Le Conseil de sécurité constate le rôle aggravant que peuvent jouer l’exclusion et les inégalités dans les situations dont il est saisi
À l’occasion d’un débat public de haut niveau du Conseil de sécurité sur le thème « Exclusion, inégalités et conflits » organisé par sa présidence mexicaine, le Conseil de sécurité a adopté, aujourd’hui, une déclaration présidentielle dans laquelle il « constate que l’exclusion et l’inégalité peuvent avoir un impact et être des facteurs aggravants dans les situations dont il est saisi ». Le Conseil de sécurité ajoute que, « pour pérenniser la paix, l’Assemblée générale, lui-même et le Conseil économique et social doivent avoir une action cohérente, durable et coordonnée, chacun dans le respect du mandat à lui assigner par la Charte des Nations Unies ».
Le débat, lors duquel sont intervenus 42 États Membres, avait pour objectif de faire progresser la réflexion sur les liens entre les causes profondes ou les catalyseurs de conflits armés que sont l’exclusion, les inégalités et la pauvreté. Il a été marqué par les propositions du Secrétaire général des Nations Unies et du Président du Mexique, M. Andrés Manuel López Obrador, lequel a annoncé son intention de présenter à l’Assemblée générale un projet de « Plan mondial de fraternité et de bien-être » visant à garantir une vie digne à 750 millions de personnes survivant avec moins de deux dollars par jour.
« Nous affrontons aujourd’hui le plus grand nombre de conflits violents depuis 1945; ils durent plus longtemps et sont plus complexes », a déclaré M. Guterres, qui a proposé une feuille de route en quatre points en faveur de l’inclusion sans laquelle, a-t-il averti, « la paix restera toujours incomplète ». Le Secrétaire général, qui a rappelé que la prévention est partie intégrante de son rapport « Notre programme commun », suggère donc d’investir dans le développement de tout un chacun; de renforcer les outils et mécanismes de prévention, y compris en s’attaquant aux différents types d’exclusion et d’inégalités; de reconnaître et prioriser le rôle des femmes dans la construction de la paix; et d’instaurer la confiance grâce à des institutions nationales inclusives représentatives de l’ensemble de la population et dont l’action est ancrée dans les droits de l’homme. Imaginez les progrès que l’on peut faire avec les 2 000 milliards de dollars dépensés annuellement dans les armements, a-t-il fait valoir.
Après un vibrant discours contre la corruption sous toutes ses formes, le Président du Mexique a estimé que la création d’un « état mondial de fraternité et de bien-être » pourrait être financée par un fonds provenant d’au moins trois sources: une contribution annuelle volontaire des 1 000 personnes les plus riches de la planète; une contribution similaire de la part des 1 000 plus grandes sociétés multinationales privées et un apport de 0,2% du produit intérieur brut de chaque pays du G20, pour un montant total annuel d’1 milliard de dollars. Invitant l’ONU à « se réveiller de sa léthargie et sortir de la routine », il a dit sa conviction qu’aucun membre du Conseil de sécurité ne s’opposerait à sa proposition, qui ne « traite pas d’armes nucléaires ou d’invasion militaire, et ne fait courir aucun danger à la sécurité d’aucun État ».
La Fédération de Russie a toutefois fait observer que, compte tenu des défis considérables en matière de développement socioéconomique qui se posent aux États en conflit ou en situation d’après-conflit, le Conseil de sécurité ne pouvait, avec les outils dont il dispose, promouvoir des modèles économiques durables et autosuffisants. C’est cette logique qui sous-tend la position de principe du pays sur la nécessité d’une « division du travail » entre les principaux organes des Nations Unies.
Un certain nombre d’intervenants ont toutefois souhaité un renforcement du rôle de la Commission de consolidation de la paix, mettant en avant son rôle d’éclaireur, à l’image du Royaume-Uni, qui s’est prononcé en faveur d’une mise en œuvre souple des outils dont l’ONU dispose pour assister les pays disposant de solutions conçues au niveau national. La déclaration présidentielle rappelle d’ailleurs le soutien du Conseil aux travaux de la Commission et lui demande de « continuer à renforcer ses fonctions de conseil, de liaison et de rapprochement pour soutenir les priorités définies et les efforts dirigés par les autorités nationales dans les pays et régions qui relèvent de son champ d’action ».
Le débat a permis d’aborder les questions d’inégalité et d’exclusion sous divers angles, l’un des plus souvent cité étant la différence d’accès aux vaccins contre la COVID-19 entre pays riches et pays en développement, notamment les pays africains. Le Président mexicain y a vu l’illustration de la tendance actuelle d’un monde où la générosité et le sens du commun sont remplacés par l’égoïsme et l’ambition privée, qui menace de dériver vers la barbarie et sera incapable de résoudre aucun des autres problèmes qui affectent les peuples du monde.
Les violations des droits de l’homme, les inégalités dans l’accès à la justice, le refus de l’état de droit, l’absence d’accès aux services sociaux de base ou aux opportunités économiques ont également été largement évoqués, en particulier par les États membres du groupe des « Éclaireurs », qui ont recommandé au Conseil de sécurité de se prévaloir d’analyses et de repères plus larges sur les tendances en matière d’inégalité, d’exclusion, d’accès à la justice dans le cadre des missions sur le terrain mandatées par le Conseil.
À cet égard, la déclaration présidentielle rappelle qu’il « importe que les gouvernements, dans les situations de conflit ou de post-conflit, s’attaquent aux facteurs persistants d’instabilité et d’inégalité et collaborent avec les parties prenantes concernées, dont la société civile, les femmes, les jeunes et le secteur privé, en vue d’apporter des solutions durables aux problèmes immédiats et à long terme, notamment en assurant une croissance économique et un développement durable inclusifs et la cohésion sociale ». L’inclusion des femmes et des jeunes a été très largement réclamée par les différents intervenants.
Déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité réaffirme que la Charte des Nations Unies lui assigne la responsabilité principale du maintien de la paix et la sécurité internationales et qu’il entend œuvrer à l’instauration d’une paix durable pour toutes les situations dont il est saisi.
Le Conseil réaffirme que le développement, la paix et la sécurité et les droits de l’homme sont intimement liés et se renforcent mutuellement.
Le Conseil constate que l’exclusion et l’inégalité peuvent avoir un impact et être des facteurs aggravants dans les situations dont il est saisi.
Le Conseil rappelle ses résolutions 1645/2005, 2282/2016 et 2558/2020 et réaffirme que, par « pérennisation de la paix », il faudrait entendre, au sens large, un objectif et un processus tendant à la définition d’une vision commune d’une société, compte tenu des besoins de tous les groupes de la population, ce qui suppose des activités permettant de prévenir le déclenchement, l’intensification, la poursuite ou la récurrence des conflits, de s’attaquer à leurs causes profondes, d’aider les parties à mettre fin aux hostilités, de veiller à la réconciliation nationale et de s’engager sur la voie du relèvement, de la reconstruction et du développement, et souligne que la pérennisation de la paix constitue une tâche et une responsabilité partagées que doivent assumer le gouvernement et toutes les autres parties prenantes nationales, qu’elle devrait être reflétée dans chacun des trois piliers de la stratégie d’engagement des Nations Unies à tous les stades du conflit, et dans toutes ses dimensions, et qu’elle requiert l’attention et l’assistance constantes de la communauté internationale.
Le Conseil réaffirme la responsabilité première des autorités et des gouvernements nationaux pour ce qui est de recenser, de déterminer et de cibler les priorités, les stratégies et les activités axées sur la consolidation et la pérennisation de la paix, et souligne à cet égard que l’ouverture est essentielle pour faire avancer les processus nationaux et servir les objectifs de consolidation de la paix des pays si l’on veut faire en sorte que les besoins de tous les groupes de la société soient pris en considération.
Le Conseil réaffirme que, pour pérenniser la paix, l’Assemblée générale, lui-même et le Conseil économique et social doivent avoir une action cohérente, durable et coordonnée, chacun dans le respect du mandat à lui assigné par la Charte des Nations Unies.
Le Conseil considère qu’il ne peut y avoir de développement durable sans paix ni de paix sans développement durable, et que les activités que mènent les entités du système des Nations Unies pour le développement dans le cadre de leurs mandats respectifs, quand demande en est faite par les pays en proie à un conflit ou sortant d’un conflit, dans le respect des priorités et plans nationaux et du principe de l’appropriation des activités par le pays, contribuent à la consolidation et à la pérennisation de la paix dans les pays en question en concourant à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Le Conseil redit son attachement à une participation pleine et entière, sur un pied d’égalité, des femmes à toutes les étapes des processus de paix, de sécurité, de développement et de prise de décision, ainsi qu’à l’inclusion des jeunes dans toutes les étapes desdits processus, conformément aux résolutions sur les femmes et la paix et la sécurité et aux résolutions sur les jeunes et la paix et la sécurité.
Le Conseil considère également qu’il est indispensable que les acteurs concernés sur le plan politique et en matière de sécurité et de développement, au sein et en dehors du système des Nations Unies, y compris les organisations sous-régionales et régionales comme le prévoit le Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, adoptent une approche intégrée et cohérente, conforme à leurs mandats respectifs, pour remédier aux causes profondes des conflits d’une manière inclusive, intégrée et durable.
Le Conseil note qu’il importe que les gouvernements, dans les situations de conflit ou d’après-conflit, s’attaquent aux facteurs persistants d’instabilité et d’inégalité et collaborent avec les parties prenantes concernées, dont la société civile, les femmes, les jeunes et le secteur privé, en vue d’apporter des solutions durables aux problèmes immédiats et à long terme, notamment en assurant une croissance économique et un développement durable inclusifs et la cohésion sociale.
Le Conseil souligne l’importance d’une approche globale de la pérennisation de la paix, reposant en particulier sur la prévention des conflits et l’élimination de leurs causes profondes, le renforcement de l’état de droit aux échelles internationale et nationale et la promotion d’une croissance économique soutenue et durable, de l’élimination de la pauvreté, du développement social, du développement durable, de la réconciliation et de l’unité nationales, y compris grâce à un dialogue inclusif et à la médiation des griefs fondés sur des bases religieuses, ethniques, raciales ou autres, de l’accès à la justice et à la justice transitionnelle, de la responsabilité, de la bonne gouvernance, de la démocratie, de la transparence des institutions, de l’égalité des sexes, et du respect et de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le Conseil souligne l’importance d’une approche globale pour combattre le terrorisme et l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme, dans le respect des dispositions applicables du droit international.
Le Conseil redit son soutien aux travaux de la Commission de consolidation de la paix et demande à celle-ci de continuer à renforcer ses fonctions de conseil, de liaison et de rapprochement pour soutenir les priorités définies et les efforts dirigés par les autorités nationales dans les pays et régions qui relèvent de son champ d’action afin de gagner en efficacité et en influence au service de la consolidation et de la pérennisation de la paix.
Le Conseil insiste sur la contribution que le Conseil économique et social peut apporter en s’emparant des questions économiques, sociales, culturelles et humanitaires et souligne l’importance d’une coopération étroite au sens de l’Article 65 de la Charte des Nations Unies.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Exclusion, inégalités et conflits S/2021/883
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré que la pandémie de COVID-19 avait exacerbé les difficultés et les inégalités qui frappaient déjà les plus vulnérables: plus 120 millions de personnes supplémentaires ont été réduites à la pauvreté, la faim menace le monde et plusieurs milliards de personnes sont privées des soins dont ils ont le plus besoin, que ce soit la santé ou l’emploi. Dans les pays riches, on administre une troisième dose de vaccin, alors que seulement 5% de la population africaine est vaccinée. Quelques milliardaires détiennent à eux seuls, plus de 60% des richesses mondiales. Les pays les plus riches vont consacrer 25% de leur produit intérieur brut (PIB) dans les plans de relances postpandémie, contre seulement 1,8% pour les pays les moins développés, alors que se prépare une reprise économique asymétrique.
Pour le Secrétaire général nous affrontons aujourd’hui le plus grand nombre de conflits violents depuis 1945. Ils durent plus longtemps et sont plus complexes. Ils impliquent aussi une impunité et des violations des droits de l’homme. En Afghanistan, les femmes et les filles se voient dénier leurs droits à vivre dans une société pacifiée. Au Myanmar, les minorités sont ciblées, brutalisées et forcées à l’exode. En Éthiopie, une crise humanitaire est en train de se créer sous nos yeux. Ces tragédies, comme les autres, sont aggravées par la pandémie de COVID-19 et par l’urgence climatique. Dans ce contexte, construire la paix n’a jamais été aussi urgente. C’est pour cette raison que la prévention est au cœur du nouvel agenda pour la paix, partie intégrante du rapport sur Notre programme commun, qui appelle la communauté internationale à travailler comme une seule personne afin de résoudre les causes profondes des conflits violents, a-t-il encore déclaré.
M. Guterres a ensuite estimé que, sans inclusion, la paix restera toujours incomplète. Pour cette raison aussi, il propose une feuille de route en quatre points. Selon lui, il faut commencer par investir dans le développement de tout un chacun, sans exclusion et de manière égale. Imaginez les progrès que l’on peut faire avec les 2 000 milliards de dollars dépensés annuellement dans les armements, a-t-il fait valoir.
Il faut ensuite renforcer les outils et mécanismes de prévention, y compris en s’attaquant aux différents types d’exclusion et d’inégalités, a poursuivi le Secrétaire général. Cela inclut une surveillance rigoureuse des inégalités croissantes, ou leur perception, dans le but de résoudre les situations au plus vite. Il faut en outre reconnaître et prioriser le rôle des femmes dans la construction de la paix, comme le font aujourd’hui les Nations Unies, qui visent la parité dans les instances dirigeantes de ses missions de paix. Aujourd’hui aussi, 40% du Fonds pour la consolidation de la paix est consacré à l’égalité entre les genres et les droits des femmes. Il faut, enfin, instaurer la confiance, grâce à des institutions nationales inclusives, qui représentent l’ensemble de la population et dont l’action est ancrée dans les droits de l’homme.
En conclusion, le Secrétaire général a déclaré que dans chaque société, la diversité de culture, de langues ou de religion devrait être vue comme un bénéfice plutôt que comme une menace. Cela est essentiel pour chaque État, mais plus encore pour ceux qui connaissent un conflit. Sans inclusion et égalité, faire la paix est une tâche à moitié faite.
Mme LOURDES TIBAN GUALA, spécialiste des questions autochtones, a fait observer que les thématiques de la paix et des conflits sont une réalité pour les peuples autochtones, même sans conflits armés. C’est la raison pour laquelle l’experte a jugé important que le Conseil de sécurité se penche sur les conflits historiques que les États n’ont pas résolus précisément parce qu’ils ne sont pas liés à des mécanismes de médiation mais plutôt aux changements structurels de la politique publique, que ce soit en matière économique, culturelle ou sociale. Pour Mme Tiban Guala, les inégalités sociales sont l’une des causes à même de menacer la paix internationale, plus précisément la hausse de la violence et de la criminalité générée par des groupes d’individus vulnérables pour survivre à la crise et dominer d’autres groupes de personnes. Et les inégalités sociales entraînent de la pauvreté, des retards dans le progrès économique, de la malnutrition et de la mortalité infantile, entre autres.
L’exclusion sociale ne concerne pas que les peuples autochtones, a souligné Mme Tiban Guala, en citant également les problèmes qu’elle engendre pour toute la population comme le manque de logement, la prison, le handicap, le genre, les maladies mentales, l’âge, la drogue, la prostitution et l’immigration. Les conflits ont des conséquences dévastatrices et font augmenter les inégalités entre hommes et femmes, a insisté l’experte. Les femmes ont en effet souvent moins de moyens à leur disposition pour se protéger et elles représentent souvent, avec les enfants, la majeure partie des personnes déplacées et des réfugiés. Des armes de guerres sont spécifiquement dirigées contre elles, comme la violence sexuelle, l’arrachement de leurs enfants et les boucliers humains, a-t-elle encore déploré.
Le Conseil de sécurité devrait évaluer les progrès des États pour que les femmes obtiennent justice en cas de violation de leurs droits et pour qu’elles participent directement à la réforme du droit et des institutions publiques sur la thématique de l’exclusion, a demandé Mme Tiban Guala. Ce n’est pas pour rien que la communauté internationale a reconnu que la participation des femmes est essentielle pour parvenir à une paix durable, a-t-elle rappelé, et ce, sans exclure la femme autochtone, qui souffre d’une triple exclusion parce qu’elle est femme, autochtone et pauvre.
Mme Tiban Guala a ensuite attiré l’attention du Conseil sur l’incrimination par certains États de la lutte sociale et des défenseurs des droits, qui est devenue un outil de persécution des défenseurs des droits de l’homme. Quant à la corruption, elle mine la confiance dans les institutions, porte atteinte au développement économique et social, ce qui peut poser un risque pour la paix internationale, a-t-elle ajouté.
Enfin, Mme Tiban Guala a évoqué les conflits pour l’accès ou le contrôle des ressources naturelles. L’eau pourrait même devenir la principale source de conflit au XXIe siècle, s’est-elle inquiétée, défendant la protection de l’environnement des peuples autochtones. En la matière, elle a suggéré au Conseil d’inciter et de reconnaître les États Membres qui s’efforcent de diminuer les inégalités et l’exclusion et d’éviter les confrontations entre la société civile, les citoyens et l’État, ce qui peut mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationale.
M. ANDRÉS MANUEL LÓPEZ OBRADOR, Président du Mexique, a déclaré qu’il venait parler de la sécurité dans le sens employé par le « titan des libertés », le Président Franklin Delano Roosevelt, lors de la création de l’ONU: le droit à une vie exempte de peurs et de misères, ce qui demeure le socle le plus solide de la sécurité pour toutes les sociétés et tous les États.
Le Président du Mexique a longuement décrit la corruption dans toutes ses expressions comme l’obstacle majeur à l’exercice de ce droit. Il a dénoncé la corruption par laquelle les tribunaux punissent ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter leur innocence et protègent les puissants, qui favorise l’impunité de ceux qui occultent leurs fonds illicites dans des paradis fiscaux, ou encore l’usure que pratiquent les actionnaires et les administrateurs des fonds dits « vautours » sans pour autant perdre leur respectabilité. Il serait hypocrite de prétendre ignorer que le principal problème de la planète est bien la corruption sous toutes ses dimensions: politique, morale, économique, juridique et financière. Elle est la première cause de l’inégalité, la pauvreté, la frustration, la violence, la migration et les graves conflits sociaux, a accusé M. López Obrador.
« Nous sommes en décadence », a lancé le Président du Mexique, du fait que jamais autant de richesse n’a été accumulée au prix de la souffrance d’autrui, par la privatisation de ce qui appartient à tous, ou de ce qui ne doit pas avoir de propriétaire; en modifiant les lois pour légaliser ce qui est immoral et faire en sorte que « l’abominable apparaisse comme acceptable ».
M. López Obrador a pris comme exemple la problématique actuelle de la distribution des vaccins contre la pandémie de COVID-19, en rappelant que les industries pharmaceutiques privées avaient vendu 94% des vaccins tandis que le Mécanisme COVAX, créé par l’ONU pour la distribution aux pays pauvres, arrive péniblement à 6%, ce qu’il a qualifié d’« échec douloureux ». Si nous persévérons dans la tendance actuelle d’un monde où la générosité et le sens du commun sont remplacés par l’égoïsme et l’ambition privée; où l’esprit de coopération perd du terrain face au désir lucratif, nous dériverons de la civilisation vers la barbarie et nous ne serons nullement en mesure de résoudre aucun des autres problèmes qui affectent les peuples du monde, a-t-il averti.
M. López Obrador a ensuite décrit les actions menées dans son pays pour déraciner la corruption et faire bénéficier tout le peuple de l’argent ainsi libéré sous la devise « pour le bien de tous, les pauvres d’abord ». Reconnaissant qu’il faudrait sûrement du temps pour pacifier le pays, il a estimé que la formule la plus sûre consistait à s’attaquer aux causes profondes du problème en offrant, en particulier aux jeunes, des possibilités d’éducation et d’emploi pour qu’ils ne plongent pas dans la délinquance, et que les bandes délinquantes soient ainsi privées de leur vivier de réservistes.
Le Président a également plaidé pour que la migration devienne une option et non une obligation imposée par la désespérance, une décision individuelle au lieu d’un phénomène à proportions démographiques. Il a détaillé un projet mis en œuvre au Chiapas visant à planter des dizaines de milliers d’hectares de vergers et conifères pour créer des emplois et apporter des formations, qui permettrait selon lui, s’il était appliqué au Guatemala, au Honduras et au Salvador, à quelque 330 000 personnes de rester dans leur pays alors plutôt que de risquer leur vie en migrant.
M. López Obrador a ensuite proposé que l’ONU applique ses propositions, se « réveille de sa léthargie et sorte de la routine », qu’elle se réforme, dénonce et combatte la corruption partout dans le monde; qu’elle lutte contre l’inégalité et le malaise social qui frappent la Planète. Jamais dans l’histoire de cette Organisation, rien de véritablement substantiel a été fait au profit des pauvres, a-t-il martelé, ajoutant qu’il n’est jamais trop tard de faire justice.
Le Président a donc annoncé que le Mexique présenterait, dans les prochains jours, à l’Assemblée générale, un « Plan mondial de fraternité et de bien-être » visant à garantir une vie digne à 750 millions de personnes survivant avec moins de deux dollars par jour.
Pour M. López Obrador, la proposition de créer un « état mondial de fraternité et de bien-être » pourrait être financée par un fonds provenant d’au moins trois sources: une contribution annuelle volontaire de 4% de leur fortune aux 1 000 personnes les plus riches de la planète; une contribution similaire de la part des 1 000 plus grandes sociétés multinationales privées en fonction de leur valeur sur le marché mondial, et un apport de 0,2% du produit intérieur brut de chaque pays du G20, ce qui correspondrait au total à un total annuel d’1 milliard de dollars. Les contributeurs pourraient recevoir un certificat de reconnaissance de solidarité, et les bénéficiaires recevoir directement l’argent sans intermédiaire, par l’octroi d’une carte ou d’un portefeuille électronique personnalisé.
De leur côté, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international pourraient aussi collaborer par la création de la structure requise, et, dès l’an prochain, recenser les personnes les plus pauvres et commencer à distribuer les ressources pour l’octroi de pensions aux personnes handicapées, des bourses d’études, appuyer les semeurs et les jeunes apprentis et faire parvenir les vaccins et les médicaments, gratuitement. « Je ne pense pas qu’aucun membre du Conseil de sécurité s’opposera à notre proposition qui ne traite pas d’armes nucléaires ou d’invasion militaire, et ne fait courir aucun danger à la sécurité d’aucun État », a affirmé le Président du Mexique, qui a conclu en soulignant que sa proposition visait tout au contraire à instaurer la stabilité et la paix par la solidarité avec tous ceux qui en ont besoin.
Mme EVA-MARIA LIIMETS, Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, a déclaré que la prévention des conflits devrait être une priorité claire. Elle a ensuite dénoncé la situation actuelle au Bélarus, parlant de répressions massives contre la population ainsi que d’une intensification des actes de répression transnationale. La Ministre y a vu un schéma clair: l’instrumentalisation d’êtres humains à des fins politiques dans le but de déstabiliser les pays voisins et de détourner l’attention de ses propres violations croissantes des droits de l’homme, une tactique que Mme Liimets a qualifiée d’inacceptable.
Mme Liimets s’est déclarée fermement convaincue qu’en se concentrant rapidement sur le renforcement de la résilience des communautés, il était possible de prévenir le déclenchement d’un conflit et la rechute dans la violence. Il s’agit notamment de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité, telles que le sous-développement, les effets des changements climatiques, la pauvreté et le manque de possibilités d’éducation, de manière active et holistique, a-t-elle encore détaillé. Pour la Ministre, l’accès humanitaire et la sécurité des travailleurs humanitaires sont des questions sur lesquelles le Conseil de sécurité peut et doit se concentrer dans un contexte d’instabilité.
Mme Liimets a également insisté pour que les droits de l’homme soient au centre de la réponse aux conflits ainsi que de la prévention des conflits. Il est naïf de penser qu’il est possible de trouver une solution pacifique à tout conflit sans une large représentation à la table des négociations, a également plaidé la Ministre. Cela concerne tout particulièrement la participation des femmes, a-t-elle précisé, ajoutant que la clef d’une paix et d’une stabilité durables était d’œuvrer consciemment et continuellement à la participation pleine, égale et significative des femmes aux processus de paix. L’exclusion et l’inégalité -à l’égard des membres de tous les groupes vulnérables et marginalisés- constituent un risque pour la paix et la sécurité. La Ministre a également appelé à ne pas sous-estimer l’ampleur des risques pour la sécurité liés au climat, y compris la dimension de genre des changements climatiques.
Mme Liimets a aussi mis l’accent sur l’importance de l’état de droit dans le contexte de la prévention des conflits. L’état de droit et le développement sont fortement liés et se renforcent mutuellement, a-t-elle rappelé. Les sociétés ouvertes et justes, soutenues par des institutions fortes et responsables qui respectent l’état de droit, offrent un environnement prévisible à la population. Elles contribuent à créer des moyens de subsistance durables et à réduire les niveaux de pauvreté, qui découlent souvent de l’exclusion, de la discrimination et de la déresponsabilisation. L’Estonie ne cessera de souligner l’importance de la bonne gouvernance, de la responsabilité, du respect du droit humanitaire international et du droit international des droits de l’homme, ainsi que du respect de l’état de droit, a résumé la Ministre en conclusion, car ces facteurs jouent tous un rôle indispensable pour s’attaquer de manière significative et durable aux causes profondes des conflits dans le monde.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD, (États-Unis), membre du cabinet du Président, a estimé qu’il fallait s’attaquer aux causes profondes des crises, sans quoi notre travail ne peut consister qu’à appliquer un pansement sur une plaie béante. Ces causes profondes sont anciennes: croissance économique retardée, compétition pour des ressources rares, haine de ceux qui sont différents de nous. Mais ils sont exacerbés par les défis modernes d’aujourd'hui: la pandémie de COVID-19, les changements climatiques et la dégradation des ressources naturelles. Toutes ces sources de conflit et facteurs d’instabilité représentent des formes d’inégalité, de marginalisation et d’exclusion, a-t-elle noté.
Mme Thomas-Greenfield a pris en exemple la pandémie de COVID-19 et les changements climatiques, qui touchent tous les pays, mais pas de la même manière. Face à la pandémie, les États-Unis se sont engagés à fournir des vaccins. Plus de 230 millions de doses ont déjà été distribuées à travers le monde sur les plus de 1,1 milliard de doses promises par le pays, sans aucune condition, car « nous savons que tous les pays ne peuvent pas se permettre de produire ou d’acheter ces vaccins vitaux », a-t-elle expliqué. C’est également pourquoi, devant l’Assemblée générale, le Président Biden a annoncé qu’il travaillerait avec le Congrès pour doubler à nouveau les fonds consacrés à l’aide internationale, qui devraient passer à 11,4 milliards de dollars par an d’ici à 2024 pour aider les pays en développement à faire face à la crise climatique.
En promouvant et en protégeant les droits de l’homme et les libertés fondamentales, nous faisons ce qu’il faut et respectons nos valeurs, a poursuivi Mme Thomas-Greenfield. Les États-Unis pratiquent également la diplomatie préventive en renforçant la résilience et en veillant à ce que les sociétés soient moins vulnérables aux conflits. Notant que les trois piliers de l’ONU – développement, droits de l’homme, paix et sécurité – sont liés, elle a plaidé pour une approche inclusive de la consolidation de la paix et de la prévention des conflits. Par exemple, le développement favorise la croissance économique, laquelle est souvent le plus grand défi pour les sociétés sortant d’un conflit. Ainsi, ceux qui réfléchissent aux solutions de consolidation de la paix doivent impliquer les acteurs du développement local dès le début pour déterminer les étapes nécessaires pour améliorer la stabilité et assurer une paix durable. De même, si une société exclut les femmes des rôles sur le lieu de travail, elle perd la moitié de sa main-d’œuvre. Assurer l’autonomisation, la participation et la protection significatives des femmes dans tous les aspects du processus de consolidation de la paix et de la sécurité est nécessaire pour construire des sociétés durables et pacifiques, a argué Mme Thomas-Greenfield.
Pour ces raisons, les États-Unis soutiennent les missions des Nations Unies avec des mandats solides en matière de droits de l’homme, l’intégration de la dimension de genre dans les activités des missions et de solides fonctions de coordination avec les organisations humanitaires et de développement. En outre, les missions de maintien de la paix doivent promouvoir la protection des civils et renforcer les structures démocratiques de gouvernance et l’état de droit. Pour Mme Thomas-Greenfield, c’est ainsi qu’on s’attaque aux causes profondes des conflits, et c’est ainsi qu’on construit les conditions d’une paix durable.
M. RAJKUMAR RANJAN SINGH, Ministre d’État des affaires extérieures de l’Inde, a relevé que les conflits entre États ont diminué ces dernières décennies et que les conflits à l’intérieur des États attirent davantage l’attention du Conseil. Ces conflits trouvent leur origine dans plusieurs causes politiques, économiques et sociales de longue date qui demandent l’attention non seulement du Conseil mais aussi d’autres organes des Nations Unies jouant un rôle dans la consolidation de la paix et en matière socioéconomique.
Pour le Ministre indien, les efforts internationaux de maintien de la paix et de la sécurité doivent être inclusifs. En effet, a-t-il observé, la mise en œuvre d’un accord de paix doit s’accompagner de la fourniture d’une aide humanitaire ou de secours d’urgence, de la reprise de l’activité économique et de la création d’institutions politiques et administratives améliorant la gouvernance et incluant toutes les parties prenantes, en particulier les femmes et les groupes défavorisés. L’action humanitaire doit être avant tout guidée par les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, a insisté le Ministre, invitant à ne pas politiser l’aide humanitaire.
Ensuite, il a noté que la communauté internationale doit aussi garantir un flux prévisible et solide de ressources aux pays en situation de post-conflit. « Les programmes de reconstruction après un conflit sont particulièrement importants, surtout en Afrique ». À cet égard, le Ministre a plaidé pour un renforcement des efforts de la Commission de consolidation de la paix, celle-ci devant accorder la priorité aux besoins des États d’accueil et coordonner le rôle des institutions financières internationales, du secteur privé et des organisations de la société civile.
Le Ministre a aussi souligné le rôle important que jouent les organisations régionales et sous-régionales face aux situations de conflit, notant que les États Membres se reposent de plus en plus sur leur capacité. Le Conseil de sécurité a la responsabilité de soutenir cette tendance et de l’encourager, a-t-il ajouté, estimant par exemple que le cadre de coopération entre l’ONU et l’Union africaine doit être mis en œuvre de manière plus proactive.
En venant à la thématique de l’exclusion, des inégalités et des conflits, le Ministre a attiré l’attention sur le fait qu’elle vaut aussi pour le fonctionnement du Conseil. Il a demandé de mettre un terme à l’exclusion et aux inégalités persistantes en ce qui concerne les membres du Conseil et de réformer la structure internationale du maintien de la paix et de la sécurité. Il s’est dit convaincu de la nécessité de réformer le multilatéralisme, et avant tout l’ONU et le Conseil, pour faire face aux défis complexes auxquels le monde est aujourd’hui confronté. « Combien de temps encore les voix légitimes du monde en développement, y compris de l’Afrique, pourront-elles être niées? »
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que le Conseil de sécurité ne peut ignorer les causes profondes des conflits et a appelé à ce que les délibérations du Conseil sur la manière de les aborder se concentrent sur l’utilisation des outils à sa disposition: bons offices, médiation, maintien de la paix et missions politiques spéciales. Il a jugé inestimable la fourniture d’une aide humanitaire urgente pour soulager les souffrances des populations dans le besoin, et donc pour atténuer les conflits.
Compte tenu des défis considérables en matière de développement socioéconomique qui se posent aux États en conflit ou sortant d’un conflit, ni le Conseil de sécurité ni la Commission de consolidation de la paix ne peuvent, avec les outils dont ils disposent, promouvoir des modèles économiques durables et autosuffisants, a toutefois estimé le représentant. C’est cette logique qui sous-tend la position de principe de la Fédération de Russie quant à la nécessité d’adhérer au principe d’une « division du travail » entre les principaux organes des Nations Unies, a-t-il expliqué. Les questions de développement durable, des changements climatiques ou des droits de l’homme doivent être abordées avant tout au sein de plateformes dédiées, dotées des outils et de l’expertise nécessaires et d’une représentation universelle ou large des États Membres au sein de l’organisation.
M. Nebenzia a ainsi exprimé ses doutes quant à un certain nombre de concepts proposés dans la nouvelle initiative du Secrétaire général « Notre programme commun », déplorant une tendance à « mélanger » les mandats et à créer des structures faisant double emploi avec les organes statutaires. L’idée d’une approche dite multipartite visant à égaliser progressivement le statut des États Membres et des acteurs non étatiques au sein des Nations Unies ne peut que susciter des interrogations, a-t-il souligné.
À cet égard, le représentant a appelé à un examen attentif des différents éléments du programme de réforme dans un format intergouvernemental et à une mise en œuvre sur la base de décisions consensuelles. Il a jugé regrettable et injustifiée la hâte avec laquelle il est proposé d’adopter des décisions à l’Assemblée générale.
M. Nebenzia a également appelé à considérer chaque situation conflictuelle individuelle comme spécifique et a plaidé contre toute forme d’automatisme ou la mise en place d’« indicateurs universels » de conflit. Il s’est en outre élevé contre l’ingérence dans les affaires intérieures des États et les pressions exercées sur des gouvernements « indésirables » sous prétexte de les aider. Il s’est également insurgé contre l’application de sanctions unilatérales illégales et la menace ou le refus de fournir une aide au développement, jugeant « inhumaines » ces restrictions qui limitent la capacité des États à faire face, sapent les efforts des gouvernements légitimes pour atteindre les objectifs de développement durable et exacerbent ainsi les inégalités entre États.
Mme MONUA JUUL (Norvège) a déclaré que ce débat fait écho au rapport du Secrétaire général intitulé « Notre programme commun » dont elle partage l’analyse et dont elle soutient la mise en œuvre. Elle a fait remarquer que les conflits armés prolongés, l’aggravation des changements climatiques, les inégalités systémiques et la pauvreté persistante affectent la paix et la sécurité d’un nombre croissant de personnes et que, pour réagir efficacement, il faut renforcer les efforts déployés par les Nations unies dans tous les domaines, de l’humanitaire au développement, en passant par la consolidation de la paix et les droits de l’homme. Pour cela, la représentante a soutenu une approche intégrée et s’est dite attachée aux principes du Nexus (lien entre l’action humanitaire et le. développement) tels qu’ils sont illustrés dans le Grand Bargain (pacte relatif au financement de l’action humanitaire), le cadre d’action global pour les réfugiés et la réforme du système des Nations unies pour le développement. Elle a en outre plaidé pour un financement amélioré et mieux coordonné de l’ensemble du Nexus pour dépasser les silos institutionnels et obtenir, ensemble, des résultats.
Mme Juul a en outre relevé que les sociétés inclusives sont des sociétés pacifiques et que les acquis du développement et de la paix ne sont pas durables si de grandes parties de la population sont marginalisées et si les droits de l’homme ne sont pas respectés. Nous savons que l’exclusion est un facteur de conflit, c’est pourquoi la promotion des droits de l’homme est un élément clef de la politique étrangère et de la politique de développement de la Norvège, a-t-elle précisé. Elle a également plaidé pour la création d’une culture de la participation publique qui puisse atténuer les tensions, réduire les frustrations et instaurer la confiance. Mme Juul a conclu en signalant qu’il y a peu d’espoir de parvenir à la paix et à la sécurité tant que les conflits politiques sous-jacents ne sont pas résolus - en particulier ceux qui découlent de l’exclusion et de l’inégalité. Il faut accorder une plus grande priorité à la promotion des règlements politiques inclusifs dans les efforts de consolidation de la paix et de réconciliation, a-t-elle plaidé.
M. JUN ZHANG (Chine) a déclaré que l’égalité en tant que valeur était une aspiration lointaine des sociétés. Or, l’unilatéralisme et l’hégémonisme n’ont fait que perpétuer le système « inique » qui sert de base au système international aujourd’hui. Le Conseil de sécurité devrait s’intéresser à cette question et répondre collectivement à ce problème. Pour la Chine, le développement durable pour tous est la meilleure manière de résoudre les situations d’inégalité, notamment celle qui est née de la pandémie et du manque d’accès aux vaccins, avec l’accaparement de ceux-ci par les pays riches. La Chine, pour sa part, a fait œuvre de solidarité internationale et distribué 1,6 milliard de doses cette année, devenant le principal fournisseur de vaccins dans le monde, a fait valoir le représentant.
Le système international ne peut se bâtir sur l’inégalité entre États, a poursuivi M. Zhang. Or, le fait de pratiquer des politiques qui nuisent aux voisins ne fait que perpétuer cette situation qui n’est pas éthique. Le représentant a donc insisté sur la nécessité de promouvoir le développement pour tous, et en particulier le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Pour le représentant, l’Histoire a montré que le fait de monter les factions les unes contre les autres et de s’immiscer dans les affaires internes des États conduit aux conflits et au désastre. Il faut tirer des enseignements de cela et « apprendre cette leçon par cœur », a-t-il ajouté, invitant au multilatéralisme et au respect des buts et principes de la Charte des Nations Unies. La Chine reste disposée à travailler avec les autres membres du Conseil de sécurité pour atteindre ces objectifs, a conclu M. Zhang.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a relevé que la « militarisation de la différence est à la base d’une radicalisation propice au terrorisme ». Partout, cela éclate en discours de haine et en incitation à la violence, et il en résulte des atrocités et des crimes de guerre, a-t-il expliqué. Pour protéger la paix et la sécurité internationales, il a donc recommandé que le Conseil de sécurité, les Nations Unies et les organisations régionales encouragent activement et permettent une gestion efficace de la diversité, conformément au droit international des droits de l’homme et à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il a ensuite proposé quatre points qui devraient étayer les efforts visant à lutter contre l’exclusion, les inégalités, et les conflits basés sur la race, l’ethnicité, l’appartenance religieuse et d’autres différences.
Premièrement, il a souligné la nécessité de lutter contre la corruption endémique dans le système international, dont les effets conduisent aux inégalités et aux exclusions qui deviennent alors des armes et la base de conflits violents. Deuxièmement, le Conseil de sécurité peut contribuer à briser le cercle vicieux de l’exclusion, des inégalités et des conflits en intégrant dans l’architecture du maintien de la paix des Nations Unies des mandats de renforcement des capacités en faveur d’institutions étatiques qui promeuvent l’égalité. Troisièmement, M. Kimani a dit que le Conseil devrait utiliser beaucoup plus le rôle consultatif de la Commission de consolidation de la paix, celle-ci devant, pour sa part, s’attaquer au rôle de l’exclusion et des griefs identitaires dans l’escalade des conflits et de la violence.
Quatrièmement, le délégué a relevé que le discours civique et politique est de plus en plus médiatisé par la technologie. Il a pointé du doigt l’algorithme des médias sociaux qui dirige et classe le discours, profitant des effets de ce procédé. Il en résulte un changement subtil mais important de la liberté d’expression et de la liberté d’association, a—t-il constaté. Le représentant a noté que la technologie permet de cibler des milliards de personnes en tant qu’individus, et qu’elle change la politique. Elle continuera de le faire, de manière positive et extrêmement destructrice, a-t-il prédit. Notant que des conversations importantes sont en cours, en particulier dans les pays du Nord, sur la réglementation de ces technologies, le délégué a regretté qu’elles n’incluent pas suffisamment les pays du Sud.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE,(France), a rappelé que les trois conditions essentielles d’une paix durable étaient l’inclusion, la garantie des droits de l’homme et le développement. Il a ainsi appelé les autorités d’Éthiopie à lancer un dialogue inclusif conformément à leurs engagements. En outre, il a estimé que le cessez-le-feu en République centrafricaine devait permettre l’arrêt définitif des violences. Il a invité les autorités du Mali à organiser des élections mettant un terme à la transition. À Haïti, tous les acteurs politiques doivent bâtir le consensus nécessaire à la mise en place d’un gouvernement capable d’organiser des scrutins électoraux dans un climat apaisé, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, pour la France, la protection des femmes et des enfants, celle des personnes appartenant à des minorités et celle et des personnes vulnérables doivent demeurer des priorités. M. de Rivière a regretté qu’au Moyen-Orient les avancées de la lutte contre Daech n’aient pas fait disparaître la menace pesant sur les femmes et les minorités religieuses. En Birmanie, les causes profondes de la crise des Rohingya demeurent et les recommandations de la Commission Annan doivent être mises en œuvre. Le représentant a fait valoir qu’avec le Forum Génération Égalité, la France et le Mexique avaient obtenu des moyens au service du Programme Femmes, Paix et Sécurité. En Afghanistan, la France exige le respect des droits des femmes et des filles, d’ores et déjà bafoués par les Taliban. En Syrie, toutes les parties, dont le régime, doivent respecter le droit international humanitaire.
M. de Rivière a estimé que le nouveau « contrat social » promu par le Secrétaire général reflétait le besoin accru de coopération et de solidarité. Le représentant a rappelé que la France avait porté son aide publique au développement à 0,55% de sa richesse nationale d’ici à l’an prochain. Il a souligné que pour faire progresser la couverture mondiale contre la pandémie de COVID-19, la France avait cédé 67 millions de doses, dont 64 millions dans le cadre du Mécanisme COVAX. Ces vaccins bénéficient à plus de 52 pays dont une trentaine en Afrique et ces efforts se poursuivront a-t-il affirmé. Enfin, M. de Rivière a déclaré que la Commission de consolidation de la paix et le Fonds de consolidation de la paix, auquel la France a multiplié par quatre sa contribution en 2021, doivent prévenir l’apparition ou la résurgence des conflits.
M. TAREK LADEB (Tunisie) a fait observer que si l’on veut promouvoir des facteurs de stabilité, il faut traiter des causes profondes qui conduisent aux conflits, comme la marginalisation et les inégalités qui en sont les premiers symptômes. Tous les secteurs de la société, notamment les femmes et les jeunes, doivent participer aux processus, a-t-il ajouté. Notant que la nature des conflits a changé, le représentant a constaté que la plupart sont devenus internes, plus complexes, avec la participation de groupes terroristes et de groupes criminels transfrontaliers, qui profitent des inégalités pour recruter. Dans ce contexte, M. Ladeb a salué l’adoption du Programme Femmes, Paix et Sécurité, et du Programme Jeunesse, Paix et Sécurité, demandant d’y ajouter la composante des changements climatiques.
Le délégué a souligné l’importance d’un dialogue fondé sur la solidarité, en demandant de renforcer les chances d’avoir un tel dialogue qui mène à des changements tangibles dans la vie des gens. La justice pour tous et le combat contre l’exclusion et les inégalités sont des facteurs nécessaires pour parvenir à une paix plus stable, a-t-il insisté. Il a également jugé nécessaire de renforcer la coopération pour régler les conflits existants et traiter des difficultés socioéconomiques et des causes profondes des conflits. La pandémie de COVID-19 a encore creusé les écarts au sein et entre les États, et il faut œuvrer pour que le redressement inclue tous les États, notamment les pays les moins avancés, a recommandé M. Ladeb. Il a affiché son soutien à l’appel lancé par le Secrétaire général pour rompre le cercle vicieux de la pauvreté et de la discrimination.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a souligné que la crise en Éthiopie ne serait résolue qu’à travers un dialogue inclusif; et que la stabilité en Afghanistan ne serait possible qu’avec la pleine participation des femmes et des filles. Il a affirmé que le développement était la meilleure forme de prévention mais que, pour que le développement soit efficace, il fallait simultanément remédier aux causes profondes, notamment les exclusions socioéconomique et politique qui perpétuent les conflits et mettent en péril les acquis du développement.
Le représentant a estimé, par ailleurs, qu’une gouvernance inclusive à travers des élections démocratiques était fondamentale pour que les sociétés soient en mesure de relever les défis de manière pacifique. Les droits de l’homme jouent aussi un rôle déterminant dans la création de sociétés résilientes, et leurs violations alertent sur les risques de conflit et d’atrocités. Il a suggéré de déployer plus d’efforts en vue de la promotion d’une assistance internationale cohérente susceptible de mieux protéger et de renforcer les dividendes de la paix, du développement et des droits de l’homme.
M. Kariuki a aussi mis l’accent sur l’appropriation nationale de la paix. Il incombe aux États d’honorer leurs engagements, en vertu de la Charte, et de faire montre de volonté politique pour résoudre les menaces à la paix, a-t-il rappelé. Pour sa part, le Conseil de sécurité pourrait œuvrer « plus activement » à briser les cloisons entravant les efforts de la prévention. Il s’agit de plaider en faveur d’une assistance de l’ONU qui soit mieux coordonnée et sensible au conflit, d’appuyer une meilleure analyse et un meilleur système d’alerte précoce pour prévenir les risques avant que le Conseil soit obligé de prendre des mesures.
Le Royaume-Uni est donc favorable à une mise en œuvre souple des outils dont l’ONU dispose pour assister les pays disposant de solutions conçues au niveau national pour relever les défis de la consolidation de la paix, notamment grâce à la Commission de la consolidation de la paix. Le Royaume-Uni demande aussi au Conseil de veiller à ce que les opérations de paix de l’ONU aient une compréhension plus systémique des moteurs de conflit et qu’elles se coordonnent davantage avec les acteurs de maintien de la paix locaux, nationaux, régionaux et internationaux. Par ailleurs, en cas d’escalade de conflit, le Conseil ne devrait pas éluder sa responsabilité, car lorsque l’inégalité et l’exclusion se muent en atrocités qui bafouent les normes internationales agréées et menacent la paix et la sécurité, « il est de notre obligation d’agir et de prévenir de futures crises humanitaires », a conclu le représentant.
Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a fait remarquer que les liens entre l’inégalité, l’exclusion et les conflits sont depuis longtemps bien établis. Dans les contextes fragiles, où la marginalisation socioéconomique et politique et les difficultés humaines engendrées par le sous-développement sont les plus prononcées, ces inégalités favorisent les différends qui se transforment trop souvent en conflits violents, a-t-elle constaté. Elle a accusé ces inégalités de créer également des terrains fertiles pour les idéologies extrémistes, les activités terroristes et le crime organisé transnational, qui servent à saper la souveraineté des États, à contourner l’intégrité territoriale et à éroder les perspectives d’une paix et d’un développement durables. S’y attaquer est donc, à son avis, le moyen le plus efficace de faire progresser le règlement pacifique des conflits. En effet, a-t-elle continué, comme de nombreux États en situation de post-conflit peuvent en témoigner, ce n’est que lorsque le tissu social est réparé, que la confiance du public est restaurée et que les processus nationaux de dialogue politique, de recherche de consensus et de réconciliation sont sérieusement poursuivis, que les profondes fissures peuvent être comblées.
La représentante a, en outre, regretté qu’en cette période de progrès scientifique et d’expansion mondiale des libertés individuelles, il existe tant de disparités structurelles entre les sociétés et les nations. Ce développement mondial déséquilibré - qui se manifeste par de graves problèmes sanitaires, économiques, sociaux et de sécurité - représente « une tare morale dans le visage de cet ordre multilatéral », a-t-elle déploré. Elle a plaidé pour que tous les organes et les agences spécialisées des Nations Unies travaillent plus étroitement ensemble pour promouvoir des solutions pratiques et centrées sur les personnes dans le cadre du lien entre paix et sécurité, développement et aide humanitaire.
Mme Rhonda King, enfin, a noté qu’aucune thèse sur l’exclusion, l’inégalité et le conflit ne pouvait être complète sans prendre en considération le rôle des anciens empires coloniaux et de certaines puissances actuelles. La justice réparatrice pour les abus historiques de l’esclavage et du génocide des autochtones - qui ont laissé des séquelles durables de sous-développement et d’inégalité - reste une priorité, a-t-elle insisté. Le Conseil doit toujours garder à l’esprit les voix et les perspectives légitimes des personnes privées de pouvoir: des apatrides, des réfugiés, des personnes déplacées, des autochtones et d’autres minorités ethniques et religieuses, des femmes et des filles, et de ceux qui subissent les pires effets de COVID-19, des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement, notamment les petits États insulaires en développement, a-t-elle encore plaidé. Elle a conclu, en insistant sur la nécessité de la collaboration pour la réalisation des objectifs de développement durable et pour apporter la paix, la sécurité et la prospérité à toute l’humanité, sans exception ni exclusion.
M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a déclaré que la quête de la paix et la sécurité était la raison d’être des Nations Unies et le fondement du Conseil de sécurité. Il a souligné que dans plusieurs situations de conflit, les inégalités et l’exclusion pouvaient produire ou exacerber les causes profondes des conflits armés. En tant que garant de la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité doit continuer de défendre un ordre international basé sur le droit international, œuvrer de concert avec tous les principaux organes de l’ONU, notamment le Conseil économique et social mais aussi les équipes de pays et les partenaires du développement, conformément à leurs mandats respectifs. La Commission de consolidation de la paix a également un rôle fondamental à jouer en matière de conseil.
Le représentant a aussi évoqué les démarches de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en vue de la prévention des crises et des conflits, estimant que l’ASEAN avait ainsi affirmé son rôle central dans l’architecture de sécurité régionale. Il a aussi rappelé que son pays avait vécu une guerre avant de passer par les stades de la reconstruction, du relèvement et du développement et de devenir un pays à revenu moyen.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a estimé que le Conseil de sécurité, qui ne s’attaque pas toujours efficacement aux causes profondes des conflits, devrait faire avancer son programme de prévention et veiller à aller au-delà de la simple « réaction aux crises ». « Ce n’est pas seulement la bonne chose à faire, mais la chose intelligente à faire », a dit la représentante, ajoutant qu’en moyenne, une action préventive précoce pour éviter la guerre et les atrocités de masse peut coûter jusqu’à 60 fois moins cher qu’une réponse tardive et une intervention militaire. Ne pas résoudre ces problèmes est une abdication de notre responsabilité, a-t-elle dit.
La représentante a également estimé que l’exclusion des femmes, notamment dans les contextes de consolidation de la paix, est « profondément préjudiciable », d’autant qu’il est prouvé que la participation des femmes aux processus de paix conduit à de meilleurs résultats dans la substance et la qualité des accords de paix, ainsi que pour leur durabilité. Afin de rester crédible, le Conseil doit mieux se coordonner avec d’autres entités du système des Nations Unies, notamment la Commission de consolidation de la paix, l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme, a recommandé la représentante. Mme Byrne Nason a conclu, en affirmant son souhait de faire avancer le rôle des femmes dans les processus de paix, de plaider en faveur du règlement pacifique des différends et de garantir le respect de l’état de droit.
M. MOUSSA MAMAN SANI (Niger) a constaté qu’avec la pandémie de COVID-19, les inégalités s’étaient exacerbées. Si au Sahel on peut se réjouir du faible taux de contaminations, la grave crise économique engendrée par les mesures de confinements et les autres réponses à la pandémie ont malheureusement aggravé les inégalités et les exclusions sociales préexistantes. Déjà confrontés à des tensions de trésorerie dues aux investissements lourds, mais nécessaires, sur le plan sécuritaire, les États de la région doivent aujourd’hui faire face à une baisse de recettes fiscales, un déficit budgétaire important, une détérioration des secteurs sociaux de base, et un accroissement du chômage, a expliqué le représentant.
Tous ces facteurs annuleraient déjà les gains économiques durement acquis ces dernières années, a déploré M. Niandou. Or, s’y ajoute encore la crise climatique. Bien qu’étant responsable de moins de 1% des émissions totales de gaz à effet de serre, le Sahel est l’une des régions du monde les plus touchées par les effets des changements climatiques. La combinaison de ces facteurs a eu comme effets d’aggraver les inégalités sociales, et ce, de manière disproportionnée pour les femmes, les jeunes, les communautés rurales et celles vivant dans un contexte d’insécurité, a poursuivi le représentant.
Pour faire face à ces défis de gouvernance, il est plus que jamais impératif de créer un nouveau contrat social qui réponde aux besoins des citoyens et qui intègre l’action des Nations Unies à travers les piliers interdépendants que sont la paix, le développement et les droits de l’homme, a déclaré M. Niandou. Parmi les solutions potentielles, il a proposé d’adopter une approche cohérente et intégrée visant une meilleure intégration du Programme 2030 dans les différentes politiques et stratégies de développement et de consolidation de la paix. Il a demandé aux Nations Unies de soutenir l’action des gouvernements des pays en situation de fragilité, les acteurs locaux, et les organisations sous-régionales et régionales. Il a aussi appelé à investir dans le développement des capacités et le renforcement des institutions nationales, à travers une gouvernance plus juste et plus inclusive, et l’élaboration de cadres réglementaires, juridiques et politiques, ainsi que la mise en place d’institutions sociales qui réduisent les inégalités dans tous les domaines de la vie publique.
Pour le Niger, le moment est venu de reformer le système de gouvernance mondiale, y compris les Nations Unies et le Conseil de sécurité. M. Niandou a souligné que la pandémie de COVID-19 avait révélé les insuffisances du système actuel de gouvernance, dont les outils ne sont plus adaptés aux nouveaux défis. Il est tout aussi important et grand temps que la problématique des risques sécuritaires liés aux changements climatiques soit effectivement intégrée dans les opérations de stabilisation et de maintien de paix, a conclu le représentant.
M. JOSÉ MANUEL RODRÍGUEZ CUADROS (Pérou) a estimé que le système international actuel, caractérisé par l’instabilité et les inégalités entre nations, nécessite une nouvelle gouvernance. La pandémie de COVID-19 a en effet révélé les fractures sociales dans les pays en développement mais également dans les pays industrialisés. « La crise des inégalités est la crise de notre temps », a prévenu le représentant, en insistant sur les écarts dans les systèmes de santé, la protection sociale, la dégradation de l’environnement, la crise climatique, l’accès à un travail digne, l’égalité des sexes. Tous ces écarts, a-t-il dit, se sont creusés avec la crise économique. Des régions entières, dont l’Amérique latine, qui avaient fait des progrès substantiels dans la lutte contre la pauvreté et l’extrême pauvreté, ont régressé. Il faut donc privilégier une gouvernance mondiale centrée sur l’élimination des causes structurelles des conflits et des inégalités. On ne saurait limiter le maintien de la paix à la pacification. Il faut aussi, a martelé le représentant, s’attaquer aux problèmes de développement et à la réalisation des droits économiques et sociaux. « La paix doit être inclusive, c’est le droit de tous. »
Pour M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis), s’attaquer aux causes à l’origine des conflits peut être l’un des moyens les plus efficaces de maintenir la paix et la sécurité internationales, en particulier les causes qui exacerbent la discrimination et creusent les inégalités au sein des sociétés. Ce constat est devenu encore plus évident au vu des conséquences de la pandémie de COVID-19. Pour se concentrer sur l’action préventive, le Conseil de sécurité doit donc porter son attention sur ces questions. M. Abushahab a mis l’accent sur quatre domaines prioritaires pour lutter contre l’exclusion, les inégalités et la pauvreté dans la prévention et la résolution des conflits.
Tout d’abord, il a souligné que ce sont les gouvernements qui portent la principale responsabilité d’offrir des possibilités éducatives et économiques suffisantes pour tous. En ce sens, les stratégies nationales doivent veiller à l’inclusion et à la participation des femmes et des jeunes. Pour sa part, le Conseil doit s’assurer que les stratégies et les mandats des opérations de paix sont conçues pour et avec les communautés locales, afin de pouvoir répondre à leurs besoins et d’éliminer tout risque d’exclusion ou de discrimination. Ensuite, les stratégies de développement fondées sur l’état de droit dans les situations de conflit ou de post-conflit garantiront une stabilité à long terme, mais elles nécessitent une action coordonnée. Ainsi, les missions de paix et les missions politiques spéciales peuvent fournir des conseils, de la formation et une assistance technique afin de créer les conditions nécessaires au rétablissement de l’état de droit, ce qui, à terme, protège les civils, ouvre la voie à la consolidation de la paix et reconstruit les communautés. Enfin, le représentant a évoqué la lutte contre la corruption, la jugeant essentielle pour préserver une bonne gouvernance et l’état de droit.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a attiré l’attention sur les conséquences de l’exclusion sociale et ces pans entiers de la société qui se voient nier leurs libertés ou leur droit de participer au processus politique et à la prise de décisions. Une telle situation, a-t-elle prévenu, ne peut être qu’un terrain fertile pour les conflits violents. La paix et la protection des droits de l’homme sont des processus visant à bâtir des sociétés plus résilientes, inclusives et pacifiques. Dans un monde confronté à des inégalités croissantes, à des menaces environnementales et aux changements climatiques, la communauté internationale doit continuer à fonder le redressement post-COVID-19 sur le Programme 2030. La représentante a aussi dénoncé le fait que ces dernières années aient été le témoin d’une rhétorique de déshumanisation des minorités ethniques, religieuses et autres groupes vulnérables. Cette rhétorique, qui exploite et approfondit les fractures sociales par la diffusion d’idées fausses, est devenue encore plus apparente avec les réseaux sociaux.
La représentante a donc appelé à des efforts pour que les citoyens aient accès à des informations factuelles et exactes. Elle a prôné, à cet égard, des partenariats avec la société civile, le secteur privé et les sociétés auxquelles appartiennent les médias sociaux. L’éducation, a-t-elle ajouté, est essentielle pour contrer ce phénomène. Elle a d’ailleurs annoncé qu’elle attacherait la plus grande importance à l’alphabétisation si elle venait à siéger au Conseil de sécurité, en 2023-2024. L’alphabétisation, s’est-elle expliquée, renforce l’autonomie de tous les membres de la société qui deviennent ainsi capables d’analyser les informations, d’en questionner les sources et de contrer la désinformation. Au bout du compte, a conclu la représentante, c’est un des moyens éprouvés de rendre les gens moins susceptibles de se laisser piéger par la rhétorique des groupes extrémistes.
M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a fait observer que l’assistance humanitaire pouvait traiter les symptômes mais pas guérir la maladie. Il a donc mis l’accent sur la prévention, ajoutant que la prévention des conflits était une des principales obligations énoncées dans la Charte des Nations Unies, dont la responsabilité première a été assignée aux États Membres.
Le représentant a recommandé une approche intégrée et systémique pour régler les défis, essentiellement internes, qui doivent être traités par les États concernés. La communauté internationale et l’ONU, quant à elles, doivent assister les pays affectés par des conflits à travers un appui technique et financier visant à dûment remédier aux causes sous-jacentes du conflit. M. Takht Ravanchi a mentionné les objectifs de développement durable qui tendent notamment à la réduction de la pauvreté et de l’inégalité, en veillant à ce que personne ne soit laissée de côté. Il a cité, parmi les causes sous-jacentes, les changements climatiques, l’intervention et l’occupation étrangères ainsi que les actes unilatéraux ayant conduit à des situations de conflit de longue durée.
Le représentant a aussi rappelé que l’imposition de mesures coercitives unilatérales avait de graves conséquences sur le bien-être de tous les segments des sociétés des pays affectés. M. Takht Ravanchi a plus particulièrement insisté sur les graves pénuries d’articles de base, notamment des médicaments et du matériel médical nécessaires à la lutte contre la COVID-19, que de telles mesures engendrent, sans compter qu’elles exacerbent également la pauvreté et l’exclusion. De tels actes illégaux sont appliqués contre l’Iran, a-t-il souligné, en appelant à ne pas politiser la fourniture de l’assistance technique et humanitaire aux personnes dans des situations de conflit et de post-conflit.
Partant, la contribution constructive de l’ONU dans la prévention des conflits exige cohérence, engagement suivi et coordination entre l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et l’ECOSOC, a estimé M. Takht Ravanchi, qui a mis l’accent sur la nécessité pour le Conseil d’adhérer aux buts et principes de la Charte et de consacrer ses efforts à toute situation susceptible de mettre en péril la paix et la sécurité internationales.
M. MILENKO ESTEBAN SKOKNIC TAPIA (Chili) a déclaré que pour relever l’ensemble des défis auxquels est confrontée la communauté internationale, il faut d’abord s’attaquer à leurs causes sous-jacentes. Or, l’histoire nous enseigne que ces causes sont bien souvent les inégalités ou l’exclusion sociale, raciale ou encore économique. Il appartient donc au Conseil de sécurité et aux gouvernements de les éliminer, notamment par le biais de la coopération multilatérale ou bilatérale, afin de promouvoir ou de renforcer les cercles vertueux, a déclaré le représentant.
M. MOHD HAFIZ BIN OTHMAN (Malaisie) a déclaré qu’il incombait en premier lieu aux gouvernements de trouver des solutions aux causes des inégalités, de l’exclusion et des divisions dans leur société. Cela est encore plus difficile dans les sociétés multiculturelles et multiethniques quand certains membres de la société se sentent exclus et marginalisés. Pour la Malaisie, régler les disparités sociopolitiques et socioéconomiques permettrait d’assurer une paix durable et favoriserait le développement durable. Le représentant a également insisté sur l’inclusion des femmes dans la prévention et la résolution des conflits, afin de promouvoir la stabilité et réduire les risques de résurgence des conflits. Les jeunes peuvent aussi jouer un rôle majeur dans ces processus, a-t-il dit.
Par ailleurs, la communauté internationale a également une place centrale, notamment le Conseil de sécurité, par le biais des missions politiques spéciales et des opérations de maintien de la paix, a poursuivi le représentant. M. Othman a estimé que le Conseil pouvait bénéficier du partenariat d’autres organes onusiens, y compris la Commission de consolidation de la paix, ainsi que des organisations régionales. Mais, a-t-il précisé, il est important que les acteurs internationaux travaillent en étroite collaboration avec les partenaires locaux, qui comprennent mieux les dynamiques du terrain.
M. KIMIHIRO ISHIKANE (Japon) a regretté que la communauté internationale se concentre toujours sur le règlement des conflits plutôt que sur leur prévention. Il a donc, à son tour, insisté sur le fait que c’est l’exclusion systématique et l’aggravation des inégalités qui alimentent les frustrations à l’égard des gouvernements, créent des tensions entre les communautés et aggravent l’insécurité humaine. Il faut, a martelé le représentant, créer des institutions efficaces et capables de garantir l’égalité des chances et la sécurité humaine à tous les segments de la société. La voix des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés doit être entendue, car nous ne pourrons jamais créer des sociétés justes, pacifiques et inclusives sans leur participation pleine, égale et significative aux processus de prise de décisions. Le représentant s’est dit heureux que le Conseil de sécurité ait intégré la notion de sécurité humaine, avec une attention particulière aux groupes vulnérables et à l’égalité des sexes, que ce soit dans ses résolutions ou pour le renouvellement des mandats des opérations de paix et des missions politiques spéciales. Le Conseil, a-t-il estimé, devrait solliciter plus activement la Commission de consolidation de la paix pour assurer des efforts cohérents à l’échelle du système des Nations Unies et pour mieux tenir compte de la perspective des pays hôtes de ces opérations et missions.
M. SAMUEL MONCADA (République bolivarienne du Venezuela) a dénoncé les puissances qui, en promouvant l’exclusion et les inégalités, « agissent comme de véritables fabricants de conflits », et dont les tentatives d’imposer une certaine vision du monde attentent à la diversité planétaire et les mènent sur la voie de la coercition. La fabrication de conflits est orientée et financée par l’un des membres permanents du Conseil de sécurité, a poursuivi M. Moncada, l’accusant d’intervenir dans les affaires internes d’autres États. Selon lui, ses armes sont la déstabilisation politique, le refus de reconnaître l’expression de la majorité dans les élections, le financement de mercenaires et de terroristes, l’application unilatérale de mesures coercitives, l’imposition d’un unilatéralisme de groupe et l’auto-assignation d’une autorité morale exclusive en matière de démocratie et de droits de l’homme.
Dans le cas du Venezuela, l’application de mesures coercitives unilatérales de la part des États-Unis d’Amérique démontre que ce pays viole l’autorité exclusive du Conseil et la Charte des Nations Unies, a lancé M. Moncada. « Il s’agit d’une politique de cruauté calculée pour obtenir des avantages coloniaux par la souffrance et la douleur », a ajouté le représentant, indiquant que ces « attaques » touchaient surtout les secteurs les plus vulnérables de la société civile. Il a proposé au Conseil de décider de la suspension immédiate de toute mesure coercitive appliquée illégalement.
Mme JOAN MARGARITA CEDANO (République dominicaine) a estimé que l’aggravation de la violence couplée à la persistance des inégalités et de l’exclusion sociale ont été, dans beaucoup de pays, le fruit « incontestable » de la crise créée par la pandémie de COVID-19. Le représentant a appelé à un changement de paradigme pour pouvoir anticiper et prévenir la violence, les conflits et les crises humanitaires. Il est temps de reconnaître que le système multilatéral souffre de faiblesses qui l’empêchent d’avoir un impact majeur sur la vie et la sécurité des millions de personnes vulnérables soumises à la violence, l’exclusion, la marginalisation et le manque d’opportunités décentes. Le nouveau contrat social, proposé aujourd’hui, doit être scellé par la signature de « nous, les peuples », ici au sein de l’Organisation. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons surmonter nos propres obstacles et tracer la voie de la transformation pour relever nos défis communs, a souligné le représentant. Aujourd’hui et peut-être plus que jamais, les Nations Unies doivent venir en aide à ceux qui n’ont pas pu se remettre sur pied en raison de l’accès limité aux vaccins et des crises préexistantes. « Non pas pour les renflouer, mais pour les aider à construire, pour eux-mêmes, un avenir meilleur, plus juste et plus inclusif ».
M. EDUARDO MANUEL DA FONSECA FERNANDES RAMOS (Portugal) a appelé à la pleine mise en œuvre des objectifs de développement durable si l’on veut instaurer un monde plus sûr et plus pacifique. Il a exhorté les États Membres à s’engager plus concrètement en faveur d’un système multilatéral efficace en vue d’établir des sociétés plus inclusives. Notant que les violations des droits de l’homme n’étaient pas seulement le résultat mais bien souvent également la cause des conflits, il a estimé qu’il existait une corrélation évidente entre la pauvreté et l’insécurité dans des sociétés affectées par le terrorisme qui déstabilise et radicalise les sociétés, en particulier par Internet. Il a appelé à des efforts pour davantage de surveillance des médias sociaux.
M. da Fonseca Fernandes Ramos a ensuite mis l’accent sur le dialogue avec les autorités locales dans l’Initiative Action pour le maintien de la paix, et demandé à utiliser le Fonds pour la consolidation de la paix pour renforcer les sociétés fragiles. Enfin, les femmes et les jeunes doivent participer à toutes les étapes de la résolution des problèmes liés à la pauvreté et à l’insécurité.
Mme AMAL MUDALLALI (Liban) a déclaré que la question de l’inégalité d’accès aux vaccins était devenue une source d’inégalité entre États, dans le contexte où seulement 10% de la population des pays en développement est vaccinée et seulement 5% de la population africaine. Afin de remplir son mandat, le Conseil de sécurité doit aborder la question des inégalités en tant que source de conflits. Il doit aussi reconnaître que l’occupation, notamment l’occupation israélienne du Liban, est aussi un facteur de conflit.
Pour éviter les conflits, le Conseil de sécurité doit davantage agir dans la prévention et travailler en étroite coopération avec la Commission de consolidation de la paix, a poursuivi la représentante. La Commission doit, quant à elle, intégrer dans ses travaux le lien entre climat et conflit. Mme Mudallali a aussi estimé que, pour triompher dans le domaine de la prévention, le Conseil de sécurité avait besoin d’informations neutres et de qualité. De ce fait, les analystes des Nations Unies se doivent d’être indépendants, intègres, de ne pas céder aux pressions et de ne pas avoir de sympathie pour telle ou telle partie.
M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES (Équateur) a estimé que le Conseil de sécurité et ses membres devraient unir leurs forces pour faciliter la mise en œuvre des résultats globaux de l’examen 2020 de l’architecture de consolidation de la paix des Nations Unies, y compris en ce qui concerne le financement du Fonds pour la consolidation de la paix. L’Équateur soutient les initiatives internationales, y compris celles promues par l’ONU et le Conseil lui-même, pour surmonter le cycle de l’insécurité alimentaire causé par les conflits et qui menace de conduire à la famine et la malnutrition aiguë.
M. Espinosa Cañizares a marqué sa préoccupation devant la situation en Haïti, où plus de 4 millions de personnes ont été touchées par une insécurité alimentaire aiguë, ce qui contraste avec la perte et le gaspillage injustifiables de plus d’un milliard de tonnes de nourriture dans le monde chaque année. Le représentant a invité la communauté internationale à lutter contre les facteurs de fragilisation, tels que les changements climatiques, l’extrême pauvreté et les inégalités
M. PEDRO LUIS PEDROSO CUESTA (Cuba) a déclaré qu’un climat d’incertitudes régnait sur les relations internationales, marqué par une augmentation des conflits, des actes d’agression, des tentatives de changement de régime et des violations de la Charte et de la légalité internationale. Il s’est insurgé contre un ordre international « injuste et anti-démocratique, fondé sur un modèle capitaliste exclusif » qui ne sert que « les intérêts mesquins d’une minorité ».
Le représentant a aussi stigmatisé la croissance des inégalités aux États-Unis pendant la période de la pandémie, mentionnant la hausse du chômage, les 750 000 Américains morts de la COVID-19 alors que les plus riches, les milliardaires, accroissaient leurs revenus de milliards de dollars. Il a par ailleurs déploré l’inégalité vaccinale, affirmant que 89% des vaccinations avaient eu lieu dans les pays du G20, ainsi que le montant inacceptable des dépenses militaires, qui dépassent les 2 000 milliards à l’échelle mondiale.
Pour M. Pedroso Cuesta, l’humanité réclame le respect du droit international et la fin des blocus et des mesures unilatérales qui aggravent la situation des populations les plus vulnérables. Il a demandé un retour au multilatéralisme et au respect par les États de leurs obligations internationales. Le représentant a aussi demandé une meilleure représentation des pays du Sud dans les organisations internationales et une plus grande transparence dans leurs décisions, appelant à des efforts colossaux pour réformer l’équité du système international.
Au nom du Groupe des pays nordiques (Finlande, Islande, Norvège, Suède et Danemark), M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark) a déclaré que l’inclusion était essentielle pour construire une paix durable, notamment par la participation pleine, égale et constructive des femmes et des jeunes. Le Conseil de sécurité doit veiller à ce que les opérations de paix puissent établir davantage de liens entre le développement, la sécurité et les droits de l’homme, ce qui demande une analyse commune et une planification stratégique efficace, ainsi que des efforts de consolidation de la paix à long terme. À cet égard, le Groupe des pays nordiques a prié le Conseil d’accroître la coopération avec les coordonnateurs résidents et les équipes de pays de l’ONU sur le terrain, ainsi qu’avec d’autres partenaires internationaux, régionaux et locaux tout au long du cycle d’un conflit.
Le Groupe des pays nordiques appelle également le Conseil à renforcer sa coopération avec la Commission de consolidation de la paix, y compris en se fondant sur ses recommandations et ses conseils. Le représentant a salué les propositions du Secrétaire général dans « Notre programme commun », notamment celle d’allouer davantage de ressources au Fonds pour la consolidation de la paix. Il est temps de transformer l’exclusion, les inégalités et les conflits en inclusion, égalité et paix durable pour tous, a conclu M. Hermann, se disant prêt à investir dans les causes profondes des conflits.
M. MARK ZELLENRATH (Pays-Bas), s’exprimant au nom du groupe des « Éclaireurs pour des sociétés pacifiques, justes et inclusives » -les « Pathfinders »-, a souligné que le travail de ces pays se fondait sur le fait qu’il ne pouvait y avoir de paix sans développement, ni de développement sans paix. De même, la justice pour tous et la lutte contre l’inégalité et l’exclusion sont essentielles pour atteindre et maintenir la paix. Le représentant a attiré l’attention sur trois domaines interdépendants essentiels à la prévention des conflits.
Défendant la construction de sociétés plus égales et plus inclusives, M. Zellenrath a déclaré qu’il fallait, de toute urgence, s’attaquer aux inégalités et à l’exclusion en renforçant la solidarité afin d’apporter des changements matériels visibles dans la vie des gens, en luttant contre la corruption et en élargissant la représentation de tous les groupes dans la société. Le représentant a ensuite déploré que « 1,5 milliard de personnes aient des problèmes de justice non résolus qui contribuent aux griefs, à la violence et à l’instabilité ». Alors que les femmes, les enfants et les jeunes ont le plus grand mal à accéder à la justice, le renforcement de l’état de droit exige une nouvelle approche qui permette aux systèmes de justice d’être plus efficaces, transparents et centrés sur les problèmes les plus courants des gens. Enfin, M. Zellenrath a souligné l’importance d’un nouvel agenda pour la paix qui aborderait plus efficacement la violence de manière holistique.
En ce sens, les « Pathfinders » suggèrent que le Conseil de sécurité se dote d’analyses et de repères plus larges sur les tendances en matière d’inégalité, d’exclusion, d’accès à la justice dans le cadre des missions sur le terrain mandatées par lui. Le Conseil devrait ainsi demander l’avis d’organes tels que la Commission de consolidation de la paix pour les intégrer dans ses travaux. Le Conseil pourrait aussi mettre systématiquement en avant, auprès des responsables des missions, l’importance d’un lien entre l’analyse et le soutien économique et politique, ainsi que l’intérêt d’explorer les partenariats entre les coordonnateurs résidents et les différents acteurs locaux. Il pourrait mieux prendre en compte les enseignements tirés des dialogues nationaux inclusifs et des politiques favorables à l’équité et à l’inclusion. Enfin, l’état de droit pourrait être renforcé en tant qu’outil de prévention en se concentrant sur la résolution et la prévention des obstacles quotidiens à l’accès à la justice.
Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a réaffirmé sa position, à savoir que la pérennisation de la paix requiert de remédier aux causes sous-jacentes des conflits en luttant contre l’exclusion et les inégalités à tous les niveaux. Il faut prendre davantage en considération la corrélation entre paix et sécurité, développement et droits de l’homme, a-t-elle prôné, en faisant remarquer que ce n’est pas un concept nouveau. La représentante a souligné que le Qatar déploie des efforts pour le renforcement de l’état de droit, l’égalité des genres et les activités de développement aux niveaux régional et international, en soutenant notamment les actions menées en faveur de l’Éducation pour tous et du Sport au service de la paix. L’exclusion de certaines personnes mises aux bans de la société mène irrémédiablement à des tensions, a prévenu la représentante, qui a craint de voir s’installer un cycle vicieux très dangereux. Elle a aussi prévenu des risques inhérents aux politiques reposant sur l’exclusion et les inégalités, en invitant à se joindre aux efforts du Qatar pour la paix et le développement dans le monde.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré qu’afin de pouvoir aider les pays à briser le cercle vicieux des conflits et du manque de développement, il était nécessaire de mieux intégrer le triptyque humanitaire-développement-paix dans le travail de l’ONU. Le développement durable restera une illusion en l’absence de paix. Par conséquent, des efforts bien coordonnés entre les différents acteurs, y compris l’ONU, pour intégrer la prévention des conflits et la consolidation de la paix dans les programmes de développement, deviennent essentiels. Les États Membres devraient toujours donner la priorité à la prévention, soutenir l’action humanitaire, investir dans le développement, accorder une attention particulière aux groupes les plus vulnérables, en particulier les femmes et les filles, notamment par le biais des meilleures pratiques dans la mise en œuvre du Programme Femmes, Paix et Sécurité, a plaidé le représentant.
L’Albanie soutient le rapport du Secrétaire général « Notre programme commun » ainsi que ses efforts pour réformer l’ONU et la rendre plus réactive face à des défis complexes et en constante évolution. Le Gouvernement albanais soutient également le Fonds pour la consolidation de la paix, auquel il a apporté une contribution au titre de 2021, et appelle tous les États Membres en mesure de le faire à augmenter leurs contributions, même modestes. L’Albanie met également en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, notamment son objectif 16 relatif à la paix, la justice et des institutions fortes.
Aucun pays n’a jamais entrepris une réforme aussi profonde, globale et de grande envergure que l’Albanie pour créer les conditions d’un système judiciaire beaucoup plus efficace, responsable et transparent, au service des citoyens et en tant qu’outil indispensable pilier de la démocratie, a également assuré le représentant, ajoutant que cette réforme était une étape importante dans la lutte contre la corruption.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que les inégalités étaient cause de violences et de conflit et qu’il ne pouvait y avoir de paix sans développement ni de développement sans paix, ni de paix et de développement sans respect des droits de l’homme et de l’état de droit. La représentante a réitéré qu’aucun objectif du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne pourrait être atteint de manière isolée et que le Conseil de sécurité, s’il entend remplir son mandat de gardien de la paix et la sécurité internationales, doit soutenir le système onusien dans son ensemble.
Pour la Suisse, l’examen de l’architecture de consolidation de la paix a permis de réaffirmer que l’approche de pérennisation de la paix est pertinente et essentielle. Mme Baeriswyl a appuyé les mesures prises en République démocratique du Congo pour lutter contre l’impunité et rétablir la confiance dans les institutions et a appelé le Conseil de sécurité à renforcer la coopération entre les trois piliers du développement, de la sécurité et des droits de l’homme. Elle a souligné que les conflits violents, et les inégalités qui en découlent ne pouvaient être résolues que dans des sociétés inclusives et résilientes qui protègent les plus vulnérables. D’où l’importance du système de protection des droits de l’homme qui offre un dispositif d’alertes précoces, tel qu’il a été mis en œuvre récemment au Soudan par le Conseil des droits de l’homme. La Suisse encourage le Conseil de sécurité à coopérer davantage avec le Conseil des droits de l’homme.
Mme Baeriswyl a déclaré que l’état de droit était essentiel pour le maintien de la paix et que l’absence d’un mandat explicite de soutien à l’état de droit dans des opérations de paix faisait obstacle à la réalisation des objectifs de ces missions. La représentante a souhaité que des moyens tangibles soient mis à la disposition de ces missions, tant en ce qui concerne les forces de police que le déminage ou la réintégration des combattants.
M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan) a observé que la pandémie de COVID-19 a exacerbé les difficultés de la communauté internationale, déplorant l’accroissement des violations des droits de la personne autant que la montée des idéologies racistes. Il s’est insurgé contre les politiques monoethniques mises en œuvre par certains pays et a appelé à un renforcement des droits de la personne, facteur de réalisation des objectifs de développement durable du Programme 2030. Il a ajouté qu’il ne peut y avoir de développement durable sans paix, ni de paix sans développement durable.
Il a par ailleurs souligné l’importance du respect de la souveraineté des États et de leurs activités nationales, souhaitant que l’assistance humanitaire soit dépourvue d’objectifs politiques en vertu des principes d’impartialité, de neutralité et de consentement, dans le respect de la souveraineté des États. Le représentant a appelé aussi à une meilleure coordination des instances de l’ONU face aux menaces contre la paix.
Mme RABAB FATIMA (Bangladesh) a déclaré qu’il existait des « possibilités évidentes » de mieux utiliser les mécanismes de l’ONU pour soutenir l’évaluation des risques fondée sur des preuves, mesures d’alerte et d’atténuation. Dans sa région, le Bangladesh a vu comment l’exclusion sociale et politique de la minorité musulmane rohingya avait conduit à une crise généralisée au Myanmar, avec de graves ramifications humanitaires et sécuritaires pour toute la région. Le Bangladesh estime que la réponse du Conseil aux alertes précoces a été « inadéquate » et « inefficace », et continue de l’être. La représentante a souhaité partager « quelques réflexions spécifiques » à cet égard.
Pour Mme Fatima, si s’attaquer aux causes profondes des conflits est essentiel pour briser le cycle de violences récurrentes, les facteurs sous-jacents de la violence varient selon les secteurs économiques, politiques et culturels. Par conséquent, le Conseil de sécurité ne pouvant à lui seul faire face à une telle situation, il doit y avoir une approche globale, notamment des Nations Unies, pour encourager des solutions nationales et multipartites vers une paix durable. En outre, les opérations de paix et les missions politiques spéciales de l’ONU peuvent apporter une grande force à la diplomatie préventive. Elles disposent en effet d’informations de première main sur le terrain, ce qui peut renforcer les systèmes d’alerte en cas de crise imminente. Enfin, le Conseil de sécurité doit impérativement démontrer son ferme engagement à défendre la Cour internationale de Justice et d’autres organes juridiques, en tant qu’organes qui contribuent à assurer l’ordre et la justice internationaux. Il doit aussi investir davantage dans la mise en œuvre des programmes « femmes, paix et sécurité », et « jeunes, paix et sécurité ».
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a rappelé que bon nombre de situations qui requièrent l’attention du Conseil proviennent de conflits intercommunautaires, ethniques et religieux, et a estimé qu’il fallait mettre l’accent sur les priorités des pays en termes de diversité. Pour le Liechtenstein, le Conseil doit démontrer le lien entre paix, droits de la personne et développement durable, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 étant le programme le plus ambitieux élaboré sur ce point. Mettre l’accent sur l’état de droit permettra de renforcer la confiance et l’inclusion, et de mieux lutter contre l’impunité et la corruption, a ajouté le représentant.
M. MICHAL MLYNÀR (Slovaquie) a demandé que chaque membre de la communauté internationale respecte pleinement ses obligations internationales. Il a relevé que la corruption démantèle la confiance des personnes dans les institutions publiques, les expose à un risque d’exclusion, entrave le développement social et affecte de manière disproportionnée la jouissance des droits humains, en particulier pour les personnes appartenant à des groupes défavorisés. C’est notamment pour ces raisons que le Gouvernement slovaque a fait de la lutte contre la corruption l’une de ses principales priorités en matière de droits de l’homme, a expliqué le représentant. Dans la reprise postpandémique, nous devons faire face à la discrimination qui affecte les personnes en situation de pauvreté, a aussi fait observer le délégué. Il a appelé à placer la dignité humaine au cœur des actions menées. Nous devons veiller à ce que ceux qui en ont besoin puissent bénéficier d’une assistance et d’une protection humanitaires rapides et efficaces, a-t-il conclu.
M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) a rappelé que la prévention devait être le maître mot pour la paix et la sécurité internationales, afin d’éviter les urgences permanentes auxquelles on assiste. Ces derniers mois, avec la pandémie de COVID-19, le monde a été témoin de risques existentiels, qui rendent nécessaire de présenter des propositions précises pour des solutions concrètes. C’est pourquoi le Conseil doit intégrer à ses évaluations celles sur les changements climatiques, en déterminant les risques avec l’aide des organisations régionales et internationales et des institutions spécialisées. Le représentant a par ailleurs appelé la Commission de consolidation de la paix à une prise en compte des disparités socioéconomiques, des flux migratoires, des besoins du développement et de toute autre situation dangereuse pouvant aboutir à la violence et au conflit.
M FABIÁN ODDONE (Argentine) a rappelé le caractère fondamentale de la lutte contre l’impunité pour les violations graves des droits de l’homme si l’on veut renforcer l’état de droit. Des mécanismes impartiaux sont essentiels pour enquêter sur les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.
La faim, la pauvreté, l’exclusion et l’inégalité peuvent, dans certains cas, conduire à des situations de violence, a poursuivi le représentant. L’Argentine préconise une coopération adéquate et fluide entre les différents organes des Nations Unies, selon les termes établis dans la Charte. Les problèmes structurels doivent être traités de manière globale si l’on veut éviter qu’ils ne deviennent une menace pour la paix et la sécurité internationales. Il est ainsi essentiel de coopérer pour protéger et promouvoir l’accès des populations, notamment les plus vulnérables, à tous les services de santé dans les pays en conflit, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19, alors même que cette dernière fait peser une charge supplémentaire sur des systèmes de santé déjà dévastés par le conflit, a-t-il poursuivi.
L’Argentine juge également fondamental que les parties à un conflit fassent tout leur possible pour garantir l’efficacité et la rapidité de l’action humanitaire. Le représentant s’est inquiété de constater les nombreux cas d’entrave à l’accès humanitaire, pourtant protégé par le droit international. Le Conseil de sécurité doit rester engagé dans la protection des civils dans les conflits armés, en particulier les populations les plus vulnérables, comme les femmes et les filles, en promouvant le respect du droit international et en luttant contre l’impunité. L’Argentine souhaite que les activités de protection soient encore renforcées dans les mandats des missions de l’ONU sur le terrain. Ces mandats doivent être clairement définis et les opérations de paix doivent être financées de manière efficace. Ce sont également les gouvernements hôtes qui portent la responsabilité première de la protection des civils, d’où la nécessité d’une coopération et d’une consultation étroites avec les autorités nationales, a souligné M. Oddone.
M. Oddone a rappelé l’importance d’un traitement des menaces à la paix et à la sécurité internationales au cas par cas. Le rôle du Conseil de sécurité ne doit pas être remis en cause, et chaque organe du système des Nations Unies doit travailler de manière coordonnée, afin de traiter de résoudre tous les problèmes susceptibles de dégénérer en conflits.
M. OMAR KADIRI (Maroc) a souligné que les conflits deviennent de plus en plus complexes à mesure que les inégalités s’accroissent. Il a donc jugé fondamental que l’action multilatérale, et surtout celle du Conseil de sécurité, vise à assurer une paix durable par une approche coopérative, globale et cohérente. La consolidation de la paix joue un rôle essentiel, car elle permet d’aider les États à gérer les causes des conflits. Quant à la pandémie et ses conséquences, elles doivent interpeller la communauté internationale pour renforcer la lutte contre l’exclusion et les inégalités.
M. M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a souligné que l’inégalité et l’exclusion se sont avérées, dans diverses sociétés, être parmi les causes profondes de la fragilité, de la violence et des conflits. Les conflits devenant de plus en plus longs et transnationaux, le représentant a expliqué que l’architecture mondiale de règlement des conflits devait s’adapter et que le Conseil de sécurité devait continuer à identifier les menaces nouvelles et émergentes pour la paix et la sécurité et adopter des approches proactives. La prévention des conflits et le maintien de la paix ne relèvent toutefois pas uniquement de la responsabilité du Conseil de sécurité, a-t-il ajouté: l’Assemblée générale, le Conseil économique et social (ECOSOC) et la Commission de consolidation de la paix ont tous des responsabilités spécifiques pour traiter les conditions qui donnent lieu à un conflit. Le représentant a ainsi fait mention du rôle crucial de la Commission, en particulier, dans la promotion de l’inclusion et la construction d’une paix durable.
M. Mabhongo a en outre jugé vital que les femmes soient incluses dans la vie politique, économique et sociale, car il est prouvé qu’elles jouent un rôle clef en influençant l’inclinaison de la société pour la paix. « Nous devons accepter que l’inclusion et la participation significative des femmes dans les processus de paix ont un impact positif sur la mise en œuvre et la durabilité des accords de paix. » De même, il a insisté sur le fait que les jeunes sont souvent victimes de formes multiples et imbriquées de discrimination qui peuvent conduire à leur exclusion des efforts de rétablissement de la paix et de prévention des conflits.
La prévention de l’éclatement d’un conflit et de sa dégénérescence en une guerre à grande échelle reste la meilleure option pour promouvoir une paix durable au niveau mondial, a conclu le représentant. Pour ce faire, il a été démontré que l’offre éducative post-conflit a un impact positif sur la durabilité de la paix, alors que les politiques économiques post-conflit ont un bilan plus mitigé, a-t-il relevé, déplorant que peu d’accords contiennent des dispositions spécifiques visant à résoudre des problèmes économiques clefs tels que les inégalités systématiques en matière d’emploi.
M. MOHAMMAD KURNIADI KOBA (Indonésie) a estimé que pour mettre fin aux inégalités, il faut la participation de tous les segments de la société. La communauté internationale doit donc travailler main dans la main pour renforcer les efforts de consolidation de la paix dirigés par les pays au niveau national. Tout effort de consolidation de la paix serait vain s’il laissait derrière lui une partie de la société, a insisté le représentant. Un autre élément essentiel est l’état de droit, a plaidé M. Koba dans la perspective d’un dialogue pacifique et pour entretenir la confiance au sein de la société. Le représentant a encouragé les opérations de maintien de la paix à soutenir les efforts des pays hôtes qui se lancent dans les réformes de leur secteur de la sécurité, en particulier par le biais de sessions de formation à la protection des civils. C’est dans ce contexte, a-t-il signalé, que l’Indonésie a inclus la formation à l’engagement communautaire en tant qu’élément essentiel du prédéploiement de ses soldats de la paix. Enfin, M. Koba a insisté sur l’importance des synergies et des partenariats pour accompagner les États qui font face à des défis internes.
Mme Lourdes Tiban Guala, experte des affaires indigènes, reprenant la parole, a rappelé que les États Membres demandaient au Conseil de sécurité d’examiner de manière plus approfondie les questions des changements climatiques et d’accès des populations aux services essentiels, autant de droits élémentaires de la personne, ainsi que l’inclusion des femmes et des jeunes dans les processus de prise de décisions et l’aide à l’emploi des jeunes, qui leur évite de se tourner vers des activités dangereuses pour la stabilité des pays. Elle a ajouté que la crise de la COVID-19 avait provoqué des problèmes économiques et sociaux graves et néfastes pour la sécurité internationale et que la priorité devait revenir à la vaccination, sachant que, dans certains pays, seule 10% de la population a pu avoir accès au vaccin. Appelant à un dialogue inclusif essentiel pour les femmes et les jeunes, Mme Tiban Guala a rappelé les propos du Président mexicain, pour qui la sécurité ne doit pas être seulement le fruit de la puissance militaire mais aussi celui d’une entreprise sociale, afin que les sociétés puissent vivre à l’abri de la peur et des conflits. Elle a ainsi soutenu la proposition mexicaine de créer un Fonds de Fraternité Mondiale.