Soixante-quinzième session,
66e séance - matin
AG/12324

L’Assemblée générale proclame 2022 « Année du verre » et s’engage à sauvegarder la mer d’Aral

 

L’Assemblée générale de l’ONU a adopté par consensus, ce matin, deux résolutions qui s’inscrivent dans ses objectifs de développement durable, l’une proclamant 2022 Année internationale du verre, et l’autre déclarant la mer d’Aral en Asie centrale, « zone d’innovations et de technologies écologiques ».

Elle a également adopté, à l’issue d’un vote, une résolution plus controversée, débattue en grande partie hier, autour de la notion de « la responsabilité de protéger » et de la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.  

La résolution intitulée « 2022, Année internationale du verre » met l’accent sur les vertus écologiques du verre, et sa vocation à remplacer des plastiques d’emballage.  L’Espagne, qui a présenté le texte, a promu ses vertus architecturales et technologiques, et le fait que ce matériau puisse être recyclé à l’infini.  Elle a qualifié la période actuelle d’« ère du verre », avec ses nombreuses applications modernes, comme dans la fabrication de câbles à fibre optique, d’équipements de laboratoire et dans le secteur de l’énergie photovoltaïque.

La résolution « Déclarer la mer d’Aral zone d’innovations et de technologies écologiques » vise à sortir la région de la mer d’Aral d’une crise environnementale et à la transformer en zone d’innovations et de technologies écologiques.  À cette occasion, l’Ouzbékistan a évoqué le Fonds international pour le sauvetage de la mer d’Aral dont l’objectif est de résoudre les problèmes internationaux de nature économique, sociale ou humanitaire dans la région.   

Pas de consensus, en revanche, autour de la résolution dédiée à « La responsabilité de protéger et la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité », adoptée tout de même par 115 voix contre 15 et 28 abstentions.  Par ce texte, l’Assemblée décide d’inscrire cette question à l’ordre du jour de sa session annuelle.

La résolution fut l’objet, hier et aujourd’hui, de débats illustrant la tension entre les principes de souveraineté des États d’un côté, et, de l’autre, ceux du droit international humanitaire et d’intervention en cas d’atrocités commises contre des populations vulnérables.  Pour illustrer leurs réticences, plusieurs États ont mis en garde contre des critères subjectifs.  Le danger du « deux poids, deux mesures » a été notamment dénoncé par le Pakistan, qui a mis en perspective l’application pratique de la responsabilité de protéger avec les événements en cours au Proche-Orient, en reprochant au Conseil son silence et son inaction « en raison de l’absence de volonté politique de certains États Membres ».  Dans le même esprit, l’Égypte a pointé de « nombreuses lacunes, notamment juridiques », et réaffirmé que la responsabilité de protéger incombait d’abord aux États Membres.  

La Fédération de Russie, pour qui le principe de responsabilité de protéger aggrave les « contradictions existantes » du système, estime que cette notion place le Secrétaire général dans une « position difficile », entre le marteau et l’enclume, interventions militaires pour protéger les populations d’atrocités et souveraineté des États.  À l’inverse, l’Albanie, favorable à la résolution, a rappelé que « c’est grâce à l’intervention de la communauté internationale au Kosovo » que les forces serbes ont quitté le pays.  « Trop souvent coupable d’inaction, la communauté internationale doit mettre fin aux atrocités de masse avant que les populations soient contraintes de fuir », a-t-elle tranché.  

Enfin, l’Assemblée générale a adopté sans mise aux voix un projet de résolution recommandé par la Cinquième Commission dans son rapport relatif au financement de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour

LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER ET LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE, DES CRIMES DE GUERRE, DU NETTOYAGE ETHNIQUE ET DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Déclarations (suite et fin)

Mme BESIANA KADARE (Albanie), qui a soutenu les discussions annuelles à l’Assemblée générale sur la responsabilité de protéger, a estimé que les recommandations du rapport du Secrétaire général devraient fournir des lignes directrices permettant d’améliorer la prévention.  Selon l’Albanie, la responsabilité de protéger est un principe fondamental pour prévenir les crimes contre l’humanité, l’épuration ethnique et les crimes de guerre: c’est grâce à l’intervention de la communauté internationale au Kosovo que M. Milosevic a dû se retirer du Kosovo, a tenu à rappeler la déléguée.  « Trop souvent coupable d’inaction, la communauté internationale doit mettre fin aux atrocités de masse avant que les populations soient contraintes de fuir. » 

Face à l’apparition de nouvelles tensions dans le monde, l’Albanie a souligné l’importance de la prévention dans le cadre de la responsabilité de protéger, encouragé le partage des analyses avec l’ensemble des États Membres, afin de partager des recommandations en matière d’alerte précoce, et appelé le Bureau à se faire entendre lorsque cela est nécessaire.  « Le silence ne fait qu’aider les auteurs de ces crimes », a appuyé la déléguée albanaise.  S’il est élu au mois de juin au Conseil de sécurité pour la période 2022-2023, son pays travaillera en synergie avec cet organe et le Conseil des droits de l’homme, a-t-elle assuré. 

Soulignant qu’il menait une vie paisible au sein de la communauté des îles de sa région, M. TEBURORO TITO (Kiribati) a indiqué qu’avec « nos voisins, nous avons déjà établi des pratiques pour travailler ensemble ».  En effet, nous nous sommes dotés d’un outil similaire à la responsabilité de protéger, « sophistiqué et complexe », a-t-il expliqué en évoquant la Déclaration de Biketawa de 2000 adoptée lors du forum du millénaire du Pacifique.  Cette déclaration représente à ses yeux « la responsabilité du Pacifique ».  Nous savions que l’interférence dans les différentes souverainetés n’était pas une bonne chose, a-t-il ajouté en comprenant qu’il y ait une certaine confusion.  Le Pacifique n’a pas connu l’histoire de l’Europe ou d’autres continents.  Il a souhaité que tout le monde puisse être comme au Pacifique « où chacun se respecte et où l’on n’oserait jamais interférer dans les affaires des autres pays ».  

Mme IRINA ALEXANDRA BARBA BUSTOS (Équateur) a rappelé que son pays avait toujours défendu la politique de la responsabilité de protéger pour garantir le plein respect des droits de l’homme.  Concernant la reddition de comptes, l’oratrice a rappelé que la Cour pénale internationale (CPI) jouait un rôle fondamental et a réitéré le soutien de l’Équateur à la Cour, dont le mécanisme présente des caractéristiques uniques.  À ce sujet, elle a lancé un appel aux États pour rejoindre le Statut de Rome.

Réitérant sa confiance dans les organisations régionales pour prévenir les conflits, Mme Barba Bustos a loué le système d’alerte précoce afin d’éviter les violences contre les populations vulnérables.  La responsabilité de protéger doit respecter une séquence chronologique précise, en plaçant toujours en premier la responsabilité des États de protéger leur propre population. 

Le recours à la force doit être exceptionnel, « en dernier recours », et uniquement après un vote du Conseil de sécurité.  S’il mérite une analyse plus poussée, le concept porte en lui une opportunité de progrès certaine, a conclu l’Équateur.

M. ANDRÉS JOSÉ RUGELES (Colombie) est revenu sur une déclaration prononcée la veille par le Venezuela, « régime illégitime », qui avait accusé son pays de « tolérance » à l’égard de crimes commis sur son territoire, ainsi que d’actions présumées contraires au droit international.  Le délégué a rejeté catégoriquement ces affirmations dont le seul but est de détourner l’attention de la situation au Venezuela, caractérisée par « un État en faillite », une « crise multidimensionnelle », « l’effondrement de l’ordre démocratique » et la souffrance d’un peuple plongé dans la pauvreté, qui réclame chaque jour sa liberté, ses droits humains et sa protection.  La Colombie, qui a toujours agi dans le cadre du droit international, travaille à la prévention de toutes les atrocités de masse, a insisté la délégation.  Elle a réaffirmé son attachement au droit international humanitaire et des droits de l’homme, et en particulier au principe de la responsabilité de protéger.  

Droits de réponse 

En réponse à l’Albanie, la Serbie a rappelé que l’intervention de l’OTAN dans la région des Balkans, voilà 22 ans, avait été réalisée sans l’aval du Conseil de sécurité.  « C’est un des exemples de l’utilisation de la responsabilité de protéger pour organiser une intervention militaire contre un pays souverain. »  La délégation a rappelé que 2 500 civils ont été tués lors de cette intervention, dont des enfants, sans qu’aucun compte ne soit jamais rendu. 

Le Venezuela a répondu à la Colombie, qualifiant ses accusations de « regrettables » et « infondées ».  Les pays voisins souffrent du « chaos intérieur » en cours en Colombie.  Des fosses communes y sont découvertes chaque jour, s’ajoutant à une liste de 11 000 personnes disparues entre 2018 et 2021.  Le Venezuela ne tient pas à être tenu pour responsable des problèmes propres au Gouvernement colombien.  « À quand une intervention de la communauté internationale en Colombie? » a demandé la délégation.

Décision concernant le projet de résolution A/75/L.82 « La responsabilité de protéger et la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité »

Explications de vote avant le vote 

L’Égypte a indiqué qu’elle voterait contre le projet de résolution qui contient selon elle de nombreuses lacunes, notamment juridiques.  Elle a jugé important de parvenir à un consensus sur ce principe, avant de l’intégrer dans l’ensemble du système des Nations Unies.  La responsabilité de protéger incombe d’abord aux États Membres, a réaffirmé la délégation.  Pour l’Égypte, la communauté internationale devrait aider tout en respectant le principe d’appropriation nationale et se concentrer sur la diplomatie. 

La Fédération de Russie a estimé, pour sa part, qu’une telle approche viole les promesses faites à l’Assemblée générale et aggrave les contradictions existantes.  Elle met également le Secrétaire général dans une position difficile, car elle lui ordonne de présenter un rapport sur une situation « incohérente ».  Il s’agit d’un sujet controversé, c’est pourquoi la délégation votera contre le projet de résolution et encourage les autres délégations à faire de même.

Contre ce projet, le Nicaragua a considéré que la responsabilité de protéger est une notion qui ne bénéficie pas d’un consensus, notamment parmi les pays de petite taille et les pays en développement.  Il s’est élevé contre la manipulation par des pays puissants et interventionnistes qui recourent à la force pour changer des gouvernements constitués de manière légitime. 

À son tour, l’Indonésie a indiqué qu’elle votera contre le projet de résolution parce que, d’une part la responsabilité de protéger n’a pas besoin de figurer tous les ans dans l’ordre du jour annuel de l’Assemblée générale, et, d’autre part, toute proposition ou idée visant à enrichir la discussion sur ce concept ne devrait pas dépasser le périmètre défini dans le Document final du Sommet mondial de 2005.  Les discussions ne sauraient transformer le concept en quelque chose qu’il n’est pas.  Au fil des ans, les divergences qui se sont manifestées appellent à la prudence.  Le représentant a insisté sur le fait que son vote ne saurait être interprété comme une prise de position contre la responsabilité de protéger.  Nous avons adhéré au consensus en 2005, a-t-il rappelé, et nous estimons que le renforcement du cadre normatif de la prévention au niveau national constitue un corollaire au principe selon lequel la responsabilité première de la protection de la population incombe à l'État concerné.

Singapour va s’abstenir, a annoncé la délégation rappelant avoir été membre du groupe d’amis sur la responsabilité de protéger depuis sa création.  Ce qui prouve « notre attachement au dialogue » sur ce concept.  Il nous incombe à nous États Membres de tisser la confiance.  « La résolution d’aujourd’hui représente une erreur et une occasion ratée.  Si nous adoptions cette résolution, nous laisserions de côté les profondes divergences. » 

Cuba s’est élevée contre la manipulation opérée par certains États, insistant sur la profonde divergence d’opinions entre les différents États Membres.  Bien plus, pour la délégation, la présentation de ce projet a mis en exergue ces divisions.  Tout en invitant les délégations présentes à réfléchir au risque d’adopter cette résolution, Cuba a souligné qu’elle votera contre le projet.

Pour le Pakistan, qui a dit s’abstenir, il s’agit de se concentrer sur le consensus et d’œuvrer pour rapprocher les positions.  Or, ces derniers jours, la question de la responsabilité de protéger a été mise à l’épreuve en raison de la situation en Palestine.  Alors que plus de 200 Palestiniens ont trouvé la mort, le Conseil de sécurité est resté inactif en raison de l’absence de volonté politique de certains États Membres.  La délégation a reproché au Conseil d’être resté « silencieux face aux souffrances de longue date des Palestiniens ».  Dès lors, l’appel à la reddition de comptes ne ferait qu’accroître le sentiment qu’il existe deux poids, deux mesures. 

DÉVELOPPEMENT DURABLE

Décision concernant le projet de résolution A/75/L.83 « Déclarer la mer d’Aral zone d’innovation et de technologie écologique »

L’Ouzbékistan a présenté le texte et rappelé que la crise de la mer d’Aral avait entraîné des bouleversements climatiques dans la région, créant des difficultés dans son pays qui, en collaboration avec l’ONU, a créé un fonds dédié, le Fonds international pour le sauvetage de la mer d’Aral.  Le Président du pays a proposé de transformer la région en « zone d’innovation et de technologie écologique » pour y promouvoir le développement durable et l’écotourisme dans la région, et éviter la désertification.  Le projet de résolution s’inscrit dans les efforts pour appuyer les pays de l’Asie centrale cherchant à appuyer les réformes pour éviter l’assèchement de la mer d’Aral.  

Après l’adoption de la résolution, le Kirghizistan a tenu à rappeler qu’il avait gelé son soutien financier au Fonds à cause de son « inefficacité » et de l’absence de réformes.  Il espère que celui-ci saura se réformer rapidement.  

INCIDENCE DE L’ÉVOLUTION RAPIDE DE LA TECHNIQUE SUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS ET CIBLES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Décision concernant le projet de résolution A/75/L.84 « Année internationale du verre 2022 »

Présentant le projet, l’Espagne a rappelé les vertus du verre en matière architecturale et technologique, et le fait que ce matériau puisse être recyclé à l’infini.  L’Espagne, qui a parlé de l’ère actuelle comme « l’ère du verre », a ainsi appelé à proclamer 2022 « Année internationale du verre ». 

La résolution est soutenue par plus de 1 500 organisations de cinq continents, s’est félicitée la délégation.  Le monde de la science, les universités, les centres de recherche l’appuient.  L’année du verre permettra de progresser vers un monde « plus durable, juste et solidaire », a promis l’Espagne.

Après l’adoption de la résolution par consensus, les États-Unis ont renvoyé à leur explication du 1er septembre 2015.  Les États-Unis ne soutiennent pas les appels aux transferts technologiques qui ne seraient pas volontaires ou mutuels.  Ils ont appelé les Nations Unies à faire preuve de prudence en matière de « musées » ou « d’activités éducatives ».

FINANCEMENT DE L’OPÉRATION HYBRIDE UNION AFRICAINE-NATIONS UNIES AU DARFOUR

Rapport de la Cinquième Commission (A/75/681/Add.1)

L’Assemblée générale a ensuite été saisie d’un projet de résolution recommandé par la Cinquième Commission au paragraphe 6 de son rapport relatif au financement de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour.  À son tour, l’Assemblée a adopté le texte sans mise aux voix.

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