En cours au Siège de l'ONU

8903e séance – matin
CS/14699

La création d’un bureau d’appui de l’ONU à la Force conjointe du G5 Sahel divise le Conseil de sécurité

La question de la création d’un bureau d’appui de l’ONU à la Force conjointe du Groupe des cinq pays du Sahel (G5 Sahel), récemment proposée par le Secrétaire général, a été vivement débattue ce matin par le Conseil de sécurité, qui a entendu le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix s’exprimer sur les faits nouveaux survenus dans la région depuis le 8 octobre.  

M. Jean-Pierre Lacroix a déclaré devant le Conseil, réuni pour examiner l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel, que la situation dans la sous-région était restée « très volatile » et que la Force conjointe se trouve « à la croisée des chemins », avec un risque de perdre ses acquis.  Parmi les défis importants qui se posent à elle, le haut fonctionnaire a cité le retour des combattants étrangers de Libye, les défis intérieurs et l’incertitude politique, ainsi que des lacunes considérables en matière d’équipements et de capacités.  

Depuis son premier déploiement en 2017, a poursuivi M. Lacroix, la Force conjointe a continuellement renforcé son rythme opérationnel et réussi à le maintenir, malgré d’importants revers.  Il a annoncé que le Comité de défense et de sécurité du G5 Sahel approuvera le plan opérationnel 2022-2023 de la Force conjointe, qui prévoit plusieurs opérations majeures dans chacun des trois secteurs de déploiement de la Force conjointe.  Le Secrétaire général adjoint a salué l’appui financier de l’Union européenne (UE) et des donateurs, tout en disant sa conviction que seul un bureau d’appui de l’ONU, qui nécessitera la pleine coopération de tous les États du Sahel, pourra apporter un appui pérenne, prévisible et fiable à la Force conjointe.  

Le Conseil était saisi d’un rapport du Secrétaire général, ainsi que d’une lettre datée du 8 octobre présentant les conclusions d’une évaluation menée du 12 juillet au 31 août derniers par une équipe de représentants du Département des opérations de paix, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel. 

Dans sa résolution 2584 (2021), adoptée en juin dernier, le Conseil demandait au Secrétaire général de mener un examen approfondi des autres formes de soutien à apporter à la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel, à savoir le Burkina Faso, le Niger, le Mali, la Mauritanie et le Tchad.  

Le Secrétaire général propose la création d’un bureau d’appui de l’ONU financé au moyen de contributions mises en recouvrement pour un appui pérenne, prévisible et fiable à la Force conjointe.  Cette option, que M. Lacroix a défendue ce matin, permettrait une appropriation régionale et le renforcement de la capacité de la Force conjointe à devenir autonome, grâce également à des mesures supplémentaires des États du G5 Sahel.  

Il suggère en outre, pour la mise en œuvre de la politique de diligence voulue en matière des droits humains, la mise sur pied d’un mécanisme de facilitation de « déconfliction » entre les opérations placées sous drapeau national et celles qui dépendent du commandement de la Force conjointe, et ce, aux fins de déterminer les responsabilités en cas de violations des droits humains.  

Au nombre des membres du Conseil ayant d’ores et déjà appuyé le principe d’un bureau d’appui financé à partir de contributions obligatoires, la France a plaidé pour un soutien prévisible et durable de la Force conjointe du G5 Sahel, tandis que le Mexique l’a conditionné à l’apport de garanties politiques par les pays concernés.  

Exhortant le Conseil de sécurité à entériner « sans délai » la proposition d’un bureau d’appui, le groupe des A3+1 a affirmé que ce choix offre l’avantage précieux de fournir au dispositif un financement prévisible, de renforcer sa capacité de planification opérationnelle et de lui donner un cadre de protection des droits humains.  Le Tchad, qui a décrit les efforts de réforme consentis par les pays du G5 Sahel, a vivement appuyé la mise en place d’un bureau d’appui de l’ONU auprès de la Force conjointe, pour en finir, selon ses mots, avec le souci du financement et se focaliser entièrement sur sa mission fondamentale qui est de ramener la sécurité dans la région.  

Opposés à la proposition du Secrétaire général, le Royaume-Uni et les États-Unis ont estimé que l’ONU n’était pas un « véhicule approprié » pour fournir un soutien logistique à la Force conjointe du G5 Sahel.  Celle-ci est une coalition de forces de sécurité mandatées pour mener des opérations antiterroristes, principalement à l’intérieur de leurs propres frontières, a rappelé la délégation américaine.  Il ne s’agit pas d’une force multilatérale en sol étranger mandatée en tant qu’opération de paix, a-t-elle tenu à préciser.  

Les divergences au sein du Conseil de sécurité ont permis aux terroristes d’étendre leur influence, a déploré l’Inde, qui a soutenu l’avis du Secrétaire général car, selon lui, « si nous ne le faisons pas, nous risquons d’être confrontés à des problèmes sécuritaires plus importants dans les années à venir ».  

Sans se prononcer définitivement sur le bureau d’appui, la Fédération de Russie a fait cependant part de sa disponibilité pour examiner attentivement les alternatives proposées, en soulignant que tout dépendra des sources de financement et des dépenses liées à une telle création.  La Russie, qui entend poursuivre ses activités de formation militaire au Sahel, a espéré, d’autre part, que l’élaboration par l’Union africaine d’un concept de déploiement de force permanente portera ses fruits. 

De son côté, la Présidente de l’Antenne du Burkina Faso du Réseau paix et sécurité pour les femmes de l’espace de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Mme Fatimata Ouilma Sinare, a appelé à encourager le dialogue entre les mouvements armés et les autorités étatiques et régionales pour « faire taire » les armes dans la région du Sahel.  Elle a regretté que des femmes et des jeunes filles du bassin du lac Tchad, « manipulées ou convaincues », soient utilisées pour commettre des attentats-suicides.

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE: G5 SAHEL 

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a déclaré que, depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité sur le Sahel, la situation dans la région était restée très volatile.  L’insécurité et l’instabilité entravent gravement les possibilités de croissance et de développement et les civils en paient le prix le plus élevé, a-t-il expliqué, ajoutant que les forces armées et de sécurité des États membres du Groupe de cinq pays du Sahel (G5 Sahel) faisaient face à cette menace avec « détermination et courage » dans une situation où pourtant, « le sort semble s’acharner contre elles ».  

Après avoir souligné la gravité des activités terroristes, M. Lacroix a jugé que la résolution et la détermination des États membres du G5 Sahel à prendre les choses en main, en créant la Force conjointe de lutte contre le terrorisme au Sahel, représentait un « accomplissement important ».  Il a rappelé que, depuis son premier déploiement en 2017, la Force conjointe avait continuellement augmenté son rythme opérationnel et réussi à le maintenir, malgré d’importants revers.  La semaine prochaine, a-t-il annoncé, le Comité de défense et de sécurité du G5 Sahel approuvera le plan opérationnel 2022-2023 de la Force conjointe, qui prévoit plusieurs opérations majeures dans chacun des trois secteurs d’opération de la Force conjointe.  

Ces dernières semaines, la Force conjointe a également démontré sa capacité à monter rapidement une opération ad hoc, l’opération Serres d’Aigle, pour répondre à une attaque imminente visant des villageois innocents au Burkina Faso, a affirmé M. Lacroix.  Le Secrétaire général adjoint a également pointé les importants défis auxquels la Force conjointe était confrontée, en particulier le retour des combattants étrangers de Libye, les défis intérieurs et l’incertitude politique, ainsi que d’importantes lacunes en matière d’équipements et de capacités.  

La reconfiguration des présences de forces de sécurité dans la région ajoute également une certaine complexité à cet environnement opérationnel difficile, a estimé M. Lacroix, qui a rappelé que la lettre adressée, le 8 octobre, par le Secrétaire général au Conseil, contenait les principales conclusions de l’évaluation menée par le Secrétariat sous la houlette du Département des opérations de paix et dans laquelle l’équipe d’évaluation a examiné l’opérationnalisation de la Force conjointe et les initiatives envisageables pour en améliorer l’appui.  

Pour M. Lacroix, la Force conjointe se trouve à la croisée des chemins, avec un risque de perte des acquis, ce qui a été clairement exposé par le Secrétaire général.  Pourtant, la Force conjointe demeure une composante vitale de la réponse collective en matière de sécurité.  Aux défis multiples auxquels la région est confrontée: terrorisme, faible sécurité aux frontières, traite des personnes.  

Le Secrétaire général adjoint a salué l’appui financier de l’Union européenne et des donateurs, mais a dit sa conviction que seul un bureau d’appui de l’ONU, qui nécessitera la pleine coopération de tous les États du Sahel, pourra apporter un appui pérenne prévisible et fiable à la Force conjointe.  

À défaut, le Secrétaire général propose la création d’un bureau consultatif qui permettrait la mise en commun d’informations et le partage des ressources.  De grands pas ont été faits par les pays du G5 Sahel pour la création d’un cadre du respect des droits de l’homme et, dans ce contexte, le conseil du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a joué un rôle majeur, a plaidé M. Lacroix. 

M. Lacroix a vivement recommandé la création d’une enceinte ou d’un forum politique spécial réunissant des représentants des pays du G5 Sahel et des organisations régionales et internationales comme l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les Nations Unies et l’Union européenne, ainsi que des membres du Conseil de sécurité.  Ledit forum servirait à la promotion de l’appropriation régionale et à l’amélioration de l’appui international tout en garantissant que les opérations de la Force conjointe soit alignées sur les principaux processus politiques, notamment la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali.  

De nombreux donateurs et partenaires apportent d’ores et déjà un soutien bilatéral aux États membres du G5 Sahel, a rappelé le Secrétaire général adjoint, en reconnaissant que de telles contributions étaient précieuses et avaient permis de combler des lacunes de taille en termes de capacités.  Étant donné le caractère très grave de la crise traversée par la région, il faudrait que l’initiative sécuritaire collective s’accompagne d’une approche collective et systémique, a conclu M. Lacroix

 

Mme AMMO AZIZA BAROUD (Tchad) a affirmé que la situation sécuritaire au Sahel demeurait très préoccupante, comme l’a bien relevé le Secrétaire général dans son rapport.  En plus de la menace terroriste à laquelle les États de la région font face depuis plusieurs années, l’absence de solution à cette « crise multidimensionnelle du Sahel » entraîne l’irruption d’autres « défis opportunistes » qui prolifèrent sur le lit des tensions existantes, a-t-elle fait observer.  

Ces défis persistent malgré les efforts des États de la région et des partenaires pour les juguler, a précisé Mme Baroud.  Elle a cité notamment les conflits intercommunautaires, qui se multiplient et endeuillent les populations.  Ces conflits se nourrissent de la crise sécuritaire sur fond de compétition autour des ressources de plus en plus rares, à cause de de la crise climatique, dont les impacts se trouvent décuplés au Sahel, en raison de vulnérabilités structurelles et chroniques de la région.  

Le retour des mercenaires et combattants étrangers chassés de Libye représente une couche supplémentaire, venue s’ajouter à un tableau déjà très sombre, a expliqué la représentante.  Si ce retour n’est pas organisé de manière ordonnée sous l’égide des Nations Unies et en étroite coordination avec les États concernés, dans le cadre d’un processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) en bonne et due forme, ses répercussions risquent de déstabiliser davantage le Sahel et d’annihiler les efforts que déploient les États de la région avec l’appui des partenaires, pour sécuriser et stabiliser le Sahel, a-t-elle mis en garde. 

C’est pourquoi les États du Sahel voient plus que jamais la Force conjointe du G5 Sahel comme une initiative unique, pertinente et salutaire, a expliqué Mme Baroud.  La Force conjointe reste le seul cadre d’action à même d’apporter les solutions les plus appropriées aux défis auxquels est confrontée la sous-région.  À ce titre, les pays qui la composent estiment que, sous réserve qu’elle dispose de moyens à la hauteur de la gravité de ces défis, la Force a la capacité d’éradiquer la menace terroriste et d’apporter sécurité et bien-être aux populations, pour le plus grand bénéficie de l’ensemble de la région, mais aussi du monde.  La sécurité du Sahel et de l’Afrique est la sécurité du monde, a résumé la représentante.  

Mme Baroud a assuré que des progrès importants avaient été réalisés dans le cadre de l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel.  Toutefois, le volet « développement » attend encore les ressources supplémentaires promises par les partenaires, notamment pour l’exécution des projets du Programme d’investissements prioritaires (PIP), aussi bien dans le domaine des infrastructures, de la gouvernance, de la résilience que de la sécurité.  

La volonté politique des États sahéliens est entière pour relever les défis et parvenir à une pleine opérationnalisation de différents dispositifs du G5 Sahel, a encore assuré la représentante.  Des réformes structurelles, d’ores et déjà achevées, ont été engagées au sein du Secrétariat exécutif, anciennement appelé Secrétariat permanent.  Un Fonds fiduciaire destiné à recevoir les contributions à la Force conjointe a également été créé en 2018 et est pleinement opérationnel.  II dispose d’un mécanisme de gestion sous la responsabilité du Secrétariat exécutif.  

S’agissant de deux options de soutien à la Force conjointe présentées par le Secrétaire général dans son rapport –bureau d’appui ou bureau consultatif- la représentante a renvoyé la décision finale au Conseil de sécurité.  Toutefois, a-t-elle ajouté, les États de la région partagent entièrement la conviction du Secrétaire général concernant la mise en place d’un bureau d’appui des Nations Unies, qui serait le mieux à même de fournir l’appui approprié dont le Groupe de cinq pays du Sahel (G5 Sahel) a besoin.  Par conséquent, le G5 Sahel réitère son appel au Conseil de sécurité des Nations Unies pour la création de ce bureau afin de permettre à la Force conjointe de disposer d’un financement pérenne, prévisible et fiable, pour en finir avec le souci du financement et se focaliser entièrement sur sa mission fondamentale: ramener la sécurité dans la région afin de créer un climat propice au développement et au bien-être des populations jouissant de la plénitude de leurs droits humains, a conclu Mme Baroud.  

Mme FATIMATA OUILMA SINARE, Présidente de l’Antenne du Burkina Faso du Réseau paix et sécurité pour les femmes de l’espace de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a présenté la situation des femmes dans la région du Sahel.  Elle a souligné que la crise sécuritaire qui prévaut dans cette région a augmenté les fortes inégalités hommes-femmes qui existaient déjà, sous-tendues par des croyances et barrières socioculturelles profondément ancrées dans la tradition.  

Parmi les violences basées sur le genre et autres pratiques nuisibles, Mme Sinare a indiqué que le Niger a le taux le plus élevé au monde de mariages forcés et précoces; le Mali présente un taux de mutilation génitale féminine supérieur à 80% le Burkina Faso compte 14,96% de femmes à l’Assemblée nationale et 56% d’enfants de 3 à 17 ans qui ne vont pas à l’école.  Elle a aussi dénoncé des abus sexuels, enlèvements et viols de femmes dans les régions du bassin du lac Tchad.  Enfin, a-t-elle déploré, les femmes déplacées à l’intérieur de leur pays se trouvent dans des situations tellement inconfortables que certaines se retrouvent à « exposer leur dignité » pour pouvoir subvenir à leurs besoins de survie fondamentaux.  

Face à cela, l’intervenante a expliqué que les femmes se sont réunies sous la forme de réseaux et plateformes, tels que le Réseau paix et sécurité pour les femmes de l’espace CEDEAO qu’elle représente, et mènent des actions en faveur de la paix.  Néanmoins, elle a également regretté que des femmes, « manipulées ou convaincues », prennent aussi part aux conflits: dans la région du bassin du lac Tchad particulièrement, ce sont surtout les jeunes filles et les femmes qui sont le plus utilisées comme porteuses des bombes, a informé Mme Sinare.

Enfin, Mme Sinare a formulé quelques recommandations.  Elle a tout particulièrement appelé à apporter un appui technique et financier aux stratégies et plans d’action nationaux de mise en œuvre des résolutions en faveurs des femmes et des jeunes; aux organisations de la société civile de femmes et de jeunes; aux actions en faveur d’une éducation et d’une santé de qualité pour toutes et pour tous; et aux actions de prévention des conflits dans l’espace sahélien.  Enfin, elle a appelé à encourager le dialogue entre les mouvements armés et les autorités étatiques et régionales pour faire taire les armes dans la région du Sahel.  

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) s’est déclaré préoccupé par la situation au Sahel et a soutenu l’objectif d’un bureau d’appui des Nations Unies à la Force conjointe du G5 Sahel.  Seule une coopération militaire transfrontalière, à l’image de la Force conjointe, a-t-il expliqué, est à même de répondre à la menace terroriste.  Il a souligné l’appui conséquent fourni par l’Union européenne, en termes, notamment, d’équipements et de financement du mécanisme de soutien mis en œuvre par la MINUSMA.  L’Union africaine autorise chaque année le déploiement de la Force, ainsi que les pays d’Afrique de l’Ouest qui ont contribué à hauteur de 12 millions d’euros pour lui permettre de mener l’opération SAMA 3, de mars à juin dernier.  M. de Rivière a cependant déploré que ces soutiens politiques et financiers soient insuffisants, plaidant pour un appui prévisible et durable de la Force conjointe du G5 Sahel.  

Le Représentant a ainsi appelé les membres du Conseil à soutenir la création d’un bureau d’appui des Nations Unies à la Force conjointe du G5 Sahel, financé à partir de contributions obligatoires.  Il a en outre souligné que le soutien à la Force conjointe n’était qu’un aspect de la réponse globale qu’il fallait apporter aux défis au Sahel.  Il s’agit de compléter les efforts militaires d’actions équivalentes en termes de renforcement des capacités, de redéploiement de l’État, de développement et d’aide humanitaire, a-t-il détaillé, en spécifiant que la France demeurerait engagée militairement au bénéfice de tous les pays du Sahel qui continuent à le demander.  

M. MOUSSA MAMAN SANI (Niger), au nom des « A3+1 » (Niger, Kenya, Tunisie et Saint-Vincent-et-les Grenadines), a rappelé l’importance de la Force conjointe du G5 Sahel pour « sauver la région des groupes terroristes armés » qui, s’ils ne se voient pas opposer de réponse robuste, « créeront un nouvel épicentre mondial d’instabilité et de crise humanitaire ».  Il a ensuite condamné les récentes violences subies par les populations civiles dans la région, notamment l’attaque « lâche et barbare » commise le 2 novembre dans l’ouest du Niger.  

Le représentant a déploré que la situation sécuritaire se détériore, la réduction des effectifs de l’opération Barkhane et du contingent tchadien risquant d’entraîner un accroissement du flux de combattants et d’armes légères.  Dans ce contexte, il a estimé plus urgent que jamais que la Force conjointe, la MINUSMA et les forces internationales alliées se remobilisent pour empêcher l’intensification des atrocités commises contre les civils. 

Le représentant a ensuite dit partager la conviction du Secrétaire général sur la création d’un bureau d’appui des Nations Unies dédié à la Force conjointe, estimant que ce choix offre l’avantage précieux de fournir au dispositif un financement prévisible, de renforcer sa capacité de planification opérationnelle et de lui donner un cadre de protection des droits de l’homme.  Les « A3+1 » exhortent le Conseil de sécurité à entériner sans délai cette proposition.  Par ailleurs, le représentant a félicité le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour leur soutien à la Force dans leurs domaines respectifs. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a dit souscrire à l’analyse réalisée par le Secrétariat, car la situation dans la région sahélienne est encore caractérisée par la violence et connaît une flambée d’hostilités interethniques, autant d’incidents ayant conduit à la mort de dizaines de militaires.  La représentante a souligné que les chiffres en termes de pertes humaines étaient « glaçants », sans compter le nombre croissant des réfugiés et déplacés.  

Face à cette situation, les pays de la région doivent agir plus résolument, faute de quoi les conditions favorables à la radicalisation, celle des jeunes en particulier, ne feront qu’augmenter, a poursuivi Mme Evstigneeva.  La représentante a dit avoir pris bonne note des informations transmises sur les opérations menées par la Force conjointe dans la lutte contre le terrorisme et a recommandé, dans ce contexte, une meilleure coordination avec d’autres forces militaires de la région.  

Mme Evstigneeva a également appelé à la facilitation d’un financement « stable et prévisible », et d’un appui logistique de transport conformément à la résolution 2584 (2021) du Conseil.  La Russie a fait ensuite part de sa disponibilité à procéder à un examen « attentif » des dernières propositions du Secrétaire général, en l’occurrence la mise en place d’un bureau consultatif auprès de la Force conjointe, ou la création d’un bureau d’appui à part entière, et souligné que tout dépendra des sources de financement et des dépenses qui seront liées à cette création.  Elle a dit espérer que l’élaboration par l’Union africaine d’un concept de déploiement de force permanente porterait ses fruits.  La Fédération de Russie prévoit de poursuivre son travail au Sahel, notamment en ce qui concerne les activités de formation militaire, a conclu la représentante.  

M. MADHU SUDAN RAVINDRAN (Inde) s’est inquiété des rapports faisant état de l’expansion du terrorisme au Sahel.  Combattre ce phénomène ne relève pas seulement de la responsabilité des États de la région, mais de celle de la communauté internationale dans son ensemble.  Malheureusement, les divergences au sein du Conseil de sécurité ont permis aux terroristes d’étendre leur influence, a regretté le représentant.  Dans ce contexte, et afin de lutter contre les phénomènes observés, il a considéré que la Force conjointe du G5 Sahel et les pays de la région ont besoin d’un appui suffisant en termes financiers et matériels.  Il a ainsi partagé l’avis du Secrétaire général selon lequel il est nécessaire de créer un bureau d’appui des Nations Unies dans la région.  « Si nous ne le faisons pas, nous risquons d’être confrontés à des problèmes sécuritaires plus importants dans les années à venir », a prévenu le représentant. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a soutenu le leadership de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), avant de souligner qu’en tant que réponse régionale aux défis régionaux, la Force conjointe du G5 Sahel mérite attention et soutien.  C’est pour cela que la Norvège appuie la proposition du Secrétaire général de créer un bureau d’appui à la Force conjointe, a indiqué sa représentante.  Bien que la Force conjointe opère dans un contexte difficile, tout soutien impliquant l’ONU doit reposer sur une conduite conforme au cadre de la politique de diligence voulue en matière de droits humains.  « Les opérations militaires doivent respecter les obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme », a insisté la représentante, se disant profondément préoccupée par les attaques contre des civils qui auraient été commises par des membres de la Force conjointe.  Elle a salué les cas où les auteurs ont été démis de leurs fonctions ou poursuivis, et encouragé l’intensification des efforts de surveillance et de reddition des comptes, notamment pour prévenir les incidents.  Mme Juul a enfin souligné que les mesures militaires et sécuritaires ne suffiront jamais à elles seules à assurer la stabilité et le développement durable de la population sahélienne.  Elle a ainsi estimé nécessaire de maintenir une approche holistique de bonne gouvernance, de respect des droits de l’homme, d’adaptation aux changements climatiques et de fourniture des services de base.  « Finalement, c’est ce qui compte pour les gens dans leur vie quotidienne. »  

M. JAMES PAUL ROSCOE (Royaume-Uni) s’est inquiété des nouveaux incidents terroristes survenus dans la région de Tillabéri, au Niger, déplorant que l’accès humanitaire y devienne de plus en plus difficile.  Soulignant que toute réponse militaire aux problèmes d’insécurité dans la région devait être intégrée au sein d’efforts plus larges, le représentant est revenu sur la visite dans la région le mois dernier du Conseil de sécurité.  Le Conseil a ainsi eu l’occasion d’entendre l’engagement de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) avec les autorités maliennes de transition pour encourager le développement d’une stratégie pour la protection des civils dans le centre du Mali.  Il a aussi été informé des efforts déployés par le Niger pour lutter contre l’insécurité, l’impact des changements climatiques et favoriser l’accès à l’éducation, en particulier pour les filles.  

Il ne peut y avoir de paix et de sécurité durables au Sahel sans la protection des droits de l’homme et le respect du droit international humanitaire, a poursuivi le représentant, exhortant tous les gouvernements à enquêter sur les allégations de violations et d’abus des droits de l’homme.  Il a en outre reconnu les efforts déployés par les pays du G5 Sahel et leurs partenaires pour répondre aux préoccupations en matière de sécurité et faire face aux menaces transfrontalières.  Soutenant les objectifs de la Force conjointe du G5 Sahel, M. Roscoe a pris bonne note de la lettre du Secrétaire général du mois d’octobre concernant les modèles de soutien alternatifs pour la Force conjointe.  Il a cependant déploré qu’elle ne propose pas d’options pour des mécanismes de soutien bilatéraux et multilatéraux « non onusiens ».  « Nous sommes fondamentalement préoccupés par l’implication de l’ONU dans des opérations nationales offensives de lutte contre le terrorisme, et nous ne pensons pas que l’ONU soit le bon véhicule pour fournir un soutien durable à la Force conjointe », a-t-il conclu.  

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a déclaré que le rétablissement d’une présence de l’État efficace et crédible sur les territoires des États de la région est l’un des éléments clefs pour assurer la protection des civils.  Il est ainsi important de poursuivre les efforts de rétablissement non seulement de la sécurité mais aussi des institutions policières et judiciaires, a-t-il ajouté.  Pour le représentant, la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent au Sahel ne peut être un succès que si elle découle d’un véritable effort conjoint des forces de sécurité nationales, régionales et internationales, l’Estonie saluant à cet égard le travail de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans le soutien à la Force conjointe du G5 Sahel.  Rappelant que la question de savoir si l’organisation de l’appui international à la Force conjointe du G5 Sahel reste au centre des discussions, il a souligné les appels des États de la région à assurer un financement plus prévisible et durable à la Force conjointe et pris note du projet de bureau de soutien des Nations Unies dédié à celle-ci.  Nous pensons que le moment est venu pour le Conseil de sécurité d’entamer des réflexions sur la meilleure façon de mandater ce modèle d’appui, a encore dit le représentant.  Il a par ailleurs rappelé que le respect des droits de l’homme et des principes du droit international humanitaire fait partie intégrante de tous les efforts de lutte contre le terrorisme, son pays restant préoccupé par les rapports faisant état continu de violations de ces droits par les forces de sécurité au cours d’opérations antiterroristes.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a présenté ses condoléances aux familles des victimes de l’attentat perpétré la semaine dernière au Niger.  La coopération régionale est essentielle, a-t-elle ensuite affirmé, en prenant note de l’amélioration de la situation des civils dans la région transfrontalière telle que mentionnée dans le rapport.  La durabilité de la Force conjointe dépend d’un financement durable et prévisible, a-t-elle estimé, en encourageant une vision partagée de l’avenir du Sahel.  Les mesures militaires ne suffiront jamais à elles seules à résoudre la situation, a-t-elle averti.  Il faut des activités socioéconomiques et il faut résoudre la crise humanitaire, notamment l’insécurité alimentaire sévère. 

Les incidents sécuritaires, les attaques et les enlèvements sont une réalité quotidienne pour les civils, a rappelé Mme Byrne Nason, en dénonçant les violences sexuelles et sexistes.  Elle a également exprimé son inquiétude face à la fermeture des établissements scolaires qui met entre parenthèses l’éducation de toute une génération, les filles plus particulièrement, d’où l’importance d’une Force conjointe efficace et concentrée sur la population civile aux fins de rétablir la confiance entre les civils et les forces de sécurité nationale.  Il faut en faire davantage pour améliorer la présence des femmes au sein de la Force, et pour améliorer ses structures et opérations, a demandé la déléguée.  Elle a en revanche applaudi les efforts de la Force conjointe du G5 Sahel dans le cadre de la politique de diligence voulue en matière de sensibilisation et de respect des droits de l’homme. 

M. DAI BING (Chine) a rappelé que les pays de la région avaient joint leurs efforts pour limiter et lutter contre les effets du terrorisme dans la région.  Afin de les aider davantage, la Chine estime que le MINUSMA, ainsi que l’Union européenne devraient accroître leur plein soutien à la Force conjointe du G5 Sahel.  La Chine continue également de penser que cette Force devrait disposer d’un financement pérenne et prévisible.  Elle souhaite trouver une solution acceptable par tous sur cette question. 

M. Dai a ajouté qu’à titre bilatéral, la Chine continuerait d’apporter son appui.  La Chine est également d’avis que la question du retour des combattants étrangers venus de Libye devrait être abordée de manière efficace afin d’éviter des conséquences négatives.  Elle pense aussi que la riposte militaire n’est pas la seule solution à la situation dans la région.  Celle-ci, a insisté le représentant, passe également par le développement et la Chine est disposée à aider la région à atteindre cet objectif.

Mme TRA PHUONG NGUYEN (Viet Nam) a condamné les récentes attaques contre des civils, des soldats de la paix et des forces de défense et de sécurité dans la région.  Elle a souligné que l’inquiétude demeure dans la région, en particulier aux frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, où le terrorisme, la violence intercommunautaire, l’extrémisme et la criminalité transnationale organisée augmentent et menacent les moyens de subsistance des populations.  Elle a ainsi réitéré le rôle important que joue la Force conjointe du G5 Sahel pour lutter contre le terrorisme et pour œuvrer au maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région, tout en soulignant que cela nécessite une coopération accrue et des ressources adéquates de la part des Nations Unies, des organisations régionales et de la communauté internationale afin que la Force conjointe puisse s’acquitter de son mandat.  

Concernant l’aspect humanitaire, Mme Nguyen a rappelé que près de 29 millions de Sahéliens, c’est-à-dire 5 millions de plus qu’il y a un an, ont aujourd’hui besoin d’assistance et de protection.  Elle a donc estimé nécessaire de lever toutes les restrictions aux mouvements des civils, d’assurer un accès sans entrave à l’aide humanitaire et d’assurer le financement et les services essentiels pour les personnes vulnérables dans la région.  Le Viet Nam a également appelé toutes les parties à se conformer au droit international des droits de l’homme et au droit international humanitaire et à protéger les civils, en particulier les femmes et les enfants.  Enfin, elle a appelé à adopter une approche holistique des défis sécuritaires, humanitaires et socio-développementaux au Sahel.

M. RICHARD MILLS (États-Unis) s’est déclaré alarmé par la montée de l’extrémisme violent, les violences intercommunautaires, les besoins humanitaires croissants et certains cas de recul démocratique au Sahel.  L’attaque tragique au Niger qui a tué 69 civils ne fait qu’aggraver cette situation, a souligné le représentant.  Il a salué les efforts déployés pour soutenir le Groupe de cinq pays du Sahel (G5 Sahel) et faire progresser la stabilité et le développement dans la région, indiquant que Washington était déterminé à poursuivre son partenariat bilatéral avec les États membres du G5 Sahel en fournissant des équipements, une formation et un soutien pour les lacunes critiques en matière de capacités.  « Depuis 2017, les États-Unis ont engagé plus de 588 millions de dollars pour fournir une assistance en matière de sécurité et d’autres soutiens à la lutte contre l’extrémisme violent aux cinq pays du G5 Sahel », a ainsi précisé M. Mills.

« Soyons clairs », a-t-il ajouté: les États-Unis continuent de croire que l’ONU –quel que soit le mécanisme- n’est pas un « véhicule approprié » pour fournir un soutien logistique à la Force conjointe du G5 Sahel.  Celle-ci est une coalition de forces de sécurité mandatées pour mener des opérations antiterroristes, principalement à l’intérieur de leurs propres frontières.  Il ne s’agit pas d’une force multilatérale en sol étranger mandatée en tant qu’opération de paix, a encore nuancé le délégué.  « Notre attention au Conseil de sécurité doit rester résolument axée sur les solutions politiques et lier les réponses sécuritaires à des stratégies politiques efficaces.  Nos efforts collectifs au Sahel doivent aller au-delà d’une réponse militaire –comme d’autres l’ont noté– et s’attaquer aux problèmes de gouvernance », a encore argué le représentant.  Nous continuons de soutenir la MINUSMA et ses objectifs consistant à aider les autorités maliennes à organiser des élections à temps, à mettre en œuvre l’Accord d’Alger et à protéger les civils.  Les principes, objectifs et stratégie de sortie de la MINUSMA ne sont pas alignés sur une opération offensive mandatée contre le terrorisme telle que la Force conjointe « et ils ne devraient pas l’être », a insisté la délégation américaine.  

Des transitions politiques pacifiques au Mali et au Tchad sont essentielles à la prospérité et à la stabilité à long terme de la région, lesquelles transitions permettront également à de nombreux gouvernements de reprendre un soutien bilatéral et régional actuellement restreint en raison des coups d’état militaires, a relevé M. Mills.  Au Mali, nous soutenons le leadership de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la transition politique.  Nous nous félicitons du soutien continu de ce Conseil à la décision de la CEDEAO selon laquelle le Gouvernement de transition du Mali est conditionné à la tenue d’élections présidentielle et législatives, comme réaffirmé dans le communiqué de presse du Conseil de sécurité adopté le 4 novembre.  Si la délégation s’est félicitée de la déclaration publiée par les chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO le 7 novembre concernant les situations au Mali et en Guinée, elle s’est dite en revanche préoccupée par le fait que le Gouvernement de transition malien n’ait pas présenté de calendrier à la CEDEAO à la fin octobre, « comme il s’y est lui-même engage ».  Nous appelons donc le Gouvernement de transition à publier un calendrier électoral pour garantir des processus inclusifs et transparents dans la préparation et la tenue d’élections libres et équitables, y compris pour garantir la participation pleine, effective et significative des femmes et des jeunes.  

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) s’est dit convaincu que les problèmes de sécurité nécessitent une réponse qui dépasse le cadre militaire, saluant à ce propos les différents points soulevés lors de la séance et des réunions précédentes sur la nécessité de s’attaquer aux causes structurelles des conflits et du terrorisme au Sahel.  La présentation de Mme Sinare nous a également montré l’importance d’inclure les femmes comme agents de changement, a-t-il souligné.  Pour autant, le Président du Conseil a exprimé l’inquiétude que lui inspire l’absence de progrès significatifs pour renforcer la composante civile de la stratégie régionale.  M. Gómez Robledo Verduzco a en outre jugé essentiel que l’octroi de tout soutien à la Force conjointe du G5 Sahel par les Nations Unies soit conditionné par l’apport de garanties politiques des pays concernés.  Il a ajouté que les décisions prises en ce sens par ce Conseil doivent également tenir compte de l’expérience en matière de soutien logistique que la MINUSMA accorde à la Force conjointe du G5 Sahel, cela pour éviter d’ajouter des problèmes à ceux rencontrés dans la mise en œuvre de la Mission.  En outre, le représentant permanent a souligné que, pour que la coopération internationale au Sahel porte ses fruits, celle-ci doit reposer, en matière de sécurité, sur un ambitieux programme de consolidation de la paix, l’engagement politique des gouvernements nationaux étant essentiel à cette fin.  C’est pourquoi il a appelé instamment la communauté internationale à appuyer les efforts de la Commission de consolidation de la paix et du Coordonnateur spécial pour le développement dans le Sahel en vue d’améliorer les conditions de vie des populations.

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