Conseil de sécurité: les enquêtes sur les crimes commis par l’EIIL en Iraq sont à un « tournant » porteur d’espoir, affirme le Chef de l’Équipe d’enquêteurs de l’ONU
Deux jours après la condamnation, par un tribunal allemand, d’un membre de l’EIIL reconnu coupable de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, le Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD) a déclaré ce matin, au Conseil de sécurité, que l’on se trouve à « un tournant », porteur d’une « lueur d’espoir inattendue ».
Présentant le septième rapport de l’Équipe d’enquêteurs, M. Christian Ritscher a notamment affirmé qu’en établissant les faits sur les crimes commis contre toutes les communautés en Iraq et en utilisant une technologie de pointe, il est désormais possible de « concevoir un nouveau panorama » dans lequel ceux qui pensaient échapper à la justice seront tenus pour responsables de leurs actes devant un tribunal.
Le Conseiller spécial, qui a pris ses fonctions il y a deux mois, a par exemple indiqué que l’UNITAD avait pu identifier plusieurs membres de l’EIIL responsables de l’exécution sommaire, en juin 2014, de près d’un millier de personnes, en général chiites, dans la prison centrale de Badouch, près de la ville de Mossoul.
L’Équipe d’enquêteurs a également pu établir que l’EIIL avait utilisé des armes chimiques et biologiques en tant que « priorité stratégique » en saisissant des usines de produits chimiques et en faisant de l’Université de Mossoul un centre de recherche et de développement. En tout, a précisé M. Ritscher, plus de 3 000 personnes ont été affectées par les attaques chimiques perpétrées par le groupe terroriste, notamment à Taza Khurmatu où des projectiles contenant du gaz moutarde au souffre ont été utilisés.
Avec la condamnation de M. Taha al-Jumailly, accusé d’avoir laissé périr par 50 degrés de chaleur une petite fille yézidie de 5 ans, nous avons maintenant l’opportunité de faire de telles poursuites la norme, et non une « célèbre exception », s’est félicité le Chef de l’UNITAD. « La justice a été lente mais, dorénavant, l’espoir est là. »
Saluant à leur tour ces avancées, les membres du Conseil de sécurité ont souligné eux aussi que tous les crimes atroces commis en Iraq par l’EIIL, de même que leurs auteurs ne doivent pas restés impunis. Il est « important », « indispensable », « essentiel » de parvenir à rendre les auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité responsables de leurs actes, ont martelé plusieurs délégations.
Certaines ont cependant souligné qu’il appartient en premier lieu au Gouvernement iraquien de juger les responsables de crimes commis sur son territoire, la Fédération de Russie, la Chine et la Tunisie appelant au respect de la pleine souveraineté de l’Iraq et de sa juridiction sur les crimes commis sur son territoire. L’UNITAD, qui a pu collecter ces éléments de preuve, avec le soutien des autorités iraquiennes, doit maintenant assurer leur transfert à l’Iraq, afin de contribuer et d’accélérer le processus de comparution en justice des responsables, ont estimé ces délégations, la Fédération de Russie estimant de surcroît que l’absence de législation nationale spécifique en la matière ne doit pas se faire ressentir de manière négative sur le mandat de l’UNITAD.
À ce sujet, la délégation iraquienne a fait savoir que le Parlement national a parachevé la première lecture du projet de loi visant à utiliser les preuves des crimes perpétrés par l’EIIL. Elle a cependant déploré que le dernier rapport de l’UNITAD ne propose pas de mesures concrètes pour transmettre les éléments de preuve à son gouvernement afin de faciliter la comparution des membres de Daech devant les tribunaux iraquiens. L’utilisation des preuves pénales doit se faire avec les autorités iraquiennes, conformément au paragraphe 39 du mandat de l’UNITAD, compte tenu du fait que le peuple iraquien est la principale victime, a insisté la délégation.
Tout en soutenant le principe d’une coopération entre l’UNITAD et les autorités iraquiennes, certaines délégations ont toutefois émis des réserves quant au transfert, sans condition, de ces éléments de preuve.
Il y a une « position constante » des Nations Unies concernant la non-transmission d’éléments dans le cadre de procédures judiciaires impliquant la possibilité de condamnation à la peine de mort, a rappelé la France, engageant l’Iraq à finaliser, en premier lieu, son cadre législatif permettant la traduction en justice des membres de Daech, dans le respect des standards et principes internationaux les plus élevés en matière de droits humains. L’adoption d’une législation permettant de poursuivre les auteurs de crimes d’atrocité est « essentielle » pour permettre à l’UNITAD de partager des preuves avec les autorités iraquiennes compétentes, conformément à son mandat, ont abondé les États-Unis.
Créée par la résolution 2379 (2017) du Conseil de sécurité, à la demande de l’Iraq, l’Équipe d’enquêteurs est chargée de recueillir, conserver et stocker des éléments de preuve en Iraq d’actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide perpétrés par Daech dans le pays.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
S’exprimant pour la première fois devant le Conseil depuis son entrée en fonctions il y a deux mois, M. CHRISTIAN RITSCHER, Conseiller spécial du Secrétaire général et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), a déclaré que l’on se trouvait à « un tournant avec une lueur d’espoir inattendue ». En établissant les faits relatifs aux crimes commis contre toutes les communautés touchées dans le pays, avec l’élaboration de dossiers détaillés, et en utilisant une technologie de pointe, il est désormais possible de concevoir un nouveau panorama dans lequel ceux qui pensaient échapper à la justice seront tenus pour responsables des leurs actes devant un tribunal, a-t-il affirmé.
Le Conseiller spécial a témoigné qu’il y a une semaine, il s’était rendu sur un charnier aux alentours de Mossoul contenant les restes des victimes d’exécutions commises en juin 2014, par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), dans la prison centrale de Badouch. Il a salué l’engagement des autorités nationales et de tous les autres partenaires qui travaillent dans ce lieu reculé et qui, malgré les risques sécuritaires, appuient la collecte des preuves qui permettront de rendre justice et d’aider les familles à pouvoir enfin enterrer les restes de leurs êtres chers.
M. Ritscher a expliqué que les travaux de collecte de preuves, et les conversations avec les survivants, montrent que cette attaque avait été préparée avec soin par les combattants de l’EIIL. Selon les preuves collectées, au moins 1 000 prisonniers, en général chiites, ont été sommairement exécutés et l’UNITAD est parvenue à identifier un certain nombre de membres de l’EIIL responsables de ces crimes qui sont notamment constitutifs de crimes contre l’humanité.
Le Chef de l’UNITAD a également indiqué que l’analyse des preuves provenant des champs de bataille avait démontré que l’utilisation, par l’EIIL, d’armes chimiques et biologiques n’avait pas été « opportuniste » mais une « priorité stratégique » témoignant d’une vision à long terme. L’EIIL, a-t-il détaillé, a saisi des usines de produits chimiques et d’autres sources de matériaux précurseurs, et fait de l’Université de Mossoul un centre de recherche et de développement. En tout, plus de 3 000 personnes ont été affectées par les attaques chimiques perpétrées par l’EIIL, et l’enquête sur l’attaque de Taza Khurmatu démontre qu’elle a été la cible de nombreux tirs de projectiles contenant du gaz moutarde au souffre. Comme pour toutes les activités de l’EIIL, a-t-il ajouté, sa conviction que ses documents et sa structure interne ne seraient jamais découverts permet d’espérer que les responsabilités pourront être établies, l’analyse des documents très détaillés laissés par l’EIIL ayant permis à l’UNITAD d’identifier les individus responsables de la création de ces programmes et des attaques.
En outre, les travaux du Groupe chargé de la criminalité financière ont permis de faire lumière sur le fonctionnement du Bayt al-Mal, la trésorerie de l’EIIL qui était chargée de la collecte et de la gestion de ses richesses, et d’identifier les membres d’un réseau de hauts dirigeants qui détournaient les richesses acquises par l’EIIL suite à des actes de pillage, de vols et de l’imposition d’un système de taxation systématique et abusif aux personnes vivant sous leur contrôle. Ce travail a mis en évidence l’étendue de l’exploitation financière des communautés les plus vulnérables pour le bénéfice personnel des membres les plus hauts placés de l’EIIL, a-t-il indiqué, pour ensuite se féliciter de l’intensification du travail entre l’UNITAD et les autorités iraquiennes à l’appui de la poursuite des responsables.
Notant que le travail de l’UNITAD ne se limite pas au rassemblement d’éléments de preuve ou à la création d’archives, M. Ritscher a également fait état d’une intensification des efforts de partage des connaissances avec les autorités, évoquant notamment la mise œuvre d’un projet de numérisation qui permet de traiter 25 000 documents par jour. À travers les contacts avec des survivants et des témoins, et grâce à l’exploitation de données numériques comme les empreintes digitales, des poursuites sont d’ores et déjà possibles, a-t-il affirmé. Il y a deux jours, un jalon historique a d’ailleurs été franchi suite à la condamnation par un tribunal en Allemagne, d’un membre de l’EIIL, M. Taha al-Jumailly, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, a-t-il indiqué, rappelant que cet individu avait laissé périr par 50 degrés de chaleur une petite fille yézidie de 5 ans qui avait été achetée avec sa mère lorsque l’EIIL occupait sa communauté. Nous avons maintenant l’opportunité de faire de telles poursuites la norme, et non une « célèbre exception », s’est félicité le Conseiller spécial qui a annoncé qu’il se rendra la semaine prochaine à Kochu, un village de Sinjar, pour assister à une cérémonie de retour des dépouilles de victimes exécutées en août 2014. « La justice a été lente mais, dorénavant, l’espoir est là », a-t-il conclu.
Dans une courte intervention, M. FERGUS ECKERSLEY (Royaume-Uni) a jugé « important » de veiller à la reddition de comptes pour les crimes commis par l’État islamique d’Iraq et du Levant. Il s’est félicité des efforts déjà déployés en ce sens par les autorités iraquiennes et par l’UNITAD. Il est essentiel que nous veillions, ensemble, à ce que les auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’humanité soient jugés, a-t-il souligné.
M. GENG SHUANG (Chine) a jugé très important que l’ONU rassemble des éléments de preuve des atrocités commises par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) et aide l’Iraq, qui s’efforce de garantir l’établissement des responsabilités, dans le respect de la souveraineté iraquienne. Il a applaudi les avancées réalisées par les enquêtes de l’UNITAD, tout en jugeant « déplorable » qu’elle n’ait toujours pas réussi à réaliser des progrès véritables en matière d’établissement des responsabilités. M. Geng a ainsi rappelé que la résolution 23/79 stipule explicitement que le Gouvernement iraquien est le premier récipiendaire des éléments de preuve de nature pénale. Or, a-t-il déclaré, « si l’on établit des conditions préalables au transfert d’éléments de preuve, on ne contribuera en rien à rendre une justice rapide ». M. Geng a donc encouragé l’UNITAD à poursuivre sa coopération avec le Gouvernement iraquien et à renforcer ses capacités, notamment en matière de collecte et numérisation des éléments de preuve, tout en respectant scrupuleusement la souveraineté judiciaire de l’Iraq. Enfin, la délégation a rappelé que l’UNITAD est un mécanisme temporaire qui vise à contribuer aux efforts de lutte contre l’impunité en Iraq et ne doit pas devenir un organe permanent. Elle a donc souhaité que les idées préliminaires contenues dans son rapport pour sa stratégie de fin d’activités soient étoffées pour examen par le Conseil.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a pris note du rapport qui reflète « une transition efficace » qui a permis la continuité du travail d’enquête sur le terrain, se félicitant de l’étroite coopération des autorités iraquiennes avec l’UNITAD, en particulier dans la numérisation des preuves documentaires, la formation et le soutien technique pour l’excavation des tombes et l’organisation de cours de droit pénal international à l’intention des juges. Le représentant a également noté le travail de l’Unité des crimes financiers de l’UNITAD, qui enquête sur le financement et la gestion des ressources de l’EIIL. Les exhumations des victimes doivent être effectuées avec respect et dignité, afin de favoriser la sérénité psychosociale, a également ajouté le représentant, soulignant la programmation d’une nouvelle cérémonie de restitution des dépouilles aux proches dans le village de Kocho.
M. de la Fuente Ramírez a enfin réitéré l’importance de veiller à ce que les crimes commis par I’EIIL ne restent pas impunis, se disant convaincu que les preuves qui ont été et continuent d’être collectées par l’UNITAD serviront à donner des moyens aux tribunaux nationaux et internationaux, y compris à la Cour pénale internationale, de poursuivre et juger les responsables de ces atrocités. Il s’est, à cet égard, félicité de la décision rendue cette semaine par un tribunal de Francfort, en Allemagne, contre Taha al-Jumailly, le premier membre de l’EIIL à être jugé pour génocide contre la communauté yézidie.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a souhaité qu’avec l’arrivée de M. Christian Ritscher à la tête de l’UNITAD, l’Équipe d’enquêteurs redoublera d’efforts pour assurer la collecte et l’analyse objectives et impartiales des preuves pour les crimes commis par l’EIIL en Iraq. Il a salué la conclusion de l’enquête sur les exécutions massives de prisonniers chiites dans la prison de Badouch, qualifiant ces crimes d’« injustifiables ». Il s’est également félicité des progrès tangibles réalisés par les enquêtes sur la mise au point et l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par des terroristes, ainsi que sur les crimes commis contre les communautés sunnite, chrétienne, chiite et kakaï, entre autres.
Le représentant a ensuite prié l’UNITAD de maintenir le rythme mais pas au détriment de la qualité de son travail. L’utilisation des technologies de pointe, notamment l’apprentissage automatique, lors de l’analyse et la collecte de données, ne doit pas contrevenir aux critères d’admissibilité des preuves, a-t-il souligné. Il a plaidé pour que les autorités iraquiennes puissent accéder aux éléments de preuve recueillis, comme le prescrit la résolution 2379 (2017), estimant que l’absence de législation nationale spécifique en la matière ne doit pas se faire ressentir de manière négative sur le mandat de l’UNITAD. L’accès de l’Iraq aux preuves accélérera le processus de comparution en justice des responsables, a-t-il noté.
M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a félicité l’UNITAD pour sa coopération renforcée avec le Gouvernement iraquien, encourageant l’Équipe à continuer à proposer des formations et d’autres formes de renforcement des capacités aux autorités locales en vue de les aider à poursuivre les membres de l’EIIL. Le fort engagement des autorités iraquiennes et des communautés locales reste, à son avis, un facteur clef dans les enquêtes. À cet égard, la création du département de protection des témoins avec le soutien de l’UNITAD constitue, pour le délégué, une mesure importante de la part du Gouvernement iraquien.
À la lumière des récentes élections en Iraq, M. Dang a espéré que le mécanisme continuera d’apporter son soutien à l’établissement d’une base juridique permettant de poursuivre les membres de l’EIIL pour les crimes commis. Enfin, le représentant a fait part de sa grande appréciation vis-à-vis du soutien des États Membres et des organisations internationales à l’UNITAD par la mise à disposition d’experts et de fonds. Il témoigne, selon lui, du ferme engagement de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme et la prévention de la renaissance de l’EIIL.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) s’est félicité que la justice allemande ait cette semaine condamné à la perpétuité un jihadiste iraquien pour « génocide » de la minorité yézidie grâce à des éléments de preuve rassemblés par l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD). Rappelant les crimes atroces perpétrés par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) contre des populations vulnérables, le représentant s’est inquiété de la montée en puissance de cette idéologie génocidaire notamment en Afrique. Il a salué la détermination du Conseiller spécial à coopérer avec les hauts responsables gouvernementaux iraquiens depuis le début de sa mission. Il a invité ce dernier à travailler avec toutes les organisations de la société iraquienne. Il s’est en outre félicité de l’accélération en 2021 des activés de l’UNITAD et notamment de l’appui apporté au Gouvernement iraquien en matière d’exhumation des charniers de Daech. Par ailleurs, il a encouragé le Conseil de sécurité à prendre très au sérieux les autres demandes de justice pour les crimes commis par d’autres groupes terroristes en Afrique, en général, et dans la Corne de l’Afrique en particulier.
Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a salué le dialogue engagé par l’UNITAD avec toutes les composantes de la société iraquienne. Il est essentiel que les familles de celles et ceux qui ont été victimes des atrocités commises par Daech puissent être associées au travail mené par les enquêteurs, a indiqué la représentante. Prenant acte des importants progrès accomplis depuis la présentation du sixième rapport au Conseil le 10 mai dernier, la déléguée a dit qu’en dépit des défis liés à la pandémie de COVID-19, le mécanisme s’est donné les moyens de parvenir à des résultats en mettant en œuvre des solutions créatives et innovantes. La pandémie a donné une nouvelle pertinence à la stratégie développée par l’Équipe d’intégrer des outils technologiques, tels que l’intelligence artificielle, au service de la caractérisation des chefs d’accusation, en vue d’optimiser les futures poursuites ouvertes à l’encontre des membres de Daech, a noté Mme Dime Labille. Elle a aussi mis ces progrès et cette réussite sur le compte de la très bonne coopération avec l’Iraq notamment le partage d’informations sur le financement des crimes commis par Daech qui a permis à l’UNITAD de découvrir des preuves détaillant le fonctionnement administratif interne de la trésorerie centrale de Daech et la manière dont celle-ci a directement soutenu la capacité de Daech à commettre ses crimes.
La délégation a souligné l’importance que l’UNITAD poursuive la sensibilisation des autorités judiciaires iraquiennes sur le mandat de l’Équipe d’enquêteurs défini par la résolution 2379 du 21 septembre 2017, notamment au travers de la formation des juges d’instruction iraquiens au droit pénal international et à l’élaboration de dossiers d’accusations et de poursuites contre des membres de Daech pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Elle a aussi rappelé l’importance de la position constante des Nations Unies de non-transmission d’éléments dans le cadre de procédures judiciaires impliquant la possibilité de condamnation à mort, où que ce soit. Le cadre législatif permettant de traduire en justice les membres de Daech dans le respect des standards et principes les plus élevés en matière de droits de l’homme doit être finalisé, a préconisé Mme Dime Labille, laquelle a salué les efforts du Conseiller spécial et de l’Équipe pour offrir un soutien psychologique aussi bien aux victimes survivantes qu’aux témoins. Elle a terminé en réaffirmant l’engagement de la France aux côtés des Iraquiens dans la lutte contre le terrorisme, y compris au sein de la coalition internationale contre Daech.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a souligné qu’un climat de confiance et un soutien adapté au sexe et à l’âge des victimes sont essentiels pour encourager les victimes de communautés vulnérables et marginalisées à partager leur histoire. S’il est crucial d’apporter un soutien et des réparations aux victimes et aux survivants, il est également essentiel de faire en sorte que les auteurs répondent de leurs crimes, a-t-elle ajouté. Et dans le contexte de l’UNITAD, cela signifie passer de la collecte de preuves à la tenue de procès fondés sur ces preuves.
Mme Byrne Nason s’est félicitée de l’intention de l’UNITAD d’appuyer l’adoption d’une législation nationale permettant la poursuite, au cours des six prochains mois, des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Elle a encouragé une action concrète en faveur de la reddition de comptes pour les crimes commis par l’EIIL, tout en réitérant son opposition sans équivoque à la peine de mort en toutes circonstances. L’aide au renforcement des capacités fournie par l’UNITAD aux autorités iraquiennes est cruciale pour parvenir à une responsabilisation globale, a insisté la représentante, qui a de plus demandé la poursuite du travail de numérisation des preuves, les fouilles des sites de fosses communes et la fourniture d’une formation judiciaire en droit pénal international.
Mme HAYLEY-ANN MARK (Saint-Vincent-et-les Grenadines) s’est félicitée des progrès réalisés dans les enquêtes de l’UNITAD sur le développement et l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par l’EIIL, rappelant la position de son pays selon laquelle « l’utilisation d’armes chimiques en quelque circonstance que ce soit constitue une violation flagrante du droit international et ne doit pas rester impunie ». Tout en se félicitant de l’approche constructive du Gouvernement iraquien et de l’UNITAD en matière de coopération et de collaboration, la représentante a souhaité rappeler que l’UNITAD doit s’acquitter de son mandat dans le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de l’Iraq. Enfin, Mme Mark a exhorté le Gouvernement iraquien à rester ferme dans son engagement à garantir l’établissement des responsabilités pour les crimes commis par l’EIIL, notamment en envisageant une législation nationale qui permettra de poursuivre les membres de l’EIIL pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a signalé que même vaincu sur le terrain, l’EIIL continue de faire preuve de sa capacité et de sa volonté à commettre des attentats odieux. « Nous devons donc, en tant que communauté internationale, rester vigilants », a-t-elle dit. Elle a insisté sur le devoir de reddition de comptes, expliquant que les preuves recueillies doivent alimenter les processus judiciaires pour que les membres de l’EIIL répondent de leurs actes. Elle a souhaité recevoir plus d’informations sur l’état actuel des discussions entre l’UNITAD et les autorités iraquiennes en matière de partage des preuves. L’accord conclu au sujet des crimes financiers devrait servir de modèle à cet égard, a-t-elle estimé.
Mme Heimerback a salué les progrès notables réalisés par le Groupe d’enquête sur les crimes de genre et les crimes contre les enfants, notamment des preuves supplémentaires recueillies sur l’étendue des crimes commis par l’EIIL, notamment l’esclavage sexuel, le viol et la persécution. Notant que le travail de l’UNITAD est essentiel pour la stabilisation et le développement à long terme de l’Iraq, elle s’est dite encouragée par les progrès réalisés par l’UNITAD dans sa coopération avec le système judiciaire et les autorités iraquiennes, afin de rendre justice aux victimes et aux survivants des crimes commis par l’EIIL.
Mme NESRINE ELMANSOURI (Tunisie) a noté les progrès accomplis par l’UNITAD, notamment dans le domaine de la collecte et du stockage des preuves ainsi que dans le renforcement des capacités des autorités iraquiennes. Elle a salué l’achèvement du troisième dossier liés aux crimes de masse, ainsi que l’utilisation des technologies de pointe pour collecter et analyser les preuves potentielles. Elle a salué l’approche adoptée par l’UNITAD fondée sur le respect des droits humains et du genre dans le traitement des minorités, des victimes, des témoins et des survivants, notamment en apportant une attention particulière à la question des violences sexuelles et sexistes.
Les progrès réalisés par l’Équipe d’enquêteurs n’auraient pas été possibles sans le soutien des autorités iraquiennes, a poursuivi la représentante, qui s’est félicitée du renouvellement du mandat de l’UNITAD en septembre dernier à la demande de l’Iraq. Mme Elmansouri a également salué la poursuite de la coopération en matière de renforcement des capacités et d’échanges d’expériences avec les autorités iraquiennes, et a appelé le Conseil de sécurité et la communauté internationale à continuer à fournir le soutien politique, les ressources financières et humaines nécessaires à l’Iraq. Le Conseil doit garder à l’esprit l’objectif principal et essentiel de l’UNITAD, qui est de rassembler des preuves et de les remettre aux autorités iraquiennes, dans le « plein respect de la souveraineté et de la juridiction de l’Iraq sur les crimes commis sur son territoire », a-t-elle souligné.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a dit que le septième rapport de l’UNITAD nous rappelle la nature des atrocités des crimes perpétrés par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL). Il a jugé qu’il était indispensable de rendre justice aux minorités victimes de ces crimes pour avancer en matière de réconciliation nationale. Le délégué s’est félicité de l’aide apportée par l’UNITAD en matière de numérisation des éléments de preuve en possession du Gouvernement iraquien, ce qui renforce la valeur ajoutée de ces enquêtes pour comprendre la nature des flux financiers qui bénéficient à l’EIIL. Le représentant a dit l’urgence de tout mettre en œuvre pour éviter l’acquisition d’armes de destruction massive par l’État islamique en Iraq et du Levant ou autres groupes terroristes. Enfin, il a estimé que le meilleur moyen de prévenir le terrorisme demain était de rendre aujourd’hui justice à ses victimes.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a souligné l’importance de la poursuite du travail de l’UNITAD, notamment par le biais de ses unités spéciales sur les crimes sexuels et sexistes et les crimes contre les enfants, insistant sur la protection des témoins et le soutien psychologique à accorder aux témoins et aux survivants. Il a salué les progrès significatifs réalisés en termes d’utilisation de nouvelles ressources et d’innovations techniques, évoquant notamment le projet de numérisation de preuves qui a permis d’archiver plus de 2 millions de pages de documents au cours de la période considérée. Une coordination étroite avec les autorités iraquiennes doit rester une priorité pour l’UNITAD afin de faciliter l’arrestation de personnes soupçonnées d’être des membres actifs de l’EIIL, a souligné le représentant qui a par ailleurs dit attendre avec impatience le lancement de la série de dialogues interconfessionnels en janvier 2022.
M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a salué l’appui accordé par l’UNITAD aux autorités iraquiennes pour convertir les éléments de preuve en fichiers numériques consultables, notant que plus de deux millions de documents sont déjà numérisés. Il a relevé que l’enquête menée par l’UNITAD a permis d’établir que le matin du 10 juin 2014, l’EIIL a exécuté plusieurs centaines de prisonniers majoritairement chiites dans la prison centrale de Badouch, près de Mossoul. L’enquête de l’UNITAD sur ce crime odieux est une étape essentielle dans la quête de justice pour les familles des victimes, a-t-il souligné.
Il a encouragé l’UNITAD à continuer à coordonner étroitement ses efforts avec le nouveau Gouvernement iraquien et de poursuivre son engagement auprès des entités judiciaires et de la société civile, y compris les groupes de survivants, les ONG et les autorités religieuses. Le représentant a également exhorté l’Iraq à adopter une législation lui permettant de poursuivre les auteurs de crimes d’atrocité, y compris ceux commis par l’EIIL, relevant en outre qu’une telle autorité est essentielle pour permettre à l’UNITAD de partager des preuves avec les autorités iraquiennes compétentes, conformément à son mandat. Il a par ailleurs exhorté les États Membres –« y compris l’Iraq »- à rapatrier et poursuivre en justice, le cas échéant, tous leurs ressortissants qui ont rejoint les rangs de l’EIIL. Tenir l’EIIL pour responsable de ses atrocités et promouvoir la justice pour les victimes de l’EIIL en Iraq est une étape importante de la réconciliation nationale de l’Iraq, a-t-il souligné.
M. ABDOU ABARRY (Niger) a informé le Conseil que le Gouvernement nigérien a signé en mai 2019, à Niamey, un accord de coopération avec l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes, l’UNITAD, en vue de bénéficier de son expertise dans ce domaine.
Il a par ailleurs salué la forte coopération entre l’UNITAD et les autorités iraquiennes dans la mise en œuvre de la résolution 2379, notamment dans l’assistance concernant des projets de numérisation des données collectées dans le cadre des enquêtes, de la fourniture d’équipements techniques pour soutenir l’excavation de sites de fosses communes et surtout de la formation avancée en droit pénal international pour les juges d’instruction iraquiens. M. Abarry s’est également félicité de l’achèvement d’un troisième dossier relatif à l’enquête sur le massacre de prisonniers majoritairement chiites, survenu le 10 juin 2014, à la prison de Badouch; des progrès réalisés dans les enquêtes menées par l’UNITAD sur le programme d’armes chimiques de l’EIIL, y compris la reconversion de l’Université de Mossoul en un centre de recherche et de développement de telles armes; et des progrès réalisés dans le travail de l’Unité des crimes financiers de l’UNITAD dans la collecte de preuves concernant le fonctionnement interne de la trésorerie de l’EIIL.
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) s’est félicité de la résolution 2597 (2021) par laquelle le Conseil a renouvelé le mandat de l’Équipe d’enquêteurs jusqu’au 17 septembre 2022, conformément à la requête du Gouvernement iraquien. Il a invité à redoubler d’efforts pour identifier et poursuivre tous les membres de Daech et ceux qui appuient cette organisation du point de vue logistique, financier et cybernétique en particulier, et qui ont pris part au détournement du pétrole, du patrimoine et des antiquités du pays pendant le « règne » de Daech. Il a aussi salué le verdict, le 30 novembre, de la cour allemande contre un membre de Daech.
Tout en saluant le septième rapport de l’Équipe d’enquêteurs, le représentant n’en a pas moins rappelé que, dans le sixième rapport, l’accent avait été mis sur la nécessité de recueillir les preuves mais surtout sur la comparution des membres de Daech devant les tribunaux iraquiens et l’intensification de la responsabilisation internationale à cet effet. Or, le septième rapport ne propose pas de mesures concrètes pour ce faire, a-t-il noté, en espérant que les preuves seront rapidement transférées aux autorités iraquiennes, qui font ce qu’il faut pour extirper ce fléau. L’Iraq s’efforce d’améliorer ses institutions judiciaires pour exploiter les preuves une fois remises par l’UNITAD. D’autre part, le Parlement national a parachevé la première lecture du projet de loi visant à utiliser les preuves des crimes perpétrés par Daech, a-t-il encore indiqué. Tout retard serait inquiétant pour la société iraquienne, les victimes et leurs familles, a insisté le représentant. L’Équipe d’enquêteurs, pour sa part, devrait se conformer à son mandat et aider au rétablissement de la justice et à la lutte contre l’impunité, a-t-il espéré. Le Gouvernement suit et évalue le travail de l’Équipe cette année et il importe d’élaborer un plan stratégique visant à atteindre les objectifs fixés pour cette équipe. Il a appelé au respect de la souveraineté iraquienne, jugeant que l’utilisation des preuves pénales doit se faire avec les autorités iraquiennes, conformément au paragraphe 39 du mandat de l’UNITAD qui doit assister l’Iraq dans le renforcement de ses capacités judiciaires, compte tenu du fait que le peuple iraquien est la principale victime. Il a aussi invité au classement et au stockage des preuves comme stipulé dans la résolution 2597 (2021).