des institutions inclusives ».  Selon lui, nous devons également soutenir les femmes leaders dans toute leur diversité et leurs capacités, y compris les jeunes femmes, les femmes migrantes, les femmes autochtones, les femmes handicapées, les femmes de couleur et les LGBTIQ+. 

Soucieux de faire du relèvement une « chance d’organiser une remise à neuf » et de relancer la décennie d’action en faveur des objectifs de développement durable, il a appelé tous les dirigeants à mettre en place « cinq éléments de base ».  Il les a invités tout d’abord à réaliser pleinement l’égalité des droits des femmes, notamment en abrogeant les lois discriminatoires et en adoptant des mesures positives.  Deuxièmement, il leur a demandé de garantir une représentation égale grâce à des mesures spéciales et des quotas.  Il s’est aussi prononcé pour l’intégration économique des femmes grâce à l’égalité de rémunération, au crédit ciblé, à la protection de l’emploi et à des investissements importants dans l’économie des soins et la protection sociale.  Quatrièmement, il faut promulguer un plan d’intervention d’urgence dans chaque pays pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles, a-t-il plaidé.  Il convient aussi de donner un espace à la transition intergénérationnelle en cours, a soutenu M. Guterres, notant que l’occasion de le faire se présente cette année avec le Forum Génération Égalité, coorganisé par les Gouvernements du Mexique et de la France en partenariat avec la société civile et les jeunes.

Si le monde actuel reste dominé par les hommes, « cela doit changer » et « les hommes sont une partie essentielle de la solution », a martelé le Secrétaire général.  Rendant hommage à Margaret Snyder, Directrice fondatrice du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), disparue cette année, il a assuré qu’ensemble, les femmes représentent « une force imparable ».  Ensemble, a-t-il dit, « nous avons une chance de sortir de l’exclusion enracinée et de construire un avenir juste et égalitaire ». 

Pour M. MUNIR AKRAM, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), la participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique, thème de la Commission cette année, est étroitement liée à leur autonomisation dans toutes les autres sphères.  Les violences et les discriminations faites aux femmes restent systématiques, s’est-il indigné, et la « féminisation de la pauvreté » est bien réelle ainsi que leur difficulté d’accéder à l’emploi et aux services de base.  Face à ce constat alarmant, M. Akram a martelé que ni le développement durable, ni un ordre mondial juste et pacifique ne pourront être réalisés tant que les femmes sont marginalisées.  Il faut donc des mesures concrètes pour autonomiser pleinement les femmes et les filles, a-t-il exigé, comme le prévoit le Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui table sur un leadership égal à tous les niveaux des femmes.

Il a salué les progrès réalisés au sein de l’ONU en termes de parité, et a encouragé les États Membres à tenir leurs engagements au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.  La communauté internationale a besoin de se doter d’un nouveau pacte mondial pour l’autonomisation des femmes, doté d’un plan d’action et de mesures concrètes pour éliminer toutes les formes de violence et de discrimination faites aux femmes et aux filles, a-t-il estimé.  La communauté mondiale doit veiller à ce que la moitié de la population mondiale ne soit plus jamais laissée pour compte.

Le Président de l’Assemblée générale, M. VOLKAN BOZKIR, a rappelé avoir créé un groupe consultatif sur l’égalité des sexes et a indiqué avoir consulté le Groupe des Amis sur l’égalité des sexes, y compris les plus de 50 femmes qui servent comme représentantes permanentes auprès des Nations Unies, afin que la question de l’égalité des sexes soit intégrée tout au long des travaux de l’Assemblée générale.  Il a relevé que nous ne pouvons véritablement parvenir à l’égalité des sexes que si nous garantissons la participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions.  Malheureusement, aujourd’hui, seul un parlementaire sur quatre est une femme.  Comment pouvons-nous nous attendre à ce que les lois aident à autonomiser les femmes et les filles alors que les législatrices sont elles-mêmes soumises à des violences psychologiques, physiques et sexuelles en ligne?  Évoquant les nombreuses résolutions adoptées par l’Assemblée générale sur cette question, il a souligné que pour créer un changement, il faut aller au-delà de la rhétorique. 

Pour le Président de l’Assemblée générale, une partie du problème tient du fait que la majorité des incidents ne sont pas signalés, en raison de la stigmatisation et des normes patriarcales dépassées mais souvent perpétuées, y compris par les médias.  Il a appelé les États Membres à renforcer la législation contre la violence sexiste; à mettre en place des mécanismes de signalement et de recours pour les victimes; à s’engager à collecter des données et à observer les élections; et à envisager des objectifs de genre spéciaux et bien conçus. 

Il a aussi invité les représentants permanents de se joindre à lui pour devenir des champions internationaux de l’égalité des sexes.  « Je demande aux journalistes de mettre fin aux stéréotypes sexistes et à la couverture médiatique sexiste des femmes en politique et dans la vie publique », a-t-il lancé, arguant qu’« aucune femme ne doit ressentir le besoin de justifier sa présence, ou de se rendre plus petite pour que les autres soient à l’aise ».  De même, aucune femme ne doit avoir peur de s’exprimer, d’exercer son droit de vote ou de chercher à être élue à une fonction publique, a—t-il poursuivi.  Nous n’atteindrons pas le Programme de développement durable à l’horizon 2030 sans garantir la participation pleine et effective des femmes à la vie publique, ainsi que l’élimination de la violence partout, a averti le Président de l’Assemblée générale.  Il a conclu en invitant les participants à la session à « faire preuve d’audace », pour rendre possible ce que certains peuvent juger « impossible ». 

Mme VIRISILA BUADROMO, de l’ONG Urgent Action Fund for Women’s Human Rights Asia and the Pacific, a indiqué que cette organisation appuie l’action des femmes et des défenseurs de leurs droits humains.  Elle représente aussi les femmes des petit États insulaires de par le monde, tout en s’employant à faire reconnaître la diversité culturelle de la région Asie-Pacifique.  Cette région, a-t-elle souligné, est marquée par un taux parmi les plus élevés au monde de violences faites aux femmes et aux filles.  De plus, le patriarcat y est très enraciné, ce qui explique entre autres que les hommes soient mieux payés que les femmes et que trois pays de cette zone géographique n’aient pas de parlementaires femmes.  Dans ce contexte, a relevé la militante, des mesures sont prises par des organisations comme la sienne pour atténuer les violences, les brutalités policières et les menaces liées aux changements climatiques.  Mais bien que les femmes, les filles et les personnes non binaires soient particulièrement affectées par ces menaces, le plus souvent, elles ne peuvent participer aux prises de décisions, a-t-elle constaté.  C’est notamment le cas face à la crise climatique, qui, selon elle, constitue une « crise existentielle pour les femmes et les filles ». 

Aux Fidji et dans d’autres îles de la région, ces dernières sont confrontées à plus de risques que les hommes lorsque les changements climatiques sévissent sur leur lieu de vie et de travail.  Au lendemain des catastrophes naturelles, les femmes sont les premières à agir parce que leur survie est directement menacée, a-t-elle insisté.  Alors que les femmes ont des compétences pour lutter contre ces changements, elles n’ont pas leur place à la table des discussions.  Il est donc temps de travailler à « faire changer les choses » et de rompre ce déséquilibre afin de permettre une pleine participation des femmes, a plaidé Mme Buadromo, appelant à ce que les financements dont bénéficie la région Asie-Pacifique soient davantage dirigés vers des organisations de femmes.  « Nous continuons de perpétuer des modèles financés par le pouvoir en place », a-t-elle regretté, ajoutant qu’il faudra vraisemblablement du temps pour transformer cet état de fait, bien que la situation soit urgente. 

La représentante de la jeunesse, Mme RENATA KOCH ALVARENGA, Directrice de EmpoderaClima, a déclaré que le leadership des femmes dans les espaces décisionnels du Brésil est disproportionné par rapport à la taille du pays, le plus grand d’Amérique latine.  Et c’est d’autant plus vrai lorsqu’il est question des jeunes femmes noires, autochtones, rurales et queer.  Elle a reconnu que ce problème n’est pas exclusif au Brésil et que de nombreuses jeunes femmes du Sud font face à des obstacles similaires, pour ensuite dénoncer le fait que les jeunes n’ont souvent pas la possibilité de se faire entendre dans les espaces de haut niveau.  Comme décideurs, comment utiliserez-vous votre privilège pour favoriser un changement transformationnel? a-t-elle demandé à la salle.

Également engagée dans la lutte contre les changements climatiques, Mme Alvarenga a souligné que, malgré le fait que les femmes fassent partie des groupes les plus vulnérables dans ce domaine, il reste encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir disposer d’une structure équilibrée entre les sexes pour l’élaboration des politiques climatiques.  L’autonomisation des femmes et des filles permettra pourtant d’apporter des solutions durables à nos plus grands défis collectifs, a-t-elle affirmé sans ambages.  Les pays avec une forte représentation de femmes au Parlement sont plus susceptibles de ratifier les traités environnementaux, a-t-elle notamment relevé.  Et les jeunes femmes changent déjà la donne et luttent contre la violence sexiste, favorisent la justice économique, défendent la santé et les droits sexuels et reproductifs et plaident en faveur d’une action féministe pour la justice climatique. 

Née juste un an après la quatrième Conférence sur les femmes de Beijing, Mme Alvarenga a reconnu qu’en 25 ans, la représentation des femmes dans les espaces décisionnels a augmenté.  Mais beaucoup de travail reste à faire, a-t-elle signalé, et les jeunes sont de puissants acteurs dans l’accélération du changement.  « Grâce à nos solutions audacieuses, nous nous engageons à transformer des normes sociales dépassées qui aggravent la discrimination. »  Cependant, les jeunes sont toujours exclus des espaces politiques clefs, a-t-elle déploré avant d’engager les représentants dans la salle, en tant que leaders mondiaux, à favoriser une participation significative des jeunes des régions marginalisées, des jeunes autochtones, des jeunes LGBTQIA+, des jeunes handicapés et des jeunes migrants et réfugiés, en vue d’œuvrer pour un avenir intersectionnel et intergénérationnel pour tous. 

La Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme PHUMZILE MLAMBO-NGCUKA, a indiqué que la pandémie de COVID-19 a été particulièrement dure pour les femmes et les filles.  « C’est la crise la plus discriminatoire que nous ayons jamais connue », a—t-elle affirmé, ajoutant qu’elle a frappé le plus durement ceux qui sont le moins capables d’y faire face.  Les gains réalisés au cours des dernières décennies sont menacés, et on compte à présent plus d’orphelins et de foyers dirigés par des enfants.  Du fait de la fermeture d’écoles, 10 millions de filles supplémentaires risquent d’être mariées précocement au cours de cette décennie, et les filles abandonnent définitivement l’école en raison de grossesses dues notamment à des rapports sexuels non consensuels. 

Les femmes assument également un plus grand fardeau des soins, 59% d’entre elles déclarant devoir consacrer encore plus de temps au travail domestique non rémunéré depuis le début de la pandémie.  En plus, les deux tiers des emplois perdus étaient tenus par des femmes, et les plus touchées sont en âge d’élever des enfants.  Cette année, 47 millions de femmes de plus seront contraintes de vivre avec moins de 1,90 dollar par jour; et les jeunes femmes affrontent le fardeau de la perte de revenus et du manque de travail décent. 

En outre, la fracture numérique entre les sexes laisse les femmes mal préparées pour l’avenir du travail.  S’appuyant sur le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Mme Mlambo-Ngcuka a indiqué que les taux les plus élevés (16%) de violence conjugale au cours des 12 derniers mois affectent les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans.  Au cours de cette dernière année, ONU-Femmes a sonné l’alarme, parlant de « pandémie de l’ombre » en référence à l’augmentation de la violence domestique pendant les confinements et les incidences économiques disproportionnées sur les femmes, ce qui limitent leurs options de rétablissement.  Un autre rapport souligne que la violence contre les femmes dans la vie publique est un frein majeur à leur participation politique et affecte les femmes de tous âges et de tous grades, dans toutes les régions du monde.  Les conclusions de la session sur le thème prioritaire de cette session ont le potentiel d’arrêter la régression, de recentrer les priorités et de faire avancer l’ensemble du programme, a-t-elle souligné. 

Elle a constaté que nous sommes actuellement confrontés aux deux plus grands défis de notre temps: la pandémie de la COVID-19 et ses conséquences, et la crise climatique en cours.  Dans les deux cas, a-t-elle regretté, les femmes sont touchées de manière disproportionnée, mais ne sont représentées de manière appropriée en tant que négociatrices et décideurs politiques.  Une enquête récente menée dans 87 pays sur les groupes de travail relatifs à la COVID-19 a d’ailleurs fait ressortir que seulement 3,5% d’entre eux respectaient la parité entre les sexes.  « Cela donne aux hommes la tâche impossible et auto-imposée de prendre les bonnes décisions concernant les femmes sans le bénéfice des connaissances des femmes », a-t-elle déploré.  Cela doit être corrigé sans délai, a-t-elle dit, relevant qu’à l’approche de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques en novembre, il est plus important que jamais que nous y parvenions, pointant notamment les délégations qui n’incluent pas de femmes. 

Mme Mlambo-Ngcuka a aussi fait le compte rendu d’autres rapports qui indiquent que dans les secteurs publics clés, y compris ceux où les femmes dominent, comme dans le domaine de la santé, les hommes ont continué à occuper 70% des postes de direction, ce qui démontre qu’il n’y a eu aucun changement par rapport à l’année précédente.  De même, les femmes restent profondément sous-représentées dans les médias, à la fois en tant que rédacteurs contrôlant le contenu et la perspective, et en tant qu’expertes.

Appelant à un changement « audacieux et immédiat », la Directrice exécutive d’ONU-Femmes a déclaré que « le leadership féminin est un accélérateur et un facilitateur de l’égalité des sexes à tous les niveaux ».  Elle a appelé à adopter des mesures spéciales telles que des quotas et des objectifs de genre bien conçus et à les mettre en œuvre de manière effective.  Les dirigeants peuvent ainsi fixer et atteindre des objectifs de parité, notamment par le biais de nominations aux postes de direction à tous les niveaux de gouvernement, comme cela a été le cas dans les quelques pays désormais dotés de gouvernements paritaires.  Le Secrétaire général de l’ONU a d’ailleurs utilisé de manière décisive son pouvoir exécutif pour modifier l’équilibre entre les sexes des dirigeants du système des Nations Unies, a—t-elle rappelé.  Selon Mme Mlambo-Ngcuka, la pandémie doit être une incitation majeure au changement.  Et « notre réponse doit être écologique, équitable, sensible au genre et inclusive », a-t-elle plaidé. 

Elle a ensuite présenté quelques données qui laissent voir une certaine amélioration de la parité dans des gouvernements.  Ainsi, en Lituanie, la part des femmes au gouvernement est passée de 8 à 43%, tandis que le Rwanda est toujours en tête des classements régionaux africains avec la plus grande part de femmes ministres avec 54,8%.  Elle a également rappelé les promesses faites en ce sens par les dirigeants du monde devant l’Assemblée générale au cours du vingt-cinquième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes.  « Nous devons maintenant concrétiser les souhaits de ces dirigeants. »  Elle a évoqué le soutien supplémentaire de la campagne « Génération égalité » d’ONU-Femmes et de ses diverses coalitions.  Après s’être engagés auprès de 50 millions de personnes, les 90 dirigeants des coalitions d’action sont prêts à prendre des engagements qui changeront la donne et qui seront annoncés à Mexico et à Paris. 

Mme Mlambo-Ngcuka a enfin demandé aux dirigeants du monde à se faire entendre dans cette « cette entreprise intergénérationnelle », et à agir en faveur des jeunes femmes, en particulier celles pour qui les barrières d’âge à l’entrée dans la vie publique sont préjudiciables.  « Nous devons leur faire de la place, ainsi qu’à toutes les femmes, pour qu’elles occupent la place qui leur revient », a-t-elle conclu, en souhaitant voir des actions en ce sens de la part de la Commission de la condition de la femme.

Pour sa première prise de parole depuis sa prise de fonctions, Mme GLADYS ACOSTA VARGAS, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, s’est centrée sur l’incidence de la COVID-19 sur la vie des femmes et des filles.  La progression des inégalités dans le monde illustre, selon elle, les effets disproportionnés de la pandémie sur les femmes et les filles.  Du fait de cette crise, les femmes se retrouvent confrontées au chômage, à la pauvreté et à l’absence de protection sociale.  Confinement oblige, elles doivent garder leurs enfants à leur domicile et sont condamnées le plus souvent à des tâches domestiques.  Dans sa note d’orientation d’avril 2020, a-t-elle indiqué, le Comité a invité les États parties à intégrer dans leurs plans de relance les femmes des secteurs structurel et non structurel.  Il a également mis l’accent sur les droits en matière de santé sexuelle et reproductive, appelant à garantir l’accès à l’éducation sexuelle à tous les niveaux et à veiller à ce que les femmes puissent bénéficier des moyens de contraception et de l’avortement.  Mme Acosta Vargas a plaidé à cet égard pour que l’interruption volontaire de grossesse ne soit pas érigée en infraction pénale. 

La Présidente du Comité s’est par ailleurs déclarée inquiète des conséquences de la COVID-19, qui prennent la forme de restrictions budgétaires et sanitaires, et de fermetures de frontières, qui font obstacle à la solidarité et à l’aide publique au développement, particulièrement nécessaires pour les femmes et les filles de pays n’ayant pas de systèmes de soutien.  Évoquant ensuite les risques liés aux changements climatiques, qui se transforment aujourd’hui en menaces réelles, elle a rappelé que son Comité exhorte à la participation de toutes les femmes, notamment les femmes rurales et autochtones, à l’élaboration des politiques aux niveaux local, national et international.  Pour « reconstruire en mieux », le monde a besoin de changer de paradigme et de donner la priorité à l’économie des soins et à la participation inclusive, a-t-elle assuré.  Pour cela, il faut intégrer les femmes dans les stratégies de riposte et de relèvement.  Il convient aussi de prévoir des lois et réglementations fondées sur les principes d’égalité et de parité, afin de garantir la participation des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique d’ici à 2030. 

Mme Acosta Vargas s’est également élevée contre la « pandémie de l’ombre », qui fait actuellement bondir les chiffres des violences domestiques et sexuelles.  À cet égard, a-t-elle souligné, le Comité demande aux États parties de respecter leurs obligations pour garantir une protection adéquate, une aide généralisée et un appui à la réinsertion des femmes sujettes à ces violences.  Avant de conclure, elle a fait remarquer qu’en dépit des difficultés liées à la pandémie, le Comité a continué de fonctionner.  Il a ainsi examiné 28 rapports nationaux et assuré le suivi des processus.  Il a d’autre part donné suite à 12 plaintes et publié un rapport d’enquête sur les mutilations génitales féminines et sur le niveau élevé de violences domestiques dans un État partie.  Enfin, malgré des ressources humaines et financières limitées, il a adopté des déclarations sur la traite des personnes et le rôle des femmes dans les manifestations contre le racisme. 

La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, a expliqué avoir publié, depuis le début de son mandat en 2015, une dizaine de rapports thématiques traitant de différentes manifestations de violence contre les femmes et les filles et incluant des recommandations.  Ces rapports sont partagés avec la Commission de la condition de la femme, mais malheureusement, a regretté la rapporteuse, ils ne sont pas pleinement exploités parce que la violence contre les femmes n’est pas un point permanent à son ordre du jour.

Mme Šimonović a mis l’accent sur deux de ces rapports thématiques, à savoir celui de 2020 sur l’intersection entre la COVID-19 et la pandémie de la violence sexiste à l’égard des femmes, et celui de 2018 sur la violence contre les femmes dans la sphère politique.  S’agissant du premier, elle a souligné que cette « double pandémie » a conduit à une augmentation alarmante des cas de violence contre les femmes, en particulier de violence domestique et de féminicides.  Elle a également révélé les inégalités structurelles préexistantes entre les sexes et l’incapacité des gouvernements à lutter contre la violence à l’encontre des femmes, y compris le manque de services de protection adéquats et la diminution du soutien aux ONG qui administrent ces services.

Le deuxième rapport met en exergue la sous-représentation des femmes en politique et dans la vie publique, ce qui s’explique et est exacerbé par la discrimination, les stéréotypes préjudiciables et la violence sexiste contre les femmes.  Ce rapport souligne l’urgence d’adopter et d’appliquer les lois, les politiques, les mécanismes de plainte et les codes de conduite pour lutter contre le sexisme, le harcèlement et la violence contre les femmes en politique, en particulier dans les parlements et au sein des partis politiques, a-t-elle indiqué.  Le rapport formule des recommandations spécifiques aux États, aux parlements, aux partis politiques et aux organes électoraux à cet égard.

La Rapporteuse spéciale a indiqué que depuis 2015, date à laquelle elle a commencé à mettre l’accent sur les féminicides, de plus en plus de pays se sont dotés d’observatoires de ce phénomène et un nombre croissant d’États ont soumis des données sur les féminicides commis par un partenaire intime ou un membre de la famille, en fonction de la relation entre la victime et l’agresseur.  À cet égard, la Rapporteuse spéciale a développé une coopération avec la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale qui examine également les données sur les féminicides ou les meurtres de femmes liés au sexe.  Mais, a-t-elle regretté, malgré ces progrès, il reste toujours beaucoup à faire pour assurer la mise en place de mesures de prévention du féminicide dans tous les États.

Mme Šimonović a annoncé que son prochain et dernier rapport thématique au Conseil des droits de l’homme, en 2021, portera sur la prévention du viol, à la fois en temps de paix et en temps de conflit, et la responsabilité des États de changer la « culture du viol » et de combattre l’impunité des auteurs ainsi que la stigmatisation des victimes.  Elle a appelé les États Membres concernés à abroger les exemptions pour la pénalisation du viol conjugal et à inclure à leur définition du viol le principe du manque de consentement.  En outre, elle a exhorté les États à abolir les délais de prescription pour les poursuites en cas de viol en période de conflit et de paix et à accélérer l’harmonisation de leurs lois sur le viol avec les normes internationales.  Mme Šimonović est d’ailleurs en train de préparer un cadre pour une loi type sur le viol, qui sera annexé à son rapport.

Tables rondes ministérielles: partage de données d’expérience, d’enseignements à retenir et de bonnes pratiques sur la participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique et l’élimination de la violence, en vue d’atteindre l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles

Table ronde 1

Sur le thème « Atteindre la parité: bonnes pratiques pour parvenir à la participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique », cette première table ronde ministérielle a été l’occasion de faire le point sur les mesures prises par les gouvernements pour assurer la représentation des femmes dans la sphère publique, accroître leur participation à la prise de décisions dans les branches exécutive et législative ; et leur permettre d’être plus nombreuses à occuper des postes de direction dans les institutions publiques, telles que l’administration et le système judiciaire. 

Cadrant ce débat, la Vice-Présidente de la Colombie a prévenu qu’au rythme actuel, il faudrait 130 ans pour atteindre la parité entre les sexes au niveau des chefs d’État et de gouvernement, 56 ans dans les portefeuilles ministériels et 42 ans dans les postes parlementaires nationaux.  Ces progrès sont décourageants et nous sommes loin de la parité, a déploré la Vice-Secrétaire générale de l’ONU.  Il faut des objectifs plus ambitieux, plus de volonté politique et d’action, a-t-elle exigé en prenant l’exemple de l’ONU, où, sous la houlette du « féministe en chef », à savoir le Secrétaire général António Guterres, le pari de la parité a été relevé aux niveaux les plus hauts en moins de deux ans et est en bonne voie aux autres niveaux. 

Au XXIe siècle, le leadership politique et économique ne doit plus être une affaire d’hommes!  C’est une question de démocratie, de droits humains, d’équité et d’amélioration durable de la position de la femme dans nos sociétés, a renchéri la Ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes du Luxembourg.  Alors comment s’y prendre concrètement?  Selon elle, il faut exprimer une volonté politique forte pour atteindre une meilleure représentation des femmes à tous les niveaux de prise de décisions; recourir à des systèmes de quotas légaux; continuer à promouvoir les bénéfices en termes de productivité et d’efficacité de la mixité dans la prise de décisions; et investir dans les jeunes talents féminins grâce à des programmes d’encadrement individuels.  Et il faut aussi impliquer les jeunes et les décideurs masculins dans ce dialogue, a renchéri le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale pour le développement de l’Islande

Si beaucoup de pays ont enregistré des progrès notables dans la représentation des femmes dans la sphère politique grâce à l’introduction de quotas, la Vice-Présidente colombienne, dont le pays exige désormais autant de femmes que d’hommes sur les listes des partis politiques pour les élus locaux, a relevé que le véritable défi restera que ces femmes soient élues.  Il n’en reste pas moins que les quotas semblent être un outil efficace autant en politique que dans le monde des affaires. 

Mais, a remarqué la Vice-Secrétaire générale, seuls 15 pays ont officiellement adoptés des quotas, et souvent les mesures de suivi font défaut.  Pourtant, ils font leur preuve comme le montre le cas de l’Irlande par exemple, où un quota de genre a été fixé en 2012 pour les candidats des partis politiques aux élections générales.  Ce quota était de 30% pour les élections de 2016 et de 2020 et va passer à 40% pour celles de 2023, a indiqué le Ministre des enfants, de l’égalité, du handicap, de l’intégration et de la jeunesse.  Grâce à la « loi historique » de mai 2010 instituant la parité absolue dans les instances électives et semi-électives au Sénégal, les femmes représentent aujourd’hui 43% de l’Assemblée nationale, s’est félicitée à son tour la Ministre de la femme, de la famille, de la parité et de la protection des enfants.  Et aux Émirats arabes unis, la parité a été atteinte au Parlement grâce à des quotas fixés pour les postes administratifs et de haut niveau, a indiqué la Ministre du développement des communautés

Précurseur en la matière, la Belgique avait lancé dès 1994 une politique de « quotas » qui permettait à un maximum de deux tiers des candidats et candidates d’une liste électorale d’être du même sexe, a rappelé sa Secrétaire d’État pour la parité entre les genres.  En 2002, plusieurs autres lois ont été adoptées pour imposer la parité sur les listes électorales, ainsi que l’obligation de mettre alternativement un homme et une femme aux deux premières places de la liste.  Concrètement ces mesures ont contribué à augmenter la part des femmes dans les parlements belges de 16,8% en 1995 à 42,3% en 2019 et dans les gouvernements belges, de 10,5% à 42,6%, a expliqué la dignitaire. 

Idem en Nouvelle-Zélande, où les femmes représentent aujourd’hui 48% des parlementaires et occupent 42% des postes élus dans les administrations locales, a indiqué sa Ministre de la femme.  Le Chili a lui aussi connu des progrès avec l’introduction d’un minimum de 30% de femmes pour les candidats parlementaires, a précisé sa Ministre de la femme et de l’égalité entre les sexes.  De son côté, la Ministre des affaires des femmes de la Palestine a annoncé un amendement de la loi électorale qui stipule que la participation des femmes aux prochaines élections de mai 2021 doit être au minimum de 26%.  Idem au Kazakhstan où, à partir de 2023, elles devront être 30% à occuper des postes élus, comme l’a expliqué sa Ministre de l’information et du développement social

Même scénario dans l’évolution de la représentation des femmes dans les conseils d’administration des entreprises publiques et privées, lorsque des quotas ont été fixés, comme en témoigne le cas de l’Irlande où la représentation des femmes parmi les administrateurs des plus grandes sociétés cotées en bourse a augmenté de plus de 9%, passant de 18,1% en 2018 à 27,4% en 2020.  Au Luxembourg, dans les entreprises privées, 26% des postes de direction sont occupés par des femmes, ce qui représente une tendance à la hausse et dans les entreprises publiques, 40% des représentants de l’État dans les conseils d’administration sont des femmes, a expliqué sa Ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes.  La Nouvelle-Zélande a elle aussi atteint 50% de représentation féminine dans les conseils d’administration du secteur public, et 53% des hauts dirigeants de la fonction publique sont des femmes, ce dont s’est réjouie la Ministre de la femme.

De son côté, la Ministre pour l’égalité des chances et la famille de l’Italie a mis l’accent sur le rôle de premier plan qu’ont joué les femmes pendant la pandémie, que ce soit dans les services de santé, les services sociaux, ou à domicile.  Elles ont également été les plus touchées par les pertes d’emplois, a-t-elle souligné.  Alors que l’Italie assure la présidence du G20 en 2021, l’autonomisation des femmes sera au cœur des discussions en tant que priorité transversale, touchant à tous les domaines: de l’éducation à l’emploi, de l’environnement à l’innovation numérique, de la santé à la culture.  Pour la première fois, une conférence ministérielle du G20 sera consacrée exclusivement à l’émancipation et l’autonomisation des femmes, s’est enorgueilli la Ministre. 

Parmi les autres mesures spéciales évoquées cet après-midi pour assurer la pleine participation des femmes à la vie publique, les Émirats arabes unis ont évoqué une loi sur l’égalité des salaires « à travail égal », alors que l’Islande a parlé du congé parental payé pour les deux parents et de garderies abordables.  L’Afrique du Sud a misé sur la lutte contre la violence sexiste et le féminicide, a expliqué sa Ministre de la femme, de la jeunesse et des personnes handicapées.  La Nouvelle-Zélande a mis en place, dès 2019, un congé payé de 10 jours par an pour violence domestique, et assure la distribution gratuite de serviettes hygiéniques dans les écoles.  Le Ministre de la santé, du bien-être social et de l’égalité entre les sexes des Tuvalu a indiqué que dans trois pays du Pacifique -Fidji, Îles Salomon et Vanuatu-, des efforts sont en cours pour garantir que les marchés des zones rurales et urbaines soient sûrs, inclusifs et non discriminatoires, en promouvant notamment la participation des femmes aux associations de vendeurs en tant que membres et présidents. 

De son côté, la Ministre des services publics et du genre du Kenya a souligné qu’outre la représentation politique, 40% des juges en poste sont des femmes et qu’elles dirigent six commissions constitutionnelles.  Le Président du Conseil parlementaire pour l’égalité de genre de la Géorgie a, quant à lui, parlé d’améliorations des droits des femmes dans le Code du travail. 

Mais, a souligné la Présidente du Conseil national des femmes de l’Égypte, aucun progrès sur la voie de l’égalité hommes-femmes n’est possible sans la volonté politique nécessaire au plus haut niveau.  Un point de vue partagé par la Présidente de l’Institut national des femmes du Mexique, qui a rappelé qu’en 2018, son gouvernement avait atteint la parité et que les Ministères de l’intérieur et de la sécurité sont, pour la première fois, dirigés par des femmes. 

Table ronde 2

La deuxième table ronde ministérielle s’est centrée sur les moyens de « créer des conditions propices à la participation pleine et effective des femmes à la prise de décisions dans la sphère publique ».  Nombre de participants ont profité de cette tribune pour détailler les progrès accomplis au niveau national en matière de promotion des femmes, à l’instar de la Ministre de la famille, du travail et des services sociaux de la Turquie, qui s’est enorgueillie d’une nette amélioration du statut des femmes dans son pays ces deux dernières décennies.  Le nombre de femmes parlementaires y est ainsi monté jusqu’à 104 en 2018, contre 24 en 2002, tandis que 63% des travailleurs sociaux, 56% des travailleurs de la santé et 44% des médecins en Turquie sont aujourd’hui des femmes. 

Même satisfaction de la part de la Ministre des affaires féminines et Secrétaire générale du Conseil suprême des femmes de Bahreïn, qui a fait état d’une « transformation qualitative sans précédent » ces 20 dernières années, marquée notamment par un doublement du taux de participation des femmes à la population active, qui s’établit désormais à 49%, soit plus que la moyenne mondiale de 47%. 

De son côté, la Ministre de la solidarité et du développement social du Maroc a mis l’accent sur une série de lois en matière d’égalité des sexes et sur l’adoption de mesures d’action positive qui ont eu pour effet de renforcer la participation politique des femmes, lesquelles représentent désormais 37% des élus au Parlement.  « Cela signifie que plus de femmes ont les moyens d’agir », a-t-elle souligné, rejointe dans cette analyse par la Ministre des femmes et de l’égalité des sexes du Canada, qui, tout en saluant la forte progression du nombre de femmes à la Chambre des communes, désormais à 69 sièges du niveau de parité, a plaidé pour une représentation plus diverse, intégrant des autochtones, des femmes d’origine africaine et des membres de la communauté LGBTQ. 

Aucun État à ce jour n’a été en mesure de combler l’écart entre les sexes en matière d’autonomisation politique, a constaté la Ministre des affaires étrangères, de la justice et de la culture du Liechtenstein, pour qui il est urgent d’investir dans des environnements dénués de discrimination, de normes sociales injustes et de préjugés inconscients.  À cet égard, elle a attribué le succès des femmes aux récentes élections législatives dans son pays au rôle actif des organisations de femmes qui ont contribué à sensibiliser à l’importance et à la nécessité de la diversité et de l’égalité des sexes. 

Plus encore que l’imposition de quotas, le mentorat, les campagnes publiques et surtout la collaboration dans les réseaux professionnels peuvent jouer un rôle important pour encourager la candidature des femmes et les préparer et les former à un rôle en politique, a estimé la Secrétaire d’État à l’égalité des chances de la Roumanie.  À ses yeux, le nombre des jeunes femmes attirées par la vie politique restera faible tant que les femmes continueront d’être sous-représentées aux postes électifs. 

Dans le même ordre d’idées, la Secrétaire nationale aux politiques pour les femmes du Brésil a fait état d’un projet national mené pendant les dernières élections afin de promouvoir l’action des femmes en politique et encourager leur participation aux responsabilités locales ou nationales.  Un outil de communication a aussi été lancé pour recevoir les plaintes de femmes politiques victimes de violences.  Un problème également évoqué par le Ministre des services humains et de la sécurité sociale du Guyana, selon lequel une forme de « résistance patriarcale » empêche encore la pleine participation des femmes à la vie publique et encourage la violence et les campagnes de calomnie à leur encontre.

Pourquoi est-il si important de créer un environnement positif? a lancé la Ministre des familles de la Hongrie.  Parce qu’en 2021, les exemples continuent d’affluer de femmes « publiquement insultées, blâmées ou critiquées simplement parce qu’elles sont des femmes », a-t-elle souligné, indiquant que ce sort humiliant a été réservé à une jeune adjointe qu’elle avait nommée l’an dernier.  Affirmant avoir elle-même été la cible de violences verbales, elle a averti que « tout cela peut décourager les femmes de participer activement à la vie publique et à la prise de décisions ». 

Mobilisé pour sa part contre le harcèlement sexuel, qui affecte tout particulièrement les femmes sur leur lieu de travail, le Ministre de l’emploi et de l’égalité des chances du Danemark a présenté un ensemble d’initiatives de son gouvernement visant à contrer ce fléau.  L’une d’elles consiste en un dialogue tripartite avec les partenaires sociaux et les ONG sur la manière d’améliorer la prévention de cette violence et le renforcement des sanctions.  Son homologue de la Slovénie a quant à lui insisté sur l’importance de la lutte contre la cyberviolence à l’encontre des femmes, en forte progression du fait de l’essor du monde virtuel en cette période de pandémie. 

Pour la Ministre d’État en charge des femmes à la Présidence du Portugal, un environnement plus propice à la participation des femmes passe par la prise en compte de l’impact de la COVID-19 sur celles-ci, mais aussi par un soutien accru à leur indépendance économique et à leur participation au marché du travail.  En outre, il importe, selon elle, de lutter contre les écarts de rémunération entre les sexes et d’augmenter le nombre de femmes aux postes de décision.  À l’avenir, a-t-elle préconisé, il est essentiel de mettre en œuvre les politiques qui s’avèrent les plus efficaces, à savoir les mécanismes de transparence salariale et les quotas de genre dans les conseils d’administration. 

Observant que les priorités du Programme d’action de Beijing restent largement en suspens, la Ministre des femmes, du genre et de la diversité de l’Argentine a salué les efforts visant à lutter contre les inégalités entre les sexes tout en pointant le manque de responsabilités partagées au sein des foyers, encore aggravé par les effets de la pandémie.  Les femmes ont moins de temps en raison des tâches domestiques qui souvent leur incombent, a-t-elle déploré, appelant de ses vœux une stratégie mondiale en faveur d’une pleine parité au travail et aux postes à responsabilité.  « Nous devons être proactifs et anticiper les obstacles à la parité », a renchéri le Ministre de la transformation sociale d’Antigua-et-Barbuda, qui a alerté que l’absence des femmes aux fonctions dirigeantes signifie que   des voix et des compétences importantes sont laissées de côté ». 

Si la Secrétaire générale de la Fédération des femmes cubaines a vanté le modèle inclusif de son pays, qui s’emploie à éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans tous les domaines de la société, la Présidente de l’Union nationale des femmes érythréennes, organisation mandatée par le Gouvernement, a quant à elle souligné l’importance des partenariats et du partage d’expériences avec des « organisations sœurs » à l’étranger.  Ces échanges lui ont permis de « tirer de nombreuses leçons précieuses dans la lutte pour la liberté des femmes ». 

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