En cours au Siège de l'ONU

Soixante-seizième session,
Réunions virtuelles – matin & après-midi
AG/SHC/4329

Troisième Commission: l’Envoyée spéciale pour le Myanmar met en garde contre le risque d’un conflit de longue durée

L’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Myanmar a alerté, aujourd’hui, devant la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, que les possibilités de replacer le pays sur la voie de la réforme démocratique s’amenuisent, alertant des risques qu’un conflit de longue durée ne s’installe, huit mois après la prise du pouvoir par les militaires. 

La Commission s’est également entretenue avec les procédures spéciales sur la situation des droits humains au Myanmar et en République populaire démocratique de Corée; ainsi qu’avec le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi.  Les titulaires de mandats chargés d’examiner les effets de la dette extérieure; de la promotion d’un ordre international démocratique et équitable;  et des droits des personnes atteintes par l’albinisme, ont également présenté leurs rapports respectifs et participé à des dialogues interactifs avec les États Membres. 

Au terme de son mandat, Mme Christine Schraner Burgener a déclaré que le Myanmar va tout droit dans un précipice et que, quels que soient les sacrifices nécessaires de la part de la communauté internationale, ils ne seront qu’un prix minime à payer face au « défi monumental » qui se dessine pour les prochaines années.  La situation des droits humains et les conditions socioéconomiques et humanitaires sont en rapide déclin, de même que la capacité du pays à faire face à la COVID-19, a-t-elle souligné. 

Sans une « action à l’unisson » de la communauté internationale pour faire pression, épauler et faciliter la réconciliation et la résolution, la violence perdurera et risque de devenir un conflit de longue durée, a-t-elle auguré.  Tant que la Tatmadaw n’aura pas manifesté de signe sérieux envers un règlement pacifique, les États Membres et les organisations régionales doivent faire preuve de prudence et s’abstenir d’actes qui pourraient être légitimateurs, a encore mis en garde l’Envoyée spéciale du Secrétaire général qui a dit ne pas voir d’avenir viable pour le Myanmar dirigé par la Tatmadaw. 

Les personnes dont la vie a été bouleversée par cette crise veulent que le monde « sache l’horreur qui a englouti » le Myanmar, a alerté pour sa part le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.  M. Thomas H. Andrews, a insisté sur la « responsabilité mondiale » face à cette crise, car « nous sommes très probablement à la veille d’une nouvelle catastrophe ».  Le Rapporteur spécial a appelé le Conseil de sécurité à emboîter le pas à l’Assemblée générale par l’adoption d’une résolution interdisant les ventes d’armes au Myanmar, d’autant plus nécessaire que des armes et des technologies à double usage continuent d’être vendues à la junte. 

À l’occasion du dialogue interactif, le Myanmar a résumé la complexité de la situation en affirmant que « la junte est en guerre avec tout le peuple, qui ne veut pas d’elle », avant de mettre l’accent sur la prise de conscience de la population, y compris des minorités ethniques. 

De son côté, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), a mis l’accent sur l’isolement sans précédent de ce pays.  Qualifiant de crimes contre l’humanité certaines des violations, il a en outre demandé le renvoi de la situation en RPDC devant la Cour pénale internationale (CPI), ou, à défaut, la création d’un tribunal ad-hoc ou d’un autre mécanisme comparable. 

M. Tomás Ojea Quintana, qui achève également son mandat, a notamment dénoncé les mesures draconiennes pour faire face à la COVID-19, les autorités de la RPDC ayant en effet mis en place une politique autorisant à tirer sur les personnes qui tentent d’entrer ou de quitter le pays.  Face aux entraves à l’assistance humanitaire et sanitaire, et à une population qu’on affame, le Rapporteur spécial a fustigé une « apathie rampante » de la communauté internationale à l’égard de la détérioration de la situation humanitaire et des droits humains qui « ne peut plus durer ». 

La communauté internationale a également été appelée à maintenir sa vigilance au Burundi car, en dépit des nombreuses promesses du Président burundais, M. Évariste Ndayishimiye, seuls des gestes symboliques et des mesures souvent controversées ont été posés jusqu’à présent pour améliorer la jouissance des droits de l’homme, a affirmé le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, qui présentait le dernier rapport de cette Commission.  Ces gestes, a opiné M. Doudou Diène, ne sont, « ni suffisants, ni adéquats » pour avoir un impact durable et profond. 

La Commission a identifié huit facteurs de risque, dont certains ont des origines coloniales, enracinées, qu’il ne sera pas facile de faire changer, a indiqué M. Diène, appelant les autorités à appliquer et élargir les mesures qu’elles ont entamées.  Elle prend en outre note de la décision du Conseil des droits de l’homme de créer un mandat de Rapporteur spécial chargé de suivre avec rigueur et objectivité la situation des droits humains au Burundi, mais regrette que le Burundi ait d’ores déjà signifié son refus de coopérer avec le Rapporteur spécial et espère que le gouvernement reviendra sur sa position afin de démontrer son engagement en faveur des droits de l’homme. 

Le Burundi a rejeté le rapport « subjectif et déphasé », et ses recommandations dont les rédacteurs poursuivent des « objectifs politiques non avoués », au moment même où toute la communauté internationale perçoit des progrès significatifs dans tous les domaines relatifs aux droits de l’homme au Burundi. 

La Troisième Commission reprendra ses travaux lundi 25 octobre à 10  heures.                                         

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Exposé

M.  LIVINGSTONE SEWANYANA, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, a plaidé en faveur d’un multilatéralisme renouvelé plus efficace et inclusif, en vue de faire face à la pandémie COVID-19 en cours et aux futurs défis mondiaux.  En ce sens, la distribution équitable des vaccins dans le monde, en tant que principal moyen de protéger la santé publique mondiale, devrait être, de l’avis de M.  Sewanyana, la manifestation la plus profonde de l’esprit et de la raison d’être du multilatéralisme.  Or, a-t-il déploré, on est témoin maintenant d’une « pandémie à deux voies », les pays à revenu élevé ayant accès aux vaccins tandis que les autres sont confrontés à une situation très précaire avec un accès limité aux vaccins. 

À cet égard, il s’est dit « consterné » par les cas de nationalisme et de thésaurisation des vaccins, au moment où une approche multilatérale pour distribuer les vaccins à l’échelle mondiale de manière équitable devrait être la seule solution.  Un autre phénomène qu’il a observé avec dépit est la « diplomatie des vaccins, » où ces derniers sont devenus une arme diplomatique dans l’arsenal de certains États pour accroître leur influence géopolitique sur d’autres pays, entravant ainsi la distribution équitable des vaccins. 

Afin de renouveler le multilatéralisme, il a engagé les États à renforcer l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avant la prochaine épidémie, à travers un financement adéquat, et, plus généralement, de renforcer l’architecture sanitaire mondiale.  Il a également exprimé son soutien à l’adoption d’un traité international pour la préparation et la réponse aux pandémies afin de compléter le règlement sanitaire international.  Ce nouvel instrument devrait faire explicitement référence aux obligations pertinentes des États en matière de protection des libertés et des droits de l’homme fondamentaux pendant la pandémie, a-t-il souligné. 

Poursuivant, l’Expert indépendant a indiqué que pour une reprise économique équitable, il est impératif d’éviter une crise majeure de la dette mondiale et d’accroître la marge de manœuvre budgétaire des pays touchés par la pandémie, en tenant compte des vulnérabilités préexistantes des pays en développement en matière d’endettement.  Ici aussi, il s’est félicité des mesures d’urgence prises jusqu’à présent par les différentes parties prenantes, notamment le FMI et la Banque mondiale, pour atténuer les effets de la crise.  Procéder à une refonte du système fiscal mondial est une autre mesure qu’il préconise afin d’accroître la marge de manœuvre budgétaire des pays touchés par la pandémie. 

À ce sujet, le récent accord international sur la réforme fiscale mondiale adopté par le G7 et approuvé ensuite par le G20, est certes un « pas en avant significatif », mais reste, à ses yeux, encore en-deçà des attentes, car il bénéficiera principalement aux pays riches.  De ce point de vue, il a proposé une réforme fiscale internationale, mais dans le cadre des Nations Unies afin de garantir l’inclusion mondiale.  Il a également suggéré la création d’un fonds mondial pour la protection sociale et l’introduction d’un revenu de base universel d’urgence. 

M. Sewanyana a par ailleurs mis en garde contre l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur la santé et le bien-être des personnes vulnérables, en particulier les femmes, les enfants et les personnes handicapées.  Ces mesures subies en particulier par les populations des pays ciblés, sont contraires à l’essence même du multilatéralisme, a-t-il tranché. 

Il a ensuite encouragé à un multilatéralisme renouvelé, impliquant une série de réformes attendues depuis longtemps, notamment celles du Conseil de sécurité pour en faire un organe plus démocratique, et du Conseil économique et social qui doit être un acteur clé dans la reprise.  Il a également appelé à élargir le niveau de participation des pays en développement dans les institutions financières internationales.  En cette période de grands bouleversements, où le concept même de multilatéralisme est fortement menacé, l’Expert a appelé à saisir l’occasion qu’offre la pandémie pour reconstruire un monde plus résilient, tout en instaurant un ordre international démocratique et équitable. 

Dialogue interactif

Suite à cet exposé, Cuba a exhorté l’Expert à continuer d’étudier les conséquences des mesures coercitives unilatérales ainsi que la question de l’accès inégale aux vaccins contre la COVID-19.  L’application de mesures coercitives unilatérales est la conséquence d’une conception unilatérale de l’ordre mondial qui n’est pas en phase avec les temps nouveaux, a souligné le Venezuela.  La Chine a, pour sa part, exhorté à mettre fin à la pratique de l’unilatéralisme de facto. 

N’y a-t-il pas une utilisation abusive du nationalisme vaccinal par certains pays qui recourent à des mesures limitatives unilatérales en violation des droits humains, s’est interrogée la Fédération de Russie.  La délégation a par ailleurs appelé l’Expert à respecter les limites de son mandat, estimant que la question « complexe » de la réforme du Conseil de sécurité et du Conseil économique et sociale n’en relève pas. 

Prenant la parole au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a condamné toute tentative politiquement motivée ou toute utilisation abusive de la coopération internationale à des fins de promotion de la démocratie.  Il a également décrié la marginalisation ou l’exclusion des pays non alignés de la pleine participation dans les organes intergouvernementaux du système des Nations Unies. 

Répondant aux délégations, l’Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, a souligné que la réalisation des objectifs de développement durable nécessite une solidarité internationale notamment pour lutter contre les changements climatiques et la pauvreté.  « Le multilatéralisme est le seul moyen d’avancer », a-t-il déclaré.  Préoccupé par l’impact négatif sur les populations des mesures coercitives unilatérales, il a plaidé pour l’adoption de mesures plus progressives. 

La couverture de cet échange a été entravée par une interruption de l’interprétation. 

Exposé

Mme ATTIYA WARIS, Experte indépendante chargée d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a constaté que de la crise sanitaire engendrée par la pandémie de COVID-19, il résulte une « situation d’endettement instable » qui affecte gravement les pays à revenu faible ou intermédiaire et les petits États insulaires en développement, ainsi que les droits humains.  De fait, le service de la dette détourne de plus en plus de ressources, aux dépens des besoins urgents des personnes vivant dans la pauvreté et sans accès adéquat à leurs droits à l’alimentation, à la sécurité sociale, à la santé ou au logement, a-t-elle relevé, ajoutant que « tout cela, couplé à la crise climatique, conduit à un creusement des inégalités ».  Mme Waris s’est également déclarée préoccupée par le faible taux de vaccination enregistré dans de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, jugeant inacceptable que seulement 2% des personnes dans les pays pauvres aient reçu au moins une dose. 

Récemment nommée à cette fonction, l’Experte indépendante a dit vouloir consacrer son mandat aux obligations financières internationales et aux droits humains.  Les États, a-t-elle souligné, ont besoin de l’espace fiscal et des ressources financières pour investir dans les services essentiels et ainsi promouvoir et protéger activement tous les droits humains.  Elle a ensuite présenté le rapport de son prédécesseur, consacré à la réforme de l’architecture internationale de la dette sous l’angle des droits de l’homme.  Bien souvent, a-t-elle expliqué, les crises de la dette donnent lieu à un « cercle vicieux » d’endettement et de restructuration.  Les litiges sont fréquents et touchent tout particulièrement les pays les plus pauvres.  Bien que des propositions de réforme aient été avancées, peu de progrès ont été réalisés jusqu’à présent, a noté Mme Waris.  Pourtant, a-t-elle rappelé, lors du segment de haut niveau de cette session de l’Assemblée générale, plus de 30 dignitaires ont explicitement souligné la nécessité de développer un mécanisme de règlement de la dette.  Le Secrétaire général a également appelé à plusieurs reprises à une réforme de l’architecture de la dette existante, rejoint par la Directrice du Fonds monétaire international (FMI). 

Le rapport, a poursuivi l’Experte indépendante, est un nouvel appel à la réforme lancé aux États et à la communauté internationale.  Ses recommandations ont un double objectif: prévenir les crises futures et résoudre les crises d’endettement actuelles conformément aux règles et normes des droits humains.  Pour que cesse le « cycle des crises et des restructurations ratées », il recommande d’évaluer l’impact sur les droits humains pour déterminer les dettes qui peuvent être remboursées et l’ampleur d’un allégement.  Il préconise aussi un moratoire immédiat pour les pays durement touchés par la pandémie, a précisé Mme Waris, saluant au passage la décision d’allouer des droits de tirage spéciaux (DTS) à hauteur de 650 milliards de dollars, qui selon elle ne doivent pas être comptés comme aide publique au développement (APD) mais aller au développement. 

Parmi les autres recommandations du rapport figurent un mécanisme de règlement de la dette légitime, indépendant et équitable, avec le moins de coûts possible pour les pays débiteurs; des prêts et emprunts souverains; une évaluation de la viabilité de la dette liées aux droits humains et aux objectifs de développement durable; une réforme des agences de notation de crédit pour éviter les conflits d’intérêts; et la poursuite de la réforme des quotes-parts au FMI. 

Dialogue interactif

Les Fidji ont indiqué que pour les petits États insulaires en développement (PEID)les effets négatifs de la dette sont très préoccupants car la reprise sera lente, évoquant notamment les répercussions de la pandémie de COVID-19 et les impacts de la crise climatique.  Tout en saluant l’émission de nouveaux droits de tirage spéciaux (DTS), les Fidji ont regretté l’insuffisance des liquidités pour des États comme le sien.  À son avis, l’instauration d’un indice de vulnérabilité dans les mécanismes de prêts est nécessaire pour que les énormes défis des petits États en développement soient pris en considération.  De plus, ont-t-ils ajouté, l’aide publique au développement (APD) doit être accrue, « c’est essentiel pour les petits États insulaires ». 

Pour les pays en développement, le niveau élevé de la dette fait courir le risque d’une destruction des acquis en matière de développement, a alerté l’Éthiopie.  S’il importe de poursuivre les efforts en tenant compte des objectifs de développement durable, il faut aussi continuer à travailler sur le problème de la dette des pays les moins avancés (PMA), a-t-elle plaidé, appelant à de meilleurs flux financiers pour assurer des allègements et des restructurations de la dette.  Dès lors, comment inclure la promotion et la protection des droits humains dans le nouveau programme d’action pour les PMA? 

À son tour, Cuba a constaté que les retombées négatives de la dette extérieure sur la jouissance des droits humains sont indéniables, surtout en ces temps de pandémie.  De nombreux pays en développement doivent choisir entre consacrer leurs ressources limitées au traitement de cette crise sanitaire et socioéconomique et honorer leur dette.  C’est la conséquence d’un ordre international « injuste », a-t-elle tranché, estimant que la solution réside dans le multilatéralisme, la coopération internationale et la solidarité, ce qui suppose l’abandon des mesures coercitives unilatérales. 

Dans une brève réponse aux questions et commentaires des délégations, Experte indépendante chargée d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a observé que les préoccupations soulevées sont « réelles » et a indiqué que son rapport fournit des recommandations pour changer la donne actuelle.  À ses yeux, établir une séparation entre les réalisations immédiates et à venir serait une erreur.  Il y a des droits économiques, sociaux et culturels, et nous avons la possibilité, dès maintenant, d’apporter un appui financier et fiscal à tous ces droits, a-t-elle fait valoir.  Quant au traitement de la dette extérieure, Mme Waris a estimé que les agences de notation ont un grand rôle à jouer car elles peuvent modifier les taux d’intérêts pour les prêts.   Il faut voir comment tout cela peut être amélioré grâce à la coopération internationale, a-t-elle conclu, reconnaissant que ce ne sera pas chose aidée, comme le rappelle aujourd’hui le nationalisme vaccinal. 

Exposé

Mme MULUKA-ANNE MITI-DRUMMOND, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, a présenté le dernier rapport de son prédécesseur, Mme Ikponwosa Ero, centré sur les obstacles comportementaux que rencontrent les personnes atteintes d’albinisme dans le monde. Elle définit ces obstacles comme des représentations négatives généralisées et des systèmes de valeurs qui mettent l’accent sur ce qui rend une personne différente d’une autre, plutôt que sur la dignité inhérente à toute personne humaine et sur les capacités et les caractéristiques positives d’une personne.  De tels comportements émanent d’une méconnaissance de l’albinisme et de ses défis, a-t-elle précisé. 

Le rapport couvre plusieurs régions: Afrique, Asie-Pacifique, Europe, Amérique latine, Amérique du Nord et Caraïbes.  Manifestes à tous les niveaux de la société, les préjugés et les stéréotypes socioculturels profondément ancrés qui touchent les personnes atteintes d’albinisme ont tendance à aggraver les violations des droits humains dont elles sont victimes, et, pour beaucoup, remettent implicitement ou explicitement en cause leur humanité même. 

Dans toutes les régions mentionnées, les personnes vivant avec l’albinisme confient qu’elles souffrent de l’exclusion sociale, d’un accès inadéquat à l’emploi ou à des possibilités de revenu, aux soins de santé et à l’éducation. L’Experte indépendante a révélé avoir aussi été saisie d’informations qui ont régulièrement souligné l’effet cumulatif des comportements négatifs sur la santé mentale des personnes atteintes d’albinisme, ce qui aboutit à des problèmes de santé mentale tels que l’anxiété, les crises de panique, la dépression et des envies de suicide. 

En outre, dans certains pays, des termes péjoratifs à l’encontre des personnes vivant avec l’albinisme, comme « fantôme », « singe blanc » ou « malédiction », sont monnaie courante; et les médias ont également alimenté des perceptions négatives de ces personnes.  Ainsi, bien souvent, elles sont présentées comme méchantes, sadiques, mystiques ou supranaturelles, a expliqué Mme Miti-Drummond, ajoutant que tout cela exacerbe la discrimination et la stigmatisation que ces personnes ressentent. 

D’un autre côté, les femmes et les enfants sont les principales victimes des violations des droits humains.  C’est ainsi que dans certaines nations d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient et d’Amérique latine, il est particulièrement ardu pour une femme atteinte d’albinisme d’avoir une relation amoureuse durable.  Dans certaines régions du monde, les femmes sont abandonnées par leurs époux, ou partenaires, lorsqu’elles donnent naissance à un enfant atteint d’albinisme, et sont alors accusées d’adultère en raison de la couleur de l’enfant.  Partout dans le monde, les enfants sont également harcelés; perçus comme des parias à l’école et dans la communauté où ils vivent.  En Afrique, a souligné Mme Miti-Drummond, ils sont souvent victimes d’attaques parce qu’on croit que les parties du corps d’un enfant atteint d’albinisme seraient plus puissantes pour les rituels. L’Experte indépendante a indiqué que depuis le début de son mandat, le 1er août, elle a été informée de quatre cas d’agression où la majorité étaient des enfants atteints d’albinisme.  Par ailleurs, les affections de la vue et le cancer de la peau résultant de l’albinisme ne sont guère pris en considération dans les politiques de santé et par le milieu médical. 

Parmi les futurs efforts, Mme Miti-Drummond a prié les États Membres de s’attaquer aux causes sous-jacentes des obstacles comportementaux et ce, par davantage de volonté politique et par des actions concrètes via des partenariats stratégiques et la coopération.  Elle les a également exhortés à lutter contre les stéréotypes négatifs et les pratiques néfastes et à faire de l’accès des personnes atteintes d’albinisme à des normes adéquates de santé, d’éducation et d’emploi une priorité.  De même, les États Membres doivent mettre en œuvre des plans d’action nationaux dotés de crédits budgétaires pluriannuels et assurer la participation effective des personnes atteintes d’albinisme aux décisions les concernant.  Elle a en outre appelé les membres de l’Union africaine à adopter le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes handicapées en Afrique, lequel mentionne spécifiquement l’albinisme, et à mettre en œuvre les directives pour les parlementaires relatives aux accusations de sorcellerie dès qu’elles seront adoptées.  Enfin, tous les États doivent inclure l’albinisme, qui entraine une augmentation des risques de cancer de la peau, dans les politiques liées au handicap. 

Dialogue interactif

L’Union européenne a demandé à tous les pays de faire cesser les violences à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme, y compris sexuelles et sexistes par le biais de meilleures campagnes de sensibilisation.  Alarmée des conclusions du dernier rapport sur le droit à la santé reproductive des femmes, elle a également voulu savoir comment les États peuvent garantir une meilleure démarche face à ce problème. 

La République-Unie de Tanzanie a pointé les paragraphes 23 et 24 du rapport, soulignant que les données sur les mythes et les superstitions concernant la République-Unie de Tanzanie remontent à trois ans, tandis que l’Inde a pour sa part regretté que l’Experte indépendante tienne compte d’une seule source, en l’occurrence une société privée, l’exhortant à se montrer plus « professionnelle » à l’avenir. 

L’examen des obstacles comportementaux est très important car il est probable que les barrières évoquées dans le rapport ne soient que la pointe de l’iceberg, a estimé pour sa part le Malawi qui a par ailleurs indiqué que d’importants progrès ont été accomplis dans le cadre de sa coopération avec l’Experte indépendante.  La délégation a évoqué des activités quotidiennes visant à engranger un changement au sein de la société, à encourager les médias à changer leur discours et à prendre en compte les besoins des personnes souffrant d’albinisme, en particulier en termes de santé.  La délégation a également indiqué que deux personnes viennent d’être condamnées à perpétuité pour l’assassinat d’une personne atteinte d’albinisme. 

Suite à ces questions et commentaires, l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme a appelé les États à mettre en œuvre des plans multisectoriels pour veiller à ce que ces personnes ne demeurent pas invisibles et que les marginalisés ne soient pas laissés pour compte.  Elle a indiqué que le rapport a été rédigé sur la base d’un vaste processus de consultation, y compris auprès des personnes concernées qui ont relaté leurs souffrances et fait part de leurs doléances.  L’Experte indépendante a indiqué qu’elle espère poursuivre le dialogue sur une base bilatérale. 

Déclaration d’ordre général

Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a déclaré que la question des droits humains doit être traitée sans confrontation et de manière non politisée, sur la base d’un dialogue d’égal à égal et en respectant la souveraineté nationale et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  L’impartialité, la transparence et la non-sélectivité doivent en être les principes fondamentaux, en tenant compte des particularités spécifiques de chaque pays. 

Il a souligné le rôle du Conseil des droits de l’homme (CDH) en tant qu’organe subsidiaire responsable de l’examen de la situation des droits humains dans tous les pays dans le contexte de l’Examen périodique universel (EPU), et ce sur la base de la coopération et dialogue constructif.  Le Mouvement s’est dit préoccupé par la prolifération de résolutions sélectives à l’égard de certains pays au sein de la Troisième Commission ainsi qu’au CDH, décriant un outil utilisé à des fins politiques et violant les principes d’impartialité, d’objectivité et de non-sélectivité dans l’examen de la question des droits de la personne.  Cette situation mine la coopération internationale, a-t-il affirmé.  La délégation a par ailleurs appelé à assurer la complémentarité entre les travaux de la Troisième Commission et le CDH pour éviter les doubles emplois et créer des relations constructives entre eux sur la question des droits humains. 

Exposé

À l’occasion de sa dernière intervention devant la Troisième Commission avant la fin de son mandat, Mme CHRISTINE SCHRANER BURGENER, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Myanmar, a déclaré que, huit mois après la prise du pouvoir par les militaires, le 1er février dernier, la situation générale au Myanmar ne cesse de se détériorer, avec une intensification du conflit dans de nombreuses régions du pays. Elle a également indiqué que la répression par les militaires aurait fait plus de 1 180 morts. Dans ce contexte, elle a souligné la nécessité urgente de s’attaquer à l’impunité, déclarant en outre que de toute évidence, c’est le peuple qui est le véritable gardien du Myanmar. Femmes, hommes, jeunes, personnes âgées, fonctionnaires publics, et organisations de la société civile, entre autres, ils œuvrent de concert, conscients de l’importance de dépasser les divisions antérieures et de rechercher l’unité au-delà des obstacles de l’ethnicité et de la religion. 

À l’instar du Secrétaire général, l’Envoyée spéciale a exhorté à replacer le Myanmar sur la voie de la réforme démocratique, alertant que les possibilités de le faire se réduisent.  Les souffrances des communautés déjà vulnérables, telles les Rohingya, et des minorités religieuses et ethniques, ne font qu’augmenter et l’optimisme quant à une résolution rapide ne fait que s’éloigner, a-t-elle prévenu.  La situation des droits humains et les conditions socioéconomiques et humanitaires sont en rapide déclin, de même que la capacité du pays à faire face à la COVID-19. Sans une « action à l’unisson » de la communauté internationale pour faire pression, épauler et faciliter la réconciliation et la résolution, la violence perdurera, a encore mis en garde Mme Schraner-Burgener.  Selon elle, si la conjoncture actuelle persiste, le scénario le plus probable pour le Myanmar serait celui d’un conflit de longue durée, marqué par un effritement continu de l’économie, un déplacement de plus grande ampleur et une situation de plus en plus grave en matière des droits humains, avec de graves conséquences tant pour le peuple du Myanmar, que pour ses voisins et la région tout entière. 

Le Myanmar va tout droit dans un précipice et, quels que soient les sacrifices nécessaires de la part de la communauté internationale, ils ne seront qu’un prix minime à payer face à un « défi monumental » qui se dessine pour les prochaines années, a poursuivi l’Envoyée spéciale.  Les souffrances infligées aux minorités sont désormais une réalité pour l’ensemble du Myanmar alors que l’armée reste sourde aux appels à la prévention d’une escalade de la violence et refuse de prendre des mesures pour réduire la tension, comme la libération immédiate des membres du Gouvernement du Myanmar, notamment le Président Win Myint et la Conseillère d’État, Mme Aung San Suu Kyi. 

Mme Schraner-Burgener a ensuite expliqué qu’elle avait recherché, en consultation avec un éventail de parties prenantes, une solution pacifique à travers le dialogue constructif tout en priant les parties de faire preuve de retenue.  Cependant, les militaires n’ont pas salué cet effort qui aurait permis d’éviter que les autres parties estiment qu’elles n’ont pas d’autre choix que celui de la violence. L’absence de progrès autour du consensus en cinq points de l’ASEAN a également été problématique. 

Abordant la question humanitaire, l’Envoyé spéciale a indiqué que le nombre de personnes dans le besoin a triplé en moins de neuf mois et que les perspectives de rapatriement des Rohingya qui se trouvent au Bangladesh s’amenuisent.  Tant que la Tatmadaw n’aura pas manifesté de signe sérieux envers un règlement pacifique, les États Membres et les organisations régionales doivent faire preuve de prudence et à s'abstenir d’actes qui pourraient être légitimateurs, a-t-elle exhorté.  Dans une conclusion émue, l’Envoyée spéciale a déclaré: « Je ne vois pas d’avenir viable pour le Myanmar dirigé par la Tatmadaw.  Si le commandant en chef Min Aung Hlaing est sincèrement préoccupé par l’avenir, il doit rendre le pouvoir de la Tatmadaw au gouvernement civil dans le respect de la volonté du peuple. » 

Dialogue interactif  

Dans un premier temps, le Myanmar a remercié l’Envoyée spéciale pour son exposé « très franc » et a fait part de son appréciation pour l’appui qu’accorde l’ONU aux aspirations démocratiques du Myanmar. Il déclaré qu’il est temps d’avoir une position unie pour engager le pays sur la voie de la démocratie, notamment en libérant le Président Win Myint et les autres personnalités politiques, décriant en outre la destruction des institutions démocratiques « Cinquante-quatre millions de personnes ne peuvent pas être gouvernées de la sorte », s’est-il exclamé. Partisan de moyens pacifiques pour faire respecter le choix des élus, le représentant du Myanmar a dénoncé la « réaction atroce » des militaires qui auraient tués plus de 1 900 personnes dont 75 enfants. 

Le peuple Myanmar n’aura d’autre choix que de recourir à des moyens non pacifiques compte tenu du coup d’état militaire qui terrorise la population, a averti le représentant du Myanmar.  La junte est en guerre avec tout le peuple, qui ne veut pas d’elle.  Il s’est ensuite enquis auprès de Mme Schraner-Burgener des recommandations qu’elle envisage de faire à son successeur pour la suite. Le Bangladesh a posé la même question, relevant par ailleurs qu’il n’y a eu aucun changement pour les personnes se trouvant dans les camps de déplacés. 

Sur quels éléments peut-on s’appuyer pour sortir le Myanmar de l’impasse, a demandé la Suisse qui s’est dite particulièrement préoccupés par l’usage excessif de la force.  Elle a également appelé les autorités militaires à libérer immédiatement et inconditionnellement toutes les personnes détenues arbitrairement, et à collaborer avec le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar. 

Comment aller de l’avant lorsque l’on sait que les responsables actuels du pays ne font rien, a interrogé le Liechtenstein, tandis que l’Allemagne a demandé aux militaires de cesser toute violation des droits humains, d’appliquer rapidement le consensus de l’ASEAN, et de relâcher les personnalités détenues.  Le Royaume-Uni s’est de son côté plus particulièrement préoccupé du sort des Rohingya, de même que l’Arabie saoudite qui a insisté pour que les membres de cette minorité musulmane puissent retourner au Myanmar. 

Le Danemark et l’Australie ont demandé à mettre fin aux exactions contre les manifestants pacifiques ainsi qu’à toutes les violences sexuelles et sexistes à l’égard des femmes. Une assistance humanitaire est urgente, a souligné à son tour le Japon qui a dit avoir contribué à hauteur de 20 millions de dollars aux opérations.  L’Indonésie a conseillé d’envoyer une assistance pour appuyer la riposte à la COVID-19, précisant avoir offert 1 millions de dollars à cette fin. 

Que pourra faire votre successeur pour enrayer la violence et arriver à une solution, s’est enquis l’Union européenne. La Turquie a appelé la communauté internationale à faire preuve de fermeté face à l’escalade de la violence, tandis que la Malaisie a espéré que les efforts de l’ASEAN seront appuyés par les autres États. La Thaïlande a également espéré que le prochain Envoyé spécial poursuivra ses efforts pour trouver une solution à la situation actuelle au Myanmar. 

La Fédération de Russie s’est pour sa part déclaré préoccupée de la tendance extrémiste de certaines parties de l’opposition, pointant notamment l’utilisation d’engins explosifs autonomes. Elle a invité à ne pas politiser la situation. 

Les États-Unis ont exhorté la communauté internationale à parler d’une seule voix pour condamner les actions militaires du pouvoir au Myanmar et appeler le « régime » à cesser la violence, libérer les personnes injustement détenues, remédier aux violations des droits humains et réinstaurer la démocratie. Les États-Unis ont appuyé, d’autre part, les efforts urgents de l’ASEAN tendant à presser les militaires à pleinement mettre en œuvre le consensus en cinq points, notamment en facilitant une visite de l’Envoyé spécial de l’ASEAN au Myanmar. La délégation a toutefois déploré que les militaires ne se montrent pas disposés à s’engager de façon positive avec l’ASEAN, ni à entamer un dialogue en vue d’une solution pacifique et juste à la crise actuelle. 

Réagissant à ces questions et commentaires, l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Myanmar a reconnu qu’il est clairement difficile d’appliquer la résolution de l’Assemblée générale adoptée le 18 juin sur les flux d’armes. S’agissant des recommandations destinées à son successeur, elle a dit avoir la certitude que ce sera une personne très compétente, évoquant par ailleurs la possibilité que le coup d’état échoue. 

Après avoir remercié le Bangladesh de son appui constant aux réfugiés Rohingya, l’Envoyée spéciale a insisté sur le caractère illégitime du pouvoir actuel et signalé que ce n’est qu’une fois que cette question sera réglée que les Rohingya pourront regagner le pays. Elle a par ailleurs indiqué que l’UNICEF, l’OMS et d’autres institutions ont mis au point, en coopération avec les organisations non gouvernementales, un plan de vaccination contre la COVID-19 qui vise à atteindre 4,5 millions de personnes. 

Exposé

M. THOMAS H. ANDREWS, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a rappelé que, depuis son dernier rapport, il y a un an, un coup d’état militaire a plongé le Myanmar dans une profonde crise humanitaire, économique et des droits humains.  Selon lui, les personnes dont la vie a été bouleversée par cette crise veulent que le monde « sache l’horreur qui a englouti leur pays ».  Beaucoup veulent aussi savoir si les États Membres des Nations Unies sont prêts à prendre les mesures nécessaires pour que cela change.  Or, a-t-il ajouté, la majorité des gens au Myanmar ont perdu cet espoir.  Au cours des derniers mois, ils ont connu une « descente abrupte », marquée par une augmentation des violations des droits humains et des attaques de la junte militaire, sans réponse proportionnée de la communauté internationale. 

Pour M. Andrews, il existe une « responsabilité mondiale » face à cette crise car, comme le documente son rapport, l’armée birmane s’est livrée à de « probables crimes contre l’humanité et crimes de guerre » depuis le coup d’état de février. Le Rapporteur spécial a ainsi fait état de plus de 1 100 civils assassinés; plus de 250 000 déplacés; et plus de 8 000 détenus arbitrairement et nombre d’entre eux torturés, parfois à mort.  De surcroît, au moins 100 journalistes ont été privés de liberté pour avoir rapporté la vérité, tandis que des professionnels de la santé ont été attaqués, harcelés et arrêtés en pleine pandémie. Sans oublier l’enlèvement et l’emprisonnement de membres de la famille de personnes recherchées par les forces de sécurité, parmi lesquels de jeunes enfants. 

Alors que les manifestations pacifiques contre la junte se poursuivent, a indiqué M. Andrews, ces violations « flagrantes et implacables » des droits humains et l’absence d’espoir ont conduit certains du Myanmar à former ce qu’ils appellent les « forces de défense du peuple ».  La junte a répondu aux pertes essuyées par des attaques « féroces et aveugles » contre des villages entiers.  Cela étant, ces forces d’oppositions se sont elles aussi rendues coupables de violations des droits humains.  « Elles sont tout aussi inacceptables et doivent cesser », a déclaré le Rapporteur spécial, selon lequel « nous sommes très probablement à la veille d’une nouvelle catastrophe ».  La junte a en effet déplacé des dizaines de milliers de soldats et des armes lourdes dans les régions du nord et du nord-ouest du pays, tout en coupant l’accès à Internet dans ces zones.  Ces tactiques, a-t-il souligné, « rappellent de façon inquiétante celles employées par l’armée avant ses attaques génocidaires contre les Rohingya dans l’Etat rakhine en 2016 et 2017 ». 

Face à cette situation alarmante, il faut comprendre que la junte dépend de la communauté internationale « pour l’argent, les armes et la légitimité », a poursuivi M. Andrews.  À ses yeux, cibler ces trois besoins tout en élargissant l’aide humanitaire au peuple du Myanmar, y compris aux Rohingya qui croupissent dans des camps de réfugiés à l’extérieur du pays, est « le meilleur moyen pour la communauté internationale d’aider ».  Il a ainsi noté que, suite à l’annonce par l’ASEAN que la junte ne serait pas la bienvenue à son prochain sommet, cette dernière a décidé de libérer plus de 5 000 prisonniers. Si certains ont de nouveau été emprisonnés, aucun n’aurait été libéré sans pression, a-t-il fait valoir. Selon lui, le Conseil de sécurité devrait maintenant adopter une résolution interdisant les ventes d’armes au Myanmar, en appui de celle adoptée en juin par l’Assemblée générale.  C’est d’autant plus nécessaire que des armes et des technologies à double usage continuent d’être vendues à la junte. 

Enfin, a-t-il dit, il importe d’augmenter la pression financière sur la junte.  Si les sanctions économiques sont « bienvenues et nécessaires », elles n’ont pas empêché la junte de s’emparer des revenus de l’État et des devises étrangères. Il a donc encouragé les États Membres à suivre l’appel de centaines d’organisations de la société civile au Myanmar, qui ont demandé que l’entreprise pétrolière et gazière nationale soit sanctionnée.  Cela peut être fait sans interrompre le flux d’énergie ni affecter le retour sur investissement des entreprises énergétiques, a-t-il assuré, avant de signaler que des millions de citoyens du Myanmar imposent déjà des « sanctions citoyennes » en refusant de payer leurs impôts et leurs factures de services publics, et d’acheter des produits associés à des entreprises appartenant à l’armée.  Selon certaines estimations, la junte a ainsi été privée d’un milliard de dollars de revenus, a indiqué M. Andrews, ajoutant que, pour être vraiment efficaces, « ces personnes ont besoin que les États Membres se joignent à elles ». 

Dialogue interactif 

Le représentant du Myanmar a salué le rapport de M. Andrews qui, selon lui, « rend bien compte de la situation », notamment des atrocités commises par les militaires contre la population civile et a appelé les États Membres à donner rapidement suite aux recommandations qu’il contient. Neuf mois se sont écoulés depuis le coup d’État militaire et la situation ne s’est pas améliorée, a-t-il constaté. Tout au contraire, le peuple du Myanmar continue de souffrir et les atrocités, les meurtres extrajudiciaires et les cas de torture se poursuivent. Dans ce contexte, la junte fait preuve d’une « défiance totale » vis-à-vis des condamnations de la communauté internationale. De fait, a noté le représentant, le régime militaire semble vouloir montrer au monde qu’il peut échapper à toute sanction. La communauté internationale doit démentir ces espoirs, d’autant plus que, comme le relève le rapport, « des crimes contre l’humanité ont probablement été commis » au Myanmar. A cet égard, le délégué a formé le vœu que le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar continue sa collecte de preuves afin qu’elles puissent servir à des poursuites pénales.  À ses yeux, la communauté internationale doit resserrer les rangs pour lutter contre l’impunité, « faute de quoi on assistera à une répétition des atrocités ».  Face à cette situation tragique pour les civils, en particulier les femmes et les enfants, le Gouvernement d’unité nationale poursuit ses efforts en faveur de la promotion et de la protection des droits humains, a assuré le représentant. Il appuie aussi les recommandations du Rapporteur spécial, car elles sont « conformes à ses objectifs », et s’efforce de soutenir le processus de responsabilisation par le biais d’une plainte déposée au greffe de la Cour pénale internationale (CPI).  Avant de conclure, le délégué a voulu savoir quelles démarches le Rapporteur spéciale compte mener auprès des États Membres pour qu’une suite soit apportée à ses recommandations. 

À sa suite, le Mexique a voulu en savoir plus sur l’impact des armes sur la détérioration de la situation des droits humains au Myanmar.  Quelle approche stratégique adopter pour arrêter le flux d'armes ? Et que peut faite la communauté internationale pour améliorer les chances de dialogue entre les différentes parties au Myanmar, s’est interrogée l’Irlande, tout en se disant préoccupée par le sort des Rohingya, dont plus d’un million se trouvent dans des camps de réfugiés à l’extérieur du pays. La délégation a également appelé à l’accès sans entrave de l’aide humanitaire au Myanmar, soulignant que cette aide « n’est pas un acte politique ».  La République de Corée a demandé au Rapporteur spécial de partager son évaluation de récents développements dans ce pays, tels que la libération de détenus. D’autre part, avez-vous un plan concret pour renforcer votre collaboration avec l'ASEAN, s’est-elle enquise. 

Le Venezuela a jugé que les mandats sur la situation des droits humains dans des pays spécifiques créent des espaces de confrontation et ne contribuent pas à un dialogue constructif avec les États. Pour la délégation, ces questions devraient être examinée dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), qui est l’instrument approprié. Lui emboitant le pas, le Bélarus a déploré un « gaspillage de ressources », avant de dénoncer le « contenu inapproprié » du rapport sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.  La Chine a elle aussi exprimé son opposition à la politisation de la question des droits humains. 

Quel peut être l’impact d’initiatives règlementaires au niveau multilatéral sur les droits humains au sein des entreprises transnationales en vue de limiter les investissements en faveur d’entreprises dirigées par des militaires, a voulu savoir le Luxembourg. Et quelle approche recommanderiez-vous aux pays qui entretiennent des relations diplomatiques avec la junte militaire?  L’Australie a souhaité savoir quels efforts coordonnés peuvent être déployés pour obliger le régime à honorer ses engagements, tandis que la Thaïlande a exhorté la communauté internationale à appuyer les efforts de l’ASEAN, notamment son Consensus en cinq points. 

À son tour, la France a renouvelé ses appels à la fin immédiate des violences contre les populations civiles, à la libération immédiate des personnes arbitrairement détenues et au respect de la volonté du peuple du Myanmar exprimée lors du scrutin du 8 novembre 2020, « conditions sine qua non d’un retour à la paix et à la stabilité politique ».  Elle a aussi appelé à un accès humanitaire sûr et sans entrave, alors que les effets « non maîtrisés » de la pandémie aggravent la situation de millions de personnes. 

L’Union européenne a souhaité en savoir plus sur la situation des enfants au Myanmar, notamment en ce qui concerne leur droit à l’éducation et à l’alimentation. Elle a également interrogé le Rapporteur spécial sur le sort des déplacés internes et des réfugiés, lui demandant s’il entrevoit des solutions.  À ce propos, a-t-elle ajouté, quelle perspective voyez-vous pour les Rohingya et avez-vous des contacts avec les autorités du pays à leur sujet ?  Comment la communauté internationale peut-elle soutenir davantage le mouvement prodémocratie, ont demandé les États-Unis, qui a exhorté à prendre des mesures concrète, notamment en imposant des sanctions économiques globales et en empêchant le transfert d'armes et de technologies à double usage aux militaires.  

La Turquie a jugé préoccupante la décision du régime militaire du Myanmar de reporter les élections à 2023.  Elle a également appelé à enquêter sur toutes les allégations de violations des droits humains, et demandé la libération de toutes les personnes illégalement détenues, ainsi qu’un accès humanitaire sans entrave aux personnes dans le besoin. Abondant dans ce sens, la Malaisie a demandé aux autorités du Myanmar de mettre en œuvre le Consensus en cinq points de l’ASEAN et d’offrir un accès aux titulaires de mandat de l’ONU.  Elle a aussi appelé la communauté internationale à soutenir les Rohingya pour leur permettre un retour sûr et digne dans leur patrie. 

Si le travail effectué par le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar est essentiel pour recueillir des preuves de torture et d'autres violations du droit international en vue d’une utilisation future dans les tribunaux pénaux, nous devons faire davantage, a soutenu le Royaume-Uni.  Certes, mais comment convaincre les autorités du Myanmar de coopérer avec ledit Mécanisme, a demandé le Bangladesh, relevant d’autre part que les violations recensées au Myanmar ne concernent plus un unique groupe ethnique mais l’ensemble de la population.  Il a rappelé à ce sujet qu’il continue d’accueillir des milliers de réfugiés rohingya qui souhaitent pouvoir rentrer dans leurs foyers. 

Compte tenu de l’inaction du Conseil de sécurité, que peuvent faire les États Membres en matière de redevabilité et pour enrayer les flux d’armes, a voulu savoir le Canada.  Saluant l’action du Gouvernement d’unité nationale, qui s’efforce d’assurer la transition démocratique interrompue par le coup d’État militaire, la République tchèque a voulu savoir si l’ASEAN peut influer sur un règlement du conflit.  La Norvège a appelé les militaires au pouvoir à cesser toute forme de violence, garantir le droit à la liberté d’expression et de réunion, et à coopérer avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU. 

En réponse aux questions et remarques des délégations, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a rendu hommage à la population du Myanmar, qui a fait preuve de courage et d’attachement aux droits humains. « C’est un honneur de travailler avec elle et pour elle », a souligné M. Andrews.  Il a ensuite confirmé que la situation au Myanmar s’est détériorée, comme l’atteste le doublement du taux de pauvreté dans le pays. Dans ce contexte dramatique, la junte au pouvoir a « décimé les droits humains », a-t-il constaté, rappelant que, depuis le coup d’État de février, la liberté d’expression et de réunion a été interdite, des milliers de personnes ont été violentées et des villages ont été attaqués. Parmi les nombreux civils tués figurent des mineurs, a souligné le Rapporteur spécial, selon lequel les enfants du Myanmar « souffrent énormément ».  Il faut les aider, a-t-il plaidé, tout comme il faut soutenir les Rohingya qui se trouvent encore au Myanmar ou qui sont réfugiés dans des camps hors du pays.  Ces personnes ont besoin de protection, a insisté M. Andrews, avant de saluer le Bangladesh qui leur a ouvert « ses frontières et son cœur ».  Ce que nous pouvons faire de plus important, a-t-il déclaré à l’attention des délégations, c’est de mettre fin à cette crise et de permettre à ces personnes de rentrer chez elles. « C’est l’engagement que j’ai pris en tant que Rapporteur spécial ». 

M. Andrews a ensuite souligné la nécessité d’œuvrer de concert à un règlement et de dialoguer avec les autorités en place. Mais pour que cette communication devienne possible, il faut exercer des pressions, a-t-il affirmé, estimant à cet égard que les mesures prises par l’ASEAN et la récente libération de prisonniers sont des enseignements utiles.  « Par le biais de pressions économiques et diplomatiques, nous pouvons rendre le dialogue possible, tout en réduisant les revenus dont se sert la junte pour faire perdurer son régime de terreur ». La junte a en effet des vulnérabilités puisqu’il lui faut des ressources importantes pour acheter des armes et approvisionner ses contingents, a-t-il signalé. Si certains pays appliquent déjà des sanctions prenant pour cibles le régime militaire et les entreprises qui en dépendent, il faut faire davantage et s’en prendre aux secteurs gazier et pétrolier qui n’ont pas encore été touchés, a-t-il souligné.  Il importe également, selon lui, d’interdire les exportations d’armes à destination de la junte, d’autant plus que « nous savons l’utilisation qui en sera faite ».  Dans le même temps, les États Membres doivent s’employer à réfuter toute légitimité à la junte, notamment dans les organisations régionales, et travailler étroitement avec le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar afin de contribuer à la préparation de plaintes.  Enfin, ils doivent accroître l’aide humanitaire au pays en œuvrant avec la société civile, les organisations ethniques et le Gouvernement d’unité nationale.  Le peuple du Myanmar a besoin que le monde se soucie de lui, a conclu le Rapporteur spécial, « l’heure est venue d’agir ». 

Exposé

La République populaire démocratique de Corée (RPDC) n’a jamais été aussi isolée de la communauté internationale qu’à l'heure actuelle, a alerté M. TOMÁS OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur lasituationdes droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Cette situation a un impact dramatique sur les droits humains de la population et réduit l’espoir de parvenir à une paix et une sécurité durables dans la péninsule coréenne, s’est inquiété M. Quintana qui a exhorté le gouvernement de la RPDC et la communauté internationale à inverser cette trajectoire en ravivant l'esprit de la coopération multilatérale. 

De fait, a-t-il informé, depuis le début de la pandémie, le gouvernement a pris des mesures drastiques pour empêcher le virus de se propager dans le pays, prétextant que toute progression de la pandémie aurait un impact dévastateur sur le droit à la santé de la population. Parmi les mesures draconiennes adoptées, il s’est notamment alarmé de la politique qui autorise à tirer sur les personnes qui tentent d'entrer ou de quitter le pays. 

Pire, ces restrictions accrues à la liberté de mouvement et la fermeture des frontières nationales ont paralysé l'activité du marché, provoquant une situation alimentaire tellement préoccupante que le Président Kim Jong Un a lui-même reconnu, au début de l’année, la gravité de la situation alimentaire. Les membres les plus vulnérables de la population, notamment les enfants, les personnes âgées et les personnes en détention, risquent de mourir de faim, a averti le Rapporteur, pour qui la population de la RPDC ne devrait pas avoir à choisir entre la peur de la faim et la peur de la COVID-19. 

Il s’est également inquiété de l’arrêt du travail humanitaire des Nations Unies et d'autres acteurs internationaux, notant qu’aucun membre du personnel international de l’ONU ne se trouve actuellement dans le pays qui quitte également le personnel diplomatique. Cette « apathie rampante » de la communauté internationale à l’égard de la détérioration de la situation humanitaire et des droits humains « ne peut plus durer », a-t-il martelé, s’inquiétant également du tarissement des informations en provenance du pays.  Dès lors, il a urgé le gouvernement de la RPDC et la communauté internationale à assurer à titre prioritaire le retour rapide des membres de l’équipe de pays de l’ONU pour qu’ils puissent entreprendre leur travail de secours. 

Le Rapporteur spécial a par ailleurs relevé qu’alors que la population est confrontée à des pénuries alimentaires et à l'effondrement de ses moyens de subsistance, l’État poursuit ses tirs de missiles et la région dans son ensemble s'oriente vers une course aux armements.  Voilà qui illustre bien le paradoxe du régime des sanctions! a-t-il lancé, scandalisé.  Pour M. Quintana, le moment est venu d'envoyer des signaux clairs, de prendre des mesures concrètes et de trouver des moyens créatifs pour donner un élan au processus diplomatique, qui est au point mort, afin de parvenir à une résolution pacifique du conflit.  Si des mesures ne sont pas prises maintenant, l’isolement extrême du pays depuis la COVID-19 pourrait se cristalliser et devenir la nouvelle norme, a-t-il averti.  Il a ensuite pressé la RPDC d’accepter l’offre d’assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme  (HCDH) et d’inviter la Haute-Commissaire et son équipe à se rendre dans le pays.  Il est également essentiel de s’engager davantage dans la mise en œuvre des recommandations de l’Examen périodique universel (EPU) et des organes de surveillance des traités. 

Poursuivant, il a exhorté à ne pas négliger la situation dans les camps de prisonniers politiques (kwanliso), les pires formes de travail des enfants, ainsi que la violation de la liberté de religion et l’accès à l’information.  Jugeant que certaines des violations les plus graves des droits humains peuvent être qualifiées de crimes contre l'humanité, il a renouvelé ses appels en faveur du renvoi de la situation en RPDC devant la Cour pénale internationale, ou de la création d'un tribunal ad-hoc ou d'un autre mécanisme comparable. 

Dialogue interactif 

Au cours de cet échange, de nombreux États Membres ont rejeté par principe, la pratique consistant à adopter des rapports, des mécanismes et des résolutions spécifiques à un pays, décelant des motivations d’ordre politique et non conforme aux principes d'impartialité, d'universalité, d'objectivité et de non- sélectivité.  Une position réitérée par la République arabe syrienne qui s’est opposé à l’utilisation de la Troisième Commission et des mécanismes des droits de l’homme pour prendre pour cible certains États. La République islamique d’Iran s’est déclarée catégoriquement contre cette approche contre-productive. 

Dans la même veine, la République démocratique populaire lao a rejeté les deux poids deux mesures et le Nicaragua a déploré la politisation des organes de l’ONU.  Le Zimbabwe a estimé le dialogue essentiel dans la promotion des droits de l’homme, récusant la confrontation et les accusations.  Le Cameroun a insisté sur l’importance de la coopération, tout comme Cuba qui s’est élevée contre les sanctions et châtiments imposés en violation des droits de la RPDC.  Le Venezuela a rejeté par principe la création de tels instruments sans le consentement des gouvernements ciblés.  De telles approches sont des outils contre-productifs qui utilisent les droits de l'homme à des fins politiques, a renchéri le Bélarus de même que l’Érythrée qui a affirmé ne pas être favorable au mandat du Rapporteur, estimant que l’EPU est la plateforme idoine.  L’EPU est en effet la voie idoine pour établir une interaction constructive, a estimé la Fédération de Russie pour qui les mandats de pays témoignent d’une volonté de provoquer l’instabilité à l’intérieur du pays, « une stratégie pour tout faire, sauf promouvoir des droits humains ».  Quant au Viet Nam, il a appelé les différents acteurs à travailler ensemble afin de faciliter les règlements des questions préoccupant les différentes parties. 

La Chine a elle aussi récusé toute approche basée sur la confrontation et appelé à respecter la souveraineté de la RPDC.  Elle s’est par ailleurs préoccupée par la référence faite par le Rapporteur spécial à l’entrée illégale de ressortissants de la RPDC dans le pays, soulignant avoir toujours géré cette question de manière « attentive ». 

Dans une approche totalement opposée, le Royaume-Uni a voulu savoir quelles étaient les possibilités de négociation pour un retour des mécanismes de l’ONU en RPDC compte tenu de la poursuite des restrictions frontalières liées à la COVID-19.  Et comment la communauté internationale peut-elle mieux soutenir les efforts de la société civile pour améliorer le respect des droits de l’homme en RPDC, se sont demandé les États-Unis.  Peut-on faire pression sur la RPDC pour qu’elle coopère avec le Mécanisme COVAX, a interrogé la Norvège.  L’Union européenne, porte-plume de la résolution sur la situation des droits de l’homme en RPDC à l’Assemblée générale et au CDH, a souhaité savoir comment la communauté internationale peut s’attaquer à l’aggravation de la situation des droits de l’homme en RPDC, consécutive au manque d’information.  L’Allemagne et la République tchèque ont fait part de leur préoccupation sur l’existence des camps de prisonniers politiques, exhortant à la libération de tous les détenus. 

Le Japon s’est penché, quant à lui, sur la question des enlèvements de ressortissants étrangers, une des plus graves violations des droits humains commise par la RPDC, se félicitant notamment que cette question figure dans le rapport du Rapporteur spécial. Abondant dans le même sens, la République de Corée a insisté sur l’importance des mesures évoquées dans le rapport formant le vœu de voir la RPDC accepter la reprise du dialogue pour permettre la réunification des familles séparées. 

Dans ses réponses, le Rapporteur spécial sur lasituationdes droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée a estimé que la difficulté la plus notable à l’heure actuelle est l’isolement de la RPDC et l’absence d’accès accordé aux mécanismes de l’ONU.  Il a jugé essentiel que la communauté internationale et l’Assemblée générale s’attaquent à ces difficultés, notamment pour appuyer l’aide humanitaire. Pour se faire, il faut travailler avec les autorités sur le terrain et aider les citoyens, en particulier les communautés rurales. 

S’agissant de la pandémie, M. Quintana a exhorté la communauté internationale à engager un dialogue constructif avec les autorités pour identifier la manière la plus efficace de fournir suffisamment de vaccins contre la COVID-19 au gouvernement et à la population. Le gouvernement pourra ainsi avoir la confiance nécessaire pour lever la fermeture des frontières qui a eu des répercussions sur les moyens de subsistance des populations.  Cela contribuerait également à mettre un terme à ce cycle d’isolement dont la communauté internationale est témoin, a-t-il fait valoir, exhortant par ailleurs à tout mettre en œuvre pour que la grave famine des années 1990 ne se reproduise plus.  Quant à la question des sanctions du Conseil de sécurité, il a estimé que celles-ci devraient être réévaluées à la lumière de la pandémie. 

En ce qui concerne la coopération avec la RPDC, M. Quintana a expliqué avoir toujours adopté une approche double: ne jamais perdre de vue les crimes commis et la nécessité de la reddition des comptes, d’une part, et d’autre part agir afin de pouvoir travailler avec les autorités et obtenir l’accès sur le terrain.  Il a également abordé la question de la séparation des familles dans les deux Corées, encourageant à créer un environnement de dialogue. Il a aussi exhorté le Gouvernement de la RPDC à s’attaque au problème très grave que représente l’existence des camps de prisonniers politiques.  Le Rapporteur spécial a en outre invité le gouvernement de la RPDC à changer de cap et à travailler avec les mécanismes pertinents des droits humains.  Il a aussi encouragé les États Membres à adopter par consensus la résolution sur la situation en RPDC. 

Exposé

M. DOUDOU DIENE, Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, a déclaré que le rapport final de la Commission se base sur plus de 170 témoignages recueillis depuis septembre 2020, malgré les difficultés rencontrées en raison des restrictions de circulation liées à la COVID-19 et à la crise de liquidités qui a affecté les Nations Unies.  Le rapport note donc ainsi, qu’en dépit des nombreuses promesses du Président Évariste Ndayishimiye visant à améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays, seuls des gestes symboliques et des mesures souvent controversées ont été posés jusqu’à présent.  Ces derniers ne sont, ni suffisants, ni adéquats pour avoir un impact durable et profond, a-t-il indiqué. 

En réalité, a poursuivi M. Diene, le « semblant de normalisation » masque une situation restée très préoccupante, notamment avec la recrudescence des violations et abus commis dans le cadre de la lutte contre les groupes armés présumés responsables d’incidents qui se sont multipliés depuis août 2020.  Sont principalement ciblés : des militaires de l’ancienne armée burundaise (ex-FAB) et des membres de partis d’opposition, notamment du Congrès national pour la liberté (CNL).  Certains ont été victimes d’exécution, de torture, de disparition forcée, d’arrestation et de détentions arbitraires.  Certains de leurs proches, notamment des femmes, ont également été arrêtées et poursuivies pour ne pas les avoir dénoncés. 

La Commission n’a pas pu déterminer si les soupçons des autorités quant à leur implication dans les attaques étaient fondés sur des preuves objectives ou seulement liés à leur appartenance politique ou profil ethnique.  Elle considère néanmoins qu’un nombre significatif d’opposants politiques ont été victimes de violations sous couvert de la traque des responsables d’attaques armées.  Les principaux auteurs sont des agents du Service national de renseignement, placé sous la responsabilité directe du Président, des policiers relevant des Groupements mobiles d’intervention rapide, et des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure.  Ces derniers ont continué à agir en bénéficiant d’une impunité quasi totale, a relaté M. Diene. 

Au Burundi, l’espace démocratique demeure également fermé en dépit, une fois de plus, de quelques gestes encourageants. Certains médias et ONG suspendus ont repris leurs activités, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme ont également été libérés.  Cependant, le Gouvernement a maintenu, voire accru son contrôle sur la presse et les organisations de la société civile. L’autocensure reste la règle pour les journalistes, la société civile, de même que les personnes rapatriées continuent de faire l’objet d’hostilités et de méfiance de la part des autorités. Des marches d’Imbonerakure scandant des chants hostiles aux opposants politiques ont continué de se dérouler dans des zones rurales.  Les Burundais, qui vivent pour la plupart sous le seuil de pauvreté, restent contraints de verser régulièrement des contributions, y compris pour soutenir le parti au pouvoir, sous peine de se voir refuser l’accès à des services publics ou dénier l’octroi de documents administratifs, a encore affirmé  M. Diene. 

Selon lui, le fait que la situation ne soit pas normalisée se voit clairement: de nombreux cadavres continuent d’être retrouvés régulièrement.  Les autorités locales les enterrent rapidement, sans chercher à les identifier, ni même enquêter sur les causes de leurs décès. Aucune avancée significative dans la lutte contre l’impunité n’a été enregistrée.  Peu de mesures ont été prises pour concrétiser les promesses du Président Ndayishimiye de lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance, pourtant endémiques dans le pays, a encore assuré M. Diene, appelant dans ce contexte, la communauté internationale à maintenir sa vigilance. 

À cet égard, la Commission, a-t-il conclu, prend note de la décision du Conseil des droits de l’homme de créer un mandat de Rapporteur spécial chargé de suivre avec rigueur et objectivité la situation des droits humains au Burundi.  Elle regrette que le Burundi ait d’ores et déjà signifié son refus de coopérer avec le Rapporteur spécial et espère que le gouvernement reviendra sur sa position afin de démontrer son engagement en faveur des droits de l’homme. 

Dialogue interactif

En tant que pays concerné, le Burundi, a fustigé la « soi-disant » Commission d’enquête qui présente un rapport « subjectif, déphasé » de la situation réelle qui prévaut au Burundi.  Ce rapport montre à suffisance que ses rédacteurs poursuivent des « objectifs politiques non avoués », au moment même où, toute la communauté internationale perçoit des progrès significatifs dans tous les domaines relatifs aux droits humains a décrié la délégation. 

Le représentant a ensuite relevé que le Conseil de sécurité avait retiré le Burundi de son agenda, l’Organisation international de la Francophonie (OIF) l’a réintégré et la Commission nationale des droits de l’homme du Burundi recouvré le statut A, conformément aux principes de Paris.  Tout ceci témoigne à suffisance que les améliorations sont reconnues par la communauté internationale.  De ce fait, ce rapport « fallacieux » n’engage que la responsabilité de ceux qui l’ont rédigé.  Le Burundi le rejette donc dans son entièreté, y compris ses recommandations. 

Il a demandé à la Troisième Commission de ne donner aucune suite à ce rapport « téléguidé », dont les informations n’ont même pas été vérifiés, en violation des principes de base des Nations Unies. Par ailleurs, le Burundi regrette que certains États Membre se servent des mécanismes de l’ONU pour exercer des pressions sur des pays en développement, africains en particulier, contrairement à l’esprit qui avait précédé la création du Conseil des droits de l’homme.  Il est temps que cessent la politisation, la sélectivité, la non-objectivité, le « deux poids deux mesures », au profit du dialogue, de la coopération, du renforcement des capacités des États, à leur demande, a conclu le représentant. 

À son tour le Venezuela a rejeté les mandats spécifiques de pays en ce qui concerne les droits de l’homme.  Cette pratique qui ne vise que les pays en développement doit cesser au profit du dialogue et de la coopération, a affirmé la délégation, appuyée par Cuba qui, décriant une approche contre-productive, a souligné que l’EPU est le seul mécanisme idoine pour examiner la situation des droits humains dans les pays. 

Opposée à l’imposition de mécanismes non acceptés par les États concernés, la Fédération de Russie a dit ne pas reconnaître la Commission, pas plus que son travail, appuyant par ailleurs le principe des solutions africaines aux problèmes africains.  La Chine a dit regretté la création du mandat de Rapporteur spécial. L’Article 2 de la Charte des Nations Unies dispose en effet que rien ne permet à l’ONU de s’ingérer dans les affaires interne des États, a abondé la République arabe syrienne

La politisation « excessive » et le « manichéisme » qui touchent les questions relatives aux droits de l'homme ne favorisent pas le dialogue et la coopération entre États, a estimé le Cameroun pour qui le Burundi est capable de gérer et régler seul les problèmes relatifs aux droits humains sur son territoire.  Le Nicaragua a lui aussi rejeté la sélectivité, estimant que le dialogue est la seule manière d’aborder la question des droits de la personne.  Le Maroc a pour sa part plaidé pour fin de la subjectivité et de la politisation en matière de de droits humains. 

Le Burundi n’aurait jamais dû être inscrit à l’ordre du jour du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l'homme, a renchérit la Guinée équatoriale. Le Bélarus a relevé que les mandats de pays ne permettent pas de dialogue constructif, le Nigéria a décrié le deux « poids deux mesures » qui prévaut en matière de droits de l’homme et l’Ouganda a souligné que chaque pays a le droit de choisir librement les voies et moyens de répondre aux besoins de sa population. Aucun pays ne peut affirmer garantir tous les droits de l’homme.  Et il semble que ces derniers sont utilisés à d’autres fins, a également analysé l’Érythrée

La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a elle aussi rejeté les mandats spécifiques de pays, qui ne servent qu’à exercer des pressions ou déstabiliser des pays souverains, sous prétextes des droits de l'homme. L’ingérence dans les affaires internes des États est « contreproductive » et ne permet pas la promotion des droits de l'homme ni le dialogue au sein de la Troisième Commission, a redit la République islamique d’Iran, soulignant à son tour que seul l’EPU est adapté à la question des droits de la personne. 

L’Union européenne a en revanche salué la qualité du rapport et estimé que la situation au Burundi doit toujours faire l’objet de l’attention de la communauté internationale, « tant qu’elle n’a pas réellement et profondément changée ».  Que faire pour lutter contre la persistance de l’impunité au Burundi, ont demandé les États-Unis qui ont néanmoins salué la libération de journalistes, de militants de droits humains et la réouverture de médias. 

Comment la communauté internationale peut-elle appuyer la transition entre la commission d’enquête et le mandat de Rapporteur spécial, s’est enquis le Royaume-Uni.  Les Pays-Bas ont pour leur part voulu savoir sur quels éléments du rapport le Rapporteur spécial devra faire fond pour entamer son travail.   

Répondant aux délégations, le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, a rappelé que c’est le Conseil des droits de l’homme qui a créé et renouvelé, à cinq reprises, le mandat de cette Commission.  Cela reflétait, a-t-il dit, le soutien de la communauté internationale et sa préoccupation quant à la situation des droits de l’homme au Burundi. Maintenant que le mandat de ladite commission se termine, il revient à l’Assemblée générale de prendre ses responsabilités. 

M. Diène a également vu dans le retrait du Burundi de l’agenda du Conseil de sécurité la reconnaissance des progrès réalisés.  La Commission d’enquête les note aussi, mais estime que les progrès ne sont pas profonds et exigent que l’on continue d’examiner la situation.  La vraie question qui se pose est de savoir si ces progrès sont suffisants ou non.  La commission d’enquête, elle, dit non et a dressé dans son rapport huit facteurs de risques qu’il revient à la communauté internationale d’examiner.  Parmi ces facteurs de risques, certains ont des origines coloniales, enracinées, qu’il ne sera pas facile de faire changer, a-t-il mis en garde, avant d’appeler à la vigilance.

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