République centrafricaine: le Conseil de sécurité alerté d’une situation sécuritaire mettant en péril les acquis fragiles de la paix
Les membres du Conseil de sécurité ont fait part, ce matin, de leur profonde préoccupation face à la dégradation sécuritaire en République centrafricaine (RCA) qui met en péril la dynamique fragile de paix lancée en 2019, beaucoup pointant du doigt le rôle de « plus en plus prépondérant » des mercenaires étrangers ou « partenaires bilatéraux », accusés d’exacerber les violences sur le terrain.
Lors de cette réunion tenue en personne dans la salle du Conseil, les membres ont suivi un exposé du Représentant spécial du Secrétaire général, Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), sur l’évolution de la situation dans le pays. M. Mankeur Ndiaye n’a pas caché son inquiétude face aux derniers développements qui risquent, selon lui, de « ruiner les maigres progrès » difficilement réalisés dans la quête d’une cohésion sociale et de la réconciliation nationale.
« Jamais, par le passé, les violations des droits de l’homme et manquements au droit international humanitaire imputables aux Forces armées centrafricaines, forces bilatérales et autres personnels de sécurité, documentés avec exactitude dans les zones sous leur contrôle, n’ont égalé les propensions documentées par la MINUSCA et portées à l’attention des autorités nationales », a dénoncé M. Ndiaye. Il a alerté des graves conséquences de la contre-offensive militaire des forces de défense et de sécurité, et des forces bilatérales et autres personnels de sécurité, pour anéantir la guérilla imposée par la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), même si, comme l’a expliqué la République centrafricaine, cette rébellion a échoué dans sa tentative de déstabilisation.
Dans son dernier rapport (S/2021/571), le Secrétaire général s’est dit profondément alarmé par l’augmentation « inacceptable et sans précédent » des menaces et des actes hostiles contre la MINUSCA, qui sont le fait des forces de sécurité nationales ainsi que du personnel de sécurité déployé de manière bilatérale et des autres agents de sécurité. Le Secrétaire général a noté, précisément, une augmentation de 28% des incidents de violations et d’abus des droits de l’homme et des violations du droit international humanitaire au cours des quatre derniers mois, faisant état d’une augmentation alarmante des abus commis par le personnel national et bilatéral.
Dès lors, qui sont ces hommes impliqués dans les combats, à quel titre sont-ils présents en RCA et à qui répondent-ils de leurs actions? s’est interrogée la France. Les individus qui commettent ce que beaucoup appellent maintenant des « atrocités » ne sont pas des acteurs indépendants – « ils opèrent dans le prolongement direct du Ministère russe de la défense », ont ouvertement dénoncé les États-Unis.
« Nos collègues américains voient des mercenaires russes partout », a ironisé la Fédération de Russie, dénonçant une « propagande politique antirusse » destinée à discréditer sa présence en RCA. « Faut-il rappeler que c’est en vos seins, ici, que le Conseil de Sécurité garant du maintien de la paix dans le monde, a autorisé la livraison d’armes de la Fédération de Russie avec mise à disposition d’instructeurs », s’est défendu la République centrafricaine.
Le Tchad a pour sa part dénoncé l’attaque, le 30 mai dernier, du poste avancé de Sourou, en territoire tchadien, du fait « des Forces armées centrafricaines et des mercenaires étrangers ». Pour la délégation tchadienne, cette attaque à l’intérieur de son territoire est la preuve incontestable que la situation en RCA constitue une grave menace pour la stabilité de toute la région. L’occasion pour M. Ndiaye de saluer les efforts de l’exécutif centrafricain en matière d’engagement bilatéral qui a permis d’apaiser les tensions avec le Tchad à la suite de cet incident.
Le Représentant spécial a promis de poursuivre la documentation des violations des droits de l’homme, qui fera l’objet de rapports publics afin de préserver un cadre de dialogue « franc, transparent et constructif » de la MINUSCA avec les autorités centrafricaines.
En attendant, a conseillé Mme Rita Laranjinha, Directrice du Bureau Afrique du Service européen pour l’action extérieure de l’Union européenne (UE), il faut que cessent « les campagnes de désinformation, les pressions exercées envers l’opposition et les médias, les discours de haine, d’incitation à la violence envers les partenaires comme l’UE, la France ou la MINUSCA ».
À cet égard, plusieurs délégations ont salué l’engagement du Président centrafricain Faustin Archange Touadéra à poursuivre les coupables des violences et les auteurs des menaces contre la MINUSCA, tout en l’encourageant à promouvoir un dialogue républicain comme annoncé par la présidence le 10 juin dernier.
L’embargo sur les armes a été un autre sujet longuement discuté lors de cette réunion initiée par la présidence estonienne du Conseil de sécurité, certains États comme la France estimant que la levée complète de l’embargo « ne saurait être la solution », alors que d’autres, à l’instar de la Chine et de l’Angola, ont milité en faveur de sa levée.
Le Président de l’Angola, M. João Manuel Gonçalves Lourenco, qui préside actuellement la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, a plaidé pour « la levée de l’embargo à l’heure où l’épicentre du terrorisme international s’est déplacé du Moyen-Orient vers l’Afrique ». Cela permettrait, selon lui, aux États de la région d’acquérir la capacité de se défendre contre les menaces contemporaines.
De fait, a renchéri le délégué centrafricain, « la béquille imposée à travers l’embargo est un réel handicap » pour mon pays. Un point de vue défendu également par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), qui par la voix de son Président, Denis Sassou-Nguesso, a voulu s’en remettre à la sagesse de cet « auguste Conseil » pour que soient prises des mesures qui tiennent compte de cette réalité et pour permettre aux forces de défense et de sécurité de se doter de moyens adaptés à la situation sur le terrain. De l’avis de la Chine, les critères pour la levée de l’embargo semblent remplis et le Conseil devrait entendre les appels en ce sens des pays de la région.
En tant que garant de la paix en République centrafricaine, l’Union africaine (UA) a milité en faveur d’initiatives sous-régionales visant à promouvoir la paix et la réconciliation dans ce pays, a résumé Bankole Adeoye Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’UA, dans une intervention audio, estimant que ces efforts renforcent la stratégie de l’UA de « solutions africaines aux problèmes africains ».
LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE - S/2021/571
Déclarations
M. MANKEUR NDIAYE, Représentant spécial du Secrétaire général en République centrafricaine, Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a d’entrée souligné l’engagement du Président Touadéra et des parties prenantes au processus politique, à conduire à terme le cycle électoral, avec la tenue d’élections locales au début de l’année 2022. Il a donc invité les États Membres de l’ONU à continuer d’appuyer la République centrafricaine (RCA) pour la tenue de ces élections locales, dont le dernier scrutin remonte à 1988, à travers une contribution au fonds commun du Programme des Nations Unies pour le développement pour combler le déficit financier, estimé à 9 millions de dollars, et avec l’appui de la MINUSCA.
Il a fait part de sa préoccupation face aux conséquences négatives générées par la contre-offensive militaire des forces de défense et de sécurité, et par les forces bilatérales et autres personnels de sécurité, pour anéantir la guérilla imposée par la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). Nous vivons actuellement, au centre et au nord-ouest de la RCA, une guerre asymétrique avec les groupes armés de ladite coalition, majoritairement responsables des violations graves des droits de l’homme, a dénoncé M. Ndiaye en y voyant la cause d’une crise humanitaire sans précédent, avec de nouvelles vagues de déplacements et 57 % de la population qui requiert une assistance humanitaire.
Le Représentant spécial a regretté que l’extension du contrôle de l’État sur son territoire par le renforcement de la présence des forces de défense et de sécurité ainsi que le déploiement des forces bilatérales et autres personnels de sécurité, légitimement perçus par les populations comme une réponse rapide et efficace aux menaces causées par la Coalition, n’aient pu générer l’effet escompté en faveur de la protection des populations civiles. En effet, jamais, par le passé, les violations des droits de l’homme et manquements au droit international humanitaire imputables aux Forces armées centrafricaines, forces bilatérales et autres personnels de sécurité, documentées avec exactitude dans les zones sous leur contrôle, n’ont égalé les propensions documentées par la MINUSCA et portées à l’attention des autorités nationales, s’est alarmé le Représentant spécial. Cela compromet, à ses yeux, toute chance de bâtir une cohésion sociale et d’établir une relation de confiance entre les administrés et les gouvernants. Cela aggrave la marginalisation de certaines communautés et fait craindre la radicalisation des groupes armés, alors que ces mêmes facteurs avaient conduit à la crise institutionnelle sans précédent de 2013, a-t-il fait remarquer.
Il s’agit-là d’une nouvelle tendance qui, si l’on n’y prend pas garde, a-t-il averti, ruinera les maigres progrès difficilement réalisés dans la quête d’une cohésion sociale et de la réconciliation nationale. Il a d’ailleurs déploré l’augmentation du nombre d’incidents documentés de violences sexuelles liées au conflit, qui ont été multipliés par cinq entre le dernier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021.
Le Représentant spécial a rappelé la mise en place, le 4 mai, d’une commission d’enquête spéciale pour élucider les allégations de violation du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, commises par les forces armées centrafricaines, leur allié bilatéral et autres personnels de sécurité. Cette commission, a-t-il précisé, devra permettre d’établir toutes les responsabilités de façon impartiale et d’en tirer toutes les conséquences judiciaires et politiques.
M. Ndiaye a, de même, souligné l’ineffectivité de la chaîne de commandement et de contrôle des forces de défense et de sécurité et le défaut d’interlocuteurs crédibles auprès de certaines forces bilatérales, avec comme résultante l’augmentation sans précèdent et la persistance sans réponse des violations de l’Accord sur le statut des forces, au nombre de 39 de février à juin 2021. La MINUSCA s’est trouvée régulièrement confrontée à des restrictions de mouvements, fouilles de ses véhicules, harcèlement et menaces de son personnel et violations de ses bases de la part des forces nationales de défense et de sécurité, a-t-il témoigné. Il en a voulu pour preuve la récente invasion de la base d’opérations de Bria, dans la Préfecture de la Haute-Kotto, par les Forces armées centrafricaines venues s’approvisionner de force en carburant. Les violations de l’Accord exposent le personnel du maintien de la paix à des dangers injustifiés et remettent en cause la sécurité et la sureté des Casques bleus, a averti le haut fonctionnaire.
Le contexte sécuritaire actuel n’épargne pas non plus les acteurs humanitaires, qui œuvrent pour palier une crise exacerbée par la pandémie de COVID-19, les violences de la CPC et les opérations à son encontre, a poursuivi M. Ndiaye. Le nombre de déplacés a atteint un niveau sans précédent depuis 2014, a-t-il déploré en précisant que les évictions forcées de personnes déplacées ont même eu lieu début juin dans un site d’élevage de Bambari, lieu protégé par le droit international humanitaire. Alors que 57 % de la population a besoin d’assistance et de protection et que 700 000 personnes sont exposées à la famine, les travailleurs humanitaires ont été 225 fois la cible d’attaques sur les cinq premiers mois de l’année 2021, a-t-il dénombré.
Malgré cet environnement qui figure parmi les plus dangereux au monde, la communauté humanitaire a fourni une assistance multisectorielle à plus de 1,2 million de personnes au premier trimestre 2021, notamment grâce à une coordination civilo-militaire efficiente. Cependant, le Plan de réponse humanitaire 2021 n’était financé qu’à hauteur de 35 % au 20 juin, a indiqué M. Ndiaye en appelant à des financements supplémentaires pour continuer à soutenir la réponse humanitaire sur toute l’étendue du territoire de la RCA.
Au cours de son exposé, M. Ndiaye s’est également inquiété de la fréquence de l’utilisation condamnable d’engins explosifs, une situation qui restreint la liberté de circulation des populations et réduit la mobilité de la MINUSCA et des acteurs humanitaires. Sur ce point, il a dit compter sur le soutien de tous les membres du Conseil, pour que des mesures adéquates soient immédiatement prises afin de créer les conditions optimales pour l’efficacité, l’efficience et l’accroissement des performances de la MINUSCA. Cela passe, pour lui, par une meilleure coopération entre les forces conventionnelles présentes en RCA et la MINUSCA dans le strict respect, par tous les acteurs sur le terrain, de la résolution 2552 portant sur son mandat. La MINUSCA a reçu les assurances du Président qui a convoqué, ce 22 juin, une réunion sur la cohabitation des forces internationales et instruit la hiérarchie militaire à explorer avec tous les acteurs un modus vivendi et une meilleure coordination.
La MINUSCA, résolue à exécuter son mandat, entretient un dialogue stratégique de haut niveau avec le Président, le Premier Ministre et les autorités compétentes pour créer les conditions favorables à son travail, a dit le Chef de la Mission en rappelant que la sécurité des troupes et du personnel onusiens reste un « impératif indérogeable ».
M. Ndiaye a également rappelé que dans le nord-ouest de la RCA, zone particulièrement marquée par les opérations contre la CPC, une délégation menée par son adjointe a été mise en joue le 30 mai dernier. Un incident, qui « ne doit pas rester sans suite », et ne « nous fera cependant pas renoncer » à exercer notre mandat dans la zone car « nous continuerons à protéger les populations civiles, à soutenir l’assistance humanitaire et à en maintenir l’accès sur toute l’étendue du territoire centrafricain. » Ceci vaut également pour la liberté de mouvement de la Mission, a-t-il dit, remerciant, à cet égard, le Conseil d’avoir accordé à la MINUSCA, par la résolution 2566, les moyens additionnels nécessaires à la mise en œuvre effective de son mandat dans un environnement devenu plus complexe, et à garantir la sécurité et la sureté des Casques bleus. Il a saisi cette occasion pour dénoncer les campagnes de désinformation, d’incitation à la violence physique contre le leadership, le personnel et les biens de la MINUSCA et de certains partenaires internationaux.
Parallèlement au renouvellement du pouvoir législatif début mai, le Président Touadéra a initié le renouvellement de l’organe exécutif, a-t-il enfin rappelé en saluant les fruits déjà portés par les efforts de l’exécutif centrafricain en matière d’engagement bilatéral. Il a noté à cet égard qu’ils ont permis d’apaiser les tensions avec le Tchad à la suite de l’incident à la frontière tchado-centrafricaine le 30 mai et d’éviter par conséquent une dégradation des relations diplomatiques.
Les efforts entrepris pendant la période écoulée pour la revitalisation de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation témoignent de la viabilité de cet outil pour la paix et la stabilité en RCA, a conclu le Représentant spécial qui y voit une opportunité renouvelée d’accélérer la dissolution des groupes armés et le réengagement dans l’Accord des éléments prêts à se dissocier de la CPC et à renoncer à la violence. La MINUSCA continuera à soutenir le Gouvernement, en synergie avec les autres partenaires internationaux, dans la mise en œuvre de l’Accord comme dans celle de sa stratégie de restauration de l’autorité de l’État, notamment dans le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité.
Le Représentant spécial a également parlé de la visite de la délégation ONU-AU-CEEAC-EU, du 2 au 5 juin en RCA, qui a permis de constater un appel à la normalisation des relations avec les partenaires internationaux. Les opérations militaires contre les groupes armés de la CPC ne seront pas suffisantes pour ramener la paix, la sûreté et la sécurité, a-t-il réalisé en disant apprécier à ce propos le nouvel élan que le Président Touadéra insuffle aux processus politique et de paix. Pour finir, il a appelé à saisir cette nouvelle opportunité pour harmoniser les initiatives régionales et encourager le nouveau Gouvernement à mobiliser le soutien de tous les partenaires internationaux pour la réussite du dialogue politique inclusif ainsi que pour l’appropriation et la mise en œuvre effective de toute feuille de route qui découlerait de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et de la CEEAC, avec le concours de l’UA.
M. BANKOLE ADEOYE, Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, a déclaré que l’Union africaine (UA), en tant que garant de la paix en République centrafricaine, continuera à travailler avec toutes les parties prenantes « pour faire de la paix un élément permanent » dans ce pays. Soulignant les initiatives sous-régionales visant à promouvoir la paix et la réconciliation en République centrafricaine, il a déclaré que ces efforts renforcent la stratégie de l’UA de « solutions africaines aux problèmes africains ». Il a également rappelé une récente visite dans le pays au cours de laquelle, avec d’autres partenaires internationaux, il a pu dialoguer avec des acteurs politiques de premier plan, des responsables locaux et des groupes représentant les femmes et les jeunes. Cette visite, a-t-il relevé, a démontré l’engagement de la communauté internationale en faveur d’une paix et d’une sécurité inclusives en RCA. Notant que la MINUSCA joue un rôle stabilisateur important, il a promis le soutien continu de l’UA à la Mission. Quant au Conseil de sécurité, a-t-il ajouté, il doit fournir un soutien logistique par le biais de la MINUSCA pour s’assurer que les cessez-le-feu soient pleinement contrôlés et que les opérations de sécurité ne soient pas menées à proximité des civils.
Mme RITA LARANJINHA, Directrice du Bureau Afrique du Service européen pour l’action extérieure de l’Union européenne, a rappelé que l’Union européenne (UE) est particulièrement impliquée en République centrafricaine depuis des années. Dans ce pays, malgré les menaces posées par les groupes armés, l’ordre constitutionnel a été maintenu, le processus électoral a pu suivre son cours, conduisant à la réélection du Président Touadéra, et un nouveau Premier Ministre a été nommé, a-t-elle dit. « Mais, les défis restent nombreux et il faudra immédiatement répondre aux attentes fortes exprimées par la population, y compris les minorités. » Elle a plaidé pour que des réformes urgentes soient rapidement engagées et dit attendre une étroite coopération avec les partenaires internationaux. Elle a salué l’annonce de la tenue prochaine d’un dialogue républicain crédible et inclusif, le seul qui puisse apporter une solution durable à la crise. « Les autorités doivent créer les conditions pour que l’opposition politique trouve toute sa place dans ce dialogue », a-t-elle recommandé, en assurant du soutien de l’Union. La déléguée a estimé qu’une solution durable à la crise ne peut être uniquement militaire. Le dialogue entre les parties, le réengagement de tous –du Gouvernement et des groupes armés désireux de rester ou de revenir dans le processus après avoir renoncé à la violence- est également nécessaire.
Elle a ensuite insisté sur plusieurs éléments particulièrement préoccupants qui continuent de peser sur la situation politique actuelle. « Les campagnes de désinformation, les pressions exercées envers l’opposition et les médias, les discours de haine, d’incitation à la violence envers les partenaires comme l’UE, la France ou la MINUSCA doivent cesser. » Elle a salué la condamnation publique de la désinformation par le Président Touadéra et le Président de l’Assemblée nationale, ainsi que la réaffirmation de leur attachement à la coopération avec les partenaires internationaux. Mais des mesures fortes et visibles sont maintenant attendues pour y mettre fin de manière durable et renforcer la confiance mutuelle, a-t-elle poursuivi.
La représentante a dénoncé le recours excessif à la force et les violations rapportées des droits de l’homme et du droit humanitaire international, non seulement par les groupes armés, mais aussi par les forces armées centrafricaines et certains de leurs alliés. « De telles actions sont inacceptables. » Mme Laranjinha a noté la décision des autorités d’établir une commission d’enquête sur ces violations et dit attendre de leur part une transparence totale. Les responsables des violations graves des droits de l’homme doivent être traduits en justice, a-t-elle réclamé.
Enfin, elle a rappelé que la République centrafricaine reste un pays extrêmement fragile, confronté à une crise humanitaire aiguë. L’ensemble de la communauté internationale doit donc rester mobilisée et unie et continuer à apporter une réponse urgente et appropriée aux besoins humanitaires pressants des populations centrafricaines, a-t-elle plaidé avant d’assurer que l’UE a été, est et restera l’un des plus proches partenaires de la RCA, œuvrant pour la paix et la réconciliation, la démocratie et le redressement.
Rappelant que son pays préside la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) depuis le 20 novembre 2020, M. JOÃO MANUEL GONÇALVES LOURENÇO, Président de la République de l’Angola, a dit sa volonté de faire face aux défis de la paix, de la sécurité, de la stabilité et du développement dans la région, avec l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux, dont l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations Unies. Il a expliqué que le Plan stratégique de la présidence angolaise s’enracine dans le Pacte pour la paix, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs du 15 décembre 2006 et est guidé par les principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies et l’Acte constitutif de l’Union Africaine. M. Lourenço a souligné que l’appui international est désormais important pour contribuer aux efforts du Gouvernement centrafricain visant la paix et la stabilité du pays.
« Le 29 janvier de cette année, nous avons organisé à Luanda, capitale de la République d’Angola, un Sommet de la CIRGL en format réduit sur la situation politique et sécuritaire en République centrafricaine », a-t-il dit. Il a expliqué que les chefs d’État présents à ce sommet ont appelé les groupes rebelles à observer un cessez-le-feu immédiat et unilatéral, à abandonner le siège de la ville de Bangui et à revenir à leurs positions initiales, ainsi qu’à ouvrir le corridor Douala-Bangui pour permettre la libre circulation des personnes et des biens. Ils ont également donné mandat aux Présidents en exercice de la CIRGL et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) de mener les démarches nécessaires auprès du Conseil de sécurité de l’ONU afin de lever l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine.
Le deuxième Sommet sur la situation politique et sécuritaire en République centrafricaine, tenu à Luanda le 20 avril 2021, a permis aux chefs d’État de prendre connaissance des résultats des consultations menées par l’Angola, qui a conduit les principaux groupes armés à s’engager à rejoindre le Programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, a poursuivi le Président angolais. Après avoir salué le rôle joué par les autorités tchadiennes pour le succès de cette mission, le Président a expliqué que les chefs d’État et de gouvernement ont exhorté les groupes armés à ne pas mener d’actions susceptibles de remettre en cause le cessez-le-feu et appelé la communauté internationale, en particulier l’ONU, à encourager les efforts régionaux en vue de revitaliser l’Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR-RCA).
Les chefs d’État et de gouvernement ont également décidé de créer un groupe de travail dirigé par les Ministres des affaires étrangères de l’Angola et du Rwanda, en collaboration avec les autorités centrafricaines, pour travailler à la mise en œuvre des recommandations issues des consultations menées avec des groupes armés. C’est ainsi qu’en mai et juin, les Ministres des affaires étrangères des trois pays se sont réunis à trois reprises à Bangui, pour l’approbation du projet de feuille de route conjointe pour la paix en RCA, qui définit les principales activités à développer.
Enfin, le Président de l’Angola a plaidé pour la levée de l’embargo sur les armes, à l’heure où l’épicentre du terrorisme international s’est déplacé du Moyen-Orient vers l’Afrique, et face à la nouvelle menace que constituent pour les pays du Sahel les mercenaires et combattants étrangers chassés de Libye. Il a argué que cela permettrait aux États de la région d’acquérir la capacité de se défendre contre les menaces contemporaines.
M. FLAMEL ALAIN MOUANDA (République du Congo) s’est dit préoccupé par la situation en RCA, avant de rappeler l’engagement indéfectible du Président du Congo en faveur de ce pays dont il a lu une déclaration. Il a ainsi demandé la pleine mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et plaidé pour une solution, dans le respect de la souveraineté de la RCA. La première responsabilité dans la recherche d’un tel règlement incombe au Gouvernement centrafricain, a-t-il rappelé. Il a souligné l’implication de la CEEAC dans le dossier centrafricain, avant de saluer la tenue des récents scrutins. Il a noté la décision du Conseil de renforcer les effectifs de la MINUSCA, avant de souhaiter un soutien plus dynamique au Gouvernement centrafricain en vue de protéger la population et de préserver l’intégrité territoriale du pays. Des mesures tenant compte de cette réalité doivent être prises afin de renforcer les capacités des forces centrafricaines qui sont entravées par l’embargo, a souhaité le représentant. Enfin, le délégué a appelé la communauté internationale à accompagner « plus franchement » le Président centrafricain.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déclaré que la situation en RCA dépasse les scénarios les plus pessimistes imaginés il y a quelques mois. Il a insisté sur l’urgence à agir pour mettre un terme aux violences qui, a-t-il indiqué, ciblent plus particulièrement les communautés musulmanes. Il a également relevé que la République centrafricaine est l’un des pays les plus dangereux au monde pour les personnels humanitaires et médicaux, avec plus de 220 incidents depuis le début de l’année.
Le représentant a signalé que les groupes armés centrafricains ne sont plus la seule menace pour la population centrafricaine. Les rapports du panel d’experts et du Secrétaire général pointent la responsabilité d’un acteur nouveau, qui intervient aux côtés des forces armées centrafricaines et dont le statut interroge. « Certains s’efforceront de nier la présence de la ‘ société Wagner ’. Dès lors, qui sont ces hommes impliqués dans les combats, à quel titre sont-ils présents en RCA et à qui répondent-ils de leurs actions? », s’est interrogé M. de Rivière, estimant important que la MINUSCA puisse dès que possible informer de façon plus détaillée de ce qui se passe sur le terrain. En outre, il est impératif que les campagnes de dénigrement contre la MINUSCA et d’autres représentants de la communauté internationale cessent.
Relevant que la dissémination d’armes fait partie du problème, le représentant a estimé que la levée complète de l’embargo ne saurait être la solution. Il est évident, a-t-il souligné, que des évolutions du régime de sanctions devront s’inscrire dans une stratégie d’ensemble tenant compte des progrès politiques en République centrafricaine, des efforts régionaux et des avancées dans la réalisation des objectifs fixés par le Conseil en matière de contrôle des armements.
Poursuivant, M. de Rivière a insisté sur la nécessité de la justice, et a salué, à cet égard, l’engagement du Président Touadéra à poursuivre les coupables des violences et les auteurs de menaces contre les Nations Unies ainsi que sa décision de créer une commission d’enquête sur les exactions commises en République centrafricaine. Soulignant que seule la réconciliation apportera la paix, M. de Rivière a estimé que les efforts du Premier Ministre Dondra pour s’entretenir avec l’opposition politique dès sa nomination représentent un premier pas encourageant, qui, a-t-il espéré, sera suivi de la nomination d’un gouvernement inclusif et d’une coopération harmonieuse avec les partenaires internationaux de la République centrafricaine.
M. HAI ANH PHAM (Viet Nam) a salué l’engagement de l’autorité centrafricaine à redynamiser le processus de paix, à assurer le développement socioéconomique et la mise en œuvre de l’accord politique. Néanmoins, préoccupé par la fragilité de la sécurité qui affecte gravement les civils, il a exhorté toutes les parties à régler les différends par des moyens pacifiques, insistant sur l’importance d’une participation équitable des femmes et des jeunes à ce processus afin de parvenir à un dialogue politique inclusif.
Le représentant s’est inquiété de la situation humanitaire « alarmante » qui prévaut dans le pays. Notant que plus de la moitié de la population a besoin d’assistance, qu’un tiers est déplacé, et que 2,3 millions sont confrontés à l’insécurité alimentaire dont 630 000 en situation d’urgence, il a appelé à fournir une assistance supplémentaire au peuple centrafricain. Il a également insisté sur l’obligation d’assurer un accès humanitaire sûr, sans entraves et durable.
Le délégué a ensuite salué les efforts de la CIRGL et de la CEEAC pour régler la situation d’insécurité en République centrafricaine, ainsi que l’accord visant à établir une commission internationale pour clarifier l’incident frontalier entre le Tchad et la République centrafricaine.
M. TAREK LADEB, (Tunisie), au nom des (A3+1, Kenya, Niger, Tunisie et Saint-Vincent-et-les Grenadines), a indiqué que la tenue des élections a permis de préserver l’ordre constitutionnel en République centrafricaine, avant d’appeler à la finalisation de ce processus électoral avec la bonne tenue d’élections locales en 2022. Il a fait état de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord politique qui est, selon lui, le seul cadre politique valide pour l’instauration de la paix. Il a néanmoins regretté les nombreuses violations de cet Accord par des groupes signataires, avant de dénoncer les attaques continues contre la population civile, les agents humanitaires et les Casques bleus. Le délégué a fermement dénoncé les campagnes de désinformation visant la MINUSCA, ainsi que les entraves à l’exécution de son mandat.
Le représentant a ensuite pris note de l’évaluation du Secrétaire général en ce qui concerne les progrès accomplis par les autorités centrafricaines pour remplir les critères clefs afférents à l’embargo sur les armes. Remplir pleinement ces critères permettra de lever l’embargo, en prenant en compte l’évolution de la situation sur le terrain, a-t-il déclaré. Le Conseil s’est d’ailleurs dit prêt à reconsidérer cet embargo au vu des progrès accomplis en ce qui concerne lesdits critères. Le délégué a appelé les autorités centrafricaines à renforcer leurs efforts dans la lutte contre l’impunité, avant de demander un accès humanitaire sans entrave dans le pays. Enfin, tout en rappelant son plein appui aux efforts du pays en vue de parvenir à la stabilité et au développement, M. Ladeb a indiqué que ces objectifs ne pourront être atteints que par une relance du processus de paix. « Il n’y a pas d’autre alternative. »
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis), s’est inquiété du nombre croissant de rapports faisant état de violations des droits de l’homme et d’abus en RCA, en particulier ceux qui semblent viser les membres de la communauté musulmane. M. Mills s’est également dit troublé par les informations continues selon lesquelles les Forces armées centrafricaines et les instructeurs russes commettent des violations du droit international humanitaire et de l’embargo sur les armes des Nations Unies.
Dans son rapport, le Secrétaire général note une augmentation de 28% des incidents de violations et d’abus des droits de l’homme et des violations du droit international humanitaire au cours des quatre derniers mois, a-t-il noté, y relevant aussi une mention de l’augmentation alarmante des abus commis par le personnel national et bilatéral. Les individus qui commettent ce que beaucoup appellent maintenant des « atrocités » ne sont pas des acteurs indépendants – « ils opèrent dans le prolongement direct du Ministère russe de la Défense », a-t-il dénoncé.
À cet égard, le représentant américain s’est dit profondément troublé par le fait qu’un membre de ce Conseil n’ait pas pris de mesures pour empêcher ses mercenaires d’entraver quotidiennement la liberté de mouvement de la MINUSCA. « Nous condamnons l’incident effroyable » au cours duquel ces acteurs russes bilatéraux ont menacé le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général pour la République centrafricaine et une délégation de l’ONU qui était en mission humanitaire à Bang le 28 mai. Ces actions, qui mettent en danger la vie des personnes, interfèrent avec la capacité de la MINUSCA à mener ses opérations quotidiennes, a souligné le délégué. Ces types d’abus sapent la stabilité et la sécurité en RCA, et ils menacent de faire dérailler la paix fragile que les Centrafricains s’efforcent de réaliser depuis 2013, a-t-il craint.
C’est pourquoi, le représentant a appelé tous les États Membres à soutenir la MINUSCA et les Casques bleus. Au Gouvernement de la RCA, il a rappelé qu’il est responsable de la sûreté et de la sécurité du personnel de l’ONU en poste dans le pays et du respect de l’accord sur le statut des forces. Il lui a demandé de veiller à ce que tous les acteurs de la sécurité opérant sur son territoire respectent l’accord sur le statut des forces et l’autorité de la Mission. Le Conseil doit parler d’une seule voix contre les abus et les actions qui déstabilisent la RCA et mettent en danger la vie des civils, a exhorté la délégation américaine.
Le représentant a ensuite souligné les progrès réalisés par la MINUSCA dans son soutien à la RCA sur la voie de la paix et de la stabilité. « Nous ne pouvons pas laisser les actions irresponsables et incontrôlées des mercenaires mettre en péril ces progrès », a répété M. Mills en plaidant pour la responsabilisation de ceux qui commettent des abus et des violations des droits de l’homme. Pour finir, M. Mills a félicité le nouveau Premier Ministre de la RCA, Henri-Marie Dondra, soulignant la volonté des États-Unis de renforcer davantage leur partenariat bilatéral avec la RCA. Il a dit espéré que le nouveau Gouvernement apporte une énergie renouvelée à la mise en œuvre complète de l’Accord de paix de 2019.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a salué la tenue de consultations nationales avec diverses parties prenantes afin d’alimenter un éventuel « dialogue républicain ». Il a regretté que la Coalition des patriotes pour le changement ait refusé d’y participer et l’a appelée à le faire, soulignant que la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix est la seule voie à suivre pour parvenir à la réconciliation nationale.
Il s’est préoccupé de la poursuite de la violence en République centrafricaine et de l’augmentation des graves violations des droits humains, appelant en outre la communauté internationale à faire tout son possible pour répondre à la situation humanitaire dans le pays. Le représentant a ensuite salué le déploiement des autorités locales dans les préfectures du pays ainsi que l’ouverture d’enquêtes sur les attaques contre la MINUSCA, entres autres. Il s’est inquiété de l’augmentation des violations de l’accord sur le statut des forces et a exhorté les autorités centrafricaines, la MINUSCA et les troupes présentes dans le cadre d’accords bilatéraux à mieux se coordonner.
Estimant que la République centrafricaine a une opportunité historique d’avancer vers une paix durable, le représentant de l’Inde a exhorté la communauté internationale, dont l’ONU, l’UA, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs à aider les parties prenantes à enterrer leurs divergences et travailler ensemble.
M. JAMES PAUL ROSCOE (Royaume-Uni) a indiqué que la République centrafricaine fait face à un ensemble de défis complexes, tels qu’une situation politique et sécuritaire fragile, des groupes armés fomentant l’instabilité et de considérables besoins humanitaires. « Il y a maintenant un nouveau facteur d’instabilité: les entreprises militaires russes privées agissant de concert avec les forces nationales armées pour entraver l’action de la MINUSCA et violer les droits des civils. » Il a fustigé les violations croissantes de l’accord sur le statut des forces en ce qui concerne la MINUSCA. « Cela est inacceptable et doit cesser immédiatement. » Il a dénoncé les violations des droits commises par les groupes armées mais aussi par les forces nationales armées et les instructeurs russes qui les accompagnent. Le délégué a encouragé le Président centrafricain à remédier à une telle impunité et à prendre des mesures concrètes pour enquêter sur ces violations et les prévenir. « Dans le même temps, nous exprimons notre préoccupation devant les allégations supplémentaires d’abus et d’exploitation sexuels à l’encontre du personnel de la MINUSCA » Le délégué a aussi appelé instamment les acteurs à respecter les principes de l’accès humanitaire, notamment la protection des travailleurs humanitaires. Enfin, le représentant a exhorté les autorités centrafricaines à se montrer à la hauteur de leurs responsabilités et à trouver une solution durable à la crise actuelle.
M. BING DAI (Chine) a salué les progrès du processus électoral en République centrafricaine, avant d’insister sur l’implication importante de la communauté internationale. Il a demandé le plein respect du leadership centrafricain et plaidé pour l’apport d’une solution africaine à un défi africain. Le représentant a ensuite appelé au respect de l’accord sur le statut des forces pour assurer la sécurité des Casques bleus de la MINUSCA. Il a espéré que les conflits frontaliers seront résolus et que le renforcement des forces de sécurité sera possible pour que la République centrafricaine puisse assurer sa propre sécurité. Les critères pour la levée de l’embargo semblent remplis et le Conseil devrait entendre les appels des pays de la région pour ladite levée, a dit le délégué chinois. Enfin, il a insisté sur l’importance du bien-être de la population centrafricaine et indiqué que son pays est prêt à y contribuer.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a regretté que certains groupes armés ne renoncent pas à leurs plans malveillants en République centrafricaine. Elle s’est dite convaincue que l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA du 6 février 2019 reste la base incontestée pour parvenir à une paix et une sécurité durables dans le pays. La représentante russe a salué l’initiative du Président Touadéra de lancer un dialogue républicain en vue d’actualiser l’Accord politique sur la base de la feuille de route élaborée par Bangui. Dans ce contexte, elle a jugé peu constructif le refus des opposants politiques de participer aux consultations préalables au dialogue, estimant qu’ils manquent une occasion unique de faire entendre leurs attentes.
La représentante a salué les résultats du deuxième mini-sommet des pays membres de la CIRGL, qui a eu lieu le 20 avril à Luanda, au cours duquel la reprise des pourparlers de Khartoum a été discutée. « Dans le même temps, nous pensons que toute initiative de médiation à l’initiative d’organisations sous-régionales doit être mise en œuvre avec le consentement et la participation du Gouvernement centrafricain », a-t-elle insisté. Elle a aussi estimé que la MINUSCA doit être un élément important pour assurer la sécurité dans le pays, en tenant compte des fonctions attribuées aux Casques bleus, comme la lutte contre les groupes armés illégaux dans le cadre de la protection des civils, y compris les personnes déplacées, et la promotion de la réforme du secteur de la sécurité.
De l’avis de la Russie, la MINUSCA ne peut se substituer aux efforts nationaux de réconciliation mais doit mettre l’accent sur le renforcement des capacités centrafricaines. Dans ce contexte, la représentante russe a particulièrement fustigé le maintien de l’embargo sur les armes qu’elle a qualifié d’entrave au renforcement des capacités de la RCA. C’est pourquoi, elle a appelé à la levée des restrictions imposées à Bangui. Elle a aussi souhaité une coopération plus étroite entre la MINSUCA et Bangui et avec les partenaires bilatéraux.
La déléguée a assuré que les forces russes sont présentent en RCA pour former les forces de maintien de l’ordre mais a affirmé qu’elles ne participent en aucun cas aux combats contre les groupes armés. La représentante russe a particulièrement regretté une « propagande politique antirusse » qui cherche à discréditer la présence russe en RCA. Illustrant son propos, elle a cité de nombreux liens Internet renvoyant à des articles anonymes faisant état de présence de mercenaires russes en RCA. « Il n’y a aucune preuve à ces allégations », a dit la représentante avant d’inviter le représentant de la France, dont le pays a été victime d’une campagne de désinformation similaire, à commenter cette situation. « Nos collègues américains voient des mercenaires russes partout », a-t-elle dit avant d’appeler à s’intéresser à ce qui se passe à Guantanamo et aux abus des droits de l’homme partout dans le monde où les forces américaines sont présentes. Elle a souhaité que l’on s’intéresse plutôt à l’action des groupes armés illégaux et à leur capacité de nuisance. Elle s’est dite persuadée qu’il est possible de trouver un terrain d’entente en RCA entre les pays qui souhaitent aider les pays africains à s’en sortir et qui sont souvent victimes de politiques néocoloniales de pays occidentaux. La Fédération de Russie, a-t-elle fait valoir, a permis de déjouer un coup d’état en Centrafrique en octobre 2020.
Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique), a salué les efforts de médiation menée par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs en faveur des efforts de paix en République centrafricaine. L’appui coordonné des organisations régionales pourrait sans doute donner une impulsion décisive au processus politique et contenir l’impact sur les pays voisins, a-t-elle relevé, évoquant l’incident survenu fin mai à la frontière avec le Tchad.
La représentante a salué la proposition du Président Touadéra d’organiser un « dialogue républicain », se disant convaincue que la formation en cours d’un nouveau Gouvernement est l’occasion d’ouvrir des espaces pour les différents acteurs politiques et de revitaliser l’agenda des réformes, conformément à l’Accord politique pour la paix et la réconciliation. Pour elle, l’instabilité politique à laquelle est confronté ce pays appelle un dialogue inclusif qui réponde aux griefs légitimes des communautés marginalisées et jette les bases d’une véritable réconciliation.
Mme Buenrostro Massieu s’est inquiétée de l’augmentation significative des attaques contre la MINUSCA, ainsi que des violations de l’accord sur le statut des forces par les forces de sécurité nationales. Elle a également dénoncé les attaques qui ciblent la population musulmane. Ces actes constituent un recul sur la voie de la réconciliation et génèrent de nouveaux griefs qui compliquent les perspectives de paix durable, a-t-elle mis en garde. Pour finir, Mme Buenrostro Massieu a salué la création de la Commission spéciale d’enquête sur les crimes graves et les violations des droits de l’homme qui auraient été commis par les forces nationales et les forces déployées dans le cadre d’accords bilatéraux.
Mme MONA JUUL (Norvège) a fait part de ses profondes préoccupations quant à l’augmentation des problèmes de protection et à la détérioration dramatique de la situation humanitaire dans le pays. Le problème crucial, à ses yeux, est qu’une grande partie de cette crise humanitaire est d’origine humaine. C’est pourquoi, elle a mis en avant trois éléments importants qui doivent changer pour soulager la souffrance de la population.
D’abord, la violence contre les civils et les violations et les abus des droits de l’homme doivent cesser. Et laissez-moi être clair, a-t-elle martelé: il s’agit d’un message adressé à toutes les parties au conflit, aussi bien les groupes armés qui doivent déposer leurs armes que les forces de défense nationales et leurs instructeurs étrangers qui portent également une lourde responsabilité. La déléguée a cité, à cet égard, le Secrétaire général, qui dans son dernier rapport a indiqué que « les enquêtes de la MINUSCA ont révélé que la plupart des décès de civils lors des récents affrontements résultaient d’un usage indiscriminé, disproportionné et excessif de la force par les forces de défense nationale et le personnel de sécurité déployé de manière bilatérale et autre ». Cela pour elle est inacceptable car l’armée nationale et ceux qui ont été invités à la soutenir doivent protéger la population - et non tuer, violer et piller.
Deuxièmement, la forte augmentation récente du nombre et de la gravité des violations de l’accord sur le statut des forces par les forces de sécurité nationales -mais aussi par leurs instructeurs russes- est inadmissible, a-t-elle décrié. La MINUSCA étant un instrument de ce Conseil, elle doit être autorisée à faire son travail et à mettre en œuvre son mandat de manière complète et indépendante, a-t-elle plaidé. Enfin, la représentante a encouragé la reprise d’un dialogue politique inclusif, insistant sur la nécessité d’un accord de paix revigoré. À cet égard, elle a applaudi l’annonce par le Président Touadéra du lancement imminent d’un « dialogue républicain ». Elle a appelé à garantir la participation politique pleine, égale et significative des femmes. Elle a aussi félicité les acteurs régionaux (UA, ONU, UE, CEEAC) pour leur engagement, et dit son appréciation du rôle moteur joué par le Président de l’Angola tout en exhortant le Gouvernement de la RCA à honorer les engagements en matière de dialogue et d’inclusion pris lors du deuxième mini-sommet organisé à Luanda en avril. Pour conclure, Mme Juul a exprimé la profonde appréciation de la Norvège pour le travail accompli par la MINUSCA, dans des circonstances très difficiles.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande), rappelant que l’Accord de Paix de 2019 a préparé le terrain à une solution pacifique pour les parties politiques de la RCA, a exhorté à l’appliquer en urgence et avec détermination. À ses yeux, les préparatifs pour un « dialogue républicain » présentent une occasion unique de parvenir à un processus véritablement inclusif. Elle a souhaité un processus qui comprenne toutes les parties prenantes, notamment les femmes, les jeunes et les parties de l’opposition. Selon elle, le succès de l’ élection présidentielle et du premier tour des élections législatives a démontré la détermination des citoyens de la RCA. Mme Byrne Nason a encouragé les autorités de saisir l’opportunité des futures élections locales pour faire en sorte que les femmes soient mieux représentées dans les assemblées élues. « Tout effort doit être fait pour protéger ceux et celles qui exercent leur droit de voter », a-t-elle aussi insisté.
Mme Byrne Nason a jugé important que les autorités s’adressent à l’opposition. Elle a exhorté le Gouvernement de la RCA à enquêter systématiquement sur toutes les allégations de violations des droits humains et à poursuivre les auteurs de ces violations. « Nous condamnons également les attaques continues contre les travailleurs humanitaires », a-t-elle dit avant de préciser que la situation humanitaire est à son pire niveau en cinq ans. Elle a jugé « absolument vital » qu’un accès humanitaire sans entrave soit assuré par le Gouvernement et tous les acteurs armés opérant dans le pays pour venir en aide aux 2,3 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire en RCA.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a fermement condamné l’augmentation significative des violations et des abus des droits humains en République centrafricaine. Il a notamment déploré l’usage excessif de la force commis par tous les auteurs, « y compris les groupes armés, les forces de défense et de sécurité nationales et leurs partenaires russes. » Alors que les groupes armés continuent d’être responsables de la majorité de ces incidents, le nombre de violations des droits humains documentées commis par les Forces armées centrafricaines (FACA) et leurs partenaires a presque triplé. L’usage excessif et indiscriminé de la force, sape gravement les tentatives d’établir la cohésion et la réconciliation nationales, a-t-il alerté.
Le représentant a également condamné les menaces et incidents provoqués par les forces de sécurité nationales et de leurs partenaires à l’encontre de la MINUSCA et du personnel de l’ONU. Ces actions violent les résolutions du Conseil de sécurité et les engagements pris dans le cadre de l’accord sur le statut des forces. Elles empêchent inutilement la MINUSCA de protéger les civils et font obstacle à l’aide humanitaire à un moment où la sécurité alimentaire de la population de la République centrafricaine est la pire qu’elle n’ait jamais été.
Ces deux développements, a-t-il estimé, posent de grands défis au nouveau Gouvernement de la République centrafricaine, sapant son autorité et les perspectives de paix dans le pays. M. Jürgenson s’est ensuite joint à l’appel à la revitalisation rapide de la réconciliation et du dialogue politiques et fait part de son appui à la participation pleine, égale et significative des femmes à ces processus.
M. MARCIEN AUBIN KPATAMANGO (République centrafricaine) a mentionné, sur le plan politique, l’échec de la tentative de déstabilisation par la rébellion de la Coalition Pour le changement (CPC). Il a souligné que ces quatre derniers mois ont confirmé la stabilité institutionnelle, avec notamment l’investiture du Président de la République, le 30 mars 2021, pour une seconde mandature. Il a rappelé les priorités fixées pour ce second mandat: la bonne gouvernance, les droits humains, le développement, la prospérité et la sécurisation du pays, de sa population et de son territoire par la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation. Le Président a aussi initié un dialogue républicain afin d’impliquer tous les citoyens dans la reconstruction du pays et de tourner la page sur des années de barbaries, de violences et violations des droits humains, a fait valoir le représentant. « Nous devons faire aujourd’hui des choix justes et en cohérence avec les valeurs défendues, afin d’impacter positivement l’avenir ou encore corriger ou améliorer nos errements. »
Sur le plan sécuritaire, le délégué a rappelé que l’objectif commun est celui d’un retour à la paix durable et à la stabilité. « Nous devons rester fermes dans nos idéaux, ceux qui d’ailleurs ont vu naître la Charte de notre Organisation. » C’est fort de cette Charte que la RCA, en 2013, avec l’invasion de la République centrafricaine par la Seleka en 2012 et, en 2013, « la riposte des anti-balaka qui a fait croire à tort que cette grosse crise était confessionnelle », la RCA s’est tournée naturellement vers la communauté internationale à travers son partenaire historique, la France, pour obtenir une intervention des forces onusiennes. Cette intervention avait pour but, a expliqué le délégué, de sécuriser les civils et d’éviter un carnage qui n’était « rien d’autres qu’une volonté de génocide de la population centrafricaine », quel qu’elle soit, musulmane, chrétienne ou animiste. Il a indiqué que les derniers scrutins se sont déroulés sans effusion de sang. « Nous devons réaliser que nous avons évité de voir se perpétrer, encore en Centrafrique, un désastre humain. »
Il a affirmé que les allégations formulées envers les forces armées centrafricaines et alliés ne peuvent rester sans réaction, de mêmes que celles concernant les forces onusiennes. Une Commission d’enquête nationale a été mise sur pied et œuvre pour que justice soit rendue, a-t-il dit. Il a indiqué que son pays a subi une agression par les groupes armés et mercenaires de la CPC. Il a aussi rappelé que son pays a demandé en début d’année à ce Conseil la mise en place d’une Commission d’enquête internationale, « afin que soit mise en lumière les protagonistes des complots, agressions et entreprises de déstabilisation de la République Centrafricaine ». Cette demande pourtant légitime et indispensable n’avait pas retenu l’attention du Conseil, a-t-il regretté, en assurant qu’aucun crime ne restera impuni.
Le délégué a ensuite abordé la question de la présence des instructeurs russes dans son pays, en rappelant que c’est le Conseil qui a autorisé la livraison d’armes de la Fédération de Russie avec mise à disposition d’instructeurs. « Chaque État Membre ici présent a été informé pour avoir pris part aux discussions. » Enfin, le représentant a estimé que l’embargo est un réel handicap, parce qu’il favorise les velléités des ennemis de la paix et impose à la RCA de devoir solliciter les appuis extérieurs nécessaires pour combler ses défaillances. « Aucun État n’a construit une armée sous tutelle de sanctions sur ces forces gouvernementales. » Le peuple centrafricain sollicite que sa dignité lui soit rendue à travers la levée de l’embargo, lequel le laisse à la merci de mercenaires que seul le sang anime, a conclu le représentant.
Mme AMMO AZIZA BAROUD (Tchad) a rappelé que le Tchad et la République centrafricaine sont des pays voisins ayant en commun une frontière longue de plus de 1 900 km et partageant une communauté de destin, forgée au fil du temps par la géographie, l’histoire et les liens multiséculaires existant entre les populations de deux cotés des frontières. « C’est pourquoi, le Tchad a apporté son appui constant à tous les efforts sous-régionaux, régionaux et internationaux visant à ramener la paix et la réconciliation en RCA, et continuera, aux côtés de la communauté internationale, à plaider et œuvrer en faveur de la résolution pacifique de la crise centrafricaine, à travers le dialogue inclusif. » Le représentant a regretté que depuis la reprise des violences en RCA, à la veille de l’élection présidentielle de décembre dernier, la dynamique de paix créée par l’Accord de paix et réconciliation nationale de 2019 ait été rompue. Il s’est inquiété que les derniers développements de la situation en RCA, marqués par des violations des droits de l’homme et des exactions commises par des mercenaires étrangers sur des personnes civiles, fassent courir le risque d’une exacerbation de la violence, avec toutes les conséquences humanitaires, sociales et sécuritaires que cela comporte pour la RCA et les pays voisins.
Mme Baroud a rappelé que le poste avancé de Sourou, en territoire tchadien, a été attaqué le 30 mai dernier par les Forces armées centrafricaines et des mercenaires étrangers qui les accompagnaient. « Six soldats tchadiens sont morts, dont 5 ont été faits prisonniers et ensuite froidement exécutés en territoire centrafricain », a-t-elle déploré avant d’ajouter que cette attaque à l’intérieur du territoire tchadien est la preuve incontestable que la situation en RCA constitue une grave menace pour la stabilité de toute la région. Cette attaque meurtrière, « dont les autorités centrafricaines se disent surprises », est révélatrice de la position dominante des mercenaires étrangers dans la conduite des opérations militaires et le contrôle du pays, selon la représentante. « Malgré cette agression contre son territoire, le Gouvernement tchadien a fait preuve de retenue pour donner la chance au dialogue », a-t-elle fait valoir avant de préciser que c’est dans ce cadre qu’une délégation centrafricaine a été reçue à N'Djamena, comprenant les Ministres des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité publique. « À l’issue des discussions entre les deux gouvernements, il a été décidé de la mise en place d’une équipe d’enquête internationale impartiale constituée d’experts des Nations Unies, de l’Union africaine et de la CEEAC pour élucider les faits et situer les responsabilités. »
Pour la représentante, cette attaque meurtrière contre le territoire tchadien démontre l’influence des mercenaires étrangers en RCA, dont le rôle grandissant risque d’annihiler les fruits de plusieurs années d’efforts, et de ramener l’Afrique en arrière en la replongeant dans de nouveaux cycles de violences dévastatrices. C’est pourquoi, elle a appelé la communauté internationale, notamment l’ONU et l’UA, à veiller à ce que les acquis de la paix et de la stabilité en Afrique soient préservés et renforcés. Notant que le dernier rapport du Secrétaire général sur la RCA en date du 16 juin 2021 fait état d’attaques récurrentes contre la MINUSCA, qui mettent en péril la vie des Casques bleus, la représentante a appelé les auteurs de ces attaques à y mettre fin. Elle a réitéré tout son soutien à la MINUSCA et prié le Conseil de sécurité de lui accorder tous les moyens requis pour la réussite de son mandat.