En cours au Siège de l'ONU

Soixante-seizième session,
Réunions virtuelles – matin & après-midi
AG/SHC/4324

La Troisième Commission  examine les droits humains sous la perspective des entreprises, des défenseurs, de la liberté de réunion et du développement

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a poursuivi aujourd’hui ses dialogues avec des titulaires de mandat sur le volumineux dossier de la promotion et de la protection des droits de l’homme.  Les échanges ont cette fois porté sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains, la défense des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, la situation des défenseurs des droits et le droit au développement dans le contexte de la pandémie et des changements climatiques. 

Premier intervenant de cette séance multifacette, le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises a plaidé pour une « réforme transformatrice » du régime d’investissement international, et ce, « de toute urgence ».  M. Surya Deva a en effet dénoncé « le déséquilibre, l’incohérence et l’irresponsabilité » du système actuel, qui confère aux investisseurs des droits juridiquement exécutoires, « mais pratiquement aucune obligation en matière de droits de l’homme et d’environnement ». 

De surcroît, a relevé M. Deva, les investisseurs peuvent invoquer des accords auxquels ils ne sont pas parties pour engager des procédures d’arbitrage contre les États, alors que ces derniers ou les communautés affectées par des projets d’investissement « ne bénéficient pas d’une telle option ».  Il importe donc, selon lui, de faire de la réalisation des droits humains un objectif central pour attirer les investissements étrangers. 

À sa suite, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association a regretté que la pandémie ait entraîné une détérioration de l’espace civique dans de nombreux pays, certains États utilisant la crise sanitaire comme prétexte pour intensifier la répression de la société civile.  Alertant à ce sujet sur les pressions dont font l’objet ceux qui appellent à une action plus vigoureuse pour lutter contre les changements climatiques, M. Clément Nyatelsossi Voule a appelé les États à reconnaître la valeur des manifestations liées au climat, y compris la désobéissance civile, et à mettre fin au harcèlement juridique et à la surveillance illégale des militants.  

La situation est plus alarmante encore pour les défenseurs des droits humains, a souligné la Rapporteuse spéciale en charge de leur situation.  Alors que beaucoup ont été condamnés sur la base de vagues accusations, bon nombre se retrouvant détenus dans des conditions difficiles, et d’autres risquent d’être condamnés à mort, a pointé Mme Mary Lawlor, ajoutant que plusieurs sont morts en prison alors qu’ils purgeaient une longue peine à la suite d’un procès inéquitable.  

Mme Lawlor a constaté que de nombreux États condamnent des défenseurs des droits humains à de longues peines d’emprisonnement pour neutraliser leurs activités.  Ce faisant, ils veulent empêcher ces défenseurs d’exposer la corruption, de signaler les violations des droits humains ou de mettre au jour les lacunes dans la gouvernance, a-t-elle expliqué, avant de regretter qu’aucun État interrogé à ce sujet n’ait reconnu détenir un défenseur des droits humains pour une longue durée.   Déplorant cette attitude de « déni », elle les a enjoints à cesser immédiatement cette pratique et à « abolir les mécanismes qui la permettent ».   

Le reste de la séance a porté sur le droit au développement, le Rapporteur spécial sur cette question se prononçant d’emblée pour un soutien financier accru aux pays en développement dans la période actuelle.  Pour répondre à l’urgence des soins de santé, fournir un filet de sécurité aux plus vulnérables, protéger les emplois et soutenir leur économie, ces pays ont aussi besoin de liquidités à faible coût, du soutien d’organisations internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) et de subventions sans conditions, a souligné M. Saad Alfarargi. 

Dans une perspective plus large, il doit y avoir une « transition juste » d’une économie basée sur le carbone vers une économie basée sur le développement durable, la protection des droits humains et le principe de ne laisser personne pour compte, a plaidé le Rapporteur spécial, selon lequel le Nord doit aider le Sud à bâtir une économie résiliente aux changements climatiques.  Bien entendu, une telle transition nécessitera un financement important pour les pays en développement, tant en termes d’adaptation que d’atténuation, mais la promotion d’économies « vertes » renforcera le droit au développement, tout en améliorant l’équité mondiale, a soutenu M. Alfarargi.   

De son côté, le Président-Rapporteur du Groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement a indiqué que son instance a entamé l’examen d’un projet de convention sur le droit au développement.  M. Zamir Akram a toutefois reconnu que plusieurs États considèrent qu’un instrument juridiquement contraignant ne serait pas le moyen approprié pour garantir l’opérationnalisation de ce droit. 

Profitant de son intervention devant la Troisième Commission, M. Akram a également appelé à la solidarité mondiale pour garantir que les vaccins contre la COVID-19 soient partout disponibles, mais aussi pour aider les pays en développement à se relever durablement de la pandémie, ce qui suppose de lever les sanctions qui sapent leurs capacités. 

Enfin, le Vice-Président du  Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement a fait part des travaux de ce nouveau mécanisme, dont la mission est d’identifier les meilleures pratiques  et de promouvoir la mise en œuvre du droit au développement dans le monde.   Pour cela, a expliqué M. Koen De Feyter, des discussions thématiques sont menées, en particulier sur la pertinence d’un traité sur les pandémies afin de mieux répondre aux futures crises sanitaires. Cette démarche, a-t-il assuré, ne vise ni à remplacer ni à supplanter les  réponses  efficaces  des mécanismes  actuels, mais au contraire à les compléter et à les améliorer.   

 La Troisième Commission reprendra ses travaux lundi 18 octobre à partir de 10 heures.                                                                  

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Exposé

M. SURYA DEVA, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a précisé que son rapport se concentre sur les accords d’investissement internationaux compatibles avec les droits humains et appelle à une « réforme transformatrice » du régime d’investissement international « de toute urgence ».  Ce rapport, a-t-il indiqué, s’intéresse aux trois piliers des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme: le devoir de l’État de protéger les droits humains, la responsabilité des entreprises de respecter ces droits et, enfin, l’accès aux recours.  Il expose notamment les implications du Principe 9 des Principes directeurs pour les États lors de la négociation de nouveaux accords internationaux d’investissement ou de la révision d’anciens accords.

Avant de présenter les recommandations du Groupe de travail, M. Deva a rappelé les trois principales préoccupations concernant le régime d’investissement international actuel: « le déséquilibre, l’incohérence et l’irresponsabilité ».  Selon l’expert, les accords internationaux d’investissement confèrent aux investisseurs des droits juridiquement exécutoires, « mais pratiquement aucune obligation en matière de droits humains et d’environnement ».  Bien qu’ils ne soient pas parties aux accords sur ces questions, les investisseurs peuvent les invoquer pour engager des procédures d’arbitrage contre les États en cas de violation alléguée des normes de protection des investissements.  Or, les États ou les communautés affectées par des projets liés à l’investissement « ne bénéficient pas d’une telle option », a-t-il pointé.

Dans le même temps, a poursuivi M. Deva, lorsque les communautés affectées portent plainte contre des sociétés d’investissement pour violations des droits humains, les investisseurs plaident pour que les affaires soient entendues par le système juridique même qu’ils qualifient d’inadapté.  Cette incohérence est également observée dans les sentences arbitrales rendues par un groupe d’arbitres nommés par les parties, qui ne sont liés par aucun système de précédent.  Pour le Président du Groupe de travail, ces déséquilibres « contribuent à l’irresponsabilité des investisseurs ».  En effet, la protection asymétrique offerte par de tels accords et le manque de transparence des processus investisseur-État « incitent les investisseurs à se concentrer sur la protection de leurs investissements et à prêter une attention insuffisante à leurs responsabilités en matière de droits humains ».

Alors que des efforts sont en cours pour réformer les accords internationaux d’investissement, notamment par le biais des travaux du groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée du Conseil des droits de l’homme, qui négocie un instrument international juridiquement contraignant, M. Deva a décrit cinq voies de réforme complémentaires.  Premièrement, la réalisation des droits de la personne devrait être un objectif central pour attirer les investissements étrangers, lesquels devraient contribuer à lutter contre les inégalités économiques plutôt que de les enraciner davantage, a-t-il soutenu.  Deuxièmement, les États devraient veiller à ce que les accords internationaux d’investissement ne portent pas atteinte à leur devoir de réglementer les investisseurs de sorte que tous les droits humains soient protégés de manière adéquate.  Troisièmement, ces accords devraient inclure les obligations juridiquement exécutoires des investisseurs concernant les droits de l’homme et l’environnement.  Quatrièmement, les États devraient créer un accès à des voies de recours pour les communautés affectées, qui pourraient saisir des tribunaux d’arbitrage.  Enfin, comme le processus de règlement des différends investisseur-État n’est pas équitable pour toutes les parties, les États devraient le remplacer par un mécanisme alternatif exempt des défauts du système actuel.

Dialogue interactif

Comment pouvons-nous être plus efficaces dans la traduction de nos engagements en veillant à ce que l’idée de droits humains contraignants gagne du terrain, notamment pour un meilleur accès aux recours, s’est interrogée l’Union européenne.  Ce qu’il faut, c’est une culture d’entreprise qui se fonde davantage sur les droits humains, a insisté l’Espagne, selon laquelle les engagements volontaires en matière d’investissements internationaux ne suffisent pas.  L’Italie a ensuite dit finaliser un deuxième plan d’action national qui vise à garantir que les accords d’investissement internationaux sont compatibles avec les obligations des entreprises en matière de droits humains.  Au-delà des politiques publiques et des accords d’investissement, considéreriez-vous que les investisseurs aient un intérêt économique à faire respecter les droits humains, par exemple en ce qui concerne la viabilité de leur modèle économique, a voulu savoir le Luxembourg

À son tour, la Fédération de Russie a souligné la pertinence de ce sujet dans le contexte des négociations en cours à Genève pour l’élaboration d’une convention internationale juridiquement contraignante.  En revanche, elle a contesté le fait que les accords d’investissement internationaux, en particulier ceux conclus avant 2010, seraient « déséquilibrés, incohérents et irresponsables ». Pour la délégation, chaque État a le droit souverain de réglementer les investissements et de formaliser le comportement des investisseurs, conformément aux exigences de sa législation nationale, laquelle reflète ses obligations internationales dans le domaine des droits humains.  

De son côté, la Chine s’est élevée contre l’attitude des États-Unis, qui, selon elle, utilisent les droits humains pour discréditer les entreprises chinoises et maintenir leur monopole technologique.  De plus, a-t-elle accusé, plus de 100 000 personnes font l’objet d’une véritable traite aux États-Unis et finissent dans des ateliers pratiquant une forme moderne d’esclavage.  Appuyée par la République islamique d’Iran, la délégation chinoise a également appelé à la levée des mesures coercitives unilatérales imposées par les États-Unis et d’autres États, avant d’exhorter les mécanismes des droits de l’homme à ne pas accepter la politisation de leurs travaux. 

Comment promouvoir de façon active les recommandations du Groupe de travail adressées aux investisseurs, s’est enquise l’Irlande qui a par ailleurs encouragé l’élaboration de plans d’action au niveau national.  À ce sujet, le Chili a indiqué qu’il prépare actuellement une deuxième version de son plan d’action national destiné à créer une culture des droits humains dans les activités des entreprises, lequel mettra l’accent sur l’augmentation des espaces d’interaction avec la société civile. 

Quelles sont les priorités du Groupe de travail pour l’année à venir, ont souhaité savoir les États-Unis, qui ont indiqué qu’ils prévoient eux aussi d’élaborer un nouveau plan d’action sur la conduite responsable des sociétés.  Quelles nouvelles mesures pourraient être prises dans l’année à venir pour garantir la responsabilité de toutes les entreprises en matière de droits humains, s’est enquise à son tour l’Inde, qui a indiqué que dans le cadre de sa législation, les entreprises sont tenues de consacrer une partie de leurs profits à la fourniture d’abris à ceux qui en ont besoin. 

La France s’est déclarée inquiète de la situation des défenseurs des droits humains liés aux activités des entreprises et du manque d’accès à la justice et aux voies de recours pour les victimes de violations.  Comment améliorer l’identification, l’accompagnement et la prise en charge de ces victimes?  Le Japon a rendu hommage à feu le Pr. John Ruggie, qui était l’architecte des Principes directeurs des Nations Unies.  C’est d’ailleurs sur la base de ces principes que le Japon a lancé son plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme en octobre 2020. 

En réponse aux délégations, le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises a commencé par saluer l’appui exprimé aux Principes directeurs des Nations Unies.  Il a également applaudi les initiatives prises en matière de devoir de diligence, telles que celle appuyée par le Parlement européen.  « Nous avons besoin de telles initiatives au plan international », a-t-il dit, avant d’inviter les États à mieux faire connaître les Principes directeurs, souvent méconnus par les entreprises transnationales.  Pour ce qui est du redressement post-COVID-19, M. Deva a estimé qu’il ne devrait pas y avoir de conflit entre la reprise et le respect des droits humains par les entreprises.  « Nous devrions considérer que la pandémie nous permet de mieux recréer notre activité économique à plus long terme », a-t-il argué, assurant que lorsque les sociétés travaillent ensemble, elles peuvent promouvoir les droits de la personne.  À cet égard, il a jugé qu’il est temps à présent que les États envisagent des législations sur le devoir de diligence à l’égard des droits humains, en tenant compte des recommandations du Groupe de travail. 

M. Deva a également félicité les pays qui ont lancé des plans d’action en matière de responsabilisation des entreprises, notamment l’Italie, où il a récemment effectué une visite.  Invitant ces pays à faire preuve d’ambition, il a jugé que « tout le monde peut sortir gagnant » d’une réforme du régime d’investissement international qui tienne compte des profits sans négliger les droits humains.  À ses yeux, il est essentiel d’adopter une approche holistique du processus de développement, afin que toutes les parties bénéficient des projets. Répondant sur ce point à la Fédération de Russie, il a réaffirmé qu’à l’heure actuelle, « il est évident que les accords d’investissement sont déséquilibrés et favorisent les investisseurs ».  Il est donc « essentiel que cela change », a-t-il insisté.  Il s’est par ailleurs déclaré en désaccord avec la Chine quant à la soi-disant politisation des travaux du Groupe de travail.  « Nous n’utilisons pas les Principes directeurs pour favoriser tel ou tel acteur », a soutenu le Président, non sans solliciter une visite en Chine afin d’y effectuer une mission d’information.  Enfin, s’agissant du soutien aux victimes, point évoqué par la France, il a souligné que la redevabilité passe par un meilleur accès aux voies de recours.  Il a donc invité les États à éliminer ces obstacles au niveau national et à soutenir l’action des défenseurs des droits. 

Exposé

M. CLEMENT NYALETSOSSI VOULE, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, a regretté que la pandémie ait entraîné une détérioration de l’espace civique dans de nombreux pays, certains États utilisant la crise sanitaire comme prétexte pour intensifier la répression de la société civile indépendante et étouffer la dissidence. Alors que « nous cherchons à reconstruire nos sociétés après la crise sanitaire, la société civile doit être considérée comme un partenaire - et non comme un ennemi - de cet effort important, » a martelé M. Voule.

En venant à son rapport, il a indiqué que celui-ci porte sur l’action de la société civile face aux changements climatiques.  Alors que les voix les plus fortes qui s’élèvent contre le statu quo et en faveur d’une action climatique plus significative proviennent de la société civile, son rapport fait état de plusieurs restrictions, attaques et échecs dans la protection de l’environnement et de ses défenseurs.

À mesure que la crise climatique prend de l’ampleur et que de plus en plus de personnes s’organisent dans le monde entier pour protéger leurs communautés de ses effets dévastateurs, la répression violente s’est également accrue, sous forme d’attaques physiques, de meurtres et de campagnes d’intimidation, s’est-il alarmé.  Il a également évoqué l’imposition de nouvelles interdictions de manifester et l’intensification du harcèlement judiciaire.

Ces attaques ont souvent été menées par des acteurs puissants, a-t-il accusé, pointant notamment des institutions transnationales du secteur des combustibles fossiles, de l’extraction, de l’agro-industrie et de la finance.  Ces acteurs ont exercé des pressions sur les États pour qu’ils affaiblissent leur réponse à la crise climatique et ont soutenu des organisations paraétatiques engagées dans diverses campagnes contre les militants de la justice climatique, y compris des actes de violence directe et en ligne.  Ces attaques ont parfois conduit à dépeindre les manifestations et l’organisation en faveur du climat comme une menace pour la sécurité nationale, plutôt que comme des moteurs de solutions et d’actions significatives.

Dès lors, s’est-il interrogé, comment pouvons-nous atteindre l’objectif de lutte contre les changements climatiques si les jeunes activistes climatiques sont mis en prison ou soumis à des procédures judiciaires longues et coûteuses?  Comment protéger nos forêts si les peuples autochtones sont considérés comme des ennemis de la prospérité et des anti-développements?  Comment prévenir le chômage de masse et la faim si les travailleurs et les syndicats sont empêchés de s’asseoir à la table pour négocier des politiques de transitions justes?  Et comment garantir que les intérêts des générations futures soient représentés dans les discussions multilatérales, si nous ne prenons pas au sérieux les enfants et leurs demandes?

Le Rapporteur spécial a ensuite exhorté à ce que les personnes qui luttent pour la justice climatique reçoivent la reconnaissance et le soutien qu’elles méritent à tous les niveaux, afin de respecter leurs droits à la liberté de réunion pacifique et d’association.  Il s’agit aussi de reconnaître la valeur des manifestations liées au climat, y compris la désobéissance civile, et de les faciliter; de protéger les manifestants; et de mettre fin au harcèlement juridique et à la surveillance illégale.  Il convient également d’assurer une participation inclusive à la conception et à la mise en œuvre des politiques climatiques et de transition juste, a-t-il ajouté.

La crise climatique actuelle représente un défi aux proportions inégalées, a rappelé M. Voule, avertissant que « la fenêtre d’opportunité » pour faire face à cette crise se referme rapidement.  Dans le même temps, il s’est dit encouragé par certains signes positifs, notamment les promesses ambitieuses faites par certains États en vue de la COP26.  Ces engagements ambitieux ne se traduiront toutefois pas en actions si les peuples autochtones et la société civile, y compris les organisations dirigées par des femmes, les jeunes grévistes et les syndicats, ne font pas partie de la solution, a-t-il prévenu.

Dialogue interactif

« Sans remettre en cause » l’importance des enjeux climatiques, la Fédération de Russie a déploré le ton alarmiste du rapport, estimant par ailleurs qu’on ne peut mélanger les questions des droits humains et des changements climatiques, cette dernière relevant de plateformes spécialisées chargées des questions liées au climat. 

Comment assurer une coordination efficace entre les différentes institutions multilatérales qui travaillent à la protection des défenseuses et défenseurs des droits humains liés à l’environnement, s’est interrogée la Suisse, appuyée par le Royaume-Uni qui a voulu savoir par quel moyen protéger au mieux les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, en faveur d’un avenir plus vert.  

Comment les États Membres peuvent-ils encourager le plus efficacement possible le secteur privé à protéger et à promouvoir les droits des défenseurs des droits humains dans le domaine de l’environnement, a enchaîné l’Union européenne qui a également souhaité saisir cette occasion pour s’enquérir de l’effet de la pandémie de COVID-19 sur les défenseurs de l’environnement et leurs droits. 

L’Ukraine a dénoncé l’interdiction de la liberté de réunion et d’association pacifiques dans la péninsule de Crimée temporairement occupée par la Russie, exigeant que celle-ci respecte les décisions de la Cour de Justice internationale sur la levée de l’interdiction.  Les États-Unis ont pour leur part dénoncé les attaques qui se multiplient contre la liberté de réunion et d’association pacifiques en Iran, dans le Xinjiang, à Hong Kong et au Tibet, ainsi qu’au Venezuela et au Nicaragua.  Comment la communauté internationale peut-elle lutter contre cette menace qui plane de plus en plus sur « nos libertés »? 

La Chine a ensuite fait part de sa préoccupation au sujet de la stigmatisation des défenseurs de l’environnement dans certains pays, pointant notamment les États-Unis qui appliqueraient les « deux poids, deux mesures » en critiquant les autres pays tout en supprimant le droit d’expression sur leur sol. Comment les États-Unis peuvent parler des droits de l’homme, quand ils s’attaquent aux dissidents antiracistes, s’est indignée la République islamique d’Iran après que Cuba ait invité l’administration américaine à se contenter de « s’occuper des nombreux défis  » sur son territoire. 

À son tour, la République dominicaine a insisté sur l’importance de protéger l’espace civique des jeunes en tenant compte de leurs réalités et de leurs besoins spécifiques.  Que peuvent faire les États pour améliorer le dialogue entre les entreprises du secteur privé et les mouvements civiques, a voulu savoir la République tchèque.  Et quelles mesures adopter pour assurer qu’il n’y ait pas de répression face aux troubles sociaux, a ajouté le Maroc

L’avenir d’une démocratie dépend de l’espace réservé à la dissidence, a souligné l’Inde.  Dans une même veine, le Timor Leste s’est référé à son histoire récente pour mettre en avant le rôle joué par les mouvements de solidarité au niveau international dans l’indépendance de son pays.  Au nom des pays nordiques et baltiques, la Suède a relevé que le rapport mentionne les difficultés rencontrées pour parvenir à une participation significative aux forums climatiques de l’ONU.  Comment aborder cette question lors de la COP26 à Glasgow? 

Dans ses réponses, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association a déclaré que face au problème des changements climatiques, on ne peut parler de souveraineté nationale car « nous sommes tous concernés ».  Il y a ici un droit à la vie et même à la survie, et tous ces droits sont affaiblis par les changements climatiques, a-t-il souligné, estimant qu’on ne peut donc dissocier l’action des militants climatiques du droit à la liberté de réunion et d’association pacifique.  Ces droits sont d’ailleurs reconnus par toutes les sociétés démocratiques, a-t-il ajouté, insistant en outre sur l’importance de la société civile dans le cadre de la lutte pour la justice climatique. 

Le Rapporteur spécial a appelé à assurer la protection des défenseurs de l’environnement et des militants du climat pour qu’ils puissent participer aux réunions et forum consacrés à la protection de l’environnement.  Et il est tout aussi important que les pays donateurs puissent aider à financer les mouvements qui travaillent pour la justice climatique afin de réaliser les objectifs qui nous sont communs dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques, a-t-il ajouté. 

Exposé

Venue présenter son rapport annuel (A/76/143), Mme MARY LAWLOR, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains a attiré l’attention des États Membres sur l’emprisonnement à long terme des défenseurs des droits humains.  Elle a indiqué que beaucoup ont été condamnés sur la base d’accusations vagues et mal définies, et nombre d’entre eux sont détenus dans des conditions difficiles, souffrent de problèmes de santé et sont privés de soins médicaux adéquats.  Certains se voient également refuser l’accès régulier à leurs familles; risquent d’être condamnés à mort; ou sont morts en prison après avoir été condamnés à une longue peine à la suite d’un procès inéquitable.  Elle a également signalé qu’il y a très probablement beaucoup plus de cas que ceux que son mandat a pu documenter.

Mme Lawlor a informé les États Membres qu’au cours de la seule période allant du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, son mandat a envoyé 28 communications à 22 États Membres sur la détention de longue durée de 148 défenseurs des droits humains.  Parmi eux, 104 avaient été condamnés et 44 risquaient d’être condamnés à 10 ans d’incarcération ou plus.  Elle a également noté que 54 ont été inculpés de crimes liés à la sécurité nationale, 53 de crimes en vertu des lois antiterroristes, 30 de violations des lois sur la sécurité nationale et antiterroristes et 11 d'autres crimes, tels que meurtre, vol qualifié, extorsion, enlèvement et blasphème, entre autres.  Elle a aussi indiqué que certains défenseurs ont été emprisonnés en représailles à leur engagement, ou intention d’engagement, avec les mécanismes des Nations Unies.

« Si les États veulent vraiment protéger les défenseurs des droits humains, ne les mettez pas en prison pendant de longues périodes pour avoir défendu pacifiquement les droits d’autrui » a-t-elle déclaré.  Elle a également appelé les pays où les défenseurs des droits humains ont été privés de leur liberté à long terme à permettre une procédure d’appel conforme aux normes d’un procès équitable et à les libérer, comme le Burundi l’a fait dans le cas de Germain Rukuki qui s’était vu infligé une peine de 32 ans.

Selon la Rapporteuse spéciale, de nombreux États condamnent des défenseurs des droits humains à de longues peines de prison afin de neutraliser leurs activités parce qu’ils sont mécontents que les défenseurs exposent la corruption, signalent les violations des droits humains ou mettent en évidence diverses lacunes dans la gouvernance.  Elle a également regretté qu’en réponse à son appel à soumissions pour le rapport présenté ce jour, aucun État n'a reconnu détenir un défenseur des droits humains en détention de longue durée.  « Trop d’États sont dans le déni.  Ils peuvent et doivent arrêter immédiatement cette pratique et abolir les mécanismes qui la permettent. »

Dialogue interactif

À l’issue de cet exposé, la Fédération de Russie a conseillé à la Rapporteuse spéciale de porter son attention sur le renforcement de la coopération avec les États et de mener un dialogue constructif, soulignant par ailleurs que les activités des défenseurs des droits humains doivent être légales, un point également appuyé par l’Égypte

Comment faciliter l’accès aux défenseurs des droits humains lorsque ceux-ci sont en détention, a voulu savoir l’Allemagne.  Existe-t-il de bonnes pratiques permettant l’identification rapide des longues détentions, a demandé le Mexique. Et qu’en est-il des mesures à adopter pour garantir que les défenseurs qui collaborent avec les Nations Unies ne fassent pas l’objet de représailles, a ajouté l’Espagne.  Sans oublier les efforts pour libérer ses défenseurs, a renchéri la République Tchèque.  L’Italie a souligné de son côté que la société civile et les journalistes sont des acteurs indispensables dans la construction de sociétés démocratiques. 

« Que peut faire l’Assemblée générale pour mieux soutenir et protéger les femmes défenseures des droits humains ? » a interrogé le Liechtenstein, évoquant notamment l’Afghanistan et le Bélarus.  Et quels mécanismes mettre en œuvre lorsque certaines personnes se sentent menacées, a enchaîné la République dominicaine

Israël a voulu connaître le point de vue de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs qui œuvrent à la protection des personnes LGBTQI+; et la Pologne a relevé que les données disponibles ne font qu’égratigner la surface du problème et sont souvent peu représentatives.  Dès lors, comment améliorer la documentation et le suivi des cas de défenseurs des droits humains détenus, s’est enquis l’Union européenne

Après la Slovénie, qui a souligné que les défenseurs des droits humains ne doivent pas être détenus sur la base de leur travail légitime, le Royaume-Uni, en son nom et celui de 79 autres pays, a condamné tout acte d’intimidation ou de représailles contre des individus et des groupes qui coopèrent, cherchent à coopérer ou ont coopéré avec l’ONU.  La Suisse a, quant à elle, décrié le discours des États qui assimilent les défenseurs des droits humains à des terroristes ou à des dangers pour la sécurité nationale.  L’emprisonnement à de longues peines de défenseurs des droits en raison de leurs activités légitimes résultent, non pas de la passivité, mais bien de l’action de certains États qui s’emploient à réduire au silence ces individus, souvent sous couvert de prétendues mesures antiterroristes, a affirmé de son côté la France.  Le Royaume-Uni a de même appelé à encourager les gouvernements à ne pas utiliser la législation antiterroriste pour emprisonner les défenseurs des droits de l’homme, tandis que la Norvège, au nom du Danemark, de l’Estonie, de la Finlande, de l’Islande, de la Lettonie, de la Lituanie et de la Suède, a engagé l’ONU, y compris l’Assemblée générale, à se mobiliser pour atténuer et remédier à la situation des défenseurs des droits humains qui purgent de longues peines de prison. 

Les coupables d’agressions contre les défenseurs des droits humains doivent répondre de leurs actes, ont martelé les États-Unis qui ont condamné les attaques contre les défenseurs des droits humains en Chine, au Bélarus, à Cuba, au Myanmar, en Russie, en Ouganda, ou encore en Afghanistan, entre autres.  Les États-Unis devraient s’occuper de leur territoire avant de donner des leçons aux autres pays, a rétorqué Cuba, tandis que le Pakistan s’est soucié de la situation des défenseurs des droits humains au Jammu-et-Cachemire. 

À son tour, la Chine a appelé à ne pas présenter les séparatistes comme des défenseurs des droits humains, déplorant par ailleurs la prolifération de fausses informations.  L’Arabie saoudite a estimé que ces activités pacifiques ne doivent pas saper la liberté des autres, et l’Inde a souligné qu’on ne peut cautionner les attaques contre l’État, regrettant par ailleurs que le Pakistan ait utilisé les instances onusiennes pour l’attaquer.  De son côté, le Myanmar a appelé la communauté internationale à agir pour empêcher les attaques illégitimes contre les défenseurs des droits humains sur son territoire. 

Le Luxembourg au nom des trois États du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), a voulu en savoir plus sur les efforts déployés par la Rapporteuse spéciale pour établir un dialogue avec ces gouvernements et mobiliser l’attention du public.  Et que pouvez-vous faire pour ceux qui vivent dans des conditions d’occupation étrangère, a interrogé l’Algérie.  Convaincue que les défenseurs des droits humains sont des partenaires clefs pour la promotion des droits de l’homme et qu’il faut les protéger, l’Indonésie a appelé à une coopération entre la Rapporteuse spéciale et toutes les parties prenantes, y compris les gouvernements. 

Après le Brésil, qui a fait savoir que les défenseurs des droits humains peuvent saisir les institutions brésiliennes, pour leur permettre de continuer leurs travaux sous une protection officielle, les Émirats arabes unis ont déclaré accorder aux défenseurs des droits humains le droit à un procès juste et équitable, à un recours et aux visites de familles.  L’Irlande, le Maroc  et le Viet Nam sont également intervenus, de même que le Bahreïn qui a souligné que les libertés fondamentales doivent être protégées, conformément aux constitutions. 

« Lorsqu’on emprisonne à de longues peines des défenseurs des droits humains, il suffit de les libérer », a déclaré dans sa réponse la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains.  Tout en précisant son respect pour l’indépendance judiciaire des pays, elle a affirmé ne pas pouvoir fermer les yeux lorsque certains actes ne sont pas conformes aux normes internationales.  Si certaines lois peuvent parfois être vagues, les normes acceptées par l’ONU et les États Membres ne le sont pas, a-t-elle souligné, martelant que « ces normes doivent être respectées ».  Et si les défenseurs des droits humains ne sont pas au-dessus des lois, les États Membres ne peuvent pas non plus être au-dessus des normes internationales, a-t-elle ajouté. 

La Rapporteuse spéciale a indiqué avoir choisi de ne pas parler des activistes politiques et de ne s’intéresser qu’aux dossiers des gens qui travaillent de manière pacifique, faisant clairement la distinction entre un défenseur des droits humains et un activiste politique.  Pour ce qui est de la marche à suivre, elle a appelé les États Membres à coordonner leurs efforts de plaidoyer.  « Vous pouvez reconnaître et saluer le travail des défenseurs des droits de l’homme et plaider pour ceux qui font l’objet de peines de prison de longue durée.  Ces personnes, a-t-elle ajouté, devraient être libérées, avoir accès à un avocat de leur choix et à des soins médicaux, ne pas être placées en isolement, et ne pas être emprisonnées après des procès de pacotille.  Elle a également souligné que la torture ne permet pas un procès équitable. 

Mme Lawlor a par ailleurs indiqué qu’elle apprécierait que la Fédération de Russie se réunisse avec elle, regrettant par ailleurs que beaucoup d’États répondent à ses communications sans en aborder le fond.  Les États doivent respecter la Convention de Vienne et permettre les visites, a-t-elle rappelé.  Elle a également fait savoir que la pandémie de COVID-19 avait été un grand obstacle à son travail.  Concernant les représailles, Mary Lawlor a souligné que 10% des affaires abordées dans son rapport sont l’objet de représailles, « ce que l’on ne devrait pas tolérer ». 

La Rapporteuse spéciale s’est par ailleurs déclarée prête à poursuivre ses discussions avec la Chine et a indiqué qu’elle souhaiterait se rendre en Arabie Saoudite. 

La couverture de ce dialogue interactif a été compromise par une série de problèmes d’ordre technique. 

Exposé

M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a constaté d’emblée que la pandémie de COVID-19 a mis à mal la mise en œuvre du Programme 2030 et créé une crise économique mondiale aux proportions inestimables.  Alors que les pays développés ont injecté des milliers de milliards de dollars dans la santé, les filets de sécurité sociale et les mesures de relance économique, de nombreux pays en développement manquent cruellement d’espace budgétaire pour prendre des mesures similaires, a-t-il relevé, ajoutant que ces contraintes sont exacerbées par de hauts niveaux d’endettement, des déficits budgétaires élevés, des coûts d’emprunt astronomiques et la dépréciation de nombreuses monnaies par rapport à l’euro et au dollar.

Pour répondre aux besoins immédiats des pays en développement, un soutien financier accru et des liquidités à faible coût seront nécessaires, a avancé M. Alfarargi.  Il a recommandé, entre autres, une augmentation de l’appui budgétaire par les organisations internationales, y compris la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).  Mais, selon lui, des mesures de relance budgétaire, sous la forme de subventions sans conditions, sont également nécessaires pour répondre aux besoins urgents de soins de santé des pays en développement, fournir un filet de sécurité aux plus vulnérables, protéger les emplois et soutenir l’activité économique « dans la mesure du possible. »  Le Rapporteur spécial a indiqué à cet égard qu’il consacrerait son rapport thématique de 2022 à la conformité des plans de relance avec le droit au développement.

Le rapport de cette année examine quant à lui la relation entre le droit au développement et les changements climatiques dans une perspective internationale, a précisé M. Alfarargi.  À son avis, il doit y avoir une « transition juste » d’une économie basée sur le carbone vers une économie basée sur le développement durable, la protection des droits humains et le principe de ne laisser personne de côté.  Toutefois, a-t-il dit, une telle transition ne pourra se faire qu’en comprenant l’Accord de Paris dans le contexte du droit au développement et de l’équité entre le Nord et le Sud, « le Nord aidant le Sud à bâtir une économie résiliente aux changements climatiques ».

Cette économie résiliente aux changements climatiques nécessitera un financement important pour les pays en développement afin qu’ils puissent s’adapter et devenir des partenaires égaux dans l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, a-t-il poursuivi, estimant que les leçons tirées de la pandémie sur la connectivité mondiale, ainsi que les plans de reprise économique que de nombreux gouvernements mettent en place, peuvent faciliter cette transition.  À ses yeux, la promotion d’économies diversifiées et « vertes » renforcera le droit au développement et à l’adaptation dans les pays en développement, tout en améliorant l’équité mondiale.

Face à cette crise climatique, qui est un « multiplicateur mondial de menaces pour les droits humains », les pays doivent garantir le droit au développement en soutenant des modèles de développement qui assurent un climat sûr et atteignent les objectifs de développement durable, notamment en alignant les modes de production et de consommation sur des niveaux durables et équitables, a souligné le Rapporteur spécial.  À l’appui de ce scénario, il fournit dans son rapport des recommandations pratiques dans quatre domaines clés: la coopération internationale, la participation et l’accès à l’information, la responsabilité et les recours, et les obligations financières pour aider la lutte contre les changements climatiques.

M. ZAMIR AKRAM, Président-Rapporteur du Groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement, a présenté les activités menées par le Groupe de travail depuis l’année dernière, précisant qu’en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, la vingt-et-unième session du Groupe de travail n’a pas pu se tenir comme prévu en mai 2020, mais s’est tenue virtuellement du 17 au 21 mai 2021.  À cette occasion, plusieurs États ont souligné qu’un instrument juridiquement contraignant permettrait de garantir que l’opérationnalisation du droit au développement devienne une priorité dans la réalisation des objectifs de développement durable.  Cependant d’autres États estiment qu’un tel instrument n’est pas un mécanisme approprié ou efficace pour réaliser le droit au développement.  Pour autant, le Groupe de travail a commencé l’examen d’un projet de convention sur le droit au développement.  Et à ce jour, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a reçu des communications de 11 États Membres, 5 entités intergouvernementales, 7 institutions nationales de défense des droits humains et 41 organisations non gouvernementales.  Le projet de texte de la convention, ainsi que les contributions reçues, seront examinés par le Groupe de travail lors de sa prochaine session, prévue du 22 au 26 novembre 2021, a précisé son Président-Rapporteur. 

M. Akram a ensuite déclaré que des efforts plus substantiels pour défendre le droit au développement auraient pu atténuer une grande partie des dommages dévastateurs causés par la COVID-19.  Désormais une solidarité mondiale et une action politique concertée sont nécessaires pour garantir que les vaccins soient disponibles pour tous les pays qui en ont besoin.  Il a également souligné l’importance du transfert de technologie, du partage d’information et de données, et d’augmenter les capacités du Mécanisme COVAX.  Les pays en développement ont un besoin urgent d’accéder à un soutien financier supplémentaire pour répondre à la pandémie et investir dans une reprise durable, a insisté le Président-Rapporteur qui a également soutenu l’appel du Secrétaire général à lever les sanctions qui sapent la capacité des pays à répondre à la pandémie. 

M. KOEN DE FEYTER, Vice-Président du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement, a rappelé que ce nouveau Mécanisme a vu le jour en mai  2020, avec pour tâche de fournir une expertise sur le droit au développement.  Il a indiqué que deux objectifs primordiaux guideront son travail, à savoir, d’une part, la nécessité d’intégrer, de revigorer et de rendre opérationnel le droit au développement et, de l’autre, d’améliorer la capacité des organisations de base à faire progresser le droit au développement.  « Nous avons également convenu d’identifier les obstacles à la réalisation du droit au développement et de formuler des recommandations politiques concrètes sur la manière de les surmonter, » a précisé M. De Feyter.  À ses yeux, l’approche du droit au développement est d’autant plus importante dans le contexte actuel où il s’agit de mieux gérer l’impact socioéconomique de la pandémie, notamment par une vaccination rapide et inclusive dans le monde entier, sans laisser personne de côté. 

Le Vice-Président a ensuite précisé que les méthodes de travail du Mécanisme ne se limitent pas à une recherche documentaire, mais impliquent des visites d’étude et des réunions avec différentes parties prenantes.  Il a également informé les États Membres qu’une première étude thématique traitant de l’opérationnalisation du droit au développement dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) a déjà été présentée au Conseil des droits de l’homme (CDH) le mois dernier.  La deuxième étude thématique sur le racisme, la discrimination raciale et le droit au développement sera soumise au CDH en septembre 2022.  Une troisième étude portera sur les inégalités et le droit au développement, tandis que la quatrième traitera du droit au développement dans le droit international de l’investissement.  Enfin, la cinquième étude thématique portera sur les acteurs non étatiques et le devoir de coopération. 

Conformément à son mandat, le Mécanisme d’experts a également publié une déclaration sur la pandémie de COVID-19 et le nationalisme vaccinal et ses membres participent par ailleurs aux discussions sur la contribution que pourrait apporter un traité sur les pandémies à la gestion des crises sanitaires.  Le Vice-Président a cependant souligné que tout moyen mondial déployé pour faire face aux crises sanitaires actuelles et futures, y compris sous la forme d’un traité sur les pandémies, ne doit pas « saper, remplacer ou supplanter » les réponses efficaces des mécanismes actuels, mais au contraire les compléter et les améliorer.  Plus important encore, a-t-il ajouté, toute approche doit être alignée sur les obligations internationales existantes et s’en inspirer, notamment le droit au développement et le devoir de coopération internationale. 

Les trois titulaires de mandats relatifs au droit au développement ont ensuite répondu aux remarques et questions des délégations.  Premier à intervenir, le Rapporteur spécial sur le droit au développement a rappelé que, lors du dialogue interactif, il avait fait état d’une étude thématique visant à examiner l’action climatique sous l’angle du développement.  Bien que ce type d’étude n’entre pas explicitement dans le champ de ses prérogatives, il a fait valoir que la résolution portant création de son mandat lui demandait de contribuer à la réalisation du droit au développement dans le contexte d’une mise en œuvre intégrée du Programme 2030 et de l’Accord de Paris.  Elle lui demandait aussi de soutenir les efforts menés pour intégrer le droit au développement dans les différentes instances de dialogue des Nations Unies, a-t-il ajouté.  M. Alfarargi a par ailleurs confirmé qu’il avait l’intention de consacrer son rapport thématique 2022 au suivi des plans de redressement sous l’angle du droit au développement. 

Le Président-Rapporteur du Groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement a ensuite estimé que tout doit être fait pour garantir aux pays faisant l’objet de sanctions ou de mesures coercitives unilatérales d’accéder aux vaccins contre la COVID-19.  Il a rappelé à cet égard que le Secrétaire général s’est prononcé pour une dérogation sur les sanctions, avant de préciser qu’il est communément admis que les sanctions sont « particulièrement inhumaines » dans le contexte de la pandémie.  S’agissant de la proposition de « base universelle » pour s’attaquer aux pandémies futures, M. Akram y a vu « une bonne idée », tout en relevant qu’il n’existe pas encore d’accord international pour ce genre de mesure.  En conséquence, on devrait se limiter aux pays qui peuvent le faire, ce qui n’est pas le cas de la plupart des pays en développement.  Le problème continue donc de se poser, a-t-il dit, réaffirmant que seuls les transferts de technologie, l’accès universel aux vaccins et la promotion d’une couverture sociale aussi large que possible permettront au monde en développement de répondre à cette crise.  Pour cela, il faut une coopération internationale accrue.  À cet égard, le Président-Rapporteur a indiqué que le principe d’un instrument juridiquement contraignant relatif au droit au développement bénéficie d’un « fort soutien ».  Un projet de texte sera examiné lors de la prochaine session du Groupe de travail en novembre et un projet révisé lui sera présenté en mai 2022, a-t-il précisé, l’idée  étant d’établir les fondements juridiques pour la réalisation du droit au développement. 

Répondant à son tour aux délégations, le Vice-Président du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement a indiqué que cette nouvelle instance agit comme un « collectif », avec des membres venant d’horizons divers.  Pour l’instant, « l’expérience est très positive, même sur cette question très clivante au sein de la communauté internationale », a-t-il témoigné.  Si ces travaux donnent lieu à un « certain degré d’optimisme », un nouvel élan semble toutefois nécessaire, d’autant plus que le potentiel du droit au développement est sous-utilisé par les États et la société civile, a noté M. De Feyter, estimant que le trente-cinquième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement pourrait servir de « vecteur de revitalisation ».  Il a d’autre part indiqué que le Mécanisme a appuyé l’idée d’un instrument juridiquement contraignant.  « Au niveau conceptuel, nous savons de quoi nous avons besoin », a-t-il dit, avant de préciser que la première condition est le devoir de coopération des États pour la réalisation du droit au développement.  Deuxièmement, a-t-il ajouté, les États peuvent agir individuellement en tenant compte des personnes ne relevant pas de leur domaine compétence.  Enfin le troisième et dernier niveau est le niveau national, avec les inégalités au sein des États et l’aide aux groupes vulnérables. « Il y a là un potentiel à exploiter ». 

Dialogue interactif

À l’issue de ces trois exposés sur le droit au développement, la Fédération de Russie a estimé injustifié et artificiel de lier les questions des droits humains et de l’environnement, estimant que les travaux sur le climat devraient être menés séparément par le biais de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). 

Décriant les mesures unilatérales imposées à son encontre, la République arabe syrienne a voulu savoir ce qui peut être fait conformément aux mandats des différents experts face à de telles mesures illégales.  Ces mesures empêchent d’avoir une bonne réponse face à la pandémie et partant la réalisation du droit au développement, a souligné la République islamique d’Iran, appuyée par le Venezuela de même que Cuba qui a souligné que le blocus imposé depuis plus de six décennies à son encontre représente un vrai obstacle pour son développement.  

Pour faire face au creusement des inégalités provoqué par la COVID-19, le Brésil a expliqué qu’il garantit désormais le revenu minimum pour plus du tiers de notre population, une initiative qui a aidé des millions de personnes de sortir de la pauvreté extrême.  La Malaisie s’est déclarée convaincue que le droit au développement ouvrira la voie à la jouissance de tous les droits de l’homme et l’Éthiopie a souhaité savoir ce que les différents détenteurs de mandats attendent de la prochaine réunion de la COP 26, prévue à Glasgow. 

La mise en œuvre du droit au développement est pourtant en deçà des attentes, a constaté pour sa part la Chine qui a mis en avant les mérites de la coopération.  Par ailleurs, comment aider les pays en développement à surmonter l’impact de la pandémie?  Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a exhorté le système des droits de l’homme des Nations Unies à garantir l’opérationnalisation du droit au développement en tant que priorité, notamment à travers l’élaboration d’une convention sur le droit au développement.  Il a également renouvelé la proposition du Mouvement en faveur de la convocation d’une conférence internationale parrainée par l’ONU sur le droit au développement. 

L’Algérie a souligné que la pleine réalisation du droit des peuples à l’autodétermination est pertinent pour le droit au développement, attirant l’attention sur la situation des peuples qui vivent sous occupation étrangère.  Par ailleurs, la pandémie a-t-elle poussé la communauté internationale à examiner plus favorablement l’idée d’un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement?  Le moment est en effet venu de l’adopter, a déclaré l’Égypte, appuyé par le Cameroun qui a demandé aux titulaires de mandat leur point de vue sur les mesures qui pourraient être prises pour concrétiser le droit au développement.  Par ailleurs, l’appel en faveur des vaccins et la réparation des préjudices liés à l’esclavage peuvent-ils être abordés dans le cadre du droit au développement?  L’Inde a demandé aux rapporteurs leur avis sur les principes qui devraient être à la base de tout document contraignant pour le droit au développement. 

Le projet d’instrument contraignant a également été salué par le Pakistan, un avis qui n’a pas été partagé par l’Union européenne pour qui une norme contraignante n’est pas le mécanisme approprié.  De son côté, le Sénégal s’est interrogé sur les mécanismes à adopter pour favoriser la défense des droits économiques et sociaux des pays du Sud. 

« Quelle est la meilleure façon de proposer une revitalisation de la mise en œuvre du droit au développement?  Et comment celui-ci peut-il être réalisé totalement, y compris pour les migrants et refugiés», a enfin demandé le Maroc

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