Conseil de sécurité: face aux « complexités » du conflit au Yémen, la reprise d’un processus politique « ne sera pas facile », avertit le nouvel Envoyé spécial
Entré en fonction voilà seulement quatre jours, le nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Hans Grundberg, s’est dit déterminé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, à avancer sur la voie d’un règlement global dans ce pays ravagé par la guerre depuis plus de six ans. Il a toutefois reconnu que, compte tenu des « complexités » du conflit, permettre la reprise d’un processus de transition politique pacifique, inclusif, ordonné et dirigé par les Yéménites eux-mêmes « ne sera pas facile ».
Observant que le processus de paix est au point mort « depuis trop longtemps », faute de discussions entre les parties, M. Grundberg a jugé urgent que les belligérants s’engagent dans un dialogue pacifique, sous l’égide de l’ONU et sans conditions préalables. À cette fin, il a dit vouloir évaluer les efforts passés, identifier ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, et écouter « autant d’hommes et de femmes yéménites que possible ». Il a également indiqué que, dans le cadre de ses consultations, il se rendrait prochainement à Riyad pour y rencontrer le Président yéménite, avant de s’entretenir avec les dirigeants d’Ansar Allah, la branche politique des houthistes, et des acteurs régionaux.
Avant cela, l’Envoyé spécial a mis l’accent sur l’impact de ce conflit armé sur la population civile, notamment dans la province de Mareb, cible depuis début 2020 d’une offensive houthiste. Les habitants et les nombreuses personnes déplacées qui y ont trouvé refuge vivent dans une peur constante, a-t-il déploré, appelant à l’arrêt immédiat des hostilités. Il s’est d’autre part déclaré préoccupé par la situation dans le sud de la province d’Hodeïda, même si les violations du cessez-le-feu sont en baisse notable dans la ville portuaire. Quant aux provinces du Sud, elles empêcheront toute paix durable au Yémen tant que l’Accord de Riyad ne sera pas mis en œuvre et que le Gouvernement ne remplira pas ses fonctions depuis Aden, a prévenu M. Grundberg.
De la violence incessante aux pénuries de carburant et d’électricité en passant par la flambée des prix des denrées alimentaires, « chaque détail de la vie quotidienne au Yémen est lié à des questions politiques difficiles qui exigent une résolution globale », a fait valoir le haut fonctionnaire. Dans l’immédiat, il a souhaité que la liberté de circulation des personnes et des biens à l’intérieur et à l’extérieur du pays puisse être garantie, ce qui suppose, entre autres, la reprise du trafic commercial à l’aéroport de Sanaa et l’allègement des restrictions à l’importation de carburant et de marchandises via le port d’Hodeïda, où transite une large part de l’aide humanitaire.
À cet égard, la Directrice adjointe des opérations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a rappelé que le Yémen abrite la plus grande opération d’aide humanitaire au monde, un titre peu enviable mais qui « témoigne de l’engagement de la communauté internationale ». Elle a précisé que, ces derniers mois, les financements sont en hausse, ce qui permet au plan de réponse humanitaire de disposer à cette heure de 50% de ses besoins pour 2021, soit 1,9 milliard de dollars. Ce soutien a contribué à prévenir une famine au cours des huit premiers mois de l’année, a expliqué Mme Ghada Eltahir Mudawi, ajoutant qu’en juin, l’ONU a fourni une aide vitale à 12,8 millions de personnes, soit 3,3 millions de plus que le mois précédent. Reste que plusieurs secteurs restent gravement sous-financés, y compris certains qui sont essentiels pour lutter contre l’insécurité alimentaire, comme la santé, l’eau, l’assainissement et l’hygiène, sans oublier le nécessaire déminage du pays.
Témoignant de la situation sur le terrain, la Directrice exécutive de la Marib Girls Foundation for Development a averti que la crise humanitaire ne fera qu’empirer si un cessez-le-feu effectif n’est pas instauré, singulièrement à Mareb où plus d’un quart des déplacés internes vivent désormais, 80% étant des femmes et des enfants. Au-delà des menaces de nouveaux déplacements, les conditions dans les camps sont désastreuses, a alerté Mme Entesar Al-Qadhi. Selon elle, les populations y sont privées d’eau potable, d’assainissement, de latrines et de soins de santé, ce qui favorise la propagation du choléra et de la COVID-19.
Dans ce contexte, Mme Al-Qadhi a regretté que, bien qu’elles jouent un rôle essentiel dans la lutte pour la paix, les femmes yéménites soient exclues des processus de prise de décision. Partout dans le pays, on assiste à un recul de la participation des femmes à la vie publique, a-t-elle constaté, rappelant que, dans le Nord, les houthistes ont inscrit le sectarisme religieux dans l’éducation et imposent la ségrégation entre les sexes dans les réunions publiques. Elle a donc appelé le Conseil de sécurité à soutenir un processus de paix inclusif et d’assurer à toutes les étapes la participation pleine, égale et significative des femmes et des jeunes.
Salué par plusieurs délégations, l’engagement de cette représentante de la société civile a été particulièrement relevé par l’Irlande. « Du renforcement du rôle des partis politiques dans la consolidation de la paix au développement de mécanismes locaux de résolution des conflits avec des acteurs tribaux, des femmes yéménites comme Entesar font la paix, pas la guerre », a souligné la Présidente du Conseil, selon laquelle tous les Yéménites, quels que soient leur sexe, âge ou origine, doivent avoir la possibilité de jouer un rôle substantiel dans l’élaboration de leur avenir.
Plus généralement, les membres du Conseil ont rappelé qu’une relance du processus de paix ne pourra survenir sans un cessez-le-feu global, une réouverture de l’aéroport de Sanaa et du port d’Hodeïda, et des négociations entre les différents acteurs pour trouver une solution politique globale et inclusive. Au préalable, a noté la France, il est impératif que les houthistes cessent leurs « agissements inacceptables », à la fois dans la zone de Mareb et contre le territoire saoudien. Il importe également qu’ils permettent l’accès de la mission d’inspection des Nations Unies au pétrolier SAFER qui représente des risques pour l’environnement, les opérations humanitaires et la navigation dans la région, ont plaidé les délégations.
La Fédération de Russie a préféré réclamer la levée d’un « blocus » qui empêche les nécessiteux de bénéficier d’une aide humanitaire indispensable, laquelle doit être fournie de « manière dépolitisée », tandis que la Chine a sommé les différents acteurs impliqués au Yémen à renoncer à l’option militaire, ajoutant qu’il est dans l’intérêt des pays voisins de régler ce conflit qui menace les équilibres géopolitiques de la région.
À l’instar du Royaume-Uni et du Mexique, les États-Unis ont quant à eux appelé à soutenir l’économie yéménite, se félicitant de la récente allocation de 665 millions de dollars en droits de tirage spéciaux au Yémen par le Fonds monétaire international (FMI).
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (YÉMEN)
Déclarations
M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a indiqué avoir officiellement pris ses fonctions il y a quatre jours, et rappelé qu’il a commencé à travailler sur le Yémen voilà plus de 10 ans. Cependant, a-t-il confié, mon expérience me fait aussi douloureusement prendre conscience des complexités de la situation, lesquelles « se multiplient à mesure que le conflit s’éternise ». De fait, a-t-il reconnu, permettre la reprise d’un processus de transition politique pacifique, inclusif, ordonné et dirigé par les Yéménites, qui réponde aux aspirations légitimes du peuple yéménite, tel que mandaté par ce Conseil, « ne sera pas facile ».
Constatant que le conflit armé se poursuit sans relâche depuis plus de 6 ans aux dépens de la population civile, M. Grundberg a noté que l’épicentre de la confrontation militaire s’est déplacé au fil du temps. Depuis début 2020, l’accent est mis sur l’offensive d’Ansar Allah sur la province de Mareb. Alors que les habitants et les nombreuses personnes déplacées qui ont trouvé refuge vivent dans une peur constante, l’ONU et la communauté internationale ont été claires dans leur message: cette offensive doit cesser, a martelé le nouvel Envoyé spécial.
À Hodeïda, a-t-il relevé, la ville continue de connaître une baisse notable des violations du cessez-le-feu. En revanche, les hostilités dans les districts du sud de la province sont particulièrement préoccupantes. Dans ces conditions, la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH) poursuit son travail vital, notamment en exhortant les parties à dialoguer, a expliqué le haut fonctionnaire avant d’évoquer la situation dans les provinces du sud, elles sont aussi très inquiétantes du fait de flambées de violence régulière et de la forte détérioration des services de base. La mise en œuvre de l’Accord de Riyad continue de se heurter à des défis et le Gouvernement ne remplit pas ses fonctions depuis Aden. Pour l’Envoyé spécial, l’impact du conflit sur la diversité des griefs et des demandes dans les provinces du Sud ne peut être ignoré. « La paix au Yémen ne sera pas durable à long terme si les voix du Sud ne contribuent pas à la construire de manière responsable », a-t-il souligné.
M. Grundberg a également expliqué que le conflit au Yémen menace la sécurité régionale et les voies navigables internationales. À cet égard, il s’est dit particulièrement préoccupé par le ciblage des civils et des infrastructures civiles à l’intérieur de l’Arabie saoudite. Selon lui, il est essentiel que les acteurs externes encouragent la désescalade du conflit. Leur implication devrait être basée sur le soutien à un règlement politique dirigé par les Yéménites, a-t-il plaidé, jugeant cette condition cruciale pour la stabilité régionale.
De la violence incessante aux pénuries de carburant et d’électricité en passant par la flambée des prix des denrées alimentaires, chaque détail de la vie quotidienne au Yémen est lié à des questions politiques difficiles qui exigent une résolution globale, a fait valoir l’Envoyé spécial. De plus, les Yéménites dans tout le pays sont confrontés à de graves limitations à leur liberté de circulation en raison des combats en cours, des contrôles et des restrictions routières, portuaires et aéroportuaires. À ce sujet, a-t-il dit, la position de l’ONU reste inchangée: la liberté de circulation des personnes et des biens à l’intérieur et à l’extérieur du pays doit être garantie. Les routes doivent être ouvertes et l’aéroport de Sanaa doit reprendre son trafic commercial. De même, les restrictions à l’importation de carburant et de marchandises via le port d’Hodeïda doivent être allégées.
Pour M. Grundberg, le processus de paix est au point mort « depuis trop longtemps ». Les parties au conflit n’ont pas discuté d’un règlement global depuis 2016, ce qui laisse les Yéménites dans un état de guerre indéfini, sans aucune voix claire pour aller de l’avant, a-t-il déploré. Il est donc grand temps, selon lui, que les parties au conflit s’engagent dans un dialogue pacifique sous l’égide de l’ONU pour faciliter les termes d’un règlement global, sans conditions préalables. À cette fin, il s’est dit déterminé à évaluer les efforts passés, à identifier ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, et à écouter « autant d’hommes et de femmes yéménites que possible ». Dans ce cadre, a-t-il assuré, mon Bureau et moi-même ferons tout notre possible pour assurer la participation significative des femmes dans tous les aspects de notre engagement et d’intégrer les perspectives de genre dans toutes les questions.
« Nous avons tous une responsabilité partagée dans nos différentes capacités pour mettre fin au conflit au Yémen », a encore affirmé l’Envoyé spécial, ajoutant que les initiatives des voisins du Yémen et des membres du Conseil à l’appui des efforts de l’ONU ont été appréciés et devront continuer. Alors que ses premières consultations avec les acteurs yéménites, régionaux et internationaux vont bientôt commencer, M. Grundberg a indiqué qu’il se rendra prochainement à Riyad pour rencontrer le Président Hadi et d’autres membres du Gouvernement yéménite. Il entend également rencontrer les dirigeants d’Ansar Allah et d’autres acteurs politiques à travers le Yémen, ainsi que les dirigeants de la région.
Mme GHADA ELTAHIR MUDAWI, Directrice adjointe des opérations du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), a rappelé que le Yémen abrite la plus grande opération d’aide humanitaire au monde. « C’est, bien sûr, un titre qu’aucun pays ou peuple ne souhaiterait à lui-même – mais il témoigne de l’engagement de la communauté internationale à se tenir aux côtés du peuple yéménite au moment où il en a besoin », a-t-elle déclaré. Or, au cours des derniers mois, nous avons assisté à une hausse des financements des donateurs, a relevé la haute fonctionnaire, en expliquant que le plan de réponse humanitaire du Yémen est désormais l’un des appels les mieux financés au monde, avec plus de 1,9 milliard de dollars jusqu’à présent cette année, soit 50% de ses besoins. Un soutien qui a permis à l’ONU et à ses partenaires d’intensifier l’assistance vitale à travers le pays et d’éviter la famine au cours des huit premiers mois de cette année. « Les organisations humanitaires sont actives dans les 333 districts du Yémen. En juin, nous avons fourni une aide vitale à 12,8 millions de personnes, soit 3,3 millions de personnes de plus que ce que nous avons pu atteindre le mois précédent », s’est-elle enorgueillie. Des réalisations importantes, « mais aussi fragiles et inégales » selon elle.
En effet, la menace de famine est loin d’être terminée au Yémen. Un certain nombre de secteurs restent gravement sous-financés, y compris certains qui sont essentiels pour lutter contre l’insécurité alimentaire, a prévenu Mme Mudawi. La santé, par exemple, ainsi que l’eau, l’assainissement et l’hygiène n’ont reçu qu’un dixième du financement requis pour cette année, menaçant ces services vitaux à un moment où le Yémen est aux prises avec de multiples épidémies, notamment le choléra, la dengue et la diphtérie. Une troisième vague meurtrière de COVID-19 expose la population du pays –et son système de santé fragile– à un risque supplémentaire. Même la sécurité alimentaire et l’agriculture –l’un des secteurs les mieux financés de l’appel– font actuellement face à un déficit de financement de 750 millions de dollars, a souligné l’intervenante. « Sans soutien supplémentaire, nous pourrions voir des coupures dans cette aide dès les prochaines semaines », a-t-elle averti.
Un autre secteur confronté à des pénuries critiques dans la réponse humanitaire est la protection. Au cours des six premiers mois de l’année, les partenaires n’ont pu atteindre qu’une fraction des personnes dans le besoin en raison du manque de fonds. Or, le Yémen est un endroit incroyablement difficile à vivre pour les femmes et les filles. Partout au pays, la violence sexiste est endémique, les mariages et les grossesses précoces, y compris les mères-enfants, sont monnaie courante. Les femmes et les filles sont souvent les dernières à manger, à consulter un médecin ou à aller à l’école. En outre, le Yémen est la quatrième plus grande crise de déplacement interne au monde, avec des chiffres qui augmentent de jour en jour alors que les gens fuient la violence ainsi que d’importantes inondations et autres catastrophes climatiques dans diverses régions du pays, a encore observé la Directrice adjointe.
Mme Mudawi a également parlé du risque de protection supplémentaire que posent les mines terrestres et les restes explosifs de guerre. Depuis 2018, les mines terrestres, les engins explosifs improvisés et les munitions non explosées ont tué ou blessé plus de 1 400 civils au Yémen, dont de nombreux enfants. En plus de causer des dommages directs et mortels, ces armes et restes explosifs –qui jonchent de vastes étendues du pays– sèment la terreur parmi les communautés et ont un impact profondément négatif sur les moyens de subsistance et l’économie en général. De nombreuses fermes et communautés de pêcheurs au Yémen sont inactives en raison de la présence ou de la peur des mines terrestres et marines, a-t-elle expliqué. Aussi a-t-elle exhorté toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, notamment en s’abstenant d’utiliser des armes qui sont par nature aveugles, et en veillant constamment à épargner les civils et les biens civils tout au long de leurs opérations militaires.
« Je demande également que des mesures pratiques soient prises. L’intensification du déminage humanitaire et son soutien, notamment en laissant entrer et en accélérant le passage du matériel de déminage dans le pays, contribueraient grandement à protéger les civils », a déclaré la Directrice adjointe. Elle a ensuite annoncé la tenue, le 22 septembre, d’une manifestation parallèle de haut niveau sur le Yémen en marge de l’Assemblée générale. Coorganisé par l’Union européenne, la Suède et la Suisse, ce sera une opportunité clef pour discuter des défis de la protection et galvaniser le soutien aux plus vulnérables du pays, a-t-elle estimé. Lors de cet événement, les donateurs pourront également annoncer de nouvelles contributions depuis la conférence de haut niveau sur les annonces de contributions début mars.
Mme ENTESAR AL-QADHI, Directrice exécutive de la Marib Girls Foundation for Development, a indiqué que son ONG promeut la paix et les droits des femmes au Yémen. Se disant reconnaissante d’avoir l’opportunité d’informer le Conseil sur les événements dans son pays, elle a déclaré vivre au quotidien cette guerre cruelle qui a déjà fait plus de 233 000 morts. Elle a expliqué que l’offensive en cours sur Mareb terrorise les civils, perturbe l’accès humanitaire et augmente la probabilité de nouveaux fronts dans les provinces voisines. Confiant d’avoir récemment perdu deux de ses neveux, tous deux âgés de moins de 15 ans, lors d’une attaque houthiste, elle a averti que la crise humanitaire à Mareb ne fera qu’empirer s’il n’y a pas de cessez-le-feu. En effet, a-t-elle précisé, plus d’un quart des déplacés yéménites vivent désormais dans cette province et 80% sont des femmes et des enfants. Je leur rends visite régulièrement à travers mon activité à la Marib Girls Foundation et j’écoute leurs récits qui pèsent sur ma conscience. Déplacées jusqu’à cinq fois, ces familles risquent la mort, même dans les camps de déplacés, en raison des vols de drones et des tirs de missiles balistiques.
Au-delà de ces menaces, les conditions dans les camps sont désastreuses et nous manquons d’assistance et de prestations de service, a alerté la jeune femme. Les services publics n’existant plus à Mareb, les gens sont privés d’eau potable, d’assainissement, de latrines et de soins de santé, ce qui favorise la propagation du choléra et de la COVID-19, a-t-elle expliqué, avant de dénoncer les conditions de scolarité dans le camp d’Al-Jufainah, le plus grand site de déplacement du pays, qui dispose de 12 salles de classe pour plus de 7 000 écoliers, et le sort des femmes, qui manquent de produits d’hygiène et sont sujettes à divers abus. Pour elles, les opportunités d’emplois sont rares et la plupart des filles sont obligées de rester à la maison pour subvenir aux besoins de leur famille. Maintenant, les filles que nous rencontrons rêvent de sécurité au lieu de leur avenir, a souligné la militante, indiquant que sa fondation s’efforce de répondre aux problèmes de protection et aux normes sociales néfastes par le biais d’ateliers avec les membres de la communauté et les autorités.
Mme Al-Qadhi a regretté que, bien qu’elles jouent un rôle essentiel dans la lutte pour la paix, les femmes yéménites soient exclues de la représentation au gouvernement et des processus de prise de décision. Pourtant, a-t-elle fait valoir, elles négocient directement avec les parties au conflit, agissant en tant que médiateurs, assurant la libération de prisonniers et gardant ouverts des couloirs humanitaires ou des routes stratégiques. Or, elles ne sont même pas consultées et encore moins incluses. Partout dans le pays, on assiste à un recul de la participation des femmes à la vie publique, a-t-elle constaté, rappelant que, dans le Nord, les houthistes ont inscrit le sectarisme religieux dans l’éducation et imposent la ségrégation entre les sexes dans les réunions publiques. Quant au nouveau gouvernement, il a exclu les femmes pour la première fois en deux décennies, malgré le quota de 30% prévu par le processus de dialogue national.
De l’avis de Mme Al-Qadhi, travailler avec des représentants de la société civile, en particulier les femmes et les jeunes, sera essentiel au succès du nouvel Envoyé spécial. Invitant ce dernier à soutenir un processus de paix inclusif, qui ne soit pas imposé par des projets régionaux ou des intérêts internationaux, elle l’a aussi appelé à consulter régulièrement la société civile et à veiller à ce que les femmes participent directement à toutes les étapes et s’engagent dans des négociations.
La jeune femme a d’autre part estimé que les appels conjoints de la communauté internationale ne suffiront pas pour parvenir à un arrêt immédiat des attaques houthistes contre Mareb, cité stratégique dont dépend l’alimentation énergétique du pays. Nous savons que les parties au conflit imposent des conditions préalables à un cessez-le-feu et à des pourparlers de paix axés sur leurs intérêts, pas sur les besoins des civils, a-t-elle fait observer. À cette aune, elle a exhorté le Conseil de sécurité à exiger la cessation des attaques houthistes contre sa ville, y compris par le biais d’une résolution sur un cessez-le-feu. Elle lui a également demandé de soutenir un processus de paix inclusif et d’assurer la participation pleine, égale et significative des femmes, des jeunes et de la société civile à toutes les étapes du processus de paix. Enfin, elle l’a enjoint de sommer les parties au conflit à permettre un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, et d’appeler les États Membres à combler le déficit de financement de 1,9 milliard de dollars du Plan de réponse humanitaire pour le Yémen. Selon elle, le Conseil devrait aussi coordonner un plan de sauvetage économique, qui contribuerait à stabiliser l’économie yéménite et à renforcer la situation financière pour empêcher de nouvelles hausses des prix des denrées alimentaires.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a appelé les parties yéménites a démontré leur attachement envers la paix en rencontrant le nouvel Envoyé spécial. Elle a condamné les attaques transfrontières des houthistes qui sont soutenus par l’Iran. Elle a fait part de sa préoccupation face à la situation dans le Sud du Yémen notamment, invitant le Conseil de transition du Sud à faciliter le retour de tout le Gouvernement. Pour la représentante, l’économie doit rester une priorité essentielle dans le cadre du plan de paix des Nations Unies. Elle a déploré l’inflation et a plaidé pour une assistance financière plus solide en faveur du pays.
M. SHUANG GENG (Chine) a considéré qu’il fallait à tout prix renoncer à l’option militaire au Yémen, et qu’il est dans l’intérêt des pays voisins de régler ce conflit qui menace les équilibres géopolitiques de la région. Le représentant s’est déclaré préoccupé par l’effondrement du secteur de la santé yéménite en pleine pandémie de COVID-19, précisément au moment où le pays est touché de plein fouet par une troisième vague. Revenant à l’aspect politique de la crise, il a apporté son soutien à la promotion d’une solution solide à long terme. Après des années de conflit, nous constatons qu’une méfiance s’enracine parmi les parties prenantes, a observé la Chine, pour qui l’Envoyé spécial doit se concentrer sur des questions telles que celles de l’échange de prisonniers de guerre. Selon la délégation, les mesures de confiance mutuelles et la volonté politique doivent prévaloir.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a constaté qu’après sept années de conflit au Yémen, aucune perspective de sortie de crise ne se dessine sur le terrain et a espéré que la nomination d’un nouvel Envoyé spécial représente une opportunité pour relancer le processus de paix, actuellement au point mort. À ses yeux, les paramètres requis pour sortir de la crise sont bien connus: un cessez-le-feu global, une réouverture de l’aéroport de Sanaa et du port d’Hodeïda et des négociations entre les différents acteurs pour trouver une solution politique globale et inclusive. Au préalable, a-t-il souligné, il est impératif que les houthistes cessent leurs agissements inacceptables, à la fois dans la zone de Mareb et contre le territoire saoudien.
Le représentant a également condamné le refus des Houthistes de permettre l’accès de la mission d’inspection des Nations Unies au pétrolier SAFER, jugeant ce « chantage » inacceptable. S’ils refusent un accès immédiat et sans préconditions, ils seront responsables d’une catastrophe écologique majeure, qui aura des conséquences environnementales, économiques et humanitaires désastreuses au Yémen et dans l’ensemble de la région, a-t-il averti. Il s’est par ailleurs déclaré inquiet des tensions dans le Sud avant d’appeler au retour du Gouvernement yéménite à Aden. Selon lui, « l’enlisement du conflit conduira à la fragmentation du pays, qui fera avant tout le jeu des extrémismes et du terrorisme ».
Alors que le peuple yéménite continue de subir les conséquences de l’absence de solution politique, il subit aussi la dégradation de la situation humanitaire, a déploré M de Rivière. Nous devons intensifier les efforts pour faire face au risque de famine à grande échelle et contrer la propagation de la pandémie de COVID-19, notamment en accélérant la campagne de vaccination, a-t-il plaidé, appelant à la levée de tous les obstacles bureaucratiques, notamment en zone houtiste, pour garantir l’accès de l’aide.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a relevé que le consensus international est clair: la violence au Yémen doit cesser, un processus politique large et inclusif doit reprendre et la crise humanitaire doit être atténuée. La nomination de l’Envoyé spécial Grundberg peut contribuer à donner un nouvel élan à ces efforts, a-t-il argué, précisant que les parties doivent s’engager sérieusement avec ce dernier, et sans conditions préalables. Les parties doivent choisir de déposer les armes, de s’asseoir en face des autres Yéménites et de discuter de ce à quoi ressemblera le Yémen après la guerre.
Malheureusement, a-t-il déploré, les houthistes continuent de saper ces efforts. Le 29 août, une attaque de drones et de missiles sur la base aérienne d’Al-Anad a tué au moins 30 personnes. Cette frappe portait toutes les caractéristiques d’une attaque houthiste, a-t-il affirmé. Deux jours plus tard, le 31 août, ils ont lancé une nouvelle attaque de drones contre l’aéroport commercial d’Abha, en Arabie saoudite, laquelle a blessé huit civils. Les États-Unis condamnent fermement ces attaques. M. Mills a précisé que rien qu’en 2021, les houthistes ont lancé plus de 240 attaques en Arabie saoudite, mettant en danger des civils dans tout le pays, dont les 70 000 citoyens américains qui y résident. Les houthistes poursuivent également leur blocage prolongé, inutile et dangereux des négociations avec l’ONU sur l’évaluation et la réparation du pétrolier SAFER. Les risques environnementaux, de santé publique et économiques associés au SAFER sont trop graves et trop vastes pour être utilisés comme monnaie d’échange politique, a-t-il déploré.
Poursuivant, le représentant a exhorté la communauté internationale à contribuer au plan de réponse humanitaire de l’ONU pour le Yémen. Dans le cadre de l’effort américain, le pays a fourni 151 000 doses du vaccin Johnson & Johnson contre la COVID-19 au Yémen. Il a par ailleurs exhorté l’Arabie saoudite, le Gouvernement yéménite et les houthistes à prendre des mesures pour garantir que le carburant est correctement importé et distribué dans tout le Yémen à des prix équitables. Il a salué la récente allocation de 665 millions de dollars en droits de tirage spéciaux au Yémen par le Fonds monétaire international (FMI), ce qui offre une opportunité de commencer à inverser le déclin de l’économie yéménite. Seul un accord de paix durable peut commencer à aider à inverser la grave crise humanitaire qui est le résultat de sept années de guerre et de l’érosion de l’économie et des services de base, a-t-il dit.
M. VASSILY A.NEBENZIA (Fédération de Russie) a considéré qu’un rôle essentiel peut être joué par les pays de la région dans le règlement du conflit au Yémen, « rôle que nous sommes toujours disposés à soutenir. » Il a considéré que la communauté internationale faisait preuve d’unité sur la question du dossier yéménite, notre but étant de régler un conflit complexe qui porte aussi atteinte aux intérêts de la région. Le représentant a plaidé pour la levée d’un blocus qui empêche les nécessiteux de bénéficier d’une aide humanitaire indispensable, laquelle doit être fournie de « manière dépolitisée ». La Fédération de Russie a en outre appelé les parties belligérantes à respecter la lettre du droit humanitaire international et à cesser toute action susceptible d’endommager les infrastructures civiles.
Se déclarant alarmé par la situation dramatique au Yémen, et particulièrement dans la province de Mareb, M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a réclamé un cessez-le-feu national, avant d’appeler toutes les parties à faire preuve d’un maximum de retenue. Il a également condamné les attaques menées contre des cibles en Arabie saoudite, estimant qu’elles ne font qu’exacerber les tensions. Alors que le processus politique continue de stagner, la méfiance entre les parties approfondit la division géographique et sociale du pays, a-t-il constaté, exhortant les dirigeants houthistes à s’engager sans conditions préalables dans une démarche constructive et à s’engager dans le dialogue facilité par l’Envoyé spécial.
Évoquant ensuite la situation économique, le représentant a noté que l’approbation des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (FMI) et les injections de devises saoudiennes n’ont pas suffi à empêcher la dépréciation de la monnaie yéménite, provoquant une détérioration conséquente du pouvoir d’achat de la population. À cela s’ajoutent des restrictions à l’importation de nécessités de base, principale cause de l’insécurité alimentaire et du risque de famine qui sévit dans le pays, a-t-il déploré, exhortant à la fois Ansar Allah et le Gouvernement du Yémen à éliminer les restrictions à la l’importation de denrées alimentaires et de biens essentiels, et à permettre un accès sans obstacles à l’aide humanitaire. Il a également enjoint la communauté internationale à tenir ses promesses financières pour couvrir les besoins humanitaires.
Enfin, après avoir appelé de ses vœux l’arrivée de doses supplémentaires de vaccins contre la COVID-19 afin de faire face à la nouvelle vague d’infections dans le pays, le délégué a conclu son propos en évoquant à nouveau les risques que représente le pétrolier SAFER pour l’environnement, les opérations humanitaires et la navigation dans la région. Il a exhorté la direction houthiste à permettre au navire d’être inspecté et réparé sans délai.
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a fait part de ses préoccupations devant les récentes escalades militaires dans plusieurs régions du Yémen, en particulier à Mareb. Il a appelé les parties concernées à cesser toutes les opérations militaires, reprendre le dialogue et coopérer pleinement avec le nouvel Envoyé spécial en vue de réaliser rapidement des progrès substantiels dans les négociations. Il a souhaité que toute solution garantisse le respect de l’indépendance, de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriales du Yémen, ainsi que la participation significative et la représentation adéquate des femmes et des jeunes. Dans le même temps, l’Accord de Stockholm et celui de Riyad devraient être pleinement mis en œuvre.
Préoccupé par la situation humanitaire désastreuse au Yémen, le représentant a indiqué que des contributions financières supplémentaires sont nécessaires de toute urgence afin que les programmes vitaux essentiels puissent être intensifiés et maintenus jusqu’à la fin de cette année et au-delà. Il a également invité toutes les parties à assurer la protection des infrastructures civiles. Le délégué a en outre réitéré l’appel à supprimer les restrictions à l’importation via le port d’Hodeïda, afin que cela contribue à maintenir l’approvisionnement en biens essentiels, à réduire l’inflation et les pénuries de carburant et à atténuer les difficultés économiques du Yémen. Il a aussi exhorté les parties concernées à travailler de manière constructive avec l’ONU sur la question du pétrolier SAFER.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a déclaré qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit au Yémen. Or, il est profondément préoccupant que depuis notre dernière réunion il y a deux semaines, des rapports fassent état d’une escalade des combats dans un certain nombre de régions. Et la recrudescence des violences à Mareb, qui a fait plus de 80 morts depuis le début de cette semaine seulement, est particulièrement inquiétante, a-t-il ajouté. Le Kenya a fermement condamné ces violences meurtrières, y compris la récente attaque de drones sur la base aérienne d’Al-Anad qui a tué au moins 30 soldats et en a blessé de nombreux autres – sapant encore plus les perspectives d’un cessez-le-feu. Le chaos le long des lignes de front crée des opportunités idéales pour les organisations terroristes comme Al-Qaïda de prospérer et d’étendre leurs réseaux, a observé la délégation qui a appelé à rester extrêmement vigilants face à ces menaces émergentes et prendre des mesures préventives. Autrement, le Yémen pourrait devenir un exportateur net de terrorisme et d’extrémisme violent dans la région et à travers le golfe d’Aden jusqu’à la Corne de l’Afrique et au-delà.
Le représentant a rappelé à toutes les parties prenantes yéménites qu’il est temps pour elles de reconsidérer leurs positions dures et d’accepter de s’engager de manière constructive dans un processus inclusif dirigé et contrôlé par les Yéménites, avec le soutien de l’ONU ainsi que des partenaires régionaux et internationaux. Il leur appartient de faire les compromis nécessaires pour sortir de l’impasse actuelle, de convenir d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale dans un délai convenu et de travailler intentionnellement à une solution politique négociée qui inaugurerait en fin de compte un environnement d’espoir pour une économie durable. Le délégué a par ailleurs appelé les autorités qui gèrent le pétrolier SAFER à s’engager d’urgence et de manière constructive pour éviter une catastrophe environnementale.
Mme MONA JUUL (Norvège) a jugé urgent de parvenir à une désescalade militaire dans le pays. Elle s’est déclarée préoccupée par le fait que l’offensive des houthistes sur Mareb s’est intensifiée au cours de la semaine dernière, tandis que des combats se poursuivent dans d’autres provinces, notamment à Hodeïda. À cela, a-t-elle encore déploré, s’ajoutent la détérioration de la situation sécuritaire dans le Sud et les attaques transfrontalières perpétrées en Arabie saoudite, tout récemment contre l’aéroport international d’Abha, le 31 août. Dans ce contexte, il est essentiel de saisir toutes les occasions de faire avancer le processus de paix, a souligné la représentante, appelant les parties yéménites à relancer le processus politique et à coopérer sans délai. Reconnaissant qu’il n’y aura pas de solution politique rapide et que la situation exigera de faire des compromis, elle s’est dite encouragée par l’engagement de l’Envoyé spécial en faveur d’une approche inclusive. Selon elle, la participation et le leadership pleins, égaux et significatifs des femmes yéménites sont indispensables pour des solutions durables.
Compte tenu de la gravité de la crise humanitaire, la déléguée a également appelé à la levée des restrictions qui empêchent la nourriture et le carburant d’entrer dans le port d’Hodeïda. Dénonçant les obstacles bureaucratiques croissants à l’intérieur du Yémen, elle a exhorté tous les acteurs à garantir immédiatement un accès humanitaire sûr et sans entrave. Elle a ajouté que son pays participera à l’événement de haut niveau prévu ce mois-ci pour répondre aux défis de la situation humanitaire. Enfin, alertant le Conseil sur l’impact qu’a le conflit sur la population civile, notamment les femmes et les enfants, elle a réitéré que tout auteur de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, y compris les violences sexuelles, doivent être tenus pour responsables de leurs crimes.
M. NIANDOU AOUGUI (Niger) a condamné avec la plus grande fermeté les attaques répétées à l’encontre du territoire saoudien qui mettent en péril la vie de milliers de civils et menacent la paix et la sécurité dans la région. Cette tendance à l’élargissement du spectre de la violence au-delà du Yémen doit cesser car elle ne fera que complexifier davantage la situation et retarder la sortie de crise, a-t-il averti. Il a appelé les autorités d’Ansar Allah à faire preuve de responsabilité en mettant fin à leurs offensives meurtrières aussi bien au Yémen qu’au-delà de ses frontières. Ce n’est qu’à travers un accord politique global que les Yéménites pourront se réconcilier et faire la paix dans le pays, a-t-il affirmé.
En plus du nombre incalculable de morts, le principal corollaire de la guerre au Yémen demeure la grave crise humanitaire dans laquelle le pays est plongé depuis quelques années, a noté M. Aougui. Il a appelé les pays donateurs et en particulier ceux de la région à plus de générosité et de compassion à l’égard de la population tant éprouvée du Yémen. S’agissant de la situation du pétrolier SAFER, il a invité, une fois encore, les houthistes à honorer leurs engagements, en délivrant les autorisations et garanties nécessaires à l’équipe des Nations-Unies.
Mme ISIS AZALEA MARIA GONSALVES (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a réitéré son appel à un cessez-le-feu immédiat entre les parties au conflit yéménite. L’interception récente de trois missiles lancés en Arabie saoudite par Ansar Allah au Yémen ne fait que souligner la nécessité urgente pour toutes les parties de s’engager à cet égard. « Avant même que la poussière ne retombe, nous devons avoir une conversation ouverte et franche sur la réconciliation entre les parties, dont une composante indispensable est l’établissement des responsabilités », a souligné l’intervenante.
L’impact du conflit prolongé est évident dans l’effondrement des institutions yéménites et la fragmentation du tissu social, a poursuivi la délégation. La situation humanitaire globale continue de se détériorer, parallèlement à l’économie, car de nombreux Yéménites n’ont pas le pouvoir d’achat nécessaire pour se procurer de la nourriture et des produits de première nécessité, a-t-elle relevé. À cet égard, la représentante a reconnu la nécessité d’un acheminement sans entrave de l’aide humanitaire, en particulier dans le contexte d’une troisième vague de pandémie de COVID-19 et d’une saison des pluies active qui a déclenché, pour la deuxième fois cette année, le plan national de préparation aux inondations. Elle a appelé la communauté internationale à maintenir et à accroître son soutien au Plan de réponse humanitaire, tout en reconnaissant que l’aide humanitaire n’est qu’un palliatif. « La seule solution viable au conflit est une solution politique inclusive dirigée par les Yéménites, détenue par les Yéménites et axée sur les Yéménites qui reflète les complexités sur le terrain et s’attaque aux causes profondes du conflit », a affirmé la représentante.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) s’est dit profondément préoccupé par l’intensification des activités militaires au Yémen au cours des dernières semaines, en particulier à Mareb. Il a également dénoncé les attaques perpétrées par les houthistes contre des cibles civiles en Arabie saoudite, notamment l’aéroport international d’Abha. Exhortant toutes les parties à ne pas s’en prendre aveuglément à des infrastructures civiles, il les a aussi appelées à dialoguer de manière constructive avec le nouvel Envoyé spécial, à faire preuve de volonté de compromis et à accepter un cessez-le-feu durable et la reprise d’un processus politique inclusif, avec la participation des femmes et des jeunes. Il a d’autre part enjoint le Gouvernement du Yémen et le Conseil de transition du Sud à reprendre la mise en œuvre de l’Accord de Riyad et de s’abstenir de toute action qui augmenterait encore les tensions.
Pour le délégué, les combats au Yémen doivent cesser immédiatement car ils ont un effet dévastateur sur la vie des populations. Constatant que l’absence d’un accord à long terme entre les parties au conflit sur l’importation de carburant via le port d’Hodeïda contribue à l’augmentation des prix des denrées alimentaires et donc à l’exacerbation de l’insécurité alimentaire, il s’est félicité de la tenue prochaine d’une réunion de donateurs, coorganisée par la Suède et la Suisse, afin de soutenir les efforts d’aide humanitaire au Yémen. Face aux vulnérabilités des femmes et des enfants, exacerbés par la détérioration des conditions économiques et humanitaires, il a également réitéré son appel à toutes les parties pour qu’elles s’abstiennent de violations et abus, et coopèrent avec le Groupe d’experts éminents qui, malheureusement, pour la troisième année consécutive, n’a pas été en mesure d’accéder au Yémen et à d'autres pays de la coalition. Avant de conclure, il a appelé à son tour les houthistes à permettre à la mission d’expertise de l’ONU d’accéder immédiatement au pétrolier SAFER.
M. ALI CHERIF (Tunisie) a indiqué que l’entrée en fonctions de l’Envoyé spécial et la lettre qu’il a adressée au peuple yéménite représentent un message clair de la communauté internationale aux parties au conflit, les exhortant à s’engager activement sur la voie d’un règlement politique du conflit. Le représentant a affirmé qu’il n’y a pas d’alternative à une solution négociée globale qui place l’intérêt du peuple yéménite au-dessus de toutes considérations et lui évite de nouvelles tragédies et souffrances. Il a appelé également les parties au conflit à respecter les exigences du droit international humanitaire et à épargner les civils et les installations civiles. Il a renouvelé la condamnation par la Tunisie des attaques répétées sur le territoire de l’Arabie saoudite et du ciblage des civils, et a appelé les houthistes à mettre un terme à de telles violations. M. Cherif a également appelé à faciliter l’accès sans entrave de l’aide humanitaire et médicale, à lever les restrictions sur les ports et à ouvrir les aéroports, ainsi qu’à fournir un financement approprié pour l’opération humanitaire afin de répondre aux besoins urgents du peuple yéménite.
Par ailleurs, le délégué a jugé urgent de remédier à la situation du pétrolier SAFER qui représente une grave menace de catastrophe environnementale, économique et humanitaire sans précédent dans la région. Il a plaidé pour que soient facilitées les procédures de déplacement des experts internationaux pour effectuer les inspections techniques et les réparations nécessaires dans les meilleurs délais.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a appelé toutes les parties à renoncer aux affrontements militaires, à œuvrer à la protection des vies et à l’instauration d’une paix durable. Sa délégation s’est dite préoccupée par la poursuite des attaques transfrontalières de missiles et de drones contre l’Arabie saoudite, qui compromettent la sécurité et la stabilité dans la région du Golfe ainsi que l’approvisionnement et la sécurité des flux énergétiques mondiaux. La prise pour cible délibérée d’infrastructures civiles est également une violation flagrante du droit international, a indiqué le représentant qui a appelé à une application stricte de l’embargo sur les armes telle qu’envisagée dans la résolution 2216.
Pour la délégation, la situation sécuritaire chaotique au Yémen et les récents développements dans la région pourraient donner un nouvel élan à des groupes terroristes comme Al-Qaida. Il est important que ce Conseil continue de se concentrer sur les activités de ces organisations au Yémen et leurs liens avec le réseau terroriste mondial, a-t-elle préconisé. L’Inde demeure en outre extrêmement préoccupée par la détérioration de la situation humanitaire au Yémen, exhortant toutes les parties au conflit à permettre le passage libre, régulier et sans entrave de la nourriture, du carburant, et des médicaments, entre autres. La paix et la stabilité à Hodeïda sont également essentielles pour assurer la fluidité de l’aide humanitaire et d’autres produits essentiels au Yémen. Notant que près de 50% des besoins de financement du plan de réponse humanitaire du Yémen ne sont toujours pas satisfaits, le représentant a averti que sans financement supplémentaire, les agences humanitaires pourraient être contraintes de réduire ou de fermer leurs programmes à partir de ce mois, y compris dans les secteurs de l’assainissement et de la santé. Les conséquences d’une telle réduction seraient endurées par des millions de Yéménites. À cet égard, la conférence humanitaire sur le Yémen coorganisée par l’UE, la Suède et la Suisse à la fin du mois est une évolution bienvenue. Nous espérons que cela fournira l’occasion de faire face à la crise avec de nouveaux fonds, a ajouté le représentant.
Enfin, pour l’Inde, une solution urgente à la question du pétrolier SAFER est nécessaire pour éviter toute catastrophe environnementale imminente et assurer un passage maritime international ininterrompu à travers la mer Rouge. La délégation a réitéré son appel à un accès immédiat et complet au pétrolier SAFER pour l’équipe des Nations Unies.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a appelé tous les acteurs yéménites à dialoguer avec l’Envoyé spécial de manière constructive et de bonne foi. Elle a ensuite jugé inacceptable l’offensive menée par les houthistes sur Mareb, notant que son impact sur la population locale, en particulier les femmes et les filles, est « horrible ». S’alarmant par ailleurs de l’escalade de la violence à Taëz et à Hodeïda, elle a aussi dénoncé les attaques transfrontalières contre des infrastructures civiles en Arabie saoudite. Selon elle, un engagement constructif de toutes les parties sur un cessez-le-feu à l’échelle national est nécessaire de toute urgence pour permettre un dialogue politique sous les auspices du nouvel Envoyé spécial.
Alors qu’une famine continue de menacer des millions de Yéménites, Mme Byrne Nason a constaté que le conflit a de lourdes conséquences économiques. Le passage inadéquat du carburant dans les ports yéménites de la mer Rouge aggrave la crise actuelle et sape la réponse humanitaire, a-t-elle déploré, ajoutant qu’à cela s’ajoute le paiement irrégulier des fonctionnaires. « Les Yéménites ne meurent pas de faim parce qu’il n’y a pas de nourriture », a-t-elle résumé, avant d’exhorter les parties à assurer qu’un flux de carburant et de matières premières parviennent à ceux qui en ont désespérément besoin.
Mme Byrne Nason a ensuite salué le travail accompli par Mme Entesar Al-Qadhi à la tête de la Marib Girls Foundation for Development. « Du renforcement du rôle des partis politiques dans la consolidation de la paix au développement de mécanismes locaux de résolution des conflits avec des acteurs tribaux, des femmes yéménites comme Entesar font la paix, pas la guerre », a-t-elle souligné, notant que l’action de cette fondation pour les enfants est essentielle à la construction d’une paix durable. Tous les Yéménites, quels que soient leur sexe, leur âge ou leur origine, doivent avoir la possibilité de jouer un rôle substantiel dans l’élaboration de leur avenir, a-t-elle conclu, avant de rappeler aux membres du Conseil que, collectivement et individuellement, ils ont la responsabilité d’agir face à une telle souffrance immense.
« Il y a une limite à ce que les humains peuvent supporter, » a déclaré M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen), faisant référence au « martyr » des populations yéménites. Il a indiqué que la nomination du nouvel Envoyé spécial fait renaître l’espoir. Il a affirmé qu’alors que le Gouvernement est toujours disposé à la paix, les houthistes pour leur part ont tourné le dos aux négociations de paix. Il a donc invité le nouvel Envoyé spécial à adopter le langage de la fermeté avec eux. Il a aussi invité la communauté internationale à faire pression sur les houthistes et leur allié iranien afin qu’ils cessent leurs attentats et n’empiètent plus sur l’assistance humanitaire. Il faut également soutenir la monnaie et améliorer les conditions de vie de la population, a plaidé M. Al-Saadi.
Le représentant a par ailleurs averti que le pétrolier SAFER continue de menacer la sécurité des pêcheurs dans la mer Rouge. Il a jugé irresponsable l’attitude des houthistes qui utilisent la question du SAFER comme levier de négociations. Il a appelé Conseil à faire pression sur ces milices afin qu’elles acceptent l’inspection du navire.