En cours au Siège de l'ONU

CS/14733

Conseil de sécurité: le Président du mécanisme résiduel des tribunaux pénaux salue l’accord avec le Niger sur la réinstallation des personnes acquittées ou libérées

Le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a salué ce matin devant le Conseil, l’accord conclu le 15 novembre 2021 entre le Niger et l’ONU au sujet de la réinstallation de neuf personnes acquittées ou libérées qui vivent dans une résidence surveillée à Arusha, en République-Unie de Tanzanie. 

Venu présenter le dernier rapport sur l’état d’avancement des travaux du Mécanisme, M. Carmel Agius a déclaré que cet accord « marque un tournant » pour cette question qui semblait « presque impossible à régler », précisant que le Niger a consenti à accueillir les neuf personnes concernées. 

« Nous n’avons été informés ni par le Mécanisme, ni par le pays hôte d’un tel transfert », a cependant indiqué le Rwanda, qui a demandé au Niger de veiller à ce que les personnes concernées n’usent pas de son territoire pour mener les activités subversives qui ont contribué à l’instabilité et à l’insécurité de la région des Grands Lacs au cours des dernières décennies. 

La délégation rwandaise a, par ailleurs, déploré que plus d’un an après son arrestation en France en mai 2020 et sa remise au Mécanisme en octobre 2020, le procès de Félicien Kabuga, « l’un des planificateurs du génocide commis contre les Tutsis en 1994 et le seul fugitif appréhendé par le Mécanisme depuis 2010 », n’a toujours pas débuté.  À ce propos, le juge Agius a précisé que cette affaire en est toujours à sa phase préalable en raison de l’état de santé de l’accusé, le Procureur du Mécanisme ajoutant qu’un mémoire préalable ainsi que d’autres écritures importantes préalables au procès ont été déposés devant la Chambre de première instance. 

Venu faire le point sur les efforts en cours pour clore les dernières procédures en première instance et en appel, M. Serge Brammertz a également indiqué qu’une des priorités stratégiques de son Bureau est de rechercher activement les six derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le plus recherché étant Protais Mpiranya, l’ex-commandant de la garde présidentielle du Rwanda.  

Le Procureur a également fait savoir que dans l’affaire Nzabonimpa et consorts, quatre accusés ont été déclarés coupables en première instance d’outrage au tribunal, son Bureau ayant prouvé qu’ils avaient entrepris d’influencer « indument » des témoins pour qu’ils reviennent sur leur témoignage en vue de faire annuler la déclaration de culpabilité prononcée contre Augustin Ngirabatware pour génocide. 

De son côté, la France a confirmé sa « pleine mobilisation » pour mener à son terme l’affaire Bucyibaruta, qui doit se tenir en cour d’assises entre le 9 mai et le 1er juillet 2022, et salué le renforcement des effectifs d’enquêteurs et de magistrats consacrés à la poursuite des génocidaires rwandais résidant sur son territoire. 

Le Procureur du Mécanisme s’est, par ailleurs, alarmé de la « négation persistante » des crimes et la glorification des génocidaires et des criminels de guerre, dénonçant notamment les fresques à l’effigie de Ratko Mladić que l’on trouve à Belgrade ou encore les publications de groupes extrémistes de la diaspora rwandaise.  Comment est-ce possible de prétendre que Theoneste Bagosora ne faisait que défendre le Rwanda, alors que sa responsabilité pénale pour génocide a été prouvée au-delà de tout doute raisonnable, s’est indigné M. Brammertz qui a en outre décrié la décision des autorités croates d’empêcher le système judiciaire d’enquêter sur des allégations de crimes commis sur des Serbes de Bosnie, ainsi que l’absence, en Bosnie-Herzégovine, de soutien politique pour l’adoption de lois contre la négation du génocide, entre autres. 

En guise de réponse, la Croatie a regretté que des demandes « infondées et politiquement motivées » aient été initiées par la Republika Srpska et transmises à la Croatie par l’intermédiaire des institutions de Bosnie-Herzégovine.  La délégation a également appelé à plus de cohérence entre les jugements rendus par l’ancien TPIY et le Mécanisme, s’attardant notamment sur l’affaire Jovica Stanišić et Franko Simatović, déclarés par le Mécanisme coupables en première instance d’avoir aidé et encouragé des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. 

Plaidant pour une amélioration de la coopération avec les autorités judiciaires croates, la Bosnie-Herzégovine a insisté de son côté sur la détermination de son pays à enquêter, poursuivre et punir toutes les personnes responsables de crimes de guerre. 

La Serbie s’est pour sa part vu priée par l’Estonie, le Royaume-Uni, la Norvège, l’Irlande, ou encore les États-Unis de donner suite aux mandats d’arrêt lancés à l’encontre de Petar Jojić et Vjerica Radeta.  À ce sujet, la délégation serbe a fait savoir que le 21 octobre, l’un des témoins dans cette affaire a fait une demande d’assistance urgente auprès du Ministère de la justice serbe, déclarant avoir été exposé à des menaces et ordonné de témoigner contre Jojić et Radeta.  De telles actions de la part de l’équipe du Procureur amici curiae doivent être dénoncées et sanctionnées, a affirmé la délégation qui a par ailleurs indiqué que « presque toutes les demandes » présentées par le Bureau du Procureur au Gouvernement de Serbie ont été satisfaites.  

Qualifiant par ailleurs le travail du Mécanisme de « combinaison unique de partialité et de retard », la Fédération de Russie a décrié « son appétit financier », ainsi que les « nouveaux prétextes » qui seraient avancés pour prolonger l’existence de cette structure conçue pour être temporaire. 

Créé par la résolution 1966 (2010), le « Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux » a commencé ses travaux en 2012 et repris progressivement l’ensemble des activités du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), fermés respectivement fin 2015 et fin 2017. 

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX (S/2021/694)

Déclarations

JUGE CARMEL AGIUS, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a indiqué qu’au cours de la période considérée, la résolution 2529 (2020) a été largement mise en œuvre, ce qui va se poursuivre dans la perspective de l’évaluation biennale de 2022.  Il a souligné que le Mécanisme est censé être une petite entité efficace à vocation temporaire, et que les progrès considérables exposés dans le rapport témoignent du souci de s’acquitter de tous les aspects du mandat qui doivent guider le Mécanisme en tant qu’institution judiciaire. 

Le Président a indiqué que le Mécanisme a été en mesure de rendre l’arrêt dans l’affaire Mladić, ainsi que les jugements dans l’affaire Stanišić et Simatović, et l’affaire d’outrage Nzabonimpa et consorts.  Il a aussi signalé que les procédures en appel dans ces deux dernières affaires sont en cours, de même que l’affaire Félicien Kabuga, qui en est toujours à sa phase préalable en raison de l’état de santé de l’accusé.  Il a qualifié de « remarquable » le travail des juges, qui ont achevé les procédures, en dépit des obstacles, en particulier ceux engendrés par la pandémie.  Bien que ces affaires se poursuivront, le changement intervenu sur la charge de travail actif est important, a-t-il ajouté.  Il a précisé, d’autre part, que le nom de l’affaire en appel Nzabonimpa et consorts, a changé pour devenir affaire Fatuma et consorts compte tenu du fait que les questions soulevées en appel ne concernent que quatre des parties au procès. 

Le juge Agius a souligné par ailleurs qu’au paragraphe 9, la résolution 2529 demande d’intégrer les vues et recommandations du Groupe de travail informel sur les Tribunaux pénaux internationaux, ce que le Mécanisme s’est efforcé de faire par une gestion efficace, efficiente et transparente.  Il a cité en particulier l’adoption d’une note conceptuelle interne pour le plan de travail qui combine une réflexion stratégique des trois organes du Mécanisme quant aux nombreuses futures fonctions restantes de celui-ci.  Le Président du Mécanisme a aussi indiqué que des efforts sont également déployés en vue d’un retour sûr au bureau dans le contexte de la pandémie de COVID-19. 

S’agissant des dispositions du paragraphe 10 de la résolution 2529 sur les rapports spécifiques, relatifs notamment au personnel, aux tâches, aux coûts, et aux prévisions liées à la durée des fonctions résiduelles, il a affirmé que le Mécanisme prépare ses documents avec rigueur et minutie pour fournir des informations à la fois complètes et pertinentes, insistant sur la transparence et la responsabilité du personnel du Mécanisme. 

Le Président a également mis l’accent sur le respect des droits de toutes les personnes détenues sous l’ordre du Mécanisme, conformément aux normes internationales, y compris celles relatives à leur état de santé.  Il a évoqué à cet égard les mesures prises dans le cadre de la prévention de la propagation de la COVID-19 dans l’unité de détention de La Haye, où l’état des cinq détenus est scrupuleusement surveillé, notamment celui de Félicien Kabuga.  Il a également déclaré qu’il continue à recevoir des informations au sujet des 48  personnes qui purgent leurs peines, et exprimé sa gratitude aux États qui s’acquittent « consciencieusement » de leur obligation à ce propos. 

De même, le Président a dit avoir consacré une grande partie de son temps et son attention aux demandes de grâce, de commutation ou de réduction de peine des personnes condamnées par les deux Tribunaux pénaux, l’objectif étant d’assurer la consultation avec une large gamme de parties prenantes.  L’approche du Mécanisme en matière de libération anticipée a été développée, a-t-il indiqué. 

Le juge Agius a ensuite abordé une question qui a semblé « presque impossible à régler », en l’occurrence la situation des neuf personnes, acquittées ou libérées, qui vivent dans une résidence surveillée à Arusha.  Grâce aux efforts inlassables du Greffier et du Niger, ce pays et l’ONU ont signé, le 15 novembre 2021, un accord qui « marque un tournant » sur la réinstallation de ces personnes, s’est-il félicité, précisant que le Niger a consenti à accueillir les neuf personnes libérées et vivant en résidence surveillée à Arusha. 

Rappelant enfin que le paragraphe 3 de la résolution exhorte les États à apporter leur concours pour rechercher et appréhender les personnes recherchées, et que son paragraphe 2 exhorte à la coopération avec le Mécanisme, le juge Agius a par ailleurs invité la Serbie à arrêter les suspects Petar Jojić et Vjerica Radita et à les transférer au Mécanisme.  Lorsque les progrès accomplis sont examinés à la lumière de la résolution  2529 (2020), la détermination du Mécanisme à faire tout ce qui est en son pouvoir en vue d’accomplir de manière optimale son mandat ne saurait être mise en doute, a-t-il insisté. 

M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a articulé son intervention autour des efforts déployés pour mettre en œuvre les « priorités stratégiques » de son Bureau.  La première d’entre elles consiste, a-t-il détaillé, à poursuivre les efforts visant à clore les dernières procédures en première instance et en appel.  Ainsi, dans l’affaire Félicien Kabuga, des étapes-clefs ont été franchies.  Un mémoire préalable, ainsi que d’autres écritures importantes préalables au procès ont été déposés devant la Chambre de première instance.  À la division de La Haye, Jovica Stanišić et Franko  Simatović ont été déclarés coupables en première instance d’avoir aidé et encouragé des crimes de guerre et crimes contre l’humanité.  À la division d’Arusha, dans l’affaire Nzabonimpa et consorts, quatre accusés ont été déclarés coupables en première instance d’outrage au tribunal.  Le Bureau a prouvé qu’ils avaient, « sans aucune honte », entrepris d’influencer « indument » des témoins pour qu’ils reviennent sur leur témoignage en vue de faire annuler la déclaration de culpabilité prononcée contre Augustin  Ngirabatware pour génocide. 

La deuxième priorité stratégique porte pour sa part sur les efforts visant à continuer de rechercher activement les six derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).  Le fugitif que nous recherchons le plus activement, et le dernier qui sera jugé par le Mécanisme, est Protais  Mpiranya, l’ex-commandant de la Garde présidentielle du Rwanda, a indiqué le Procureur, ajoutant que son Bureau s’emploie également à localiser cinq autres fugitifs mis en accusation pour génocide afin qu’ils répondent de leurs actes, notamment Fulgence Kayishema, déjà localisé en Afrique du Sud.  Si nous parvenons à obtenir les renseignements et les éléments de preuve dont nous avons besoin, des progrès importants devraient être enregistrés.  Or, nos efforts ne pourront aboutir qu’avec la coopération « pleine et efficace » des États Membres, a-t-il dit, ajoutant qu’actuellement, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud sont au centre des enjeux et que toute coopération dépend d’une volonté politique. 

M. Brammertz a ensuite fait savoir que la charge de travail qui découle de la fonction résiduelle du Mécanisme est beaucoup plus importante que prévu.  En 2013, le Mécanisme avait reçu 100 demandes d’assistance, contre quatre fois plus ces deux dernières années.  Non seulement le nombre de demandes d’assistance a augmenté, mais leur complexité et leur ampleur aussi, a-t-il ajouté, évoquant les demandes de soutien du Procureur général du Rwanda, du parquet spécial du Monténégro et au parquet de Serbie. 

Par ailleurs, le Procureur a souhaité attirer l’attention du Conseil de sécurité sur la « négation persistante » des crimes et la glorification des génocidaires et des criminels de guerre.  Les fresques à l’effigie de Ratko Mladic que l’on trouve à Belgrade, de même que les publications de groupes extrémistes de la diaspora rwandaise, ont un triste point en commun.  Elles sont la preuve que, aujourd’hui, après plus de 25 ans, certains persistent à nier, à relativiser et à minimiser les faits judiciairement établis.  Cette situation devrait être « inconcevable », a-t-il jugé.  Comment est-il « possible » qu’un si grand nombre de personnes voient toujours Ratko Mladic comme un héros du peuple serbe, après qu’un tribunal l’a condamné à une peine d’emprisonnement à vie sur le fondement d’une foule d’éléments de preuve établissant ses crimes? 

Par ailleurs, s’est-il aussi interrogé, comment est-ce possible que d’autres prétendent que des hommes comme Theoneste  Bagosora ne faisaient que défendre le Rwanda, alors que sa responsabilité pénale pour génocide a été prouvée au-delà de tout doute raisonnable.  De plus, quel message les autorités croates envoient-elles lorsqu’elles prennent une décision politique qui empêche le système judiciaire d’enquêter sur des allégations de crimes commis sur des Serbes de Bosnie?  Le Procureur a également déploré l’absence, en Bosnie-Herzégovine, de soutien politique pour l’adoption de lois contre la négation du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre qui visent les victimes de tous les groupes ethniques.  Le fait est que la négation du génocide et la glorification des criminels de guerre ont « pour buts » d’empêcher la réconciliation, de provoquer la haine et de fragiliser la paix et la sécurité.  Il a alerté que ces actes condamnent les générations actuelles et futures à porter le fardeau du passé, aussi bien au Rwanda que dans les pays issus de la Yougoslavie. 

M. HAI ANH PHAM (Viet Nam) s’est félicité que, malgré les défis causés par la pandémie de COVID-19, le Mécanisme ait pu rendre trois jugements dans trois affaires, tout en maintenant la santé et la sécurité de son personnel, des témoins, des détenus et des autres personnes sous son autorité.  Il a ensuite rappelé l’accent mis par le Conseil de sécurité sur l’importance de trouver des solutions rapides et durables au problème des neuf personnes acquittées et libérées résidant à Arusha, en République-Unie de Tanzanie.  Il a espéré à cet égard que la réinstallation de ces personnes leur permettra de se réinsérer pleinement dans la société et de soulager le Mécanisme de charges humanitaires et financières. 

Applaudissant la volonté du Président du Mécanisme de mettre pleinement en œuvre la résolution  2529  (2020) du Conseil de sécurité, notamment en fournissant une projection claire des délais d’achèvement de ses activités judiciaires et autres fonctions résiduelles, le représentant a également salué les efforts visant à faire avancer les procédures avec un calendrier précis.  Il a par ailleurs souhaité que le Mécanisme respecte le processus d’achèvement de ses activités établies par le Conseil.  Enfin, il a rappelé qu’il est de la responsabilité des États de coopérer avec le Mécanisme et de l’aider en cas de besoin, notamment dans la recherche de fugitifs. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a déclaré que la justice est dispensée de matière sélective et qu’aucune preuve ne démontre que le Mécanisme soit en train d’achever ses travaux.  De nouveaux prétextes ne cessent d’être avancés pour prolonger son existence, a-t-il décrié, jugeant en outre erroné de considérer le Mécanisme comme un tribunal international à part entière alors qu’il a été conçu pour être une structure temporaire.  Le Mécanisme prolonge systématiquement tous les procès et fait perdurer artificiellement son existence, a-t-il accusé, décriant également « son appétit financier ».  Plus de 90 millions de dollars ont été dépensés cette année, bien qu’il n’y ait qu’une seule affaire en cours pour le moment, a-t-il noté, pour ensuite s’interroger sur la nécessité de dépenser une telle somme pour le maintien du Mécanisme.  Les tribunaux nationaux sont moins chers et fonctionnent bien, a-t-il estimé.  Qualifiant le travail du Mécanisme de « combinaison unique de partialité et de retard », le représentant russe s’est également dit préoccupé par le nombre croissant de cas d’outrage au tribunal. 

M. SHUANG GENG (Chine) a noté que le Mécanisme résiduel a su surmonter les contraintes liées à la pandémie et a pu ainsi rendre des jugements dans trois affaires dont il est saisi.  La Chine appuie activement ces avancées. Rappelant que le Mécanisme doit être une entité de taille modeste qui diminue au fil du temps, le délégué a espéré qu’il mènera ses travaux conformément au mandat établi par le Conseil de sécurité et finira ses travaux en temps voulu.  Pour ce faire, le Mécanisme doit disposer des ressources nécessaires, mais, compte tenu de la baisse du volume des affaires à finaliser, il l’a appelé à réduire ses dépenses. 

M. TERJE AALIA (Norvège) a d’entrée insisté pour que les décisions du Conseil de sécurité soient respectées.  « La non-coopération sape le Mécanisme, elle sape ce Conseil, et elle sape le droit international », a martelé le représentant.  Pour la Norvège, la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves est un élément central de sa politique étrangère.  À cet égard, si la délégation a salué le haut niveau d’activité du Mécanisme pendant la période de rapport, notamment le prononcé des jugements dans le procès de Stanišić et Simatović et dans l’affaire d’outrage de Nzabonimpa et Al, il a toutefois regretté l’absence de progrès dans les affaires Jojić et Radeta.  C’est pourquoi le représentant a exhorté une fois de plus la Serbie à coopérer pleinement avec le Mécanisme, déplorant que « son silence » adresse un mauvais message à la communauté internationale, plus de 20 ans après les guerres des Balkans. 

En tant que successeur de deux tribunaux, pour la Yougoslavie et pour le Rwanda, il est crucial que le Mécanisme mène à bien, et finalement achève, ses travaux relatifs à ces deux questions, a réitéré la délégation, entrevoyant, toutefois, « une bonne solution » à la situation difficile et durable des personnes qui ont été placées dans un lieu sûr à Arusha.  Le représentant a salué, dans ce contexte, le « rôle très utile » du Niger dans cet arrangement.  Pour finir, M. Aalia a fait part de sa préoccupation devant l’absence signalée de coopération efficace et en temps voulu de la part des États membres, appelant le Conseil à assumer sa responsabilité pour faciliter l’arrestation et la remise des personnes recherchées par le Mécanisme. 

Mme CATHERINE NYABOKE NYAKOE (Kenya) a pris note des progrès accomplis par le Mécanisme au cours de la période de référence, citant notamment le prononcé des jugements dans trois cas clefs, et cela malgré les modalités de travail adaptées à la pandémie.  Elle a aussi noté que la charge de travail du Mécanisme a considérablement baissé et a exhorté à régler rapidement les cas restants pour aider les survivants et les familles des victimes à trouver un dénouement et créer un environnement propice à la réconciliation.  Rappelant que le Mécanisme a été créé en tant que structure temporaire et efficace, la représentante a estimé qu’il avait fait ses preuves, mais qu’il ne saurait remplacer ou refléter le mandat des autorités nationales.  Il est important que les États fassent tout leur possible pour renforcer leur propre système judiciaire en tant que pilier essentiel de l’édification de la nation, du développement et de la prévention des conflits.  Par conséquent, le Kenya a appelé le Secrétaire général, et d’autres acteurs multilatéraux et régionaux pertinents, à rechercher toutes les voies possibles pour aider les États qui ont besoin à renforcer leurs capacités.  La représentante a, par ailleurs, souligné que la meilleure façon de prévenir le génocide est de limiter les cultures politiques qui militarisent les différences sociales, culturelles, ethniques et religieuses et présentent la compétition politique comme le reflet de ces identités.  Il a exhorté les États à intégrer des outils dans leurs lois nationales, leurs processus électoraux et leurs mécanismes pour gérer leur diversité de manière inclusive. 

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a noté que le Mécanisme continue à jouer un rôle vital dans la lutte contre l’impunité.  Les trois jugements prononcés prouvent bien qu’il s’efforce de s’acquitter de son mandat en réduisant les tâches résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux.  Le délégué a par ailleurs demandé au Gouvernement du Zimbabwe de veiller à coopérer avec le Mécanisme.  Il a jugé inadéquate la coopération judiciaire de certaines parties du monde occidental, ce qui a des répercussions directes sur la justice.  Le Royaume-Uni met en outre l’accent sur le renvoi devant le Conseil du comportement de la Serbie, qui n’assiste pas pleinement le Mécanisme.  « La réconciliation est ardue », a-t-il reconnu, ajoutant néanmoins que la glorification des auteurs de crimes de haine ne fait qu’éloigner de la voie de la réconciliation. 

Mme KAJAL BHAT (Inde) a salué les progrès enregistrés par le Mécanisme pendant la période à l’examen, tant à la Haye qu’à Arusha, ainsi que les efforts faits pour un retour à des réunions en présentiel.  Elle a appuyé le Mécanisme et souligné sa contribution dans la lutte contre l’impunité et la préservation de l’héritage du TPIR et du TPIY.  La déléguée a aussi mentionné les progrès accomplis en ce qui concerne la variété des mesures de protection et la supervision de l’exécution des peines.  Le Mécanisme devrait continuer à progresser s’agissant de la protection des victimes et des témoins, de l’appréhension des fugitifs recherchés par le TPIR, de l’assistance aux juridictions nationales et de la gestion des archives, a déclaré la déléguée.  Elle a appelé à une application du mandat du Mécanisme dans le « strict respect » des principes de justice, d’impartialité et d’équité.  En conclusion, la délégué de l’Inde a exhorté le Mécanisme à prendre les mesures nécessaires pour respecter le calendrier fixé pour les différentes affaires. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a pris note des jugements rendus dans les affaires Stanišić, Simatović et Nzabonimpa pendant la période à l’examen.  Elle a aussi salué les efforts accomplis pour harmoniser les approches des deux branches du Mécanisme.  La déléguée a déploré que l’appel lancé par ce Conseil aux États pour aider à l’appréhension des fugitifs recherchés soit resté pour l’heure lettre morte.  Les États ont l’obligation de coopérer avec le Mécanisme, a rappelé Mme Byrne Nason.  Elle a profondément regretté l’absence d’action de la Serbie alors que ce pays a fait l’objet d’un renvoi au Conseil en raison de sa non-coopération dans l’arrestation et la remise de M. Petar Jojić et Mme Vjerica Radeta.  « Nous appelons la Serbie et tous les États à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, à coopérer pleinement avec le Mécanisme et à appuyer les efforts pour l’arrestation et la remise des fugitifs. »  Mettre un terme à l’impunité est crucial pour préserver la paix et la stabilité dans la région, a-t-elle poursuivi.  La déléguée a appelé à combattre fermement toute négation de génocide ainsi que la glorification de criminels de guerre condamnés.  Enfin, Mme Byrne Nason a apporté le plein soutien de son pays au travail du Mécanisme, en appelant « à ne jamais oublier les victimes et survivants du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie. »

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a vu dans 2021 une « année décisive » pour le Mécanisme, qui, dans des circonstances difficiles, a été en mesure de poursuivre ses activités et d’enregistrer des avancées concrètes.  Si les décisions de juin dernier étaient attendues, celles de 2022 le sont tout autant, a-t-elle affirmé, souhaitant que le Mécanisme dispose de ressources financières adéquates et de personnels qualifiés pour achever les procès dans les délais.  À cette fin, la déléguée a exhorté une nouvelle fois tous les États à collaborer pleinement avec le Mécanisme et à le soutenir dans ses activités, non sans regretter que certains partenaires s’y refusent encore, malgré les appels multiples du Président du Mécanisme, du Procureur et de nombreux États membres, relayés au sein du Conseil de sécurité. 

Pour la représentante, il est notamment primordial que les derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) puissent comparaître devant la justice.  « Le décès des auteurs présumés des crimes les plus graves ne saurait valoir justice pour les victimes », a-t-elle souligné, avant de confirmer la pleine mobilisation de la France pour mener à son terme l’affaire Bucyibaruta, qui doit se tenir en cour d’assises entre le 9 mai et le 1er juillet 2022.  Saluant le renforcement des effectifs d’enquêteurs et de magistrats consacrés à la poursuite des génocidaires rwandais résidant en France, elle a rappelé que l’objectif demeure de faire en sorte qu’aucun crime de génocide ne puisse rester impuni.  Enfin, après avoir souligné l’importance de la protection des témoins dans les différentes affaires, elle s’est dite préoccupée par le déni des crimes et la glorification de génocidaires et de criminels de guerre condamnés par les tribunaux pénaux internationaux au terme de procédures impartiales et indépendantes. 

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a salué l’engagement et le travail acharné du Mécanisme qui a continué à faire des progrès importants au cours de la période couverte par le rapport, malgré l’impact des restrictions dues à la pandémie de COVID-19.  Il a ainsi mis en relief la décision confirmant la condamnation de Ratko Mladic, le travail approfondi du Mécanisme dans l’affaire Stanišić et Simatović, et les quatre condamnations pour interférence de témoins dans l’affaire d’outrage Nzabonimpa et consorts.  Ces jugements et arrêts nous rapprochent de la justice pour les victimes de ces crimes horribles, pour leur famille, leur communauté et leur pays, s’est réjoui M. Mills Jr.  Cependant, a-t-il encouragé, nous pouvons et devons faire plus pour prévenir de futures atrocités et réaliser les idéaux de la justice.  Cela inclut l’arrestation rapide des six fugitifs rwandais restants.  À cet égard, le délégué a appelé les États Membres qui pourraient les héberger à coopérer avec l’enquête.  Les États-Unis continuent d’offrir une récompense pouvant atteindre 5 millions de dollars pour toute information menant à l’arrestation, au transfert ou à la condamnation des fugitifs rwandais restants.  En outre, les États-Unis continuent d’être gravement préoccupés par la non-coopération de la Serbie concernant les mandats d’arrêt dans l’affaire Jojić et Radeta, qui ont été accusés d’interférence avec les témoins.  La Serbie a l’obligation légale de coopérer avec le Mécanisme et nous l’appelons à exécuter les mandats d’arrêt sans plus attendre, a martelé M. Mills Jr.  Il a également dénoncé ceux qui continuent à s’engager dans « la fiction dangereuse du déni de génocide », à protéger les monuments commémoratifs qui honorent les responsables du génocide et d’autres crimes, et à attiser les divisions ethniques au risque de voir se reproduire ces crimes horribles.  La pleine reconnaissance, au sein des systèmes nationaux, des condamnations internationales constitue un élément essentiel des efforts visant à garantir la non-récurrence, a souligné le délégué.  Pour finir, il a salué la nouvelle de l’annonce faite aujourd'hui de l’accord de transfert entre la République du Niger et l’ONU, une « étape importante et positive ». 

M. RABII ZENATI (Tunisie) a jugé important de préserver les gains acquis par le Mécanisme en matière de lutte contre l’impunité.  Cela est d’autant plus important que l’on assiste à des attitudes révisionnistes et de glorification de criminels de guerre, a dit le représentant, appelant à lutter contre ces « tendances dangereuses ».  Il a ensuite déclaré être d’avis que le Mécanisme, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, doit rester « une entité temporaire », agissant aux côtés d’autres outils.  Sa délégation est également en faveur d’une « rationalisation » des rapports et des activités du Mécanisme, compte tenu du coût de la justice internationale.  Le délégué tunisien a, en outre, appelé le Mécanisme à travailler avec professionnalisme et engagé les États à coopérer avec lui. 

Mme DIANI JIMESHA ARIANNE PRINCE (Saint-Vincent-et les Grenadines) a apporté son soutien au Mécanisme qui joue un rôle crucial dans la lutte contre l’impunité et la promotion de la réconciliation nationale.  Elle a salué les trois jugements rendus en juin, attestant des efforts inlassables et du dévouement du personnel du Mécanisme malgré les contraintes imposées par la pandémie.  La déléguée a ensuite déploré que sept juges sur 25 seulement soient des femmes, et appelé les États à avoir ce chiffre à l’esprit lors de la nomination de futurs candidats.  Elle a souligné l’importance de la coopération des États dans l’appréhension des fugitifs et l’exécution des jugements.  La volonté politique est capitale, a-t-elle dit, en rappelant que « l’absence de coopération sape l’état de droit ».  Elle a ensuite dénoncé la négation de génocide sous toutes ses formes ainsi que la glorification de criminels de guerre condamnés comme tels.  Le travail de mémoire autour des périodes douloureuses de l’histoire est crucial pour éviter le retour des rhétoriques haineuses et la répétition des atrocités du passé, a conclu Mme Prince. 

M. ANDRE LIPAND (Estonie) a salué les progrès réalisés par le Mécanisme dans l’exercice de ses activités judiciaires au cours de la période considérée, y compris le prononcé de trois jugements en juin de cette année.  Il a aussi remercié le Président du Mécanisme pour ses efforts en faveur de la réinstallation des neuf personnes acquittées et libérées résidant actuellement à Arusha, en Tanzanie, appelant toutes les parties prenantes à garantir une solution sûre et rapide.  Le représentant a par ailleurs exhorté les États, en particulier les États d’Afrique, à intensifier leur coopération avec le Mécanisme afin d’arrêter et de remettre tous les fugitifs restants.  À cet égard, il a regretté que la Serbie continue de « méconnaître ses obligations » en vertu du droit international et a demandé à ce pays de respecter les mandats d’arrêt lancés à l’encontre de Petar Jojić et Vjerica Radeta.  De l’avis du délégué, la communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent travailler ensemble pour assurer la justice pour les innombrables victimes et survivants.  Dans le même temps, les juridictions nationales doivent également assumer leur rôle, a-t-il fait valoir, en saluant l’assistance que fournit le Mécanisme aux tribunaux nationaux qui poursuivent des crimes internationaux commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda.  Il s’est cependant déclaré préoccupé par la négation continue des génocides et la glorification des criminels de guerre condamnés.  « C’est inacceptable et cela doit cesser. »

M. JUAN GÒMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) s’est félicité des progrès annoncés dans le rapport du Mécanisme, estimant que l’engagement des juges, du bureau du Procureur et de toute l’équipe a été crucial pour rendre ces résultats possibles.  La conclusion de l’affaire Mladić en juin est la preuve que, lorsqu’il s’agit d’atrocités de masse, il n’y a pas de place pour l’impunité, s’est-il félicité.  Le délégué a estimé nécessaire de réaffirmer « notre foi » dans la responsabilité en tant que pilier fondamental de la réconciliation et de la reconstruction du tissu social.  Par conséquent, les ressources consacrés sont, à son avis, pleinement justifiées et seront toujours insuffisantes face aux souffrances indicibles endurées par les victimes et leurs proches.  Tout en prenant note des progrès dans l’affaire Félicien Kabuga, M. Gómez Robledo Verduzco a recommandé la vigilance alors que le procès commence.  Il a vu dans les progrès accomplis jusqu’à présent un signe positif pour les victimes du génocide au Rwanda.  Par ailleurs, il a exprimé son inquiétude quant au manque de respect des mandats d’arrêt émis dans l’affaire Jojić et Radeta.  Pour lui, la coopération est obligatoire, et le non-respect des exigences de la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité est inacceptable.  On ne peut, d’une part, prétendre dans une affaire que la situation sur le territoire de l’ex-Yougoslavie exige le plein respect des résolutions du Conseil et ignorer, d’autre part, les autres résolutions dont dépendent les réparations dues aux victimes, a-t-il martelé. 

M. SAMADOU OUSMAN (Niger) s’est félicité des progrès accomplis par le Mécanisme, dont, entre autres, les différentes décisions de justice rendues; la recherche des derniers fugitifs du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), l’assistance aux juridictions nationales et le suivi des affaires renvoyées devant ces juridictions, ainsi que la gestion des archives des Tribunaux ad hoc (pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda) et du Mécanisme.  Il s’est réjoui de savoir que le Mécanisme est en mesure de soutenir pleinement ses activités restantes pour l’année 2021, et a demandé au Conseil de sécurité en coordination avec l’Assemblée générale, d’allouer les ressources suffisantes pour lui permettre de bien remplir sa mission.  Il s’est également félicité de la signature, le 15 novembre 2021, d’un accord entre le Niger et les Nations Unies, relatif au transfert des personnes libérées ou acquittées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda ou le Mécanisme international résiduel pour les Tribunaux pénaux. 

M. Ousman a par ailleurs encouragé toute activité de sensibilisation et d’éducation, pour faire connaître aux communautés touchées et aux jeunes générations de la région, l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de concert afin de prévenir la commission de nouveaux crimes de génocide.  Les défis relatifs aux procédures judiciaires auxquels est confronté le Mécanisme, comme le manque de coopération ou le déni de génocide constituent un véritable défi auquel nous devons tous nous attaquer, a regretté le représentant.  Il a encouragé l’éducation et la culture mémorielle comme instruments clefs dans le combat contre l’idéologie du génocide, afin de favoriser la réconciliation et la consolidation de la paix.  Le Niger a également encouragé le renforcement des capacités des fonctionnaires des États concernés, afin de mettre en exergue le principe de la complémentarité, et la prise en charge de l’établissement des responsabilités par les autorités nationales. 

M. SVEN ALKALAJ (Bosnie-Herzégovine) a affirmé que les autorités judiciaires de Bosnie-Herzégovine prennent toutes les mesures nécessaires pour conclure, dès que possible, toutes les affaires en cours, ou non-encore résolues, relatives aux crimes de guerre.  En 2021, le Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine a émis six actes d’accusation contre neuf personnes.  La Cour de Bosnie-Herzégovine a confirmé cinq actes d’accusation et un autre est toujours à l’examen.  Au cours de la même période, cette juridiction a rendu huit arrêts, tandis que le Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine a transmis aux bureaux des procureurs des entités et au Bureau du Procureur du district de Brcko plus de 170 cas pour enquêtes et poursuites.  À ce jour, il reste encore 67 affaires répertoriées dans la liste de catégorie A de La Haye, qui concernent 173 personnes suspectes en attente de poursuites et 805 personnes poursuivies et non poursuivies.  Le nombre total de toutes les affaires d’enquête encore inachevées au bureau du procureur de Bosnie-Herzégovine est de 378 visant 3 833 auteurs. 

Le représentant a redit la détermination de son pays à enquêter, poursuivre et punir toutes les personnes responsables de crimes de guerre, indépendamment de la nationalité, de l’origine ethnique, de la religion et de l’affiliation politique ou autre de l’accusé.  La protection des témoins reste également un sujet de la « plus haute importance ».  La coopération entre les institutions de Bosnie-Herzégovine et celles des pays voisins dans l’échange d’informations est également cruciale, alors que nous continuons à rechercher plus de 6 000 personnes toujours portées disparues, a-t-il dit, indiquant que dans cet esprit, la Bosnie-Herzégovine avait signé plusieurs accords bilatéraux avec la Croatie, le Monténégro et la Serbie, afin de renforcer la coopération et l’échange d’informations et d’éléments de preuve.  De plus, le Procureur en chef par intérim du Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine et celui du bureau des crimes de guerre de la République de Serbie se sont rencontrés le 23 novembre dernier à Sarajevo afin de discuter de la coopération, de l’échange d’informations et de preuves et de la lutte contre l’impunité. 

M. Alkalaj a également affirmé que s’agissant de la coopération avec les autorités judiciaires de Croatie, elle doit être « améliorée », le Gouvernement croate de 2015 ayant décidé de ne pas se conformer aux demandes d’entraide judiciaire dans les cas traités comme des crimes contre l’humanité.  Cette décision doit être retirée, a-t-il tranché.  Le représentant a enfin jugé « inacceptable » la glorification des crimes de guerre, de leurs auteurs et la négation desdits crimes.  Les élèves de Bosnie-Herzégovine étudient « différemment » les événements du passé récent, alors que des criminels de guerre sont glorifiés comme des héros.  Les cas de peintures murales avec le portrait de Ratko Mladic à Belgrade ne sont pas susceptibles de conduire à la réconciliation en Bosnie-Herzégovine et dans la région des Balkans occidentaux, a prévenu M. Alkalaj, en conclusion. 

M. NEMANJA STEVANOVIC (Serbie) a tout d’abord rappelé la décision relative à la demande de libération anticipée de M. Sreten Lukić, prise par le Président Carmel Agius le 7 octobre, y voyant le résultat des « efforts déployés » par la Serbie.  Il a tenu à exprimer, à cet égard, sa gratitude au Président Agius et ainsi que sa « ferme assurance » que la Serbie se conformera aux exigences énumérées dans la décision susmentionnée.  De même, il a souligné la nécessité de répondre à toutes les demandes soumises au Mécanisme par les citoyens de Serbie qui remplissent les conditions d’une libération anticipée, et ce, dans les meilleurs délais.  En outre, M.  Stevanovic est revenu sur les réunions entre le Président de la Serbie et le Ministre de la justice avec le Procureur général du Mécanisme, M. Serge Brammertz, mettant en avant les « résultats exceptionnels obtenus ».  De fait, a-t-il indiqué, « presque toutes les demandes » que le Bureau du Procureur a présentées au Gouvernement de Serbie ont été satisfaites. 

Ainsi, au cours des six derniers mois, deux jugements ont été rendus par le Mécanisme, tous deux en juin: le jugement de deuxième instance dans l’affaire Ratko Mladic, et celui de première instance dans l’affaire Stanišić/Simatović.  À cet égard, le représentant a souhaité que l’aspect humanitaire soit pris en considération lors du choix du pays où M. Mladic purgera sa peine, faisant valoir les graves problèmes de santé dont souffre cette personne âgée.  Poursuivant, il a rappelé les initiatives de la Serbie qui, jusqu’à présent, n’ont été soutenues ni par le Conseil de sécurité ni par le Mécanisme.  L’une d’entre elles est relative à la demande que les peines prononcées par le TPIY et le Mécanisme soient purgées en Serbie, du fait, a-t-il souligné, qu’un grand nombre des condamnés qui purgent actuellement leur peine sont soit de nationalité serbe, soit des citoyens de Serbie.  Dans ce contexte, le représentant a fait part de la disposition de la Serbie à assumer ses obligations et responsabilités: « Nous acceptons la supervision internationale et sommes prêts à offrir de solides garanties que les personnes condamnées ne seront pas remises en liberté prématurément sans décisions correspondantes du Mécanisme, au cas où elles purgeraient leur peine en Serbie », a-t-il assuré. 

M. Stevanovic a, d’autre part, soulevé la question « non résolue » relative au sort des archives du Tribunal, estimant que les documents qui n’ont pas été utilisés comme preuves au cours des procédures du TPIY et du MICT devraient être « restitués » aux institutions qui les ont fournies. 

Il a par ailleurs regretté que « deux de nos citoyens » incarcérés soient actuellement harcelés par les représentants de la soi-disant « République du Kosovo », dans une référence à la tentative d’interrogatoire de M. Pavkovic et d’extradition de M. Djordjevic, plaidant auprès du Conseil de sécurité pour que « ces actes ne se produisent pas ».  Une autre question soulevée par la délégation est liée aux menaces et à l’intimidation des témoins dans l’affaire Jojić/Radeta.  En effet, a expliqué le représentant, le 21 octobre, l’un des témoins a fait une demande d’assistance urgente auprès de notre Ministère de la justice, déclarant avoir été exposé à des menaces, des chantages et des agressions verbales et qu’on lui avait ordonné de témoigner contre Jojić et Radeta.  De telles actions de la part de l’équipe du Procureur amici curiae doivent être dénoncées et sanctionnées, a-t-il martelé. 

L’engagement de la Serbie a été démontré par des années d’efforts visant à garantir que toutes les parties responsables de crimes de guerre soient traduites en justice, a insisté le représentant.  Il en a voulu pour preuve la nouvelle stratégie nationale pour les procédures relatives aux crimes de guerre (2016-2021) qui vise à renforcer tous les mécanismes de lutte contre l’impunité des crimes de guerre, à protéger et à soutenir les victimes, à établir le sort des personnes disparues et à créer un environnement social propice à la tolérance et à la réconciliation, conscient qu’il est que les procédures relatives aux crimes de guerre représentent l’une des questions les « plus importantes de notre processus d’intégration européenne ».

Au cours de la période considérée, a ajouté le représentant, le Bureau du Procureur serbe chargé des crimes de guerre s’est attaché à renforcer la coopération avec les procureurs régionaux, rappelant la tenue de la Conférence régionale des procureurs (Belgrade - 21 et 22 septembre 2021), avec le soutien du PNUD et du Gouvernement britannique, et la participation des représentants des bureaux des procureurs de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, du Monténégro, ainsi que des représentants du Bureau du Procureur du Mécanisme résiduel présidé par le Procureur en chef M. Serge Brammertz.  Pour lui, la coopération entre la Serbie et le Mécanisme résiduel a été couronnée de succès, et il a encouragé, en conclusion, le Conseil de sécurité à s’engager activement dans les affaires qu’il a initiées. 

Mme VALENTINE RUGWABIZA (Rwanda) a rappelé que Félicien Kabuga est l’un des planificateurs du génocide commis contre les Tutsis en 1994 et le seul fugitif appréhendé par le Mécanisme depuis 2010.  Plus d’un an après son arrestation en France en mai 2020 et sa remise au Mécanisme en octobre 2020, son procès n’a toujours pas débuté, a-t-elle regretté.  Elle a souhaité rappeler au Conseil « ce fait élémentaire » pour souligner ce qui est en jeu dans ce dossier, à savoir la justice pour les victimes du crime du génocide encouragé par M. Kabuga et la performance du Tribunal.  Celle-ci doit être évaluée à l’aune de sa capacité à s’acquitter du cœur judiciaire de son mandat, a-t-elle déclaré, ajoutant que la priorité de son Gouvernement est que ce procès débute.  Elle a ainsi espéré que le prochain rapport du Mécanisme fera état des progrès accomplis en ce sens plutôt que de contenir des explications détaillées sur les procédures préparatoires. 

En ce qui concerne les fugitifs toujours recherchés, Mme Rugwabiza a déploré qu’un certain nombre d’États membres continuent de faire obstruction à la justice en refusant de coopérer avec le Bureau du Procureur.  Rappelant que plus d’un 1,4 million de Rwandais ont été assassinés en trois mois en 1994, elle s’est interrogée sur l’intérêt géostratégique que pourrait avoir un État Membre à aider les responsables du génocide à échapper à la justice.  Elle a ensuite commenté le transfert de neuf Rwandais qui se trouvaient à Arusha dans un pays tiers, à savoir le Niger.  « Nous n’avons été informés ni par le Mécanisme ni par le pays hôte d’un tel transfert. »  Elle a souhaité savoir si la prise en charge de ces neuf personnes, qui ne font plus l’objet d’aucune procédure, est imputée au budget du Mécanisme.  Enfin, la déléguée a dit attendre du pays hôte qu’il fasse en sorte qu’aucune de ces neuf personnes n’usent de son territoire pour mener les activités subversives qui ont contribué à l’instabilité et à l’insécurité de la Région des Grands Lacs au cours des dernières décennies. Il y a des éléments de preuve que certains se sont engagés dans de telles activités après avoir été acquittés par le TPIR, a averti la déléguée. 

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a noté que le Mécanisme a fait d’importants progrès depuis la dernière réunion d’information du Conseil en juin dernier.  Il s’est ainsi félicité que la Chambre d’appel du Mécanisme ait confirmé la peine d’emprisonnement à perpétuité « bien méritée » prononcée contre Ratko Mladić pour des atrocités comprenant le génocide de Srebrenica.  De plus, a-t-il rappelé, la Chambre de première instance a rendu son jugement dans l’affaire Jovica Stanišić et Franko Simatović, reconnaissant les deux hommes responsables de complicité de crimes contre l’humanité commis par les Forces serbes à la suite de la prise de Bosanski Šamac en avril 1992. 

Le délégué s’est cependant déclaré surpris d’apprendre que, bien qu’il ait établi l’existence d’une entreprise criminelle commune de responsables serbes en Croatie, en Serbie et en Republika Srpska, le Mécanisme n’ait pas inscrit MM. Stanišić et Simatović parmi eux.  À ses yeux, cette décision s’écarte des conclusions des verdicts du TPIY contre Milan Babić et Milan Martić pour les crimes commis en Croatie, qui établissaient l’existence d’une entreprise criminelle commune à laquelle MM. Stanišić et Simatović, en tant que hauts responsables de la sécurité de la Serbie, ont participé avec d’autres, sous la direction de Slobodan Milošević.  Il a donc émis l’espoir que la Chambre d’appel reconnaîtra la nécessité de cohérence des jugements rendus par l’ancien TPIY et le Mécanisme, et condamnera MM. Stanišić et Simatović pour participation à une entreprise criminelle commune, ainsi que pour tous les crimes commis en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, comme demandée par le Procureur. 

Le représentant a ensuite estimé que, dans le cadre du travail que doit réaliser le Mécanisme avant son achèvement, les fugitifs rwandais doivent être appréhendés et jugés.  De même, le troisième renvoi de la Serbie au Conseil de sécurité, pour ne pas avoir arrêté et transféré Petar Jojić et Vjerica Radeta, doit être traité efficacement, comme le demande le rapport du Président Agius, a-t-il préconisé, avant de condamner la glorification de criminels de guerre tels que MM. Mladić, Stanišić et Simatović, ainsi que la négation constante du génocide commis à Srebrenica.  Il a également relevé que la Croatie attend toujours la réponse de la Serbie à sa proposition d’accord bilatéral sur le traitement des crimes de guerre. 

M. Šimonović a d’autre part regretté que des demandes « infondées et politiquement motivées » aient été initiées par la Republika Srpska et transmises à la Croatie par l’intermédiaire des institutions de Bosnie-Herzégovine.  Il a précisé que son gouvernement a ainsi rejeté la demande de reprise des poursuites contre 14 officiers croates de haut rang, soupçonnés de crimes de guerre qui auraient été commis lors de l’opération « Flash » de 1995, et ce, sur la base des dispositions de l’Accord bilatéral sur l’entraide judiciaire en matière civile et pénale.  Le délégué a enfin estimé que la coopération doit aussi porter sur la recherche des personnes disparues.  Assurant que le sort de 1 853  citoyens croates toujours portés disparus reste une priorité de son pays, il a rappelé que les restes d’au moins 10  personnes ont récemment été retrouvés, « les mains liées », dans une fosse commune près de la ville de Vukovar.  La découverte de ce charnier a été le résultat du « seul effort des autorités croates », ce qui « démontre clairement que des informations cruciales ne sont toujours pas partagées », a-t-il déploré. 

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