La Troisième Commission examine les travaux du Haut-Commissariat pour les réfugiés et du Conseil des droits de l’homme
Un appel à la solidarité et à la coopération internationale en faveur des 82 millions de réfugiés a été lancé par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, ce vendredi, devant la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, qui a conclu sa série de débats interactifs. M. Filippo Grandi a présenté son rapport d’activité devant les délégations qui ont notamment confié leurs préoccupations quant aux conséquences de la situation en Afghanistan pour les déplacements de population.
Trop de personnalités politiques défendent le « mon pays d’abord », a tout d’abord constaté M. Grandi, assurant que les échecs de la coopération de la communauté internationale se perçoivent sur le terrain tous les jours. Il a rappelé les défis causés par la pandémie de COVID-19 et les changements climatiques, soulignant que les déplacements liés au climat deviennent une réalité de plus en plus importante.
L’Afghanistan est confronté à un effondrement des services publics et à un manque de liquidités, a-t-il ensuite déclaré lors du débat interactif, avertissant que si ces problèmes persistent, une crise grave se produira, bien au-delà des questions humanitaires. Par ailleurs, M. Grandi, évoquant les zones de conflit dans lequel le HCR travaille, a dénoncé une politisation accrue de l’action humanitaire ainsi qu’une insécurité croissante. Le refus de la solidarité par certains pays a également été décrié par le Haut-Commissaire qui a par exemple regretté que certains États poussent des migrants à se rendre dans d’autres pays malgré les risques, et ce, à des fins politiques. Une instrumentalisation de la question des réfugiés également dénoncée par Chypre et l’Union européenne qui s’est dite déterminée à empêcher les abus du système d’asile de l’UE.
Rapatriement volontaire, insertion et solution temporaire. Différentes possibilités ont été ensuite évoquées concernant le futur des réfugiés par M. Grandi qui a indiqué que plusieurs États africains sont en train de montrer la voie en naturalisant les réfugiés. Il a également relevé que les retours spontanés sont l’occasion de travailler avec les pays d’origine, comme dans le cas de la République arabe syrienne. De nombreux Syriens veulent rentrer chez eux mais ne peuvent pas à cause des conditions de sécurité et économiques, a-t-il relevé. Cette question a mobilisé plusieurs délégations lors du débat interactif, à commencer par la République arabe syrienne elle-même qui a dénoncé sa politisation, tout en se disant ouverte aux négociations. Le Liban a, pour sa part, souligné qu’il lui était de plus en plus difficile de supporter le fardeau de l’accueil de 1,5 million de Syriens.
S’agissant du partage des responsabilités, M. Grandi a constaté que le fardeau pèse encore essentiellement sur les pays hôtes. Il faut une augmentation des contributions financières, a-t-il martelé, soulignant qu’il s’agissait d’une « aventure collective ». Le Haut-Commissaire a également exhorté les États à envoyer en priorité des vaccins contre la COVID-19 aux pays accueillants des populations migrantes, déplacés et réfugiés.
La Troisième Commission a ensuite entendu la Présidente du Conseil des droits de l’homme (CDH) mettre l’accent sur les nombreux défis posés par la pandémie de COVID-19 en matière de droits humains, et évoquer la convocation de trois sessions extraordinaires sur les droits humains au Myanmar, dans le Territoire palestinien occupé et en Israël, et en Afghanistan.
Mme Nazhat Shameem Khan s’est également félicitée de l’adoption d’une résolution établissant un nouveau mandat pour une Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits humains dans le contexte des changements climatiques, ainsi qu’une résolution reconnaissant le droit de l’homme à un environnement propre, sain et durable, y voyant l’aboutissement d’un engagement politique fort pour parvenir à la justice environnementale. Elle a par ailleurs salué le rôle de la société civile, estimant « impératif » de continuer à bâtir des relations solides avec celle-ci.
Lors du débat interactif, plusieurs délégations se sont inquiétées de la polarisation accrue des débats au sein du Conseil, certains États allant même jusqu’à l’accuser de faire preuve de sélectivité dans le traitement de la situation des droits humains, l’Éthiopie, Cuba et la République islamique d’Iran dénonçant notamment l’adoption de résolutions politisées.
De son côté, la Finlande, au nom des pays baltes et nordiques, a regretté le non-renouvellement du mandat sur le Yémen, dénonçant un manque de détermination. Cette décision a toutefois été saluée par le Yémen qui a relevé que le Groupe d’experts sur le Yémen ne s’est pas rendu sur place et que le rapport de ses travaux ne reflète pas correctement la situation sur le terrain.
À ce sujet, la Présidente du Conseil des droits de l’homme a assuré que le Conseil maintiendra son assistance au Yémen, notant que « le fait qu’un mécanisme n’existe plus ne veut pas dire qu’on ne s’intéresse plus à la question ». Elle a également fait valoir qu’il est nécessaire d’établir et de maintenir un dialogue entre les titulaires de mandat et les États.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux vendredi 5 novembre à partir de 10 heures.
RAPPORT DU HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS, QUESTIONS RELATIVES AUX RÉFUGIÉS, AUX RAPATRIÉS ET AUX DÉPLACÉS ET QUESTIONS HUMANITAIRES - A/76/12, A/76/12/ADD.1, A/76/29
Exposé
M. FILIPPO GRANDI, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, présentant le rapport A/76/12, a exhorté les États à coopérer pour faire face aux défis immenses actuels. Cependant, a-t-il dénoncé, trop de personnalités politiques défendent le « moi d’abord », « mon pays d’abord », ce qui permet de gagner des élections mais n’aboutit pas à grand-chose de concret. Sur le terrain, a-t-il indiqué, les employés du HCR voient au quotidien les conséquences de l’échec de la communauté internationale à coopérer. Le Haut-Commissaire a souligné que la pandémie avait exposé les plus vulnérables à une pauvreté accrue et à un virus « têtu, » relevant également l’échec d’une distribution équitable des vaccins. En outre, les déplacements liés au climat deviennent une réalité de plus en plus importante, a signalé M. Grandi, disant espérer que les gouvernements en parlent lors de la COP26 à Glasgow.
Soulignant que les conflits continuent d’être la principale cause des déplacements, il a dit craindre une détérioration rapide de la situation en Afghanistan à moins d’apporter une riposte humanitaire dans le pays et de trouver des solutions pour empêcher l’effondrement des services publics. En cas d’échec, cela entrainerait de nouveaux déplacements massifs de personnes, a-t-il mis en garde. Assurant que dans l’intervalle, l’ONU et les ONG continueront à étendre leurs interventions humanitaires pour les déplacés, M. Grandi a exhorté les Taliban à respecter les droits de tous les Afghans, en particulier les femmes et les minorités.
Après avoir énuméré les différentes zones de conflit dans lesquelles le HCR travaille, M. Grandi a souligné qu’ils étaient de plus en plus exposés à la politisation de l’action humanitaire ainsi qu’à l’insécurité. Nous avons besoin de davantage de ressources et d’un environnement propice en termes de sécurité et d’accès, a-t-il indiqué. Or, cela a été ébranlé gravement ces derniers mois, notamment en Éthiopie, a dénoncé M. Grandi. Il a également décrié une tendance croissante au refus de la solidarité envers les personnes fuyant les conflits. Il a cité en exemple les pays riches qui construisent des murs, promulguent des lois restrictives entrainant des détentions notamment d’enfants, décriant en outre que certains États encouragent des migrants à se rendre dans d’autres pays pour des raisons politique, en dépit des risques. Les frontières peuvent être sécurisées sans priver les requérants d’asile de leurs droits, a-t-il souligné.
M. Grandi a ensuite indiqué que l’adoption, en 2018, du pacte mondial sur les réfugiés a permis de faciliter plus de 1 600 engagements pris lors du Forum mondial sur les réfugiés et d’élargir la gamme de partenariats du HCR. Les organisations du développement ont mis le déplacement à l’ordre du jour et ont mobilisé des milliards de dollars, a-t-il indiqué, avant d’encourager tous les acteurs du développement à accroître la part des aides versées aux pays qui accueillent les réfugiés afin d’atténuer les répercussions de la COVID-19. M. Grandi a également constaté l’implication croissante du secteur privé : « l’an dernier, 11% de nos revenus, soit plus de 535 millions de dollars, venaient de donateurs privés. »
Passant à la réforme du HCR, le Haut-Commissaire a expliqué que le personnel, les ressources et la prise de décision sont dorénavant rapprochés du terrain et que la planification et la budgétisation avaient été améliorées. L’accent est également placé sur l’intégrité, y compris sur la lutte contre le harcèlement sexuel, le racisme et la discrimination. Le premier cadre stratégique du HCR pour l’action climatique a été publié en début d’année et des abris qui sont meilleurs pour l’environnement sont utilisés, de même que des énergies renouvelables. Nous nous sommes fixés l’objectif d’une énergie propre pour tous nos bureaux d’ici à 2030, a-t-il ajouté.
Soulignant que personne ne souhaite vivre dans l’angoisse de l’exil, M. Grandi a indiqué que plusieurs États africains sont en train de montrer la voie en naturalisant les réfugiés. Il s’est félicité d’avoir pu recommander, le mois dernier, la cessation générale du statut de réfugié pour les réfugiés de Côte d’Ivoire après des années d’exil. Il a ensuite évoqué les solutions du rapatriement volontaire et de l’insertion ou bien de la naturalisation et l’acquisition de la résidence permanente pour ceux souhaitant rester dans les pays hôtes. En ce qui concerne les cas de personnes apatrides, le droit et la volonté politique permettent de résoudre ce problème, a-t-il assuré, notant qu’il restait cependant beaucoup à faire. Certains réfugiés peuvent également trouver des solutions temporaires dans un pays d’asile, a-t-il ajouté, évoquant le statut de protection temporaire obtenu par plus de 1,7 million de Vénézuéliens en Colombie. Cela profite à l’État en matière de sécurité et de contribution économique, a-t-il assuré.
Par ailleurs, lorsque des déplacés internes et réfugiés veulent rentrer chez eux avant que le HCR soit en mesure de faciliter le rapatriement, tous les efforts sont déployés pour que ces personnes disposent des informations nécessaires pour faire un choix volontaire et informé. S’ils choisissent de rentrer, alors nous devons leur fournir un soutien humanitaire pour qu’ils recommencent leurs vies, a déclaré M. Grandi.
Mais si soutenir un retour spontané ne veut pas dire promouvoir activement le rapatriement, il s’agit d’une opportunité pour travailler avec les pays d’origine sur ce point, comme au Burundi, Somalie et Syrie, a indiqué le Haut-Commissaire. Il a ensuite fait savoir que de nombreux Syriens disent qu’ils aimeraient rentrer chez eux mais que les problèmes de sécurité et les conditions physiques et économiques dans leurs régions d’origine les en empêchent. Le HCR continuera de travailler en Syrie pour résoudre les problèmes de sécurité et de droits des rapatriés, mais il faut également intensifier l’aide humanitaire dans les zones de retour tout en maintenant le soutien aux réfugiés et aux communautés d’accueil dans la région.
Des progrès notables ont par ailleurs été réalisés en faveur de plus de 7 millions de personnes déplacées et réfugiés au Soudan et au Soudan du Sud et dans les environs. La transition politique au Soudan doit cependant être remise sur les rails. Ne pas le faire empêchera de nouvelles avancées dans la résolution des déplacements dans la région, a-t-il averti.
N’oublions pas que les 82 millions de déplacés dans le monde ne sont pas seulement des victimes mais aussi des contributeurs à un monde meilleur, a lancé M. Grandi. Que ces médecins, pompiers, infirmiers, entre autres, soient une source d’inspiration pour les dirigeants, a-t-il espéré, appelant à mettre de côté les intérêts étroits et à court terme.
Dialogue interactif
Donnant le coup d’envoi au dialogue interactif, la Fédération de Russie a attiré l’attention sur son action en faveur du retour des réfugiés syriens dans leurs foyers. Tout en saluant la récente visite de M. Grandi à Damas, la République arabe syrienne a relevé que la question du retour des réfugiés est « malheureusement » très politisée. « Nous sommes ouverts aux négociations pour faciliter le retour des réfugiés syriens », a ajouté la délégation.
La Turquie a plaidé pour un soutien au renforcement des capacités des pays d’accueil, soulignant qu’elle accorde aux réfugiés le même accès au service de santé que les nationaux, y compris pour les vaccins. Le Venezuela a ensuite dénoncé la partialité et sélectivité du HCR, l’accusant de se prêter ouvertement à l’instrumentalisation politique par certains États Membres, citant la « soi-disant » catégorie de « personnes déplacées vénézuéliennes à l'étranger ».
Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Maroc s’est inquiété de l’augmentation du nombre de réfugiés et de déplacés dans le continent, préconisant une approche d’ensemble pour traiter ces grands flux de populations qui tienne compte de leurs causes sous-jacentes dans un contexte marqué par l’aggravation des difficultés humanitaires en raison de la pandémie.
Le Mexique a fait savoir qu’il procède actuellement à l’examen de quelque 70 000 demandes de réfugiés et que plus de 10 000 réfugiés ont été insérés dans le marché du travail. Le Liban a rappelé qu’il accueille 1,5 million de réfugiés syriens, soit la proportion la plus importantes de réfugiés dans le monde. Cependant, les conditions très difficiles que connaît le pays depuis deux ans rend très difficile de supporter ce fardeau. Le Qatar a fait part de son intention de poursuivre ses efforts de soutien aux réfugiés notamment dans le cadre de la Coupe du monde du football 2022.
Après l’Éthiopie qui a appelé le HCR à assurer la sécurité dans les camps de réfugiés où les combattants ne doivent pas trouver refuge, les États-Unis ont voulu savoir comment le HCR dialogue avec les gouvernements hôtes et les partenaires de développement pour intégrer les personnes déplacées dans les politiques et plans de développement nationaux. Une action collective est nécessaire, notamment pour faire remonter les chiffres de réinstallations de réfugiés et de personnes déplacées à leurs niveau pré-pandémie, a estimé la Suisse qui a souhaité connaître l’avis du Haut-Commissaire sur le partage équitables des responsabilités en la matière.
À son tour, l’Azerbaïdjan a indiqué qu’à la suite de l’accord de novembre dernier, qui a mis fin aux hostilités au Nagorno-Karabakh, son gouvernement s’est employé a créé les conditions propices au retour réfugiés dans leurs foyers, précisant que ces mesures sont inscrites dans la déclaration trilatérale signée par l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Fédération de Russie.
La Thaïlande a ensuite attiré l’attention sur le problème de l’apatridie, précisant avoir accordé la nationalité thaïlandaise à un nombre important d’apatrides cette année, afin que ces personnes puissent avoir un statut juridique et bénéficier des services de base. Comment les États Membres peuvent améliorer leur coopération face aux migrations de Syriens et d’Afghans s’est enquise la Roumanie qui a indiqué que malgré un nombre de demandes d’asile sans précédent reçues en 2020, son territoire demeure ouvert. La Géorgie a indiqué qu’elle compte la plus grande proportion de personnes déplacées au monde en raison de l’occupation russe de plusieurs de ses territoires. Selon elle, les personnes qui se trouvent en territoires occupés continuent de souffrir de violations de leurs droits, ce qui aboutit à augmenter le flux des arrivants en Géorgie.
Quelles mesures la communauté internationale a-t-elle prises pour aider les pays voisins de l’Afghanistan à faire face à l’afflux des réfugiés et des personnes déplacées, a demandé le Pakistan qui a averti que la situation dans ce pays rend urgente l’aide à la réinstallation des personnes déplacées dans des pays tiers. Notant que le pacte mondial pour les réfugiés offre un cadre pour le partage du fardeau entre les pays, l’Égypte a souhaité connaître l’avis du Haut-Commissaire sur la réalité de ce partage entre États Membres. Appelant elle aussi à un partage effectif des responsabilités, la Malaisie a souhaité que des solutions durables soient apportées à la prévention des situations humanitaires et à l’exploitation de ces populations vulnérables.
Que faire pour que les enfants déplacés et réfugiés puissent retrouver les bancs de l’école, s’est enquise l’Italie, tandis que la Chine a jugé essentiel que ces personnes bénéficient d’un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19. L’impact disproportionné des déplacements forcés sur les pays hôtes requiert la mise en œuvre de solutions collectives, solidaires et concertées, a estimé pour sa part la France. La Grèce a quant à elle évoqué l’aide qu’elle apporte pour répondre aux besoins des mineurs non-accompagnés.
Dénonçant une instrumentalisation de la question des réfugiés à des fins politiques, Chypre a appelé au respect des accords internationaux et régionaux pertinent. À son tour, l’Union européenne a condamné toute tentative d’instrumentalisation des migrants et des réfugiés en orchestrant leur passage aux frontières extérieures de l’UE pour des motifs politiques. « Nous restons déterminés à empêcher les abus du système d’asile de l’UE », a martelé la délégation qui s’est enquise, par ailleurs, des priorités du Haut-Commissaire, en prévision de la réunion des hauts responsables prévue les 14 et 15 décembre 2021.
Intervenant à son tour, le Canada a insisté sur l’importance de la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Abondant sur cette problématique la Finlande, au nom des pays nordiques, fait part de sa préoccupation au sujet de l’augmentation des cas de violence sexuelle qui se produisent lors des urgences humanitaires, remerciant le HCR pour sa riposte solide à ce problème.
L’Inde est également intervenue de même que la Cote d’Ivoire a voulu savoir comment le HCR compte combler le déficit budgétaire dans ce contexte du manque de financement lié à la pandémie. En effet, a renchéri la République de Corée, les conséquences profondes de la COVID-19 ont lourdement impacté la protection des réfugiés ce qui a influé sur les principes de non-refoulement.
L’Arménie, pour sa part, a rappelé sa disposition à faciliter un accès sûr du HCR dans la zone de conflit du Haut-Karabakh afin d’évaluer les conditions d’un retour sûr des déplacés. À cet égard, la délégation a regretté l’obstruction des parties au conflit qui constitue un problème pour ce territoire « nettoyé ethniquement ».
Après Malte, qui s’est interrogée sur les manières d’atteindre un système équitable de vaccination des réfugiés, la République islamique d’Iran a indiqué que malgré les sanctions des États-Unis, elle accueille un nombre considérable de réfugiés, précisant que 5% des fonds nécessaires pour leur prise en charge ont été apportés par les instances internationales.
Il est crucial d’alléger la pression sur les pays d’accueil, a estimé le Mali, ajoutant que la réunion d’examen du pacte mondial en décembre constitue une opportunité pour discuter des domaines qui nécessitent un engagement supplémentaire. Le Bangladesh a voulu savoir où en est le dialogue entre le HCR et les autorités du Myanmar concernant les réfugiés Rohingya.
L’Algérie s’est préoccupée de l’insuffisance du budget du HCR, lui demandant de renforcer sa stratégie de mobilisation des ressources. Elle a par ailleurs indiqué que plus de 173 000 réfugiés se trouvent dans les camps de Tindouf et demandé au HCR de prendre en compte ce nombre pour répondre à leurs besoins. Pourquoi ces chiffres n’ont-ils pas été mis à jour depuis 2018 ? Le Maroc a regretté que l’Algérie refuse d’enregistrer la population des camps de Tindouf « par crainte que ce recensement reflète l’inflation de la population du camp ». « Tant qu’il n’y aura pas de solution politique, la question du recensement n’est pas à l’ordre du jour », a rétorqué l’Algérie.
En réponse aux questions et observations, le Haut-Commissaire des Nations Unie pour les réfugiés s’est dit encouragé par le grand nombre d’interventions, plus d’une trentaine, qui est le signe, selon lui, de l’utilité des actions menées par le HCR dans le monde. Abordant ensuite la question du partage des responsabilités, il a observé que, bien évidemment, « chacun considère le problème selon sa propre perspective ». Il a cependant fait état de progrès, compte tenu notamment des efforts déployés par un nombre croissant de pays en faveur de la réinstallation des réfugiés et des personnes déplacées. Cela étant, le fardeau pèse encore essentiellement sur les pays hôtes qui accueillent 82 millions de personnes déplacées, a-t-il noté, appelant à une augmentation des contributions financières et à la recherche de solutions qui permettent de faire baisser les demandes d’asile. « C’est une aventure collective », a souligné M. Grandi. Il a indiqué à cet égard que la réunion des hauts responsables prévue en décembre sur ces questions aidera à préparer celle du Forum mondial sur les réfugiés en 2023.
Préoccupé par le problème du sous-financement pour le traitement des réfugiés et des personnes déplacées, notamment en Afrique, il a appelé à redoubler d’efforts pour mobiliser les ressources, se disant encouragé par l’appel lancé par les États-Unis en faveur d’une plus grande participation des États, notamment pour appuyer la dynamique des réinstallations. Observant que la crise afghane a suscité une série d’engagements en la matière, il y a vu un possible « renversement de tendance ». Pour ce qui est de l’intégration des personnes déplacées, le Haut-Commissaire a indiqué que le Groupe de haut niveau mis en place par le Secrétaire général consacre ses efforts à l’élaboration de solutions, en particulier avec les acteurs du développement. L’une des approches retenues consiste à inclure les réfugiés et les personnes déplacées dans les services sociaux et l’économie des pays hôtes. Parfois, a-t-il fait remarquer, la solution n’est pas forcément le retour car les personnes peuvent vouloir rester, et ce pour différentes raisons. Il faut alors passer à une approche « plus stratégique », basée sur le développement urbain et le réaménagement des quartiers, comme le fait par exemple le Burkina Faso.
Pour le Haut-Commissaire, il importe de tenir compte des besoins exprimés par les réfugiés et les personnes déplacées s’agissant d’un possible retour sûr et digne dans leur lieu d’origine. Les réfugiés et déplacés syriens mettent en avant la sécurité mais aussi l’accès aux services de base, l’emploi et les moyens de subsistance, a-t-il expliqué, précisant avoir évoqué ces problématiques lors de ses déplacements récents dans la région. Pour que les rapatriements soient durables, une grande responsabilité pèse sur les pays hôtes et sur les bailleurs de fonds, a insisté M. Grandi, avant de saluer les efforts déployés par le Bangladesh ou encore l’initiative de l’Italie d’inscrire les enfants de réfugiés et de personnes déplacées dans ses établissements scolaires. Quant à la vaccination contre la COVID-19, il a réitéré son appel aux États pour que les envois de vaccins aillent en priorité aux pays qui accueillent des populations migrantes, réfugiées et déplacées. Il a dit avoir adressé aux membres du G20 un courrier dans ce sens cosigné par le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Le Haut-Commissaire a également applaudi les pays, comme le Canada, où les organisations menées par des réfugiés font entendre leur voix. Il a dit accorder une attention particulière aux organisations de femmes réfugiées, compte tenu de la montée des violences sexistes à l’encontre des femmes et des filles. Passant à la question des sanctions, il n’a pas souhaité s’exprimer en termes politiques, préférant rappeler que ces mesures « ne doivent pas empêcher les actions humanitaires ». Sur ce plan, il a fait état de situations urgentes, à commencer par l’Afghanistan, où il convient selon lui de redoubler d’efforts, à l’image de ce que font sur place le HCR, l’OMS et le Programme alimentaire mondial (PAM). Si quelques déplacés internes ont retrouvé leurs régions d’origine, beaucoup reste à faire, notamment en termes de ressources, a-t-il souligné, relevant que l’hiver arrive et que le pays est confronté à un effondrement des services publics et à un manque de liquidités. « Si ces problèmes ne sont pas surmontés, une crise grave se produira et ira bien au-delà des questions humanitaires », a averti M. Grandi, avant d’évoquer brièvement le sort des réfugiés et des personnes déplacées en provenance d’Éthiopie, du Venezuela et du Myanmar. Enfin, après avoir remercié la Finlande d’avoir facilité l’élaboration de la résolution omnibus, il a souhaité qu’elle fasse l’objet d’un consensus de l’Assemblée générale, faute de quoi ce ne serait « pas une bonne nouvelle ».
Exposé
Mme NAZHAT SHAMEEM KHAN, Président du Conseil des droits de l’homme (CDH), s’est d’emblée félicitée qu’au cours de son quinzième cycle, le CDH a non seulement mené à bien les tâches qui lui ont été confiées, mais il a également montré la voie aux autres organes des Nations Unies, en faisant preuve d’une grande souplesse et d’une grande innovation grâce au renforcement de ses méthodes de travail, afin de s’assurer qu’il n’y ait aucune faille dans la protection des droits humains en période de crise mondiale. Lorsqu’il n’était pas possible de se réunir en personne, le CDH a été le premier organe intergouvernemental de l’ONU à prendre des décisions formelles de manière entièrement virtuelle comme en atteste ses nombreuses réalisations en 2021, s’est-elle enorgueillie.
Dressant ensuite le bilan des activités du CDH, Mme Khan a évoqué les nombreux défis posés par la COVID-19 en matière de droits humains auxquels s’est attaqué le Conseil qui a adopté quatre résolutions qui mettent en exergue le lien entre la COVID-19 et les droits humains. Le Conseil a également convoqué trois sessions extraordinaires pour traiter des situations urgentes en matière de droits de la personne au Myanmar, dans le Territoire palestinien occupé et en Israël, ainsi qu’en Afghanistan.
Outre les 84 résolutions, décisions et déclarations présidentielles qu’il a adoptées, le Conseil a mis en place, en juillet, un mécanisme international d’experts indépendants afin de favoriser un changement transformateur en faveur de la justice raciale et de l’égalité dans le contexte du maintien de l’ordre. Il a également adopté, début octobre, une résolution établissant un nouveau mandat pour une Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits humains dans le contexte des changements climatiques, ainsi qu’une résolution reconnaissant le droit de l’homme à un environnement propre, sain et durable. Ces résolutions sont l’aboutissement de plusieurs années de travail et le résultat d’une volonté et d’un engagement politiques forts pour faire face à une crise environnementale mondiale et parvenir à la justice environnementale, s’est-elle félicitée.
Après avoir mentionné les travaux du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel (EPU), Mme Shameem Khan a fait savoir que le Fonds d’affectation spéciale pour les PMA/PEID a soutenu cette année la participation de 19 délégués aux sessions ordinaires du Conseil. Sur ce dernier point, elle a rappelé que lors de sa quarante-sixième session en mars, le Conseil a adopté une décision consensuelle appelant à la tenue d’un débat de haut niveau en février prochain, pour marquer le dixième anniversaire du Fonds.
Mais que serait le Conseil « sans le rôle inestimable » joué par la société civile, a, par ailleurs, soutenu Mme Shameem Khan. Leurs voix parlent à la conscience du Conseil et leurs contributions apportent la vérité au pouvoir. Elle en veut pour preuve les plus de 900 déclarations prononcées, cette année, par les membres de la société civile, de même que les quelque 260 organisations qui ont participé aux réunions du Conseil, « parfois au péril de leur sécurité personnelle. » Elle a jugé « impératif » de continuer à bâtir des relations solides avec la société civile et de maintenir un « espace sûr » pour elle. À cette fin, elle a informé que, lors de sa dernière session, le Conseil a adopté par consensus, pour la première fois, une résolution sur la coopération avec l’ONU, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits humains.
Dialogue interactif
Donnant le coup d’envoi au dialogue interactif, la Fédération de Russie a pressé le CDH à cesser d’être sous la pression de pays occidentaux pour réaliser leurs objectifs politiques. Elle a également appelé à « remettre de l’ordre » dans les travaux des mécanismes spéciaux et considéré injustifié le renouvellement automatique des mandats.
La République arabe syrienne a déploré l’atmosphère de confrontation qui règne, selon elle, au Conseil et mène à une sélectivité dans le traitement de la situation des droits humains. Abondant dans le même sens, l’Éthiopie a dénoncé la résolution politisée à son encontre, jugeant elle aussi regrettable de voir la pratique croissante de la politisation des droits humains. Pour la délégation, l’EPU reste la plateforme légitime de coopération. La République islamique d’Iran s’est, elle aussi, déclarée préoccupée par les résolutions « politisées » qui violent la souveraineté d’États comme le sien, avant de rappeler que le principe d’autodétermination signifie de pouvoir définir librement son système politique et juridique.
Quelles autres mesures peut prendre le CDH pour défendre le droit au développement de la paix un environnement sain et aborder l’élimination des mesures coercitives unilatérales, a demandé à son tour Cuba qui par ailleurs, a, jugé inacceptable de s’attaquer aux seuls pays en développement, une démarche qui, à ses yeux, sape la crédibilité du Conseil et ses procédures spéciales. Quel rôle le CDH peut-il jouer pour aider les pays en développement à protéger et promouvoir les droits humains dans les domaines tels que la réduction de la pauvreté, l’élimination de la faim, l’éducation et l’hygiène, a demandé à son tour la Chine. De même que peut faire le Conseil au sujet de l’élimination des mesures coercitives unilatérales?
La République de Corée, tout comme la Bulgarie, a voulu savoir comment la Présidente envisage le dialogue et la coordination futurs entre New York et Genève. Quelle est la synergie entre les travaux de la Troisième Commission et ceux du CDH, a voulu savoir, pour sa part, l’Indonésie. Au nom des pays nordiques et baltes, la Finlande a salué la détermination du Conseil à s’occuper de la grave situation des droits humains en Afghanistan, tout en regrettant qu’il n’ait pas été en mesure de faire preuve d’une telle détermination pour le renouvellement du mandat sur le Yémen. Sur ce point, l’Arabie saoudite, a souhaité savoir comment encourager les États Membres à respecter les résolutions internationales et à ne pas les politiser.
La France a regretté les difficultés croissantes à parvenir à un consensus au sein du Conseil. De même, la délégation a rappelé l’importance d’un financement robuste du pilier droits humains. Quels défis et quels enseignements tirez-vous de ces deux dernières années pour le Conseil en tant qu’institution, s’est enquise l’Australie qui s’exprimait au nom d’un groupe de pays.
El Salvador s’est enorgueilli de l’adoption par consensus de la résolution coparrainée par sa délégation sur les conséquences de la pandémie de COVID-19 pour les droits humains des jeunes. La Grèce a également pris la parole suivie du Mexique qui a souhaité savoir comment le Conseil peut contribuer à l’amélioration et au renforcement du lien entre les droits humains et le Programme 2030.
L’Égypte a appelé à préserver les mécanismes existants du Conseil, en particulier l’Examen périodique universel (EPU) et les procédures spéciales. Elle a rappelé à cet égard que la création du Conseil reflétait l’aspiration des États Membres à sortir de l’impasse dans laquelle se trouvait son prédécesseur en raison de la politisation des débats. La délégation a donc formé le vœu que la polarisation actuelle du Conseil ne mène pas au même résultat.
Le Conseil peut faire « plus et mieux », notamment en dépassant le travail en silo et en collaborant davantage avec New York, notamment avec la Troisième Commission, a estimé pour sa part le Maroc. Des progrès sont également possibles dans la mise en œuvre des résolutions du Conseil et des recommandations issues de l’EPU ainsi que dans le fonctionnement du Conseil, a estimé la délégation en plaidant également pour plus grande participation des ONG et de la société civile à ces travaux.
Après s’être félicité de l’adoption de la résolution historique reconnaissant le droit à un environnement sain et durable, le Portugal s’est déclaré inquiet de la polarisation accrue des débats et des doublons de résolutions traitant de la même question. Comment le Conseil peut-il continuer à être à la hauteur des aspirations dans le domaine des droits humains, s’est-il interrogé.
De son côté, le Yémen s’est ensuite félicité de la décision prise par le Conseil de ne pas proroger le mandat du Groupe d’experts sur le Yémen. Ce Groupe ne s’est pas rendu au Yémen et a reçu ses informations de sources non fiables, a-t-il dénoncé, constatant que le rapport issu des travaux de ces experts n’a pas correctement reflété la situation sur le terrain. Face au nombre croissant des réfugiés et des victimes de la traite des êtres humains, l’Ordre souverain de Malte a fait valoir le rôle des institutions confessionnelles et des organisations de la société civile est essentiel pour garantir la protection des communautés vulnérables.
Répondant aux questions et commentaires des délégations, la Présidente du Conseil des droits de l’homme a tout d’abord évoqué l’arrêt des travaux du Groupe d’experts sur le Yémen, soulevé par plusieurs pays dont le Yémen lui-même. Notant que les réactions à cette décision sont « partagées », elle a tenu à assurer que le Conseil maintiendra son assistance au Yémen et au renforcement des capacités de son gouvernement, ce point de son ordre du jour ayant reçu un large appui. « Le fait qu’un mécanisme n’existe plus ne veut pas dire qu’on ne s’intéresse plus à la question », a-t-elle fait valoir avant de rappeler l’importance des procédures spéciales. Leur valeur tient au fait que des experts peuvent se rendre dans des pays, voir ce qui se passe sur place et publier des rapports assortis de recommandations constructives dans le domaine des droits humains, a souligné Mme Shameem Khan. À ses yeux, ces recommandations sont essentielles pour élaborer et mettre en œuvre les programmes dans chaque pays, développé ou en développement. Observant à ce sujet que plusieurs États Membres ont critiqué ce mécanisme, elle a fait valoir qu’il est nécessaire d’établir et de maintenir un dialogue entre les titulaires de mandats et les États. Partisane d’une « communion d’esprit » entre les parties prenantes, elle a aussi appelé au respect du Code de conduite et à une plus grande participation.
Abordant ensuite la question des synergies entre New York et Genève, sujet de préoccupation de nombreuses délégations, Mme Shameem Khan a souligné que cette nécessaire collaboration est la raison de sa venue au siège new-yorkais de l’ONU, et ce, en dépit des restrictions liées à la pandémie. « Je suis là pour vous parler de ce que nous faisons et pour vous rencontrer », a-t-elle déclaré, considérant que ces visites aident à combler les lacunes et à maintenir le dialogue. Elle a ainsi rappelé qu’à cette fin, le Président de l’ECOSOC s’est rendu cette année à Genève. Pour la Présidente du Conseil, la communication doit également être encouragée au niveau des États, afin de mieux travailler ensemble mais aussi d’éviter les doubles emplois.
S’agissant des représailles et de leurs effets néfastes sur les défenseurs des droits humains, Mme Shameem Khan a mis en garde les États qui se livrent à des intimidations ou des violences à l’égard de représentants de la société civile. Pour contrer ces menaces, nous suivons un « processus de diplomatie », a-t-elle indiqué, précisant que lorsqu’une plainte est déposée, le Conseil en vérifie la nature, écoute les ONG qui en sont à l’origine puis contacte le représentant du pays concerné. Nous l’avertissons alors que si ces mesures d’intimidation perdurent, il sera difficile d’avoir un débat robuste avec cet État au niveau du Conseil. C’est une méthode efficace et cela permet de maintenir la pertinence du Conseil, a-t-elle assuré. La Présidente a par ailleurs estimé que la résolution du Conseil sur les technologies émergentes démontre qu’il peut se saisir de questions d’actualité et les mettre en rapport avec la réalisation des droits humains. Il en a été de même avec la résolution sur la pandémie de COVID-19, qui a permis au Conseil de lancer un appel en faveur de l’accès universel aux vaccins. Ce sont des débats importants, a-t-elle affirmé en remerciant les pays qui ont soutenu ces textes.
Mme Shameem Khan a également jugé crucial que les discussions du Conseil aient des effets sur le terrain. Concédant qu’il y a des lacunes dans la mise en œuvre de ses recommandations au niveau local, elle a estimé qu’au-delà de l’EPU, la façon le plus efficace est de travailler avec la société civile et les organisations confessionnelles. Enfin, évoquant les défis auxquels doit faire face le Conseil dans la période actuelle, elle s’est félicitée que le travail en ligne ait débouché sur plus d’inclusion. Rendant hommage à la participation des États et des autres parties prenantes, notamment des ONG, elle a aussi soulevé la question des ressources, tout en se disant consciente qu’il n’y a pas un « chèque en blanc illimité » pour couvrir les travaux du Conseil. Un processus est en cours pour simplifier les processus et éviter les doublons, a-t-elle conclu.